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N° 19 - 1 er trimestre 2016 Déjà demain « Demain est moins à découvrir qu’à inventer » Gaston Berger Publication trimestrielle de la CFDT du « Groupe Orange », Déjà Demain porte un regard nouveau sur les questions stratégiques, économiques et financières. VŒUX CFDT 2016 POUR ORANGE Par Laurent Riche, Délégué Syndical Central à Orange 2016 poursuit le dialogue social en- gagé en 2015 : La négociation intergénération- nelle a abouti à un accord fin 2015 et concrétise l’engagement de l’en- treprise de 6 000 recrutements en 3 ans (de 2016 à 2018). Une négociation sur deux sujets de préoccupation majeure des sala- riés liés à la forte baisse des effec- tifs et l’évolution des métiers : la charge de travail et la reconnais- sance des compétences. Une négociation sur la Numérisa- tion, sujet dont la responsabilité incombe à l’entreprise (mais pas seulement) pour l’accompagnement et la protection des salariés sur les usages. Les Organisations Syndi- cales doivent pouvoir y apporter des propositions en lien avec les enjeux de qualité de vie au travail. 2 nouveaux sujets d’actualité accen- tuent la vigilance que la CFDT exer- cera dans le dialogue social au sein de l’entreprise en 2016 : le rappro- chement de Bouygues avec Orange et la création d’Orange Banque dans un partenariat avec Groupama Édito Déjà Demain N° 19 Ce qu’on en dit !... Par Michèle Viale, élue au CE Equant, au Comité Groupe Europe et suppléante au CA d’Orange. Une nouvelle étape significative dans l’évolution des réseaux est en passe d’être franchie : la virtualisation de fonctions réseaux ! Plus précisément, il s’agit de la dématérialisation des fonctions de gestion de la croissance des capacités de commuta- tion et l’opérabilité dans des machines distantes. C’est un peu comme pour le cloud où les capacités de calcul et d’intelligence peu- vent être déportées du lieu physique de traitement des informations. L’impact sur nos métiers est d’ores et déjà visible. Par exemple, à Orange Business Services, OINIS (ex IBNF) a commencé à identi- fier des sites « stratégiques » qui hébergeront les équipes (un par grande zone géographique) et baisse ses effectifs. Autre impact qui se dessine c’est « l’informatique » qui grignote inexorablement les fonctions dédiées sur les matériels spécifiques pour les remplacer par des programmes plus souples et distants. Cela va provoquer une nouvelle évolution de nos métiers « réseaux » et il faudrait une fois de plus prendre le virage avec la bonne « courbure » et le bon rythme. A chaque mutation technologique significative, les équipes ré- seaux ont démontré leur capacité d’évolution. Il n’y a donc pas de raison de douter qu’elles relèvent avec succès ce nouveau défi si tant est qu’on leur en laisse le choix. Pour la CFDT, ce nouveau challenge impactera rapidement la gestion de nos réseaux clients et nos offres aux clients. Au lieu de traquer l’optimisation aux moindres coûts comme OBS semble s’être orientée là où le long terme s’impose pour aborder au mieux les ruptures technologiques, Orange devrait plutôt capitaliser sur les expertises réseau et informatique de ses équipes. 4 RÉUSSIR LA VIRTUALISATION DES RÉSEAUX Naviguez sur notre site CFDT à partir de votre Smartphone : 1. Je lance l’application téléchargeable sur mon smartphone en envoyant « flashcode » par SMS au 30130 2. Je vise le « flashcode » avec l’appareil photo de mon smartphone 3. Le « tag » est reconnu immédiatement et mon smartphone me pro- pose de me connecter au site internet mobile CFDT. Avec notre Webzine, retrouvez le point de vue CFDT sur l’actualité Orange. Inscrivez -vous par mail à : [email protected] Fédération CFDT Communication, Conseil et Culture 47 avenue Simon Bolivar - 75950 PARIS CEDEX 19 Tél. 01 56 41 54 00 - Fax. 01 56 41 54 01 Toute notre actualité sur : www.cfdt-ftorange.fr Directeur de publication : Ivan Beraud Rédactrice en chef : Isabel Lejeune-To SÉCURITÉ : RISQUE ET OPPORTUNITÉ Par Thierry Mouton, Délégué Syndical Cen- tral à Equant Un changement d’appel- lation d’IBNF pour OINIS dont nombre de salariés risquent de garder un bien mauvais souvenir. Au départ, il s’agissait d’un simple rapprochement « d’usine » (IMT d’un côté, OBS de l’autre), Le personnel n’imaginait pas que cette nouvelle gou- vernance se traduirait par une quasi disparition de la force internationale historique de production