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EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page 1

RENTABILITÉ ET VALEUR : EVA & MVA

Cet article a été publié dans la revue Analyse Financière en septembre 1997

Dominique JACQUET

Professeur à l'Université de Paris X - Nanterre Dans son numéro spécial annuel “ Les 1000 ”, l’Expansion classe, tout d’abord, les entreprises par MVA (Market Value-Added) décroissante et indique, pour chaque entreprise, l’EVA (Economic Value-Added) et d’autres paramètres liés à la rentabilité des capitaux investis. Dans cette première partie, ne sont mentionnés ni le chiffre d’affaires, ni le résultat net, mesures “ classiques ” de la puissance et de la rentabilité des entreprises. On apprend, par la MVA, que Carrefour a enrichi ses actionnaires de près de 60 milliards de francs à partir de 19 milliards de capitaux engagés, alors que les propriétaires d’Alcatel-Alsthom ont perdu plus de 80 milliards pour des capitaux engagés représentant environ 165 milliards. De plus, il apparait, en analysant l’EVA, que l’exploitation de Legrand a généré un solde positif de 250 millions de francs, alors que celle de Club Méditerranée a perdu plus de 500 millions. Ces chiffres sont très évocateurs, mais le trouble peut s’emparer du lecteur lorsqu’il se demande comment Club Méditerranée enrichit ses actionnaires de près de 800 millions en dépit d’une exploitation “ difficile ”, comment Danone génère une richesse de 12 milliards de francs quand l’exploitation perd 1,2 milliard et, à l’inverse, comment Saint-Gobain a fait perdre plus de 14 milliards alors que l’exploitation dégage un surplus économique de 500 millions. Les concepts de MVA et d’EVA ont été médiatisés par un cabinet nord-américain, Stern-Stewart, qui, après avois conquis les Etats-Unis, commence à envahir l’Europe. Aujourd’hui, un nombre croissant de groupes importants surveillent attentivement leur crédibilité boursière au travers de la MVA et évaluent la performance de leurs responsables d’unités opérationnelles à l’aide de l’EVA. Ces concepts permettent-ils aux entreprises d’améliorer sensiblement leur approche valeur-rentabilité ou constituent-ils la dernière mode de management qui disparaitra très vite ? Nous proposons d’aborder cette question au travers de la démarche suivante. Tout d’abord, nous allons rappeler comment mesurer la rentabilité opérationnelle et la comparer au coût des ressources financières. Puis, nous présenterons le concept

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d’EVA, son apport opérationnel et ses limites. Enfin, nous exposerons les liens entre EVA, MVA et méthodes d’évaluation des entreprises, ce qui nous permettra, entre autres, de montrer comment la croissance participe au processus de création de valeur. I/ LA MESURE DE LA RENTABILITÉ OPÉRATIONNELLE Avant d'introduire le concept d'EVA, qui se présentera naturellement comme la différence entre un revenu et un coût, il est utile de rappeler comment la rentabilité opérationnelle est mesurée à partir d'une vision financière du bilan et comment elle se compare au coût des ressources financières, appelé coût de capital. I.1/ LA PRÉSENTATION FINANCIERE DU BILAN La dualité comptable classique actif/passif se décline d'une manière légèrement différente en termes financiers. On distingue, d'une part, l'investissement net que l'entreprise a réalisé en vue de répondre à la demande de biens et services, d'autre part, le financement net mis en oeuvre pour financer ce montant investi. Présentons, tout d'abord, la notation que nous utiliserons. Nous appellerons Capitaux Engagés, notés CE, l'investissement d'exploitation, qui comprend, pour l'essentiel, l'actif immobilisé net d'amortissements et le besoin en fonds de roulement. Les Capitaux Engagés sont financés par les actionnaires (Capitaux Propres) et les créanciers financiers (Dettes financières nettes), banquiers et obligataires ; le financement est net de la trésorerie active. Le bilan financier s'écrit :

Capitaux Engagés = Capitaux Propres + Dettes financières nettes

CE = CP + D L'intérêt majeur de cette présentation est de distinguer nettement l'outil industriel (CE) de son financement (CP + D). La caractéristique principale du financement est qu'il a un coût. Actionnaires et créanciers financiers exigent un rendement de l'investissement qu'ils ont réalisé dans l'entreprise et ce rendement est proportionnel au risque qu'ils ont accepté de prendre. Calculons le coût moyen de ce financement, appelé coût de capital.

