etre magistrat pendant la grande guerre · créée par la loi du 2 juillet 1915, la mention « mort...

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En août 2014, le ressort de la cour d'appel d'Amiens comprend 231 magistrats (23 à la cour d'appel, 93 dans les tribunaux de première instance, 115 dans les justices de paix). Le ministère public de Picardie comprend alors 34 membres (pour 51 aujourd'hui). SIEGER A LA COUR D'APPEL SIEGER A LA COUR D'APPEL Lorsque survient la guerre, vingt-trois magistrats sont affectés à la cour d'appel d'Amiens, classée 11 ème de France par la loi du 30 août 1883 (elle deviendra 13 ème avec la loi du 29 avril 1919) : cinq au parquet général (un procureur général assisté de deux avocats généraux et de deux substituts généraux) et dix-huit au siège (un premier président, deux présidents de chambre et quinze conseillers). Pour maintenir cet effectif complet tout au long du conflit, le ministère de la justice procède régulièrement à des nominations, que ce soit à la suite des décès de Charles Desrosiers (1914) et Paul Millet (1918), des départs en retraite de Marie-Admond Lebègue (1917) et Evariste Grébaut (1918) ou de demandes de mutation (quatre surviennent en 1917 et trois en 1918). L'âge moyen des magistrats en poste est de 55 ans en 1914, ce qui explique l'absence de mobilisés. Comparées à celles de l'époque actuelle, les carrières des magistrats de la cour d'appel d'Amiens présentent des caractéristiques communes : - les passages du siège au parquet sont fréquents, y compris au sommet de la hiérarchie. Ainsi, Romain Labordette, procureur de Louviers en 1895, finit sa carrière président de chambre à Dijon en 1927. De même, Ferdinand Baradez, substitut, procureur puis avocat général dans l'Est de la France, devient président de chambre à Amiens, puis premier président de la cour d'appel de Chambéry, le 13 mai 1919. Paul Rencker, pour sa part, après avoir occupé le poste de procureur à Colmar, devient président à Strasbourg, puis procureur général à Colmar avant de finir premier président de la même cour d'appel ! - les mobilités géographiques sont incontestables, incluant des séjours dans des juridictions coloniales parfois éloignées (Sidi-Bel-Abbès, Oran, Tananarive ou Cayenne, notamment) ; - les premières affectations n'ont jamais lieu dans la région d'origine et rares sont les affectations successives dans la même région. Sur vingt-deux magistrats à la cour d'appel, quinze se voient accorder l'honorariat en fin de carrière ; treize sont promus chevaliers, quatre officiers et deux commandeurs dans l'ordre national de la Légion d'honneur (le procureur général Gonzalve Regnault et l'avocat général Arthur Le Marchadour). SERVIR DANS LES TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE SERVIR DANS LES TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE La cour d'appel d'Amiens comprend quatorze tribunaux de première instance, où exercent quatre-vingt-treize magistrats : quatre à Doullens ; cinq à Péronne, Montdidier, Soissons et Vervins ; six à Abbeville, Clermont, Compiègne, Château-Thierry, Saint-Quentin ; huit à Senlis ; neuf à Beauvais ; dix à Laon ; douze à Amiens. Le nombre de magistrats affectés dans une juridiction dépend, conformément aux dispositions de la loi du 30 août 1883 sur la réforme de l'organisation judiciaire, de la population du ressort. Ainsi, un tribunal de 2 ème classe comme Amiens ou Saint-Quentin (villes de 20000 à 80000 habitants) comprend théoriquement dix magistrats du siège (un président, un vice-président, un juge d'instruction, quatre juges et trois juges suppléants) et trois magistrats du parquet (un procureur et deux substituts). Les juridictions de 3 ème classe (moins de 20 000 habitants), c'est-à- dire tous les autres tribunaux du ressort de la cour, comprennent entre quatre et six magistrats au siège et un ou deux parquetiers. Certains termineront leur carrière comme premier président de cour d'appel. André Turban, substitut à Compiègne en 1917, deviendra Premier à Pau et Emmanuel Joseph Philipon, substitut à Senlis à la fin du conflit, occupera les postes de procureur général puis de président de la cour d'appel de Pondichéry, avant de finir président de la cour d'appel de Tananarive. Le tribunal de Doullens en fournira deux autres : Louis Paul La diversité des carrières Lacour, président de 1906 à 1917, finira sa carrière Premier à Douai et Charles Jules Le Clercq, procureur de 1913 à 1917, Premier à Amiens. La Cour de cassation accueillera quatre magistrats. Léon Louis Joly, juge d'instruction à Clermont de 1912 à 1917, Louis Alfred Picq-Fevez, substitut au