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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

Cette étude a été préparée dans le cadre du projet sur les « Nouvelles tendances dans l'enseignement technique et professionnel »

dirigé par Françoise Caillods

Evaluation et certification des compétences et qualifications

professionnelles

Olivier Bertrand

Paris 1 9 9 7

U N E S C O : Institut international de planification de l'éducation

Les idées et opinions exprimées dans ce volume et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part de l ' U N E S C O ou de ГИРЕ aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes, zones, ou de leurs autorités, ni quant à leurs frontières ou limites.

La publication de ce rapport a été financée grâce à la subvention de l ' U N E S C O et aux contributions de plusieurs Etats membres de l ' U N E S C O dont la liste figure à la fin de ce volume.

Le texte de ce document a été composé en utilisant les micro-ordinateurs de ГИРЕ ; l'impression et le brochage ont été assurés

par l'atelier d'impression de ГИРЕ.

Institut international d e planification de l'éducation 7-9 rue Eugène-Delacroix, 75116 Paris, France

© U N E S C O juin 1997

Remerciements

L'initiative de ce travail revient à Françoise Caillods (IIPE), qui en a également suivi les progrès. Je tiens à la remercier ainsi que les nombreuses personnes qui m'ont fait bénéficier de leurs informations et de leurs commentaires, en particulier : David Atchoarena, Marie-Christine Combes , Danielle Colardyn, Jean Gordon, Peter Grootings, Jean-Louis Kirsch, Claudine Romani, Hilary Steedman et le Centre de documentation de Г Institut international de planification de l'éducation (IIPE).

Je dois mentionner également Catherine Bennett, Johanna Crighton, Jean-François Germe, Miriam Henry, Jackie Kraemer, Phil M e Kenzie, Claude Pair, Fatima Suleman, Stefania Szczurkowska, Janos Timar, ainsi que le centre de documentation du BIT. Les travaux de Marianne Durand-Drouhin et m a collaboration avec elle au titre de l'activité V O T E C de /' Organisation de coopération et de développement économique ( O C D E ) ont également été précieux.

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Table des Matières

Remerciements v

Introduction 1

Partie I. Problématique 5

1.1 Concepts et définitions 5

1.2 Pourquoi certifier : rôle de la certification pour les différents acteurs 6

1.3 A qui s'adressent l'évaluation et la certification 13 1.4 Objet de l'évaluation et de la certification 14 1.5 Responsabilité de l'évaluation et de la certification 19 1.6 Principaux modes d'évaluation 21

Partie IL Trois logiques a l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialises 27

2.1 La prédominance des diplômes d'Etat 28 2.2 U n e logique partenariale : le cas du système dual 38 2.3 La mise en place d'un système national de normes

de compétence 43

Partie Ш . Situation et problématique dans d'autres pays 69

3.1 Problèmes posés par la transition en Europe centrale 69 3.2 Le cas des pays en développement 78

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Table des matières

Partie IV. Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en œuvre 91

4.1 Les demandes du marché du travail, leur évolution et leur interprétation dans différents contextes 93

4.2 Les données institutionnelles et le rôle des acteurs 98 4.3 Esquisse d'un bilan : pertinence et faisabilité des

différentes approches 104

Conclusions et perspectives 114

Bibliographie 119

vin

Introduction

L'évaluation et la certification des compétences et qualifications professionnelles suscitent aujourd'hui un intérêt croissant dans beaucoup de pays. Cela peut s'expliquer par différentes raisons : volonté d'évaluer l'efficacité de systèmes de formation coûteux, de leur assigner des objectifs répondant aux nouvelles demandes du marché du travail, de maintenir un certain contrôle en contrepartie de la tendance à la décentralisation, nécessité d'adaptation aux exigences de la formation permanente.

Dans ce contexte, des études approfondies et bien documentées ont été récemment publiées, certaines d'entre elles donnant une perspective internationale. Ces études concernent presque exclusivement les anciens pays industrialisés. Tout en s'appuyant très largement sur elles, le texte qui suit n 'a pas la m ê m e ambition. П cherche plutôt à se situer dans la perspective des pays d'Europe centrale et orientale d'une part et des pays en développement d'autre part.

Beaucoup de ces pays ont entrepris une réforme complète de leur système de formation et s'interrogent sur la mise en place d 'un système d'évaluation et de certification entièrement nouveau. Ils se posent en particulier les questions suivantes :

• un tel système doit-il avoir un caractère national ? • un m ê m e système peut-il répondre à la fois aux besoins des jeunes

et des adultes, à ceux du système scolaire et du marché du travail et à quelles conditions ?

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

• quels dispositifs institutionnels et quelles méthodes sont adaptés à leurs besoins ?

• comment tirer parti des expériences des pays industrialisés et est-il possible de les transposer en tout ou en partie dans un contexte différent ?

Cette dernière question se pose tout particulièrement pour la démarche fondée sur les normes de compétence, adoptée depuis quelques années par plusieurs pays anglo-saxons et qui suscite beaucoup d'intérêt dans d'autres pays. Il s'agit donc ici moins de décrire les systèmes existants que de chercher à poser les problèmes, en soulignant les différences entre ces systèmes, leurs avantages, leurs limites et leurs conditions d'application dans des contextes variés.

Ces problèmes peuvent ouvrir sur des perspectives très larges, que ce soit dans le domaine de la pédagogie ou de l'économie de l'éducation (sur cet aspect, cf. Vinokur, 1995). O n se situera ici plutôt du point de vue de la planification et de la gestion des systèmes de formation, et le champ sera circonscrit aux qualifications professionnelles (à l'exclusion de l'enseigne­ment général) de niveau intermédiaire (à l'exclusion de l'enseignement supérieur).

Dans cet esprit, cette analyse comporte quatre parties :

e La Partie I évoque de manière générale les principales questions posées par l'évaluation et la certification, à commencer par les questions de définition ;

• L a Partie II montre commen t ces questions sont abordées dans le contexte concret de certains pays industrialisés ;

e La Partie III se réfère plus particulièrement aux problèmes qui se posent aux pays en développement et aux anciens pays socialistes ;

« La Partie IV s'efforce de faire le bilan de ces expériences, ainsi que des avantages et des limites des différentes approches.

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Partie I

Problématique

Partie I

Problématique

Après avoir clarifié les définitions, cette partie pose en termes généraux les questions de base sur les objectifs, l'objet et les modalités de l'évaluation et de la certification.

1.1 Concepts et définitions

Evaluation et certification se situent dans une suite de processus que l'on a pu résumer c o m m e suit (Gordon, 1993) :

e définition des objectifs de la formation ° conception de la formation • mise en œuvre de la formation • évaluation de la formation e certification • reconnaissance de la certification par le marché du travail.

L'évaluation peut être définie c o m m e une méthode et un processus par lesquels les qualités individuelles sont identifiées et mesurées, à un certain niveau.

La certification peut être définie c o m m e l'opération qui authentifie les compétences et savoir-faire d 'un individu par rapport à une norme formalisée. Elle se concrétise par un document qui a une valeur juridique (Analyse 1995). Suivant une autre définition, il s'agit de l'attestation de qualités individuelles, d 'un niveau de connaissances, de savoir-faire et probablement de capacités d'apprentissage (Durand-Drouhin, 1995).

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

L a certification porte sur les individus qui ont bénéficié d 'un enseignement ou d'une formation. Elle doit être distinguée de Y habilitation (« accreditation » dans la terminologie américaine), qui garantit la qualité des institutions de formation et qui ne rentre pas dans le cadre de cette étude.

Alors que la certification est généralement associée à la reconnaissance d'acquis obtenus par un système de formation formalisé s'adressant d'abord aux jeunes, la validation concerne la reconnaissance des acquis moins formalisés et plus divers des adultes.

L'évaluation se situe à la fois sur un plan pédagogique et institutionnel, alors que la certification proprement dite est davantage de l'ordre de la procédure et peut être perçue c o m m e une opération juridique ou administrative. Mais, pour tenter de répondre aux questions posées plus haut, ces deux étapes doivent être replacées dans leur contexte, par rapport à l'amont et à l'aval. C'est l'ensemble de la relation entre système de formation et marché du travail qu'il s'agit de prendre en compte, car l'évaluation et la certification se situent à la charnière entre les deux.

1.2 Pourquoi certifier : rôle de la certification pour les différents acteurs

L a certification peut répondre à une diversité d'objectifs, intéressant à des degrés divers les personnes qui en bénéficient, les employeurs et la société tout entière. D e nombreuses raisons militent en faveur d 'un système cohérent de certification, mais celles-ci peuvent aussi susciter quelques réserves.

(a) Les autorités éducatives

Pour le système de formation, la certification peut :

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Problématique

• contribuer à garantir le maintien d'une qualité à peu près constante de la formation, dans le temps, dans l'espace et entre différentes institutions ;

• ouvrir l'accès à une autre étape de la formation, qu'il s'agisse d'une formation technique supérieure ou d 'un enseignement supérieur de type universitaire et permettre le passage d'une institution à l'autre. O n peut noter à ce sujet que beaucoup de pays se posent aujourd'hui la question de savoir si la certification professionnelle ne devrait pas aussi ouvrir l'accès à l'enseignement supérieur, ce qui n'est généralement pas le cas ;

• éventuellement constituer ainsi un m o y e n de régulation quantitative des effectifs par un processus de sélection.

(b) Les individus

Pour eux, la certification peut en m ê m e temps constituer une garantie de qualité de la formation reçue (en supposant qu'elle soit sérieusement assurée) et du fait que l'investissement dans cette formation est reconnu et valorisé. La valeur de la certification pour les individus tient aussi au fait qu'elle peut donner accès à un niveau éducatif supérieur, à un emploi, ou encore à un certain prestige social. L a certification peut ainsi être un élément de définition de l'identité des individus et des professions. Elle peut constituer une ligne de démarcation entre ceux qui ont un diplôme et ceux qui n 'en ont pas, excluant ainsi ces derniers (Charraud et al., 1995).

Suivant la situation et l'évolution du marché du travail, l'importance relative de ces éléments peut varier : si l'accès à l'emploi est facile, il y a plus de chances pour que ce soit la valeur sur le marché du travail qui prédomine.

Dans la perspective actuelle de développement d'une formation permanente, la certification peut simplement constituer une étape, souhaitable ou indispensable dans une évolution à long terme (on reviendra sur ce point).

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

(c) Le point de vue des employeurs et la relation avec le marché du travail

L a certification peut constituer pour les employeurs un m o y e n de connaître les qualités, les connaissances et les savoir-faire de personnes qu'ils pourraient éventuellement recruter. L a certification a pour première fonction de permettre aux acteurs sur le marché du travail (employeurs et employés) de communiquer efficacement (Steedman, 1994). Autrement dit, elle joue un rôle de signalisation qui varie suivant les types d'emplois, et qui évolue selon les types de marché du travail.

Le terme de portabilité est parfois utilisé pour désigner la reconnaissance par les entreprises de la valeur de la certification sur le marché du travail (Colardyn, 1996).

O n reviendra sur le fait que la transformation des modes d'organisation du travail, des contenus d'emploi, des qualifications et des pratiques de recrutement des entreprises peut remettre en cause ce rôle de signal de la certification.

(i) U n e première distinction doit être faite ici entre les professions réglementées, dont l'accès est nécessairement conditionné par la possession d 'un diplôme (fonctionnaires, mais aussi médecins, avocats, architectes, et beaucoup d'autres) et les autres professions. Cette distinction a joué un rôle essentiel vis-à-vis du problème de la reconnaissance mutuelle des qualifications au sein de l'Union européenne. Le principe de la libre circulation des travailleurs impliquait l'abolition de toute barrière à l'accès aux emplois dans un autre pays. Il fallait donc impérativement trouver une solution, qui a consisté essentiellement à adopter un principe juridique de reconnaissance mutuelle des diplômes. Pour les autres professions en revanche, il ne s'agissait que d 'un problème de transparence, c'est-à-dire d'amélioration de l'information sur les emplois et les formations (Merle, Bertrand, 1993 ; Bertrand, 1996 a).

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Problématique

E n ce qui concerne les professions non réglementées, la question qui se pose est celle de la prise en compte de la formation faisant l'objet d'une certification pour l'affectation à un emploi et en déterminer les salaires. A cet égard, il existe de grandes différences suivant les pays. Dans un certain nombre d'entre eux, il n'existe aucune règle et l'employeur dispose d'une entière liberté. Dans beaucoup d'autres, il existe des classifications professionnelles qui font l'objet de négociations entre organisations patronales et syndicales. L e plus souvent, elles ne constituent qu 'un cadre général et leur application dépend des rapports de force entre partenaires sociaux. L a classification est néanmoins un élément essentiel de référence dans la négociation.

Ces classifications se réfèrent à des critères variables suivant les pays et suivant les branches d'activité. O n a pu faire une distinction entre trois grandes catégories :

les classifications qui se réfèrent principalement au poste de travail occupé, qui peut varier fréquemment pour un individu donné ;

• celles qui se réfèrent à un métier acquis une fois pour toutes, le plus souvent par apprentissage (et qui par là tiennent compte de la formation) ;

» celles qui ne tiennent pas compte de l'emploi occupé, mais de plusieurs caractéristiques individuelles, telles que le diplôme, l'âge et l'ancienneté (Eyraud, 1990).

U n système unique de classification des formations et des emplois ou des qualifications conduirait à classifier de façon rigide, ce qui va à rencontre des analyses sur la complexité des liens entre formation et emploi et la recherche par les employeurs de plus de flexibilité ainsi que d'une plus grande individualisation des rémunérations.

(ii) U n e deuxième distinction qui a une influence sur le rôle de la certification concerne les différents types de marchés du travail. П est classique (Eyraud et al., 1990 ; Marsden, 1993) de distinguer :

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

les marchés internes, dans lesquels la mobilité de la main d 'œuvre se fait principalement au sein des entreprises. L a qualification à l'entrée est déterminée par le diplôme, mais ensuite c'est la carrière dans l'entreprise qui est déterminante ;

• les marchés externes, dans lesquels les entreprises recrutent sur le marché du travail la main d'oeuvre dont elles ont besoin pour différents niveaux de qualification ;

• les marchés professionnels, dans lesquels la qualification acquise, en particulier par une formation certifiée, est généralement reconnue et transférable d 'une entreprise à l'autre.

Les marchés internes et les marchés professionnels sont associés à des systèmes différents de formation et d'acquisition de la qualification. Celle-ci s'acquière progressivement en cours d'emploi dans les marchés internes, principalement en formation initiale et notamment par apprentissage dans les marchés professionnels. Les types de marché sont également associés à des m o d e s d'organisation du travail : les ouvriers sont davantage inter­changeables dans les marchés professionnels, où ils ont reçu la m ê m e formation, alors que l'identification entre le poste de travail et le travailleur est plus forte dans les marchés internes.

Ces différents types de marché du travail sont traditionnellement plus ou moins prédominants suivant les pays ( comme on le verra plus loin), mais aussi suivant les catégories d'emploi : les marchés professionnels concernent en particulier les ouvriers qualifiés plutôt que les emplois de type tertiaire.

(iii) Ces distinctions ne sont pas stables, du fait de l'évolution des marchés du travail. E n particulier, les marchés professionnels sont fragiles, car ils supposent un contexte particulier caractérisé notamment par un certain consensus entre acteurs (Verdier, 1995). Ils tendent à l'heure actuelle à perdre de leur importance au profit des marchés externes.

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Problématique

O n reviendra sur ces questions dans les troisième et quatrième parties, car ces problèmes ne se posent pas nécessairement dans les m ê m e s termes dans les pays industriels avancés et dans les pays en développement.

Réserves possibles des employeurs vis-à-vis de la certification

Jusqu'ici, seuls les arguments favorables à un système national de certification des compétences professionnelles ont été évoqués. E n fait, on peut observer chez certains employeurs des réticences vis-à-vis de l'acquisition d'une qualification par leurs employés :

• d 'une part, ceux qui investissent dans la formation - initiale ou continue de leur personnel peuvent craindre que cet investissement ne soit perdu si les travailleurs concernés quittent prématurément l'entreprise, notamment à la suite d 'un débauchage par les concurrents. Cette crainte est d'autant plus forte que la qualification fait l'objet d'une certification reconnue à l'extérieur et dans les pays où prédomine un marché externe de la main d'œuvre peu régulé. C'est l'une des causes qui peut décourager les employeurs de faire un effort de formation, s'il conduit à une certification reconnue ;

• d'autre part, les employeurs peuvent craindre que si leurs employés ont une qualification formellement reconnue, ils s'appuient sur cet argument pour demander un statut et surtout une rémunération plus élevée, m ê m e s'il n 'y a pas de relation automatique entre certification et rémunération. Dans ce cas, ils auront tendance à donner la préférence à une formation peu formalisée, par exemple, acquise sur le tas dans l'entreprise, ou m ê m e à une main d'œuvre non qualifiée ;

e enfin, lorsque les employeurs ont la responsabilité du processus d'évaluation conduisant à une certification, ils peuvent considérer que ce processus leur coûte cher, alors qu'ils n 'en voient pas nécessairement l'utilité. Cela peut les dissuader, sinon de donner une formation, tout au moins de la formaliser.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

L'attitude des employeurs vis-à-vis de la certification est un élément décisif de sa promotion et surtout de son efficacité réelle. Cette attitude est déterminée par les conditions de fonctionnement du marché du travail et en particulier par leur appréciation du coût et des avantages d'une formation certifiée.

(d) La société dans son ensemble

A ce point de vue :

• l'existence d'un système national de certification peut donner une garantie d'égalité entre organismes de formation et régions, donc entre les citoyens qui bénéficient de la formation ;

» depuis quelques années, beaucoup de pays se sont souciés de l'élévation de la qualification de leur main d'œuvre, conçue c o m m e un élément essentiel de la compétitivité de leur économie. Dans cette perspective, la mise en place d 'un système de certification peut s'intégrer dans une politique d'ensemble. O n peut considérer que la reconnaissance de leur qualification incitera les individus à se former. Mais aussi, une politique d'incitation (notamment fiscale) peut s'adresser aux entreprises et conditionner les avantages offerts par la démonstration d'efforts de formation concrétisés par des résultats faisant l'objet d'une certification. Dans tous les cas, la certification peut être un instrument de repérage permettant de mesurer des progrès et d'évaluer des résultats qui n'intéressent pas seulement le système de formation, mais aussi le développement socio-économique dans son ensemble (Steedman, 1994, Lopes, 1992).

• Enfin l'existence d 'un système national de certification peut favoriser la mobilité de la main d'œuvre, car les travailleurs dont la qualification ne serait pas reconnue dans une autre région ou dans une autre partie d 'un Etat fédéral peuvent hésiter à se déplacer. Cet argument a aussi été transféré au niveau européen, pour rechercher des systèmes de reconnaissance ou de comparabilité des qualifications.

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Problématique

U n e analyse plus poussée du rôle économique de la certification sortirait du cadre limité de cette étude. Rappelons seulement que suivant la théorie la plus répandue, celle du capital humain, l'éducation et la formation donnent une valeur additionnelle à l'individu sur le marché du travail, la certification n'ayant qu'une fonction de contrôle de qualité. Pour d'autres théories au contraire (théorie du filtre), c'est moins la formation en elle-m ê m e qui a une valeur que le diplôme, par sa fonction de tri, ou de sélection des individus les plus capables et de signal (Carnoy, 1977 ; Vinokur, 1995).

O n reviendra également dans la dernière partie sur le fait que le rôle de la compétence et de la certification est susceptible d'évoluer et peut être analysé par rapport à l'évolution globale de l'économie internationale.

L a certification doit remplir une fonction de communication entre les acteurs, ce qui nécessite simplicité et lisibilité, cohérence dans le temps, fiabilité et pertinence par rapport aux qualifications recherchées par les employeurs (Steedman, 1996). Maintenir et adapter la valeur de signal de la certification, tout en permettant au plus grand nombre d'y accéder constituent aujourd'hui le défi à relever pour l'enseignement professionnel - dans le cas de la France tout au moins (Charraud, Bouder et Kirsch, 1995).

D . Colardyn (1996) analyse les systèmes nationaux en se référant à trois critères permettant d'évaluer l'amélioration de la transparence du système de formation ainsi que de ses relations avec le marché du travail :

» la transférabilité au sein du système éducatif ; • la visibilité pour les entreprises ; e la portabilité (reconnaissance de la qualification par les

employeurs) sur le marché du travail.

1.3 A qui s'adressent l'évaluation et la certification

O n peut distinguer essentiellement : les jeunes qui achèvent leur formation initiale et les adultes, employés ou à la recherche d'un emploi, qui

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

poursuivent une formation - générale ou professionnelle - spécifique à l'entreprise ou plus générique.

L a question de la certification des adultes s'était déjà posée à propos des étrangers, étudiants ou travailleurs immigrés, qui veulent poursuivre leurs études ou voir leur qualification reconnue par les employeurs. C'est pourquoi certains pays d'immigration ont acquis plus tôt que d'autres une expérience de nouvelles formes de certification s'adressant d'abord aux adultes (contribution du Québec, O C D E , 1996 a ; Colardyn, 1994).

Avec le développement de la formation permanente, la plupart des pays se soucient de plus en plus d'adapter la certification aux besoins particuliers des adultes. Cela pose notamment la question de savoir si les m ê m e s modalités sont valables pour les deux types de publics. C'est l'un des aspects du problème de l'unicité ou de la multiplicité du système d'évaluation et de certification, problème sur lequel on reviendra plus loin et qui est également lié à celui des objectifs (répondre principalement aux besoins du système de formation ou du marché du travail) et à l'objet de l'évaluation et de la certification : peut-elle prendre en compte les acquis de l'expérience au m ê m e titre que les acquis de la formation ?

1.4 Objet de l'évaluation et de la certification

A ce niveau, la question qui se pose est de savoir si l'évaluation vise plutôt les connaissances et les savoir-faire attachés à l'individu, ou bien les qualifications minimales requises pour réaliser un certain travail ou encore les connaissances et savoir-faire définis c o m m e composantes d 'un emploi et non pas d 'un individu. (Durand-Drouhin, 1995)

Dans le premier cas, il n'est pas nécessaire de préciser exactement les connaissances et savoir-faire, qui sont transférables d'une situation de travail à une autre. C'est l'inverse dans le second cas, où ces connaissances et savoir-faire sont spécifiques et donc peu transférables, mais peut-être fragmentaires et évolutives.

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Problématique

Dans la troisième, on s'attache à une image stable d 'un emploi ou d'une profession, dont la formation doit être le reflet.

Cette distinction résume de manière schématique trois approches qui seront illustrées dans la deuxième partie ci-dessous. Elle recoupe en partie l'opposition entre :

• l'approche globale : la formation, de m ê m e que l'évaluation, constituent un ensemble indissociable ;

• et l'approche modulaire : la formation ainsi que l'évaluation peuvent être fragmentées en éléments distincts. Mais ce terme peut lui-même recouvrir des réalités différentes. Dans certains pays, le fractionnement suppose que des éléments spécifiques peuvent se suffire à eux-mêmes et se combiner suivant différentes modalités, au choix de l'étudiant. D'autres pays ont une conception plus restrictive, suivant laquelle l'évaluation peut être assurée par étapes successives, dont chacune a sa valeur, ce qui permet à l'étudiant de progresser à son rythme. Mais ces étapes s'inscrivent dans un parcours qui a sa cohérence et qui ne permet que des combinaisons limitées.

L'approche modulaire, en particulier dans la première conception, prétend à une flexibilité plus grande. Dans les deux cas, on peut soutenir aussi qu'il présente l'avantage de ne pas laisser l'étudiant quitter la formation avant son achèvement sans avoir au moins une reconnaissance partielle de sa qualification. Mais on peut soutenir à l'inverse que ce peut être là une incitation à abandonner avant d'avoir terminé (Durand-Drouhin, 1995).

Suivant que la certification vise plutôt l'évolution au sein du système de formation (transférabilité) ou la reconnaissance par le marché du travail (portabilité), elle peut mettre l'accent plus ou moins sur les acquis scolaires ou sur la capacité à exercer une activité professionnelle.

