essai sur l`idee de dieu

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    BIBLIOTHÈQUE

    DE

    L'ÉCOLE

    DES

    HAUTES

    ÉTUDES

    SCIENCES

    RKLIGIEUSES

    TRENTE-TROISIEME

    VOLUME

    ESSAI

    SUR

    L'IDEE

    DE DIEU

    ET

    LKS

    PREUVES DE

    SON

    EXISTENCE

    CHEZ

    DESCAttTES

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    8/256

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    9/256

    ^

    V;

    -

    ESSAI

    SUF

    L'IDÉE

    HE DIEU

    ET

    LES

    PREUVES DE

    SON EXISTENCE

    CHEZ

    DESCARTES

    A. KOYRE

    4

    t

    RLÈ\

    R

    DIPLOMF DE LA SECTION

    DES

    SCIENCES REI.IGIEI

    SI

    -

    V&

    PARIS

    »'

    EDITIONS

    ERNEST LEROUX

    28.

    KIE

    BONAPARTE,

    VI

    e

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    10/256

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

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    PREFACE

    Avant d'aborder

    l'exposition

    de

    notre sujet,

    nous

    croyons

    nécessaire

    de dire quelques

    mots

    pour le

    déli-

    miter,

    en

    justifier

    le

    choix,

    ainsi

    que

    préciser

    la

    méthode

    que nous

    avons

    suivie

    dans

    notre étude.

    Justifier

    le

    choix

    de

    notre sujet.

    En

    effet,

    après le

    nombre

    considérable de

    travaux,

    articles et

    dissertations

    consacrés

    à

    l'étude

    de

    la

    philosophie

    cartésienne,

    il

    peut

    sembler

    trop

    présomptueux

    de

    vouloir,

    après

    tant

    d'his-

    toriens

    savants et

    de

    philosophes

    perspicaces, en

    dire

    quelque

    chose

    de

    nouveau.

    Pourtant,

    le

    système

    d'un grand

    philosophe

    '

    et

    c'est à

    cela

    justement

    que

    l'on

    en

    reconnaît

    la graudeur

    offre

    dans

    son

    ensemble,

    malgré les

    contradictions

    inévitables

    qui

    lui

    sont

    inhérentes,

    un

    fonds profond et

    riche,

    presque

    aussi

    profond

    et

    riche

    que

    la réalité

    même

    donnée

    à

    l'intuition

    intime du

    penseur,

    réalité

    et

    intuition

    dont

    son

    système

    n'est

    qu'une

    exposition né-

    cessairement

    fragmentaire,

    contradictoire

    et

    incomplète;

    1.

    Disons-le

    dès

    le

    début,

    c'est

    surtout

    comme

    un

    philosophe,

    comme

    un

    grand

    métaphysicien

    que

    nous

    envisageons Descartes

    ;

    c'est

    là que

    sont

    ses titres

    de gloire

    et

    les

    raisons

    de

    son

    influence. C'est comme

    tel que

    nous chercherons à le

    comprendre

    et nous

    aurons

    encore

    à

    revenir sur

    ce point

    ;

    nous

    ne

    suivrons point

    certains

    de

    ses historiens

    modernes

    qui,

    ne

    l'envisageant

    que

    comme

    un

    savant,

    arrivent

    à

    ne

    voir dans la métaphy-

    sique cartésienne qu'un

    amas artificiel,

    un

    amalgame incohérent

    en

    somme

    des

    doctrines

    théologiques

    de

    son

    temps.

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    II

    PBEFACE

    pour

    tout

    dire, le

    système

    d'un

    grand philosophe

    est

    iné-

    puisable,

    et

    offre et

    offrira

    toujours

    quelque

    chose

    de

    nouveau

    à

    celui

    qui

    voudra

    en

    entreprendre

    l'étude.

    D'un

    autre

    côté,

    les

    travaux

    des

    historiens

    modernes,

    surtout

    les

    fines et

    profondes

    analyses

    de M.

    Espinas,

    le

    savant

    article

    de

    M.

    Picavet,

    ainsi

    que

    les

    importantes

    publications

    de

    M.

    Gilson et de

    M.

    Blanchet

    ont

    puissam-

    ment

    contribué

    à

    modifier

    l'aspect

    traditionnel

    de la

    philosophie

    de

    Descartes

    Descartes

    surgissant

    comme

    un

    Deus

    ex

    machina

    du

    désert aride

    de

    la

    scolastique,

    sans

    attaches

    avec

    le passé, sans

    rapports

    avec

    la

    pen-

    sée

    de

    son

    temps

    '.

    Le

    svstème

    de

    Descartes

    ne

    nous

    apparaît

    plus

    comme

    une

    création ex nihilo

    2

    ,

    nous

    commençons

    à

    en

    démê-

    ler

    les

    antécédents,

    à

    distinguer

    dans

    la

    construction

    de

    Descartes

    les

    éléments

    de provenance

    scolastique

    et,

    par

    contre-coup,

    cette

    étude historique

    éclaire

    d'une

    lumière

    nouvelle

    les

    différents

    côtés du système,

    et

    le système

    tout

    entier. Les

    livres de M.

    Gilson et

    de

    M.

    Blanchet

    en

    sont

    la

    preuve.

    Nous

    commençons

    à

    voir

    que

    cette solu-

    tion

    de

    continuité,

    cette

    cloison

    étanche

    que

    les

    histo-

    riens

    de la

    philosophie

    se

    plaisaient à

    établir

    entre

    Des-

    cartes

    et

    la

    scolastique

    n'existaient,

    en réalité, que

    dans

    leur

    imagination,

    ou

    mieux,

    si l'on veut,

    dans

    leurs

    connaissances.

    En

    effet, la

    réprobation injustifiée

    dont

    1

    Gilson,

    La

    liberté

    chez

    Descart'es

    et

    la

    Théologie,

    p.

    432

    :

    «

    La

    doctrine

    cartésienne

    de la liberté nous

    apparait étroitement solidaire

    dans

    sa struc

    ture et

    dans son

    développement

    des

    controverses théologiques qui

    se

    poursuivirent pendant

    toute

    la première

    partie

    du xvn

    e

    siècle

    sur

    le

    problème de la

    grâce.

    D'autre

    part

    nous savons

    que

    là pensée

    de

    Des-

    cartes, en

    ce qui concerne l'erreur, le jugement

    et les rapports qui

    unis-

    sent

    l'entendement

    à

    la volonté, est

    fortement

    influencée

    par l'enseignement

    qu'il reçut

    à

    la Flèche et la philosophie

    de

    Saint

    Thomas

    ».

    2.

    Herthng,

    Descartes'

    Beziehungen zur

    Se

    kolastik,

    S

    itzber . des

    K. B.

    Acad.,

    1897,

    p.

    380.

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    13/256

    PREFACE

    III

    était

    frappée

    la

    scolastique,

    le

    mépris

    traditionnel

    et

    uni-

    versel

    que

    l'on

    avait

    l'habitude

    de

    professer

    vis-à-vis

    des

    «

    subtilités

    »

    et

    «

    arguties

    »

    de l'école, avaient, comme

    conséquence

    funeste, produit

    l'ignorance quasi

    -complète

    de

    la

    pensée

    médiévale

    de la

    part

    des historiens de la

    philosophie.

    11

    est

    vrai

    que,

    par contre-coup, les

    milieux

    catholiques, où se

    conservait

    l'étude

    des

    grands

    pen-

    seurs

    de

    l'école,

    ignoraient

    tout

    ou

    presque

    tout

    de

    la

    pensée moderne

    '.

    Cette

    cloison

    étanche

    semble devoir disparaître;

    tou-

    tefois, malgré

    le

    nombre

    déjà

    considérable

    et

    augmen-

    tant

    tous

    les jours de travaux consacrés

    à l'histoire des

    philosophies

    médiévales, malgré

    la reconnaissance quasi

    officielle

    de

    la

    haute

    valeur

    de

    la

    pensée

    scolastique,

    cette

    cloison

    subsiste encore.

    C'est pourquoi, avec étonnement, nous relevons chez

    le

    savant auteur du

    «

    Système

    de

    De.scartes

    »,

    le

    meilleur

    peut-être des travaux innombrables

    qui

    lui

    furent

    con-

    sacrés, certaines

    assertions,

    qui ne

    peuvent

    s'expliquer

    que par la persistante

    influence

    du préjugé dont

    nous

    avons parlé

    plus

    haut

    2

    ;

    nous voyons aussi

    quelquefois

    des

    doctrines purement traditionnelles,

    des doctrines

    de

    la sententia communis,

    doctrines

    dont

    il

    serait

    presque

    impossible

    de

    désigner le

    premier

    auteur, présentées

    comme

    des

    théories spécifiquement

    cartésiennes

    \ C'est

    1.

    Hertling,

    Descartes'

    Beziehungcn

    zur

    Scholastik.

    Sitzber.

    des

    K.B.

    Acad.,

    1897,

    p.

    3311.

    Mmatis

    mutandis.

    cela

    s'applique à

    Descartes

    aussi

    bien

    qu'à

    Spinoza.

    '2.

    Hamelin,

    Système

    de

    Descartes,

    p.

    15.

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    14/256

    IV

    PREFACE

    jusque

    dans

    les plus

    récents

    ouvrages

    dont

    nous

    sommes

    fort

    éloigné

    de

    méconnaître

    l'importance

    et la

    valeur

    deM.Gilson

    et

    M.

    Blanchet

    que

    nous

    retrouvons

    les vestiges

    et

    les traces

    de

    ce désir de séparer

    Descartes

    de

    la

    grande

    époque

    médiévale.

    M. Blanchet ne voit

    aucun

    intermédiaire

    entre

    Descartes

    et Saint Augustin

    ;

    à

    peine s'il

    remarque

    Nicolas

    de Cusa

    et

    pourtant

    la

    théorie

    de

    la

    docta

    ignorantia

    provient,

    ainsi

    que

    le terme

    lui-même,

    de

    Saint

    Bonaventure,

    et

    Yabdita

    scientia

    nous

    ramène,

    avant

    d'aboutir

    à

    Saint

    Augustin,

    aux

    pères

    grecs

    et

    à Plotin,

    leur

    maître

    à tous,

    à

    Saint Bonaventure

    et

    à

    Scot

    Erigène. De

    même, la doctrine du

    cogito

    ne

    s'était

    jamais

    perdue

    dans

    les

    philosophies

    médiévales.