et de cor- rection qu’est Equant ! Associés à ce rapprochement, des pro- jets frappent durement les équipes du planning et du déploiement : Asie : création d’une nouvelle équipe en Inde et cours de l’année 2016 : licenciement de 16 des 25 col- lègues travaillant actuellement en Asie. Europe : création d’une nouvelle équipe de 10 personnes en Slovaquie et cours de l’année 2017 : licencie- ment de 31 des 49 collègues travail- lant actuellement en Europe. Amérique : sort non encore fixé... Le projet de rapprochement fait sens et la fermeture des POP (Point de Présence) n’est qu’une évolution des infrastruc- tures réseau. Elle fait partie des évolu- tions récurrentes et naturelles aux- quelles les équipes sont habituées. En revanche, la CFDT estime déplo- rable de profiter de ces évolutions pour se séparer des experts au ser- vice des clients d’Orange qui, quel que soit leur pays d’origine, ont su par leur diversité et leur expérience y établir la richesse de notre entreprise. Si adaptation des ressources il y a, elle implique une gestion prévisionnelle des emplois qui préserve les compétences. En quelque sorte, une GPEC à la taille du Groupe Orange ! OINIS QUI MAL Y PENSE... Les opérateurs Télécoms demeurent acteurs majeurs et incontournables en matière de sécurité et de défense nationale. Révélées par le scandale NSA, les écoutes interpel- lent les libertés publiques et l’espionnage industriel. Certaines dispositions des nou- velles lois sur le contrôle d’internet sont des outils potentiellement dangereux s’ils tom- bent dans les mains d’ennemis de la liberté. Il s’agit, là, de vigilance citoyenne ! Orange se doit de respecter la sphère privée, protéger les données clients et parer aux attaques quotidiennes de la cybercriminalité ou du cyber-terrorisme dont fait l’objet notre réseau. Aujourd’hui, le numérique est omni- présent et génère de réels risques straté- giques mais aussi une vraie opportunité. Pour qu’Orange, actuel n°1 de la cyber- sécurité, soit durablement reconnu l’opéra- teur de confiance qui protège les données de ses clients, la compétence et l’engagement de son personnel prévalent et condition- nent la réussite du projet de banque mo- bile Orange avec Groupama ! TÉLÉCOMS / MÉDIAS : LE RETOUR DES GRANDES MANŒUVRES Par Isabel Lejeune Tô, Secrétaire Nationale CFDT F3C, élue au Comité Groupe Monde En Europe, les grandes manœuvres sont reparties de plus belle : après le succès du rachat de Jazztel par Orange, retour au marché national et les négociations pour Bouygues Télécom. La CFDT ne commentera pas les rumeurs et s’en tiendra aux conditions nécessaires présentées par S. Richard lors de la présentation de ses vœux. Le postulat de base est un accord et une participation de l’ensemble des opérateurs à cette opération et une acceptation par les autorités de concurrence ; s’y ajoutent 4 conditions po- sées par notre PDG à un rachat de Bouygues Télécom. 4 conditions à remplir : L’opération doit être socialement exemplaire : comment ne pas partager cette approche ? Mais c’est sur pièces que nous devrons juger. La CFDT Orange est en lien avec la CFDT Bouygues Télécom afin d’avoir une ap- proche cohérente. La pyramide des âges d’Orange devrait faciliter l’intégra- tion de nos collègues de Bouygues. L’opération doit être créatrice de valeur pour Orange. Avec un réseau et un SI déjà en mesure de les absorber à un coût marginal, tout nouveau client pour Orange génère de la valeur ajoutée. Quel en sera le vrai coût ? Quels en seront les avantages pour Orange ? Quels seraient-ils pour nos concurrents ? Ne pas déséquilibrer notre bilan et nos capacités d’acquisitions notam- ment en Europe. La solution vers laquelle tend Orange (échange de titres) malgré l’effet dilutif semble effectivement la plus sage, mais il faut aussi en mesurer les conséquences sur la gouvernance de l’entreprise... Gouvernance : l’État doit rester le 1 er actionnaire. A court terme, la CFDT n’en doute pas mais, à plus long terme, n’assisterions nous pas au travers d’un rachat de Bouygues Télécom par Orange à un prise de contrôle d’Orange par Bouygues à moyen terme ? Autant de questions posées qui appellent des réponses. S’il est avéré que les salariés et cadres de l’entreprise Orange partageaient largement les orienta- tions stratégiques d’« Essentiels 2020 », la CFDT constate que bon nombre d’entre eux restent interrogatifs sur une telle opération.