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I.2/ LE COUT DU CAPITAL Les créanciers financiers se rémunèrent au travers des frais financiers et la rentabilité de leur investissement est égale au taux d'intérêt de la dette (noté Id) si, évidemment, l'entreprise ne fait pas défaut. Cependant, pour l'entreprise, le coût réèl de la dette est inférieur au taux d'intérêt, car les charges financières sont déductibles du résultat imposable. Ce coût se calcule, donc, par la formule suivante :

Coût réèl de la dette = Id * (1 - Tis) où Tis est le taux d'impôt sur les sociétés. Le "coût" des capitaux propres est moins "visible" ; en particulier, il n'apparait pas dans le compte de résultat. Mais, les actionnaires attendent de leur investissement une rentabilité supérieure au taux d'intérêt de la dette, car ils ont pris un risque plus élevé que les banquiers et les obligataires. Le problème est d'estimer ce "coût" de financement. Le Modèle d'Evaluation Des Actifs Financiers (MEDAF) propose une méthode de calcul fondée sur l'estimation du risque systématique et de sa rémunération. L'exigence de rendement des capitaux propres (notée E(Rcp)) est la somme de deux termes : - le taux d'intérêt sans risque (obligation d'Etat), noté Ro, - la prime de risque égale à la prime de risque moyenne du marché, Rm - Ro, multipliée par le coefficient de risque systématique, ß. Soit : E(Rcp) = Ro + (Rm - Ro) * ß Calculons le coût du capital d'une entreprise à l'aide d'un exemple. Soit une société dont les caractéristiques financières sont les suivantes : - part des capitaux dans le total du financement : 2/3 - part de la dette financière dans le total du financement : 1/3 - taux de rendement des emprunts d'Etat : 8% - prime de risque moyenne du marché des actions : 5% - coefficient de risque systématique ß de la société : 0,8 - taux d'intérêt de la dette financière : 9% - taux d'imposition des bénéfices : 33 1/3 %. L'exigence de rendement des capitaux propres est :

E(Rcp) = 8% + 5% * 0,8 = 12%

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Le coût réèl de la dette est :

Id * (1 - Tis) = 9% * (1 - 33 1/3 %) = 6%. Le coût moyen pondéré des ressources financières, coût de capital, que nous noterons K est égal à :

K = 2/3 * 12% + 1/3 * 6% = 10%. En termes simples, une société, dont deux tiers du financement coûtent 12% et un tiers coûte 6%, dispose de ressources financières dont le coût moyen est égal à 10%. Nous disposons, maintenant, d'un indicateur précieux, le coût des ressources financières. Son utilité va apparaître naturellement dans l'énoncé d'un principe aussi fondamental qu'évident de la Finance. Principe de profitabilité : une entreprise est profitable si elle dégage, au travers de son exploitation, une rentabilité supérieure au coût de ses ressources financières, donc à son coût du capital. Si, dans l'exemple présenté ci-dessus, l'entreprise dégage une rentabilité des capitaux engagés égale à 15%, alors que le coût de capital s'élève à 10%, elle est profitable et la "marge" dégagée est égale à la différence 15% - 10%, soit 5%. Si, à l'inverse, cette même entreprise génère une rentabilité égale à 7%, elle "perd" 3% par an. Les "marges" et les "pertes" évoquées ici n'apparaissent pas directement dans le compte de résultat, au même titre que des notions bien connues telles que le résultat net : elles traduisent, par contre, le fait que les ressources financières globales, et surtout parmi elles les actionnaires, n'ont pas été rémunérées au niveau exigé . Nous verrons plus loin que la différence entre la rentabilité de l'actif économique et le coût des ressources est très proche du concept d'EVA. Mais, tout d'abord, il convient d'exposer les méthodes de calcul de la rentabilité des capitaux engagés. I.3/ LA MESURE DE LA RENTABILITÉ DES CAPITAUX ENGAGÉS Comme nous l'avons noté, les capitaux engagés (CE) regroupent l'outil industriel dont l'entreprise a besoin pour produire et vendre des biens et services. Le résultat dégagé par cette activité permettra de rémunérer les créanciers financiers, puis l'Etat et, enfin, les actionnaires. Connu sous le nom de Résultat d'Exploitation (RE), il est égal à la différence entre le chiffre d'affaires et les charges d'exploitation, c'est-à-dire les charges générées par l'exploitation courante de l'outil industriel. En première analyse, la rentabilité des CE (notée ROCE, pour Return On Capital Employed) est, donc, égale au résultat d'exploitation divisé par

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l'investissement d'exploitation, c'est-à-dire les capitaux mis en oeuvre pour dégager ce résultat :

ROCE = RE / CE Le résultat d'exploitation étant calculé avant impôts, la rentabilité ainsi définie est, elle aussi, avant impôts. On définit, donc, en complément, une rentabilité industrielle nette d'impôts, qui est naturellement égale à :