    Elle se

    trouve non seulement

    chez Scot Erigène et

    Heiric

    d'Au-

    xerre,

    mais

    elle

    reste

    bien

    vivante

    dans

    toute

    l'école

    franciscaine,

    plus fidèle à

    Paugustinisme que

    lascolastique

    de

    Saint

    Thomas, et en général

    chez,

    tous

    les

    Augusti-

    uiens

    '.

    Il nous

    suffit

    de nommer Hugo de

    Saint-Victor,

    Saint

    Bonaventure, Pierre

    d'Ailly,

    Gerson, etc.. Quanta

    M.

    Gilson,

    il borne

    malheureusement

    le champ de

    ses

    savantes

    recherches

    aux contemporains

    immédiats

    de

    Descartes.

    Pourtaut, nous

    ne

    voyons pas pourquoi

    nous

    ne pouvons pas

    admettre,

    au moins

    comme

    pos-

    sible,

    l'influence directe

    ou

    indirecte

    de

    tous

    les

    auteurs,

    anciens

    comme

    modernes,

    qui

    pouvaient

    venir

    à

    la

    con-

    naissance de Descartes.

    Les

    contemporains

    d'un

    penseur

    sont

    tous

    ceux

    dont

    il

    lit

    les

    livres,

    dont

    la

    pensée

    agit

    mination

    et puissance. Comment donc ces

    deux

    choses

    peuvent-

    elles se

    concilier? Selon Descartes,

    Dieu est

    infini parce que parfait,

    et

    parfait, parce

    qu.il est

    immense

    et

    infini. Mais n'a

    t-il

    pas

    plutôt

    affirmé

    qu'établi la

    mutuelle

    subordination des

    deux termes

    ».

    1. Saint Thomas

    ne

    l'ignore

    nullement. Nous

    y

    reviendrons

    dans

    la

    suite.

    Cf.

    les

    textes cités par Baumgartner,

    Uberwegs

    Gesch. der

    Phil., vol. II,

    1915.

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    15/256

    PREFACE

    V

    sur la

    sienne

    et,

    à ce point

    de

    vue,

    Saint Augustin

    et Saint

    Anselme sont

    les

    contemporains

    de

    Descartes

    aussi bien

    que

    Campanella

    ,

    Kustache

    Le

    Feuillant,

    Gibieuf

    ou

    Suarez

    '.

    Voulant, semble-t-il,

    sauver

    à

    tout

    prix

    l'originalité

    absolue

    de

    Descartes

    et

    ne

    pouvant

    le

    faire

    en philo-

    sophie

    (en

    fait

    c'est

    lui-même

    qui

    porte

    à

    cette

    thèse

    les

    coups

    les plus

    rudes),

    M.

    Gilson

    reprend après M.

    Adam

    2

    la

    thèse

    de

    L.

    Liard,

    et

    cherche

    à

    nous

    présenter

    un

    Des-

    cartes savant,

    uniquement

    préoccupé

    de la

    science et ne

    construisant

    sa métaphysique

    que

    comme

    une

    sorte

    de

    préface à sa physique

    %

    la

    bâtissant en

    toute

    hâte

    avec

    des

    éléments tirés de

    droite

    et

    de

    gauche,

    en ne

    modifiant

    qu'aussi peu

    que

    possible

    les

    doctrines

    traditionnelles

    4

    .

    Une

    espèce

    de

    mosaïque,

    qui

    lui

    servira

    de

    drapeau

    et,

    le

    1

    .

    Cf.

    Appendice

    II.

    2.

    Adam.

    Vie

    de

    Descartes,

    p.

    305 :

    « Pourquoi

    ce

    double

    jeu, qui res-

    semble

    à une

    comédie''

    J'entre

    en

    scène, .ivait

    dit. autrefois Descartes,

    avec

    un masque

    :

    l.arvatus

    prodeo.

    C'est

    que

    notre

    philosophe

    ne tient pas à

    renouveler

    à

    ses

    dépens

    l'aventure

    de Galilée II

    prend

    donc

    les mesures,

    1''

    plus

    habilement qu'il

    peut.

    Sans la condamnation de Galilée nous

    aui'ions

    eu tout de

    mém'-

    b

    métaphysique

    do Descartes, mais elle

    n'aurait

    pas eu le mémo

    aspect

    ;

    au lieu de

    gros livres, Descartes aurait

    donné

    quelques

    feuillets

    ».

    On

    serait

    presque tenté

    de

    se réjouir

    de la

    condam-

    nation

    de

    Galilée,

    si

    elle nous a valu la

    philosophie

    < .•

    Deseartes.

    3.

    /d.,p. 306.

    «

    D'une

    part

    il

    pense

    à la religion chrétienne avec

    laquelle

    sa

    philosophie

    ne

    doit

    pas

    entre

    1-

    en

    lutte, d'autre part il

    pense

    à

    cette

    philosophie

    elle-même,

    c'est-à-dire à

    sa

    physique dont il peut

    faire

    accep-

    ter

    d'avance

    les

    principes sous

    le

    couvert d'une métaphysique

    orthodoxe.

    Le

    pavillon,

    si l'on ose

    dire,

    devait couvrir la

    marchandise. »

    ld.,

    p.

    304

    :

    «

    La

    métaphysique

    de

    Descartes,

    en dépit

    des

    apparences, avait un

    tout

    autre objet,

    à

    savoir

    de fournir les

    fondements

    de

    la

    physique.

    Aux

    yeux

    des

    théologiens,

    dont il brigue pour le

    moment

    les

    suffrages,

    il

    défend la cause de

    Dieu,

    rien

    de plus. En

    réalité

    il joue

    un double

    jeu

    ».

    4.

    M. Gilson

    est

    ainsi amené

    à

    traiter comme

    deux

    problèmes

    distincts

    et différents

    celui

    de la

    liberté

    humaine

    et celui

    de la

    liberté divine,

    pro-

    blèmes

    qui

    pourtant

    dans l'esprit

    de

    Descartes

    n'en

    forment,

    croyons-nous,

    qu'un

    seul.

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    16/256

    VI

    PRÉFACE

    drapeau

    couvrant

    la

    marchandise,

    lui

    permettra

    de

    faire

    passer

    sa

    physique.

    Nous

    ne

    croyons

    pas

    pouvoir

    souscrire à

    cette

    opinion,

    qui

    ne

    nous semble

    pas

    pouvoir expliquer

    l'influence

    et

    le

    rôle

    de

    Descartes.

    En

    effet, rien

    ne

    subsiste de

    nos

    jours

    de

    la

    physique

    cartésienne;

    la

    science

    n'a

    pas

    suivi

    les

    voies

    tracées par

    Descartes

    et,

    si

    l'on

    a

    pu

    dire

    ',

    et

    avec

    raison,

    croyons-nous

    que

    l'histoire

    delà

    science

    n'aurait

    pas été

    sensiblement

    différente

    si

    Descartes

    n'avait

    pas paru,

    l'histoire

    de

    la

    philosophie

    en

    serait,

    par

    contre,

    profondément

    modifiée.

    Nous

    croyons

    que

    l'on

    fait tort à

    Descartes

    en

    essayant

    «

    d'expliquer

    »

    telle

    ou

    telle

    autre

    de ses

    doctrines

    par

    des

    données

    purement

    extérieures

    à

    son

    système,

    par tel

    ou

    tel

    but

    qu'il

    se

    serait

    proposé

    d'atteindre

    buts

    extrinsèques et

    extra-philosophiques.

    Le

    philosophe

    des

    causes

    efficientes

    aurait

    probablement

    protesté

    contre

    l'application à

    sa

    doctrine

    de

    cette

    méthode

    d'explication

    par

    les

    causes

    finales.

    Son

    action

    historique

    apparaîtrait

    amoindrie

    et

    deviendrait

    incompréhensible.

    Nous tâcherons

    donc

    d'étudier

    les

    éléments

    scolas-

    tiques

    de

    la

    doctrine

    cartésienne,

    nous

    essayerons

    de

    les

    retrouver chez

    les grands

    penseurs

    du

    moyen

    âge

    \

    chez ceux

    qui

    marquèrent

    les

    étapes de

    la

    pensée

    créa-

    trice, et ce

    n'est

    qu'après

    avoir

    résolu

    cette

    question

    préalable, que

    nous

    pourrons

    essayer

    de

    déterminer

    par

    1.

    Cf.

    P.

    Boutroux,

    L'idéal

    scientifique,

    des

    mathématiciens.

    Paris,

    1920.

    2.

    Picavet,

    lissais

    d'histoire

    générale

    et

    comparée

    'les

    philosophiez

    et

    des

    théologies

    médiévales.

    Paris,

    1913,

    p.

    329-330

    :

    « 11

    ne nous

    importe

    guère

    de

    savoir si Descartes a

    reproduit,

    conscient

    ou

    non,

    des

    doctrines

    médiévales;

    l'essentiel

    c'est

    de

    savoir

    s'il

    a

    donne

    des

    doctrines

    qui exis-

    taient

    avant

    lui a côté

    des

    théories qui

    lui appartiennent

    en

    propre

    D'une

    façon générale

    il

    ne

    faut

    pas

    parler de

    plagiat

    comme

    le

    fait

    Iluet,

    parce que

    Descartos est

    toujours

    original

    même

    en

    reproduisant ce

    que

    d'autres ont

    pensé

    avant

    lui

    ».

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    17/256

    PRÉFACE

    VII

    quelle

    voie

    ces

    idées,

    ces

    théories,

    ces

    doctrines

    ont

    pu

    venir

    jusqu'à

    Descartes.

    La

    distinction

    et

    la

    séparation

    de

    ces

    deux

    questions

    nous

    semblent

    nécessaires

    et

    indis-

    pensables

    au

    point

    de

    vue

    de

    la méthode,

    bien que

    nous

    ne

    contestions

    nullement

    la

    valeur

    de

    chacune

    d'elles

    ni

    l'aide

    réciproque que

    ces études

    convergentes sont

    appe-

    lées

    à

    se

    prêter.

