Étude comparative des libertÉs collectives des … (legibenin)/doctrine/thèses... · connaître...
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UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE
TUDE COMPARATIVE DES LIBERTS COLLECTIVES DES
TRAVAILLEURS
ESSAI DE RAPPROCHEMENT PARTIR DE LA SITUATION JURIDIQUE DES TRAVAILLEURS
FRANAIS ET BNINOIS
Thse prsente et soutenue publiquement le 14/12/2010 par Ahmed BELLO
Directeur de thse :
M. Alain COEURET : Professeur aux Universits de Panthon-Sorbonne et de Cergy-Pontoise, ancien Conseiller la Cour de cassation.
Membres du Jury :
M. Bernard BOSSU : Professeur lUniversit de Lille 2, Doyen de la facult de droit.
M. Franck PETIT : Professeur lUniversit dAvignon, Doyen de la facult de droit.
M. Doroth SOSSA : Professeur lUniversit dAbomey-Calavi du Bnin, Doyen Honoraire de la facult de droit.
M. Pierre-Henri PRLOT : Professeur lUniversit de Cergy-Pontoise, ancien Doyen de la facult de droit.
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LISTE DES PRINCIPALES ABRVIATIONS
Aff. Affaire A.J. Actualit juridique Al. Alina. Art. Article. Ass. Pln. Assemble Plnire de la Cour de Cassation Bull. civ. Bulletin des arrts de la Chambre Civile. Bull. crim. Bulletin des arrts de la Chambre Commerciale. C.A. Cour dAppel. Cah. Dr. Entr. Cahier de Droit de lEntreprise C. Civ. Code civil. C. Com. Code de commerce Cah. Prudh. Cahier Prudhomaux. C.E. Conseil dEtat. CEDH. Cour Europenne des Droits de lHomme Cf. Confer C. pn. Code pnal. Civ. Cour de Cassation, Chambre civile. Chr. Chronique. CJCE. Cour de Justice des Communauts Europennes. Coll. Collection. Com. Cour de Cassation, Chambre commerciale. Comm. Commentaire Concl. Conclusions. C.C. Conseil Constitutionnel Crim. Cour de Cassation, Chambre criminelle DDHC. Dclaration des Droits de lHomme et du Citoyen D. Recueil Dalloz. D.O. Droit Ouvrier D.S. Droit Social Dr. Trav. Droit du travail. Ed. Edition. Gaz. Pal. Gazette du Palais, Paris I.R. Informations Rapides, Recueil Dalloz. JCP, E. Semaine juridique, dition Entreprise JCP, G. Semaine juridique, dition Gnrale. JCP, S. Semaine juridique, dition Sociale. JDI. Journal du Droit International (Clunet). JO. Journal Officiel JSL. Journal Social Lamy Jurisp. Jurisprudence.
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L. Loi Loc. cit. Loco citato, article cit LPA. Les Petites Affiches. Liaisons soc. Liaisons sociale. NCPC. Nouveau Code de Procdure Civile. Obs. Observations Op. cit. Opere citato, ouvrage cit. Prc. Prcit Prf. Prface Rapp. Rapport RDT. Revue de Droit du travail Rp. Civ. Rpertoire de Droit Civil. Rp. Trav. Rpertoire de Droit du travail. Dalloz Rev. sc. Crim. Revue de Science Criminelle et de droit pnal R.I.T Revue Internationale du travail RJS Revue de Jurisprudence Sociale RTD Civ. Revue Trimestriel de Droit Civil. RTD Com. Revue Trimestriel de Droit compar RPDS. Revue Pratique de Droit social SSL. Semaine Sociale Lamy Soc. Cour de cassation, Chambre sociale. Somm. Sommaire TPS. Travail et Protection Sociale TGI. Tribunal de Grande Instance V Voir.
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madame Valrie BERNAUD
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SOMMAIRE
INTRODUCTION .6
PARTIE 1 : LA DEFINITION DES LIBERTES COLLECTIVES DES TRAVAILLEURS17
TITRE 1 : LES SOURCES DES LIBERTES COLLECTIVES DES TRAVAILLEURS .....19
Chapitre 1 : Les sources internationales des liberts collectives des travailleurs...21
Chapitre 2 : Les sources internes des liberts collectives des travailleurs133
TITRE 2 : LA SPCIFICIT DES LIBERTES COLLECTIVES DES TRAVAILLEURS193
Chapitre 1 : La spcificit inhrente au droit de grve...195
Chapitre 2 : La spcificit affrente la ngociation collective..225
PARTIE 2 : LA PROTECTION DES LIBERTES COLLECTIVES DES TRAVAILLEURS....279
TITRE 1 : LA PROTECTION DIFFICILE DES LIBERTES COLLECTIVES
DES TRAVAILLEURS....281
Chapitre 1 : Le constat gnral dune difficult commune.283
Chapitre 2 : Le diagnostic dune difficult gomtrie variable.367
TITRE 2 : LA PROTECTION NECESSAIRE DES LIBERTES COLLECTIVES
DES TRAVAILLEURS...427
Chapitre 1 : La ncessit constitutionnelle de protection...429
Chapitre 2 : La ncessit mthodologique de protection....523
CONCLUSION.553
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INTRODUCTION
1. Le temps nest pas loign o M. Jean-Michel BELORGEY se demandait si les
droits sociaux1 et quels sociaux ? sont-ils pour de bon, des droits fondamentaux ? Et
peuvent-ils ce titre bnficier de la mme protection, des mmes garanties dexercice que les
droits classiques, les droits civils et politiques ? 2. Par-del les prjugs une prcision dusage
assurment ncessaire, et qui vient au point au bon moment, simpose. Encore faudrait-il
connatre les fondements juridiques de la discussion.
Nul nignore la jurisprudence du Conseil dtat des annes 1960 et 19703, o le principe
de participation sanalysa comme un objectif atteindre auquel les constituants ont
raffirm leur attachement 4. Au demeurant, dans ce prolongement, la Haute juridiction
administrative affirma vers la fin des annes 1980 au sujet de lalina 8 du prambule du 27
octobre 1946 que les droits reconnus par ce principe ne peuvent sexercer que dans le cadre
des dispositions lgislatives et rglementaires qui le rgissent 5, croire quil ny avait rien
attendre du droit de participation dans le contentieux administratif6. Chacun sait
lantagonisme qui apparut entre la continuit du service public et la grve dans les conclusions
du commissaire du Gouvernement TARDIEU sur larrt Winkell7, lequel conduisit dminents
membres de la doctrine considrer le droit de grve des fonctionnaires comme tant un
droit de guerre prive 8, un crime 9 ou un attentat 1. On se souvient des difficults qui
1 Pour une dfinition gnrale de la formule, on renvoie : F. GAUDU, Les droits sociaux, in Liberts et droits fondamentaux, R. CABRILLAC, M.-A. FRISON ROCHE, T. REVET (dir.), Dalloz, 12me d. 2006, p. 729. 2 J.-M. BELORGEY, in La Charte sociale europenne, J.-F. AKANDJI-KOMB, S. LECLERC (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2001, p. XIII 3 On fait ici allusion aux arrts : Sieur Leseur et autres du Conseil dtat, sec., 15 fvrier 1961, Rec., p. 115. ; Fdration nationale des syndicats des services de sant et services sociaux de la DFDT, Conseil dtat ass. 28 juin 1974, Rec., p. 380 et RTDSS, 1974, p. 699, conclusion BERTRAND ; Manufacture franaise des pneumatiques Michelin, Conseil dtat, 15 dcembre 1978, D. 1979, J., p. 329, conclusion LATOURNERIE. 4 Dans le droit fil de la distinction doctrinale alors entretenue entre les dispositions juridiques contenant ou non des rgles de droit directement applicables, que lon dsigna respectivement comme tant des rgles de droit positif ou des dispositions programmes ncessitant une interpositio legislatoris : G. BURDEAU, Trait de science politique, LGDJ, 1950, t. 3. p. 128. 5 CE, Sec., 9 juillet 1986, Syndicat des commissaires de polices et es hauts fonctionnaires de la police, RDP 1987. 250. 6 Selon les propos de M. le professeur A. LYON-CAEN se rapportant cette dcision : Le droit constitutionnel de participation et dlimitation des collectivits de travail , RDT ; Fvrier 2007, p. 85. 7 Conseil dtat, 7 aout 1909, Rec., p. 826 s., 1909, 3, p. 145. 8 Cf. M. HAURIOU, S 1909-3-145. 9 Cf. L. DUGUIT, Trait de droit constitutionnel, t. III, 3e d., 1929, de Boccard, p. 219 et s.
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slevrent autour de la reconnaissance de la libert syndicale ngative devant les juges
europens, dont laffaire Young James et Webster2 constitua le tmoignage loquent.
2. En effet, il faut admettre, ainsi que le fait remarquer Mme OGIER-BERNAUD3, que
les droits constitutionnels des travailleurs ont toujours t victimes de prjugs doctrinaux et
dhsitations jurisprudentielles4. Les droits sociaux, dimension collective5, pourtant
invents6 pour permettre aux salaris de sortir du dilemme de la subordination volontaire7
sans remettre en cause sa situation subordonne8, ne sont pas toujours des plus simples
saisir dans le champ de la fondamentalit 9 des prrogatives humaines. Or, ils constituent
lune des principales raisons dtre de la discipline du droit du travail10.
Cest pourquoi il a sembl ncessaire de leurs consacrer une tude particulire, et plus
prcisment aux grandes liberts publiques des travailleurs : car le droit du travail, dune
faon ou dune autre, participe ncessairement dun dbat fondamental sur les liberts
publiques, sur le rgime politique. Ainsi donc, le pluralisme, la reconnaissance des divergences
dintrts entre employeurs et salaris, la conscration du droit syndical, le dveloppement de
la participation dans lentreprise comme dautre niveau de la socit, ne sont jamais pour
trop plaire aux tyrans de tous ordres non plus quaux esprits peu libraux, pour ne pas les
qualifier de totalitaires 11.