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Page 1: er Déjà Demain N° 19 Déjà demain - cfdt …cfdt-orangelorraine.com/wp-content/uploads/2016/07/DejaDemain_2016... · nelle a abouti à un accord fin 2015 ... enjeux de qualité

N° 19 - 1er trimestre 2016

Déjà demain « Demain est moins à découvrir qu’à inventer »

Gaston Berger

Publication trimestrielle de la CFDT du « Groupe Orange »,

Déjà Demain porte un regard nouveau sur les questions

stratégiques, économiques et financières.

VŒUX CFDT 2016 POUR ORANGE

Par Laurent Riche, Délégué Syndical Central à Orange 2016 poursuit le dialogue social en-gagé en 2015 :

La négociation intergénération-

nelle a abouti à un accord fin 2015

et concrétise l’engagement de l’en-treprise de 6 000 recrutements en 3 ans (de 2016 à 2018).

Une négociation sur deux sujets de

préoccupation majeure des sala-

riés liés à la forte baisse des effec-tifs et l’évolution des métiers : la charge de travail et la reconnais-sance des compétences.

Une négociation sur la Numérisa-

tion, sujet dont la responsabilité

incombe à l’entreprise (mais pas seulement) pour l’accompagnement et la protection des salariés sur les usages. Les Organisations Syndi-cales doivent pouvoir y apporter des propositions en lien avec les enjeux de qualité de vie au travail.

2 nouveaux sujets d’actualité accen-tuent la vigilance que la CFDT exer-cera dans le dialogue social au sein de l’entreprise en 2016 : le rappro-chement de Bouygues avec Orange et la création d’Orange Banque dans

un partenariat avec Groupama…

Éd

ito

Déjà Demain N° 19 Ce qu’on en dit !...

Par Michèle Viale, élue au CE Equant, au Comité Groupe Europe et suppléante au CA d’Orange.

Une nouvelle étape significative dans l’évolution des réseaux est en passe d’être franchie : la virtualisation de fonctions réseaux !

Plus précisément, il s’agit de la dématérialisation des fonctions de gestion de la croissance des capacités de commuta-tion et l’opérabilité dans des machines distantes. C’est un peu comme pour le cloud où les capacités de calcul et d’intelligence peu-vent être déportées du lieu physique de traitement des informations.

L’impact sur nos métiers est d’ores et déjà visible. Par exemple, à Orange Business Services, OINIS (ex IBNF) a commencé à identi-fier des sites « stratégiques » qui hébergeront les équipes (un par grande zone géographique) et baisse ses effectifs. Autre impact qui se dessine c’est « l’informatique » qui grignote inexorablement les fonctions dédiées sur les matériels spécifiques pour les remplacer par des programmes plus souples et distants.

Cela va provoquer une nouvelle évolution de nos métiers « réseaux » et il faudrait une fois de plus prendre le virage avec la bonne « courbure » et le bon rythme.

A chaque mutation technologique significative, les équipes ré-seaux ont démontré leur capacité d’évolution. Il n’y a donc pas de raison de douter qu’elles relèvent avec succès ce nouveau défi si tant est qu’on leur en laisse le choix.