    Nous ne

    prétendons

    pas

    retrouver

    et.

    indiquer

    toutes

    les

    sources

    du

    cartésianisme

    comme

    le

    dit

    avec

    raison

    M.

    Adam,

    cette

    tâche

    nécessiterait

    une

    série

    de

    mono-

    graphies

    et

    le

    travail

    de

    toute

    une

    génération.

    Nous

    nous

    bornerons

    à en

    indiquer

    quelques-unes

    insutlisam-

    ment

    ou

    point

    du

    tout

    analysées

    jusqu'à

    présent.

    Nous

    sommes

    persuadé

    qu'une

    analyse plus

    profonde

    et

    plus

    savante

    que

    la

    nôtre découvrirait

    encore

    bien

    des

    intluences

    insoupçonnées

    '.

    Ce

    n'est

    pas

    non

    plus

    toute

    la philosophie

    cartésienne

    que

    nous

    voulons

    étudier,

    ce

    n'est que

    l'idée de

    Dieu

    et

    les

    preuves

    de

    son

    existence

    que nous

    essaierons

    d'analyser

    dans

    notre

    petite mono-

    graphie.

    Les

    sujets

    connexes,

    par

    exemple

    celui de la

    volonté

    et

    de

    la

    liberté

    divines,

    des

    idées

    innées

    et

    de

    la

    lumière

    naturelle, du

    cogito et

    de

    la connaissance

    intuitive

    ne

    pourront être

    traités

    que

    brièvement

    et

    en

    passant.

    Nous

    avons cherché

    à être

    aussi

    bref

    que

    possible,

    en

    utilisant dans la

    plus large

    mesure

    les

    publications anté-

    rieures,

    surtout les travaux

    déjà

    classiques de

    M.

    Gilson

    et en

    y

    renvoyant

    le lecteur

    aussi

    souvent

    que

    nous

    l'avons

    pu.

    1.

    Il

    serait

    en

    particulier fort

    intéressant de refaire pour

    Descartes

    ce

    que

    Freudental

    a fait pour

    Spinoza

    : une

    analyse comparative

    des

    œuvres

    des

    philosophes

    et

    théologiens hollandais.

    Nous

    croyons

    qu'une

    étude

    pareille

    serait

    extrêmement

    fructueuse.

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    18/256

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    19/256

    INTRODUCTION

    Les

    travaux

    des historiens

    modernes

    ont

    sensiblement

    modifié l'idée

    que

    nous nous

    formons

    de nos

    jours de

    Des-

    cartes et de

    sa

    philosophie. Malgré

    tous

    les

    efforts

    faits

    pour

    maintenir

    et

    étayer

    par

    des

    preuves

    nouvelles

    le

    dog-

    me

    '

    traditionnel de

    l'originalité essentielle

    de

    la

    philoso-

    phie cartésienne,

    elle

    nous

    apparaît

    désormais

    comme

    étant

    fortement

    teintée

    des

    idées

    et

    théories

    scolastiques,

    ayant

    fait

    des

    emprunts notables

    et

    importants,

    ayant

    subi

    l'influence

    profonde

    des doctrines

    philosophiques ou

    théolo-

    giques du moyen

    âge.

    Nous

    croyons

    qu'une

    analyse

    plus

    directe

    et en

    quelque

    sorte plus franche nous

    permettra,

    non

    seulement

    de

    rele-

    ver

    tel

    ou

    tel

    autre

    élément,

    tel

    ou

    tel

    autre

    emprunt

    t'ait

    par

    Descartes

    à

    Saint

    Augustin

    ou

    Saint

    Thomas,

    mais

    encore de reconnaître

    sous

    l'apparente et

    évidente

    diversité

    de

    terminologie et de

    doctrine

    une

    inspiration,

    sinon

    com-

    plètement

    identique,

    du moins

    profondément

    apparentée

    à

    l'inspiration

    et

    aux

    principes

    de la

    philosophie

    du

    moyen

    âge

    -.

    1. Rien ne peut nous

    faire

    mieux

    voir

    la vitalité

    persistante

    de ce

    dog-

    me traditionnel que

    quelques assertions

    de

    M.

    Bréhier,

    dans

    sa

    préface

    pour le

    livre

    de

    M.

    Blanchet.

    Les

    antécédents

    historiques

    du

    :

    a'

    Je

    pense,

    donc

    je

    suis ».

    Paris,

    1920.

    2.

    Espinas.

    L'idée

    initiale

    de

    la

    ph

    ilosophie de

    Descarles. H.

    d.

    M. et M.

    1917,

    p.

    Ti.j.

    L'idéalisme

    de Descartcs

    est

    un reflet de

    l'idéalisme

    objectif

    platonicien ou la

    théologie

    chrétienne

    a

    accentué les

    séparations

    entre

    l'àme

    et

    le

    corps

    d'une

    part,

    entre

    Dieu

    et

    l'âme

    humaine

    de

    l'autre.

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    20/256

    X

    INTRODUCTION

    Descartes

    nous apparaîtra, croyons-nous,

    non

    seulement

    comme

    un

    jalon

    du courant

    philosophique

    et

    mystique

    néo-

    platonicien

    '

    ; sa

    philosophie

    ne

    nous semblera

    pas seule-

    ment

    une

    résurrection de l'augustinisme

    philosophique

    2

    parallèle à

    la

    résurrection de

    l'augustinisme

    religieux

    3

    ,

    mais

    encore

    profondément

    imbue de doctrines,

    de

    méthodes,

    de

    points de

    vue et même

    de

    préjugés scolastiques \ 11

    peut

    sembler

    paradoxal, mais

    en

    fait, dans

    certains cas,

    notam-

    ment

    dans

    une

    de

    ses

    démonstrations

    de l'existence de

    Dieu

    (celle

    de

    la

    troisième

    Méditation),

    Descartes

    est plus

    «

    sco-

    lastique

    »

    que

    ses

    maîtres

    Saint Augustin et Saint

    Bona-

    venture.

    Tout ceci

    n'est

    peut-être

    pas

    absolument inconnu

    et,

    bien des

    fois,

    nous

    ne

    ferons que compléter et

    préciser des

    ouvrages

    antérieurs, car les rapports

    de

    Descartes et

    de

    la

    scolastique ont toujours été

    entrevus et affirmés

    par les

    historiens plus

    clairvoyants

    ou

    même

    seulement

    mieux

    ren-

    seignés

    que

    la moyenne \

    1.

    Blanchet,

    les

    Antécédents

    historiques

    du

    «

    Je

    pense, donc

    je

    suis

    ».

    Paris,

    1920,

    p.

    33.

    «L'auteur du Discours de la

    Méthode

    et des

    Méditations,

    par

    Saint.

    Augustin et par des

    penseurs

    de

    second

    ordre,

    ses

    contemporains,

    a reçu

    la

    tradition

    du

    spiritualisme

    et du

    mysticisme

    néo-platoni-

    cien

    ».

    2.

    Malebranche,

    Réponse

    au

    Sieur

    de

    la Ville,

    p.

    9

    :

    «

    Celui

    des

    Pères

    de

    l'Eglise

    qui

    semble

    avoir

    le

    plus

    contribué

    à

    lever ces obstacles

    du côté

    de

    l'Eucharistie

    et

    à

    rendre les Théologiens

    sectateurs

    de

    M.

    Descartes a

    été

    Saint Augustin qui

    avance

    en

    cent

    endroits comme

    incontestable

    le

    principe

    de

    notre philosophie par

    lequel il fait consister

    l'essence

    de la

    matière

    dans l'étendue. Ce

    saint

    supposait

    partout

    ce prin-

    cipe

    sans

    s'attacher à le

    prouver, parce

    qu'il ne

    paraît pas que

    personne

    n'en doutât de

    son temps.

    De

    là il concluait que l'âme

    est

    immortelle, et

    qu'elle

    est

    plus

    noble

    que

    le

    corps,

    que

    c'est

    une

    substance

    distinguée

    de

    lui et

    plusieurs

    autres vérités

    de

    la dernière

    conséquence.

    »

    3.

    Ne pouvant

    nous

    occuper de l'analyse

    du

    mouvement

    religieux de

    son

    temps,

    nous

    renvoyons aux travaux

    de M.

    M.

    Strowski,

    A.

    Houssaye et

    H.

    Bremond.

    4. Pioavet,

    Essais...,

    p.

    344.

    5. H.

    Hitler,

    Histoire de

    la

    Philosophie

    Nouvelle, Paris,

    1843,

    vol.

    I,

    p.

    14,

    cf.

    p.

    44.

    «

    La

    plupart de

    ses

    pensées

    n'étaient

    pas si nouvelles

    que

    ses

    partisatfs

    le

    croyaient d'ordinaire;

    elles

    n'étaient

    même pas

    inconnues

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    21/256

    INTRODUCTION

    XI

    On a

    de

    nos

    jours

    l'habitude

    de

    faire

    dater

    les

    recher-

    ches

    sur ces

    rapports

    du

    travail

    de

    Freudental

    :

    «

    Spinoza

    und

    die

    ScJwlastik

    »

    '

    suivi

    quelques

    dix

    ans

    plus tard

    par

    celui

    de

    Hertling

    :

    «

    Descartes'

    Beziehungen

    sur Scholas-

    tïk

    »

    -.

    M.

    Picavet

    a

    revendiqué

    cet

    honneur

    pour

    Hauréau

    et

    Jourdain:

    nous ne

    croyons

    pas

    pouvoir nous arrêter

    là;

    sans

    remonter

    jusqu'à

    Huet et à

    Baillet

    et

    sans

    préten-

    dre

    arriver

    au

    commencement

    de la

    liste,

    nous ne

    saurions

    ne pas

    rappeler

    que

    Nourrisson

    avait

    déjà,

    clans

    son

    beau

    livre sur

    la

    philosophie

    de

    Saint Augustin

    3

    malheureuse-

    ment

    trop peu

    lu

    de

    nos

    jours

    rapproché

    le

    cogito

    car-

    tésien du

    cogito augustinien

    \

    bien

    qu'il

    n'ose

    affirmer

    une

    dans le

    temps.