1 Ibid. 2 Du 13 aout 1981 : Srie A, n44, p 21-22, para 55-58. 3 Dans le mme sens, cf. P.-H. IMBERT, in La Charte sociale europenne, op. cit., p. XI. 4 Les droits constitutionnels des travailleurs, conomica, PUAM, 2003, p. 167. 5 Selon la formule de M. le professeur A. SUPIOT, Critique du droit du travail, Paris, PUF, coll. Les voies du droit, 1994, p. 140. 6 Ibid. Et lon ne peut manquer ici de penser, au regard de la porte universelle du mouvement, la Dclaration de Philadelphie concernant les buts et les objectifs de lOrganisation internationale du travail adopte le 10 mai 1944 en Confrence gnrale par les membres des Nations Unies : A. SUPIOT, Lesprit de Philadelphie. La justice sociale face au march total, Seuil, 2010, 178 p. 7 A. SUPIOT, Critique du droit du travail, op. cit., ibid. 8 Ibid. 9 On emprunte ici le mot des professeurs A. VIALA et .B. MATHIEU, respectivement dans : Droit fondamentaux (garanties procdurales), , in Dictionnaire des droits fondamentaux, D. CHAGNOLAUT, G. DRAGO (dir.), Dalloz, 2006, p. 287 ; Pour une reconnaissance de principes matriciels en matire de protection constitutionnelle des droits de lhomme , D., 1995, p. 211 s. 10 V. J. Le GOFF, Du silence la parole. Une histoire du droit du travail, 2me d. PU Rennes, 2004 ; Actes du Colloque Construction dune histoire du droit du travail , Cahier de lInstitut rgional du travail, Univ. Aix-Marseille II, n9, avril 2001 ; J.-P. LE CROM, Du bon usage de lhistoire en droit du travail, Regard crois sur le droit social, SSL, suppl. n1095 (28 oct. 2002), p. 58 ; M. DAVID, Les travailleurs et le sens de leur histoire, Cujas, 1967 ; R. CASTEL, Les mtamorphoses de la question sociale. Chronique du salariat, Fayard, 1995 (2me d., 1999). 11J.-C. JAVILLIER, La doctrine en droit du travail , in Les sources du droit du travail, B. TYESSI (dir.), PUF, 1998, . spc. p. 47.
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Il reste encore, aprs avoir acquis cette certitude, dlimiter le champ de la recherche, et
donc, dfinir la catgorie des droits sociaux devant tre prise en considration. Sest
rapidement impose lide de se circonscrire sur la variante des droits sociaux dont jouissent
uniquement les travailleurs, en tant que personnes lies un employeur par un contrat de
travail. Le choix est en ralit incontournable dans la mesure o il nest nullement possible de
privilgier une conception large du sujet et de traiter, non pas des seules droits sociaux dont
bnficie la catgorie exclusive des travailleurs, mais de tous les droits et liberts de nature
individuelle comme collective qui leurs reviennent en qualit dhomme.
Ainsi saperoit-on rtrospectivement quil ntait en aucun cas possible de procder
autrement, puisque toute autre alternative allait transformer la thse en un vritable catalogue,
o aurait t ralise une analyse superficielle des diffrents droits et liberts des personnes,
sans lobservation dune quelconque cohrence. Ceci aurait conduit prendre tout la fois en
considration des droits caractre civil ou politique et dautres dimension sociale ou
conomique, des droits ayant t proclams pendant la premire gnration et ceux
appartenant la deuxime gnration, des droits pouvant sexercer par la volont dune seule
personne et dautres ne se mettant en uvre dordinaire que dans un cadre collectif.
3. Do la ncessit stant manifeste de se borner aux droits dexpression collective1
ayant t invents pour donner au travailleur une force rsultant du groupe, en vue de lui
restituer sa qualit de sujet libre2, mme dans lespace de lentreprise : la libert syndicale, le
droit de grve et le principe de participation3. En consquence, les droits consacrs dans les
seuls alinas 6,7 et 8 du prambule de 1946 occuperont notre intrt. Mais est-ce dire quon
ne devra recourir daucune manire que ce soit aux droits civils et politiques et, quil sera
possible de traiter des liberts collectives des travailleurs sans lombre dune vocation des
1 A. SUPIOT, Critique du droit du travail op. cit., ibid. 2 Ibid. 3 Tout au long de ce dveloppement, on emploiera le terme de principe de participation pour dsigner les droits consacrs par lalina 8 du Prambule de la Constitution du 27 octobre 1946. La prise de cette dcision a t prcde particulirement par une phase dhsitation. Il tait possible demployer lexpression de droit la participation , si lon voulait souligner laspiration dynamique de la notion. On aurait galement pu prfrer la formule de droit de participation , par dduction du fait que lalina 8 reconnatrait tout travailleur, malgr lchec de la Dclaration davril, un droit de participer la dtermination collective des conditions de travailleurs et la gestion de lentreprise. Mais, il a sembl plus pertinent de rester au plus prs de la pratique doctrinale majoritaire, prfrant utiliser le vocable de principe de participation pour marquer que lalina 8 prend place dans une liste de principes particulirement ncessaires notre temps.
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droits dits classiques , auxquels les auteurs reconnaissent sans ambages la qualification de
fondamentaux ? Peut-on tudier les droits dexpression collective des travailleurs sans
devoir rapprocher leur rgime juridique de celui des droits des personnes caractre
individuel, alors que cest par rapport ces derniers quil faut raisonner pour voir dans quelle
mesure le continuum juridique de la collectivit des liberts constitutionnelles mriterait dtre
restaur ?
4. Sil est ncessaire de prendre en considration que les seuls droits sociaux des
travailleurs dont la particularit est de ne pouvoir (en principe) tre mis en uvre que par la
volont de plusieurs personnes, il convient immdiatement de signaler que lanalyse du
triptyque des liberts collectives des travailleurs ne peut tre mene sans la ralisation dune
comparaison avec le rgime juridique des liberts individuelles dans le corpus dautres
disciplines du droit1. Cest alors quune nouvelle interrogation sest impose nous, eu gard
la dimension comparative de lanalyse. Doit-on comparer les liberts collectives des
travailleurs aux droits civils et politiques dans le seul prisme du droit du travail franais ou,
dans une dynamique davantage stimulante, convient-il dlargir le champ de la comparaison
dautres lments dextranit ? Luniversalit2 des droits des personnes salaries conjugue
la spcificit inhrente, aussi bien la libert de revendication professionnelle, quau droit
conventionnel des relations professionnelles, ne conduit-elle pas devoir inscrire le dbat
dans une approche comparative et externe, cest--dire dans une mise en contact principale
avec un autre systme juridique national ?
5. Les propos de M. le professeur JAVILLIER ont t particulirement dterminants
dans la prise de la dcision finale. Selon lauteur, une doctrine ne saurait se concevoir sans
sortir de son territoire : de sa discipline familiale comme de son territoire national. Bien peu
dcrits sont consacrs limpact du droit du travail sur dautres disciplines. Et pourtant,
1 dfaut, lobjet de la question initialement pose par le clbre praticien du droit, J. M. BELORGEY, consistant se demander si, au bout du compte, les droits sociaux sont de vritables droits fondamentaux, perdrait son sens, tant elle ne se justifie que par la mise en relation des droits dits de la premire et de la deuxime gnration. 2 Ce qui nest pas confondre avec luniversalisation, et encore moins avec luniversalisme, qui confine au vestige de la pense unique dogmatique ; de faon courante, le ghetto redout de la hirarchisation des cultures et des civilisations humaines en piteuse contradiction avec les principes mme dgalit et de dignit humaine, v. en ce sens :H. PALLARD, Universalit ou universalisation des droits de lhomme ?, Un philosophe du droit lit un anthropologue du droit, in La qute anthropologique du droit : autour de la dmarche dtienne Le Roy, Karthala, 2006, p. 115 ; E. Le ROY, Les fondements anthropologique des droits de lhomme. Crise de luniversalisme et post modernit , Rev. de la Recherche juridique-Droit prospectif, 1992, n1, p. 151 s.
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limpression est bien que des concepts (la reprsentativit) et techniques (la convention
collective) font dsormais partie des instruments communs de nombreuses disciplines 1.
Le spcialiste convaincu du droit compar estime, en effet, que : en revenant aux thses,
force est de constater que le droit des autres (droit trangers-droit compar, avec toutes les
incertitudes terminologiques et mthodologiques) ne semble pas honorer luvre doctrinale.
Limpression est mme que les juristes franais sont bien part. la diffrence duniversits
europennes (allemandes, anglaises, belges, hollandaises, notamment), il est bien difficile de
trouver sur les rayons (quand il y a facilement accs) des ouvrages de droit du travail des
diffrents pays. Avec ce constat quil convient aussi de faire : que la langue franaise nest plus
une langue usuelle en droit compar, puisque les publications les plus nombreuses sont
dsormais en langue anglaise. Pour qui souhaite une prsence doctrinale hors du territoire,
lhsitation nest dsormais plus possible 2.
6. Il est patent de constater que jusqu nos jours, notre connaissance, aucune
comparaison na t ralise sur les liberts collectives des travailleurs bninois et franais. En
somme, il conviendra de mener, dans tous les sens du terme, une tude comparative sur cet
objet. Mais une prcision importante doit tre apporte dans limmdiat. En effet,
contrairement aux observations souvent ralises dans certains ouvrages de droit compar, il
ne sera nullement question ici daccomplir une juxtaposition artificielle des diffrents
systmes juridiques en lieu et place dune vritable tude comparative : le travail comparatif
oblige assurment, dun champ juridique un autre, un rappel chronologique des points de
droits, mais cela ne peut conduire un bilan artificiel des concepts et notions des ordres
internes. Il est primordial de distinguer lobjet de la comparaison de la topique de la
juxtaposition, dont il ne sera nullement question ici. A titre principal, ltude devra souvrir
tous les lments du dbat concernant, de prs ou de loin, les droits sociaux des travailleurs.
Cest dire le cadre gnral de la rflexion impos par le caractre universel des droits
concerns, en dpit de sa limitation liminaire aux champs juridiques bninois et franais.
Mais, surtout, ltude comparative devra intgrer les impacts des autres disciplines du droit
sur liberts collectives des travailleurs, ce qui permettra de les confronter plus prcisment au
travers des dispositions lgislatives et rglementaires rsultant du code du travail franais
1 La doctrine en droit du travail , in Les sources du droit du travail, op. cit., p 53. 2 Ibid., p 53-54.
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(dont la premire version date du 28 dcembre 1910) et du code du travail bninois (entr en
vigueur le 27 janvier 1998). Dans le prolongement des observations de M. le professeur
JAVILLIER, ce travail prsente un intrt majeur aussi bien dans les champs juridiques
bninois et franais que sur le plan plus gnral de la progression de lanalyse des liberts
collectives de la communaut des travailleurs. Toutefois, malgr la pertinence des
constatations de lauteur, une remarque pourrait nous tre objecte, tant la bonne marche du
processus du rayonnement du Droit par le rapprochement des droits nest pas toujours des
plus connus.