U n e autre distinction sur laquelle l'accent est mis aujourd'hui, notamment dans les pays anglo-saxons, porte sur l'évaluation des résultats

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

(outcomes et outputs) et sur les performances du système de formation, par rapport à l'évaluation traditionnelle, plus centrée sur les moyens (inputs), locaux, équipements et surtout enseignants.

Mettre l'accent sur les résultats suppose davantage l'existence d'instruments de mesure, donc d'évaluation.

E n tout état de cause, l'objet de l'évaluation et de la certification doit se référer à deux dimensions : spécialité ou domaine de compétence et niveau.

Le découpage par spécialité ne suscite pas de difficulté majeure, dans la mesure où il se réfère à une réalité facilement identifiable, ou habituellement reconnue, qu'il s'agisse de disciplines scolaires (pour l'évaluation des connaissances), de savoir-faire ou compétences nécessaires à l'exercice d'un métier ou d'une fonction professionnelle.

L e découpage par niveau est simple si l'on se réfère à un modèle scolaire et à un nombre d'années de scolarité. Si l'on se place d 'un point de vue professionnel, il peut se rattacher à des classifications de postes (lorsqu'elles existent et sont suffisamment reconnues), ce qui implique une rigidité des définitions et de la relation entre compétence ou qualification individuelle et poste occupé.

L e problème devient beaucoup plus difficile lorsque l'on s'écarte de ces modèles. Si l'on veut apprécier le degré de complexité et de technicité des activités professionnelles, on se heurte au fait que celles-ci se situent sur un continuum sans délimitation claire et sont déterminées par une multiplicité de facteurs que l'on ne peut pondérer de manière objective (Merle, Bertrand, 1993). Des études américaines ont tenté de définir trois niveaux liés au caractère spécifique, sectoriel ou intersectoriel de l'activité (The Further Education Funding Council, 1994 ; Tucker, 1995). O n trouvera dans la deuxième partie plusieurs références à des systèmes comportant cinq à huit niveaux de compétence, ce qui conduit à évoquer le recours à la notion de compétence.

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Problématique

La compétence comme objet d'évaluation et de certification

A u centre du débat sur l'évaluation et la certification se trouve aujourd'hui la notion de compétence. Celle-ci suscite un intérêt croissant depuis quelques années, pour deux types de raisons :

• du côté des systèmes de formation, l'intérêt pour la compétence résulte de motivations très variables suivant les pays : approche plus centrée sur les résultats ( c o m m e on vient de le voir), critique d'une pédagogie traditionnelle trop orientée vers la connaissance, remise en cause des spécialisations traditionnelles, recherche d'une plus grande flexibilité des systèmes de formation, mais aussi de normes nationales (Grootings, 1994).

о du côté du marché du travail, l'intérêt pour la compétence peut s'expliquer également par la recherche de la flexibilité, face à la transformation des organisations, par la recherche d'une bonne information sur le potentiel de chaque individu et sur l'individualisation croissante de la gestion des ressources humaines (ibid).

Le fait que la compétence suscite des intérêts aussi variés, sinon m ê m e contradictoires, peut s'expliquer à la fois par la diversité des systèmes de formation et des problèmes qu'ils posent ainsi que par une certaine ambiguïté du concept.

Les définitions de la compétence sont innombrables. O n retiendra cependant que pour la plupart d'entre elles il s'agit de la capacité pour un individu d'exercer concrètement une activité professionnelle en mettant en œuvre ses connaissances, son savoir-faire et ses qualités personnelles. L'accent est mis sur le fait que la compétence se situe dans un contexte donné et au niveau individuel (Fragnière, 1996 a ; Le Boterf, 1994).

L a distinction entre compétence et qualification est d'autant plus difficile que ce deuxième terme fait lui aussi l'objet de beaucoup de définitions et d'une abondante littérature. Mais on peut considérer que

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

l'accent mis sur la capacité individuelle à remplir une fonction ou à exercer une tâche permet de distinguer la compétence par rapport à la qualification, notion plus générale qui peut concerner à la fois le travailleur et son positionnement social, notamment par rapport à un système de classification professionnelle.

O n a pu également opposer la qualification c o m m e capacité potentielle à la compétence, c o m m e capacité réelle, par rapport à un objectif et dans un contexte donné (Mertens, 1996) ; ou encore la compétence c o m m e inséparable de l'action, mais instable, alors que la qualification, plus liée à la formation et à l'expérience, aurait un caractère plus durable (Ropé et Tanguy, citées par Verdier, 1995).

Certains auteurs suggèrent que l'intérêt récent pour la notion de compétence pouvait avoir des implications idéologiques, dans la mesure où l'accent mis sur le caractère individuel de la compétence modifie les rapports entre entreprises et travailleurs, dont l'isolement est de nature à réduire la capacité de négociation (Courpasson, et al., 1993. Grootings, 1994).

O n reviendra sur la notion de compétence dans les parties suivantes, pour voir comment elle a été interprétée et mise en œuvre dans différents contextes.

L'évaluation des acquis

Depuis quelques années, l'attention se porte sur l'évaluation et la certification des acquis, qui se réfère en particulier aux acquis de l'expérience, par opposition aux acquis scolaires. E n Irlande, on utilise l'expression « accreditation of prior experience, achievement and learning » qui fait la synthèse de l'ensemble.

Sur un plan social, il s'agit de donner une seconde chance à ceux qui n'ont pas eu la possibilité de faire des études, mais qui ont acquis une expérience. Б s'agit de corriger les biais trop fréquents en faveur d'une

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Problématique

approche académique de la qualification. O n se place de plus en plus sur un plan économique, où il s'agit d'encourager le perfectionnement professionnel des adultes, en les incitant à acquérir une formation complémentaire qui sera reconnue. C e peut être une motivation importante pour les individus, pas nécessairement pour les entreprises (voir plus haut).

L'évaluation des acquis pose plusieurs types de questions :

• s'agit-il de valider les expériences acquises ? (quelles étapes de la vie professionnelle, quelles activités), ou de valider les acquis de cette expérience ? (ce qui revient à organiser une évaluation plus proche d 'un examen) ;

• se place-t-on dans une optique scolaire, en cherchant à satisfaire aux exigences d 'un diplôme (mais en recourant à d'autres critères) et en permettant éventuellement une poursuite d'études, ou bien cherche-t-on à sanctionner une formation reçue, en se plaçant uniquement dans une optique d'évolution professionnelle, indépendamment des diplômes ou des formations ?

• suivant la réponse à ces différentes questions, les modalités d'évaluation sont très variables et il peut être nécessaire d'adopter une approche individualisée rendant difficile la mise en œuvre d 'un système sur une très grande échelle.

1.5 Responsabilité de l'évaluation et de la certification

Cette question se pose à plusieurs niveaux : responsabilité de la définition de l'objet de l'évaluation, de la mise en œuvre de l'évaluation et de la délivrance des diplômes ou certificats.

(a) L'objet de la certification (connaissances, compétences ou savoir-faire) peut être défini par les autorités responsables de la formation, par les employeurs ou leurs représentants et par une combinaison entre eux. Le choix entre ces solutions a une grande importance pour l'orientation du système, non seulement sur le plan éducatif et économique (réponse aux besoins en main

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

d'œuvre qualifiée), mais aussi dans une perspective politique (pouvoirs respectifs des acteurs) et idéologique plus globale, c o m m e on le verra.

(b) L a question de la responsabilité technique de l'évaluation proprement dite (passation des examens) est abordée ci-dessous.

(c) L a responsabilité institutionnelle de la certification (délivrance des diplômes) peut incomber à des organismes publics, ministère de l'Education, ministère du Travail et ministères techniques, mais aussi à des organismes indépendants dont la certification est la fonction propre et qui doivent offrir une garantie d'objectivité et de compétence, à des Chambres de commerce et d'industrie, aux organismes de formation eux-mêmes , et à des organisations professionnelles ou aux entreprises.

Il peut sembler naturel que le champ géographique de la certification corresponde à un espace national. E n fait, on peut se trouver devant une diversité de situations : dans un pays fédéral, l'éducation et la certification peuvent relever de la responsabilité des différents états qui le composent. L a politique de décentralisation et la volonté de se rapprocher du marché du travail peuvent conduire à choisir un niveau inférieur. A l'inverse, la construction européenne à laquelle il a été fait allusion plus haut a posé le problème d'un espace plus vaste. Enfin, Г internationalisation de l'économie et des techniques peut conduire à sortir totalement des frontières traditionnelles (on y reviendra dans la dernière partie).

L a valeur de la certification varie naturellement suivant la répartition de ces responsabilités. U n diplôme ou certificat décerné par l'organisme de formation lui-même n'est reconnu à l'extérieur que si cet organisme bénéficie d'une habilitation officielle ou d'une image de qualité suffisamment bien établie. Dans ce cas, on se trouve dans une situation de marché concurrentiel. U n diplôme d'Etat est automatiquement reconnu pour l'accès à l'enseignement public et à des emplois du m ê m e secteur, mais pas nécessairement par le secteur privé. L a participation des employeurs à la certification constitue au contraire une garantie de reconnaissance sur le marché du travail (du secteur privé).

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Problématique

E n pratique, on constate souvent une combinaison de plusieurs types de certification dans un m ê m e pays, mais on peut identifier quatre situations caractéristiques, qui sont le reflet de l'organisation du système de formation :

• la formation professionnelle est assurée principalement dans des écoles, qui préparent généralement à un diplôme d'Etat et les diplômes professionnels s'insèrent dans le m ê m e cadre que ceux de l'enseignement général et professionnel ;

e la formation professionnelle est assurée le plus souvent par l'entreprise et il n'existe pas de système national de certification professionnelle ;

e la formation professionnelle est assurée conjointement par l'entreprise et par l'école, dans le cadre d 'un système institutionnalisé d'apprentissage qui conduit à une certification sous la responsabilité principale des partenaires sociaux, mais ce système est distinct de celui qui régit l'enseignement général ; la formation professionnelle est assurée sous la responsabilité d 'un ou plusieurs organismes nationaux, placés uniquement sous la responsabilité des employeurs, qui décernent des certificats distincts des diplômes de l'enseignement.

L a coexistence de plusieurs types de formation professionnelle pose la question des avantages et des inconvénients de l'unicité ou de la multiplicité des systèmes de certification. C o m m e le note une étude sur le Portugal, une certification unique risque de subordonner l'ensemble du système à une logique scolaire, alors que la logique du m o n d e du travail est différente. L a coexistence de deux systèmes risque de renforcer la dévalorisation des formations techniques et professionnelles, déjà très marquée dans la plupart des pays. O n peut donc juger souhaitable de jeter des ponts entre les deux systèmes (Lopes, 1992).

1.6 Principaux m o d e s d'évaluation

Trois distinctions peuvent être établies ici :

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

• entre l'évaluation interne, par l'enseignement ou le formateur et l'évaluation externe par un organisme extérieur, ou encore une formule mixte de jury comportant à la fois des formateurs et des personnalités externes, venant des employeurs et parfois des syndicats ;

« entre l'évaluation continue, en cours de formation et l'examen en fin de formation ;

• enfin entre modes d'évaluation : examens écrits, sous forme de rédaction ou de tests, examens oraux, travaux pratiques.

Chacune de ces modalités présente des avantages et des inconvénients. Le choix entre elles dépend largement de l'objet de l'évaluation. Les examens écrits sont traditionnellement prédominants dans l'enseignement général et scolaire. Lorsqu'il s'agit d'évaluer des qualifications professionnelles, ils sont notamment critiqués pour être trop académiques et trop éloignés des réalités du monde du travail et l'on donne généralement la préférence aux épreuves pratiques.

Mais les qualifications professionnelles ne se limitent pas à des connaissances techniques. Les rédactions et leur équivalent pour les examens oraux conviennent particulièrement lorsqu'il faut démontrer une combinaison de connaissances factuelles, de compétences logiques et de capacités de communication.

Cela pose le problème de l'évaluation des compétences « non objectivables » et notamment des compétences comportementales qui suscitent aujourd'hui un grand intérêt de la part des entreprises et dont l'évaluation soulève des difficultés. O n a suggéré que la formation en alternance pouvait fournir le meilleur cadre et l'évaluation « par les pairs », la modalité la plus appropriée pour résoudre ce problème ( O C D E , 1994 a). O n y reviendra dans la dernière partie.

* * * *

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Problématique

Conclusion

C e premier examen a fait apparaître une diversité de réponses possibles à chacune des questions posées par la certification. Le choix entre ces réponses est généralement lié à un contexte socio-institutionnel et impliquerait logiquement une double cohérence :

• cohérence entre les objectifs poursuivis (pourquoi certifier), qui ne sont pas les m ê m e s dans tous les pays, et les modalités adoptées (qui peut certifier, quoi et comment) ;

• cohérence entre le système de certification et les deux systèmes auxquels il sert d'interface : le système de formation et le système d'emploi (ou marché du travail).

Cette cohérence est normalement respectée dans les situations-types que l'on peut prendre c o m m e modèles de référence. Les cas concrets qui sont examinés ci-dessous montrent toutefois que cette cohérence ne peut pas toujours se vérifier dans la réalité, ou être remise en cause du fait des évolutions récentes du contexte.

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Partie II

Trois logiques a l'épreuve de l'expérience dans les pays

industrialisés

Partie II

Trois logiques a répreuve de l'expérience dans les pays

industrialisés

Trois situations-types

Pour éclairer les différences entre situations nationales, on peut se référer à trois situations-types, qui s'appuient sur des traditions culturelles et sur des cadres institutionnels bien caractérisés.

L a première est celle des pays dans lesquels l'Etat jouait traditionnellement un rôle dominant et qui avaient un système national de formation professionnelle, donnée principalement à l'école et conduisant à des diplômes d'Etat. L a France et d'autres pays latins illustraient bien cette situation jusqu'aux années 1980, mais ils ont c o m m e n c é à évoluer depuis.

L a deuxième situation-type est celle des pays où il existe un certain consensus entre pouvoirs publics (au niveau fédéral ou des états), institutions intermédiaires et partenaires sociaux sur les conditions de régulation du système de formation et du marché du travail, régulation à laquelle ils participent. L a certification constitue dans ces pays - les pays germaniques - un élément essentiel de cette régulation. C e modèle a été moins affecté par des modifications récentes, mais il n'est pas sans poser lui aussi quelques problèmes.

L a troisième situation concerne principalement les pays anglo-saxons, qui ont une tradition de décentralisation, qui n'avaient pas jusqu'à une date récente de système national de formation ni de certification et qui ont tendance à faire confiance aux libres forces du marché (marché de la

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

formation et marché du travail) pour assurer la régulation. Ils ont cependant éprouvé le besoin de mettre en place un nouveau système d'évaluation et de certification fondé sur les normes de compétence, qui se répand actuellement et suscite beaucoup de débats.

L'analyse qui suit sera principalement centrée sur ces trois situations-types, dans la mesure où elles concernent sous des formes plus ou moins adaptées bon nombre de pays et où leur évolution récente illustre un certain nombre de problèmes posés par la certification. Il sera brièvement fait allusion à quelques-unes des variantes par rapport aux pays illustrant le cas-type. П est clair que cela n'épuise pas tous les cas de figure possibles, mais nous ne prétendons pas faire une analyse exhaustive ; nous cherchons à mettre l'accent sur les problèmes.

2.1 La prédominance des diplômes d'Etat

A côté du cas-type représenté par la France, on évoquera également la problématique du Portugal.

(a) Le cas de la France

Le modèle traditionnel

Le système traditionnel français de certification, tel qu'il existait au cours des années 1970, pouvait se caractériser c o m m e suit :

e L'enseignement professionnel était donné le plus souvent dans des établissements scolaires et pour une faible part en apprentissage. Cet enseignement peut se situer aux niveaux secondaire et post-secondaire. П comporte toujours une part importante d'enseignement général (français, mathématiques, histoire-géographie, langue étrangère). Il conduit à un seul type d 'examen, défini au niveau national par le ministère de l'Education nationale, l'Etat ayant le monopole de l'élaboration et de la délivrance des diplômes. Cet examen s'adressait indifféremment aux jeunes et aux adultes

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

(ces derniers en petit nombre). L'unité du système de certification ne garantissait toutefois pas toujours le passage au niveau supérieur de l'enseignement, notamment pour le principal diplôme professionnel, le C A P (certificat d'aptitude professionnelle), qui ne permettait pas de poursuivre des études.

Traditionnellement, les examens professionnels étaient passés en une seule fois, avec un jury composé d'enseignants, de représentants des salariés et des employeurs, us comportaient des épreuves écrites, orales et des travaux pratiques.

• Alors que dans d'autres domaines les relations sont souvent antagonistes entre partenaires sociaux, l'Etat a constamment eu la volonté de favoriser le dialogue social en matière de formation : les diplômes de l'enseignement professionnel sont définis avec la participation active de Commissions professionnelles consultatives ( C P C ) auxquelles participent des représentants des employeurs et des organisations syndicales ; les partenaires sociaux ont une responsabilité majeure dans le financement et l'orientation de la formation continue.

E n matière de formation initiale, le point de vue des employeurs est pris en compte dans la définition des diplômes, en particulier lorsqu'ils ont des propositions à faire. Mais le ministère de l'Education impose parfois une politique et garde en définitive la responsabilité de la décision. D e plus, l'orientation générale et la structure du système, le contenu des programmes et la régulation des flux (sauf pour l'apprentissage) relèvent exclusivement des pouvoirs publics.

• Les marchés du travail internes étaient jusqu'ici prédominants, la mobilité professionnelle et l'évolution des carrières se faisant le plus souvent à l'intérieur des entreprises.

Les conventions collectives signées entre organisations patronales et syndicales définissent des grilles de classification qui servent de base à la détermination des salaires. Elles font de plus en plus fréquemment référence

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

au diplôme c o m m e un des critères de classification. C'est un argument qui peut être utilisé dans une négociation entre le salarié (éventuellement soutenu par son syndicat) et l'employeur. Mais en droit, les titulaires d 'un diplôme restent placés sur un pied d'égalité avec les salariés qui ont un niveau de formation équivalent, une expérience professionnelle suffisante ou reconnue. D e fait, les employeurs disposent d'une liberté d'appréciation de la qualification du salarié. L a certification de la compétence par le système éducatif n'emporte pas sa reconnaissance automatique par le marché du travail (Guilloux, Luttringer, 1993).

Les évolutions récentes

Beaucoup de changements sont intervenus au cours des vingt dernières années et ont entraîné un aménagement du modèle, sans le remettre fondamentalement en cause :

> • Relance de l'apprentissage. Les politiques suivies depuis plusieurs années ont notamment visé une relance de Vapprentissage et un développement des formations en alternance, mais dans lesquelles le rôle de l'école reste prédominant ;

> - Elargissement des diplômes et recours à la notion de compétence. Concernant l'objet de l'évaluation, il faut d'abord noter une volonté du ministère de l'Education nationale de limiter le nombre de diplômes pour pouvoir définir des objectifs professionnels et des contenus de formation plus larges. Mais cette orientation est parfois contredite par la demande des milieux professionnels qui souhaiteraient des formations plus spécifiques, soit pour répondre à leurs besoins particuliers, soit pour conforter l'image de leur profession.

Depuis les années 1980, les diplômes d'enseignement professionnel ont été conçus davantage avec pour objectif, non de recenser des connaissances acquises, mais de donner à l'étudiant la possibilité de démontrer qu'il « est capable de ... ». Ils sont définis en fonction de « référentiels d'emploi », qui correspondent à des professions/métiers entendus au sens large.

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

Cette perspective conduit, en passant du référentiel d'emploi au référentiel de formation, à recourir à la notion de compétence, dans un sens plus large toutefois que celui qui est entendu aujourd'hui dans un certain nombre de pays anglo-saxons (voir plus loin) et sans remettre en cause une approche globale de l'activité professionnelle.

Les interprétations diffèrent cependant quelque peu sur le caractère large ou spécifique du référentiel : pour certains, il y aurait une recherche d'adaptation mécanique des formations aux emplois ; pour d'autres au contraire, le référentiel ne vise pas un emploi précis, mais à décrire un ensemble d'activités professionnelles susceptibles d'être exercées à partir d 'un m ê m e cursus. Ces divergences d'interprétation peuvent en partie s'expliquer par le fait que la démarche suivie est assez différente suivant les secteurs d'activité (Verdier, 1995).

Les documents concernant chaque type d 'examen définissent, d 'une part des capacités et compétences, générales et appliquées, qui ont un caractère générique et d'autre part des savoirs et savoir-faire exprimés en termes de compétences et « d'être capable de ... ». Ces derniers assez précisément spécifiés.

> • Introduction des unités capitalisables. Le système traditionnel d'éval­uation par des examens organisés une fois pour toutes dans un cadre scolaire a fait l'objet de nombreuses critiques, en raison de son car­actère académique et artificiel. L'appréciation des compétences professionnelles ne se fait pas dans un contexte réel et les examens sont fondés sur le principe du tout ou rien, qui laisse trop de place à la chance. Le passage à un système d'unités capitalisables qui fragmente les objectifs à atteindre en plusieurs étapes a permis une évaluation progressive, ce qui met fin au principe du tout ou rien et introduit une certaine modularité. Mais l'impact de cette mesure est resté limité.

> - Evaluation des séquences de travail. Avec l'extension de la formation professionnelle jusqu'au niveau du baccalauréat (baccalauréat professionnel), des séquences de travail en entreprise sont devenues

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

obligatoires et font l'objet d'une évaluation spécifique, qui se situe dans un contexte réel. D est ainsi possible d'évaluer, sans créer des situations artificielles, des types de compétence qui ne peuvent l'être qu'en situation de travail (Bouyx, O C D E a, 1996).

> • Homologation de titres délivrés par d'autres institutions. E n ce qui concerne la responsabilité de la certification, le monopole de l'Etat a été aménagé dans un premier temps (1971) par la création de la procédure d'homologation. Elle consiste à attribuer un niveau (sur une grille nationale de six niveaux) à des titres délivrés par des ministères ou institutions autres que l'Education nationale (Charraud et al., 1995).

Dans un second temps, ce monopole a été remis en cause par la création de certificats de qualification professionnelle ( C Q P ) . Ceux-ci sont définis par les commissions paritaires de l'emploi dans lesquelles sont représentés les partenaires sociaux au niveau des branches d'activité économique, fis s'adressent en particulier aux jeunes formés en alternance dans le cadre des contrats de qualification. Il s'agit donc de « conférer à des formations organisées au sein des branches sous le contrôle des partenaires sociaux un label de qualité... consacrant ainsi l'émergence, aux côtés de l'Etat et avec son aval, d'autorités nouvelles dans un domaine qui relevait jusqu'ici de la seule puissance régalienne » (Guilloux, 1993).

П faut noter que ces certificats sont définis en termes d'objectifs à atteindre plutôt que de contenu, ce qui rapproche davantage cette démarche de celle des normes de compétence. Par rapport aux diplômes traditionnels, ils se différencient par le fait qu'ils visent une cible et couvrent un champ plus limité.

O n s'est interrogé sur la question de savoir dans quelle mesure ces nouvelles formes de certification étaient concurrentes ou complémentaires par rapport au diplôme d'Etat. П semble qu 'à l'heure actuelle on puisse plutôt conclure en faveur de la complémentarité (Verdier, 1995).

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

L a reconnaissance sur le marché du travail (portabilité) doit en principe être bien assurée : le lien entre certificat et classification professionnelle est plus fort et plus systématique que pour les diplômes traditionnels, du fait de l'implication des partenaires sociaux (Charraud et al., 1995).

Cela dit, l'impact des certificats de qualification professionnelle est dans l'ensemble limité jusqu'ici, mais il est très variable suivant le poids, le degré de structuration et l'attitude des organisations professionnelles des différentes branches. Certaines d'entre elles n'éprouvent pas le besoin de créer un nouveau dispositif s'ajoutant aux diplômes de l'Education nationale qui les concernent, ou souhaitent en limiter le nombre. D'autres donnent l'initiative aux entreprises pour demander la création de certificats, considérant qu'elles sont mieux placées pour définir le poste en termes de capacité et de compétence.

L a décentralisation intervenue au début des années 80, n 'a pas donné de pouvoirs aux régions en matière de certification. D a seulement été prévu que des formations professionnelles complémentaires pourraient être organisées dans les établissements scolaires à l'initiative des autorités régionales et pour répondre à des demandes spécifiques des employeurs. Il ne pouvait s'agir que de formations relativement courte, ne débouchant sur aucun diplôme.