    Son

    principe : Je

    pense donc, je

    suis,

    la preuve

    ontologique

    de

    l'existence de

    Dieu ont

    été

    retrouvés

    après

    lui

    dans

    Saint

    Augustin

    et

    Saint

    Anselme

    Les

    écrits

    de

    Campanella,

    dont il

    faisait

    d'ailleurs

    peu

    de

    cas,

    ne lui

    étaient

    pas étrangers

    non

    plus.

    »

    1.

    Freudental.

    Spinoza

    und die

    Scholastik,

    Strassburger

    Abhandlungen

    zur

    Philosophie,

    F.

    .

    Zeller

    :>>,,,

    50

    jah.

    D'Jubiieum

    geicdidmet.

    \^^~,

    •_'.

    Sitsungsberichte

    der Kgl

    .

    Bayerischen

    Académie,

    1897

    et

    189?

    3.

    Nourrisson,

    La

    Philosophie de

    Saint

    Augustin,

    II.

    p.

    213 :

    «

    En

    somme

    donc

    nonobstant tout

    ce

    qui

    l'en

    sépare, le

    cartésianisme

    offre,

    de

    fait

    et

    d'intention, d'étroites

    affinités

    avec

    l'Augustinisme et

    ces

    affinités

    sont

    revendiquées

    par les

    cartésiens

    eux

    mêmes

    comme

    des

    titres

    de

    gloire.

    «

    Plus

    un

    homme

    sera

    savant

    dans la

    doctrine

    de

    Saint

    Augustin

    et plus

    il

    sera

    disposé

    à embrasser

    la

    philosophie de

    M.

    Descartes

    ».

    iMersenne

    à

    Voet,

    1642. (cité

    par Baillet'.

    Le

    sentiment

    de

    Mersenne

    est le

    sentiment

    même

    de

    Port-Royal.

    Enfin,

    d'une

    manière

    générale,

    c'est

    Saint

    Augustin

    qui

    accrédite

    le

    cartésianisme

    parmi

    les

    théologiens.

    4.

    Nourrisson,

    II,

    208-210.

     Comme

    Augustin,

    c'est dans

    la

    conscience

    que

    Descartes

    place

    le

    fondement

    inébranlable de

    la

    certitude

    et

    sa

    polé-

    mique

    contre

    les

    Pvrrhoniens ne

    laisse

    pas

    que

    de rappeler

    de

    très

    près

    l'argumentation de

    l'Evèque

    d'Hippone

    contre

    l'Académie. De

    plus,

    quoique

    la

    raison-dieu

    que

    célèbre

    Augustin

    soit

    autre

    chose

    quel'innéité

    cartésienne,

    comme

    Augustin

    pourtant

    Descartes

    se

    refuse

    a

    dériver

    toutes

    les

    idées

    de

    l'imagination et

    des

    sens en

    même

    temps

    qu'il

    s'é

    à

    la

    notion de

    Dieu par la

    conception

    de l'infini

    ou

    du

    parfait.

    .,

    Ce

    qui

    devait

    toucher

    particulièrement les

    disciples

    du

    Docteur de la

    Grâce,

    n'était-ce

    pas

    une

    philosophie

    qui

    proclamait

    que

    Dieu

    a

    établi

    toutes

    vérités,

    ainsi

    qu'un roi

    établit

    les

    lois en son

    royaume

    .'

    N'était-ce

    pas une

    philosophie qui par

    les

    deux

    théories

    de

    la

    substance

    et de la

    création

    continuée tendait, à

    abolir

    l'activité

    des

    créatures,

    pour

    faire

    de

    Dieu

    l'unique

    acteur

    ».

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    22/256

    XII

    INTRODUCTION

    influence

    directe,

    ainsi que

    mis en

    lumière

    l'importance

    et

    le

    rôle décisif

    de

    l'influence

    exercée

    sur

    Descartes

    par

    le

    cardinal de

    Bérulle

    '

    ;

    et

    que

    Henri Ritter

    2

    dans

    le

    dixième

    volume

    de son

    Histoire

    de la

    Philosophie avait,

    bien

    avant

    M.

    Blanchet,

    indiqué le rôle et

    l'influence

    de

    Campanella.

    Il

    n'est pas

    très

    facile de

    déterminer

    les

    sources

    de

    l'ins-

    piration de Descartes,

    ni

    les

    éléments

    qu'il

    avait

    incorpo-

    rés

    à sa

    doctrine, car,

    non

    seulement

    Descartes

    lui-même

    ne nous

    donne aucun

    renseignement sur

    ce

    sujet,

    non

    seu-

    lement

    ses

    œuvres

    ne

    nous

    fournissent

    aucune

    indication

    extérieure

    et

    directe,

    non seulement

    nous

    ne

    trouverons

    jamais

    un

    emprunt

    désigné ouvertement

    comme

    tel,

    mais

    encore Descartes

    fait

    tout son

    possible pour les

    dissimuler

    et les masquer.

    Très

    étrange

    et

    vraiment

    étonnant—

    même

    dans

    cette

    personnalité paradoxale et

    déconcertante,

    toute

    tissue des

    contradictions les plus

    inconciliables,

    réunissant

    une

    simplicité

    et

    même

    une

    naïveté

    extrême

    avec

    une

    ambi-

    tion sans

    bornes

    \

    unissant une

    candeur

    d'enfant

    à la ruse

    1.

    Nourrisson

    II,

    p.

    224,

    ruant

    Tharabaud,

    Histoire

    de

    P.

    de

    Bérulles

    «

    Homme

    pour

    le

    cloitre

    beaucoup

    plus

    que

    pour

    les grandes

    affaires

    auxquelles

    on le mêla trop souvent

    ;

    d'une piété angélique,

    d'une érudition

    faible

    ou

    médiocre,

    mais

    d'une

    intelligence

    solide, Pierre

    de Bérulle

    fut,

    on

    ne

    l'ignore pas,

    le promoteur

    de

    Descartes, qui

    le

    considérait après

    Dieu

    comme

    l'auteur

    de

    ses

    desseins

    ».

    Or.

    rien

    n'égalait

    la

    vénération

    que

    Bérulle

    avait

    pour

    Saint

    Augustin.

    Il

    aimait

    à

    nourrir

    son

    esprit

    et

    échauffer

    son cœur

    par une

    lecture

    assidue de ce

    grand

    docteur. Il

    le

    mettait

    au

    dessus

    de tous

    les

    autres

    Pères

    pour son

    esprit

    et pour

    sa

    doctrine

    et

    il

    l'honorait singulièrement

    comme le défenseur

    de

    la grâce

    de Jésus-Christ,

    comme le protecteur,

    s'il faut

    ainsi

    dire,

    de

    Dieu

    contre

    l'homme. Il

    vou-

    lait

    même

    que

    cette dévotion

    passât

    jusqu'à ses disciples».

    2.

    Blanchet,

    ouvr.

    cité,

    Préface

    de

    Bréhier.

    «

    L'action

    de l'Oratoire

    sur

    la

    pensée

    cartésienne

    n'était

    pas

    inconnue et

    M. Blanchet

    n'a eu

    sur

    ce

    point

    qu'à

    souligner

    et

    à

    préciser.

    Mais

    elle

    se

    croisa

    avec

    une

    autre influence

    que

    M.

    Blanchet

    est,

    croyons nous,

    le

    premier

    à

    mettre

    en

    lumière,

    celle

    de

    Campanella

    ».

    L'influence

    de Campanella

    sur Descartes

    fut

    affirmée

    nous

    ignorons

    si c'est pour la

    première

    fois

    par H. Ritter,

    dans

    son

    Histoire de

    la

    Philosophie

    moderne,

    ouvrage dont la

    traduction

    française

    partit

    en 1843.

    3.

    Il veut remplacer

    Aristote,

    non

    pas seulement abolir

    et détruire

    son

    règne

    dans les

    écoles, mais

    devenir

    lui-même

    l'Aristote

    de la

    scolastique

    nouvelle,

    qu'il se

    propose de

    fonder.

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    23/256

    INTRODUCTION

    XIII

    et

    l'astuce

    d'un jésuite

    '

    Descartes,

    un

    des

    esprits

    les

    plus

    incontestablement

    originaux

    et

    créateurs

    qui

    aient

    jamais

    existé,

    semble avant

    tout

    préoccupé

    par le désir

    d'originalité,

    par

    la

    crainte

    de

    paraître

    devoir

    quelque

    cho-

    se à

    quelqu'un

    '.

    Soignant

    en

    quelque

    sorte

    sa

    propre

    légende,

    il veut

    avoir tout

    tiré

    de

    son propre

    fonds

    ;

    possédant

    des

    connais-

    sances

    très étendues

    et

    très

    variées,

    il veut passer pour un

    autodidacte

    '

    ;

    connaissant

    fort

    bien

    les

    travaux de

    ses

    pré-

    décesseurs

    car. si

    Descartes

    n'est

    pas

    un

    érudit, s'il

    ne

    lit pas

    beaucoup, il lit

    bien,

    et

    il

    soumet

    quelquefois l'achè-

    vement

    de

    ses

    travaux

    à

    la condition

    de

    posséder des

    livres

    qui lui

    sont

    nécessaires

    '

    il veut

    passer pour

    un

    homme

    1. Il

    joue au

    plus

    fin avec

    les

    Jésuites

    avec

    le

    succès qu'on

    connaît.

    2.

    Baillet.

    1.

    p.

    34.

    «

    Quoi qu'il

    se

    sentit

    très

    obligé

    aux

    soins

    de

    ses

    niait res,

    qui

    n'avaient rien

    omis de ce qui dépendaii d\ux

    pour

    le

    satisfaire,

    il ne

    se

    croyait

    pourtant pas redevable

    à

    ses

    études

    de

    ce qu'il a fait

    dans la

    suite

    pour

    la

    recherche

    de

    la

    vérité dans

    les

    arts

    et les

    -ciences.

    Il ne

    faisait pas

    dilliculté

    d'avouer

    a

    ses amis, que

    quand

    son

    père ne l'aurait

    pas

    fait

    étu-

    dier, il

    n'aurait

    pas

    laissé

    d'écrire

    en

    Français

    les

    mêmes

    choses qu'il

    a

    écrites

    dn latin.