Pour la CFDT, ce nouveau challenge impactera rapidement la gestion de nos réseaux clients et nos offres aux clients. Au lieu de traquer l’optimisation aux moindres coûts comme OBS semble s’être orientée là où le long terme s’impose pour aborder au mieux les ruptures technologiques, Orange devrait plutôt capitaliser sur les expertises réseau et informatique de ses équipes.

4

RÉUSSIR LA VIRTUALISATION DES RÉSEAUX

Naviguez sur notre site CFDT à partir de votre Smartphone : 1. Je lance l’application téléchargeable sur mon smartphone en envoyant

« flashcode » par SMS au 30130 2. Je vise le « flashcode » avec l’appareil photo de mon smartphone 3. Le « tag » est reconnu immédiatement et mon smartphone me pro-

pose de me connecter au site internet mobile CFDT.

Avec notre Webzine, retrouvez le point de vue CFDT sur l’actualité Orange. Inscrivez-vous par mail à : [email protected]

Fédération CFDT Communication, Conseil et Culture

47 avenue Simon Bolivar - 75950 PARIS CEDEX 19 Tél. 01 56 41 54 00 - Fax. 01 56 41 54 01

Toute notre actualité sur : www.cfdt-ftorange.fr

Directeur de publication : Ivan Beraud

Rédactrice en chef : Isabel Lejeune-To

SÉCURITÉ : RISQUE ET OPPORTUNITÉ

Par Thierry Mouton, Délégué Syndical Cen-tral à Equant Un changement d’appel-lation d’IBNF pour OINIS dont nombre de salariés risquent de garder un bien mauvais souvenir.

Au départ, il s’agissait d’un simple rapprochement « d’usine » (IMT d’un côté, OBS de l’autre), Le personnel n’imaginait pas que cette nouvelle gou-vernance se traduirait par une quasi disparition de la force internationale historique de production et de cor-rection qu’est Equant !

Associés à ce rapprochement, des pro-jets frappent durement les équipes du planning et du déploiement :

Asie : création d’une nouvelle équipe

en Inde et cours de l’année 2016 : licenciement de 16 des 25 col-lègues travaillant actuellement en Asie.

Europe : création d’une nouvelle

équipe de 10 personnes en Slovaquie et cours de l’année 2017 : licencie-ment de 31 des 49 collègues travail-lant actuellement en Europe.

Amérique : sort non encore fixé...

Le projet de rapprochement fait sens et la fermeture des POP (Point de Présence) n’est qu’une évolution des infrastruc-tures réseau. Elle fait partie des évolu-tions récurrentes et naturelles aux-quelles les équipes sont habituées. En revanche, la CFDT estime déplo-rable de profiter de ces évolutions pour se séparer des experts au ser-vice des clients d’Orange qui, quel que soit leur pays d’origine, ont su par leur diversité et leur expérience y établir la richesse de notre entreprise.

Si adaptation des ressources il y a, elle implique une gestion prévisionnelle des emplois qui préserve les compétences. En quelque sorte, une GPEC à la taille du Groupe Orange !

OINIS QUI MAL Y PENSE...

Les opérateurs Télécoms demeurent acteurs majeurs et incontournables en matière de sécurité et de défense nationale. Révélées par le scandale NSA, les écoutes interpel-lent les libertés publiques et l’espionnage industriel. Certaines dispositions des nou-velles lois sur le contrôle d’internet sont des outils potentiellement dangereux s’ils tom-

bent dans les mains d’ennemis de la liberté. Il s’agit, là, de vigilance citoyenne ! Orange se doit de respecter la sphère privée, protéger les données clients et parer aux attaques quotidiennes de la cybercriminalité ou du cyber-terrorisme dont fait l’objet notre réseau. Aujourd’hui, le numérique est omni-présent et génère de réels risques straté-

giques mais aussi une vraie opportunité. Pour qu’Orange, actuel n°1 de la cyber-sécurité, soit durablement reconnu l’opéra-teur de confiance qui protège les données de ses clients, la compétence et l’engagement de son personnel prévalent et condition-nent la réussite du projet de banque mo-bile Orange avec Groupama !