ROCE * (1 - Tis) = RE * (1 - Tis) / CE Cette mesure de la rentabilité d'exploitation est centrale dans l'analyse financière et connait de nombreuses implications, en particulier au niveau de la rentabilité exigée du capital investi. I.4/ LA RENTABILITÉE EXIGÉE DES CAPITAUX ENGAGÉS Tout d'abord, suivant le principe de profitabilité évoqué plus haut, il est évident que la rentabilité des capitaux engagés avant impôts doit être supérieure au taux d'intérêt de la dette financière. En effet, cette ressource étant la moins risquée, donc la moins chère, du passif financier, son coût (Id) représente un minorant du coût moyen des ressources. Les capitaux engagés dégagent une rentabilité ROCE qui doit, ainsi, être supérieure au coût de la ressource financière la moins chère, à savoir Id. Ceci s'écrit :

ROCE > Id En d'autres termes, la rentabilité industrielle doit être supérieure au coût de la dette. Comme nous raisonnons ici en termes de minorant du coût des ressources, il s'agit d'une sorte de version faible du principe de profitabilité. Notons que la différence entre ROCE et Id est un indicateur complémentaire de la plus grande importance. A titre d'exemple, rappelons qu'au début des années quatre-vingt la rentabilité industrielle de construteurs automobiles japonais (Toyota et Nissan) était voisine de celle de General Motors (16% pour les premiers, 14% pour GM) ; mais, les taux d'intérêts étaient voisins de 3% au Japon, alors qu'ils étaient de l'ordre de 13% aux Etats-Unis. Dans ce contexte, l'écart entre rentabilité industrielle était, pour les japonais, de 13% et pour General Motors de 1% seulement. Au travers de cet exemple, on constate combien il est important de dégager une rentabilité des CE sensiblement supérieure au taux d'intérêt de la dette, le ratio-clé étant ROCE - Id. Le même principe de profitabilité, dans sa version forte, nous indique que la rentabilité nette d'impôts générée par les CE doit être supérieure au coût des ressources financières. Ceci s'écrit comme suit :

ROCE * (1 - Tis) > K

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Cette inégalité est bien connue des analystes financiers d'entreprise spécialisés en choix d'investissements. En effet, le critère du taux interne de rentabilité (TIR) procède de la même démarche : un investissement est rentable si son TIR, qui mesure la rentabilité intrinsèque de l'investissement, est supérieur au coût de capital :

TIR > K Si l'on considère que l'actif économique de l'entreprise n'est autre que la somme des investissements en cours de vie, on constate une similitude totale entre les deux inégalités. Nous avons montré plus haut la pertinence de l'approche par différence entre rentabilité et coût. Là encore, s'il est important que l'inégalité soit vérifiée, la valeur de la différence entre la rentabilité nette des CE et le coût des ressources financières est fondamentale. Cet écart s'écrit :

ROCE * (1 - Tis) - K Nous allons montrer, dans la deuxième partie de l'étude, que cette différence n'est autre qu'une des expressions de l'Economic Value-Added. II/ LE CONCEPT D'ECONOMIC VALUE-ADDED (EVA) Nous allons, tout d'abord, définir l'EVA avant de décrire les avantages que peuvent en tirer les entreprises qui adoptent cette mesure de rentabilité, puis d'attirer l'attention sur les limites de l'approche. II.1/ DÉFINITION ET CALCUL DE L'EVA Le cabinet Stern-Stewart définit l'Economic Value-Added comme la différence entre le revenu net d'impôts tiré de l'exploitation et la rémunération des capitaux engagés au coût de capital, c'est-à-dire au coût moyen pondéré des ressources financières. Si l'on considère, en première approximation, que le revenu généré par l'exploitation est le résultat d'exploitation, la formule de l'EVA s'écrit ainsi :

EVA = RE * (1 - Tis) - K * CE Où : RE = résultat d'exploitation Tis = taux d'imposition des bénéfices K = coût de capital CE = capitaux engagés.

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Prenons un exemple. Soit une société qui génère un résultat d'exploitation égal à 15 pour des capitaux engagés de 100, avec un Tis de 33 1/3 % et un coût de capital de 7%. On obtient :

EVA = 15 * (1 - 33 1/3 %) - 7% * 100

EVA = 3 Le revenu d'exploitation net d'impôts de 10 rémunère largement les ressources financières mises en oeuvre pour financer les capitaux engagés et qui exigent un rendement net de 7%, soit une rémunération égale à 7. Le solde, c'est-à-dire l'EVA, est égal à 3 et correspond à un enrichissement des actionnaires au-delà de la simple rémunération du risque qu'ils ont pris. Une EVA positive correspond, donc, à un enrichissement des actionnaires, une EVA négative à une destruction de richesse. Des mesures de l'EVA générée par les entreprises américaines et européennes sont produites et publiées régulièrement par Stern-Stewart, qui s'est fait l'apôtre de cette mesure de la rentabilité et a même déposé le nom, ce qui justifie, dans certaines publications, la dénomination EVATM. Calculons une seconde EVA. La société analysée génère un résultat d'exploitation égal à 24, les CE s'élèvent à 200, le coût de capital est égal à 6,5% et le Tis est inchangé à 33 1/3 %.