    Il témoignait

    souvenl

    que

    s'il avait

    été

    de

    condition

    a

    se

    taire artisan,

    et

    qu'on

    'lui

    eût

    fait

    apprendre

    un

    métier

    étant jeune, il

    y

    aurait

    parfaitement

    irce

    qu'il

    avait toujours eu une

    forte inclina-

    tion pour

    les arts.

    De sorte

    que

    ne

    s'élant

    jamais soucié de retenir

    ce

    qu'il

    avait appris

    au

    collège,

    c'est

    merveille

    qu'il n'ait

    pas

    tout oublie-

    et

    qu'il

    se soit

    souvent

    trompé

    lui-même dans

    ce

    qu'il croyait avoir

    oublie

    ».

    3.

    Baillet,

    II.

    p.

    167-8.

    M.

    Descartes

    n'avait

    pas

    sans

    doute

    autant

    de

    répugnance

    pour la lecture

    qu'il témoignait

    pour

    l'écriture.

    11 faut

    avouer

    néanmoins

    qu'il

    ne

    lisait

    pas beaucoup...

    Rebuté des inutilités

    et des

    erreurs,

    qu'il

    avait

    remarquées

    dans

    les

    livres,

    il

    y

    avait

    renoncé

    assez

    solennellement.

    Mais

    à

    ne point

    mentir son

    renoncement ne

    lut

    jamais

    tout,

    entier,

    il

    le rendait

    même

    suspect

    de

    dissimulation.

    Et ceux

    qui

    ont

    été un

    peu

    versés

    dans

    ses

    ouvrages n'ont

    pas pu

    prendre

    pour

    un

    vrai

    mépris

    cette

    indifférence

    qu'il

    affectait

    assez

    mal à

    propos de

    faire

    paraitre

    pour les

    livres.

    Ils

    ont

    remarque

    au

    contraire

    qu'il avait un

    usage

    des livres

    beaucoup

    plus

    grand qu'il

    ne

    voulait en faire

    croire

    ».

    4. Espinas,

    Descaries

    de

    16

    à 27

    ans,

    Revue

    Bleue,

    1907, p.

    354.

    »

    de

    ses

    visiteurs

    trouve

    en

    lui

    hominem

    libros

    neque

    legentem

    neque

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    24/256

    XIV

    INTRODUCTION

    qui

    n'a

    jamais

    rien

    lu

    ;

    ayant

    une

    connaissance

    profonde

    et

    très

    sûre de

    la

    scolastique

    (il

    possède

    et

    emporte

    avec

    lui,

    même

    en

    voyage,

    la

    Somme

    de

    Sainl

    Thomas

    ',

    et

    les

    Dis-

    putationes

    metàphysicae

    de

    Suarez,

    qui

    valent

    une

    ency-

    clopédie),

    il se

    donne

    volontiers

    des

    airs

    de

    profane,

    et,

    après

    une

    discussion

    scolastique

    des

    plus

    serrées,

    s'excuse

    sur

    son

    manque

    de

    savoir

    ;

    utilisant

    avec

    une

    habileté

    mer-

    veilleuse

    les

    travaux

    et

    les

    données

    de

    ses

    devanciers,

    il

    essaie

    de

    faire

    croire

    qu'il

    ne les a

    jamais

    connus

    2

    ou,

    si

    c'est

    impossible,

    prétend n'y

    avoir

    rien

    trouvé

    de

    bon

    et.

    n'en

    faire

    que

    très

    peu de cas

    3

    .

    Non

    seulement

    il

    ne cite

    presque

    jamais,

    ou

    s'il cite,

    c'est

    pour

    nommer

    Archimède,

    Aristote ou

    Papus

    \

    mais

    encore,

    lorsqu'on

    lui

    indique un

    rapprochement

    significatif (ainsi

    pour

    Saint

    Augustin et

    Saint

    Anselme)

    il se

    livre

    à une

    manœuvre

    puérile et

    un

    peu

    ridicule

    il

    commence

    par

    s'étonner

    et

    se

    réjouir

    de

    cette

    'rencontre

    imprévue

    avec

    un auteur

    qu'il

    ne

    connais-

    ceux de

    ses

    devanciers, il

    cherche

    toujours

    a

    établir

    qu'il

    ignorait

    ceux-ci.

    Eu

    réalité

    il lisait

    tout

    ce

    qui

    lui paraissait important sur

    les

    points

    se

    porte

    son

    étude....

    et

    sur

    certains

    points

    même il

    subordonnait

    l'achève-

    ment

    de

    ses

    travaux

    à la possession des livres

    nécessaires

    ».

    1.

    Malgré

    l'hésitation

    de

    M.

    Adam,

    nous

    croyons

    qu'il

    ne peut

    s

    agir que

    de la

    Somme

    théologique

    ;

    c'est elle

    qui

    est,

    La

    Somme.

    Cf.

    Meditatio-

    nes.

    Resp.

    IV.

    (VII.

    235).

    et la lettre

    à Mersenne

    du

    25 XII

    1639.

    (II.

    630).

    2.

    Ce qui

    ne

    l'empêche

    pas

    de citer lui-même

    cet

    auteur

    supposé

    incon-

    nu

    lorsqu'il en

    aura

    besoin pour se couvrir

    de

    son

    auloiiic

    3.

    Ainsi

    pour

    Campanella

    et

    même

    pour

    Galilée

    et

    Giordano

    Bruno.

    4.

    Méditât.

    Epistola,

    vol.

    VII,

    p.

    4.

    «

    Adrlamque

    eliam

    taies, esse

    ut

    non

    putem

    ullam

    viam

    humano

    ingenio

    patere,

    per

    quant meliores

    inveniri

    unquam

    possint

    :

    cogit

    enim

    me

    causîe

    nécessitas,

    et

    gloria

    Dei,

    ad

    quam totum

    hoc

    refertur,

    ut

    hic

    aliquando liberius

    de

    meis

    loquarquam

    mea

    fer consuetudo.

    Alqui

    quamvis

    certas et évidentes

    nias

    putem,

    non

    tamen ideo

    mihi

    persuadeo

    ad

    omnium captum

    esse

    accomodatas: sed

    qUemadmodum

    in geometria multse

    suis

    ab

    Archi-

    mède,

    Apollonio,

    Pappo

    aliisve scriptse, qua\

    et

    si

    pro evidentibus

    etiam

    ac

    certis

    ab omnibus

    habeantur, quia nempe nihil plane

    continent quod

    seorsim spectatum

    non sit cognitu

    facillimum,

    nihilque

    in quo

    sequentia

    cum

    antecedentibus

    non

    accurate cohaereant,

    quia

    tamen

    longiusculée

    sunt

    et

    valde

    attentum

    lectorem

    desiderant,

    non

    nisi

    ab

    paucis

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    25/256

    INTRODUCTION

    XV

    sait

    guère',

    puis,

    par une

    discussion

    quelque

    peu

    sophis-

    tique,

    il

    cherche

    à

    établir

    une

    distinction

    subtile

    entre

    sa

    doctrine

    et

    celle

    qu'on

    en

    rapproche

    pour

    finir enfin

    par

    déclarer

    que

    la

    chose

    est

    tellement

    simple

    que

    n'importe

    qui

    pouvait

    la

    trouver aussi bien

    que

    lui

    et

    que personnel-

    lement

    il

    ne

    lui

    attribue

    aucune importance,

    et cela, lors-

    qu'il

    s'agit

    des

    doctrines fondamentales

    de

    son système

    2

    S'il

    n'a

    pas

    donné le

    change

    à

    ses

    contemporains,

    il a

    bien

    réussi

    vis à

    vis

    des

    modernes

    ;

    car,

    malgré

    les

    excep-

    tions

    que nous

    avons

    signalées, ce n'est

    que

    de

    nos jours

    intelliguntur

    ita

    quamvis

    eas

    guibus hic

    utor

    certitudine

    et

    evidentia

    Geonietrias

    aequare.

    vel etiam superare. existimem,

    vereor

    tamen ne

    a

    multis

    salis percipi

    non possint,

    tum

    quia

    etiam longiuscula;

    sunt, et

    aliae ab

    aliis

    pendent

    tu ni

    praecipue

    quia

    requirunt

    mente

    m a

    praeiudiciis

    plane

    liberam

    et

    quae

    se

    ipsam a sensuum

    consortio

    facile

    subducat.

    1.

    Lettre au

    P. Mesland,

    2

    mai

    1644.Corresp. CCCXLVII, vol. IV,

    p.

    113.

    «

    Je

    vous

    suis

    bien obligé

    de

    ce

    que

    vous m'aprenez

    les

    endroits

    de

    St

    Augustin,

    qui

    peuvent

    servir pour

    authoriser

    mes

    opinions

    :

    quelques

    autres

    de mes

    amis

    avaient déjà

    fait le

    semblable

    et

    j'ay très

    grande

    satisfaction

    de

    ce

    que

    mes

    pensées

    s'accordent

    avec

    celles

    d'un si saint

    et si

    excel-

    lent

    personnage.

    Car je

    ne

    suis nullement

    de l'humeur de

    ceux

    qui

    désirent

    que

    leurs

    opinions paroissent

    nouvelles;

    au

    contraire,

    j'accomode

    les

    miennes

    à celles

    des

    autres,

    autant

    que

    la vérité

    me

    le

    permet.

    «

    Je

    ne

    mets aucune

    différence

    entre l'âme

    et

    ses

    idées,

    que comme

    entre

    un

    morceau

    de cire

    et

    les

    diverses

    ligures

    qu'il

    peut recevoir.

    Et

    comme

    ce n'est

    pas

    proprement

    une

    action,

    mais

    une passion

    en la cire, de rece-

    voir

    diverses

    figures, il

    me

    semble

    que c'est

    aussi une

    passion

    en

    l'àme

    de

    recevoir

    telle ou

    telle idée

    et qu'il

    n'y

    a

    que ses

    volontés

    qui

    sont

    des

    actions

    ».

    2.

    Ritter,

    ouvr.

    cité,

    I, p.

    13.