On pourrait en effet nous objecter que plusieurs travaux doctrinaux denvergure
permettaient dj de conclure que les jurisprudences franaises auxquelles nous faisions
allusions au dbut de cette introduction sont dates et que, de fait, lapport de notre analyse
sappuyant sur les propos de M. BELORGEY serait rsiduel. Autant en convenir demble :
ltude des liberts collectives des travailleurs franais, particulirement rare il y a quelques
annes, a depuis lors connu un certain succs1. Le passage des conceptions individualistes de
la priode rvolutionnaire aux conceptions sociales des droits des personnes partir de la fin
de la Seconde Guerre mondiale a certainement contribu cette inversion des tendances2.
Dans ce contexte, est-il encore indispensable dentreprendre une nouvelle recherche sur ce
thme ? La rponse est assurment positive.
Il faut immdiatement prciser que, malgr leur qualit respective, les thses soutenues
dans les universits franaises et principalement celles des vingt dernires annes, en dehors
du fait quelles navaient pas t menes sous un angle comparatif classique, ne se sont
intresses aux droits dexpression collective des travailleurs que de faon subsidiaire. Il en est
ainsi, en particulier, de celles de MM. les professeurs CLAPI3, MOLFESSIS4 ou de MM.
1 Dans ce sens, Cf. : J. AUROUX, Les droits des travailleurs, rapport du ministre du travail au Prsident de la Rpublique et au Premier ministre, Paris, La documentation franaise, 1982, 104 p. 2 V. en ce sens les rflexions de M. le professeur G. COUTURIER Droit du travail, Pairs, PUF, t.1, Les relations individuelles de travail, 3e d., 199-, p. 85 qui observe que les annes soixante-dix ont t marques par un conflit de logiques , stigmatisant les contradiction de la socit capitaliste et du droit qui sy applique. taient en cause les concepts utiliss, les modes de raisonnement mis en uvre, les sanctions encourues, voire les modes dlaboration de la loi. Parmi ces instruments de la technique juridique, certains taient identifis comme vhiculant une "logique" favorable aux employeurs : les concepts et les principes du droit des obligations (). La thorie voulait leur en opposer dautres, relevant dune autre "logique", favorable aux travailleurs : problmatiques formules en terme de droit de la dfense et de liberts fondamentales . 3 De la conscration des principes politiques conomiques et sociaux particulirement ncessaires notre temps, Thse, Montpellier I, 1992, 542 p. 4 Le Conseil constitutionnel et le droit priv, Paris, LGDJ, Bibliothque de droit priv, 1997, 602 p.
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FRANGI1, WANDJI-KEMADJOU2, ou encore de celles de Mmes SAUVIAT-CANIN3,
MEYRAT4. Sauf ltude de Mme OGIER-BERNAUD5 se rapportant aux droits
constitutionnels propre la catgorie des travailleurs et donc la libert syndicale, au droit de
grve et au principe de participation, examins selon une approche de constitutionnaliste avec
un point de vue ponctuellement comparatiste.
Lauteur, soulignant le caractre incident de ces principaux travaux de recherche sur les
liberts collectives des travailleurs, avait t amen raliser des comparaisons ponctuelles et
confronter la jurisprudence du Conseil constitutionnel avec celle des Cours
constitutionnelles dautres pays. Cest ainsi quelle se rfra aux solutions trangres pour
faire ressortir loriginalit de celles retenues en France ou au contraire leur absence de
spcificit 6. Il est donc ncessaire de tirer toutes les consquences de lintrt du procd du
rapprochement des droits et de raliser, proprement parler, une tude comparative.
7. Lutilit de la mthode comparative nest plus dmontrer7. Elle enrichit le Droit
par intgration en son sein dlments exognes ou de pratiques nouvelles8, en vue de la
slection des matires susceptibles dunification9 ; comme par une sorte deffet rflexe, li au
retour comparatif sur soi-mme, la connaissance du droit tranger favorise une meilleure
1 Constitution et droit priv Les droits individuels et les droits conomiques, Paris, Aix-en-Provence, Economica, PUAM, Coll. Droit public positif, 1992, 317 p. 2 Les droits et liberts fondamentaux du salari : rflexion sur la hirarchie des normes, Thse, Paris II-Assas, 2007, 355 p. 3 La jurisprudence judiciaire et les dcisions du Conseil constitutionnel, Thse, Limoges, 1993, 576 p. 4 Droit fondamentaux et droit du travail, Thse, Paris X-Nanterre, 1998, 373 p. 5 Op. cit. 6 Ibid., p 22. 7 G. LYON-CAEN, Les apports du droit compar au droit du travail , in Un sicle de droit compar en France. Les apports du droit compar au droit positif franais. Le livre du centenaire de la socit de lgislation compare, Paris, LGDJ, 1969, p 315. M. ANCEL, Utilit et mthode du droit compar, Ides et Calendes, 1971, p. 37 s ; P.G. VALLINDAS, Lutilit du Droit compar en vue de la slection des matires susceptibles dunification , R.H.D.I., 1949.84 ; R. SACCO, La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, Economica, coll. tudes juridiques comparatives , 1991, spc. ch.1, sur le but de la comparaison ; C.-J. HAMSON, Droit compar et enseignement du droit , R.I.D.C., 1950, p 672 ; R. DAVID, Le droit compar, enseignement de culture gnrale , R.I.D.C., 1950, p 682 ; Trait lmentaire de droit civil compar. Introduction ltude des droits trangers la mthode comparative, L.G.D.J., 1950, p 1 s ; A. SCHWARTZ, La rception et lassimilation des droits trangers, in Introduction ltude du droit compar, Recueil en lhonneur ddouard LAMBERT, Sirey-LDGJ, 1938, T.II, p 581 ; I. ZAJTAY, La rception des droits trangers et droit compar , R.I.D.C, 1947, p 686 ; J. GAUDEMET, Les transferts de droit , Lanne sociologique, vol.27, 1976, p 29 ; R. RODIRE, Approche dun phnomne : les migrations de systmes juridiques , in Mlanges Gabriel MARTY, p. 947 ; E. AGOSTINI, La circulation de modles juridiques , R.I.D.C., 1990 ; p. 461 ; A.-J. VAN DER HELM, V.-M. MEYER, Comparer en droit, Cerdic, 1991, p 21 ; J.-C. JAVILLIER, Les enseignements de lanalyse comparative et la pratique franaise , Dr. soc., 1990, p.661. 8 M. ANCEL, Utilit et mthodes du droit compar, op. cit., ibid. 9 P.G. VALLINDAS, Lutilit du Droit compar en vue de la slection des matires susceptibles dunification , op. cit., ibid.
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comprhension des solutions, des structures et des tendances du droit national 1. Le vide
juridique constitu par labsence dtude comparative des liberts collectives des travailleurs
bninois et franais se doit donc dtre combl. Dailleurs, linstar de Mme OGIER-
BERNAUD2, qui utilisa la mthode comparative pour traiter des droits constitutionnels des
travailleurs dans le champ juridique franais, des auteurs bninois staient galement rendus
compte de son utilit voire, de sa ncessit.
Ainsi le prcisa t-on de diverses manires. Dune part en constatant que, quon le veuille
ou non, ltude des lignes de lvolution du droit du travail au Bnin ne peut se faire, de
manire comprhensible, sans retracer litinraire suivi par les relations de travail en Afrique
Noire travers diffrentes priodes de lHistoire 3. Dautre part en observant, dans le cadre
dune tude se rapportant aux Liberts de lindividu dans le systme juridique bninois, que faire un
bilan de ltat des liberts de lindividu au Bnin sans une comparaison avec le modle
franais nest pas facile. Cette comparaison tait ncessaire cause du mimtisme souvent
observ au niveau des rgles de droit sur lesquelles reposent les conditions dexercice de ces
liberts et leur effectivit 4.
8. On aura compris : une constatation primordiale ressortant de lapproche
comparative simpose dores et dj. Les relations juridiques franaises et bninoises et, plus
globalement, celles qui intgrent les pays de lAfrique expression franaise, seraient
caractrises par une problmatique rcurrente de mimtisme juridique, dont les effets seront
rechercher, selon les chercheurs et observateurs, dans les difficults de rception des droits
fondamentaux des personnes en Afrique.
Pour M. GBAGO, ltat bninois aujourdhui monopolise le droit enseign dans les
facults en prsentant son uniformit comme un dogme. Pourquoi stonner de son
chec ? 5 Et lauteur de conclure en prcisant que lAfrique a donc intrt rinterprter
comme elle a commenc par le faire la mthode de pense et dadaptation des droits de
1 F. TERR, Introduction gnrale au droit, Prcis Dalloz, 3e d., 1996, n390, p. 347. 2 Dans le mme sens mais non point sur lobjet spcifique des droits des travailleurs, Cf. : N. MOLFESSIS, Le Conseil constitutionnel et le droit priv, op. cit., p 12 s. 3 B. AMOUSSOU, Droit bninois du travail, Cours, Cotonou, 2003, p. 7. Ceci se justifie par le fait que, le Dahomey dantan, avant quil ne devienne la Rpublique populaire du Bnin ( partir du 30 novembre 1975) puis la Rpublique du Bnin (depuis le dbut des annes 1990), fut une ancienne colonie franaise, entre le 22 juin 1894 et le 31 juillet 1960, o elle fit partie de lAfrique Occidentale Franaise. 4 S. A. APITHY, Les liberts de lindividu dans le systme juridique bninois, Thse, Caen, 1997, sn 245242, p. 291. 5B.G. GBAGO, Le Bnin et les droits de lhomme, LHarmattan, 2002, p. 19.
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lhomme en usage sur le plan international 1. Il conviendra, videmment, de fournir une
rponse complte sur cette question et de voir dans quelle mesure, dans quel postulat dautres
paradigmes, dautres facteurs rfrentiels, tantt ignors mais toujours dterminants, peuvent
galement expliquer les difficults de rception des droits fondamentaux des personnes en
Afrique2.
