euthymène ou un nouveau plan-guide pour marseille

19
CHANTAL DECKMYN Lire la ville l’abécédaire (1974-2010) EXTRAIT : « EUTHYMÈNE OU UN NOUVEAU PLAN-GUIDE POUR MARSEILLE » LiRe La ViLlE 10, rue Colbert 13001 Marseille

Upload: lire-la-ville-lire-la-ville

Post on 10-Mar-2016

217 views

Category:

Documents


3 download

DESCRIPTION

Pour Marseille et les Marseillais, reconnaître leurs quartiers populaires, c'est déjàde les voir figurer sur les plans-guides de la ville

TRANSCRIPT

Page 1: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

CHANTAL DECKMYN

Lire la ville

l’abécédaire

(1974-2010) EXTRAIT :

« EUTHYMÈNE

OU

UN NOUVEAU PLAN-GUIDE

POUR MARSEILLE »

LiRe La ViLlE

10, rue Colbert 13001 Marseille

Page 2: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

2

Page 3: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

3

“Plan-guide”

EUTHYMÈNE

OU

UN NOUVEAU PLAN-GUIDE POUR MARSEILLE

POUR MARSEILLE ET POUR LES MARSEILLAIS,

RECONNAITRE LEURS QUARTIERS POPULAIRES

C’EST DÉJÀ DE LES VOIR FIGURER

SUR LES PLANS-GUIDE DE LA VILLE.

* * *

Il faut que l’on puisse se rendre dans les quarliers populaires, à

La Bricarde ou à la Renaude, comme dans n’importe quel autre

quartier, en suivant l’itnéraire avec son doigt sur la carte, puis en

voiture, en bus et à pied, en se guidant avec un plan. Il faut

pouvoir se rendre chez un ami quelle que soit son adresse, qu’il

habite la tour H à Frais Vallon ou au 128, rue Paradis.

Et il ne faut pas qu’un policier soit dans l’incapacité de

renseigner un passant, qu’un médecin ne puisse trouver son

chemin à 10 heures du soir, ou qu’un chauffeur de taxi refuse

d’emmener quelqu’un au pied d’un immeuble parce que son outil

habituel, le plan, ne lui est plus d’aucune utilité pour s’orienter

au-delà de l’entrée de la cité.

* * *

Page 4: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

4

Marseille en 1652 ; plan dressé par Jean Auger

La pensée du monde se traduit dans les cartes que l’on en

dresse : par le point de vue adopté, par ce qui tient lieu de

centre, par ce qui est placé en point aveugle ou dans des angles

morts.

Le plan Auger, dressé au moment de l’agrandissement de

Marseille décidé par Louis XIV, change le statut de la ville, la

Page 5: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

5

déqualifie en la représentant par un blanc, une lacune et en

remplaçant la notion de "ville" par celle de "vieille ville".

Les plans-guides édités par l’Office du tourisme aujourd’hui

proposent de la ville une représentation dans laquelle le "blanc"

n’est plus au centre, ni sur la ville ancienne (maintenant celle du

XlXe siècle et de la première moitié du XX

e) mais sur le pourtour,

à savoir les extensions de l’histoire récente et plus précisément,

les cités d’habitat social.

Plan-guide de l’Office du tourisme de Marseille

Page 6: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

6

* * *

Des territoires sans carte

Il n’existe actuellement aucun plan-guide qui rende compte des

quartiers populaires de la périphérie de la ville avec le même

soin et ]e même détail que pour les autres quartiers1. Rejoindre

telle cité dans Marseille, s’y déplacer ou se rendre à telle

adresse est rendu difficite par l’absence ou la faible qualité des

indications disponibles. On peut donner de multiples

interprétations de cet état des choses. Mais le résultat est de

fait, une méconnaissance de ces lieux qui ressemblent aux "terra

incognitæ" des cartes anciennes, méconnaissance dont on

connaît le voisinage avec l’inquiétude ou la peur.

C’est la raison pour laquelle nous nous intéressons ici à l’accès

pratique à ces quartiers à travers cet outil de papier très banal

qui sert à s’orienter dans les villes : le plan-guide utilisé par les

particuliers mais aussi par un grand nombre de professionnels,

des chauffeurs de taxi aux policiers en passant par les

travailleurs sociaux, les médecins, les artisans ou les

commerciaux.