A cet égard, le monopole de l'Etat n'était juridiquement pas remis en cause. Mais on a pu souligner que ces formations jouaient un rôle important pour répondre à des demandes spécifiques des employeurs, notamment en ce qui concerne des capacités personnelles « que le discours c o m m u n accole au terme de compétence ». Elles peuvent aussi jouer un rôle de pré­recrutement et remplir par là des fonctions que la certification remplit habituellement mieux dans le contexte allemand (voir plus loin) que dans le contexte français (Verdier, 1995).

Trois types de certification coexistent donc aujourd'hui en France. Mais une évaluation récente (Délégation à la formation professionnelle, 1995) souligne que les diplômes de l'Education nationale conservent une

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

Situation très largement dominante, non seulement dans la société mais aussi sur le marché du travail. Bien que les classifications professionnelles fassent de plus en plus souvent référence aux diplômes, la reconnaissance de la qualification, notamment pour la détermination des salaires, continue à dépendre en dernier ressort des entreprises. Dans le contexte actuel caractérisé par un fort niveau de chômage, celles-ci tendent à avoir des exigences élevées : le diplôme est souvent une condition nécessaire pour occuper un emploi, mais il n 'en garantit pas le niveau qui aurait été considéré c o m m e socialement normal.

La situation française fait l'objet d'interprétations contradictoires : les uns souhaitent un retour (peut-être irréaliste) à la reconnaissance quasi automatique du diplôme sur le marché du travail ; d'autres au contraire, considèrent qu'une prise en compte automatique du diplôme est contraire aux exigences de flexibilité de l'économie moderne (Kirsch, 1995).

Problèmes et perspectives

Les reconversions industrielles entreprises depuis une vingtaine d'années avaient commencé à poser le problème de la reconnaissance des compétences acquises par l'expérience. Aujourd'hui, pour un ensemble de raisons liées à la nécessité d'une adaptation économique, d 'un assouplissement du système de formation et d'une volonté de démocratisation, faciliter l'accès des adultes à la certification et développer la validation des acquis professionnels en se dégageant des traditions académiques, constituent des préoccupations essentielles.

Des centres de bilan créés au cours des années 1980 ont eu pour mission de donner aux individus un compte-rendu à jour des compétences acquises, en les incitant à s'en servir pour leurs négociations avec les employeurs et les aider à prendre conscience de la valeur de leur « capital humain ».

U n e loi promulguée en 1992 fait obligation aux organismes délivrant les diplômes de reconnaître les acquis professionnels des individus ayant

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

cinq ans d'expérience en les dispensant des épreuves correspondant aux compétences acquises pendant leur vie professionnelle. « Ceci nécessite un changement de pratique considérable de la part des acteurs : il ne s'agit plus de construire des épreuves, mais de reconnaître la réalité des compétences acquises à travers l'analyse des emplois exercés... Les examens doivent-ils désormais vérifier des acquis de type scolaires, ou vérifier des compétences correspondant à des situations réelles de travail ? » (Bouyx, 1996 a, p . 206).

A l'occasion d'une évaluation du système français de certification conduite en 1995 (Délégation à la formation professionnelle, 1995), il a été suggéré de dissocier la responsabilité de l'évaluation de celle de la formation, afin de réduire la tendance traditionnelle à l'académisme et d'ouvrir davantage l'accès à la certification à ceux qui n'ont pas suivi le cursus scolaire.

Le rapport s'est m ê m e demandé si le problème de la France n'était pas celui d'une certaine hésitation entre trois logiques, qui correspondent à peu près aux modèles originels analysés dans ce chapitre : la logique étatique, la logique de concertation et la logique de marché - m ê m e si la première reste prédominante (Analyse, 1995). O n a pu constater également que « le paysage institutionnel reste singulièrement embrouillé » du fait de la multiplication des dispositifs de formation et de certification et de la difficulté à définir des parcours de formation (Verdier, 1995).

U n nouveau rapport établi à la fin 1996 (Virville 1996) s'attache en priorité à la qualité et à la crédibilité de la formation professionnelle. Cela supposerait : la reconnaissance de la valeur de l'expérience professionnelle ; des pratiques pédagogiques souples mais cohérentes, pour pouvoir déboucher sur la reconnaissance d'une qualification ; et une plus large ouverture à ceux qui n'ont pas suffisamment accès à la formation.

Le rapport souhaite un système de validation des qualifications suffisamment souple et adaptable, mais aussi socialement reconnu, ainsi qu 'un dispositif accessible à tous d'évaluation et d'orientation professionnelle. П préconise la mise en place d 'un « dispositif national de

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

validation des acquis ayant la forme d 'un référentiel de compétence et structuré par filières professionnelles » (Virville, 1996).

Dans la perspective qui nous intéresse, ce rapport soulève deux questions :

• marque-t-il véritablement une étape importante dans l'orientation déjà ébauchée, « d 'un raisonnement en termes de formation à un raisonnement en termes de compétence, qui transformerait profondément les modes de pensée et d'action et créerait de nouveaux enjeux et un nouveau terrain d'action pour les acteurs concernés », malgré l'ambiguïté de la notion de compétence (Le Boterf, cité par Le M o n d e , 20.11.96) ;

• la mention d 'un référentiel de compétence implique-t-elle un rapprochement avec la démarche britannique fondée sur la définition systématique de normes de compétence (voir ci-dessous) ? Il semble que ce soit le cas, mais le débat sur ce thème ne fait que commencer. Le rapport reconnaît que la constitution d'un référentiel constituerait une œuvre de longue haleine, tout en considérant qu'elle pourrait s'appuyer sur des éléments déjà existants.

(b) Le cas du Portugal

Jusqu'au milieu des années 80, ce pays se caractérisait notamment par un faible niveau de scolarité et par une participation encore plus faible à la formation professionnelle. Il existait pourtant un système de formation assez comparable à celui de la France, comportant parallèlement un enseignement professionnel scolaire débouchant sur des diplômes d'Etat (supprimé après la Révolution puis rétabli), un système d'apprentissage et une diversité de formations professionnelles.

Les ambitieuses réformes entreprises depuis une dizaine d'années visent notamment à diversifier les voies de formation et à impliquer autant que possible les partenaires sociaux (Rault, 1994 ; Marçal Grilo, 1992). Ces

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

réformes ne pouvaient manquer de poser le problème de l'évaluation et de la certification, d'autant plus qu'à la m ê m e époque le Portugal rejoignait la Communau té européenne et souhaitait que le système adopté soit cohérent avec un éventuel modèle européen - question qui se pose également en Europe centrale, c o m m e on le verra dans la 3e partie.

Jusqu'à présent, la qualification était déterminée uniquement par les diplômes et les compétences acquises en entreprise n'étaient ni reconnues ni négociables à l'extérieur. L e système éducatif n'offrant qu'une faible diversité de qualifications, on chercha à définir d'autres instruments de reconnaissance et de valorisation des compétences détenues par les travailleurs portugais et acquises par la pratique professionnelle.

Ceux-ci devraient contribuer : à une revalorisation sociale, au renforcement des identités professionnelles et à la mise en place de filières dans les entreprise, ce qui stimulerait l'élaboration de projets professionnels de la part de travailleurs qui voient actuellement leur avenir bloqué.

« Le lien formation-certification-classification est fondamental dans ce contexte ... (ce qui implique) d'associer les partenaires sociaux à la conception des contenus et des modalités de formation, puis à la certification : ce n'est que c o m m e cela que ces certificats seront ensuite reconnus dans les conventions collectives et dans les pratiques de gestion des entreprises » (Lopes, 1992).

Concrètement, la mise en œuvre progressive des réformes a conduit à la création de commissions comprenant des représentants des organisations patronales et syndicales. Elles ont approuvé un certain nombre de diplômes professionnels. Ceux-ci s'inscrivent dans une logique de métier, sont souvent très spécialisés et ne sont pas fondés sur une méthodologie bien établie.

Le ministère de la Qualification et de l'Emploi créé en 1996 s'attache particulièrement à ces problèmes et a mis en route une vaste opération

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

d'analyse des profils professionnels, qui devrait permettre de mettre en place de manière plus systématique un ensemble de formations et de diplômes professionnels visant des objectifs plus larges. L a question de savoir si les m ê m e s diplômes peuvent certifier la formation initiale et la reconnaissance des acquis des adultes est posée, mais non encore résolue. Parallèlement, une concertation a été engagée avec les partenaires sociaux pour les impliquer dans l'effort de re-qualification et de reconnaissance des qualifications de la main d'œuvre. Cela peut entraîner une révision des conventions collectives, considérées c o m m e obsolètes, mais cela suppose surtout la coopération des employeurs.

2.2 Une logique partenariale : le cas du système dual

O n ne se référera ici qu 'à un seul pays, l'Allemagne, en tant que prototype du système d'apprentissage dual, qui implique un m o d e d'évaluation et de certification spécifique. L e contexte de ce pays peut être caractérisé c o m m e suit :

• П existe, c o m m e en France, un système national très structuré de formation professionnelle. Il comporte d'une part une diversité d'institutions scolaires se situant à différents niveaux et d'autre part et surtout un système d'apprentissage « dual » comportant une alternance entre école et entreprise. Compte tenu de son caractère dominant et de sa spécificité, c'est essentiellement de ce dernier qu'il s'agira ici.

• La formation professionnelle relève d'une compétence fédérale - alors que l'éducation est sous la responsabilité des Länder. L'apprentissage touche la grande majorité des jeunes (contrairement à la plupart des autres pays). A l'inverse de l'enseignement professionnel français, le rôle des entreprises est nettement dominant du point de vue du temps passé en formation et de l'attribution des places d'apprentissage. C'est en ce sens que l'on a pu parler d'une régulation par le marché (Lutz, in M ö b u s et Verdier, 1992).

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

Mais on pourrait aussi souligner que la régulation des flux d'apprentis par les entreprises n'est pas simplement le reflet des variations de la conjoncture ( c o m m e c'est le cas dans d'autres pays). Elle tient compte d'objectifs nationaux à plus long terme, qui font l'objet d 'un consensus entre Etat et partenaires sociaux ( O C D E , 1994 b).

• Sous l'égide d 'un organisme tripartite, l'Office fédéral de la formation professionnelle, il existe une concertation étroite entre tous les partenaires (Etat fédéral et Länder, organisations patronales et syndicales) pour la définition des règlements de formation du système dual, qui déterminent les objectifs à atteindre. Cette concertation est facilitée par le poids des partenaires sociaux, lui-même lié au fait que les syndicats sont très représentatifs et les organisations patronales très structurées et très puissantes, ce qui leur permet d'avoir une influence sur les entreprises qu'elles représentent. E n ce sens, on peut parler d 'une régulation par le consensus entre partenaires sociaux.

• Le marché du travail se caractérise par la prédominance des marchés professionnels, ce qui implique la reconnaissance de la qualification d'une entreprise à l'autre et d ' un secteur à l'autre, ce qui est lié aux caractéristiques précédentes de responsabilité et de représentativité des organisations professionnelles. L'ouvrier professionnel est tradition­nellement valorisé tout autant dans l'entreprise que dans la société. L a notion de métier reste fortement enracinée. L a définition du métier c o m m e emploi dans les classifications statistiques s'identifie à celle qui est définie par le règlement de formation.

Le système dual : évaluation et certification

L a législation sur la formation professionnelle qui fait l'objet d 'une concertation étroite entre partenaires sociaux définit les modalités de l'évaluation, de la certification et de l'organisation des examens.

Dans le cadre du système dual, chaque apprenti bénéficie d'une triple certification :

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

• la première est la plus importante. Elle résulte d 'un examen national, que passent tous les apprentis et auquel participent les entreprises ainsi que les écoles. E n principe, il vise une uniformité des procédures et des exigences, mais celle-ci est surtout assurée du fait de la reconnaissance par les pairs, chaque Chambre de commerce et d'industrie ou de métiers conservant une certaine autonomie dans l'organisation pratique de l'examen. A l'issue de celui-ci, un certificat est délivré par les Chambres. Il certifie que le niveau m i n i m u m d'exigence spécifié par le règlement de formation est respecté ;

» l'attestation délivrée par l'employeur donne des informations supplémentaires basées sur l'observation et l'évaluation à long terme ;

• l'attestation délivrée par l'établissement scolaire est locale et elle représente une évaluation continue de l'élève. Les lois de chaque Land explicitent les particularités de cette attestation ; il s'agit d'un rapport scolaire totalement différent de l'attestation délivrée par les employeurs.

C e triple système d'évaluation « prend en compte les objectifs et les standards souhaités par les employeurs, les syndicats, le gouvernement fédéral et les gouvernements des Länder » (Colardyn, 1996).

D u fait que les partenaires sociaux sont étroitement associés à la définition des règlements de formation et participent à l'organisation des examens, que les entreprises jouent un rôle déterminant dans la formation et que les marchés du travail de type professionnel prédominent, la certification est particulièrement bien reconnue sur le marché du travail. Les diplômes professionnels sont pris en compte par les classifications professionnelles faisant l'objet de conventions collectives, au moins lorsqu'il s'agit du m ê m e domaine professionnel.

Tendances récentes et problèmes

Les objectifs assignés à la formation duale depuis une vingtaine d'années

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

vont notamment dans le sens d 'un élargissement. « Jusqu'alors, on découpait et on définissait les métiers essentiellement à partir de la tâche à exécuter, si bien que dans l'industrie notamment on trouvait de nombreux métiers monovalents. Cela contribuait à perpétuer un extrême éparpillement des métiers et la vision du travail qualifié c o m m e activité d'exécution... O n s'est écarté encore plus nettement de cette conception à la fin des années 1970, lorsqu'on a défini la qualification pour l'assimiler à la compétence qui permet d'agir en situation professionnelle » (Berufliche Handlungskompetenz, cité par Colardyn, 1996, p . 91).

L a volonté de mettre en œuvre une approche large s'est traduite par ailleurs par un regroupement des formations, désormais moins spécialisées et par le caractère progressif de la spécialisation, dans certains cas à partir d 'une année c o m m u n e . Des qualifications « transversales » (compétences sociales, méthodologie, approche systémique, esprit critique) ont été définies.

Les objectifs à atteindre sont découpés par grand type d'activité et définis en termes de connaissances et d'aptitudes à transmettre. Ces définitions ont un caractère assez général, mais le fait que ces connaissances et aptitudes doivent être acquises en entreprise peut constituer une garantie du fait qu'elles sont reliées à une pratique professionnelle (par comparaison avec la France où ces acquisitions sont principalement scolaires).

U n e enquête récente a montré que dans l'ensemble les partenaires sociaux restaient attachés au principe du système dual et des dispositifs d'évaluation et de certification qui lui sont attachés. Il continue par ailleurs à soulever beaucoup d'intérêt dans le m o n d e . S'il rencontre aujourd'hui des problèmes, ce n'est pas tellement à la suite de critiques de fond mais parce qu'une partie des acteurs ont tendance à s'en détourner :

» d 'une part, dans un contexte d'intensification de la concurrence internationale qui les pousse à chercher à réduire leurs coûts, un certain nombre de grandes entreprises commencent à trouver que le système est trop coûteux et qu'elles auraient avantage à recruter

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

directement des jeunes diplômés déjà formés, ce qui pourrait leur permettre d'économiser le coût de la formation. Cette évolution va dans le sens d 'un affaiblissement des marchés du travail professionnels au profit des marchés externes.

O n a souligné par ailleurs que le type de qualifications requises par l'économie et la technologie moderne pouvait difficilement être développé dans de petites entreprises de type artisanal (Buechtemann et Vogler-Ludwig, 1993). L a récente tendance à la délocalisation de l'industrie allemande contribue également à réduire l'impact du modèle, dans la mesure où il s'adresse en priorité aux emplois industriels ;

• d'autre part, une proportion croissante d'étudiants souhaite -c o m m e dans les autres pays - faire des études plus longues et si possible poursuivre des études supérieures. Cela les conduit, soit à entrer en apprentissage à partir d 'un niveau plus élevé, soit à reprendre des études après la fin de l'apprentissage (ce qui implique une très longue durée d'études au total), soit encore à choisir un enseignement général les conduisant à l'université. Dans l'ensemble, la proportion des jeunes passant par le système dual commence à diminuer.

Cette évolution peut affecter indirectement le dispositif d'évaluation et de certification lié au système dual en en réduisant le poids relatif. Le dispositif lui-même faisait l'objet du bilan suivant à l'occasion du rapport présenté à la réunion de l ' O C D E ( O C D E , 1996 a) :

Ses avantages

e il assure une uniformisation des qualifications professionnelles et des résultats de la formation ;

• les employeurs reçoivent une information valable pour le recrutement de leur personnel ;

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

• l'uniformisation (au moins de principe) des qualifications est la base de la négociation salariale ;

• les apprentis sont motivés pour l'apprentissage du fait des avantages que les certificats confèrent à leur porteur.

Ses inconvénients

E n contrepartie, de ses avantages, le système d'évaluation fondé sur le principe d'exigences minimales uniformisées peut aussi avoir des effets négatifs :

• oubli des acquis antérieurs de la formation, négligence vis-à-vis des aspects éducatifs ;

• difficulté à évaluer d'importantes compétences de niveau plus élevé ;

» absence de prise en compte des standards minimaux de compétences mis en avant par des entreprises de pointe ;

• coût élevé des examens externes.

U n problème plus général est posé par la séparation complète entre les systèmes d'évaluation de la formation générale et de la formation professionnelle. Elle implique notamment une grande difficulté pour les diplômés de l'apprentissage à entrer à l'université, une lacune à laquelle on souhaite remédier ( O C D E , 1996).

2.3 La mise en place d'un système national de normes de compétence

Les expériences décrites ci-dessous méritent une attention particulière, dans la mesure où elles suscitent beaucoup d'intérêt dans le m o n d e , mais aussi beaucoup de débats. L a première d'entre elles concerne l'Angleterre, dont l'exemple a notamment inspiré (avec des variantes) l'Australie et la Nouvelle-Zélande, tandis que les Etats-Unis d'Amérique s'engagent actuellement dans une voie parallèle.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

2.3.1 L'Angleterre1

Contexte, objectifs et principes

C e pays se caractérisait jusqu'à la fin des années 1980 :

• par un fort niveau de décentralisation, impliquant l'absence d 'un système national d'enseignement, de formation professionnelle et de certification. Des organismes indépendants (tels que City and Guilds) décernaient chacun une diversité de diplômes et de certificats ; par un niveau assez faible de formation des jeunes, qui quittaient souvent le système scolaire pour chercher un emploi avant d'avoir acquis une qualification ;

e par la diminution du poids et du rôle de l'apprentissage traditionnel, qui - à la différence de l'Allemagne et de la France -ne comportait pas nécessairement une formation en entreprise et ne débouchait pas sur une certification formalisée. L a formation technique et professionnelle était assurée par une diversité d'établissements scolaires, notamment les Further education colleges et par les entreprises. Des dispositifs successifs se sont efforcés d'assurer aux jeunes un m i n i m u m de formation ;

e par la remise en cause du fonctionnement d 'un marché du travail qui était jusque là considéré c o m m e prototype du marché professionnel, dans lequel « les règles et les coutumes en vigueur (imposaient) l'apprentissage c o m m e condition d'accès à un grand nombre d'emplois manuels qualifiés, les h o m m e s de métier étant généralement classés au sommet de la hiérarchie ouvrière » (Eyraud, et al., 1993). Les classifications professionnelles tradi­tionnelles, qui prévoyaient des conditions rigides d'accès aux emplois ont été modifiées ou ont perdu de leur importance, en

1. L'Ecosse, qui dispose d'une autonomie en matière de formation, a mis en œuvre un système proche de celui de l'Angleterre, mais avec des variantes qui ne sont pas décrites ici, pour ne pas multiplier les exemples.

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

liaison avec la régression des entreprises industrielles traditionnelles et le développement du secteur tertiaire.

Cette évolution est à rapprocher de la politique de déréglementation qui a notamment conduit au développement d'emplois à temps partiel ou précaires et d'une volonté d'affaiblissement des syndicats. Elle est liée à la diminution du rôle de l'apprentissage. O n peut davantage parler aujourd'hui d 'un marché du travail externe que d 'un marché professionnel.

La nécessité d'un changement qui a notamment affecté la certification a été ressentie pour plusieurs raisons :

• les enseignements de type scolaire sont apparus c o m m e trop académiques et ne tenant pas suffisamment compte des besoins nouveaux du marché du travail ;

e le niveau de qualification de la main d'œuvre, pas suffisamment incitée à se former, était trop bas ;

• ce manque d'incitation était en particulier lié à la complexité et à l'absence de transparence du dispositif de certification.

A partir de ce constat, l'Angleterre a entrepris une série de réformes radicales. Dans le domaine qui nous intéresse ici, l'innovation majeure a consisté à créer un système national de qualifications professionnelles (National Vocational Qualifications, ou N V Q s ) . Celui-ci a été conçu par un organisme central (le National Centre for Vocational Qualifications -N C V Q ) Il visait à remédier aux inconvénients précédents, en :

• apportant plus de transparence et de simplicité, grâce à la mise en œuvre d 'un système unique de reconnaissance de la qualification ;

e incitant les institutions de formation à répondre plus directement aux besoins du marché du travail ;

• assouplissant les formes d'évaluation, ce qui les mettrait à la portée d'un public plus large ;

e facilitant par ces moyens l'élévation des qualifications de la main d'œuvre et notamment des travailleurs adultes.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

L e principe consiste à fonder l'évaluation sur les compétences et il a son origine aux Etats-Unis, mais il a été mis en œuvre de manière beaucoup plus systématique en Angleterre. П comporte trois éléments :

• l'accent mis sur les objectifs, chacun d'entre eux étant considéré de façon distincte ;

• ces objectifs doivent être spécifiés jusqu'à ce qu'ils soient clairs et « transparents », de façon à ce que les évaluateurs, les évalués et les « tierces personnes » soient à m ê m e de comprendre ce qui est évalué et l'objectif à atteindre ;

° il n'est pas tenu compte de la manière dont ces objectifs ont été atteints : il n'est pas nécessaire d'être passé par une institution donnée, ni d'avoir suivi une formation pendant une période spécifiée (Wolf, 1994). L'évaluation peut être faite en entreprise (en particulier celle dans laquelle travaille l'employé). Il n 'y a pas d 'examen écrit.

O n peut voir dans cette démarche une illustration de la tendance générale de la politique britannique, consistant à donner la priorité aux résultats de la formation plutôt qu'aux moyens (Ryan, 1995, Durand-Drouhin, 1995).

A cet effet, des organismes ad hoc (lead bodies) ont été créés pour représenter les entreprises des différents secteurs, us ont la responsabilité de l'établissement de « normes détaillées » (skill standards), qui sont traduites en profils et en unités de compétence avec le concours d'organismes accrédités pour l'évaluation, puis soumis à l'approbation du National Council. Les différents organismes de formation déterminent eux-mêmes le contenu des programmes qu'ils jugent nécessaires pour atteindre le niveau de compétence défini par les standards.

Il s'agit en particulier des Colleges of further education, éventuellement aussi des entreprises, dans lesquelles les assesseurs chargés de l'évaluation doivent avoir reçu une formation les déclarant aptes à cette fonction.

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

Aucune qualification qui ne s'appuierait pas sur ces normes ne serait reconnue, notamment par l'Etat, qui subordonne sa contribution financière à cette condition. U n e discussion formelle sur le programme ou une approbation des enseignants ne sont pas nécessaires. O n fait l'hypothèse que l'utilisation des normes garantira la qualité de ces programmes. Suivant une autre hypothèse fondamentale, « il existe pour chaque secteur d'activité un seul modèle identifiable quant à ce que doit être une performance « compétente », ce qui implique une vision rigide de l'organisation du travail (Wolf, 1994).

L a structure des N V Q s est modulaire, composée de groupes d'éléments de compétence et de critères de performance extrêmement détaillés. Par rapport à l'approche française des compétences : celles-ci se rapprochent de listes d'activités, sont définies de manière plus détaillée, ne sont pas hiérarchisées et n'ont pas de relation avec des savoirs. Le candidat doit démontrer qu'il a satisfait à chacun de ces critères et pas seulement à une partie d'entre eux.