9. En bout de course, on saperoit que les questions poses sur les droits sociaux par
lancien prsident du CEDS M. BELORGEY sont galement valables pour les
travailleurs bninois et plus gnralement africains mais, il est vrai, au travers de la
problmatique du mimtisme juridique. Il est en effet indispensable de vrifier si la libert
syndicale, le droit de grve et le principe de participation sont pour de bon des droits
fondamentaux comme tout autre prrogative humaine et sils bnficient, en consquence, de
systmes de reconnaissances et de mcanismes de garanties identiques ceux dont jouissent
les droits civils et politiques, aussi bien dans les champs juridiques bninois et franais quau-
del. Autant dire que la question concerne plus globalement tous les travailleurs, au-del des
frontires spatiales de chaque nation. Il convient de laborder dans cette dimension, en dpit
du caractre binaire quemprunte le rapprochement. Sans conteste, la discussion renvoie, au
regard de sa dimension universelle, la ncessit de prciser les traits de spcificit et les
points de convergence des liberts collectives des travailleurs sur le plan du droit international
du travail.
10. Il faudra bien sr les faire ressortir, sans oublier une autre ncessit, celle de prendre
en considration limpact des autres disciplines du droit et surtout celui de la principale
dentre elles3 sur les liberts collectives des travailleurs, ainsi que le prcisait M. le professeur
JAVILLIER4. Il est acquis, dans lordre interne et, certains gards, sur le plan du droit
international, que le degr deffectivit dune libert se mesure par rapport la place et la
considration qui lui sont confres au niveau constitutionnel5. La constitution, qui intgre
lensemble des rgles suprmes permettant de dterminer le fonctionnement des institutions
1 Ibid. 2 M. SAMB, Rformes et rception des droits fondamentaux du travail au Sngal , Afrilex, 2000, p. 2. 3 V. L. FAVOREU, Linfluence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les diverses branches du droit , in Mlange Lon HAMON, conomica, 1982, p. 244. 4 Op. cit., ibid. 5 L. FAVOREU, La hirarchie des normes constitutionnelles et sa fonction dans la protection des droits fondamentaux , Ann. int. just. const., 1990, p. 133.
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de la Rpublique, est la Loi fondamentale, la plus haute rgle dans la hirarchie des normes
dun pays1. Par consquent, pour savoir si les liberts dexpression collective des travailleurs
sont des droits fondamentaux dans tous les sens du terme, il faut sintresser lattention qui
leurs est confre dans la norme suprme, surtout, la manire dont les juges constitutionnels
veillent leur respect2.
11. Dans le mme dessein, M. le doyen FAVOREU crivit : la protection
constitutionnelle constitue la condition dexistence mme des droits fondamentaux3. Il
convient de senqurir des conditions concomitantes ou variables ? dintervention des
constituants bninois et franais sur lobjet des droits syndicaux et, davantage, voir dans
quelle mesure les gardiens de la Loi fondamentale veillent effectivement au respect des
dispositions relatives aux droits fondamentaux de lhomme au travail. Le procd du
mimtisme juridique, ci-dessus dcri par un auteur, est-il susceptible, dans lordre interne
bninois, plus globalement, dans celui des pays de lAfrique francophone, de conduire la
rception mcanique des difficults de protection des liberts collectives des travailleurs ?
12. Il sera digne dintrt de rpondre galement cette question qui implique, titre
principal, des lments dapprciation de nature constitutionnelle. A-t-on ainsi peru
lexigence de procder la ralisation dune tude hybride4 et complte5. Faire recours aux
1 Ibid. 2 R. BADINTER, B. GENEVOIS, Normes de valeur constitutionnelle ET degr de protection des droits fondamentaux , R.F.D.A., 1990, p. 317 et s. 3 L. FAVOREU, P. GAA et alii, Droit des liberts fondamentales, 2e d., Paris, Dalloz, Prcis droit public, 2001, p. 149 4 Tant lon admet aujourdhui que, dune part, Le droit est un. Le risque de loublier est grand en un temps o le "spcialiste" rgne. Ceux qui arpentent les terres du droit social le savent bien. (B. TYESSI (dir.), Les sources du droit du travail, op. cit., p 9.) ; dautre part, la "part" du droit est relative dans les relations du travail (J.-C. JAVILLIER, La doctrine en droit du travail , in Les sources du droit du travail, B. TYESSI (dir.), PUF, 1998, . spc. p. 52-53.). 5 Il ne fait donc aucun doute que lobjet de cette recherche conduit faire vaciller les frontires qui sparent le droit priv du droit public. Comme on faisait valoir autrefois que les cloisons [croulaient] de toutes parts entre le droit public et le droit priv (R. SAVATIER, Droit priv et droit public , D., 1946, p. 25, spc. p. 27.) on saperoit aujourdhui de la relativisation croissante de la distinction entre droit public et droit priv , mme sil faut reconnatre que celle-ci nest pas encore rentre dans la conscience des juristes (L. FAVOREU, Le droit constitutionnel, droit de la constitution et constitution du droit , RFDC, n1, 1990, p. 71, spc., 87 et 88.) Les exemples ne manquent pas. Notamment avec les rformes du 23 juillet 2008 et du 10 dcembre 2009 dans le cadre franais et le chantier actuellement ouvert de la rvision constitutionnelle sur la scne nationale bninoise. Do la confirmation de lide que la coloration progressive des diverses branches du droit par le constitutionnel aurait pour consquence que tout clivage entre branches de droit public et branches de droit priv sera supprim car le soubassement constitutionnel est commun aux diffrents droits (L. FAVOREU, Le droit constitutionnel juridictionnel en 1981-1982 , R.DP, 1983.333, spc., n46, p363.)
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dispositions de la Loi fondamentale et lobservation des dcisions constitutionnelles avec
une approche de travailliste est indispensable1 pour pouvoir confronter les liberts collectives
des travailleurs bninois et franais, et, surtout, pour savoir si les droits sociaux de nature
collective des travailleurs sont des droits fondamentaux part entire.
Certes, la libert syndicale, le droit de grve et le principe de participation sont
techniquement des droits constitutionnels des travailleurs au Bnin comme en France. Ils ont
tous t levs au rang des prrogatives valeur constitutionnelle, linstar des droits civils et
politiques. Les travaux des Assembles constituantes de 1946 ont en effet permis de confrer
une assise constitutionnelle absolument primordiale aux droits sociaux propre la catgorie
des travailleurs2 tels quils ont t noncs respectivement aux alinas 6, 7 et 8 du prambule.
Il est particulirement intressant de constater que les droits promulgus la fin de la
Seconde Guerre mondiale visrent galement les travailleurs coloniaux de lpoque. Mais des
annes plus tard, eu gard aux volutions du cours de lhistoire, le Dahomey dalors, linstar
dautres colonies franaises de lAfrique, devait prendre en main sa destine et dcider lui-
mme de la gestion de son sort. Pour autant, lindpendance aurait-elle eu pour consquence
de remettre en cause les textes promulgus lors de la souverainet franaise par ladoption de
nouvelles rgles se distinguant radicalement dans le cadre bninois voire gabonais de
celles ayant prvalu ?3 Lindpendance politique aurait-elle t suivie dune indpendance
juridique, sous rverse du socle videmment acceptable de ce que lon nomme la
standardisation politique et institutionnelle ?
13. Les dveloppements venir permettront dapporter des rponses prcises ces
interrogations, sur le terrain de la mise en balance des droits des travailleurs bninois et 1 Dans le mme sens, v. : A. JEAMMAUD, Le droit constitutionnel dans les relations de travail , AJDA 1991, p. 612 ; La constitutionnalisation rampante du droit du travail franais , Les cahiers de droit, vol. 48, n 1-2, mars-juin 2007, p. 93 ; F. PETIT, La constitutionnalisation du droit du travail , JCP S n37, 14 septembre 2010, p. 9. 2 Mais aussi dautres catgories de droits ne leurs tant pas limitativement rservs, si ce nest tous les membres de la famille humaine. Tel est le cas des droits reconnus aux alinas 5, 11 et 13 du Prambule lesquels sont relatifs, dabord, lobtention dun emploi, ensuite, la protection de la sant, la scurit matrielle, le repos, les loisirs , tous et notamment lenfant, la mre et aux vieux travailleurs et enfin, linstruction, la formation professionnelle et la culture . Bien que ntant pas principalement pris en considration dans le cadre cette analyse, il nest pas moins important dinsister sur la manire dont les rdacteurs de la Constitution de 1946 les avaient intgrs dans la norme fondamentale : L. GAY, Les droits-crances constitutionnels, Bruxelles, Bruylant, 2007, 826 p. 3 Lnonc de larrt de la Cour de Libreville du 8 janvier 1963 Penant, p. 548. nous permettra den savoir davantage.
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franais. Toujours est-il quaprs une longue priode dinstabilit politique chronique, en
1990, les constituants bninois suivirent les pas de leurs homologues franais, dcidant de
tourner le dos un pass douloureux pour tablir un rgime politique dmocratique dtat de
droit et de respect des liberts fondamentales des personnes, o seront reconnus les droits
sociaux des travailleurs. Lanalyse des Travaux de la Confrence nationale des Forces Vives, qui
menrent cette conscration, sinsre dans le cadre dtude plus large de la ralisation de
lopration de dfinition des droits des travailleurs.
14. Aussi, doit-on sintresser lapprciation des conditions qui permettent daccder
leffectivit de ces droits. La discussion autour des diffrents modes dtablissement des
liberts collectives des travailleurs (ce qui est loin de pouvoir se limiter la seule voie de
conscration constitutionnelle en raison des caractristiques affrentes ces droits), doit
automatiquement faire suite lapprciation de leurs conditions deffectivit. Il serait peu
pertinent de comparer les droits sociaux des travailleurs bninois et franais en occultant les
conditions dans lesquelles ceux-ci se ralisent. Et pour ce faire limplication de lacteur
constitutionnel est, une nouvelle fois, indispensable. La vrification de leffectivit des
garanties constitutionnelles postule une pleine ncessit sur le chemin de laccomplissement
des droits fondamentaux de tous les travailleurs. Mais il serait erron de croire que les
travailleurs bninois et franais sont logs la mme enseigne, quant la protection de leurs liberts
collectives.