Il importe que les cités figurent sur le plan de la ville, il importe

également que leur dessin soit documenté. Ainsi aurons-nous

deux visées : celle de voir toutes les cités représentées d’une

façon homogène avec l’ensemble de la ville, et celle d’enrichir la

connaissance du territoire des cités dans leur histoire et leurs

caractéristiques.

Les obstacles rencontrés par les cartographes

Si nous ne souhaitons pas ici rechercher les raisons de cet état

de fait, il nous paraît intéressant de repérer quelques uns des

obstacles rencontrés par les éditeurs et les cartographes. Nous

en apercevons au moins deux.

Dans le système européen (il en va différemment en Chine ou

aux État-unis), les coordonnées d’une personne, son adresse,

sont définies par le numéro de sa maison : une série complète de

numéros correspond à une rue et à un nom de rue.

1- « Lesquels ne bénéficient pas non plus de la précision et de la richesse de

rendu et d’information dont sont dotées les éditions de plans-guides

parisiens. »

Page 7: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

7

La première difficulté rencontrée par les cartographes pour

représenter les quartiers périphériques réside dans le fait que les

lieux le plus souvent n’ont pas reçu de nom. Que ce soit à Frais

Vallon ou à La Viste, des centaines d’habitants ont tout

simplement Ia même adresse (48, avenue de Frais Vallon pour

les premiers, 38, route de La Viste pour les seconds), seuls leur

immeuble et leur appartement sont nommés ou le plus souvent,

numérotés.

La seconde difficulté tient à un phénomène plus vaste : celui

des mutations urbaines à l’œuvre à partir du milieu du siècle. Il

s’opère alors une inversion du modèle urbain, inversion dans

laquelle le tissu continu de la ville s’interrompt pour laiser place

à des zones de logement, d’activité et de bureau qui forment ce

que l’on appelle la "ville discontinue".

« L’espace public qui jusque là faisait la ville - ses pleins et ses

vides, les rues, les places, les boulevards - est remplacé par une

distribution de "bâtiments-objets", autonomes les uns des autres

autant que du sol ou du site sur lesquels on les a installés.

Jusque là, pour les cartographes l’espace de la ville à dessiner

était celui de l’espace public, un espace en creux qui se déduisait

du bâti et de la disposition des parcelles privées.

Tout se complique donc pour eux mais aussi pour les touristes,

les visiteurs et les facteurs lorsque l’espace public, qui

présentait cette forme très connue, douée de sens et

parfaitement repérée (la rue, la place, etc.), se voit substituer un

espace isomorphe, peu hiérarchisé et dont l’échelle n’a plus de

commune mesure avec celle des parcelles urbaines

traditionnelles : l’espace de la zone. Les plans-guides ne

dessinent plus que les pleins des immeubles, desservis par une

voirie anonyme qui trace son chemin dans des espaces "verts" ou

"extérieurs".

Les codes traditionnels de représentation ne parviennent pas à

rendre totalement lisible cette nouvelle topologie : d’où la

difficulté à se repérer dans ces territoires qu’on appelle la

banlieue.

On trouve peu de représentations cartographiques de Marseille

dans le commerce et aucune n’est plus précise que celles que

nous donnons ici.

Ci-après trois de ces représentations - la carte IGN (1) et deux

plans édités par des sociétés privées (2 et 3) - auxquelles nous

Page 8: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

8

ajoutons le plan distribué par l’Office du tourisme (4). Les

échelles sont les échelles d’origine.

Ci-dessus et ci-après, plans et cartes de deux quartiers de Marseille : les "trois

cités" (Plan d’Aou, la Bricarde et la Castellane) et Frais Vallon.

Page 9: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

9

Sur les plans-guides 2 et 3, on peut observer l’indétermination

des cartographes qui indiquent dans certains cas les voies, dans

d’autres les bâtiments, dans d’autres encore simplement le nom

d’un lieu-dit sans les voies ni les bâtiments. De plus on y trouve

nombre d’erreurs : certains passages qui figurent sur le plan

n’existent pas dans la réalité, certains titres sont posés non pas à

l’emplacement des lieux qu’ils nomment mais à côté, là où il y a

de la place (par exemple "Bois Lemaître" est écrit sur

l’emplacement de la cité de "Frais Vallon" sur le plan 3), etc.

Page 10: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

10

Le plan de l’Office du tourisme (4) ne dit rien de Frais Vallon et

a tout simplement mis "hors champ" les "trois cités".