Il n 'y a, en principe, pas de correspondance systématique entre profils d'emploi et profils de compétence. Les N V Q s sont indépendantes, à la fois des institutions de formation, des classifications professionnelles et de la structure des rémunérations (bien que ces liens puissent être reconstitués après négociation entre les parties) ( O C D E , 1994 c).

П faut souligner que la vocation première des N V Q s est de s'adresser aux adultes. Lorsqu'il s'est agi d'introduire le m ê m e type de logique dans l'enseignement initial, on a procédé à la mise en place des General National Vocational Qualifications ( G N V Q s ) . Elles diffèrent des N V Q s par plusieurs caractéristiques :

e elles ne se réfèrent pas à une activité professionnelle spécifique, et donc à des compétences moins précises et plus globales, mais à une large g a m m e d'activités ;

» elles définissent des compétences communes à plusieurs domaines d'activité (core skills) ;

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

• elles s'adressent principalement aux jeunes pour leur donner une culture technologique de base et peuvent préparer aussi bien à l'entrée dans la vie active qu'à la poursuite d'études. Leur apprentissage n'implique pas nécessairement le passage en entreprise ;

e elles relevaient au départ de la responsabilité du Department of Education alors que les N V Q s dépendaient du Department of Labour (qui ont fusionné depuis).

La préparation aux G N V Q constitue désormais une filière majeure de l'enseignement initial au niveau secondaire, car elle est suivie par une importante proportion des jeunes à ce niveau. La filière des N V Q s s'adresse à un plus petit nombre de jeunes, notamment les plus faibles. L a troisième filière est celle de l'enseignement traditionnel, qui est essentiellement un enseignement général. L'organisation générale est modulaire et les étudiants sont en principe libres de combiner des modules. Il faut souligner qu'à la différence de ce qui se passe en France et en Allemagne, le passage par les filières N V Q s et G N V Q s n'implique pas nécessairement une composante de matières générales (langue, mathématiques, etc).

Les anciens systèmes de certification (notamment City and Guilds) subsistent parallèlement aux N V Q s et G N V Q s , mais ils ont perdu de leur importance relative, car ils ne bénéficient pas du m ê m e soutien des politiques publiques. E n effet, les objectifs nationaux assignés à la formation sont définis par référence au nombre de titulaires de N V Q s et les financements publics sont de plus en plus liés aux progrès enregistrés vers les objectifs nationaux (Ryan, 1995).

Réactions et commentaires

L a démarche des N V Q s a fait l'objet d 'un grand nombre de commentaires, dont une bonne partie critiquent ou mettent en question, soit les hypothèses de base, soit les possibilités d'application pratique de la démarche.

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

Concernant les hypothèses de base, plusieurs auteurs soulignent que le modèle s'appuie sur une sociologie fonctionnelle et sur une psychologie « behavioriste », dont les fondements théoriques sont contestables. D e ce fait, la valeur de la démarche leur semble très douteuse (Marshall, 1994).

Ils s'interrogent aussi sur la question de savoir si l'addition de compétences fragmentaires peut suffire à fonder un processus éducatif global (Steedman, 1994). Dans la négative, la validité de la démarche pour la formation initiale serait contestable. « L e modèle du N C V Q évalue le résultat d'un mouvement (ou d 'un acte). Il n'évalue pas dans quelle mesure la personne formée a la capacité d'agir ou l'attitude nécessaire... L a procédure ne cherche pas à reconnaître les éléments cognitifs d'une activité qualifiée » (Marshall, 1994, p . 47).

C'est en partie pour répondre à ces critiques qu'ont été mises au point les G N V Q s , mais leur finalité et leurs conditions d'utilisation sont très différentes de celles des N V Q s .

O n a contesté également l'hypothèse suivant laquelle des nonnes de compétence « existent » déjà sous une certaine forme dans la réalité du monde du travail, le rôle des organismes sectoriels consistant seulement à les mettre en lumière et à les préciser (A. Wolf, 1994). Marshall souligne que les compétences retenues sont les seules possibles et ne laissent aucune place à d'autres modes de travail, ni à l'improvisation, ce qui implique une extrême rigidité du système.

Concernant davantage les conditions d'application de la démarche des N V Q s , Wol f constate avec Marshall que l'évaluation des normes de compétence et des niveaux de connaissances requise est très difficile dans la réalité. Les évaluateurs ne peuvent se dispenser de situer les critères dans le contexte du travail qui nous conduit à rechercher toujours davantage de précisions et à entrer dans une « spirale sans fin des spécifications ». Autrement dit, la simplicité du dispositif ne serait qu'apparente (Wolf, ibid).

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

L'objectivité de l'évaluation a été également contestée. Les N V Q s et, au départ au moins, les G N V Q dépendent souvent de l'évaluation faite par les formateurs et les enseignants. Le fait que les subventions publiques à la formation soient liées à la réussite aux N V Q s met les enseignants dans une position difficile : s'ils sont trop sévères et réduisent le taux de réussite, les ressources de leur établissement en souffriront (Steedman et Hawkins, 1994).

Pour Marshall, si les N V Q s ont réussi à apporter un peu d'ordre dans une situation chaotique, c'est au prix d'un appauvrissement de la formation des compétences, dû à la rigidité du système. « D e manière paradoxale, plutôt que de renforcer et de développer le processus de formation des compétences en Grande-Bretagne, le N C V Q est en train de superviser un processus de déqualification sur une échelle sans précédent » conclut-il. Le Centre pour l'éducation et l'emploi de l'université de Manchester craignait de son côté un désastre . . . of epic proportions (Hall, 1994).

Suivant une étude comparative de Steedman et Hawkins portant sur les formations du bâtiment, la mise en œuvre des N V Q s a impliqué un faible niveau d'exigences (plus faible qu'en France ou en Allemagne) sur les connaissances de base et une définition étroite des compétences. Les jeunes qui suivent la filière N V Q s ne suivent aucune formation générale, ce qui implique une grande inégalité avec les autres filières.

Pendant la première phase tout au moins, l'attribution des N V Q s s'est essentiellement faite à des niveaux très bas. La formation proposée par les employeurs demeurait essentiellement de courte durée, informelle et non certifiée (Ryan, 1995 ; Hall, 1994). Le fait que les représentants des employeurs aient la responsabilité exclusive de la définition des compétences à développer contribue, au moins dans certains secteurs, à leur donner un caractère étroit et purement instrumental. A u pluralisme qui marquait jusqu'à présent les options, risque de succéder un monolithisme favorable à un utilitarisme autoritaire (Rault, 1994).

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

Le caractère hautement centralisé et passablement rigide du nouveau système dans un pays de tradition décentralisée et pragmatique peut sembler quelque peu paradoxal. O n a pu s'interroger sur la cohérence entre un système de certification aussi réglementé d'une part et la politique continue de libéralisation du marché du travail d'autre part. Si celui-ci fonctionne en toute liberté, comment s'assurer de la reconnaissance des qualifications certifiées suivant le système N V Q ? ( O C D E , 1994 c).

Les bilans récents

Ces réserves et ces critiques émanaient généralement de chercheurs et de pédagogues. U n e appréciation plus positive, mais davantage orientée sur les modalités d'utilisation et les effets à court terme du dispositif, émane de deux séries d'évaluations récentes : l'une provenant de l'administration, l'autre d 'un évaluateur n o m m é par le gouvernement, qui a recueilli une diversité de points de vue, mais fait une large place à ceux des employeurs (Beaumont, 1995).

Plusieurs rapports des inspecteurs du Further Education Funding Council concernent la mise en œuvre des N V Q s et des G N V Q s dans les colleges of further education. Concernant les premières, l'un de ces rapports constate que les étudiants certifiés ont bien acquis les compétences requises. Mais il se demande si les étudiants ont bien acquis les principes sous-jacents aux compétences professionnelles et s'inquiète du niveau médiocre de certains d'entre eux en écriture/lecture et/ou arithmétique (literacy and/or numeracy) (Further Education Funding Council, 1994).

Le rapport note également que les collèges sont gênés par l'ignorance des entreprises concernant les N V Q s , leurs réserves vis-à-vis de la pertinence de celles-ci et l'incapacité ou le refus des petites entreprises de consacrer des ressources à la formation liée à l'emploi.

U n important travail d'évaluation des N V Q s et de leur équivalent écossais (les S V Q s ) a été réalisé en 1995 à la demande du gouvernement (Beaumont, 1995). В a comporté un questionnaire sur une grande échelle et

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

des entretiens avec de très nombreux représentants de toutes les catégories d'intéressés au dispositif. Ses conclusions peuvent être résumées c o m m e suit:

• Le principe des N V Q s est approuvé par la grande majorité de ceux qui ont été interrogés ; c'était le cas de 80 % des répondants et 85 % des employeurs ont estimé que le système donnait une compétence à leur personnel. Pour la grande majorité des employeurs, les bénéfices sont supérieurs aux coûts. Performances et motivations sont accrues, les travailleurs sont plus adaptables, la qualité de la production et des services s'est améliorée, la formation est plus rentable.

e Les critiques sur la mise en œuvre du principe sont cependant nombreuses :

(i) il existe une tension entre les exigences immédiates du poste de travail et une conception plus large des besoins. Il faudrait s'assurer que les qualifications essentielles (core skills) sont bien acquises et combiner les modules obligatoires et à option ;

(ii) au départ, on considérait que l'acquisition des connaissances n'était pas en elle-même importante. Б est maintenant clair que les connaissances et la compréhension sont importantes ; les spécifications sur ce point ne sont pas toujours assez claires et détaillées. Les avis divergent sur la question de savoir si l'évaluation de l'acquisition des connaissances et de la compréhension doit être intégrée dans les N V Q s ou se faire séparément ;

(iii) la qualité de l'évaluation doit être améliorée et son coût réduit.

Il faudrait développer l'évaluation externe, (iv) le poids de la bureaucratie est jugé trop lourd et l'information

insuffisante ; les mauvaises pratiques sont inacceptables et une culture de l'excellence doit être développée.

Le programme de développement ( U K Department for Education and Development, 1995) a notamment retenu de cette évaluation la nécessité de

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

développer des programmes de formation capables de promouvoir une compétence professionnelle complète, l'accent à mettre sur les core skills et la nécessité d'une assurance qualité. Ces orientations peuvent peut-être être interprétées c o m m e des aménagements, au moins partiels, par rapport à la conception initiale, dans le sens de la nécessité de renforcer la formation de base et de ne pas se contenter d 'un instrument d'évaluation pour garantir la qualité.

П est difficile de tirer des conclusions de l'opposition entre la diversité des points de vue qui viennent d'être résumés. O n peut seulement remarquer que les critiques portent surtout sur la valeur éducative de la démarche et sur ses effets à long terme, alors que l'évaluation s'attache surtout au fonctionnement du dispositif et à l'opinion des utilisateurs, en particulier les employeurs. O n peut se demander à cet égard si les intérêts des employeurs coïncident bien avec l'intérêt national.

L a généralisation du dispositif dépend principalement de l'intérêt et de la motivation des acteurs : Etat, étudiants et surtout employeurs. L'Etat s'est beaucoup engagé en conditionnant son aide financière au recours à la nouvelle démarche. Le soutien actif des entreprises semblait plus limité, au moins au cours des premières années, soit parce qu'elles perçoivent plus les inconvénients que les avantages d'une formation reconnue de leur personnel, soit parce qu'elles trouvent trop coûteuse la procédure de certification. D e manière générale, la capacité d'intervention des organisations professionnelles est réduite et c'est seulement dans les secteurs très structurés, où elles ont trouvé un avantage à la nouvelle démarche et l'ont activement soutenue, qu'elle a progressé.

E n formation initiale, les N V Q s semblent souffrir auprès du public du m ê m e déficit d'image que les filières professionnelles dans la plupart des pays, de sorte que seuls les élèves les plus faibles choisissent cette voie. Quant à ceux qui choisissent les G N V Q s , ils souhaitent le plus souvent continuer leurs études plutôt que d'entrer dans la vie professionnelle.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

Les appréciations vis-à-vis des G N V Q s sont généralement plus positives, mais le rapport des inspecteurs constate que l'évaluation et la notation des étudiants constituent toujours un gros problème. L e système d'évaluation est peu maniable et exige beaucoup de temps ; un système efficace et objectif pour garantir les normes reste à créer (Further Education Funding Council, 1995).

2.3.2 L'Australie

L e principe de la mise en place d 'un système de formation fondé sur les compétences (competency-based) a été adopté en Australie en 1989. П s'inscrit dans un vaste programme de réformes qui s'efforce de prendre en compte à la fois l'éducation, la formation et les relations avec le marché du travail. L a mise en œuvre de ce programme est progressive.

L e choix de l'approche par les normes de compétences est inspiré du Royaume-Uni (l'exemple en matière de formation venant plutôt de l'Ecosse que de l'Angleterre), mais les différences sont sensibles avec le cas de l'Angleterre :

(a) Il s'agit d ' u n vaste pays fédéral, dans lequel l'éducation relève de la responsabilité des états, qui sont jaloux de leurs prérogatives et où pouvaient se poser des problèmes de mobilité de la main d 'œuvre , liés à l'absence de reconnaissance automatique des diplômes entre les différents états. L a mise en œuvre d ' u n système national garantissant notamment la transférabilité et la portabilité des qualifications paraissait donc s'imposer tout particulièrement, mais soulevait aussi de plus grandes difficultés. E n m ê m e temps, la grande autonomie dont jouissent les états n ' a pas toujours permis une démarche aussi centralisée qu 'au R o y a u m e - U n i et il y a eu souvent des tensions entre la mise en place de normes au niveau fédéral et les politiques éducatives propres à chacun des états composant la fédération.

(b) L e contexte idéologique et social dans lequel la réforme a été entreprise était très différent de celui du Royaume-Uni . Traditionnellement, l'Etat et les syndicats jouent un rôle important. Les institutions

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d'enseignement et de formation étaient strictement contrôlées. Le gouvernement était travailliste à l'époque du lancement de la réforme. Tout en recherchant une ouverture vers le marché, il souhaitait un équilibre entre dé-réglementation et régulation par la création d'une série d'organismes publics (Henry, 1995).

L'influence des syndicats s'exerçait dans le cadre d 'un système centralisé de négociation, de conciliation et d'arbitrage, cohérent avec un développement de l'apprentissage plus important qu'en Angleterre et avec la perspective de la mise en place d 'un système national de qualifications. Ils se sont beaucoup attachés au processus de réformes. Celui-ci avait un caractère global et on en attendait un impact sur l'organisation industrielle. O n espérait que la classification fondée sur les tâches serait remise en cause et que la réforme permettrait de mieux reconnaître la classification des travailleurs dans le cadre de négociations de branche (Ewer, Ablett, 1996).

E n revanche, on peut se demander si la volonté de rapprocher les compétences et les classifications professionnelles n 'a pas contribué à la multiplication du nombre de niveaux (huit au lieu de cinq en Angleterre) et par là à une fragmentation encore plus poussée des unités de compétence. O n pourrait aussi craindre qu'une correspondance précise entre ces unités et la rémunération des travailleurs ne contribue à rigidifier davantage une organisation du travail passablement taylorienne et souvent encore peu adaptée aux nouvelles exigences de la compétitivité.

(c) Le système est mis en œuvre pour la formation professionnelle initiale aussi bien que continue et il est progressivement étendu à l'ensemble du système éducatif. Il est difficile de donner une image d'ensemble dans la mesure où l'enseignement secondaire n'est pas structuré en filières aussi distinctes que dans les pays précédents et où des éléments de formation générale et professionnelle peuvent co-exister. L a g a m m e très large des options possibles peut permettre une prédominance des formations professionnelles, donc celles qui sont aujourd'hui fondées sur les normes de compétence.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

Mais le taux d'achèvement des études secondaires étant aujourd'hui particulièrement élevé, on peut considérer que l'essentiel de la formation professionnelle se situe dans les collèges ( T A F E ) au niveau post-secondaire, donc après l'acquisition d 'un niveau suffisamment élevé de formation générale. Les enseignants tiennent compte des unités de compétence pour élaborer des programmes d'enseignement, ce qui peut permettre une approche plus pédagogique et plus globale. Pour les australiens, c'est là un avantage de leur démarche par rapport à celle de l'Angleterre, encore que l'on puisse penser que dans ce pays les Colleges of Further Education ne procèdent pas de manière très différente.

Suivant les objectifs assignés à la réforme, elle devrait présenter des avantages :

• pour les employeurs : système de formation souple, répondant à leurs besoins ; main d'œuvre qualifiée et adaptable ; qualité de la formation reconnue au niveau national ;

e pour les bénéficiaires : reconnaissance des acquis ; qualifications reconnues et transférables (portables) ; élargissement des possibilités de formation ; meilleures perspectives d'évolution professionnelle.

Les normes de compétence sont définies par des Competency Standards Bodies, organismes représentatifs des secteurs économiques et, dans certains cas, des groupes de professions intersectorielles. Elles sont promulguées par le National Training Board, organisme de droit privé dont la propriété est partagée entre la Fédération, les états et les territoires et dont la direction dépend à la fois des employeurs et des administrations. Les états qui composent la fédération se sont mis d'accord sur la reconnaissance mutuelle des nouvelles compétences, quel que soit le m o d e d'acquisition.

Il y a trois types de normes : normes spécifiques à un secteur ; normes inter-sectorielles ; normes propres à une entreprise particulière. Elles spécifient les connaissances et les compétences et leur application au niveau de performance requis dans l'activité professionnelle. D e plus, sept

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« compétences-clés » ont été définies. Elles concernent : la collecte et l'analyse des informations, la communication, la capacité de planifier et d'organiser, le travail avec d'autres et en groupe, l'utilisation des mathématiques, la résolution de problèmes, l'utilisation des technologies.

U n e analyse comparative du système anglais avec celui dont la mise en œuvre était en cours en Australie concluait qu'il ne fallait pas tomber dans le piège d'une définition trop étroite des compétences et que l'évaluation devait porter, non seulement sur la démonstration des compétences, mais aussi sur les connaissances et la compréhension (Hall, 1994).

La mise en œuvre du programme a notamment posé la question de savoir si les normes de compétence permettraient de reconnaître des compétences difficilement mesurables. Celles-ci sont particulièrement répandues dans des activités spécifiquement féminines, jugées traditionnellement peu qualifiées, faisant par exemple appel à des qualités d'attention ou d'habileté manuelle. Suivant la manière dont ces qualités seraient ou non prises en compte, les femmes pourraient bénéficier ou non du nouveau système (Henry, 1995).

Commentaires et bilan

C o m m e en Angleterre, l'approche fondée sur les normes de compétences a fait en Australie l'objet de vives controverses et d'une littérature abondante (Collins, 1993. Curtain et Hayton, 1995). L'éventail des opinions va de « l'engagement enthousiaste du militant... à l'acceptation du bureaucrate qui n 'a pas le choix ; . . . aux protestations horrifiées de ceux qui voient un rituel jargonnant remplacer un bon enseignement ; aux recherches montrant qu'au moins une partie du programme ne pourra pas être mise en œuvre ; et à l'argument suivant lequel le discours dominant est dangereux ... et met en danger des objectifs éducatifs essentiels pour une société démocratique » (Collins, 1993, p . 11).

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C o m m e en Angleterre, les critiques viennent surtout des chercheurs et des éducateurs, qui considèrent que les compétences sont définies de manière trop étroite et qui craignent une insuffisante prise en compte des objectifs éducatifs de l'enseignement professionnel.

D e leur côté, certains responsables syndicaux s'exprimant à la fin de l'année 1995 voyaient dans l'expérience une série d'occasions manquees : notamment en ce qui concerne les faibles qualifications, ces normes ne font d'après eux que refléter l'organisation existante et n'ont pas contribué à une meilleure reconnaissance de la qualification ; la décentralisation de la négociation salariale au niveau de l'entreprise qui est intervenue après le démarrage de la réforme et pendant sa mise en œuvre a remis en cause le caractère unificateur du système et la portabilité des qualifications ; la complexité du système, dû notamment à son caractère sectoriel (alors qu'une grande partie des emplois sont inter-sectoriels) a été souvent dissuasive pour les entreprises (Ewer, Ablett, 1996).

O n peut penser que l'attitude des employeurs constituera le facteur déterminant. Ceux-ci semblent partagés. Des désaccords subsistent sur la question de savoir si les normes de qualification doivent être définies au niveau de la branche ou du secteur et si elles doivent avoir un caractère obligatoire (ce que souhaiteraient les syndicats) ou facultatif (Curtain, 1994). Mais la difficulté majeure consiste sans doute à faire progresser une « culture de la formation », qui n'est pas très développée en Australie.

L e nouveau gouvernement conservateur a apporté des modifications au système de formation dans le sens d'une flexibilité plus grande et d'une meilleure réponse aux demandes des entreprises, considérant que le nouveau système ne leur donnait pas encore suffisamment satisfaction.

2.3.3 L a Nouvelle-Zélande

C e pays présente beaucoup de similitudes avec l'Australie, mais aussi des différences. E n particulier, il n 'a pas un caractère fédéral, ce qui a favorisé l'intégration d 'un système national ; il a renoncé plus tôt que

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l'Australie au système d'arbitrage et de négociations collectives nationales ; les programmes de formation sont, plus encore qu'en Australie, laissés à l'initiative des établissements.

Les raisons et l'esprit qui ont inspiré la réforme du système de formation et de certification sont très proches de ceux qui viennent d'être passés en revue, notamment la nécessité d'élever le niveau de qualification de la main d'œuvre pour rendre l'économie plus compétitive, d'inciter à la formation et de remédier à la dispersion des dispositifs de certification.

O n peut noter aussi le souci de diversifier les moyens et les modes de formation, d'ouvrir à la concurrence un marché de la formation et d'intégrer dans un système de certification des formations (notamment privées) qui restaient jusqu'ici à l'écart. Plus original est l'accent mis sur la nécessité de préparer les individus à une éducation permanente, mais aussi à l'internationalisation, en faisant référence à l'idée d'une généralisation des qualifications.

Après une série de rapports officiels sur la réforme du système de formation, la New Zealand Qualifications Authority a été créée en 1990. Elle a envisagé deux systèmes de qualification : le premier reflétait la division traditionnelle entre différents types et niveaux de diplômes. Le second, qui a eu la préférence à la suite de nombreuses consultations, implique le remplacement de tous les diplômes par un système unique.

C e National Qualifications Framework englobe aussi bien les qualifications générales que professionnelles, éliminant « la distinction artificielle entre enseignement général et professionnel ». П comporte huit niveaux de qualification conduisant à trois niveaux de diplôme : certificate, diploma, degree, ce qui recouvre l'enseignement supérieur. Chaque niveau se fonde sur le précédent et représente un élément supplémentaire, permettant une progression par étapes par un système de crédits.

U n certain nombre d'organismes chargés de définir des standards ont été reconnus, soit par la Qualifications Authority, soit par l'Education and

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

Training Support Agency. Tous les acteurs sont invités à contribuer à la définition de nouveaux standards et de nouvelles qualifications. La terminologie competency-based standards n'est pas employée et les standards comportent « toutes les connaissances, les compétences (skills), les attitudes et les valeurs nécessaires dans un domaine, ainsi que les différents contextes dans lesquels ils sont utilisés » (Registration, 1995).

Les définitions sont considérées c o m m e étant moins étroites qu 'en Australie (Lundberg, 1994). U n e liste de « qualifications essentielles » est très proche de celle des qualifications-clés australiennes.

L e Qualifications Framework vise notamment à intégrer compétences générales et appliquées, théorie et pratique. L'évaluation peut être assurée aussi bien par un organisme de formation que par un employeur. L e nouveau système veut ainsi abolir les frontières traditionnelles entre les institutions d'enseignement et de formation professionnelle. Les matières scolaires pourront désormais être évaluées en dehors de l'école, tandis que les écoles pourront préparer des unités de standards répondant à des qualifications spécifiques demandées par les entreprises.

Les organismes de formation feront l'objet d'une habilitation et seront autorisés à procéder aux évaluations, dans la mesure où ils auront pu faire la preuve des capacités et ressources nécessaires pour garantir la qualité. Lorsque la formation est assurée par des entreprises, l'évaluation sera assurée par une organisation accréditée, normalement les organismes de formation des branches professionnelles. U n contrôle extérieur veillera au respect des normes par les évaluateurs.