On tudiera donc successivement :
PREMIRE PARTIE : LA DFINITION DES LIBERTS COLLECTIVES DES
TRAVAILLEURS
DEUXIME PARTIE : LA PROTECTION DES LIBERTS COLLECTIVES DES
TRAVAILLEURS
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Premire partie
LA DFINITION DES LIBERTS COLLECTIVES
15. On enseigne habituellement en droit compar que la premire partie [de ltude]
doit saisir et prsenter les termes comparer tels quils sont. Cette partie doit comprendre
ltude analytique des termes comparer, en eux-mmes et dans le cadre des ordres juridiques
dont ils font partie 1. En dautres termes, il est indispensable de consacrer les premiers
dveloppements dune analyse comparative la prsentation de lobjet comparer2. Cette
exigence ressort des rgles de mthodologie sappliquant toutes activits de recherche, en
particulier celles de rapprochement de systmes juridiques. Cest pourquoi la prsente
dmonstration sera entame par la dfinition des liberts collectives des travailleurs, dans tous
les ordres juridiques dont [elles] font partie . En vrit, il serait difficile de traiter dun
thme et en lespce dune catgorie de prrogatives sociales de lhomme salaris 3 ou
encore de lhomme situ 4, pour reprendre des formules doctrinales bien connues, sans
fixer en premier les contours et limites qui permettent de les apprcier, ainsi quil ressort du
Vocabulaire juridique de M. le doyen CORNU5.
Ainsi saperoit t-on de lessence des caractristiques : le principal attribut des liberts
collectives des travailleurs est constitu par la vocation universelle qui leurs est confre sur la
scne internationale. Il en est ainsi en raison de la porte des conventions internationales du
travail adoptes dans le cadre des Nations Unies, dont le Bnin et la France sont membres. Il
existe une filiation certaine entre les liberts collectives des travailleurs, notamment bninois
et franais. Elle provient, titre principal, de lhritage des textes de lOIT, relatifs aux droits
caractre social.
16. Dnominateur commun des droits caractre social des travailleurs, la convergence
rendue possible par ldiction des normes internationales du travail sinsre dans un cadre
1 L.-J. CONSTANTINESCO, Trait de droit compar, T. II, La mthode comparative, L.G.D.J., 1974, spc. n107, p 280. Dans le mme sens, v. : M. ANCEL, Utilit et mthode du droit compar, op. cit., p 89 ; J.-P. NIBOYET, Montesquieu et le droit compar. La pense politique et constitutionnelle de Montesquieu , in Bicentenaire de lEsprit des lois. 1748-1948, 1952, p 256. 2 Ibid. 3 A. CARILLON, Les sources europennes de droit de lhomme salaris, Bruxelles, Bruylant, 2006, 562 p. 4 G. BURDEAU, Manuel de droit public, Les liberts publiques, les droits sociaux, Paris, LGDJ, 1948, p. 287. 5 Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F./Association Henri Capitant, 6me d.
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danalyse plus global. Il convient de le prendre en considration, sauf amputer les
dveloppements conscutifs dun intrt majeur1. Ltude des conventions internationales du
travail nest pas toutefois exclusive dautres observations, concernant les diffrentes formes
sous lesquelles naissent les prrogatives variante collective des travailleurs. Il en rsulte la
ncessit de traiter non pas des seules sources communes la France et au Bnin, mais de
toutes celles qui ont un rapport direct avec les droits tudis, aussi bien celles se trouvant
dans lordre interne que les autres stablissant au niveau rgional.
Lexercice de dfinition permet de distinguer, dans les systmes juridiques nationaux, les
caractristiques originelles rsultant des modalits dtablissement des liberts collectives des
travailleurs, o sapprcient la marge de manuvre et les limites des pouvoirs des dirigeants
politiques sur lobjet des prrogatives humaines. Il est donn de le constater, titre illustratif,
sur le principe de participation, qui ne peut constituer proprement parler un droit
constitutionnel consacr de faon explicite par les rdacteurs du texte du 11 dcembre 1990,
mais qui ne reste pas moins une libert fondamentale, jouissant ce titre dune protection
identique celle des autres liberts collectives dans lordre interne. Cette observation, qui en
ralit recouvre le champ dtude plus large des traits de spcificit propres au Bnin et la
France, relve des lments constitutifs de la dfinition des liberts collectives des travailleurs
et des catgories juridiques qui alimentent lexamen comparatif. Il sera particulirement digne
dintrt de la souligner, dans le prolongement des diffrentes sources normatives des droits
sociaux des personnes au travail.
En ce sens, ltude des sources des liberts collectives des travailleurs bninois et franais
devra tre suivie par celle des spcificits attaches chacun de ces droits dans les ordres
juridiques respectifs.
1 Car, faut-il encore le rappeler, selon la prcision ci-dessus apporte, la premire partie de ltude comparative doit comprendre lanalyse des termes en eux-mmes et dans le cadre, non pas de lordre juridique dans lequel il sinsre, mais des ordres juridiques dont ils font partie : L.-J. CONSTANTINESCO, Trait de droit compar, T. II, La mthode comparative, op. cit. ibid.
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Titre1
LES SOURCES DES LIBERTS COLLECTIVES DES TRAVAILLEURS
17. Le problme des sources du droit positif constitue le problme crucial de toute
rflexion juridique ; cest le point central de la philosophie du droit autour duquel converge
toute la complexit de ses thmes. 1. Les propos de lauteur mritent de retenir lattention,
davantage sur lobjet des liberts collectives des travailleurs. Pour celui-ci, ltude des sources
du droit positif, constitue un problme crucial de toute rflexion juridique 2.
La connaissance des caractristiques des sources internationales du droit du travail
permet de saisir les lments thoriques qui fondent cette affirmation : Les sources du droit
du travail international sont multiples et forment une sorte de catalogue htroclitetant le
champ est vaste. Le plus grand inconvnient de cette diversit est le risque de discordances
entre les sources 3. En rsum ltude des diffrents instruments du droit international du
travail et des multiples catgories qui lordonnent montre que les liberts collectives des
travailleurs reposent sur un fondement normatif disparate, voire, sur une provenance
textuelle polymorphe4. Pourtant, ainsi quil fut prcis5, il nest pas rare de produire de la
prolixit partir de la complexit.
Lesprit ayant guid la ralisation de ce travail tant de ne pas renouveler cet
enchainement, il a sembl plus pertinent de se concentrer de faon exclusive, dans les champs
juridiques bninois et franais, sur les sources dont proviennent directement les liberts
collectives des travailleurs. Lintrt de ce choix est essentiel : il permet dviter que ne soit
ralise une analyse superficielle sans vritable cohrence, qui aurait abouti transformer la
thse en un catalogue. Cest pour ce faire quil convient de prendre en compte et il est vrai
de faon arbitraire , parmi les multiples sources internationales existant entre la France et le
Bnin, les seules normes de lOIT, ainsi que celles caractre rgional. Le postulat revient
1 G. GURVITCH, Lexprience juridique et la philosophie pluraliste du droit, Pdone, 1935, p. 138. 2 Ibid. 3 B. TEYSSI (dir.), Les sources du droit du travail, PUF,1998, . spc. p 64. 4 Eu gard la ralit prosaque dans laquelle elle sinsre et qui, du mme coup, laisse apprhender le problme crucial tant redout de la matire. 5 B. TEYSSI, Les sources du droit du travail, Ibid., p 11.
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21
dlaisser ltude de certains textes adopts dans le cadre les Nations Unies, au rang desquels
figurent la Dclaration universelle des droits de lhomme de 1948 et les Pactes internationaux
de 1966 relatifs aux droits civils et politiques, dune part, aux droits sociaux, conomiques et
culturels, dautre part.
Il nest dailleurs ni inutile ni redondant de rappeler, lappui de la justification dune telle
restriction, que, sur le plan du droit, ces derniers instruments internationaux disposent dune
valeur dordre purement symbolique, dont ne peut tre infre en tant que telle une vritable
obligation juridique incombant aux tats parties1. Lopration de confrontation ne peut
cependant sarrter la frontire des normes internationales qui, selon la formule dun
spcialiste, reclent quelques lacunes (chapitre 1). En clair, la vulnrabilit des mcanismes
de reconnaissance des liberts collectives des travailleurs impose de poursuivre la rflexion, et
de la dplacer, de lordre international et rgional celui interne, propre chaque pays, o les
pouvoirs publics dictent des normes dadmission des droits des travailleurs. Sera dabord
tudi lordre franais, qui prend en compte les conditions de conscration et dlvation au
rang constitutionnel des alinas 6, 7 et 8 du Prambule de 1946. Puis lordre bninois, o la
Confrence nationale des forces Vives et de la nation tenue en 1990 permit de donner une
assise constitutionnelle aux liberts collectives des travailleurs (Chapitre 2).
1 Quoi de plus illustratif que de restituer la remarque de M. le professeur OBERDORFF, soulignant que le systme des Nations Unies , linstar de ces instruments internationaux, est, non seulement constitu par un ensemble de mcanismes non juridictionnels mais aussi caractris par une une absence defficacit concrte [qui] ne peut que faire douter de la ralit de la protection ; Droit de lhomme et liberts fondamentales, L.G.D.J., 2008, p 202 ; ou encore, dans le mme sens : C-A. COLLIARD, Liberts publiques, Paris, Dalloz, 8me dition, p 49, n55.
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- CHAPITRE I -
LES SOURCES INTERNATIONALES DES LIBERTS COLLECTIVES DES
TRAVAILLEURS
18. Nul ne peut douter quil existe, sur le plan du droit international du travail, entre les
liberts collectives des travailleurs bninois et franais, une connexion logique pertinente
constitue par les engagements dont sont comptables les autorits nationales auprs de lOIT.
Elle sobserve, en particulier, autour de certaines normes internationales du travail et non des
mcanismes non juridictionnels des Nations Unies. Les propos de deux auteurs ayant
contribu la rdaction de la Dclaration universelle des droits de lhomme en sont la
parfaite illustration.
Dabord ceux du franais R. CASSIN, pre de la Dclaration du 10 dcembre 19481, qui
estima que cette dclaration fait poque dans lhistoire de lhumanit, elle est la charte de la
libert pour les opprims et les victimes de la tyrannie, elle proclame que les droits des tres
humains devront tre protgs dans un rgime de droit 2. Ensuite ceux de lamricaine E.
ROOSEVELT, prsidente du comit de rdaction de ce texte, la caractrisant de la manire
suivante : ce nest pas un trait, ce nest pas un accord international. Il na pas et ne vise pas
avoir force de loi. Cest une dclaration de principe sur les droits et liberts fondamentales
de lhomme destins tre approuve par vote solennel des membres de lAssemble
gnrale 3.