EVA = 24 * (1 - 33 1/3 %) - 6,5% * 200 = 3 Les deux entreprises analysées génèrent la même EVA, mais dans des conditions financières et économique assez différentes. Afin d'améliorer la qualité de la comparaison, nous allons mesurer cet enrichissement, non en valeur absolue, mais pour un franc de capital investi dans l'outil industriel. Ceci s'obtient facilement en divisant l'EVA par le montant des capitaux engagés. Notons ce résultat EVA(%) :

EVA(%) = EVA / CE Pour la première société, nous obtenons :

EVA(%) = 3 / 100 = 3% Pour la seconde :

EVA(%) = 3 / 200 = 1,5%. Le résultat peut être obtenu différemment. Il faut revenir à la formule initiale :

EVA(%) = EVA / CE = (RE * (1 - Tis) - K * CE) / CE

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EVA(%) = RE * (1 - Tis) / CE - K

EVA(%) = ROCE * (1 - Tis) - K

Pour les deux entreprises analysées, les résultats sont respectivement : Entreprise 1 : ROCE * (1 - Tis) = 15 * (1 - 33 1/3 %) / 100 = 10% Donc : EVA(%) = 10% - 7% = 3% Entreprise 2 : ROCE * (1 - Tis) = 24 * (1 - 33 1/3 %) / 200 = 8% Donc : EVA(%) = 8% - 6,5% = 1,5% L'EVA exprimée en pourcentage (EVA(%)) est, donc, un complément précieux de l'EVA "monétaire" classique, que nous noterons EVA($) pour éviter, dans la suite de l'étude, toute ambiguité. L'information "je gagne 3" est, certes, de grande valeur, mais doit être relativisée par rapport au montant des capitaux investis, car le gain de 3 sera apprécié différemment si l'investissement total est de 100 ou de 200. Dans le premier cas, l'actionnaire a "gagné" 3 centimes par franc investi, dans le second seulement 1,5 centime. Cette EVA(%) n'est autre que la différence entre la rentabilité nette des CE et le coût des ressources financières que nous avions évoquée plus haut (cf. I.4). Le concept d'EVA n'est, donc, pas très révolutionnaire : il résulte d'une démarche du type "marge = revenu - coût". Notons qu’il n’est pas non plus très nouveau, puisque Peter Drucker en fait mention en 1964 dans son livre Managing For Results et que ses principes étaient analysés il y a près d’un siècle par l’économiste Alfred Marshall. Cependant, nous allons montrer qu'il permet aux entreprises d'effectuer de réèls progrès dans la gestion de leurs opérations, en dépit de quelques inconvénients sensibles. II.2/ L'APPORT DE L'EVA L'EVA est un outil particulièrement utile pour les non-financiers dans l'entreprise, pour au moins deux raisons. Tout d'abord, l'EVA sensibilise l'opérationnel au coût global du bilan, c'est-à-dire des ressources financières. En effet, les objectifs classiques confiés aux opérationnels sont, le plus souvent, exprimés en termes de chiffre d'affaires, de marge brute, de résultat d'exploitation, de résultat courant ou de résultat net : tous ces objectifs appartiennent au compte de résultat. Parfois, des objectifs de stocks sont adjoints, ainsi qu'un budget d'investissement, généralement disjoint du budget de résultat, mais ces objectifs sont, souvent, moins prioritaires.