parquet de Laon de 1913 à 1918, et Max Henri Gibert, juge à Beauvais en 1917 puis Directeur des affaires civiles et du sceau « à titre provisoire » à la Libération, partiront à la retraite conseillers. Robert Emilien Mazoyer, substitut à Laon de 1913 à 1917, finira sa carrière président de chambre. Côté ministère public, Yves Loncle de Forville, juge suppléant à Amiens de 1913 à 1917, sera nommé procureur général à Monaco de 1936 à 1941 et André Joppe, substitut à Saint-Quentin en 1918, deviendra procureur général à Tunis en 1941, puis procureur général à Angers. Georges Rateau, nommé procureur à Beauvais le 14 juillet 1914, deviendra Directeur du cabinet du Garde des sceaux en mars 1930. La réforme du 29 avril 1919 diminuera ces effectifs dans les « petites juridictions », revenant notamment sur la présence systématique d'un juge d'instruction. Les juges suppléants seront par ailleurs supprimés. Pendant les quatre années du conflit armé, la Chancellerie parvient à maintenir les effectifs au complet. Elle s'engage cependant à ne pas établir le tableau d’avancement qui conditionne les nominations, pour ne pas porter préjudice aux magistrats des régions envahies et aux mobilisés. Deux mouvements importants interviennent en avril et en novembre/décembre 1917, puis deux en mars et octobre 1918. Associés aux mouvements de 1919, ils permettent de renouveler environ la moitié des effectifs. Surviennent au sein des tribunaux, de 1914 à 1918, sept décès (10 en 1914, un en 1915, deux en 1916, un en 1917 et deux en 1918), quatre départs à la retraite (deux en 1914, un en 1916 et un en 1918), trente-sept mutations (deux en 1915, dix-huit en 1917 et dix-sept en 1918). Viennent s'y ajouter trois démissions en 1916 : une à Soissons, le 16 février, et deux à Compiègne, le 27 février (la période correspond à celle de la Bataille de Verdun, sans qu'il soit cependant possible de faire un lien entre cet événement et ces démissions). ETRE MAGISTRAT PENDANT LA GRANDE GUERRE ETRE MAGISTRAT PENDANT LA GRANDE GUERRE L'Occupation (1940-1944) Une suspicion à la Libération en affecte cependant certains : suspendus un temps, ils seront réintégrés après une enquête sur leur comportement pendant la guerre, conformément à l'article 1 er de la loi du 17 juillet 1940 concernant les magistrats et les fonctionnaires et agents civils ou militaires de l'État relevés de leurs fonctions . Ainsi, Alexandre Werquin, président de chambre à Paris en 1942, sera suspendu de ses fonctions en septembre 1944 avant d'être admis d'office à la retraite, le 12 mai 1945. Il sera toutefois réintégré le 24 mai 1948 (l'arrêté du 12 mai 1945 sera rapporté) et sera fait officier de la Légion d'honneur, le 13 mars 1952. Gustave Christophe, procureur de Beauvais à la fin de la Première guerre mondiale, sera nommé en 1940 procureur général à Orléans. Suspendu en 1944, il sera réintégré dans ses fonctions en avril 1945. Pierre Fourier, juge, juge d'instruction, procureur puis président à Château-Thierry de 1908 à 1925, président de section au tribunal de Paris, sera suspendu de ses fonctions le 30 septembre 1944, avant d'être réintégré le 26 février 1945. En 1914, la moyenne d'âge des magistrats du ressort est de 45 ans. Bon nombre de ceux ayant débuté leur carrière en Picardie connaîtront une évolution professionnelle notable. Quelques uns seront sanctionnés à la Libération : - Charles Henri Fontanges, jeune substitut à Abbeville en 1917, sera nommé procureur général de Paris en 1943. Pierre Bazy, procureur à Montdidier en 1919, sera nommé avocat général à Paris en 1942. Ils seront révoqués sans pension. - Jules Banchet, procureur à Soissons en 1919, deviendra président de chambre à Rouen en 1932. Marcel Morisset, juge d'instruction à Clermont en 1917, occupera des fonctions de vice-président du tribunal de la Seine, puis de conseiller à la cour d'appel de Paris pendant la guerre. Il seront relevés de leurs fonctions et admis d'office à la retraite en 1944. A l'inverse, quelques magistrats participeront activement à la reconstruction du pays à la Libération : Environ un tiers des magistrats étant né après 1880, leur carrière prend fin au moment où survient la Deuxième guerre mondiale. Le comportement d'une majorité d'entre eux pendant cette période douloureuse n'est pas sujet à caution. - André Tersen, juge d'instruction à Montdidier en 1917, qui sera écarté pendant l'Occupation (admis à la retraite en 1940), sera rappelé à la Libération et nommé président à Rabat. - Louis Lachat, nommé à Senlis de 1911 à 1920, sera nommé provisoirement procureur général à Dijon en 1944, puis premier président en 1945.