    «

    Nous

    ne

    pouvons

    l'absoudre

    d'avoir

    maintes

    fois

    traité les

    idées de

    ses

    devanciers

    comme

    sa

    propriété

    :

    quand

    on

    lui

    témoignait

    là-dessus

    un

    étonnement

    très

    fondé,

    il

    répli-

    quait

    d'ordinaire qu'il

    était

    flatté

    de

    se voir soutenu par l'autorité

    des

    penseurs

    qui l'avaient précédé.

    11

    n'était

    pas

    surpris

    que

    d'autres eus-

    sent

    conçu les

    mêmes

    pensées

    que

    lui; il

    n'avait jamais cherché

    à

    se faire honneur

    de

    la -nouveauté de ses théories

    ;

    il

    les

    tenait pour

    les plus

    vieilles

    du

    monde

    parce

    qu'elles

    étaient les

    plus

    vraies

    et si

    simples

    qu'il

    eùl été

    t

    une

    si

    nul

    avant lui ne

    les

    avait

    aperçues,

    »

    De

    tels

    aveux n'en

    sont

    pas moins surprenants

    de

    la part d'un homme

    qui

    voulait tout

    reconstruire de fond en comble. Ils

    ne s'accordent

    pas

    parfaitement

    avec

    d'autres propositions,

    il

    prétend

    à l'invention

    de

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    26/256

    XVI

    INTRODUCTION

    que

    sa

    malafides

    fut

    nettement

    établie

    par

    M.

    Espinas

    ',

    M.

    Picavet et,

    dernièrement,

    par

    la

    démonstration

    ingé-

    nieuse

    et

    serrée

    de M.

    Blanchet

    2

    .

    Nous

    nous

    bornerons à

    y

    ajouter

    un

    petit

    trait saillant

    :

    lorsque

    Catérus

    lui

    reproche

    d'avoir repris

    un

    argument

    (celui

    de

    Saint

    Anselme)

    déjà

    exposé

    et réfuté

    par

    Saint

    Thomas

    3

    ,

    Descartes

    se

    retranche

    derrière

    une distinction

    fort

    habile

    il

    l'expose

    à

    son

    tour

    en accentuant

    encore

    la

    tournure

    nominaliste

    que

    lui

    avait

    donnée

    Saint

    Thomas

    (preuve

    qu'il

    connaît

    fort bien le

    passage

    '

    et,

    profitant

    du

    fait

    que

    Saint Thomas ne nomme pas son

    auteur

    (dans

    le

    passage

    en

    question) —

    et

    que

    Catérus en

    semble

    ignorer

    le nom,

    il

    parait

    ne

    point

    reconnaître

    dans

    cet

    argument

    celui

    de

    Saint

    Anselme, que

    lui

    avait

    déjà signalé

    Mer-

    senne

    '

    et

    queMersenne lui-même

    reproduit

    dans ses ouvra-

    ges,

    aussi

    bien

    dans

    les

    Quaestiones

    celeberrimae

    in

    Genesim

    que

    dans

    sa

    Défense

    de

    ht

    science

    ''

    Et pourtant

    Descartes

    ne pouvait ignorer

    que

    l'auteur

    de

    l'argument

    exposé par

    Saint

    Thomas

    fût

    Saint

    Anselme,

    puisque

    dans d'autres

    endroits

    Saint

    Thomas

    lui-même

    le nomme en

    toutes

    lettres

    '.

    Certes,

    Descartes

    avait modifié l'argument, l'avait

    même

    transformé,

    et

    nous

    essaierons

    nous-même

    de

    montrer plus tard quelles

    furent ces

    modifications,

    cette

    transformation,

    et

    quelles

    sont les

    différences entre

    l'argument

    de Descartes

    et celui

    1.

    Espinas, Descartes,

    Revue

    Bleue

    1907,

    p.

    358.

    2. Blanchet, ouw.

    rit,'-,

    p.

    61.

    : .

    Resp.

    primae,

    \

    1

    1.

    115.

    4.

    11

    est

    d'ailleurs

    au

    début

    de

    la

    Somme.

    Toutefois

    Descartes

    expose

    l'argument

    de

    Saint

    Anselme

    non

    selon

    la Somme

    Théologique, mais

    selon

    la

    Somme contre

    les

    Gentils.

    5.

    Cf.

    Hauréau,

    Histoire

    littéraire

    du Maine,

    VIII,

    p.

    128-130.

    6.

    Cf.

    Descartes,

    III,

    p.

    261.

    Adam,

    ouvr.

    cité,

    p

    320.

    «

    Jadis Saint

    Anselme l'avait

    proposée le premier,

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    27/256

    INTRODUCTION

    XVII

    de

    Saint

    Anselme,

    mais

    son manque

    de sincérité

    n'en

    reste

    pas

    moins

    flagrant.

    Ceci

    nous

    amène

    à

    un

    autre

    point,

    qu'il

    faut

    toujours

    avoir

    en vue pour

    pouvoir

    déterminer les

    influences

    subies par

    Descartes : disons-le de suite, Descarte*

    ne

    copie

    jamais.

    Il

    n'empruntejamais

    une

    théorie

    ou

    une

    doctrine

    telle

    quelle

    pour

    la transplanter

    en

    bloc

    dans

    son système. Il

    ne

    colla-

    tionne pas

    ;

    ses

    œuvres ne

    sont

    pas

    des

    compilations:

    en

    passant

    par

    le

    creuset

    puissant

    de son

    esprit,

    les

    doctrines,

    souvent de

    provenances

    les plus diverses,

    se fondent,

    se

    transforment et se

    refondent

    en

    une unité

    nouvelle.

    Ses

    théories

    lui sont

    vraiment

    propres; il

    les

    a

    toutes

    repen-

    sées

    lui-même, elles

    sont

    devenues

    des

    parties

    intégrantes

    de son système et ce n'est

    pas

    tout

    à

    fait

    à tort

    qu'il

    en

    revendique

    la propriété.

    Nous serons donc

    forcé

    de

    procéder

    à une

    vraie

    «

    analyse

    »,

    lorsque nous chercherons à

    dégager

    dans

    ce

    composé

    chi-

    mique

    qu'est

    la

    doctrine

    cartésienne

    ses

    éléments

    primitifs.

    Nous

    ne

    pourrons, par conséquent,

    faire

    plus

    qu'établir

    des

    possibilités

    at

    des

    probabilités, et tout au plus des vrai-

    semblances. On nous dira

    peut-être

    que nous

    avons un parti-

    pris

    contre

    Descartes

    et

    que

    notre

    méfiance

    est

    aussi

    exagé-

    rée

    et peu

    fondée

    que l'attitude contraire.

    Nous

    ne

    le croyons

    pas.

    En

    effet,

    l'attitude

    de

    Descartes est

    a

    priori

    invraisem-

    blable.

    Est-il

    croyable que le brillant élève

    des

    jésuites qui

    il le

    dit lui-même

    '

    avait

    lu

    presque

    tous

    les livres qu'il

    avait

    pu trouver

    à

    La Flèche

    ',

    qui,

    plus

    tard

    encore

    jus-

    1.

    Discours...,

    vol.

    VI,

    p.

    4et

    suiv. «Si

    tôt

    que

    j'eus

    achevé

    tout ce

    cours

    d'études

    au bout

    duquel on

    a coustume d'estre

    receu

    au rang des doctes

    ....

    «J'avais appris tout

    ce

    que

    les

    autres

    y

    apprenaient, et

    mesme

    ne

    ui'es-

    tant

    pas

    contenté

    des sciences

    qu'on

    nous enseignait, j'avais

    parcouru tous

    les

    livres

    traitant

    de celles qu'on estime

    les plus curieuses

    et

    les

    plus rares

    qui

    avaient

    pu

    tomber

    entre

    nies

    mains. Il

    s'agit

    des

    livres

    défendus de la

    magie

    naturelle.)

    La lecture des bons livres

    est

    comme

    une

    conversation

    avec

    les plus honnestes

    gens des siècles passez, quienont

    esté

    les

    autheurs

    ».

    2.

    Adam,

    o.

    c,

    p.

    31.

    Descartes

    emporta

    de

    la

    Flèche

    bien

    des

    semences

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    28/256

    XVIII

    INTRODUCTION

    qu'à

    1620

    selon

    lui-même

    s'était

    activement

    occupé

    de

    questions

    philosophiques

    et

    avait étudié

    la littérature

    sco-

    lastique,

    se

    soit

    borné

    à

    copier

    et

    étudier

    le

    cours de

    son

    professeur

    de

    philosophie ? Qu'il

    n'ait

    jamais étudié

    Suarez,

    la

    gloire

    de

    la compagnie,

    dont les

    Disputationes

    Meta-

    physicae

    furent

    à

    son

    époque

    éditées plus

    de

    vingt fois

    ?

    Que

    l'ami et le disciple

    du Père

    Gibieuf

    et

    du

    cardinal

    de

    Bérulle

    n'ait jamais

    lu

    les œuvres

    de

    Saint Augustin

    Que

    le catholique fervent

    -

    et

    le croyant

    sincère

    et mystique

    ait

    ignoré

    les

    «Opuscules

    »

    de

    Saint

    Bonaventure?

    Et

    puis.

    ses

    maitres

    eurent assez de

    confiance

    en

    lui

    pour lui

    permettre

    la

    lecture

    d'ouvrages

    ordinairement

    défendus.

    Lesquels?

    Peut,

    être

    l'Art

    de Lulle,

    dont

    il parle

    dans son

    Discours

    de

    la

    méthode et une ou

    deux fois

    dans

    sa correspondance;

    (VI,

    17;

    X,

    156,

    157

    à

    164, 165)

    peut-être

    les

    livres

    de

    Henri

    Corneille

    Agrippa,

    sur l'incertitude

    des

    connaissances

    humaines,

    ou sur la philosophie

    occulte,

    dont

    il dit

    un

    mot

    ou

    deux.

    Descartes

    parait

    avoir

    lu

    la

    Magie

    naturelle

    de

    Jean-Baptiste

    Porta.

    1.

    Espinas,

    Pour

    l'histoire du cari.,

    p.

    27 .

    Les controverses avec

    les

    protestants

    ont ramené

    l'attention

    sur les Pères.