TÉLÉCOMS / MÉDIAS : LE RETOUR DES GRANDES MANŒUVRES

Par Isabel Lejeune Tô, Secrétaire Nationale CFDT F3C, élue au Comité Groupe Monde

En Europe, les grandes manœuvres sont reparties de plus belle : après le succès du rachat de Jazztel par Orange, retour au marché national et les négociations pour Bouygues Télécom. La CFDT ne commentera pas les rumeurs et s’en tiendra aux conditions nécessaires présentées par S. Richard lors de la présentation de ses vœux. Le postulat de base est un

accord et une participation de l’ensemble des opérateurs à cette opération et une acceptation par les autorités de concurrence ; s’y ajoutent 4 conditions po-sées par notre PDG à un rachat de Bouygues Télécom.

4 conditions à remplir :

L’opération doit être socialement exemplaire : comment ne pas partager

cette approche ? Mais c’est sur pièces que nous devrons juger. La CFDT Orange est en lien avec la CFDT Bouygues Télécom afin d’avoir une ap-proche cohérente. La pyramide des âges d’Orange devrait faciliter l’intégra-tion de nos collègues de Bouygues.

L’opération doit être créatrice de valeur pour Orange. Avec un réseau et

un SI déjà en mesure de les absorber à un coût marginal, tout nouveau client pour Orange génère de la valeur ajoutée. Quel en sera le vrai coût ? Quels en seront les avantages pour Orange ? Quels seraient-ils pour nos concurrents ?

Ne pas déséquilibrer notre bilan et nos capacités d’acquisitions notam-

ment en Europe. La solution vers laquelle tend Orange (échange de titres) malgré l’effet dilutif semble effectivement la plus sage, mais il faut aussi en mesurer les conséquences sur la gouvernance de l’entreprise...

Gouvernance : l’État doit rester le 1er

actionnaire. A court terme, la CFDT

n’en doute pas mais, à plus long terme, n’assisterions nous pas au travers d’un rachat de Bouygues Télécom par Orange à un prise de contrôle d’Orange par Bouygues à moyen terme ?

Autant de questions posées qui appellent des réponses. S’il est avéré que les salariés et cadres de l’entreprise Orange partageaient largement les orienta-tions stratégiques d’« Essentiels 2020 », la CFDT constate que bon nombre d’entre eux restent interrogatifs sur une telle opération.

Page 2: er Déjà Demain N° 19 Déjà demain - cfdt …cfdt-orangelorraine.com/wp-content/uploads/2016/07/DejaDemain_2016... · nelle a abouti à un accord fin 2015 ... enjeux de qualité

Déjà Demain N°19

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1er

trimestre 2016

Par (de gauche à droite) Vincent Gimeno, Délégué Syndical Central-adjoint, membre des Comité de Groupe Europe et Comité de Groupe Monde ; Anita Iriart-Sorhondo, repré-sentante du personnel à FSF ; Philippe Loi-ret, Délégué Syndical IMTW

En septembre 2015, S. Richard annonçait le déploiement d’un réseau « LoRa »… L’inten-tion est de déployer et opérer un réseau Low Power Wide Area (LPWA) opérationnel au 1er trimestre 2016 dans 17 agglomérations, puis progressivement déployé au niveau national... Il s’agit d’un axe de diversification du plan « Essentiels2020 » : se positionner sur le marché des objets connectés (IOT). Orange y prévoit 600 M€ de revenus d’ici à 2018. Bien que l’annonce en soit circonstancielle (annonce de Bouygues ; contrant aussi le dé-ploiement par SigFox sur son fief toulousain), le choix technologique porté sur « LoRa » n’est pas le fruit du hasard. L’avantage de LoRa réside en son ouverture partielle au-dessus de la couche physique (qui reste « propriétaire ») permettant plus facilement d’opérer le réseau, sa bidirectionnalité et une sécurité à deux ni-veaux : objet/passerelle ; chiffrement des mes-sages transportés par l’opérateur.

Orange investit ce segment de marché !