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En août 2014, le ressort de la cour d'appel d'Amiens comprend 231 magistrats (23 à la cour d'appel, 93 dans les tribunaux de première instance, 115 dans les justices de paix).Le ministère public de Picardie comprend alors 34 membres (pour 51 aujourd'hui).

SIEGER A LA COUR D'APPELSIEGER A LA COUR D'APPELLorsque survient la guerre, vingt-trois magistrats sont affectés à la cour d'appel d'Amiens, classée 11ème de France par la loi du 30 août 1883 (elle deviendra 13ème avec la loi du 29 avril 1919) : cinq au parquet général (un procureur général assisté de deux avocats généraux et de deux substituts généraux) et dix-huit  au siège (un premier président, deux présidents de chambre et quinze conseillers).Pour maintenir cet effectif complet tout au long du conflit, le ministère de la justice procède régulièrement à des nominations, que ce soit à la suite des décès de Charles Desrosiers (1914) et Paul Millet (1918), des départs en retraite de Marie-Admond Lebègue (1917) et Evariste Grébaut (1918) ou de demandes de mutation (quatre surviennent en 1917 et trois en 1918).

L'âge moyen des magistrats en poste est de 55 ans en 1914, ce qui explique l'absence de mobilisés.

Comparées à celles de l'époque actuelle, les carrières des magistrats de la cour d'appel d'Amiens présentent des caractéristiques communes : - les passages du siège au parquet sont fréquents, y compris au sommet de la hiérarchie.

Ainsi, Romain Labordette, procureur de Louviers en 1895, finit sa carrière président de chambre à Dijon en 1927. De même, Ferdinand Baradez, substitut, procureur puis avocat général dans l'Est de la France, devient président de chambre à Amiens, puis premier président de la cour d'appel de Chambéry, le 13 mai 1919.Paul Rencker, pour sa part, après avoir occupé le poste de procureur à Colmar, devient président à Strasbourg, puis procureur général à Colmar avant de finir premier président de la même cour d'appel ! 

- les mobilités géographiques sont incontestables, incluant des séjours dans des juridictions coloniales parfois éloignées (Sidi-Bel-Abbès, Oran, Tananarive ou Cayenne, notamment) ;

- les premières affectations n'ont jamais lieu dans la région d'origine et rares sont les affectations successives dans la même région.Sur vingt-deux magistrats à la cour d'appel, quinze se voient accorder l'honorariat en fin de carrière ; treize sont promus chevaliers, quatre officiers et deux commandeurs dans l'ordre national de la  Légion d'honneur (le procureur général Gonzalve Regnault et l'avocat général Arthur Le Marchadour).

SERVIR DANS LES TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCESERVIR DANS LES TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCELa cour d'appel d'Amiens comprend quatorze tribunaux de première instance, où exercent quatre-vingt-treize magistrats : quatre à Doullens ;    cinq à Péronne, Montdidier, Soissons et Vervins ; six à Abbeville, Clermont, Compiègne, Château-Thierry, Saint-Quentin ; huit à Senlis ; neuf à      Beauvais ; dix à Laon ; douze à Amiens. 

Le nombre de magistrats affectés dans une juridiction dépend, conformément aux dispositions de la loi du 30 août 1883 sur la réforme de l'organisation judiciaire, de la population du ressort. Ainsi, un tribunal de 2ème classe comme Amiens ou Saint-Quentin (villes de 20000 à 80000 habitants) comprend théoriquement dix magistrats du siège (un président, un vice-président, un juge d'instruction, quatre juges et trois juges suppléants) et trois magistrats du parquet (un procureur et deux substituts). Les juridictions de 3ème classe (moins de 20 000 habitants), c'est-à-dire tous les autres tribunaux du ressort de la cour, comprennent entre quatre et six magistrats au siège et un ou deux parquetiers.