L'originalité de l'expérience néo-zélandaise tient surtout à la volonté d'intégration dans un seul cadre des institutions d'éducation, de formation et d'interpénétration des systèmes. Elle se distingue aussi par le fait que l'évaluation et la certification intègrent connaissances, compétences, quali­fications et par souci de qualité, implique de compléter l'évaluation des résultats (outcomes) par un contrôle des ressources et des moyens (inputs).

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

O n ne dispose pas encore d'une évaluation globale des résultats de ce système qu'il sera intéressant d'analyser.

2.3.4 Les Etats-Unis

Trois caractéristiques traditionnelles des Etats-Unis intéressent notre problématique :

• le système éducatif n ' a pas le caractère sélectif qui prédomine en Europe et le diplôme de fin d'études secondaires est attribué libéralement, en l'absence de normes de résultats. D ' o ù beaucoup de critiques sur le niveau insuffisant d'éducation et de qualification de la population (Marshall, Tucker, 1992) ;

» la décentralisation et l'autonomie locale sont très poussées, avec un m i n i m u m de contrôle et d'intervention du niveau fédéral. U n e diversité d'institutions décernent une variété de diplômes professionnels, dont la reconnaissance vis-à-vis des sources de financement et du marché du travail est liée à l'habilitation de l'établissement par des organismes indépendants ;

e le marché du travail est très peu réglementé et si les employeurs apprécient la formation professionnelle, il n 'y a généralement pas de règle ou de convention collective qui pourrait les conduire à en tenir compte.

O n considère que le manque d'homogénéité des états limite les possibilités d'uniformiser des normes d'évaluation et de certification. Bien que cette situation ne semble pas constituer un gros obstacle à la mobilité géographique de la main d'œuvre américaine, différents rapports et ouvrages déplorent l'absence de standards nationaux. Le fait est que, s'il existe de nombreuses initiatives dans ce sens, elles ne sont pas coordonnées (Marshall, Tucker, 1993 ; Office, 1994 ; O C D E 1996 a ; Steedman, et al., 1997). E n m ê m e temps, il faut rappeler que c'est aux Etats-Unis d'Amérique que sont nées les méthodes et techniques portant sur les indicateurs de performances éducatives, le financement lié aux résultats, l'analyse du travail et l'analyse des compétences (Steedman, et al., 1997).

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

Dans ce contexte, et avec l'idée de contribuer à mettre en place des modes d'organisation du travail plus performants avec une main d'œuvre également performante, il a été décidé de créer un système de normes de qualification (skill standards of qualifications). Il s'agira d 'un système de signalisation, s'adressant aux individus, aux employeurs et aux organismes de formation. Il devra permettre d'évaluer l'efficacité relative de différentes formations (Tucker, 1995).

C e système pourrait comporter trois niveaux de qualifications : celles qui sont requises pour un type d'emploi particulier, celles qui sont communes à un groupe d'emplois et celles que devrait posséder tout citoyen (analyse de problèmes, travail en équipe, etc).

Pour évaluer ou certifier ces qualifications, les employeurs et les syndicats définiront des normes que les candidats doivent satisfaire. Elles peuvent prendre la forme de descriptions et d'exemples de tâches se référant à une grille indiquant le niveau de performance requis pour être admis. Elles seront utilisées pour créer des systèmes de « portfolio» et d'examens. Ceux qui ont obtenu le certificat approprié auront la préférence en matière de recrutement, de promotion et de rémunération (Tucker, 1995).

П est intéressant de noter la philosophie de ce projet, mais ce n'est qu 'un projet et beaucoup de données qui conditionnent sa mise en œuvre restent à clarifier. C'est ainsi qu'une grande importance est attachée au processus d'évaluation, mais on ne précise pas encore en quoi il consiste. A côté de similitudes très claires avec le dispositif des N V Q s , il semble que ce soit l'une des différences sensibles dans la conception, avec une certaine volonté de définir des qualifications plus larges et de faire participer les syndicats par exemple.

П faut surtout souligner qu'il est prévu de maintenir un caractère volontaire à l'adhésion à ce programme. L'argumentation proposée par différents rapports, les études concernant l'avantage représenté par une main d 'œuvre qualifiée et l'effet de signal d 'un système de normes sera-t-elle suffisamment convaincante ? U n e réponse envisagée consisterait à favoriser

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

les industries qui adopteraient les nouveaux standards. Ceux-ci constitueraient ainsi un moyen de remettre en cause l'organisation du travail et les pratiques de recrutement en incitant à une évaluation de la qualification de la main d'œuvre (Marshall, Tucker, 1992).

* * *

Cette analyse peut être résumée schématiquement sous la forme du tableau comparatif ci-dessous. Celui-ci ne rend pas entièrement compte des évolutions et des nuances, et nécessite quelques commentaires supplémentaires :

• la réalité d'aujourd'hui dans les trois pays ne correspond plus exactement au modèle-type : le monopole de l'Etat français dans la certification n'est plus total et le système a c o m m e n c é à s'assouplir ; la prédominance du système dual en Allemagne est remise en cause et la certification concerne des qualifications plus larges que les métiers auparavant étroitement spécialisés ; en Angleterre, malgré la tradition de décentralisation et l'accent mis sur le rôle du marché, l'Etat a suscité la mise en place d'un système défini de manière centralisée et s'efforce de le promouvoir.

O n pourrait également caractériser les évolutions en soulignant que la France et l'Allemagne partent de systèmes fortement institutionnalisés et recherchent plus de flexibilité, alors que les pays anglo-saxons, qui n'avaient pas de cadre institutionnel sont au contraire à la recherche d'une cohérence nationale.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

Tableau 1. Trois logiques d'évaluation et de certification

France Allemagne

Formation professionnelle

Liens avec formation générale

Marchés du travail

Public visé

Responsabilité principale

Objet

Modalités

Certification décernée par

Transférabilité

Portabilité marché du travail

Principalement scolaire relance apprentissage

Apprentissage dual prédominant + écoles

Formation générale comprise dans formation professionnelle

Internes prédominants tendances externes

Professionnels prédominants

Principalement jeunes préoccupation pour les adultes

Ministère de l'Education

Connaissances Savoir-faire

Compétences larges

Partenaire sociaux

Qualifications correspondant à un

métier

Jurys mixtes (enseignants, employeurs). Epreuves écrites, orales et pratiques

Etat (Organisations professionnelles pour

CQP)

Oui, pour la plupart des diplômes

Inégale prise en compte par conventions collectives

Chambres de commerce

NON

Large prise en compte par conventions

collectives

Angleterre

NVQs GNVQs

Principalement scolaire Baisse apprentissage

Pas de formation générale

Traditionnellement professionnels dé-réglementation

D'abord adultes Jeunes

Employeurs

Compétences strictement Larges définies

Vérification des standards

Organismes/Entreprises accréditées

NON OUI

Généralement pas prise en compte

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Trois logiques à l'épreuve de l'expérience dans les pays industrialisés

Autrement dit, on peut observer un rapprochement des situations les plus extrêmes vers une position intermédiaire (diversification des modes d'évaluation et de certification en France, unification en Angleterre ; renouveau d'intérêt pour l'apprentissage des connaissances et souci de veiller à la qualité que ne garantit pas suffisamment la définition de normes en Angleterre). Dans certains cas, on peut parler de convergence, par exemple en ce qui concerne le souci partagé de valider les acquis.

e malgré tout, le poids des spécificités socio-culturelles et institutionnelles reste important, en particulier en ce qui concerne :

- le rôle de l'implication des acteurs et notamment des employeurs dans la relation avec le marché du travail ;

- l'opposition entre une conception globale des objectifs professionnels s'appuyant sur une formation générale et une conception plus modulaire, plus instrumentale impliquant une plus grande fragmentation ;

• le recours à la notion de compétence n'est pas en soi une différence majeure entre les pays, puisqu'on la trouve aussi en France par exemple. C'est l'interprétation plus ou moins large de cette notion qui les différencie, et plus encore l'esprit qui préside à la conception du système et le m o d e d'évaluation, qui reste très différencié.

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Partie III

Situation et problématique dans d'autres pays

Partie III

Situation et problématique dans d'autres pays

A partir de ce premier constat, on peut aborder dans cette troisième partie les problèmes qui se posent à d'autres pays. Si l'on se réfère à la typologie des systèmes de formation et des responsabilités de la certification proposée dans la première partie (1.5), on peut en trouver diverses illustrations en dehors des pays industrialisés traditionnels. Dans beaucoup de cas, il s'agit de la mise en place de dispositifs entièrement nouveaux ou de la refonte complète des systèmes existants.

3.1 Problèmes posés par la transition en Europe centrale

Les pays d'Europe centrale ont partagé un certain nombre de caractéristiques c o m m u n e s pendant la période de planification centralisée2 :

un système éducatif paradoxalement élitiste, la sélection se fondant à la fois sur des résultats scolaires et des critères politiques très conservateurs. C e système n'avait pas évolué depuis plusieurs décennies, les projets de réforme n'ayant pas abouti et manquaient de plus en plus gravement de ressources ;

° une formation professionnelle s'adressant aux ouvriers qualifiés et recevant une très forte proportion de chaque classe d'âge dans des filières étroitement spécialisées. Cette formation comportait une

2. Les paragraphes qui suivent ont été notamment inspirés par des commentaires reçus de Peter Grootings.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

faible composante d'enseignement général et était donnée le plus souvent dans des écoles liées à des entreprises où se déroulait un travail pratique;

• un fort contrôle centralisé sur les moyens (programmes, manuels, budgets, effectifs), mais pas sur les résultats de la formation, les entreprises ayant le contrôle du processus de qualification, sans souci particulier pour la qualité. Les diplômes n'étaient en fait que des certificats de fin d'études. Ils ne jouaient aucun rôle vis-à-vis de la poursuite d'études, puisque les universités organisaient leurs propres examens d'entrée ;

• ce système était cohérent avec une affectation autoritaire des diplômés, impliquant une très faible mobilité professionnelle. Les entreprises recrutaient moins en fonction de la qualité de la formation reçue que pour parer à toute éventualité. D'après certaines interprétations, le rôle des entreprises consistait moins à donner une formation qu 'à s'assurer d'une disponibilité en main d 'œuvre jeune ;

• il était également cohérent avec un m o d e d'organisation du travail (forte division du travail) et de la société, qui valorisait les fonctions techniques, au détriment des autres professions et avec une économie qui n'avait pas été touchée par la modernisation.

A u total, le conservatisme du système de formation et celui de l'économie pouvaient aller de pair, mais ils n'étaient pas favorables à la qualité de la formation professionnelle et ne préparaient pas à l'ouverture brutale sur une économie de marché.

A côté de ces caractéristiques c o m m u n e s , il faut signaler également un certain nombre de différences entre pays, résultant à la fois, du niveau de développement économique et des traditions éducatives, dont la mémoire s'était perpétuée malgré l'adoption de structures inspirées du système soviétique. L a Pologne était plus rurale et son enseignement était plus élitiste alors que l'industrie et l'apprentissage étaient plus développés en Tchécoslovaquie. E n Hongrie, une tradition plus inspirée de l'Autriche maintenait en parallèle un enseignement professionnel et un apprentissage.

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Situation et problématique dans d'autres pays

La transition vers l'économie de marché a entraîné d'importantes réformes des systèmes de formation, en particulier une remise en cause de la spécialisation au premier niveau de la formation professionnelle, un développement des formations professionnelles de niveau post-secondaire et, dans plusieurs pays, un mouvement de décentralisation et un dévelop­pement des formations privées.

Concernant l'évaluation et la certification, ces pays partagent au­jourd'hui une m ê m e préoccupation : se préparer à l'entrée dans l'Union européenne. Conscients du fait que la qualification de leur main d'œuvre n'est pas adaptée, ils souhaitent donc adopter des « normes de qualification européennes ».

Le programme « T e m p u s » de l'Union européenne a contribué à cette situation en facilitant les échanges avec l'Europe de l'ouest et en sensibilisant les pays de l'est aux niveaux de qualité pratiqués par les premiers en matière de programmes et de méthodes d'enseignement.

Parallèlement, et bien que l'enseignement professionnel ne soit pas prioritaire, des programmes de modernisation (bénéficiant généralement d'une assistance européenne ou de la Banque mondiale, et donc inspirés par une expertise extérieure) se sont attaqués au contenu des programmes. Inévitablement, cela a conduit à aborder le problème de l'évaluation et des normes de qualité. Cela d'autant plus que la qualité de l'enseignement général en Europe centrale était traditionnellement élevée et les enseignants y jouissaient d'un prestige élevé.

Par ailleurs, dans beaucoup de pays, le nouveau régime a adopté une nouvelle politique de décentralisation, impliquant notamment une large initiative des établissements scolaires pour modifier les contenus de formation et pour mettre au point des programmes expérimentaux. D u fait de cette diversité d'initiatives, il devenait nécessaire d'établir des normes de résultats au niveau national, autrement dit un système d'évaluation et de certification. Il ne fallait pas pour autant remettre totalement en cause la capacité d'initiative des échelons locaux et des écoles, qui supportent

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

difficilement les interventions centrales, volontiers considérées c o m m e inspirées par l'ancienne idéologie. L a souplesse et l'adaptabilité aux besoins locaux sont d'autant plus nécessaires que les grandes entreprises industrielles s'effondrent et que l'économie se diversifie.

Reste à savoir par rapport à quels critères peuvent être définies des normes de qualité et d'évaluation. A u départ, certains pays avaient tendance à penser que l'adoption de normes européennes de qualification pourrait à la fois faciliter leur entrée dans l'Union européenne et la mobilité de leur main d'œuvre qualifiée avec les pays d'Europe occidentale. U n e telle mobilité restait très théorique tant que les frontières étaient fermées, mais le problème peut se poser beaucoup plus nettement lorsque certains d'entre eux seront admis au sein de l'Union européenne.

L a difficulté, c'est qu'il n'existe pas véritablement de normes européennes de qualification. Б existe bien une Convention de reconnaissance établie par le Conseil de l'Europe, suivant laquelle les systèmes éducatifs des pays signataires sont considérés c o m m e « essen­tiellement égaux », mais c'est une question de confiance mutuelle et non de comparaison détaillée ; il s'agit plus de qualifications éducatives que professionnelles. D e toute manière, certains pays d'Europe de l'Est seulement ont signé la convention (Crighton, 1993).

E n ce qui concerne l'Union européenne, de m ê m e , il existe maintenant une reconnaissance de principe d'équivalence des diplômes pour les professions réglementées. Mais les efforts entrepris pour mettre au point des systèmes de comparabilité des qualifications ont rencontré des difficultés presque insurmontables, du fait des différences entre pays membres en matière de systèmes de formation, de fonctionnement des marchés du travail et des institutions concernées par leurs relations (Merle et Bertrand, 1993 ; Bertrand, 1996 a).

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Situation et problématique dans d'autres pays

Les pays d'Europe centrale ont pris conscience de cette situation, mais, faute de mieux, ils se sont inspirés des travaux du C E D E F O P 3 sur la comptabilité des qualifications, qu'ils ont collationné aux classifications d'emploi existantes pour commencer à définir des profils. La difficulté de cette démarche tient au fait que ces profils européens sont généralement le reflet d'une organisation du travail traditionnelle. Ils restent assez imprécis quant au niveau et surtout n'ont pas été particulièrement conçus pour constituer des référentiels de formation.

U n autre problème tient au fait que dans l'ancien système socialiste, les profils de formation et les classifications d'emploi servant à la détermination des rémunérations ne constituaient qu 'un seul et m ê m e système, inspiré par une logique administrative. Avec l'ouverture vers une économie de marché, la classification des emplois est en grande partie obsolète et la détermination des rémunérations dépend de l'état du marché et ne relève plus d'une décision administrative. Il faut donc reconstruire à la fois un système de référentiels de formation et un système de classification des emplois, mais c o m m e deux ensembles reliés de manière souple et non pas c o m m e un seul bloc rigide. C'est là une œuvre de longue haleine, qui requiert une concertation approfondie avec les partenaires sociaux.

La République tchèque

Ces problèmes peuvent être illustrés par l'exemple de la République tchèque. Б n'existait pas dans ce pays de système national d'examens, chaque école étant libre d'établir son propre système d 'examen à l'entrée et à la sortie. D ' o ù , suivant l'évaluation de la politique d'éducation conduite par l ' O C D E (1996 b), des inégalités et une diversité qui se sont accrues depuis le nouveau régime avec l'approche bottom-up, laissant l'initiative à des écoles pilotes de proposer de nouveaux programmes. Le développement des établissements privés contribue aussi à l'aggravation de cette situation.

3. Organisme européen chargé des questions de formation professionnelle.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

C e qui pose à la fois des problèmes de clarification, de contrôle de qualité et d'unification. Les diplômes de sortie des écoles professionnelles ont une valeur d'autant plus incertaine sur le marché du travail que les entreprises ont perdu le contrôle direct qu'elles avaient précédemment sur la formation de leurs futurs employés. Elles doivent donc, « soit faire confiance à la production des établissements scolaires, soit mettre au point leurs propres critères de recrutement, de formation en entreprise et de rémunération » ( O C D E , 1996 b) .

C e constat peut être rapproché de la première recommandation du rapport, visant à donner davantage la priorité à la qualité de la formation. La seconde recommandation concerne la transparence du statut de l'enseignement professionnel, des qualifications et la mise en place de procédures pour faciliter la reconnaissance des qualifications sur le marché du travail. C e type de question ne s'adresse pas seulement au ministère de l'Education ; il nécessite des consultations plus larges.

E n réponse à ces difficultés, le rapport évoque une certaine hésitation entre deux stratégies de développement de l'enseignement technique et professionnel. L a première va dans le sens d'écoles intégrées telles qu 'on peut en trouver dans différents pays anglo-saxons et au Japon. L a deuxième implique une différenciation par filière et niveaux et va dans le sens d'une distinction entre non-qualifiés ou semi-qualifiés, qualifiés et techniciens, plus conforme aux structures existantes en Europe continentale. Il est probable en effet qu'il existe dans cette région un certain consensus sur des notions telles que celle d'ouvrier qualifié ou de technicien, dont on trouve le reflet dans la classification en cinq niveaux en usage au sein de l'Union Européenne ( O C D E , 1996 a).

Mais il faut reconnaître que cette classification est excessivement vague et qu'il est difficile de proposer une méthode pour la concrétiser sous forme d 'un système de définition, d'évaluation et de certification des qualifications.

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Situation et problématique dans d'autres pays

Autres pays d'Europe centrale

C e constat peut sans doute se retrouver dans la plupart des pays voisins, où la décentralisation et la multiplication des expériences en matière de programmes laissent entier le problème d 'un dispositif national d'évaluation et de certification (Caillods, et al., 1995).

L a Hongrie a adopté un Acte sur la formation professionnelle qui place celle-ci sous la tutelle du ministère du Travail et prévoit plusieurs filières de formation. L a première correspond à un apprentissage assuré dans des entreprises artisanales et contrôlé par les organisations qui les regroupent. L a deuxième est assurée par des écoles et peut aboutir, soit à un certificat de fin d'apprentissage, soit à un diplôme de technicien avec une année supplémentaire, ce qui permet une poursuite d'études.

Enfin, la principale filière destinée à la formation d'ouvriers et employés qualifiés doit en principe être organisée suivant le modèle de la formation « duale » allemande. Cela implique d'une part un regroupement important des quelque 1.500 spécialités actuellement reconnues. Mais sur­tout, cela implique une participation active des partenaires sociaux et principalement des entreprises. Celle-ci est en principe assurée par la création d 'un Conseil national de la formation professionnelle qui a un caractère tripartite et par les Chambres de C o m m e r c e .

Mais, compte-tenu de ce que sont les entreprises dans le contexte économique actuel et de l'absence d'une tradition de représentation et de participation, ces dispositifs ont jusqu'ici un caractère essentiellement formel et le consensus entre partenaires est difficilement atteint. Le ministère du Travail joue un rôle prédominant dans le Conseil national et le système conserve un caractère très centralisé.

Les entreprises n'offrant que très peu de possibilités de formation en alternance, les conditions de fonctionnement d 'un système dual à l'allemande ne sont donc pas réunies (Caillods, et al., 1995).

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

E n ce qui concerne plus spécifiquement l'évaluation et la certification, les responsables du ministère du Travail ont pris une orientation intermédiaire entre les expériences allemandes et britanniques : les examens seront organisés suivant des modalités proches de la tradition allemande, mais les objectifs seront définis en termes de compétence, suivant une démarche plus proche de celle qui est mise en œuvre dans les pays anglo-saxons.

Il en est un peu de m ê m e dans les Länder d'Allemagne de l'est, où l'adoption pure et simple du système en vigueur à l'ouest a été décidée après la réunification. Cela comportait notamment l'introduction de trois filières d'enseignement secondaire au lieu d'une seule pour les dix premières années et l'on a pu regretter que cela ait entraîné la disparition de la possibilité d'une double certification (générale et professionnelle) qui existait antérieurement (Boehm, 1994).

L e système dual était moins éloigné de l'ancien système d'apprentissage dans la mesure où ce dernier se situait principalement dans des écoles d'entreprise. Les modalités propres à l'Allemagne de l'ouest y ont été introduites et le système fonctionne de manière formelle, mais la participation des entreprises n 'y est pas assurée de manière satisfaisante : peu d'entreprises sont prêtes à prendre des apprentis et ni les chambres consulaires, ni l'administration ou les partenaires sociaux ne peuvent influer de manière décisive sur le déficit en places d'apprentissage. L'Etat fédéral a dû se résoudre à financer la formation, contrairement à ce qui est fait dans les Länder de l'ouest (Giraud, 1995 ; Culpepper, 1996).

Ces expériences montrent qu'en l'absence d'un contexte économique favorable et d'une tradition de concertation entre partenaires, il est difficile, soit d'instituer un nouveau national d'évaluation et de certification, soit d'importer purement et simplement un système de type dual, dont le fonctionnement exige des conditions spécifiques (on y reviendra).

E n Slovénie, la réforme de l'enseignement est entreprise dans la perspective de l'entrée dans l'Union européenne et l'on souhaite partager les

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Situation et problématique dans d'autres pays

expériences des pays de l'Union et développer les échanges avec eux. Dés le début des années 90, un Livre blanc avait défini un certain nombre de priorités parmi lesquelles la compatibilité du système d'enseignement professionnel avec ceux de l'Union.

La Loi sur la réforme de l'enseignement professionnel adoptée en 1996 a créé un Conseil national de l'enseignement et de la formation professionnels comportant des représentants des partenaires sociaux et des écoles. Il aura en particulier la pleine responsabilité de l'approbation des programmes de formation, qui seront élaborés par un Institut national, également sous la responsabilité des différents partenaires. Des écoles pilotes sont chargées de faire des propositions de programmes dans différents domaines.

L a loi a également prévu une diversification des types de formation, dont l'une sous forme d'apprentissage, ainsi que le développement des formations privées.

Parallèlement, les ministères de l'Education et du Travail se préoccupent de la main d'oeuvre adulte qui n ' a pas de qualification reconnue, soit par suite d 'un abandon prématuré, soit parce que les formations récentes ne figurent pas dans la liste des qualifications formellement reconnues. Il est prévu de créer à cet effet des certificats professionnels, qui ne remplaceront pas les diplômes sanctionnant une formation, mais qui viendront en complément par rapport à eux.

Ces certificats seront probablement établis sous forme modulaire et se référeront à des normes nationales de connaissances ou de compétence. Ils représenteront un assouplissement important des modalités d'évaluation, car ils devront notamment permettre une reconnaissance des acquis. Ces objectifs sont proches de ceux qui sont poursuivis avec les normes de compétence, mais la Slovénie n 'a pas l'intention de mettre en œuvre ce type de démarche.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

C'est au contraire le cas de la Roumanie, où a été créé en 1995 un Council of Occupational Standards and Assessment a qui a été assigné un objectif ambitieux et global, qui dépasse le cadre de la formation professionnelle. П s'agit de définir des normes de compétences, suivant la terminologie britannique, mais en visant à la fois la mise au point de programmes d'enseignement général et de formation des adultes, la création d'un nouveau système de qualifications et l'évaluation des qualifications de la main d'œuvre. Le Conseil a commencé à élaborer des normes pour les principales activités professionnelles.