19. Nanmoins, la comparaison des liberts collectives des travailleurs dans les champs
juridiques considrs est loin de pouvoir se cristalliser autour des seules rgles de lOIT. Bien
entendu, celles-ci constituent le fondement de la comparaison analytique des droits des
1 Dont les membres des Nations Unies avaient dcid de complter lautorit juridique en prenant, ds 1952, linitiative dadoption des deux Pactes censs remdis son incurie. Mais ceux-ci connaitront de vritable lenteur contribuant prolonger les difficults, ce qui conduira ce que ces instruments internationaux ne soient adopts quaprs quatorze annes passes, le 16 dcembre 1966, tant ncessaire dajouter que ceux-ci entreront en vigueur seulement dix ans plus tard, en 1976, ce temps ayant t ncessaire pour obtenir la ratification des trente-cinq tats ; C-A. COLLIARD, Liberts publiques, op. cit., p 50. 2 R. CASSIN, La Dclaration universelle et la mise en uvre des droits de lhomme , RCADI, 1951, t.79, p 289. 3 Texte cit par Ren CASSIN, ibid.
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travailleurs. Partant, elles doivent tre traites prioritairement dans le cadre de ltude des
sources internationales communes aux deux pays (section 1). Mais elles ne peuvent conduire
occulter ltude dautres catgories de rgles, constitues par les sources rgionales
europenne et africaine de reconnaissance des liberts collectives des travailleurs, lesquelles
ont particip, tout autant sinon davantage certains gards , la rception et la
consolidation de ces droits dans les espaces juridiques nationaux (section 2).
SECTION 1 : LA SOURCE INTERNATIONALE COMMUNE LA
FRANCE ET AU BNIN : LE DROIT DE LOIT
20. Lapophtegme de J.-A. BLANQUI, frre du rvolutionnaire du mme patronyme,
est souvent cit comme ayant jou un rle dterminant dans la prise de la dcision de crer la
Socit des Nations Unies. Celui-ci scandait en effet que : On a bien fait des traits de
puissance puissance pour sengager tuer les hommes, pourquoi nen ferait-on pas
aujourdhui pour leur conserver la vie et la leur rendre douce ? 1. Mais il est loin dtre le seul
franais prendre une part importante dans la vie de lorganisation ; bien au contraire, un
certain D. Le GRAND est aussi prsent comme tant le principal prcurseur de lOIT2, qui,
du reste, est mort en 1859 sans avoir vu la ralisation de ses projets3. Prenant en
considration limportance alors acquise par le salariat et celle des problmes ns de la
civilisation industrielle et de la mcanique moderne4, ce vritable pionnier avait en effet
soulign que la cration dune organisation de dfense des droits des travailleurs tait le seul
moyen pour dispenser la classe ouvrire les bienfaits moraux et matriels dsirables, sans
que les industriels en souffrent et sans que la concurrence entre les industries de ces pays en
reoivent la moindre atteinte 5.
1 Cit par H. G. BARTOLOMEI de la CRUZ & A. EUZBY, Lorganisation internationale du travail, PUF, 1997, p 6. 2 Ibid., p 6. 3 Ibid., p 7. 4 C.-A. COLLIARD, Les liberts publiques, 7e d., Paris, Dalloz, Prcis de droit public, 1989, p 783. 5 H. G. BARTOLOMEI de la CRUZ & A. EUZBY, Lorganisation internationale du travail, op. cit., p 7.
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On pourrait encore citer dautres hexagonaux 1 ayant t lorigine de la cration de
lOIT, dont lobjet visait rglementer et coordonner les principes et rgles du droit
international du travail2. Comme chacun sait, A. THOMAS fut le premier Prsident ayant t
lu sa tte, en 1919, Washington, poste quil occupa jusqu passer de vie trpas ; il y
laissa sa marque, travers les rformes ralises sous son impulsion, en vue de lamlioration
du statut de lorganisation. Cest un truisme de dire que la France a bien t un des pays
inspirateurs de lOIT par ses hommes 3. Encore faudrait-il prciser, en dpit de lintrt
historique prsent par le rappel, que cest moins le rle prpondrant de la France dans le
cadre de la cration de lOIT qui nous intresse ici, ntait lexpos des droits dont disposent
les personnes en relation de subordination juridique avec leur employeur. Lenjeu de lanalyse
des dispositions du Code international du travail (ainsi que lon nomme parfois lensemble des
normes manant de lOIT), est de permettre le rapprochement des liberts collectives des
travailleurs bninois et franais.
Il est donc indispensable de sinterroger, dans un premier temps, sur la place de ces
prrogatives dans le droit de lOIT, puis, dans un second temps, sur la porte confre par les
autorits normatives nationales aux dispositions du droit international du travail.
1 : La place des liberts collectives dans le droit international du travail
21. Institu en 1919 par le trait de Versailles ayant suivi la Premire Guerre mondiale,
le principal objectif de lOrganisation Internationale du travail (OIT) est constitu par la
promotion de la justice sociale et, par l mme, par la contribution la paix mondiale4. Ds sa
cration, lOIT a labor un certain nombre de normes dont lobjet visait prserver, dans
tout espace de vie (y compris dans celui de lentreprise), la dignit de la personne humaine ;
en mme temps, elle permettait de redonner au travailleur, malgr sa situation de subordonn,
1 Selon la formule employe par M. le doyen J. M. VERDIER dans Apport des normes de lOIT au droit du travail franais, Rev. int. tr., n56, 1993, p 761. 2 M. MONTCEAU, Lorganisation internationale du travail (1919-1959), Paris, PUF (3Que sais-je ? ), 1972, p 5 s. 3 Ibid., p 747. 4 Lorganisation internationale du travail, op. cit. spc. intro.
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une qualit de sujet libre1. Prenant conscience du fait que par son engagement le travailleur
consent mettre sa seule force de travail la disposition de son employeur et non sa
personne entire, ds 1919, les membres du BIT ont dcid de raliser le vu si cher D. Le
GRAND qui, jadis, milita pour lintroduction de la justice sociale dans le monde du travail2.
Ce faisant, les acteurs de lOIT apportait une rponse significative au problme que
soulevait la monte en puissance dun phnomne, celui des relations de travail pouvant se
caractriser moins par une simple subordination juridique du travailleur lemployeur que par
un lent et certain asservissement de la partie faible du contrat de travail au plus fort
cocontractant. Mieux, dans (mais aussi par) lexercice de leur activit, les membres de lOIT
allaient dfinitivement permettre de mutualiser le rgime juridique des liberts collectives de
la communaut des travailleurs. Aprs la cration de lOrganisation, plus prcisment la fin
de la Seconde Guerre mondiale, linitiative des autorits normatives internationales permit,
dun point de vue concret, dinscrire la libert syndicale au rang des dispositions du droit
international du travail (I). Par suite, au mme niveau international ddification des normes
du droit du travail, les autres liberts collectives des travailleurs seront reconnues mais, il est
vrai, de faon analytique (II).
I. LINSCRIPTION CONCRTE DE LA LIBERT SYNDICALE DANS LE DROIT
INTERNATIONAL DU TRAVAIL
22. LOIT se caractrise principalement par son tripartisme. Compose de trois organes
pouvant adopter deux catgories de normes dont lensemble forme le Code international du
travail, elle est au centre de lvolution de lanalyse des droits sociaux des travailleurs. Le
premier de ces organes est la Confrence internationale du travail ; elle se runit en Assemble
gnrale une fois par an. Le deuxime organe est un conseil excutif, prenant la forme dun
1 Lidal du respect de la protection des droits de lhomme a toujours fait partie intgrante, au moins implicitement de la problmatique des objectifs de lOIT : sans liberts civiles, la justice sociale ne serait que leurre et le catalogue des droits de lhomme gravement lacunaire ; V.- Y. GHEBALI, Lorganisation internationale du travail, Genve, Georg, 1987, p 110. 2 Cette dmarche relve, assurment, de la question de la place de la dmocratie sociale dans le monde du travail. Elle consiste savoir comment le mouvement syndical se saisit-il des transformations et volutions contemporaines pour contribuer au dveloppement de la dmocratie sociale, pour permettre aux salaris d'exercer leurs droits fondamentaux de citoyens dans l'entreprise et, au del des frontires de l'entreprise, de participer rellement aux choix qui les concernent ?; J. BARREAU (dir.), Quelle dmocratie sociale dans le monde du travail ?, PUR, 2003, p 224.
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Conseil dadministration. Quant au troisime, le Bureau international du travail1, charg de grer les
activits du secrtariat permanent de lorganisation, son rle est dit plus important que ce
que sa dsignation peut laisser supposer 2.
Deux catgories de normes peuvent tre mises en place par ces diffrents types
dorganes. Cest davantage celles-ci qui nous intressent : les conventions et les recommandations3. Il
convient de les dfinir. Les conventions dsignent des instruments qui crent des obligations
juridiques sur le plan international lorsquelles sont ratifies. Les recommandations, par contre,
sont destines orienter les politiques sociales et les lgislations et pratiques nationales. Elles
ne peuvent tre soumises ratification et, en consquence, sont insusceptibles de faire natre
des obligations juridiques internationales quant au fond4.
La norme internationale du travail ayant proclam la libert syndicale au rang
supranational est la convention n87. Il est indispensable de ltudier, en ce quelle concerne
la comparaison des liberts collectives des travailleurs. Les conditions dans lesquelles elle a t
ratifie, notamment par les tats bninois et franais, ne peuvent aussi manquer de retenir
lattention.