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Pour l'opérationnel, les fonds propres sont, donc, "gratuits", car le seul coût de ressource financière qui apparait au compte de résultat est la rémunération de la dette, à savoir les frais financiers. De plus, l'opérationnel ne sait pas quantifier les objectifs de bilan qui lui sont imposés (stocks et investissements). Certes, il sait que l'acceptation des investissements passe par une mesure a priori de la rentabilité, mais le coût des capitaux engagés n'apparait pas clairement a posteriori. L'introduction de l'EVA comme mesure de performance conduit à une modification des priorités et des comportements opérationnels. Prenons un exemple. Une division génère un chiffre d'affaires d'un milliard de francs, un résultat d'exploitation égal à 7% du chiffre d'affaires, soit 70 millions, et dispose d'un niveau de stocks s'élevant à 100 millions. Le responsable de la division est incité à réduire ses stocks mais ne sait pas valoriser cet enjeu. Si le coût de capital représente 10%, une bonne compréhension de l'EVA lui montre que le coût financier des stocks est égal à 10% de 100 millions, soit 10 millions de francs. Pour un taux d'impôt de 33%, cela représente un équivalent de 15 millions de francs de résultat d'exploitation. Ainsi, plus de 20% du résultat d'exploitation de la division sont gaspillés dans le coût financier d'un actif qui ne génère pas de valeur ajoutée. De plus, une réduction, par exemple, de moitié de ces stocks génèrerait une valeur économique de 5 millions de francs nets d'impôts, équivalente à un accroissement de 7,5 millions du résultat d'exploitation, soit une augmentation de 10% de ce résultat, ou de 0,75% des prix de vente. Le contexte économique et concurrentiel est tel que la pression à la baisse sur le résultat d'exploitation est permanente. Cet exemple montre qu'une réduction de ce résultat peut, en termes de valeur économique, être compensée par une meilleure utilisation des capitaux engagés, une meilleure gestion des flux. Un deuxième apport du concept est qu'il permet d'améliorer les décisions financières opérationnelles. Prenons l'exemple d'une division qui génère un chiffre d'affaires X avec un grand distributeur. Ce dernier tente de lui imposer un accroissement des délais de réglement de 2 à 3 mois. Si le directeur de la division n'est pas évalué sur le coût de son actif économique, il sera tenté d'accorder cette faveur à son client sans trop résister. Or, le coût sera réèl pour l'entreprise et ses actionnaires. Prenons un coût de capital égal à 10%. Quelle augmentation des prix de vente pourrait compenser l'accroissement des stocks, donc des capitaux engagés ? Le coût financier de l'augmentation des délais de réglement est égal au coût de capital multiplié par l'accroissement des capitaux investis, soit :

10% * X * (1 + 20,6%) / 12 = 0,01 * X Le résultat d'exploitation après impôts doit, donc, "payer" ce surcoût financier :

Delta RE * (1 - 33 1/3%) = 0,01 * X D'où :

Delta RE = 0,015 * X

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L'augmentation de prix correspondante représente le ratio Delta RE / X et est égale à 0,015. En conclusion, passer le délai de réglement de 2 à 3 mois a une incidence financière qui peut être compensée par une hausse des prix de 1,5%. Cela ne signifie pas que le distributeur/client acceptera cette modification, mais le concept d'EVA permet à l'opérationnel d'estimer ses objectifs de négociation. On montre que la formule générale permettant de résoudre ce problème est :

Variation des prix (%) = k * (1 + TVA) / (1 - Tis) * 12 Si l'EVA permet d'améliorer la performance des entreprises, elle comporte quelques limites, dont certaines sont bien identifiées, le traitement des dépenses de recherche et développement, entre autres. Il nous semble plus important d'insister sur un aspect technique et théorique qui met en perspective rentabilité financière et capitalisation boursière. II.3/ LA VALEUR AU "DÉTRIMENT" DE LA RENTABILITÉ Reprenons la formule de l'EVA.

EVA = RE * (1 - Tis) - K * CE

Le coût de capital est égal à la somme pondérée de la rentabilité éxigée des capitaux propres et du coût réèl de la dette.

CP * E(Rcp) + D * Id * (1 - Tis) K = ----------------------------------------------

CP + D En calculant l'EVA, on multiplie le coût de capital par les capitaux engagés qui sont, par définition, égaux à la some des capitaux propres et de la dette financière nette. La formule se simplifie, donc, par élimination des CE au numérateur et de la somme CP + D au dénominateur. L'EVA devient :

EVA = RE * (1 - Tis) - (CP * E(Rcp) + D * Id * (1 - Tis))

EVA = RE * (1 - Tis) - CP * E(Rcp) - D * Id * (1 - Tis)

EVA = (RE - D * Id) * ( 1 - Tis) - CP * E(Rcp)

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Or, la multiplication de la dette par le taux d'intérêt représente les frais financiers. De plus, en retirant du résultat d'exploitation les frais financiers, on obtient le résultat avant impôts. Comme ce résultat se voit amputé de l'impôt, on peut écrire :

(RE - D * Id) * (1 - Tis) = RN

où : RN = Résultat Net L'EVA ainsi développée devient :

EVA = RN - CP * E(Rcp)

EVA = CP * ( RN / CP - E(Rcp) ) Comme le rapport RN / CP mesure la rentabilité financière de l'entreprise, on aboutit à la formule finale :

EVA = CP * ( Rcp - E(Rcp) )

Le résultat est logique et parfaitement centré sur la rentabilité des capitaux propres, ce qui est l'apport majeur du concept. En effet, l'EVA est positive si la rentabilité financière dégagée par l'entreprise est supérieure aux attentes des actionnaires. Par franc de capital investi, le gain est égal au sur-rendement, c'est-à-dire Rcp - E(Rcp). L'enrichissement des actionnaires est, donc, très naturellement la multiplication du gain par franc investi par le montant total investi. L'approche devient plus délicate si l'on intègre le fait que que les parts respectives des capitaux propres et de la dette sont mesurées en valeurs de marché. Reprenons la formule précédente :