    Saint

    Augustin, dont

    il

    va se

    faire

    cinq éditions

    en

    quelques

    années,

    est l'objet d'une étude pas-

    sionnée et

    avec

    lui

    les auteurs

    sacrés

    du

    m

    e

    siècle . Bérulle

    est

    par ses

    lectures

    quotidiennes

    un

    contemporain

    de

    Saint

    Clément

    d'Alexandrie et

    de Den.vs l'Aréopagite.

    2. Baillet,

    II,

    515.

    »

    Il avait une

    aversion

    extraordinaire

    pour le

    Calvi-

    nisme... Cette

    aversion

    lui

    était

    venue

    en

    partie

    de

    la naissance,

    en partie

    de

    l'éducation,

    et elle

    s'était

    accrue lorsque, vivant

    dans

    un

    pays

    cette

    secte est dominante,

    il la trouva

    trop dénuée

    d'extérieur, trop

    libre et

    trop

    favorable

    à

    ceux qui

    passaient d'elle

    à

    l'Athéisme.

    « M.

    de

    Sorbière,

    qui était encore

    Huguenot

    lorsqu'il

    le

    hantait

    dans

    ces

    provinces, n'a

    pu

    sWiipèchi'i-

    de dire

    depuis sa

    conversion,

    qu'on a eu

    grand tort

    de douter

    de la foy

    de ce grand

    personnage.

    »

    Milhaud,

    Une

    crise mystique

    chez

    Descartes, P. de M. et

    M.

    1916,

    p.

    521

    : «

    L'homme

    qui

    à

    23 ans a cru

    aussi

    aisément

    d'être a

    travers

    les

    songes

    en

    commu-

    nication avec

    Dieu lui-même,

    m'apparait avec

    une

    àme plus naïvement

    religieuse,

    plus

    simple,

    moins

    compliquée

    qu'on n'est

    généralement

    disposé

    à

    le

    croire

    :

    j'ai

    pour

    ma

    part

    désormais

    moins

    de

    tendance,

    surtout dans

    1rs

    questions

    Dieu

    est

    en

    jeu, à voir

    chez

    lui

    des

    artifices,

    des

    précau-

    tions,

    des

    arrières-pensées.

    »—

    Espinas,

    L'idée initiale,

    p.

    255.

    «L'homme

    qui

    vient

    accomplir

    ;'i

    pied

    le

    voyage

    de

    Venise

    à

    Rome

    sur un

    vœu

    fait à

    la

    Vierge quatre

    ans

    auparavant,

    celui

    que nous

    venons de voir

    assiM-i

    au

    jubilé

    et courir

    dès son

    retour

    en

    France

    à

    Fontainebleau

    pour

    par-

    ticiper

    aux dévotions

    de la

    Cour,

    n'est

    pas

    pratiquement

    un sceptique.

    ..

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    29/256

    INTRODUCTION

    XIX

    nous

    avons

    vu

    établir

    son

    manque

    de sincérité

    en

    ce

    qui

    concerne

    Saint

    Augustin

    ';

    nous

    l'avons

    établie

    nous-mêmes

    en

    ce

    qui concerne

    Saint Anselme, nous

    n'appliquons que

    la

    règle

    cartésienne,

    ne

    pas

    croire à

    celui qui

    nous

    a trompé

    déjà

    une fois, et

    nous ne

    laisserons

    pas l'exposition, si

    visi-

    blement

    «

    littéraire

    »

    du

    Discours

    2

    ,

    prévaloir

    et

    contreba-

    lancer

    les

    possibilités

    et

    les vraisemblances que nous

    révélera

    l'analyse

    intrinsèque

    de

    ses

    œuvres.

    1.

    Blanchet,

    ouvr. cité,

    p.

    55.

    2.

    Cf.

    Km;is.

    /.••

    jmuit

    de

    départ de

    Descartes,

    Revue

    Bleue,

    1906,

    p.

    294 et suiv.

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    30/256

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    31/256

    L'IDÉE

    DE

    IUEI'

    CHEZ

    DESCARTES

    Incipiendum

    est

    a

    Dei

    cognitione

    ac

    deinde

    aliarum

    omnium

    rerumco-

    gnitiones

    huic uni mnt sitbordi

    nandae.

    .

    .

    Si, sans parti-pris, sans

    idée

    préconçue, on aborde la

    lec-

    ture

    des

    Méditations,

    on a vraiment

    de

    la peine

    à

    croire

    que

    dans

    cette

    œuvre

    d'une

    inspiration

    toute

    théologique

    et

    traditionaliste,

    on

    ait

    pu

    voir

    une

    rupture

    définitive

    avec

    les méthodes

    et les

    idées

    du

    passé

    :

    œuvre

    d'un philosophe

    chrétien

    qui

    combat

    pour la

    gloire de Dieu et

    de son église

    '

    et

    se

    propose

    de prouver

    contre les

    athées,

    les

    sceptiques

    et

    les

    libertins

    l'existence

    de Dieu

    et

    l'immortalité

    de

    l'âme,

    œuvre hardie

    d'apologétique mystique

    qui.

    par

    un ingé-

    nieux

    retour offensif,

    prétend

    faire profiter la religion

    de

    toutes les conquêtes

    de

    la

    science

    -,

    qui,

    tout

    en voulant

    1.

    Espinas,

    L'idée

    initiale,

    p.

    -T7 : « L'absolu

    lui est intime,

    il est avec

    lui

    au centre

    de

    tout, il

    vit

    en

    sa

    présence,

    le

    rencontre, il

    touche, il

    embrasse

    Dieu de

    toutes

    parts,

    en

    édifiant son monde

    par la

    mathématique

    universelle avec une

    matière

    passive entièrement

    aépourvue d'efficace.

    Il

    se

    prépare

    à

    traiter

    les

    sciences

    de

    l'homme

    suivant

    le

    même

    esprit,

    c'est

    le règne de

    Dieu

    qu'il

    y

    cherchera,

    c'est

    la

    «

    cause

    de Dieu

    »

    qu'il

    se

    proposera

    de

    «

    venger

    ».

    La

    métaphysique

    n'est donc à aucun moment

    étrangère

    du moins

    à

    cette

    première forme

    du système, ni la religion,

    ni la morale

    puisqu'il

    les prend

    l'une

    pour

    l'autre

    ».

    Cf.

    Baillet,

    Vie

    de

    Des-

    cartes, II,

    p.

    171.

    2.

    Blanchet, op.

    cit.,

    p.

    69 :

    «

    Au point

    de vue

    plus

    strictement

    philoso-

    phique

    de

    l'apologétique,

    qu'est-ce

    que

    le

    cartésianisme, sinon,

    après

    la

    scolastique

    de

    Saint-Thomas,

    à laquelle il

    aspire à

    se

    substituer,

    le

    plus

    puissant

    effort

    n-nte

    pour

    faire

    bénéficier

    les

    dogmes

    chrétiens,

    dans

    leurs

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    32/256

    2

    L

    IDEE

    DE

    DIEU

    remplacer

    la métaphysique

    surannée de

    la scolastique

    aris-

    totélicienne,

    prétend

    asseoir la

    philosophie et

    la

    théologie

    chrétienne

    sur

    des

    bases plus sûres et

    plus

    fermes que

    jamais

    l

    en

    faisant

    de

    Dieu

    et

    de

    la

    connaissance de Dieu le

    fondement

    et

    la justification

    de

    toute

    science,

    de

    toute cer-

    titude,

    de

    la perception

    morne,

    jusques

    et

    y

    compris

    la per-

    ception

    sensible

    du

    monde matériel

    2

    les

    Méditations

    par

    leur

    titre

    même nous rappellent

    leurs prédécesseurs illus-

    tres,

    les

    Méditations

    de

    St-

    Augustin

    et

    de

    St-Anselme

    3

    .

    Cette

    coïncidence

    n'est peut-être

    pas

    tout

    à

    fait

    fortuite,

    surtout

    si l'on considère

    les

    rapprochements nombreux

    et

    significatifs que

    l'on peut

    faire

    entre

    les théories

    cartésien-

    nes

    et

    celles

    des

    deux

    grands

    Docteurs

    de l'Église \

    L'idée de

    Dieu dont part

    et à laquelle ramène l'argumen-

    parties

    les

    plus

    essentieUes.de la

    laveur

    acquise

    aux doctrines

    démontrées

    et

    indispensables

    nu

    développement progressif

    des

    sciences

    de

    la

    nature?...

    «Les

    mêmes

    arguments

    qui réfutent

    les sceptiques

    ruinent

    définiti-

    vement

    les allégations

    de

    l'athéisme.

    La

    situation...

    est

    complètemenl

    retournée

    au profit

    de

    la

    religion

    ».

    1. Ibid.,

    p.

    S7-S8

    :

    «

    Lorsque Descartes retiré

    en

    Hollande

    commence

    «

    un

    petit traité

    de

    métaphysique », ce

    n'es

    pas

    seulement

    pour servir

    de

    pré-

    face

    a

    sa

    physique,

    pour légitimer

    sa

    méthode...

    c'est encore

    et

    surtout

    pour

    tâcher

    de

    connaître

    Dieu

    et

    le

    faire

    connaître

    aux

    autres,

    c'est

    pour

    réussir

    à

    démontrer aux

    hommes

    les

    vérités

    métaphysiques

    d'une

    façon

    qui

    est

    plus

    évidente

    que les

    démonstrations

    de

    géométrie

    Ce

    but des

    premières

    méditations^de

    Descartes

    au moment ou

    il

    quitte

    la

    France

    est

    un

    but

    religieux ».

    2. Médit.,

    Abrégé, IX,

    p.

    12

    :

    «

    J'y

    apporte

    idans

    la

    VI

    e

    M.)

    toutes

    les

    rai-

    sons

    desquelles on peut

    conclure

    l'existence

    des

    choses

    matérielles

    :

    non

    que je

    les

    juge

    fort utiles pour prouver

    ce

    qu'elles

    prouvent,

    à savoir

    qu'il

    y

    a

    un

    monde...

    mais

    parce

    que en les considérant

    de

    près

    on

    vient

    à

    con-

    naître

    qu'elles

    ne

    sont

    pas

    si

    fermes ou

    si

    évidentes

    que

    celles

    qui

    nous

    conduisent

    à

    la

    connaissance

    de

    Dieu

    et de

    notre

    âme; de

    sorte

    que

    celles-

    ci

    sont

    les

    plus

    certaines

    et

    les plus

    évidentes

    qui

    puissent

    tomber

    en

    la

    connaissance

    de l'esprit humain

    ».