A. LA CONVENTION N87
23. Certes, ainsi que laffirmait DUNNING : il serait quasiment impossible de trouver
de part le monde un seul bureau syndical o la convention n87 ne serait pas non seulement
bien connu mais aussi tenu en haut estime. La convention internationale du travail de 1948
constitue la pierre angulaire des liberts collectives des travailleurs. Elle occupe, sans conteste,
une place part dans luvre de lOrganisation5. Malgr la considration notoire dont elle
1 G. de LUSIGNAN, Lorganisation internationale du travail (1919-1958), Paris, Editions ouvrires, 1959, p 136. 2 H. G. BARTOLOMEI de la CRUZ & A. EUZBY, Lorganisation internationale du travail, op. cit., p 36. 3 En effet, il faut noter que les rsolutions ne rentrent pas dans cette catgorie de normes internationales du travail, dans la mesure o elles ne constituent proprement parler que des procs verbaux et non des actes juridiques pouvant crer des rgles et des principes appartenant ce Code du travail international ; cf., N. VALTICOS, Droit international du travail, Paris, Dalloz, 1987, p 241 s. 4 Lorganisation internationale du travail, op. cit., p 46. 5 Indpendamment de toute hirarchie, il est manifeste que la libert syndicale occupe une place prioritaire dans laction de lOIT en faveur des droits de lhomme. La libert syndicale fut, ds lorigine, une proccupation constitutionnelle de lOrganisationLdifice normatif en la matire commena voir le jour la fin des annes quarante. En 1948, la Confrence internationale du travail adopta la clbre Convention (n87) sur la libert syndicale et la protection des droits fondamentauxLa Convention n87 pierre angulaire
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bnficie, sur le plan du droit international du travail, il serait cependant erron de la
considrer comme tant lassisse exclusive des droits dexpression collective des travailleurs.
Actuellement, on dnombre 187 conventions et 199 recommandations auprs de
lOrganisation. Leur application permet datteindre au travers du moyen de la justice sociale
lobjectif dune paix durable, ncessairement fonde sur la protection des droits de lhomme
au travail. Mais il convient aussi dajouter la place prpondrante de la convention n 87 au
sein du groupe des huit conventions1, considres comme tant fondamentales, et censes
recevoir application dans tous les tats membres, mme ceux ne layant pas ratifie, peu
important leur niveau de dveloppement respectif2. La prcision, pour autant indispensable
quelle soit, ne peut conduire dissimuler lintrt capital de la norme, tant la manire dont
elle vise garantir les droits des travailleurs et en particulier la libert syndicale est
significative. Dans son article 2, la convention du 17 juin 1948 adopte San Francisco
dclare que : Les travailleurs et les employeurs, sans distinction daucune sorte, ont le droit, sans autorisation
pralable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de saffilier ces organisations, la seule
condition de se conformer aux statuts de ces dernires 3.
La mention sans distinction daucune sorte ne doit pas tonner, elle consacre la
dimension universelle ainsi que la nature binaire de la prrogative proclame. Il ressort des
termes de cet article la possibilit confre tout travailleur non limitativement la
catgorie restreinte de salari 4 de fonder un syndicat ou dy adhrer. Ainsi,
indpendamment du pays dont il est ressortissant, tout individu li un employeur par un
contrat de travail peut jouir de la libert syndicale individuelle (positive comme ngative) ou
de ldifice avait t prcd par un autre texte de porte plus restreinte, la Convention n84 sur les droits dassociation dans les territoires non mtropolitains ; V.- Y. GHEBALI, Lorganisation internationale du travail, op. cit., p 111. 1 Dont respectivement, la convention n29 de 1930 sur le travail forc, la convention n87 sur la libert syndicale adopte en 1948 et celle n98 sur la ngociation collectives adopte lanne daprs, la convention n100 relative lgalit de rmunration adopte en 1951, la convention n 105 sur labolition du travail forc des enfants ngocie en 1957, la convention n 111 de 1958 relative la lutte contre la discrimination lemploi et dans toutes professions manuelles, intellectuelles, artisanales ou de toutes autres formes, la convention n 138 sur lge minimum adopte en 1973, et, enfin, la dernire des conventions fondamentales de lOIT est celle plus rcente de 1999, la convention n 182 sur les pires formes du travail forc des enfants. 2 Le Conseil d'administration du BIT a considr comme fondamentales pour les droits de l'homme au travail huit conventions de l'OIT, quel que soit le niveau de dveloppement des diffrents Etats Membres. De ces droits parmi lesquels figurent la libert syndicale dpendent les autres car ils sont ncessaires pour agir librement en vue de l'amlioration des conditions individuelles et collectives de travail . Cf. ilolex. 3 Confrence internationale du travail : conventions et recommandations, Genve, BIT, 1919-1949, p 789. 4 La prcision est importante, elle dcoule, par exemple, de la dcision du Conseil constitutionnel du 28 dcembre 2006 (n 2006-545 DC, JO du 31 dc. 2006, p. 20210 ; RJS 2/07 n 302) ou encore de larrt Peugeot Citron automobiles du 28 fvrier 2007 de la Cour de cassation (RJS 5/07 n 636 ; P. MORVAN, Salaris mis disposition et institutions reprsentatives du personnel , JCP S 2007, n 1272).
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collective sur le fondement de la Convention n 87 de lOIT et, prcisment, de larticle 2 de
cette norme. La permission de constituer un syndicat professionnel1 ou dadhrer celui de
son choix2 est dvolue de plein gr tout travailleur, par la Convention fondamentale de laprs
Seconde Guerre mondiale. Mais le droit de constituer des groupements en vue de la dfense
de leurs intrts nest aucunement le monopole des seuls travailleurs, les employeurs jouissent
galement de ce droit. La libert syndicale est tablie, dans lindiffrenci, au bnfice de la
partie faible et de la partie forte du contrat de travail.
24. Il reste complter que le lgislateur international a cependant accord une
attention particulire la libert syndicale des travailleurs, tant les organisations syndicales de
salaris rencontrent davantage de difficults que les groupements professionnels des
employeurs pour dfendre les droits et les intrts des personnes vises par leur statut. Afin
de permettre la ralisation de la libert syndicale, lautorit lgislative de lOIT chercher
protger les reprsentants des travailleurs contre les entraves et les mesures de rtorsions qui
peuvent tre prises leur encontre, soit par la personne prive, au rang de laquelle figure,
lemployeur3, soit par la puissance publique, dont ltat est le principal dpositaire4. Les
reprsailles exerces par les employeurs rfractaires lexistence dun contre pouvoir syndical5
au sein de lentreprise6 sont assurment rprhensibles, sur le fondement des dispositions
internationales du travail.
1 Qui nest autre que la libert syndicale collective , laquelle permet tous groupements professionnels syndicaux de simplanter dans lentreprise en vue de dfendre les intrts des travailleurs et de rglementer leurs conditions de travail par la signature des conventions et accords collectifs... ; dans le mme sens, v. : F. PETIT, La notion de reprsentation dans les relations collectives du travail, Paris, L.D.G.J., 2000, p 327 s. 2 Il sagit ici de la libert syndicale individuelle revenant chaque travailleur pris isolement, pouvant sexercer de manire positive ou ngative ; v. F. PETIT, La notion de reprsentation dans les relations collectives du travail, op. cit., ibid. 3 Do la raison pour laquelle la convention n135 du 30 juin 1971 vient renforcer cette interdiction leur bnfice en prvoyant en son article premier que Les reprsentants des travailleurs dans l'entreprise doivent bnficier d'une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter prjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motives par leur qualit ou leurs activits de reprsentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation des activits syndicales, pour autant qu'ils agissent conformment aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur Confrence internationale du travail : conventions et recommandations, Genve, BIT, 1919 1984. 4 Parce quil est acquis que la mfiance contre le pouvoir royal et par la suite lexcutif, malgr le rle vident quil joue au sein dun gouvernement constitutionnel, dans la protection des liberts, est originelle. Celle-ci ne se rduirait qu proportion du caractre libral et dmocratique de ce pouvoir ; P. ROLLAND, La protection des liberts en France, Dalloz, spc. p 75 ; il en est de mme dans le cadre bninois : S. A. APITHY, Les liberts de lindividu dans le systme juridique bninois, Thse, Caen, 1997, sn 245242. 5 A. COEURET, B. GAURIAU, M. MIN, Droit du travail, Sirey, 2me d., p 101. 6 Surtout que, la conscration du droit syndical, le dveloppement de la participation dans lentreprise comme dautre niveau de la socit, ne sont jamais pour trop plaire aux tyrans de tous ordres non plus quaux esprits peu libraux, pour ne pas les qualifier de totalitaires : Les sources du droit du travail, op. cit., p 47.
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Corollaire de cette rgle, larticle 3 affirme que : Les organisations de travailleurs et demployeurs
ont le droit dlaborer leurs statuts et rglements administratifs, dlire librement leur reprsentants, dorganiser leur
gestion et leur activit, et de formuler leur programme daction. Les autorits publiques doivent sabstenir de toutes
interventions de nature limiter ce droit ou en entraver lexercice lgal 1.
Prcisment, les articles 4 et 5 influencent directement lobjet de cette tude comparative
des liberts collectives des travailleurs. Le premier, en nonant que les organisations de
travailleurs et demployeurs ne sont pas sujettes dissolution ou suspension par voie administrative 2, appuie
lobligation tablie lgard de la personne morale de droit public, notamment bninoise et
franaise, dassurer lpanouissement des droits syndicaux des travailleurs. Le second, en
permettant didentifier les prrogatives garanties par la disposition conventionnelle : le droit
pour toutes organisations de travailleurs et demployeurs de constituer des fdrations et des
confdrations ainsi que celui de sy affilier ou de saffilier des organisations internationales
en vue de la dfense de leurs intrts3. Toutefois, cette norme naurait pu vritablement
produire des effets dans les champs juridiques bninois et franais, ntait son intgration par
les autorits politiques au sein des dispositions de lordre interne, dans le respect vident des
solennits requises.
B. LA RATIFICATION DE LA CONVENTION N87
25. La procdure de ratification constitue une formalit juridique pralable et ncessaire
pour, dans lordre interne, donner effet toutes dispositions du droit international du travail.
Bien que la rgle ne soit pas absolue (ltude venir des sources rgionales europennes et
africaines des liberts collectives des travailleurs nous en offrira maintes illustrations), elle
simpose dordinaire. Ainsi reoit-elle application dans les tats pourtant monistes -
bninois et franais, quant au processus dappropriation et dincorporation des normes
juridiques internationales4 par les autorits locales.
Avant de revenir sur la situation dintgration de la Convention n 87 dans les ordres
internes, il est particulirement intressant de souligner comment cette norme (de mme que
celle qui lui est gmellaire dans le cadre du droit international du travail au fin de la protection 1 Confrence internationale du travail : conventions et recommandations, op. cit., ibid. 2 Confrence internationale du travail : conventions et recommandations, op. cit., ibid. 3 Confrence internationale du travail : conventions et recommandations, op. cit., ibid. 4 N. VALTICOS, Droit international du travail, op. cit., p 132 s.