EVA = RN - CP * E(Rcp) Nous allons mettre en facteur le résultat net au lieu des capitaux propres :

EVA = RN * (1 - CP / RN * E(Rcp)) Si CP représente la valeur de marché des capitaux propres, c'est-à-dire la capitalisation boursière, le ratio CP/RN n'est autre que le Price-Earnings Ratio :

EVA = RN * ( 1 - PER * E(Rcp) ) Prenons le cas d'une société dont le ß est égal à 1,2 et qui connait une trajectoire financière et boursière se traduisant par un PER de 15. Alors, si l'OAT 10 ans a pour rendement 6%, l'EVA devient :

EVA = RN * ( 1 - 15 * ( 6% + 5% * 1,2) )

EVA = RN * ( 1 - 15 * 12% ) = - 0,8 * RN

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EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page 12

Si le succès de l'entreprise est encore plus net, l'EVA va se détériorer. Ainsi, pour un PER de 20, l'EVA se réduit à :

EVA = RN * ( 1 - 20 * 12% ) = - 1,4 * RN La société est, donc, victime de sa belle trajectoire boursière et plus le marché est satisfait de ses résultats (PER), plus sa rentabilité se dégrade !!!! Le problème vient du fait que la capitalisation boursière traduit l'espoir du marché quant au futur de l'entreprise. Cette valeur dépend un peu du résultat net d'aujourd'hui et beaucoup de l'anticipation des résultats nets futurs : phénomène bien connu, en bourse on achète du futur. La difficulté méthodologique provient, donc, de la prise en compte, dans le calcul du coût de capital, de valeurs de marché. Ce choix est parfaitement justifié car l'entreprise, pour financer son activité, lève des fonds à leur valeur de marché et non à un coût de revient historique. Mais, la critique reste valide même si l'on utilise les valeurs comptables des capitaux propres et de la dette. En effet, l'entreprise, lorsqu'elle lève des capitaux, les investit dans des projets de développement dont la rentabilité n'est pas instantanée, mais étalée dans le temps. Ainsi, comparer le résultat net d'aujourd'hui avec le montant des capitaux investis pour demain pose un problème méthodologique délicat. L'EVA mesurait la rentabilité des capitaux engagés. Abordons, maintenant, la troisième partie de la note, la MVA qui mesure la création de valeur ainsi que le lien entre rentabilité et valeur. III/ LA MARKET VALUE-ADDED, MESURE DE LA VALEUR POUR L'ACTIONNAIRE Après avoir défini la Market Value-Added (MVA), nous ferons le lien avec les méthodes d'évaluation des entreprises et nous discuterons de la relation entre la croissance de l'entreprise et sa capacité à créer de la richesse pour les actionnaires. III.1/ DÉFINITION DE LA MVA Les banquiers se sont joints aux actionnaires pour financer l'outil industriel de l'entreprise, à savoir ses capitaux engagés (CE). Le bilan étant construit, pour l'essentiel, sur le principe du coût historique, la lecture de l'actif nous livre le coût de revient de mise en oeuvre de cet outil. Si l'entreprise a réalisé des investissements performants, la valeur de l'outil doit être supérieure à son coût de mise en oeuvre : la valeur des CE est, ainsi, supérieure aux CE comptables et l'entrprise a créé de la valeur, Vce - CE comptable.

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La Market Value-Added est définie par cet accroissement de valeur, qui se traduit par un goodwill ou une survaleur lors d'une acquisition. Rappelons qu'un investissement est acceptable si sa valeur actuelle nette (VAN) est positive. Or, la VAN est égale à la différence entre la valeur de l'investissement, mesurée par ses cash-flows actualisés, et le coût de mise en oeuvre de l'investissement. Dans une large mesure, la VAN d'un investissement et la MVA d'un actif économique sont des concepts issus de la même source :

Valeur créée = valeur - coût.

Concrètement, la valeur de l'actif économique se mesure ainsi :

Vce = Vcp + Vd

La valeur des capitaux propres (Vcp) est la capitalisation boursière de l'entreprise, qui se calcule en multipliant le cours de bourse par le nombre d'actions en circulation. La valeur de la dette est plus délicate à évaluer, car il est nécessaire de connaître toutes ses caractéristiques (maturité, devise, taux, mode de remboursement,...) ; on prend donc en pratique la valeur nominale inscrite au bilan comme valeur approchée :

Vce = capitalisation boursière + dettes Or :

CE = CPcomptables + dettes Donc :

MVA = capitalisation boursière - CPcomptables. La MVA est une mesure monétaire absolue. Comme pour l'EVA, il est intéressant de disposer d'une mesure complémentaire relative. Nous noterons MVA($) la définition classique monétaire et MVA(%) le ratio :