3.2 Le cas des pays en développement

Les pays en développement sont dans une situation assez spécifique en ce qui concerne le marché du travail, mais les systèmes de formation et de certification se rattachent le plus souvent aux modèles évoqués plus haut et sont confrontés à des problèmes comparables.

Le marché du travail

Dans ces pays, le marché du travail se caractérise par la coexistence de trois secteurs bien distincts : l'administration publique, une économie moderne faiblement développée et un secteur traditionnel ou « informel » dans lequel se situent souvent la majorité des emplois.

Dans les pays d'Afrique francophone par exemple, la tradition coloniale a privilégié une structure hiérarchique et une correspondance rigide entre diplômes et classifications professionnelles, qui s'inspire du modèle de la fonction publique et peut se refléter dans les conventions collectives (pour le Cameroun, Atangana-Mebara, 1984). Mais cette tradition a surtout concerné quelques grandes entreprises du secteur moderne, notamment les entreprises para-publiques, et des enquêtes récentes dans certains pays ont fait apparaître que dans la réalité les employeurs ne tenaient pas nécessairement compte des diplômes et des classifications.

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Situation et problématique dans d'autres pays

Mais surtout, l'expérience montre que les entreprises traditionnelles et les artisans n'attachent qu 'un intérêt très limité à la détention de diplômes professionnels préparés dans des écoles éloignées du monde du travail et dont les diplômés recherchent plutôt des emplois publics. Le recrutement se fait alors beaucoup plus en fonction de critères personnels et les petits patrons préfèrent former leur personnel eux-mêmes . Ils sont m ê m e enclins à préférer les non diplômés aux diplômés, ces derniers ayant souvent des prétentions exagérées.

Les emplois du secteur public, généralement recherchés, sont classés suivant une grille qui prend en compte les diplômes des deux premières catégories, mais pas de la troisième. Dans le secteur privé en revanche, il n'existe pas de convention collective et la classification est laissée à la libre appréciation des employeurs. Dans le cadre du dialogue social entamé a l'heure actuelle au Maroc, c'est une question qui fait l'objet de débats entre partenaires sociaux.

Les systèmes deformation et de certification

O n observe dans les pays en développement divers modèles d'enseignement et de formation professionnelle.

Le modèle d'un enseignement professionnel scolaire conduisant à des diplômes d'Etat illustré plus haut par le cas de la France se retrouve dans beaucoup de pays : en Afrique francophone qui a suivi ce modèle, mais aussi dans de nombreux autres pays tels l'Argentine, la Chine, l'Inde, le Mexique, Taïwan, etc.... C e modèle, à l'origine implanté avec l'appui de financements extérieurs est maintenant critiqué parce qu'il est coûteux, peu flexible et mal adapté aux demandes du marché du travail, et en particulier aux besoins du secteur informel.

Le manque de ressources et la pression des agences extérieures contribuent à amorcer des évolutions dans certains pays. Ainsi se mettent en place dans divers pays des systèmes de formation professionnelle financés par des fonds et co-gérés avec les entreprises.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

D'autres pays en développement ont suivi la tradition britannique de décentralisation et n'ont pas véritablement de système national de formation et de certification. Certains d'entre eux ont d'ailleurs continué à recourir à une certification attribuée par des organismes britanniques ou par leurs filiales (par exemple, aux Caraïbes).

Les pays d'Amérique Latine avaient développé un quatrième modèle basé sur l'existence en parallèle de formations scolaires traditionnelles et d 'un puissant système de formation et de certification financé et co-géré par les entreprises. Dans le contexte actuel ils sont eux aussi amenés à rénover et flexibiliser leur offre de formation.

L'absence d'un système national de certification, la diversification des offres de formations résultant du développement de centres de formation privés (notamment dans les services et le commerce), de la formation en entreprise (pour les techniques les plus spécialisées ou dans les secteurs de pointe) et la nécessité de mieux adapter les formations à l'évolution des besoins du marché du travail : tous ces facteurs ont suscité un intérêt croissant pour la mise en place ou la rénovation d 'un système de certification susceptible de donner une garantie de qualité et d'homogénéité.

A cette préoccupation c o m m u n e , les pays en développement apportent des réponses différentes, qui s'inspirent plus ou moins des modèles évoqués plus haut et qui tiennent compte de leurs traditions institutionnelles et culturelles. La première part du modèle de coexistence entre deux systèmes et cherche à l'adapter. L a seconde s'inspire du système dual de formation professionnelle, sans nécessairement en tirer toutes les conséquences, notamment en matière de certification. Enfin, beaucoup de pays sont aujourd'hui tentés par le modèle anglo-saxon d'évaluation des compétences.

3.2.1 L a coexistence de deux systèmes de formation et de certification

C e modèle consiste à confier la responsabilité de la formation professionnelle à un ou plusieurs organismes distincts du système éducatif

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Situation et problématique dans d'autres pays

en y associant les employeurs qui ont leur propre système de certification. O n peut en trouver des exemples en Amérique latine, mais aussi au Maroc et à Singapour.

Le cas du Brésil peut être considéré c o m m e exemplaire et il a longtemps joui d'une grande considération. Le fait que les employeurs aient la tutelle du système de formation professionnelle devait être de nature à garantir la reconnaissance de la qualification sur le marché du travail (ou la portabilité de la certification).

L'intensification de la concurrence internationale et le souci de la qualité conduisent notamment le S E N A I (organisme chargé des formations industrielles) à étudier la mise en œuvre d 'un système de certification répondant à deux objectifs :

« « dans une perspective d'éducation permanente, être facilement accessible aux travailleurs désireux d'acquérir une qualification plus élevée ;

e répondre aux demandes immédiates de certification des travailleurs expérimentés et satisfaire les exigences des entreprises en répondant aux normes établies par les systèmes internationaux de garantie de qualité ». ( S E N A I . Projeto Estratégico N A - 0 1 8 . Certificaçao ocupacional in Mertens, 1996).

Б est prévu que la réalisation de ce projet impliquera la participation de tous les acteurs à sa conception, à son exécution et à son évaluation, dans une démarche décentralisée. L a question est posée du rôle de l'Etat dans un tel processus, considérant que dans le passé c'était le plus souvent à lui que revenait l'initiative première.

A u Costa-Rica, depuis 1976, un service de l'Institut national d'apprentissage est chargé de mettre en place et de gérer un système de certification professionnelle. Il a procédé pendant six ans, avec les partenaires sociaux, à des analyses d'emploi, qui ont permis de définir 18 certificats professionnels. U n e Loi de 1983 donnait à l'Institut la

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

responsabilité de développer un système de certification du niveau de connaissances et de compétences des travailleurs, celles-ci pouvant être évaluées indépendamment de la forme suivant laquelle elles ont été acquises (Mertens, 1996).

Б faut pourtant mentionner que les formations dispensées directement par les instances centrales de formation apparaissent aujourd'hui quelque peu remises en question en Amérique latine, au profit d'une réponse encore plus directe aux besoins des entreprises. C'est ainsi que de nombreuses agences de formation s'efforcent d'encourager les formations dans des centres privés ou en entreprises. Elles sont appelées a jouer un rôle plus important c o m m e instances d'homologation et de certification (Weinberg, 1997). Le Chili constitue un cas extrême de décentralisation et de déréglementation. L a politique de décentralisation donne notamment à chaque établissement la responsabilité de la certification de la formation dispensée. Il ne semble pas que le problème d 'un dispositif national y soit posé pour l'instant.

D e manière quelque peu paradoxale, cette situation visiblement inspirée de l'approche libérale fait confiance aux mécanismes du marché en faveur dans beaucoup de pays anglo-saxons, sans tenir compte des efforts que font actuellement ces derniers pays pour mettre en place un système national, qu'il soit volontaire ( comme aux Etats-Unis d'Amérique) ou obligatoire (comme au Royaume-Uni et dans beaucoup de pays du Commonwealth).

3.2.2 Les tentatives d'adaptation du système dual

Le système dual est un système de formation qui, dans le modèle original allemand, s'accompagne, on l'a vu, d'un dispositif d'évaluation et de certification dans lequel les entreprises jouent un rôle essentiel, ce qui assure une bonne reconnaissance par le marché du travail.

Mais ces deux éléments ne sont pas nécessairement associés. Le modèle germanique de formation a été transposé ou est en cours de transposition dans de nombreux pays, notamment au Botswana, en Chine, en Corée du

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Situation et problématique dans d'autres pays

sud, au Nigeria, à Singapour, en Thaïlande, en Argentine, au Guatemala, au Honduras et au Pérou (Agudelo Mejia, 1993, B o e h m , 1994). Cette transposition est toutefois souvent partielle et elle n'implique pas nécessairement la mise en œuvre du m ê m e dispositif d'évaluation et de certification.

Ces adaptations sont aidées par les agences allemandes de développement et concernent particulièrement les ouvriers qualifiés de l'industrie du secteur moderne. L a tendance à la délocalisation de l'industrie qui semble s'accélérer actuellement en Allemagne pourrait inciter les entreprises allemandes à exporter le système dual dans les entreprises qu'elles délocalisent (Boehm, 1997).

A Singapour, un système dual inspiré par le modèle allemand a été adopté en 1990. Mais il est entièrement placé sous la responsabilité de ГInstitute of Education, qui définit les normes de qualification, procède aux évaluations et délivre les certificats, c o m m e pour les autres formations professionnelles. L'Institut est lui-même rattaché au ministère de l'Education, qui a la mainmise sur l'ensemble du système d'enseignement et de formation. O n est donc très loin du dispositif allemand d'évaluation et de certification, qui fait une très large place aux partenaires sociaux.

O n peut constater, avec U . B o e h m (1997), que le transfert du système allemand se limite généralement aux formations industrielles s'adressant au secteur moderne de l'économie. A u Nigeria, une initiative locale pour adopter un système semblable ne touchait qu'un nombre infime d'apprentis par rapport à ceux qui suivaient l'apprentissage traditionnel, principalement dans le secteur moderne.

O n reviendra dans la dernière partie sur les problèmes généraux posés par le passage au système dual.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

3.2.3 L'attrait d u modèle fondé sur les normes de compétence

L a démarche britannique fondée sur les normes de compétence semble tenter particulièrement certains pays, tels que le Mexique, la Jamaïque, Maurice et l'Afrique du sud.

Le Mexique

C e pays se caractérise notamment par une certaine faiblesse de l'éducation de base, par la qualité inégale des différents types de formation, par une fragmentation des formations techniques et professionnelles dépendant pour la plupart de divers sous-secrétariats et départements du ministère de l'Education et par une coupure entre le système de formation et les entreprises. Б n'existait pas jusqu'ici de système indépendant et uniforme de certification, ce qui apparaissait c o m m e un problème, notamment pour les formations privées et pour la diversité des programmes s'adressant aux travailleurs adultes.

E n relation avec la mise en œuvre du Traité de Libre échange, il est apparu nécessaire de relever le niveau de qualification de la main d'œuvre pour contribuer à la compétitivité de l'économie. Dans cette perspective, le besoin a été éprouvé de mieux évaluer les besoins du marché du travail, de mettre en place un système de formation adaptable et de définir un langage c o m m u n pour l'identification des qualifications. Il s'agissait au fond de mettre un peu d'ordre dans le système, de forcer les institutions de formation à se réformer et de redonner un rôle de coordination au ministère du Travail.

C'est dans cet esprit qu 'un important projet, dont la réalisation est prévue sur cinq ans, a été adopté pour la mise au point de normes de compétence, d 'un dispositif d'évaluation et de certification ainsi que de moyens pour promouvoir la demande de formation des travailleurs et des entreprises.

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Situation et problématique dans d'autres pays

C e projet est inspiré de l'exemple britannique et des orientations américaines. Б doit permettre de constituer un système orienté par la demande, alors qu 'on lui reprochait d'être essentiellement déterminé par l'offre de formation. Les bénéfices attendus de sa réalisation, pour les travailleurs, les entreprises, les éducateurs et le marché du travail, sont très proches de ceux qui sont définis dans les autres pays où une démarche semblable a été adoptée (Ibarra Almada, 1996).

D'ores et déjà, un Conseil de normalisation et de certification des compétences professionnelles a été créé. Des Comités de normalisation composés de représentants des employeurs, mais aussi des salariés (ce qui n'est pas la règle en Angleterre) et assistés d'experts, sont chargés de définir des normes nationales de compétence qui seront soumises au Conseil pour approbation.

C o m m e aux Etats-Unis, on distingue trois types de compétences : compétences de base que doit posséder tout travailleur, compétences c o m m u n e s à diverses professions et compétences spécifiques. Les compétences doivent être définies suivant cinq niveaux et en fonction de trois critères : diversité de l'activité, degré de complexité et autonomie du travailleur.

Parallèlement à la définition de normes de compétence, des organismes sont mis en place, chargés de la certification, accrédités auprès du Conseil de normalisation et de certification des compétences professionnelles. Us doivent mettre au point les critères et les instruments d'évaluation, procéder eux-mêmes à des évaluations, mais aussi accréditer et contrôler des centres d'évaluation, constituer une base de données sur l'évaluation et former les évaluateurs. fis doivent être financièrement indépendants et tirer notamment leurs ressources des droits payés pour bénéficier d'une telle évaluation.

L'évaluation ( c o m m e dans les pays anglo-saxons) doit être indépendante des conditions d'acquisition de la compétence. Les personnes qui auront passé les tests approuvés recevront automatiquement un certificat national. La certification doit avoir un caractère volontaire, répondant à la

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

demande de l'intéressé. Elle doit correspondre à un format unique, qui devrait être largement reconnu et accepté c o m m e source d'information pour le marché du travail. Le processus devrait être transparent et chacun devrait y avoir librement accès.

U n e particularité de ce programme est l'accent mis sur les actions de promotion visant à obtenir le soutien et la participation des travailleurs et des employeurs, par des réunions de travail, la diffusion de documents et des campagnes médiatiques. Des incitations plus concrètes sont prévues : un prêt de la Banque mondiale doit notamment permettre, au moins durant la phase initiale, de financer des actions de formation et d'évaluation dans les petites entreprises et de rembourser une partie du coût de l'évaluation supporté par les entreprises. П devrait également permettre d'encourager certains groupes de population (jeunes, chômeurs, non-qualifiés) à participer au programme et de rembourser aux individus l'essentiel du coût de la certification (Ibarra Almada, 1996).

La Jamaïque

A la Jamaïque, une National Training Agency entièrement distincte du système d'enseignement est chargée de la formation professionnelle, en particulier des ouvriers qualifiés. Elle couvre une diversité de domaines professionnels et les programmes qu'elle a élaborés comportent une composante de formation générale. Elle est financée par une taxe sur les salaires, payée par les entreprises. Elle est gérée par un Conseil d'administration n o m m é par le ministère de l'Education, comportant des représentants des administrations et des employeurs.

Jusqu'ici, l'agence de formation délivrait des certificats professionnels, tandis que les élèves de l'enseignement technique passaient les examens définis, soit par des instances britanniques (ex. City and Guilds), soit au niveau régional par le Caribbean Examinations Council.

C e dispositif ne semble pas avoir soulevé de problème majeur, mais il a évolué depuis 1993-94. Dans un premier temps, il a été décidé de re­structurer entièrement les programmes de formation sous forme de modules

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Situation et problématique dans d'autres pays

d'une durée de six mois à un an. Faute d'une préparation suffisante, ce changement rapide semble avoir rencontré des difficultés. Il a été décidé de fixer une durée minimale de neuf mois pour chaque module et de reprendre de manière plus systématique pendant une période de trois ans la conception pédagogique de chacun d'entre eux, en partant d'une analyse des métiers, compétences et capacités.

Dans un deuxième temps, le principe de l'introduction des normes de compétence a été adopté, dans le cadre d'une stratégie régionale des pays des Caraïbes en matière d'enseignement et de formation professionnels. Les objectifs poursuivis sont identiques à ceux qui ont déjà été analysés dans les autres pays ayant adopté cette démarche : création d 'un système global, cohérent et accessible de qualifications qui réponde à la fois aux besoins des employeurs et des travailleurs, et qui assure une liaison plus étroite entre le système de formation et les besoins des entreprises.

Il s'agit de démontrer que le personnel a la capacité d'exercer une activité professionnelle. Les compétences ne sont pas seulement techniques, mais comportent aussi la résolution de problèmes, l'adaptabilité, le travail en équipe, etc.. Cinq niveaux de qualifications ont été définis, ainsi qu'une correspondance avec cinq niveaux professionnels, depuis l'opérateur semi-qualifié jusqu'au manager, en liaison avec une g a m m e de niveaux éducatifs.

C e principe doit servir de base aux programmes de formation et aux méthodes d'évaluation, non seulement dans les formations dépendantes de la Training Agency, mais aussi dans les lycées techniques relevant de l'Education nationale. A l'avenir, toutes les évaluations se feront par référence aux National Vocational Qualifications (la terminologie N V Q - J est proche de la terminologie britannique). La Training Agency disposant de davantage de moyens que le ministère, a été principalement chargée du travail préparatoire.

C o m m e en Angleterre, des organismes spécifiques constitués principalement de représentants du patronat (Lead bodies) ont été chargés de définir des normes de compétence pour les différentes familles

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

professionnelles, conjointement avec la Training Agency. U n National Council on Technical and Vocational Qualifications a été créé pour mettre au point un système national d'évaluation et de certification. La mise en place du dispositif est en cours. Elle implique des évaluateurs internes et externes, alors que l'évaluation se faisait jusqu'ici essentiellement à l'intérieur des établissements de formation.

Б faut cependant noter que les examens doivent comporter deux composantes : un examen écrit et la démonstration pratique de performances (Examination handbook, 1996).

L a mise en œuvre de ce programme a commencé dans un petit nombre de domaines professionnels, dans lesquels les normes ont été approuvées. Mais les institutions qui seront habilitées à procéder à l'évaluation n'ont pas encore reçu l'habilitation. D'ores et déjà, quelques problèmes sont apparus et certaines questions se posent :

e Les membres des Lead bodies ne sont pas forcément des spécialistes compétents dans des domaines professionnels spécifiques.

9 П est également difficile de trouver des personnes compétentes pour assurer sur place des évaluations, ce qui était plus facile dans un système centralisé d'examens.

• Le coût du système semble élevé. e O n peut se demander si les définitions de compétences résultent

bien d'analyses réalisées sur le terrain, où si elles ne se fondent pas en partie sur des définitions réalisées à l'étranger, ce qui poserait le problème de leur adaptation aux réalités locales.

e Le dispositif relève d'une institution centrale et les enseignants praticiens n'ont pas été associés à la démarche. Us ne disposent pas d'une documentation suffisante. Pour certains observateurs, un processus de déqualification pourrait résulter du fait que (dans certains domaines professionnels tout au moins) l'évaluation -donc la formation - ne porteraient plus que sur la démonstration de la capacité à exercer des tâches élémentaires. Autrement dit, il y

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Situation et problématique dans d'autres pays

aurait des divergences entre le point de vue des pédagogues et les exigences plus étroites des employeurs - question déjà évoquée à propos de l'Angleterre.

Maurice

Le contexte et l'évolution en matière d'évaluation et de certification paraissent assez comparables à Maurice. Le plein emploi y est presque réalisé et l'on éprouve un besoin urgent de former la main d'œuvre pour une nouvelle phase de développement industriel. Le développement de la formation à distance doit y contribuer.

U n Industrial and Vocational Training Board avait été créé en 1988 pour gérer et contrôler des programmes de formation et pour mettre en œuvre un système national de certification des formations professionnelles. E n fait, jusqu'ici, les qualifications pouvaient être acquises de différentes manières et certaines institutions de formation délivraient leur propre certificat. Il a été jugé que ce système ne spécifiait pas assez clairement un niveau de qualification et que de ce fait la qualification des travailleurs n'était pas suffisamment reconnue.

Pour résoudre ce problème, le principe d'un système national (National Trade Certification System) a été adopté en 1992 et doit définir des niveaux de référence (benchmarks) pour la formation et la certification des ouvriers qualifiés. Trois niveaux de qualification ont été définis, en liaison avec l'étendue des connaissances requises et le degré d'autonomie des travailleurs. П est possible d'accéder à ces niveaux par plusieurs voies : formation à plein temps, apprentissage et formation à distance.

Il est précisé qu'afin d'être souples et adaptés aux besoins des entreprises, les programmes de formation doivent être competency-based. Des modules de formation doivent spécifier à la fois les compétences, les objectifs cognitifs et pratiques à atteindre. E n plus d'une évaluation continue par les formateurs, les stagiaires/étudiants devront bénéficier d'une évaluation externe, assurée ou contrôlée conjointement par le système N T C et par l'organisme chargé des examens.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

L'Afrique du sud

L a nouvelle approche de la réforme de l'enseignement technique et de la formation professionnelle prévoit un cadre institutionnel décentralisé et souple. Mais on ressent en m ê m e temps la nécessité d'un cadre national et d'une couverture de l'ensemble de l'économie par les Industrial training boards, qui fonctionnent actuellement sur une base volontaire et n'ont qu'une couverture limitée. La création d'une National Training Authority doit représenter une capacité forte d'intervention nationale.

Des normes d'éducation et de formation devront être définies dans un cadre national, ainsi que des résultats de la formation acceptés au niveau national et international. П semble que l'on s'oriente vers une démarche fondée sur les normes de compétences.

Pour mettre fin à la dispersion des organismes de certification au niveau de l'enseignement secondaire et technique, un South African Certification Council a été créé en 1991. « Il est devenu clair qu'il fallait d'urgence créer un système national de certification de l'enseignement professionnel aux niveaux secondaire et tertiaire. U n tel système contribuerait à assurer une liaison entre le secteur de la formation professionnelle et celui de l'enseignement formel et constituerait l'un des mécanismes permettant une mobilité horizontale entre les deux secteurs » (Department of National Education, 1992).

Pour résumer, on peut dire que la plupart des pays ont en c o m m u n un souci de veiller à la qualité de la formation et à son homogénéité au niveau national et d'adapter la formation aux besoins du marché du travail. Certains d'entre eux font également allusion au problème nouveau que pose la perspective d'une formation permanente. Leur intérêt pour la certification est récent : il s'agit souvent de projets à venir plus que de réalisations susceptibles d'être évaluées. Cet intérêt est inégal, mais beaucoup de ceux qui se préoccupent de mettre en place un nouveau système d'évaluation et de certification sont très tentés par la démarche britannique.

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Partie IV

Bilan critique des différentes approches et problèmes

de mise en œuvre

Partie IV

Bilan critique des différentes approches et problèmes

de mise en œuvre

Après avoir passé en revue l'expérience des pays industrialisés et les problèmes qui se posent à d'autres pays, il faut maintenant tenter de faire le bilan des approches de l'évaluation et de la certification et voir dans quelle mesure elles sont applicables dans différents contextes. Mais avant de procéder à un bilan comparatif, deux questions méritent de retenir l'attention :

e commen t les demandes de qualification se différencient-elles suivant les marchés du travail, comment évoluent-elles et comment sont-elles interprétées en termes d'objectifs de formation faisant l'objet d'une évaluation ?

• quels sont les problèmes institutionnels posés par la mise en œuvre d 'un système d'évaluation et de certification et quel est le rôle des différents acteurs dans un tel système ?

4.1 Les demandes du marché du travail, leur évolution et leur interprétation dans différents contextes

L'évaluation et la certification des qualifications et compétences professionnelles doivent se référer aux objectifs assignés au processus de formation. Ces objectifs sont censés répondre aux demandes ou aux capacités d'absorption du marché du travail, non seulement dans l'immédiat,

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

mais aussi à m o y e n terme. Cela suppose des connaissances et des hypothèses sur les structures et contenus d'emploi, sur leur évolution, mais aussi une interprétation et une traduction de ces données en termes de connaissances, savoir-faire, compétences et/ou comportements à développer.

Autrement dit, l'évaluation doit se référer à des réalités diverses et changeantes, les modes d'évaluation étant plus ou moins bien adaptés à ce que sont ces réalités dans différents contextes. Il n'existe pas de réponse universelle et une première distinction doit être faite entre les marchés du travail dans les économies industrielles avancées et dans les autres pays.