Quant à la carte IGN (1) qui est la seule à donner le nord en

haut de la carte (sur les autres il se trouve à gauche) et à ne pas

proposer d’indications erronées, elle devient peu lisible

lorsqu’elle passe du dessin des rues traditionnelles, celui des

cités. Par ailleurs ce n’est pas un plan de ville : on n’y trouve

donc aucun nom de rue et l’absence d’une grille de repérage

ainsi que d’une nomenclature des rues empêche de localiser une

adresse ou de suivre un itinéraire.

Objectifs et échéances

Ce projet vise la réalisation de deux objectifs :

- Le premier objectif, à un an : mettre au point des fascicules

permettant une connaissance des différents quartiers d’habitat

social de la périphérie marseillaise, rendant ceux-ci aisément

accessibles et y facilitant repérage et déplacements. outre. un

plan-guide parfaitement lisible, ces fascicules proposeront une

intelligence de l’histoire récente de ces quartiers, une

connaissance de leurs traits remarquables et éventuellement, une

série d’informations pratiques.

- Le second objectif, à un an et demi : à partir de ces

fascicules, dresser un plan-guide de la ville contemporaine

n’omettant aucun de ses quartiers, en réunissant les premiers

travaux et en les intégrant à une réflexion et à une mise en forme

à l’échelle de l’ensemble de la ville.

Ce second objectif implique d’apporter une solution à un

problème cartographique propre à la ville de Marseille et qui

tient à l’ampleur de son territoire (le second par la taille après la

commune d’Arles qui englobe la Camargue) : comment disposer

d’un plan de la ville qui reste maniable, qu’on puisse tenir entre

ses mains, et dont l’échelle permette à la fois de lire la ville

comme un tout, d’un seul coup d’œil, et d’avoir des détails

suffisamment précis pour se repérer localement (on peut avancer

une solution qui consisierait à fabriquer un plan-guide constitué

pour partie d’un plan page par page dans un petit livret, comme

ceux qui ont cours à Paris et, pour partie, d’un plan d’ensemble

moins détaillé ; mais peut-être y a-t-il autre chose à inventer).

Page 11: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

11

Le protocole de mise en œuvre

Le projet sera élaboré à partir de deux échelles d’action : d’une

part des productions locales, propres à chaque quartier, d’autre

part un comité scientifique regroupant les données produites

localement et travaillant à partir d’elles.

« Il entrera dans notre rôle d’assurer les échanges et la

coordination de l’ensemble du dispositif.

À l’échelle territoriale des quartiers

Chacun des quartiers, chacune des cités de Marseille compte

sa "société savante", au moins potentielle : il y a toujours un,

trois ou cinq habitants, passionnés de l’histoire et des détails de

leur quartier et qui savent tout à son sujet et sur ses

transformations (construction d’un kiosque, modification d’un

bâtiment ou d’une aire, ouverture ou clôture d’un passage, etc.)

Les chefs de projets DSU, qui connaissent bien leur monde,

peuvent en général indiquer qui sont ces personnes-ressources.

Le premier cercle du dispositif sera constitué par l’ensemble de

ces personnes sur chaque territoire : qu’il s’agisse d’individus

auprès desquels recueillir les informations ou d’un groupe de

travail constitué.

Par ailleurs, au fil des ans, un travail considérable a déjà été

fait, par exemple dans les écoles et les centres sociaux en

termes de recueil et de production de mémoire sur les quartiers:

écrits, photos, vidéos, documents de toutes sortes. Le projet d’un

nouveau plan-guide pour Marseille sera l’occasion de rassembler

ce travail, de le vaioriser en lui donnant une traduction et une

reconnaissance collective et publique.

Le recueil des informations ou l’animation du groupe de travail

sera assuré par nous. La mise en forme des travaux fera appel

aux compétences d’un dessinateur ou d’un métreur habitant les

lieux (mission à un demandeur d’emploi).

Entre les deux objectifs évoqués plus haut, on peut penser à

rendre public ce travail et les matériaux qu’il aura permis de

mettre à jour, par l’organisation d’une exposition.