MVA(%) = MVA($) / CE comptable Si la MVA(%) vaut 45%, cela signifie que l'entreprise a créé une valeur ajoutée égale à 45% la valeur des capitaux engagés (CE). Outre la mesure de la valeur créée, la MVA et son homologue la Market-To-Book (MTB = capitalisation boursière / CP comptables) mesurent, en dynamique, l'évolution de la crédibilité boursière de l'entreprise cotée par rapport à son secteur. Cette crédibilité est fondamentale pour pouvoir appliquer une politique de financement variée et efficace. La MVA est donc tout à la fois un indicateur de succès capitalistique et une mesure de crédibilité relative, facteurs d'importance fondamentale qu'il convient de piloter avec soin.

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EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page 14

La MVA est déduite de la valorisation décidée par le marché. Il est intéressant de l'analyser à la lumière des méthodes de valorisation utilisées par le marché et nous allons, maintenant, faire le lien avec la méthode des Free Cash Flows, appelée parfois méthode des Liquidités Disponibles. III.2/ MVA ET FREE CASH FLOWS La méthode des Free Cash Flows (FCF) valorise l'actif économique à partir des flux générés et consommés par l'outil industriel. Partant du principe qu'un actif ne vaut que ce qu'il génère en trésorerie, la méthode se fonde sur les FCF générés par les capitaux engagés. Ils se calculent comme suit :

FCF = EBITDA * (1 - Tis) + A * Tis - Delta BFR - Investissements En effet, l'outil industriel génère un résultat monétaire d'exploitation (Earnings Before Interests taxes Depreciation and Amortization / EBE - Excédent Brut d'Exploitation en France), dont on retire l'impôt et auquel on ajoute les économies d'impôts sur amortissement. A l'inverse, l'outil industriel consomme des capitaux : l'accroissement du Besoin en Fonds de Roulement et le renouvellement des actifs immobilisés nécessaires à l'exploitation. Le FCF peut s'écrire différemment. En effet, le résultat d'exploitation (EBIT) et l'excédent brut d'exploitation (EBITDA) diffèrent des amortissements de l'exercice envisagé :

RE = EBE - A En remplaçant l'EBITDA par RE + A dans la formule des FCF, on obtient :

FCF = RE * (1 - Tis) + Amortissements - Delta BFR - Investissements Or, la différence entre les investissements et les amortissements est égale à l'accroissement de l'actif immobilisé. Donc, la formule devient :

FCF = RE * (1 Tis) - Delta BFR - Delta Immobilisations Comme le capital investi est égal à la somme du BFR et de l'actif immobilisé, les deux derniers termes représentent l'accroissement de les capitaux engagés. La formule devient :

FCF = RE * (1 - Tis) - Delta CE Le FCF peut donc s'interpréter comme ce qui reste du gain net d'exploitation après avoir financé la croissance des capitaux engagés. Ces derniers n'auront donc une valeur positive que s'ils génèrent plus de richesse qu'ils n'en consomment. De fait, après quelques calculs, on montre que la valeur des capitaux investis, qui génèrent un FCF croissant à l'infini au taux stable de g% par an et qui sont financés par des ressources dont le coût (de capital) est k, est égale à :

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Vce = FCFo * (1 + g) / (k - g)

Cette formule suggère que la croissance génère de la richesse. En effet, si g augmente, k - g diminue et la valeur de l'actif économique augmente. A l'extrême, on peut imaginer une valeur infinie (!) si g et k sont égaux. Analysons plus précisément ce lien entre valeur et croissance. III.3/ LA CROISSANCE, SOURCE DE VALEUR ? Prenons l'exemple suivant. Une société, dont les CE valent 100, génère un chiffre d'affaires égal à 200 et un résultat d'exploitation égal à 7,5% du chiffre d'affaires. Le coût de capital est égal à 10%. Que devient la MVA si le taux de croissance de l'entreprise passe de 5% à 8%, sachant que les bénéfices sont imposés au taux de 33 1/3% ? Tout d'abord, calculons la valeur des capitaux engagés pour une croissance de 5% des FCF.

FCF (5%) = RE * (1 - Tis) - Delta CE

FCF(5%) = 7,5% * 200 * (1 - 33 1/3%) - 5% * 100

FCF(5%) = 5

Vce (5%) = 5 / (10% - 5%) = 100

Donc la MVA, qui représente la différence entre la valeur des CE (100) et les capitaux engagés comptables (100) est égale à 0 : l'entreprise ne crèe pas de richesse. Faisons croître g à 8%.

FCF(8%) = 7,5% * 200 * (1 - 33 1/3%) - 8% * 100

FCF(8%) = 2

Vce (8%) = 2 / (10% - 8%) = 100 A nouveau, la MVA est nulle !! En augmentant g de 5% à 8%, nous n'avons pas créé de valeur et la MVA est restée obstinément égale à 0. Calculons l'EVA.