(a) Les évolutions récentes dans les pays industriels avancés

Dans les pays industriels avancés, beaucoup d'études ont été consacrées aux évolutions qui résultent de la conjonction de l'utilisation massive des technologies de l'information, de la pression par la concurrence internationale sur l'innovation, le renouvellement rapide et la qualité des produits et des services et les coûts et de la modification constante des modes d'organisation. П est généralement admis que ces évolutions ont pour effet :

• une plus grande instabilité des postes de travail et une correspondance plus incertaine entre qualification du poste de travail et qualification du travailleur ;

° la nécessité d'une mise à jour périodique des connaissances et compétences, la qualification acquise en formation initiale ne pouvant suffire à préparer une évolution professionnelle pendant la vie entière ;

e l'exigence d 'un niveau de formation générale plus élevé, qui doit notamment permettre une compréhension plus large de l'environnement professionnel et une adaptabilité plus grande ;

» un accent nouveau mis sur un ensemble de compétences qui ne relèvent pas du domaine de la technique : compétences relationnelles, communication et capacité de travail en équipe, résolution de problème, autonomie, etc.

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

Ces évolutions correspondent à un équilibre « qualité et renouvellement de la production/productivité et qualification de la main d'œuvre ». O n a vu d'après les exemples de l'Angleterre, de l'Australie, des Etats-Unis d'Amérique et de la Nouvelle-Zélande que la recherche de ce nouvel équilibre constituait l'un des objectifs de la mise en place d'un nouveau système d'évaluation. O n peut faire l'hypothèse que les entreprises performantes qui se situent dans cette perspective sont motivées pour avoir une main d'oeuvre qualifiée.

Mais si l'accord est assez général sur l'analyse de ces évolutions en termes d'exigences professionnelles, leur interprétation en termes de compétences à développer et d'objectifs de formation est davantage sujette à discussion.

Suivant une première interprétation, l'instabilité des techniques, des produits et des modes d'organisation du travail, les exigences de mobilité, d'adaptabilité à travailler en groupe et le rôle accru des techniciens conduisent à la remise en cause des découpages traditionnels entre spécialités et professions, voir m ê m e des notions de métier et d'ouvrier professionnel. Dans ce cas, on pourrait se demander si l'évaluation globale de formations conduisant à des métiers reste justifiée.

S'inscrivant dans une orientation opposée, B . Lutz, 1994a, offre un vibrant plaidoyer en faveur de la redécouverte des métiers et de la professionnalité. D'après lui, si la capacité de travail des ouvriers professionnels a changé et si les exigences professionnelles ne se traduisent plus seulement en termes de connaissances techniques, le professionnalisme demeure un facteur essentiel d'une stratégie active de compétitivité. L a formation duale resterait la mieux adaptée à ce profil, à condition d'être associée au maintien d 'un bon fonctionnement des marchés du travail professionnels. Mais on a vu que ceux-ci étaient aujourd'hui menacés, m ê m e dans des pays c o m m e l'Allemagne où ils prédominaient traditionnellement (ibid.).

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

D e son côté, à partir de l'observation des évolutions récentes en France, L . Tanguy conclut au maintien en parallèle dans une économie moderne de trois profils d'ouvriers qualifiés (ou professionnels) : celui qui a acquis par sa formation des connaissances théoriques suffisantes pour maîtriser les nouvelles technologies, celui qui par la pratique a acquis une polyvalence lui permettant d'assurer un bon fonctionnement des installations au sein d'une équipe et celui qui a surtout besoin de savoir-faire de type artisanal (Tanguy, 1992).

O n peut considérer qu 'à chacun de ces profils correspondent des modes distincts d'apprentissage et d'évaluation des compétences. Dans le premier cas, l'accent serait mis sur les connaissances théoriques, dans le second sur l'adaptabilité et les compétences sociales, dans le troisième sur l'apprentissage de savoir-faire plus traditionnels.

U n autre élément du débat concerne l'opposition entre formation à un emploi et formation à l'employabilité, que l'on a pu rapprocher des caractéristiques du marché du travail : prédominance des marchés professionnels, internes ou externes. A chaque type de marché du travail correspondrait une logique de formation et d'évaluation.

(b) Les pays d'Europe centrale et orientale

L a crise économique et la privatisation ont entraîné de profondes transformations du marché du travail dans ces pays. D u point de vue de leur attitude vis-à-vis de l'emploi et la formation, on a pu distinguer pendant la phase actuelle de transition quatre types d'entreprises :

• les grandes entreprises industrielles traditionnelles qui sont confrontées à une situation économique dramatique, parce que leur production traditionnelle (fondée sur une organisation du travail rigide et des technologies dépassées) ne répond plus aux exigences de la concurrence mondiale. Lorsqu'elles n'ont pas dû fermer leurs portes, la plupart d'entre elles ont cessé d'embaucher et ont été obligées de mettre fin à leurs activités de formation ;

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

les nouvelles petites entreprises dont la gestion de main d'œuvre est informelle et non stabilisée. Les qualifications et les critères de recrutement sont mal définis et portent plus sur la formation générale que sur la formation professionnelle ;

• les entreprises artisanales, qui sont souvent presque seules à prendre des apprentis, mais dont la principale motivation est peut-être de disposer d'une main d 'œuvre bon marché ;

• les grandes entreprises étrangères, qui à l'inverse des précédentes ont des exigences précises en matière de qualification. Mais celles-ci s'inspirent généralement de modèles importés, qui se rapprochent donc de celui des pays industriels avancés. П faut cependant constater que dans bien des cas, seule la production courante est assurée sur place, de sorte que les qualifications élevées ou spécifiques restent à l'étranger. Sous cette réserve, ces entreprises sont celles qui investissent le plus dans la formation de leur main d 'œuvre, mais elles sont vraisemblablement peu soucieuses de voir leur échapper ceux qu'elles ont formés (Caillods et al. 1995 ; Culpepper, 1996).

Les pays d'Europe centrale et orientale ont certainement l'ambition de s'orienter à leur tour vers un équilibre de type qualité/innovation/ qualification. Mais l'avenir seul dira dans quelle mesure ils y parviennent ou s'ils doivent fonder leur compétitivité sur le coût relativement faible de leur main d 'œuvre. A m o y e n et long terme, les exigences en matière de qualification et dans une large mesure la manière d'évaluer celles-ci en dépendent.

(c) Les économies en développement

Les pays non-développés sont encore plus éloignés de ce nouvel équilibre. A côté de l'administration publique, qui continue à employer une forte proportion de la main d'œuvre instruite, on y trouve encore beaucoup d'entreprises travaillant avec des méthodes traditionnelles, une main d'œuvre peu qualifiée donc peu payée et surtout de très petites entreprises artisanales des secteurs traditionnels et « informels ». L a qualification est

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

concentrée dans une g a m m e limitée d'emplois : maîtrise, maintenance, gestion en particulier.

O n a vu plus haut que ce contexte contribuait à limiter la transférabilité du modèle de formation dual. П faut s'interroger davantage sur le type de qualification ou de compétence qui peut faire l'objet d'une évaluation et d'une certification ainsi que sur les modalités de celles-ci. Faut-il se limiter au secteur moderne ou bien viser également les secteurs traditionnels et informels ? Dans ce dernier cas, faut-il rechercher des modalités distinctes d'évaluation ? C o m m e n t surmonter les réticences probables de ces secteurs vis-à-vis d'une certification qui risque d'entraîner des revendications de la main d'œuvre en matière de reconnaissance du statut et de rémunération ?

4.2 Les données institutionnelles et le rôle des acteurs

П s'agit plus particulièrement ici de faire le point sur le rôle des différents acteurs concernés par le processus d'évaluation et de certification et sur l'espace géographique de la certification.

4.2.1 L e rôle des acteurs

П faut d'abord souligner que (contrairement à ce qu 'on aurait parfois tendance à supposer dans les pays où la tradition attache beaucoup d'importance au rôle de l'Etat), dans un système de marché la qualification ne se décrète pas. Elle résulte des forces qui s'exercent sur ce marché et des prises de position des acteurs. Si les acteurs sur le marché du travail ne trouvent pas d'intérêt dans la mise en place d'un système d'évaluation et de certification, celui-ci ne se développera pas ou n'aura pas d'impact.

Cela ne doit pas pour autant conduire à négliger le rôle des pouvoirs publics. Suivant H . Steedman, « l'expérience montre qu 'à défaut d'intervention publique, ni les individus, ni les entreprises ne prendront les mesures nécessaires pour passer à un autre équilibre de « compé­tences/qualités élevées » ( O C D E , 1996 a).

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

D e son côté, dans son approche comparative des pays industrialisés, D . Colardyn observe une perte du monopole de la certification par le ministère de l'Education. C e pouvoir « reste le garant de la qualité, mais la certification devient la responsabilité de l'ensemble des partenaires. C e processus difficile au départ peut ensuite s'avérer une aide pour la reconnaissance dans les conventions collectives » (Colardyn, 1996).

Pour le m ê m e auteur, à côté des responsables de l'Education, dont la contribution peut porter plus particulièrement sur le contrôle de la qualité, d'autres partenaires (organisations professionnelles, entreprises, organismes privés de formation) peuvent apporter une contribution en matière d'adaptabilité, d'accès aux compétences pointues ou de connaissance de l'entreprise. Ainsi peut être remplie une fonction de « validation mutuelle », préalable à tout fonctionnement plus ou moins harmonieux du marché de la formation. Elle implique une reconnaissance des rôles et des apports réciproques des divers acteurs, une transparence de l'information et des rencontres entre les acteurs (ibid).

Cette fonction peut être assurée par une Commission qui rassemble l'ensemble des partenaires sur le marché de la formation. « Elle devrait offrir la possibilité de définir et de mettre en œuvre une stratégie globale. Elle permet une continuité et elle prend en compte les intérêts du marché du travail par la présence des partenaires sociaux » (ibid.).

Pour les pays qui nous intéressent plus particulièrement ici, la question se pose, plus encore que dans les pays industrialisés, de la représentativité et de l'existence m ê m e d'organismes capables de représenter les employeurs et les salariés. Cela d'autant plus que, c o m m e on l'a vu plus haut, les intérêts de chacun de ces partenaires ne sont pas toujours les m ê m e s . C o m m e n t peut-on faire pour inciter à la mise en place et au renforcement de structures représentatives des partenaires sociaux ? Lorsque ces structures sont quasiment inexistantes, c'est sans doute un travail de longue haleine.

Il faut par ailleurs éviter le risque d'une vision trop étroite et à trop court terme que certains employeurs risquent d'avoir des besoins des

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

marchés du travail. U n e participation active des organisations syndicales, plus soucieuses de favoriser l'évolution individuelle des travailleurs peut y contribuer ( c o m m e en Allemagne par exemple).

L e lien entre normes d'évaluation de la formation et classifications professionnelles pose des problèmes complexes, qui ont été évoqués à propos de l'Australie. O n peut supposer que les syndicats sont favorables à une liaison étroite, avec des conséquences sur les rémunérations, mais que pour les m ê m e s raisons les employeurs y sont hostiles, dans la mesure où ils tiennent à conserver la maîtrise des rémunérations et cherchent de plus en plus à les individualiser. Vouloir intégrer dans un cadre unique un système de normes de qualification pour la formation et pour la classification des emplois paraît quelque peu utopique, car cela ne tient pas suffisamment compte de la multiplicité des dimensions et des préoccupations à prendre en considération. O n risque d'aboutir à un système rigide, opposé au souci de flexibilité des employeurs.

E n tout état de cause, le cadre institutionnel de la certification tient nécessairement compte des spécificités du système de formation, du cadre institutionnel général et des objectifs poursuivis (certification préparant à une poursuite d'études ou à l'entrée sur le marché du travail ou les deux). Les études de cas ont montré que certains pays visaient un système répondant à la fois aux deux objectifs, alors que d'autres acceptaient une séparation complète. C'est un choix difficile, car il met en jeu toute la conception du système d'éducation et de formation.

Pour tout pays envisageant la création ou la réforme d 'un système d'évaluation et de certification, il convient donc de s'interroger sur les questions suivantes : e existe-t-il un système de conventions collectives et de classifications

professionnelles régissant en particulier les rémunérations ? e quelle place ce système fait-il à la possession de différents types de

diplômes ? • dans quelle mesure ces dispositions s'imposent-elles aux employeurs ? • quels sont pour ceux-ci les avantages et les inconvénients d 'un système

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

de certification, compte-tenu du m o d e de fonctionnement du marché du travail (prédominance des marchés internes, externes, professionnels, mobilité) ? L a question se pose à plus forte raison si le dispositif mis en place se réfère à des normes volontaires.

Les employeurs y trouveront-ils suffisamment d'avantages directs ou indirects ? (ex. garantie de qualification d'une main d'œuvre per­formante). Des compensations ? (pouvoir d'influencer le système en échange de leurs efforts de promotion de la qualification). O u bien leur proposera-t-on des incitations ? (traitement privilégié des entreprises qui recrutent une main d'œuvre dont la qualification est reconnue, c o m m e on l'a vu à propos des projets américains et mexicains).

• enfin, on peut se demander si le choix d 'un système d'évaluation et de certification répondant d'abord à des finalités éducatives ou professionnelles est simplement un choix d'organisation ou s'il reflète un choix de société, question sur laquelle on reviendra ci-dessous.

4.2.2 L'espace géographique de la certification

Le cadre habituel de la certification est le cadre national. O n a vu qu'un certain nombre de pays à caractère fédéral dans lesquels la responsabilité de l'éducation était décentralisée au niveau des états commençaient à éprouver le besoin de définir des normes fédérales, dans un souci d'homogénéité, de clarté et de mobilité de la main d'œuvre. Cet objectif peut être atteint par l'élaboration centralisée de ces normes, ou ( c o m m e en Allemagne) par une concertation entre organismes responsables et par le jugement des pairs, de manière à garantir une certaine homogénéité tout en conservant une autonomie dans l'organisation des examens.

O n peut s'interroger sur l'utilité d'une certification au niveau régional et à celui de l'entreprise. D ' u n côté, on pourrait soutenir que peu de compétences ont une spécificité régionale et que l'on risque ainsi de limiter la mobilité de la main d'œuvre. D e l'autre, ce peut être un moyen de mieux répondre aux demandes des entreprises. A cet égard, l'expérience française

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

des formations complémentaires d'initiative locale semble positive et on a pu voir que l'Australie faisait une place aux normes propres à une entreprise. Dans ce dernier cas, il se pose un problème de transférabilité de la qualification.

A l'inverse, et dans une vision prospective, on peut se demander si le problème de l'évaluation et de la certification n'est pas appelé à sortir du cadre des frontières nationales. L a question posée par la construction de l'Union européenne a déjà été évoquée. O n peut de ce point de vue essayer d'imaginer les conséquences de la conjonction des grandes évolutions qui se dessinent à l'heure actuelle dans trois domaines :

e sur le plan technologique, les nouveaux moyens d'information et de communication ;

• sur le plan économique, la mondialisation ; • sur le plan éducatif, la demande d'une formation permanente.

E n ouvrant de larges possibilités d'accès aux connaissances, Internet pourrait, au moins en théorie élargir considérablement les perspectives de l'enseignement à distance et se poser à terme c o m m e un concurrent sérieux pour les institutions de formation établies. L'évaluation par les normes de compétence, qui revendique une libération par rapport au cadre institutionnel d'apprentissage (lieu et durée des études) peut y trouver de nouveaux arguments.

D u m ê m e coup, cette évolution peut aussi contribuer à remettre en cause les frontières. Le principal obstacle auquel se sont heurtées les tentatives de définition c o m m u n e des qualifications et des diplômes en Europe provenait de la spécificité des systèmes nationaux de formation, d'évaluation et de certification par lesquels il fallait passer pour les acquérir. Mais à partir du m o m e n t où les modes d'acquisition des connaissances s'élargissent à l'infini et s'affranchissent des institutions nationales, le poids de celles-ci risque de s'affaiblir.

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

O n peut se demander si ces perspectives technologiques, en convergeant avec les pressions économiques pour la mondialisation, ne finiront pas par remettre au moins partiellement en cause les systèmes nationaux de qualification et de certification. C'est sans doute dans cette perspective que se plaçaient les promoteurs de la réforme en Nouvelle-Zélande. Faut-il envisager des concertations entre gouvernement pour la mise au point de nouvelles règles du jeu, ou bien va-t-on assister à un développement non contrôlé de possibilités dont on mesure mal les implications ?

O n peut rapprocher les tendances possibles à la mondialisation des qualifications et formations de celles qui sont déjà à l'œuvre dans l'économie et citer (Vinokur, 1995) suivant laquelle « la normalisation du produit de la formation peut permettre la mise en œuvre de procédures tayloriennes de rationalisation des savoirs, étape par ailleurs nécessaire à l'individualisation de l'éducation et à l'ouverture de débouchés suffisamment larges pour les industries de l'information dans ce secteur... » Les industries qui s'orienteront vers l'enseignement « ...seront tentées de vendre l'éducation - cours, examens, certificate of mastery validés par les écoles et les employeurs - directement aux employeurs » (Vinokur, 1995).

Indépendamment des évolutions technologiques, les institutions de formation elles-mêmes (au moins au niveau supérieur) n'échappent pas à la pression générale en faveur de la mondialisation et prennent souvent des initiatives de rapprochement favorisant les équivalences ou la poursuite d'études.

Ces spéculations sur la mondialisation peuvent apparaître éloignées des réalités de certains pays en développement. Mais à l'inverse, ce sont ceux qui ont les systèmes de formation et de qualification les moins bien établis qui sont les plus vulnérables à la pénétration de modèles étrangers et à l'influence des économies dominantes dans une logique de marché. C e n'est d'ailleurs pas un phénomène nouveau.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

4.3 Esquisse d'un bilan : pertinence et faisabilité des différentes approches

Le rapprochement des analyses qui précèdent doit permettre d'esquisser un bilan comparatif des avantages, des limites et des problèmes posés par la mise en œuvre des trois types d'approches. L a discussion portera plus particulièrement sur le modèle fondé sur les normes de compétence et expérimenté pour la première fois en Angleterre, dans la mesure où beaucoup de pays y voient aujourd'hui une réponse d'ensemble aux problèmes que leur posent l'évaluation et la certification.

4.3.1 Les normes de compétence

L'attrait de cette démarche tient en particulier à trois types de raisons :

• d'une part, les systèmes d'enseignement de certains pays sont souvent particulièrement académiques et coupés des réalités du m o n d e du travail - dans le cas de l'Europe de l'Est, des réalités nouvelles d'une économie de marché. L'approche fondée sur les normes de compétence est censée répondre à ces besoins de la manière la plus directe et la plus concrète ;

• d'autre part, cette approche prétend à la simplicité et à la transparence. Les pays qui cherchent à mettre en place un nouveau dispositif se voient proposer une solution toute faite, en quelque sorte « clés en mains » ;

e un troisième argument, pas toujours invoqué par les promoteurs de la démarche, est peut-être le plus fort : cette démarche a été d'abord conçue pour s'adresser aux adultes. C e n'est pas le cas des autres approches, ce qui pose de plus en plus un problème pour beaucoup de pays.

La transférabilité de ce modèle pose au moins quatre questions : est-il fondé dans son principe ? Répond-il le mieux aux besoins du marché du travail ? Quelle est son articulation avec le système éducatif ? Dans quelles conditions peut-il être mis en œuvre dans des contextes différents ?

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

(a) Conception et inspiration : est-il fondé dans son principe ?

O n a évoqué dans la première partie à propos de l'Australie et surtout de l'Angleterre les principales réserves suscitées par cette démarche dans ces pays : caractère fragmentaire et étroit, niveau trop faible des compétences, insuffisante prise en compte des préoccupations éducatives, difficultés et manque d'objectivité de l'évaluation. Pour une part, ces critiques s'appliquent principalement aux modalités adoptées en Angleterre pour les N V Q s . Elles touchent à un moindre degré les adaptations auxquelles ont procédé l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

E n ce qui concerne le concept, on pourrait cependant citer également les réserves de ceux qui critiquent la démarche behavioriste cherchant à déterminer scientifiquement et en termes purement techniques toutes les composantes de la qualification (Alaluf et Stroobants, 1994), ou qui considèrent que la compétence ne peut être appréciée dans l'abstrait, mais seulement par rapport à un individu pris dans sa globalité (Fragnière, 1996 a).

O n pourrait encore citer une universitaire australienne, suivant laquelle toute la démarche est d'inspiration idéologique. Pour elle, la version importée en Australie est « clairement thatchérienne par ses origines et ses orientations », bien que cette importation se soit faite sous un gouvernement travailliste. « L a confiscation idéologique de l'ensemble de la réforme remplace les objectifs publics et la vision sociale des institutions éducatives par une logique de création privée de richesses. П en résulte un déplacement majeur du lieu et de la manière dont ces institutions sont contrôlées et gérées, et dans l'intérêt de qui le sont-elles » (Jackson, 1993).

Cette appréciation peut être rapprochée de l'analyse (Vinokur, 1995) déjà évoquée à propos de la mondialisation. Elle considère que « le pilotage par les normes d'évaluation élimine les savoirs « inutiles » du point de vue du demandeur et impose un contenu aux enseignants ». Elle voit se dessiner un nouveau pilotage par l'aval du système éducatif, qui marquerait la fin de son autonomie et se caractériserait par la dissociation des fonctions de

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

production et de certification des savoirs. Les producteurs de services d'éducation tendent à être mis en concurrence pour la fourniture de compétences au plus faible coût. Le modèle de référence serait celui de la certification industrielle (Vinokur, 1995).

(b) Liens avec le système éducatif

C e type d'interprétation présenté plus haut est suscité par une situation dans laquelle l'ensemble du système éducatif serait inspiré par l'approche fondée sur des normes de compétence. Tout dépend en fait de la manière dont cette démarche s'insérerait dans le système d'éducation et de formation. Les objections portant sur la conception pédagogique, et notamment sur le fait que l'addition de fragments de compétence ne représente pas nécessairement une formation globale, ont beaucoup plus de poids :

e si l'on veut appliquer la démarche à l'enseignement de base et pas seulement à une formation professionnelle complémentaire ;

• si elle est mise en œuvre au niveau secondaire, lorsque les jeunes n'ont pas encore des bases suffisantes de formation générale, plutôt qu'au niveau post-secondaire, lorsque ces bases sont supposées acquises ( comme en Australie par exemple) ;

• si la formation se compose uniquement de compétences professionnelles spécifiques, au lieu de venir en parallèle ou en complément d'une formation plus large : le premier cas est celui de la filière N V Q s en formation initiale en Grande-Bretagne, par opposition à la filière G N V Q s .

A contrario, une approche fondée sur les normes de compétences soulèverait sans doute beaucoup moins d'objections :

• si elle se référait uniquement à une formation professionnelle venant en complément, ou en parallèle, d'une formation générale ou technologique solide ;

« si elle ne se limitait pas à un morcellement de compétences spécifiques ;

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

• si elle n'avait pas un caractère exclusif et systématique, ce qui pourrait conduire à combiner l'évaluation de compétences aisément démontrables avec des apprentissages plus généraux visant une compréhension plus globale de l'environnement technique, organisational et socio-économique ;

e si elle s'adressait en particulier à des adultes.

(c) Le modèle basé sur les normes de compétences répond-il aux demandes du marché du travail

Concernant la réponse à l'évolution du travail et des qualifications, les évolutions qui viennent d'être évoquées peuvent se prêter à des interprétations différentes. Ainsi, le fait de mettre l'accent sur la remise en cause du découpage traditionnel entre métiers et professions et sur la nécessité d'une adaptabilité en vue de la mobilité peut aussi bien conduire :

e soit à insister sur la nécessité d'une formation de base assez large, impliquant qu'une bonne part de l'évaluation et de la certification porte sur des connaissances de base et sur une compréhension globale ;

• soit au contraire à préconiser une approche modulaire de type britannique, privilégiant l'évaluation des seules compétences nécessaires à un m o m e n t donné de l'évolution professionnelle.