    3.

    Les

    vieilles

    éditions

    de

    St Augustin

    emploient

    volontiers

    le

    titre :

    Ueditationes.

    4.

    Nourrisson,

    op.

    cil.,

    IL

    p.

    207 : « Port

    Royal

    admira

    et

    adopta

    dans

    Des-

    cartes

    nu

    célèbre

    el

    moderne

    disciple

    de

    St

    Augustin.

    Dans

    le

    cartésia-

    nisme

    il

    crut

    reconnaître

    une

    sorte

    d'exposition

    populaire

    de l'Augusti-

    iii-

    appropriée aux

    temps

    nouveaux

    ».

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    33/256

    CHEZ

    DESCARTES 3

    tation

    des

    Méditations'

    est

    l'idée

    traditionnelle

    de

    l'église

    chrétienne

    : une

    de ces

    idées

    que

    Descartes emprunte

    à

    la

    sententia

    communis, ou plutôt

    une

    idée

    qu'il

    n'emprunte

    même

    pas.

    qu'il

    trouve

    toute

    faite,

    constituée

    et même

    jus-

    qu'à

    un certain point analysée,

    idée

    qui

    lui semble

    telle-

    ment naturelle qu'elle doit

    être commune à

    tous

    et qu'il ne

    peut

    pas s'imaginer qu'on

    puisse

    en

    avoir

    une

    autre,

    tant

    soit

    peu

    différente.

    Cette

    idée

    est

    celle d'un

    être

    absolument

    parfait,

    infini,

    éternel, connaissant

    tout et tout

    puissant,

    créateur

    absolu

    de

    l'homme

    et du monde, source

    absolue

    de

    toute percep-

    tion,

    de toute

    vérité,

    de

    toute

    existence

    comme

    de

    toutes

    les

    essences,

    de

    tous

    les

    possibles,

    de

    tous

    les

    actes.

    Des-

    cartes

    admet

    comme

    une

    donnée

    indiscutable

    l'ensemble

    des

    dogmes

    du

    catholicisme

    a

    ;

    non

    seulement

    la

    trinité, la

    divinité

    ou l'incarnation du Christ,

    mais

    encore

    la

    trans-

    substantiation

    sont

    pour

    lui des

    faits

    indubitables,

    des

    faits

    qu'on

    peut

    ne

    pas comprendre, ou

    plutôt

    qu'on

    ne

    peut pas

    comprendre,

    mais qui

    sont

    aussi

    sûrs et

    inébranlables

    que

    les propositions

    de

    la

    géométrie

    plus

    sûrs

    encore,

    puis-

    qu'ils

    nous

    sont

    assurés

    par

    la foi et

    l'autorité

    surnaturelle

    1. Nous

    croyons en effet

    que c'est

    l'idée de Dieu

    qui

    forme

    le

    centre

    de

    la doctrine

    cartésienne

    ;

    si,

    selon

    le

    mot de

    Hamelin,

    on peut toujours chez

    Descartes

    partir

    de

    deux

    points,

    de

    Dieu et

    du

    moi,

    du

    cogito,

    par

    contre

    h-

    moi,

    le cogito

    nous

    ramène

    à Dieu

    et c'est

    en cela

    que

    consiste

    en

    somme

    son rôle, c'est de Dieu

    qu'il tient

    sa valeur.

    Cf. Medilationes,

    Epis-

    tola ad

    Doctores

    Sorbonnae,

    vol.

    VII,

    p.

    2. 3 :

    Semper

    existimavi,

    duas

    quaestiones de

    Deo

    et

    de Anima, praecipua esse

    ex

    iis quae

    Philosophiae

    potius

    quam

    tlieologiae

    ope sunt

    demonstrandae...

    N'iliil

    taraen

    utilius in

    Philosophia

    praestare

    posse

    existimo,

    quam

    si semel

    omnium optimae

    studiose

    quaerentur,

    tamque

    accurate ei

    perspicuae

    exponantur ut apud

    omnes constet in

    posterum

    eas

    esse

    demonstrationes [Deum

    esse].

    Qua

    via

    Deus

    facilius et certius

    quam

    res

    saeculi cognoscatur, non

    putavi a

    m.-

    esse

    alienum inquirere.

    2.

    Principes,

    g

    24

    :

    Nous

    nous

    souviendrons

    toutes

    les fois

    que

    nous

    voudrons

    examiner

    la

    nature de

    quelque

    chose,

    que Dieu qui en

    est

    1 Au-

    teur

    est

    infini

    et

    que nous

    sommes

    entièrement

    finis. Ibid.,

    §

    25. il

    faut

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    34/256

    4 L

    IDEE

    DE

    DIEU

    de

    l'Église

    et de

    l'Écriture sainte

    ',

    car l'autorité

    du dogme,

    de

    l'Église

    et

    des

    livres

    saints

    est

    pour

    Descartes

    aussi

    réelle

    qu'elle

    l'étail

    pour

    Si-Anselme

    '.

    Ce

    n'est

    nullement

    par artifice

    de

    politique,

    ni par une

    manoeuvre

    habile

    que

    Descartes annonce qu'il peut

    selon les principes

    de

    sa

    phi-

    losophie rendre le mystère

    de

    la transsubstantiation

    plus

    facilement compréhensible

    que

    ne le

    faisait

    la

    théologie

    scolastique

    \

    A

    ses

    yeux,

    et

    nous

    croyons

    que cette

    fois-ci

    il

    est

    sincère,

    le

    problème

    est

    parfaitement

    sérieux;

    pour

    lui,

    comme

    pour

    ses

    correspondants

    partisans

    ou

    adver-

    saires de sa

    philosophie

    c'est

    un

    avantage

    réel

    de la

    nouvelle doctrine ou

    bien une objection

    des

    plus

    sé-

    rieuses

    \

    Descartes

    <

    j

    -t

    sincère

    lorsqu'il

    s'incline

    avec

    une

    humilité

    réelle

    devant

    l'autorité

    de

    l'église

     

    et

    1.

    Baillet,

    II,

    503

    :

    «

    Jamais philosophe

    n'a

    paru

    plus profondément

    res-

    pectueux pour la Divinité

    que

    M.

    Descartes. Il fut

    toujours

    sobre sur

    les

    sujets

    de

    Religion, jamais

    il'n'a

    parlé de

    Dieu

    qu'avec

    la

    dernière

    circons-

    pection,

    toujours

    avec

    beaucoup

    de

    sagesse,

    loujours

    d'une

    manière noble

    et

    élevée. Il

    était

    dans

    Pappréhi

    nsion

    continuelle

    de

    rien

    dire ou écrire qui

    fût

    indigne

    de

    la

    religion... 11

    avait

    soin

    en

    parlant

    de

    la

    nature

    divine et

    de

    l'existence

    de

    Dieu,

    que sa

    philosophie ne

    l'éinancipàt trop sur les

    choses

    qui

    pouvaient avoir

    du

    rapport

    aux mystères de

    la

    Trinité

    et

    de

    l'Incar-

    nation...

    11

    ne

    pouvait

    souffrir

    sans

    indignation

    la

    témérité

    de

    certains

    théologiens

    qui

    s'échappent

    de leurs

    guides,

    c'est-à-dire

    de

    l'Ecriture

    et

    des

    Maîtres

    de l'Ancienne

    Eglise...

    Il blâmait

    surtout

    la

    hardiesse

    des

    Philosophes

    et

    des Mathématiciens

    qui

    paraissaient

    si décisifs

    à

    détermi-

    ner ce que

    Dieu

    peut

    et ce qu'il ne peut pas

    ».

    2. Cf.

    Bossuet, Œuvres,

    v.

    XXIII,

    p.

    442.

    3.

    Ceci n'est

    d'ailleurs

    que

    fort

    naturel

    :

    caressant le

    rêve

    glorieux

    de

    remplacer

    Aristote

    dans

    les

    écoles

    de

    la

    chrétienté. Descartes devait

    néces-

    sairement

    songer

    à

    le

    remplacer

    complètement et à donner par

    sa philo-

    sophie

    nouvelle

    une

    explication

    des

    dogmes

    et

    des

    mystères

    de

    la

    foi,

    explication

    au

    moins aussi plausible et acceptable

    que

    l'était

    e.-lle

    de

    ses

    adversaires

    scolastiques.

    Il

    devait faire

    plus

    encore et

    les

    rendre

    ac-

    ceptables

    inclue

    aux

    yeux

    des

    sceptiques.

    Cf.

    Lettre

    à

    Mersenne,

    28

    janvier

    1641.

    Vol. III.

    p.

    293.

    4.

    Espinas, L'idée initiale,

    p.

    259. . . .

    [cette

    découverte]

    «

    le

    mettait

    sur

    la

    voie

    de

    la

    systématisation

    hardie

    dont

    il

    avait

    le

    pressentiment

    et

    qui

    était son

    but

    encore

    lointain :

    rattacher

    le

    dogme

    eucharistique

    a

    la

    théo-

    rie générale

    de

    la

    matière

    ».

    5.

    Kesp.

    Quartae,

    vol.

    VII,

    p.

    244.

    Haec

    vero

    paulo

    prolixius

    hic

    perse-

  • 8/19/2019 essai sur l`idee de dieu

    35/256

    CHEZ

    DESCARTES

    •'

    ce

    n'est

    pas seulement les

    précautions,

    les

    craintes

    d'une

    âme

    timorée

    et

    prudente

    car

    enfin.

    M.

    Adam

    l'a bien

    montré,

    il n'avait

    pas

    grand'chose

    à

    craindre,

    qui

    lui

    font

    différer

    la

    publication de

    son

    « Monde

    »,

    >'t lui dictent

    plus tard

    sa

    bizarre

    théorie du

    mouvement.

    Nous croyons

    que la

    prudence

    du très

    précautionneux

    philosophe

    était

    fortement

    soutenue

    par

    l'humilité

    et

    la

    soumissi