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des droits fondamentaux des travailleurs)1 nest nullement ratifie par certains tats, pour des
motifs au demeurant diffrents les uns des autres. Tel est le cas des tats-Unis dAmrique,
de la Chine ou encore de lArabie Saoudite. Lnumration nest pas exhaustive. Pour
daucun, le mobile de la rfraction est constitue par des raisons tenant aux considrations et
sensibilits conomiques, o engage la prtention moderne soumettre le monde une pure
et universelle rationalit conomique. Pour dautre, il nest pas essentiellement emprunt la
rationalit conomique, mais davantage confin aux traits de spcificits culturelles ou
spirituelles, dont la raison humaine se charge souvent de dbaucher les intentions profondes.
Il convient, hlas2, dadmettre, encore aujourdhui, que la convention du 17 juin 1948 nest
ratifie par aucuns des tats ci-dessus mentionns. Le contraste est particulirement saisissant
avec la situation du droit positif bninois et franais, qui postule la rception et lintgration
de la norme vise dans les dispositions juridiques de lordre interne, mais de faon non
concomitante.
La France a ratifi la Convention n 87, le 28 juin 1951, soit trois ans aprs son adoption
par lAssemble gnrale des Nations unies. Ltat bninois, pour sa part, na accompli cette
formalit que le 12 dcembre 1960. Le dcalage calendaire sexplique par une raison vidente.
Elle est due un simple fait historique, qui noua le sort des droits dexercice collectif des
travailleurs bninois et franais, dont les lments constitutifs permettent de comprendre les
difficults souvent rencontres au moment de la mise en place des outils de dfinition et de
protection des droits sociaux des personnes au travail.
Sil existe un tel cart entre la date de ratification bninoise et franaise, cest parce que le
Bnin, linstar des autres pays africains expression franaise, tait rattach la France et
constituait lun de ces territoires doutre-mer avant la prise de son indpendance, le 1er aout
1960 ; cette mme anne o, on le sait, le processus intervint pour la plupart des anciennes
colonies franaises de lAfrique. En ce qui concerne la rception de la convention n87 de
lOIT dans lordre juridique bninois, il nest aucune hostilit aux normes internationales du
1 Et lon fait rfrence ici la convention n98 sur laquelle on reviendra bien videmment dans la suite de nos dveloppements se rapportant au principe de participation consacr par elle sur le plan international et au droit de grve quelle reconnait galement, mais seulement de faon subsidiaire : Cf. supra. n 27 s. 2 Car, vrai dire, ce constat ne peut que laisser pantois et ce, davantage, quand lon sait lincidence de la protection de la libert syndicale du travailleur sur la sauvegarde de sa dignit humaine en tant que personne au travail ; cf. P. JUVIGNY, LOIT et les droits de lhomme, Rev. fran. aff. soc., avril-juin 1969, p 85 ;ou encore :N. VALTICOS, Un dveloppement du droit international du travail : les droits syndicaux et les liberts publiques , Lige, 1972.
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travail rechercher dans cette diffrence de date, dans la mesure o ce ntait quaprs son
indpendance que le quartier latin de lAfrique pouvait incorporer les principes et rgles du
Code international du travail parmi ses outils juridiques locaux. Il en est ainsi pour la convention
de 1948 protgeant la libert syndicale, qua fortiori pour la plupart des conventions de lOIT
veillant au respect des autres liberts collectives des travailleurs.
II. LA RECONNAISSANCE ANALYTIQUE DES AUTRES LIBERTS COLLECTIVES DES
TRAVAILLEURS
26. Il existe une diffrence de traitement dans le corpus du droit international du travail,
non pas entre le Bnin et la France comme il serait possible de le penser a priori, mais partir
des interventions varies du lgislateur international du travail. Alors que le droit confr aux
travailleurs de fonder un syndicat et de sy affilier est expressment consacr par le biais dune
convention de lOIT1, force est de constater quil en va autrement pour la libert de
revendication professionnelle ; elle ne jouit du bnfice de la mme assise normative que de
faon incidence, aprs un effort dinterprtation de la convention n 98. loppos du droit
de grve (B), le principe de participation, dont le droit la ngociation collective constitue
lune des formes par lesquelles il se manifeste, est consacr par le texte conventionnel de 1949
(A).
A. LA RECONNAISSANCE DU PRINCIPE DE PARTICIPATION PAR LA
CONVENTION N98
27. Certes, aucun texte de lOIT ne consacre, en tant que tel, le principe de
participation. Les droits garantis par ce principe ne sont cependant pas moins protgs par les
normes de lOrganisation. Le droit la ngociation collective est lune des formes sous
lesquelles se manifeste le principe confrant tous les travailleurs la facult de prendre part,
par lintermdiaire de ses reprsentants la dtermination collective des condition de travail
et la gestion de lentreprise. Or il se produit que la convention n 98, adopte en 19492 et
1 N. VALTICOS, Droit international du travail, op. cit., p. 247 s. 2 Soit lanne ayant suivi laccomplissement du mme acte pour la convention n87.
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ratifie par la France le 16/05/1968 et par le Bnin le 26/10/1968, est relative au droit
dorganisation et de la ngociation collective. Rsultat, celle-ci incorpore dans sa totalit les
facults confres par lalina 8 du Prambule de 1946 aux travailleurs. Toutefois, sagissant
de la ngociation collective, le texte conventionnel de 1949 nest pas le seul adopt par
lOIT1. Ainsi en est-il galement, du droit de grve et de la libert syndicale.
Si les conventions n 87 et 98 doivent particulirement retenir lattention quant ltude
des outils internationaux de conscration des droits dexercice collectif des travailleurs (ce
dautant quelles sont qualifies de fondamentales ), il est indispensable, cependant,
dinsister sur le fait quelles ne sont nullement exclusives sur lobjet de la reconnaissance et de
ladmission des droits des travailleurs dans la sphre du droit international du travail2. Les
normes adoptes en 1948 et en 1949 ne sont pas les seules uvrant la dfinition des liberts
collectives des travailleurs. Bien dautres textes, mis en place au sein de lOIT, permettent
galement de consolider les droits des travailleurs.
Il en est ainsi, titre illustratif, de la convention n11 sur la libert syndicale des
travailleurs agricoles3. Pour lessentiel, ce texte oblige les tats contractants assurer
toutes les personnes occupes dans lagriculture les mmes droit dassociation et de coalition
quaux travailleurs de lindustrie et abroger toute disposition lgislative ou autre ayant pour
effet de restreindre ces droits lgard des travailleurs agricoles 4. On peut aussi citer la
convention n154 relative la ngociation collective adopte le 19 juin 19815, dont lobjet
permit la libration des forces nouvelles de ngociation collective tous les niveaux
dcisionnels o sexerce une activit conomique6.
Le principe de participation des travailleurs est garanti de lvidence par le droit positif de
lOIT, en partie par le biais des conventions n 98 et 154 relatives au droit de la
1 V.-Y. GHEBALI, Lorganisation internationale du travail, op. cit., p. 110-111. 2 Dans le mme sens cf : N. VALTICOS, Droit international du travail, op. cit., ibid ; V.-Y. GHEBALI, Lorganisation internationale du travail, op. cit., ibid. 3 Datant du 25 octobre 1921 ; cf. Confrence internationale du travail : conventions et recommandations, op.cit., p 53. 4 N. VALTICOS, Droit international du travail, p. 245-246. 5 Confrence internationale du travail : conventions et recommandations, Genve, BIT, 1919-1984. 6 Il ne sera pas ncessaire de restituer la liste exhaustive des recommandations se rapportant ce mme objet de droit la ngociation, seule lnumration de quelques unes suffisant pour tayer la dmonstration, dont par exemple les recommandations n 91 de 1951 sur les conventions collectives, n163 de 1981 portant sur le mme objet.
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reprsentation syndicale et de la ngociation collective1. La technique ne peut conduire
perdre de vue la finalit. La forme de mme que la formulation des prrogatives changent,
mais la structuration du principe demeure stable avec ses fondamentaux. Bien quen
nutilisant pas lexpression du principe de participation, le lgislateur international du travail
ne le reconnat pas moins, grce linvocation du droit la ngociation collective. Il en va
autrement pour le droit de grve.
B. LA RECONNAISSANCE SANS ASSISE CONVENTIONNELLE DU DROIT DE
GRVE
28. Le constat pourrait a priori tonner les esprits peu sensibiliss la pratique du droit
international du travail. Mais la confession ne vient pas de nous : Il peut paratre surprenant que
le droit de grve dont la Confrence internationale du Travail a maintes fois dbattu lors de l'laboration
d'instruments qui y touchaient de prs ou de loin n'ait fait l'objet ce jour, pour diverses raisons, d'aucune
convention ou recommandation internationale du travail. 2 Parmi les droits sociaux des travailleurs, le
droit de grve constitue la seule prrogative nayant pas t expressment consacre
jusquaujourdhui par une convention internationale du travail. Pour autant, faut-il htivement
conclure un dsintrt des membres de lOIT vis--vis de cette libert collective des
travailleurs ? Doit-on procder un raisonnement mcanique et dduire partir de cette
constatation que le droit de grve ptirait dune faible considration de la part des acteurs du
droit international du travail, loppos du principe de participation et davantage de la libert
syndicale3 ? Le droit de grve serait-il au sein de lOIT la prrogative orpheline des liberts
collectives des travailleurs ?
Sil est vrai que ce droit fondamental na t reconnu, pour lheure, par aucune norme
internationale du travail, prcisons dabord que labsence de normes expresses ce sujet ne signifie
nullement, toutefois, que l'OIT mconnaisse ce droit ou ne se proccupe pas d'en protger l'exercice 4. Deux
initiatives de lOrganisation permettent dillustrer ces propos : la convention n105 sur
1 C. -A. COLLIARD, R. LETTERON, Liberts publiques, Dalloz, 8me dition, p. 542. 2 B. GERNIGON, A. ODERO et H. GUIDO, Les principes de lOIT sur le droit de grve, BIT, p 7. 3 Et lon songe ici la procdure de protection spcifique mise en place dans le cadre de lOIT relative la saisine de la commission dinvestigation et de conciliation en matire de la libert syndicale ou du comit de la libert syndicale ; cf. ce propos, La libert syndicale. Recueil de dcisions du Comit de la libert syndicale du Conseil dadministration du Bureau international du travail, Genve, BIT, 1976, xii-184 p. (2me dition). 4 Ibid.
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labolition du travail forc du 5 juin 19571 et la recom