Certains termineront leur carrière comme premier président de cour d'appel.André Turban, substitut à Compiègne en 1917, deviendra Premier à Pau et Emmanuel Joseph Philipon, substitut à Senlis à la fin du conflit, occupera les postes de procureur général puis de président de la cour d'appel de Pondichéry, avant de finir président de la cour d'appel de Tananarive. Le tribunal de Doullens en fournira deux autres : Louis Paul  

La diversité des carrières

Lacour, président de 1906 à 1917, finira sa carrière Premier à Douai et Charles Jules Le Clercq, procureur de 1913 à 1917, Premier à Amiens.

La Cour de cassation accueillera quatre magistrats. Léon Louis Joly, juge d'instruction à Clermont de 1912 à 1917, Louis Alfred Picq-Fevez, substitut au parquet de Laon de 1913 à 1918, et Max Henri Gibert, juge à Beauvais en 1917 puis Directeur des affaires civiles et du sceau « à titre provisoire » à la Libération, partiront à la retraite conseillers. Robert Emilien Mazoyer, substitut à Laon de 1913 à  1917, finira sa carrière président de chambre. Côté ministère public, Yves Loncle de Forville, juge suppléant à Amiens de 1913 à 1917, sera nommé procureur général à Monaco de 1936 à 1941 et André Joppe, substitut à Saint-Quentin en 1918, deviendra procureur général à Tunis en 1941, puis procureur général à Angers. Georges Rateau, nommé procureur à Beauvais le 14 juillet 1914, deviendra Directeur du cabinet du Garde des sceaux en mars 1930.

La réforme du 29 avril 1919 diminuera ces effectifs dans les « petites juridictions », revenant notamment sur la présence systématique d'un juge d'instruction. Les juges suppléants seront par  ailleurs supprimés.

Pendant les quatre années du conflit armé, la Chancellerie parvient à maintenir les effectifs au complet. Elle s'engage cependant à ne pas établir le tableau d’avancement qui conditionne les nominations, pour ne pas porter préjudice aux magistrats des régions envahies et aux mobilisés. Deux mouvements importants interviennent en avril et en novembre/décembre 1917, puis deux en mars et octobre 1918. Associés aux mouvements de 1919, ils permettent de renouveler environ la moitié des effectifs. Surviennent au sein des tribunaux, de 1914 à 1918, sept décès (10 en 1914, un en 1915, deux en 1916, un en 1917 et deux en 1918), quatre départs à la retraite (deux en 1914, un en 1916 et un en 1918), trente-sept mutations (deux en 1915, dix-huit en 1917 et dix-sept en 1918). Viennent s'y ajouter trois démissions en 1916 : une à Soissons, le 16 février, et deux à Compiègne, le 27 février (la  période correspond à celle de la Bataille de Verdun, sans qu'il soit cependant possible de faire un lien entre cet événement et ces démissions).

ETRE MAGISTRAT PENDANT LA GRANDE GUERREETRE MAGISTRAT PENDANT LA GRANDE GUERRE

L'Occupation (1940-1944)

Une suspicion à la Libération en affecte cependant certains : suspendus un temps, ils seront réintégrés après une enquête sur leur comportement  pendant la guerre, conformément à l'article 1er de la loi du 17 juillet 1940 concernant les magistrats et les fonctionnaires et agents civils ou militaires de l'État relevés de leurs fonctions .Ainsi, Alexandre Werquin, président de chambre à Paris en 1942, sera suspendu de ses fonctions en septembre 1944 avant d'être admis d'office à la retraite, le 12 mai 1945. Il sera toutefois réintégré le 24 mai 1948 (l'arrêté du 12 mai 1945 sera rapporté) et sera fait officier de la Légion d'honneur, le 13 mars 1952.Gustave Christophe, procureur de Beauvais à la fin de la Première guerre mondiale, sera nommé en 1940 procureur général à Orléans. Suspendu en 1944, il sera réintégré dans ses fonctions en avril 1945.Pierre Fourier, juge, juge d'instruction, procureur puis président à Château-Thierry de 1908 à 1925, président de section au tribunal de Paris, sera suspendu de ses fonctions le 30 septembre 1944, avant d'être réintégré le 26 février 1945.