À l’échelle de l’ensemble : un comité

scientifique

Un comité scientifique permettra de traiter au bon niveau les

questions de représentation qui se posent aux quartiers en

matière de repérage et d’orientation dans la ville. Il permettra

Page 12: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

12

également de ne pas s’en tenir au traitement social de la

mémoire des lieux et des gens, mais d’une part de resituer cette

mémoire dans le courant de l’histoire collective, d’autre part, en

retour, d’éclairer de façon précise la compréhension des

quartiers populaires par des éléments historiques.

- Principe de constitution : présence de personnalités

scientifiques garantissant la fiabilité de la production ; présence

de professionnels appartenant à divers domaines de réflexion et

d’intervention pour maintenir une pluralité de déontologies et de

points de vue, et par là éviter une approche purement technique

et garantir l’éthique de l’opération.

- Composition prévue : historien, géographe, cartographe,

artiste, membres d’institutions ou d’associations compétentes

(telles que l’AMIEU, les CIe, le Comité du vieux Marseille) ut

quelqu’un de reconnu pour l’éthique de son approche des

territoires habités (par exemple Pierre Sansot)

Les partenaires

Tous les partenaires institutionnels intéressés par le projet

seront bien venus pour le parrainer et/ou le co-financer :

différents élus et services de la ville dont l’ex-ICOREM et

l’AGAM, le Conseil régional, la DRAC, le FAS, la CDC, le CAUE,

les organismes HLM, l’Association régionale HLM, le GPU, la

Fondation des villes et territoires méditerranéens, le Centre de

ressources Politique de la ville, la RTM, l’université, l’INAMA,

l’AMIEU (Association marseillaise d’intervention en écologie

urbaine), le "Comité du vieux Marseille", la revue "Marseille", les

CIQ…

- Nous aurons à trouver un partenaire professionnel essentiel

au projet : un imprimeur prêt à s’investir dans la conception et la

fabrication du plan-guide (au moins dans sa version finale "tout

Marseille") ;

- L’université constituera également un partenaire privilégié,

on recherchera en particulier un accord avèc un dépirtemànt de

géographie et avec le laboratoire INAMA (Institut de recherche

sur l’histoire urbaine) de l’école d’architecture de Luminy :

- Participation d’enseignants-chercheurs (un en géographie et

un à l’INAMA) aux travaux du comité scientifique ;

- Proposition du présent projet comme sujet de DESS à un ou

plusieurs étudiants qui pourraient ainsi d’une part trouver un

sujet riche, vivant et proche des gens, d’autre part accompagner

Page 13: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

13

la démarche et faire fonction de liant (lien entre la coordination

du projet, le "terrain" et l’université).

Coordination du projet

Nous proposons de mener à bien la coordination du projet à

raison de 7 journées par mois en moyenne durant un an (+

éventuellement au-delà, 4 mois pour le montage du plan

d’ensemble) : relations avec les institutions commanditaires

(comité de pilotage) et les partenaires, constitution du comité

scientifique, création des méthodes de travail, montage et suivi

des groupe locaux, recueil des données, suivi, coordination des

travaux des groupes locaux et du comité scientifique,

participation aux recherches et aux mises en forme, participation

aux choix de fabrication et au montage de l’exposition;

éventuellement et ultérieurement, participation aux choix et suivi

de fabrication du plan d’ensemble (tout Marseille).

PLUTOT QUE D’EXPLIQUER PLUS AVANT LES INTENTIONS ET LE CONTENU

DU PROJET, NOUS PRÉFÉRONS CI-APRES LA DESCRIPTION DE SON

DÉROULEMENT : voir ci-après

Page 14: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

14

Page 15: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

15

Page 16: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

16

« Ci-dessus copie d’un plan en couleur édité par la revue Marseille

dans son numéro 75 ("Marseille et ses quartiers", 3e trimestre 1995) ;

la légende précise que c’est en 1946 que Marseille fut

« découpée en 16 arrondissements et 111 quartiers. »

Page 17: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

17

* * *

« "Les cartographes ont trop longtemps refusé de prendre

conscience que la représentation géographique est une

abstraction partielle et partiale […] ; et pourtant notre

cartographie ne puise-t-elle pas ses sources dans les récits de

voyage, comme l’Odyssée, ou dans ces dessins qui intègrent

mythes et réel vécu ?"

« A. Bailly, C. Baumont, J.-M. Huriot, A. Sallez,

Représenter la ville, Paris, Economica, 1995 »

* * *

Page 18: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

18

Page 19: Euthymène ou un nouveau plan-guide pour Marseille

19