D e m ê m e , l'intérêt apporté à la compétence ne conduit pas nécessairement à une évaluation des compétences dans le sens des N V Q s . Si l'on retient la définition de (Le Boterf, 1994) qui voit dans la compétence « l'actualisation de ce que l'on sait dans un contexte singulier (marqué par des relations de travail, une culture institutionnelle, des aléas, des contraintes temporelles, des ressources) », dans ce cas l'évaluation peut difficilement se limiter à la vérification de standards rigides et préétablis et implique la prise en compte du contexte dans une diversité de circonstances.

Elle se prête plutôt à une évaluation suivie mais globale dans le cadre de la formation en alternance, ce que remarquait déjà le colloque de l ' O C D E

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

pour l'évaluation des « savoirs non objectivables » ( O C D E , 1994).

A propos de l'opposition déjà évoquée entre le modèle global et le modèle modularisé de certification, on a pu suggérer que si le marché du travail n'est pas organisé par référence à des professions auxquelles on peut faire correspondre des diplômes, l'alternative ne consiste pas nécessairement à modulariser la formation professionnelle et la certification. Elle peut consister simplement à privilégier l'enseignement général et la définition d'ensembles cohérents de qualifications et compétences de base (Durand-Drouhin, 1995).

(d) Faisabilité et problèmes de mise en œuvre

Les questions de faisabilité se posent de manière plus aiguë pour les pays d'Europe centrale et orientale et surtout pour les pays en développement. A cet égard, les questions suivantes doivent être évoquées :

>* E n premier lieu, il ne faut pas sous-estimer l'investissement considérable que représente le recensement des compétences et la définition des normes d'évaluation. Quels sont les moyens dont disposent les pays en développement pour mener à bien une tâche qui a mobilisé au Royaume-Uni des ressources très importantes pendant des années et pour actualiser périodiquement l'information recueillie ?

Si ces moyens n'existent pas, la solution de facilité consiste à adopter purement et simplement les normes de compétence élaborées à l'étranger. Mais cela pose avec acuité la question évoquée plus haut de la conformité aux réalités locales du marché du travail.

Plus généralement, on ne peut échapper à la question de savoir s'il est possible de parvenir à une description des compétences ayant une valeur universelle. Les travaux entrepris en Europe pour comparer les qualifications avaient déjà montré la difficulté de l'exercice, m ê m e pour des pays proches (Bertrand, in O C D E , 1996 a). Q u ' e n serait-il a fortiori pour des systèmes socio-économiques fondamentalement différents ? Tout au plus pourrait-on

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

envisager de partir de grilles étrangères pour constituer un référentiel de départ qu'il faudrait valider au niveau national au prix d 'un investissement non négligeable.

> - E n supposant que des investigations nationales soient prévues, sur quelle réalité vont-elles s'appuyer ? O n a vu plus haut que l'état actuel de l'économie et de l'organisation du travail pouvait ne pas correspondre à ce qui est souhaité du point de vue de la formation. Va-t-on fonder la formation qui doit permettre le futur développement sur des compétences périmées ?

Cette question ne se pose pas seulement dans les pays économiquement peu avancés. Elle est également évoquée aux Etats-Unis, où le souci de passer d 'un type d'équilibre à un autre, fondée sur les performances et la qualification, se retrouve dans de nombreux documents (Tucker, 1995 ; Office, 1994).

Peut-on attendre des employeurs ou de leurs représentants qu'ils anticipent sur l'avenir ? L'expérience prouve que l'on peut attendre de certains d'entre eux parmi les plus avertis des indications sur les tendances, mais il paraît difficile qu'ils puissent spécifier en détail et de manière concrète des compétences qui ne sont pas encore observables.

> • La démarche la plus naturelle pour analyser les compétences consiste à suivre une approche sectorielle. Mais il ne faut pas oublier qu'une partie importante d'entre elles ont un caractère intersectoriel.

> • La mise en œuvre de la méthodologie fondée sur les normes de compétence paraît devoir poser des problèmes beaucoup plus difficiles si elle s'applique à certaines situations de travail : « la chirurgie et la coiffure sont plus faciles à évaluer que la psychiatrie ou le soin des enfants » (Collins, 1993). Nous ajouterions que la détermination de normes de compétence est plus facile dans un milieu industriel de type taylorien et plus difficile dans des activités de type tertiaire, qui sont

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

moins concrètement observables et dont les contours sont moins précis. La question pourrait se poser aussi pour les activités de type artisanal.

> • Or , l'investissement nécessaire à l'identification des compétences et des normes d'évaluation est particulièrement important si l'on vise la mise en place d 'un système exhaustif, couvrant tous les domaines et tous les niveaux. D peut être beaucoup plus limité si la démarche n'est mise en œuvre dans des activités et à des niveaux bien délimités. E n tout état de cause, il paraît indispensable de commencer par une phase expérimentale avant de passer à une généralisation.

> • C o m m e n t se fera l'évaluation ? L a logique de la démarche consiste à ouvrir les possibilités de la formation et à les distinguer des moyens de formation. Mais si trop d'autonomie est laissée aux opérateurs et en particulier aux entreprises, l'objectivité de l'évaluation et le niveau de qualité risquent d'en souffrir. Il est clair cependant que ce type de problème se pose aussi avec les autres démarches.

Ces réserves et ces questionnements ne doivent pas remettre en cause l'intérêt d'une évaluation privilégiant davantage les objectifs et les résultats de la formation, par opposition aux approches traditionnelles centrées uniquement sur les moyens et sur l'apprentissage de connaissances.

4.3.2 L e modèle traditionnel d u diplôme d'Etat

Le bilan des deux autres approches peut être résumé beaucoup plus rapidement.

E n ce qui concerne la démarche qui se fonde sur le monopole de l'Etat dans l'attribution de diplômes sanctionnant une formation à dominante scolaire, suivie traditionnellement en France par exemple :

° elle présente en principe des avantages en ce qui concerne l'homogénéité de l'évaluation, la reconnaissance sociale des titres au niveau national et la transférabilité de la qualification pour le

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

passage à un niveau supérieur d'enseignement. Elle tend à privilégier une approche éducative globale de l'individu ;

• en contrepartie, elle risque d'avoir un caractère académique et de ne pas suffisamment tenir compte des demandes du marché du travail, si les employeurs ne sont pas assez impliqués dans la définition des objectifs et dans l'évaluation. Mais surtout, les employeurs ne reconnaîtront pas nécessairement la valeur du diplôme sur le marché du travail.

O n a vu que dans le cas de la France, une certaine évolution s'était produite, l'éloignant du projet initial, auquel se mêlent des traits d'autres modèles, ce qui brouille en quelque peu l'image. L a concertation avec les employeurs, la définition d'objectifs de formation à partir de référentiels professionnels larges et un certain fractionnement ont permis de remédier au moins partiellement aux inconvénients qui viennent d'être rappelés.

O n pourrait m ê m e soutenir que, contrairement à une opinion répandue, les concepteurs de formation sont, au moins dans certains cas, mieux en mesure d'anticiper sur les besoins futurs du marché du travail que les employeurs. C'est ainsi que certains diplômes professionnels français ont été conçus avec l'intention, non seulement d'anticiper sur les évolutions techniques, mais aussi de faire d 'un nouveau diplôme « le ferment d'une transformation du travail. L'emploi était en quelque sorte appelé à s'ajuster aux évolutions de l'offre de formation professionnelle, ce qu'il n 'a fait que très partiellement » (Verdier, 1995).

Dans ce cas toutefois, m ê m e si le rôle des concepteurs de formation est prédominant, la concertation avec les employeurs reste essentielle pour qu'ils soient sensibilisés aux perspectives d'évolution du marché du travail. Et elle n 'a pas suffi à garantir la reconnaissance (portabilité) des diplômes.

Dans les pays en développement qui ont adopté ce modèle, notamment les pays d'influence francophone, le modèle initial a été davantage maintenu et le risque d'académisme et de coupure avec le marché du travail est d'autant plus grand que le secteur moderne est très peu développé, les

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

relations avec les employeurs étant plus réduites. Dans ce cas, le système éducatif et les diplômes auxquels il prépare s'adressent essentiellement à la Fonction publique.

Б у a aussi le cas où un système de formation professionnelle distinct a été mis en place en liaison étroite avec le Ministère du Travail ou d'autres ministères à l'intention du secteur privé, avec des certificats spécifiques. Dans ce cas, le risque est celui d 'un cloisonnement excessif avec les qualifications données par le système éducatif, ou m ê m e entre les différents systèmes de formation professionnelle. Il n'est pas non plus certain que l'existence d 'un système distinct de certificats de formation professionnelle décernés par différents ministères garantisse l'implication des employeurs et la reconnaissance de ces diplômes par eux.

Quoiqu'il en soit, il est vraisemblablement très difficile de répondre aux besoins spécifiques des secteurs traditionnels et « informels » avec une tradition de diplômes d'Etat sanctionnant une formation scolaire.

4.3.3 Evaluation et certification sanctionnant une formation de type dual

Les avantages et les inconvénients de la formation duale se situent en principe à l'inverse du modèle précédent : bonne garantie de reconnaissance (portabilité) sur le marché du travail, mais problème posé par la prise en compte d'une certification très orientée vers les acquis en entreprise pour une poursuite d'études. Dans son principe, les avantages l'emportent, notamment sur le plan pédagogique, ce qui justifie le grand intérêt que beaucoup de pays ont manifesté pour l'expérience allemande. O n peut trouver des arguments en sa faveur, aussi bien dans une économie industrielle avancée qui met l'accent sur les compétences relationnelles et sur l'intégration dans l'entreprise que dans des économies moins avancées pour des qualifications de type artisanales.

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Bilan critique des différentes approches et problèmes de mise en oeuvre

Б faut surtout souligner toutefois que le problème posé par la lourdeur et la lenteur du processus de concertation entre partenaires sociaux, s'il est surmonté non sans difficulté dans le contexte favorable de l'Allemagne, risque d'être insoluble dans d'autres situations qui le sont moins.

E n tant que système de formation, il serait peut-être plus adapté à des qualifications de type artisanal qui intéressent davantage les pays en développement. Mais hors d'Europe, il n'est généralement pas mis en œuvre en pleine conformité avec le modèle originel, notamment parce que les conditions nécessaires à cette pleine implication des partenaires sociaux sont rarement réunies. Dans ce cas, sa portée est plus limitée.

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Conclusions et Perspectives

Cette vue d'ensemble sur les problèmes d'évaluation et de certification vus par une diversité de pays a montré à la fois des similitudes et des différences. Les préoccupations sont similaires : tous les pays partagent un souci de qualité et de contrôle d'efficacité de la formation, de transparence et d'adaptation des qualifications aux exigences changeantes de l'économie et aux besoins des adultes. D e plus en plus de pays se sont rendu compte que, m ê m e dans un système décentralisé et libéral, répondre à ces exigences nécessitait une démarche nationale.

Mais le fait que ces préoccupations se retrouvent un peu partout et suscitent un renouveau d'intérêt pour l'évaluation et la certification n'implique pas qu'il existe une solution simple et universellement valable pour y répondre. Si l'on peut identifier quelques modèles traditionnels, aucun d'entre eux n'est à l'abri des critiques. Ils ont souvent été obligés de s'adapter et la plupart des pays sont toujours à la recherche d'une solution idéale. Cette recherche devrait nécessiter du temps et une phase d'expérimentation, ce qui n'est pas toujours le cas.

L a difficulté tient au fait que ces problèmes ne se posent pas essentiellement sur le plan technique, mais plutôt sur un plan institutionnel et socioculturel. Ils touchent à l'ensemble des relations entre système de formation et système d'emploi. D e ce fait, ils exigent une approche globale et cohérente entre les deux et intéressent une multiplicité d'acteurs. Sans un m i n i m u m de concertation et de prise en compte des intérêts et motivations de chacune des parties prenantes, les solutions adoptées ont peu de chances de donner les résultats attendus.

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Conclusions et perspectives

Considérant que dans la plupart des cas, la recherche d 'un dispositif d'évaluation et de certification vise en particulier l'élévation du niveau de qualification et de performances de la main d'œuvre, trouver le m o y e n de mobiliser les employeurs pour la formation en général et plus particulièrement pour une formule d'évaluation/certification qui réponde à leurs besoins apparaît c o m m e un enjeu essentiel.

Chaque système s'insère dans un contexte qui lui est propre et qui résulte généralement d 'un ancien héritage. Les solutions adaptées à une situation particulière ne sont donc pas nécessairement transférables dans un contexte différent. U n e décision gouvernementale ne suffit pas à modifier ces conditions.

Par ailleurs, l'étude de la diversité des situations observées a montré que les orientations adoptées par les pays qui souhaitent mettre en place un nouveau système ne sont pas toujours précédées d'une analyse approfondie faisant ressortir ces enjeux et montrant les avantages et les inconvénients de solutions alternatives. Elles ne s'appuient parfois que sur une argumentation technique ou sur des exemples étrangers sans prendre toujours en compte les implications institutionnelles de l'approche adoptée.

П ne faut pas perdre de vue non plus les connotations idéologiques des différentes approches, dans la mesure où elles privilégient plus ou moins le rôle de l'Etat, de la concertation sociale ou le marché - ou encore la fonction éducative de la formation par rapport aux demandes des entreprises (ou du moins à l'interprétation qui en est faite).

O n peut se demander si le courant actuel d'intérêt pour la démarche fondée sur l'évaluation des compétences, en partie justifiée par le souci de mieux répondre aux besoins du marché du travail et à ceux des adultes, se fonde toujours sur une réelle analyse de ce que sont ces besoins. N'est-il pas davantage inspiré par le courant d'idées actuellement dominant qui privilégie une efficacité économique s'appuyant sur le libre jeu du marché ? Tient-il suffisamment compte des besoins globaux et à long terme de la société ? Notre analyse suggère une réponse nuancée à ces questions, en

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

fonction du contexte éducatif propre à chaque pays et des objectifs poursuivis.

Il faut souhaiter que cette étude contribue à éclairer ces enjeux et à aider les décideurs à appréhender les implications de leurs choix. Elle devrait montrer que ces choix nécessitent un travail préalable de réflexion et devraient être déterminés par :

(a) les objectifs poursuivis : priorité à la formation ou à la préparation à l'emploi, évaluation et certification visant une reconnaissance sur le marché du travail et/ou une poursuite d'études, s'adressant principalement aux jeunes et/ou aux adultes.

(b) la mise en relation de ces objectifs et des particularités du contexte national : cadre institutionnel, système de formation et d'emploi, type de relations sociales.

L a référence fréquente à quelques modèles d'évaluation et de certification devrait être utile pour fournir un cadre analytique. Mais l'observation des situations réelles a aussi montré qu'elles n'étaient pas monolithiques et que les différences n'étaient peut-être pas toujours aussi profondes. Elles dépendent pour beaucoup à la fois des objectifs suivis et des modalités d'application.

A u plan des politiques, il ne faut donc pas opposer ces modèles de manière trop systématique et choisir nécessairement entre eux. Il peut être utile au contraire de combiner certains éléments empruntés à différentes expériences et à d'autres approches.

O n peut ainsi imaginer une complémentarité entre deux systèmes de formation, d'évaluation et de certification :

> • le premier pourrait comporter des formations technologiques conçues de manière large. Pour concilier différents objectifs de la formation professionnelle et en privilégiant l'objectif éducatif à ce stade, ce système combinerait une entrée par les objectifs professionnels et une

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Conclusions et perspectives

autre par les disciplines enseignées. Dans un certain nombre de techniques c o m m u n e s à plusieurs secteurs professionnels, les aspects méthodologiques sont fondamentaux et des approches systémiques sont nécessaires, us pourraient constituer des enseignements technologiques servant de base à des professionnalisations ultérieures (Pair, 1994).

L'évaluation porterait à la fois sur des connaissances, sur des qualifications transversales et sur la démonstration de compétences appliquées à des situations concrètes. Elle serait assurée dans des centres d'évaluation indépendants par des jurys mixtes (formateurs et professionnels). Elle permettrait de délivrer des diplômes nationaux délivrés par l'Etat, tout en s'assurant que les représentants des employeurs participent à leur conception et à leur évaluation ;

>* le second système regrouperait une diversité de qualifications, plus spécifiques - y compris les qualifications de type artisanal que l'on peut trouver dans le secteur informel des pays en développement. Б s'adresserait indifféremment aux jeunes et aux adultes. Il serait sous la responsabilité principale les partenaires sociaux pour la définition des objectifs visés, des acquis à évaluer et de la certification. Leur conception serait plus modulaire et elle devrait pouvoir s'adapter rapidement à des demandes spécifiques.

L'évaluation ne tiendrait pas compte des conditions d'acquisition. Elle porterait principalement sur les compétences en situation professionnelle et tiendrait compte des acquis de l'expérience. L a mise au point d'une méthodologie c o m m u n e et le jugement des pairs garantiraient un m i n i m u m d'homogénéité des démarches et la participation de formateurs assurerait la prise en compte des aspects pédagogiques. Les modalités d 'examen seraient diversifiées. C e dispositif devrait être souple et évolutif. Il n'exigerait pas nécessairement une grille universelle, ni une uniformité et laisserait la porte ouverte à des adaptations régionales. Son bon fonctionnement dépendrait des organisations professionnelles et des relations sociales, qui auraient la responsabilité de la reconnaissance sur le marché du travail.

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Evaluation et certification des compétences et qualifications professionnelles

L a distinction entre ces deux systèmes n'impliquerait pas nécessairement une étanchéité. Rien n'empêcherait les centres d'évaluation indépendants d'évaluer les deux types de qualification, ni les établissements de formation de préparer aux qualifications du deuxième type, ou encore de prendre en compte ces modules c o m m e composantes des formations de base.

U n e telle démarche combinerait des expériences de différents modèles, dont celui qui est déjà pratiqué en Amérique latine, mais aussi ceux de Г Australie et de la Nouvelle-Zélande (pour l'interpénétration entre les deux dispositifs), des G N V Q britanniques et des formations technologiques françaises, des certificats de qualification professionnelle français, etc.. Les deux systèmes pourraient aller de pair avec une formation en alternance.

L'applicabilité d 'un tel dispositif dépend naturellement du contexte national, et en particulier du développement d 'un système de formation technologique et des possibilités de concertation avec les partenaires sociaux. Cet exemple cherche simplement à illustrer la possibilité de trouver des mérites à différentes démarches et la nécessité d'éviter les réponses exclusives exagérément schématiques.

C o m m e on vient de le rappeler, le problème de la reconnaissance des acquis des adultes préoccupe presque tous les pays. П est lié à la question de la formation permanente, qui fait l'objet de beaucoup de débats au niveau international, mais dont les implications pratiques sont encore floues. L a manière dont il peut être réglé concrètement et sur une grande échelle constitue aujourd'hui l'un des principaux enjeux, et sans doute l'un des plus difficiles.

Quant aux conséquences possibles du progrès des technologies de l'information et de la mondialisation, il faut à la fois se garder des excès d'une certaine littérature, mais aussi rester vigilant sur l'éventualité d'une remise en cause de traditions bien établies.

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Publications et documents de ГИРЕ

Plus de 1.120 ouvrages sur la planification de l'éducation ont été publiés par l'Institut international de planification de l'éducation. Ils figurent dans un catalogue détaillé qui comprend rapports de recherches, études de cas, documents de séminaires, matériels didactiques, cahiers de ГИРЕ et ouvrages de référence traitant des sujets suivants :

L'économie de l'éducation, coûts et financement.

Main-d'œuvre et emploi.

Etudes démographiques.

La carte scolaire, planification sous-nationale.

Administration et gestion.

Elaboration et évaluation des programmes scolaires.

Technologies éducatives.

Enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Formation professionnelle et enseignement technique.

Enseignement non formel et extrascolaire : enseignement des adultes et enseignement rural.

Groupes défavorisées.

Pour obtenir le catalogue, s'adresser à l'Unité des publications de ГИРЕ.

L'Institut international d e planification d e l'éducation

L'Institut international de planification de l'éducation (UPE) est un centre international, créé par P U N E S C O en 1963, pour la formation et la recherche dans le domaine de la planification de l'éducation. Le financement de l'Institut est assuré par l ' U N E S C O et les contributions volontaires des Etats membres . Au cours des dernières années, l'Institut a reçu des contributions volontaires des Etats membres suivants : Allemagne, Danemark, Inde, Irlande, Islande, Norvège, Suède, Suisse et Venezuela.

L'Institut a pour but de contribuer au développement de l'éducation à travers le m o n d e par l'accroissement aussi bien des connaissances que du nombre d'experts compétents en matière de planification de l'éducation. Pour atteindre ce but, l'Institut apporte sa collaboration aux organisations dans les Etats membres qui s'intéressent à cet aspect de la formation et de la recherche. Le Conseil d'administration de l'HPE, qui donne son accord au programme et au budget de l'Institut, se compose d'un m a x i m u m de huit membres élus et de quatre membres désignés par l'Organisation des Nations Unies et par certains de ses institutions et instituts spécialisés.

Président : Lennart Wohlgemuth (Suède), Directeur, Institut nordique d'Afrique, Uppsala,

Suède.

Membres désignés : David de Ferranti, Directeur, Département de développement humain (DDH),

la Banque mondiale, Washington, Etats-Unis d'Amérique. Carlos Fortin, Secrétaire-général adjoint, Conférence des Nations Unies sur le

C o m m e r c e et le Développement ( C N U C D ) , Genève, Suisse. Harka Gurung, Directeur, Centre de développement de l'Asie et du Pacifique,

Kuala Lumpur, Malaisie. Miriam J. Hirschfeld, Spécialiste scientifique principale pour les Soins infirmiers,

Division de l'analyse, de la recherche et de l'évaluation, Organisation Mondiale de la Santé ( O M S ) , Genève, Suisse.

Membres élus : Dato'Asiah bt. Abu Samah (Malaisie), Conseiller de société, Lang Education, Land

and General Berhad, Kuala Lumpur, Malaisie. Klaus Hüfner (Allemagne), Professeur, Université Libre de Berlin, Berlin,

Allemagne. Faïza Kefi (Tunisie), Présidente, Union Nationale de la F e m m e Tunisienne,

Tunis, Tunisie. Tamas Kozma (Hongrie), Directeur général, Institut hongrois pour la recherche

en éducation, Budapest, Hongrie. Teboho Moja (Afrique du Sud), Chef du Projet, Etude comparative sur

l'Enseignement supérieur public et privé, Université de N e w York, Etats-Unis d'Amérique.

Yolanda M. Rojas (Costa Rica), Professeur, Université de Costa Rica, San José, Costa Rica.

Michel Vernières (France), Professeur, Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, Paris, France.

Pour obtenir des renseignements sur l'Institut s'adresser à : Secrétariat du Directeur, Institut international de planification de l'éducation, 7-9 rue Eugène-Delacroix, 75116 Paris, France.

L'ouvrage

L'évaluation et la certification des compétences et qualifications professionnelles

suscitent un intérêt croissant dans beaucoup de pays. Certains d'entre eux ont

entrepris une réforme de leur système, d'autres s'interrogent sur la mise en place

d'un dispositif entièrement nouveau, souvent inspiré de la conception britannique

de l'évaluation fondée sur les compétences. Alors que les études existantes se

limitent généralement aux pays industrialisés, cet ouvrage s'efforce de donner une

vue d'ensemble qui intègre les pays en transition d'Europe centrale et les pays en

développement. Il vise moins à décrire les systèmes qu'à poser les problèmes, en

soulignant les différences entre les différentes approches, leurs avantages, leurs

limites et leurs conditions d'application. Il se place principalement du point de vue

de la planification et de la gestion des systèmes de formation, plutôt que sur un plan

pédagogique.

L ' auteur

Olivier Bertrand a occupé plusieurs postes d'expert en planification et en

économie de l'éducation pour l ' U N E S C O dans divers pays en développement. Il

a rejoint ensuite le Centre d'études et de recherches sur les qualifications

( C E R E Q ) où il était chargé des relations internationales. Consultant de différentes

organisations internationales, il s'est spécialisé dans l'analyse comparée des

qualifications et de leur évolution, ainsi que des systèmes de formation dans les

pays de l ' O C D E et en Europe centrale. Il est l'auteur, entre autres, d 'un ouvrage

sur la Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques

- dans la série de Г П Р Е sur les Principes de la planification de Г éducation.

Institut international de planification de l'éducation (IIPE)

7-9 rue Eugène-Delacroix, 75116 Paris, France