En 1914, la moyenne d'âge des magistrats du ressort est de 45 ans.Bon nombre de ceux ayant débuté leur carrière en Picardie connaîtront une évolution professionnelle notable.

Quelques uns seront sanctionnés à la Libération : - Charles Henri Fontanges, jeune substitut à Abbeville en 1917, sera nommé procureur général de Paris en 1943. Pierre Bazy, procureur à Montdidier en 1919, sera nommé avocat général à Paris en 1942. Ils seront révoqués sans pension.- Jules Banchet, procureur à Soissons en 1919, deviendra président de chambre à Rouen en 1932. Marcel Morisset, juge d'instruction à Clermont en 1917, occupera des fonctions de vice-président du tribunal de la Seine, puis de conseiller à la cour d'appel de Paris pendant la guerre. Il seront relevés de leurs fonctions et admis d'office à la retraite en 1944.

A l'inverse, quelques magistrats participeront activement à la reconstruction du pays à la Libération : 

Environ un tiers des magistrats étant né après 1880, leur carrière prend fin au moment où survient la Deuxième guerre mondiale. Le comportement d'une majorité d'entre eux pendant cette période douloureuse n'est pas sujet à caution.

- André Tersen, juge d'instruction à Montdidier en 1917, qui sera écarté pendant l'Occupation (admis à la retraite en 1940), sera rappelé à la Libération et nommé président à Rabat.- Louis Lachat, nommé à Senlis de 1911 à 1920, sera nommé provisoirement procureur général à Dijon en 1944, puis premier président en 1945.

En 1914, la Picardie est divisée en 113 justices de paix (trente-sept dans l'Aisne, trente-cinq dans l'Oise et quarante-et-une dans la Somme). 115 magistrats y exercent (trente-huit dans l'Aisne, trente-sept dans l'Oise, quarante dans la Somme), le « binage » leur permettant parfois de siéger dans  plusieurs juridictions.

L'âge moyen des juges de paix picards est de 59 ans, ce qui explique qu'ils ne sont pas mobilisés pendant le conflit et que les seuls décès relevés jusqu'en 1918 ne sont pas liés aux combats.Trois d'entre eux sont titulaires d'une capacité en droit, quatre d'une licence et un d'un doctorat en droit.L'examen des parcours de ces magistrats démontre qu'ils exercent successivement dans deux ou trois ressorts pendant leur carrière.

L'exercice de la fonction s'accompagne bien d'une certaine stabilité puisque plus d'un tiers des juges est en poste en Picardie depuis le début du siècle. A part quelques décès survenant surtout en 1917 et qui nécessitent un remplacement en urgence, aucune nomination n'intervient avant 1919. Le mouvement de cette année d'après-guerre est important quantitativement, certains juges ayant été maintenus en activité pendant toute la période de la guerre, malgré leur âge avancé ou leur envie de se retirer.

DEVENIR JUGE DE PAIXDEVENIR JUGE DE PAIX

Créée par la loi du 2 juillet 1915, la mention « Mort pour la France » honore la mémoire des victimes de guerre. Elle est attribuée dès lors que la preuve est rapportée que le décès est imputable à un fait de guerre, que ce décès soit survenu pendant le conflit ou ultérieurement.Les dispositions initiales applicables à compter du 2 août 1914 ont été adaptées pour tenir compte des victimes spécifiques aux conflits ultérieurs.

Victimes des deux conflits mondiaux de 1914 et 1940, deux cent quinze magistrats ont été déclarés « Mort pour la France » à ce jour.  

Cinq d'entre eux étaient affectés dans des juridictions de Picardie pendant la Grande guerre : 

LES MAGISTRATS DE PICARDIE MORTS POUR LA FRANCELES MAGISTRATS DE PICARDIE MORTS POUR LA FRANCE

A l'issue de la Deuxième guerre mondiale, deux magistrats présents en Picardie entre 1914 et 1918 seront déclarés « Morts pour la France » :   

• Jean Adrien SEE, né le 10 juillet 1880 à Colmar (Haut-Rhin), dont la carrière débute en 1906. Substitut à Beauvais de 1910 à 1917, il finira sa carrière procureur général à Orléans en 1940. Déporté en Allemagne le 23 septembre 1942, il décède cinq jours plus tard.