EVA($) = RE * (1 - Tis) - k * CE

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EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page 16

EVA($) = 7,5% * 200 * (1 - 33 1/3%) - 10% * 100

EVA($) = 0.

Nous pouvons déduire une première conclusion : lorsqu'une entreprise génère une EVA nulle, sa MVA sera nulle quelle que soit la croissance des FCF. La croissance n'est pas une source de richesse. Reprenons le même exemple en supposant que le RE représente, maintenant, 12% du chiffre d'affaires.

EVA($) = 12% * 200 * (1 - 33 1/3%) - 10% * 100

EVA($) = 6

FCF(5%) = 12% * 200 * (1 - 33 1/1%) - 5% * 100

FCF(5%) = 11

Vce (5%) = 11 / (10% - 5%) = 220

MVA($ ; 5%) = 220 - 100 = 120

FCF(8%) = 12% * 200 * (1 - 33 1/1%) - 8% * 100

FCF(8%) = 8

Vce (8%) = 8 / (10% - 8%) = 400

MVA($ ; 8%) = 400 - 100 = 300 La MVA est, alors, d'autant plus élevée que la croissance est forte, parce que l'EVA est positive. Nous épargnerons au lecteur les calculs qui aboutissent à la formule suivante :

MVAo = EVA1 / (k - g) Cette formule se vérifie dans l'exemple ci-dessus :

MVA($ ; 5%) = 6 / (10% - 5%) = 120

MVA($ ; 8%) = 6 / (10% - 8%) = 300 De cette formule et des raisonnements précédents, nous pouvons déduire un ensemble de conclusions qui sont parfaitement en accord avec le vécu des praticiens et qui semblent, ainsi, confirmer des évidences :

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EVA et MVA – Dominique Jacquet – Analyse Financière – Septembre 1997 - page 17

1- La croissance n'est pas une source de valeur ; 2- La valeur vient du fait que la rentabilité des CE est supérieure au coût de son financement (EVA >0) 3- Si l'EVA est positive, plus la croissance est forte, plus la MVA est élevée ; 4- La croissance n'est pas "source" de richesse, mais "accélérateur" dans la transformation rentabilité / valeur. Il convient de préciser que, si l'EVA est négative, la croissance aura pour conséquence d'accélérer la destruction de richesse pour les actionnaires ! Ces conclusions financières ont d'importantes répercussions stratégiques. En effet, nous venons de montrer que croître n'est pas un objectif stratégique, une raison d'être pour l'entreprise. A l'opposé, la rentabilité est un objectif dominant. Certes, la croissance peut contribuer à améliorer la rentabilité (part de marché dominante, économies d'échelle,...), mais la rentabilité est l'unique source de valeur pour les actionnaires. Le lien entre valeur et rentabilité vient d'être établi. Nous allons, maintenant, montrer l'utilisation de l'EVA comme outil d'évaluation. III.4/ L'EVA COMME AIDE A L'ÉVALUATION Le lien entre EVA et MVA permet d'apporter un complément méthodologique utile dans l'évaluation de l'entreprise. En effet, lorsqu'une société est cotée, il est possible de lire directement sa MVA en comparant capitalisation boursière et fonds propres comptables. De plus, on peut calculer son EVA et déduire du rapprochement entre les deux concepts la croissance (g) implicite de l'EVA dans la MVA.

g-implicite = k - EVA / MVA Alors, l'analyse des chiffres est riche d'enseignements. A titre d'exemple, MGI COUTIER, quelques mois après sa mise en bourse dégageait une EVA(%) de l'ordre de 7%, ce qui est considérable (les sociétés performantes se situent à environ 2%/3%) et la MVA indiquait que le taux de croissance implicité de cette EVA dans le cours de l'action était de 3% par an à l'infini. Cette situation n'était durable que si la société disposait d'un avantage concurrentiel tel que les clients n'avaient d'autre choix que de les laisser afficher une rentabilité nettement au-dessus de la moyenne. Malheureusement, les clients ont identifié cette niche génératrice de profits. Comme le pouvoir de négociation est en leur faveur, ils ont incité la société à "partager" ses profits, donc à réduire ses prix de vente et sa rentabilité exceptionnelle.

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Une EVA "hors normes" est, donc, une situation qui peut s'avérer précaire. Prolonger à l'infini une situation dont la pérennité n'est pas assurée est un risque important et conduit à la surévaluation boursière de l'entreprise. Fin 1995, MGI COUTIER génèrait une EVA encore très acceptable de 3% et son cours de bourse anticipait une croissance de cette EVA de 3% par an dans le long terme. La société avait-elle atteint son équilibre boursier ?