• Auguste Edmond Pierre MALICET, né le 29 octobre 1887 à Laon (Aisne), devient juge suppléant à Péronne de 1913 à 1918. Premier président à Bastia en 1941, il est tué le 2 octobre 1943 dans son cabinet de travail par une mine à retardement laissée par l'ennemi et provoquant la destruction du palais de justice. Il est cité à l'ordre de la Nation, le 4 novembre 1944.

Charles Yvon BOLLON,né le 13 mars 1880 à Tonnay (Charente-Maritime).Juge suppléant à Châteauroux en 1908, puis juge suppléant d'instruction à La Châtre l'année suivante, il occupe son premier poste de juge titulaire à Bourganeuf le 18 juillet 1911, avant de rejoindre Beauvais le 24 décembre 1912 en qualité de juge.Il décède le 21 mai 1916.

Robert Ismael DEMONGIN,né le 7 septembre 1886 à Pré-en-Pail (Mayenne). Juge suppléant rétribué à Château-Thierry en 1911, il devient juge en janvier 1914 à Romorantin, puis juge d'instruction le mois suivant.Il est également tué pendant les combats en Picardie, le 16 février 1916, sans se voir décerner cependant la mention « Mort pour la France ».

Jean Benjamin Pierre DURAND,né le 24 juin 1885 à Preuilly (Indre-et-Loire).Nommé juge suppléant rétribué à Saint-Quentin le 25 novembre 1911, il choisit le parquet de Mayenne (substitut) le 30 avril 1914.Il meurt au combat le 21 mai 1915.

Eugène Adolphe LELIEVRE,né le 12 juin 1875 à Lons-le-Saunier (Jura).Nommé juge suppléant à Angoulême fin 1901, il exercera successivement les fonctions de juge, puis de juge d'instruction à Pontarlier (d'octobre 1905 à juillet 1910) avant de rejoindre le parquet d'Amiens comme substitut. Le 1er octobre 1918, il est nommé procureur de la République à Orléans.Il est déclaré « Mort pour la France »  par jugement du 11 janvier 1920.

Eugène Louis Toussaint MARIANI,né le 12 juillet 1887 à Marseille (Bouches-du-Rhône).Attaché titulaire au ministère de la justice en décembre 1910, il rejoint le 30 avril 1914 le tribunal de Beauvais pour y exercer la fonction de juge. Il est tué le 28 août 1914.

Benefactum Jean Baptiste Armand MENCIERE,né le 3 septembre 1881 à Coutras (Gironde).Juge suppléant rétribué à Charleville-Mézières en 1913, il devient juge à Soissons le 28 novembre 1917.Il est déclaré « Mort pour la France » par jugement du 29  décembre 1918.

Durant l'occupation allemande de la Belgique, l'institution judiciaire continue à fonctionner. L'occupant reconnaît l’indépendance des magistrats belges, à la condition qu’ils n’agissent pas contre lui : il y trouve un appui en matière de maintien de l’ordre et une source potentielle de légitimation.

La permanence du pouvoir judiciaire va cependant être remise en cause en janvier-février 1918. Des affiches ayant proclamé à travers le pays l’indépendance des Flandres par le Raad van Vlaanderen, la cour d’appel de Bruxelles enjoint exceptionnellement au procureur général, le 7 février, de poursuivre les auteurs de cet attentat contre la nation. Le parquet de Bruxelles fait alors arrêter deux des leaders activistes. En réaction à cette

La grève de la magistrature belgeLa grève de la magistrature belge

atteinte directe à la Flamenpolitik et sous la pression des activistes flamands, les Allemands font libérer les prévenus, déporter en Allemagne les présidents de la cour et interdire l’exercice de leurs fonctions à l’ensemble des conseillers.

Une médiation informelle est tentée en vain avec le conseiller de justice allemand, Hüssen, qui souhaite voir la justice belge rétablie. La Cour de cassation refuse de donner l’ordre télégraphique de lever l’interdit alors qu'on lui promet la libération des présidents. A ses yeux, ce geste serait déshonorant.

Pour faire face à la paralysie de l’activité judiciaire, l’occupant, après l’échec des pourparlers, décide l’installation de tribunaux allemands.

Fin février, l'assemblée générale de la Cour de cassation décide, sans abdiquer ses fonctions, de suspendre ses audiences.