L’éventuel rapprochement avec Bouygues Té-lécom permettrait de consolider cette technolo-gie, d’en accélérer le déploiement et d’assoir l’ambition d’Orange de devenir l’opérateur de référence de IOT en se positionnement sur l’ensemble de la chaîne .

Se positionner dès à présent sur le marché IOT français, tant par le réseaux que le ser-vice et le big data semble un choix tout à fait approprié pour Orange mais suscite plu-sieurs remarques :

Les récentes annonces mettent insuffi-samment en avant les travaux de nos chercheurs qui, depuis la détection des

technologies jusqu’aux pilotes, permettent, très en amont, de comparer les technolo-gies, d’analyser les contraintes de déploie-ments, de choisir les constructeurs parte-naires, … en somme, de donner les élé-ments factuels nécessaires à une prise de décision rapide. Les partenaires eux mêmes travaillent avec nos services sur les réseaux multiservices pour une « Ville durable » depuis 2011, au sein de projets collaboratifs tel que SensCity.

On atteint les limites de l’Open-Copyright Innovation : Orange prône un monde ouvert et collaboratif mais ne fait toujours pas partie de l’Alliance LoRa. En y rentrant, elle devrait « libérer » une par-tie de ses brevets pour se conformer à ses règles de fonctionnement.

A propos de l’investissement, la bande de fréquence utilisée est une bande libre, le coût de déploiement y est donc réduit mais empêche de s’engager sur une qualité de service. Or, les clients B2B (Business To Business, clients entre-prises) cibles actuelles de l’offre IOT ne la prendrons que s’ils peuvent signer un SLA (Service Level Agrement).

Le très faible débit possible impacte le niveau de sécurisation qu’exige la répu-tation d’Orange. Une transparence maxi-male envers nos clients est primordiale pour le bon choix technologique en fonc-tion des performances attendues.

Parallèlement au déploiement de LoRa, des travaux de normalisation tentent de permettre aux réseaux mobiles 2G et 4G de supporter les objets communicants et à ces derniers de deve-nir moins couteux et moins énergivores.

C’est une opportunité pour valoriser et amortir infrastructures existantes et li-cences. L’expérimentation engagée avec Ericsson positionne Orange en leader du mouvement mais la disponibilité des maté-riels et la mise à niveau des infrastructures adviendraient vers 2020 plutôt qu’en 2017. Une expérimentation n’est pas un service opérationnel. La qualité et la sécurité ont besoin de temps. Des suspicions d’interfé-rences entre LTE et LoRa ralentiront sure-ment le planning du déploiement. L’image d’Orange se construit d’abord dans les laboratoires et sur le terrain, bien en amont des salles de presse. L’évolution technologique s’accélère et les enjeux sont colossaux (estimation de 25 Md d’objets connectés d’ici 2020). Le maintien d’un niveau de recherche suffisant sur son cœur de métier d’opérateur est indispen-sable à Orange pour anticiper ces évolutions technologiques ou d’usages et aborder les défis du futur.

Vers un nouvel Eldorado ?

Si la révolution prédite par les objets connec-tés n’est pas au rendez-vous, elle pourrait sur-gir via le développement d’usages innovants et la tendance baissière des coûts. Les Fran-çais n’y voient encore que de simples gad-gets. Les ventes sont loin du raz-de-marée promis par les fabricants et les analystes. Cependant, impossible de nier leur im-mense potentiel à long terme, tant les at-tentes sont fortes dans le domaine de la san-té, en matière d’automatisation domestique voire d’augmentation de la productivité des entreprises qui souhaitent aussi y trouver des relais de croissance ou créer leur activité. L’IDATE (Institut de l'audiovisuel et des télé-communications en Europe) prédit 420 mil-lions de voitures connectées en circulation en 2018. Machina Resaerch annonce 847 millions d’appareils médicaux connectés à l’horizon 2023.

La connectivité grandissante de objets im-pacte directement le modèle économique des entreprises et leurs organisations. Déjà 43% des entreprises se restructurent pour opti-miser ces évolutions et pour mieux exploiter le

potentiel des Big Data (étude mondiale Cap Gemini EMC), tandis que 82% des décideurs français estiment qu’une meilleure capacité à analyser les données peut améliorer leurs pro-cessus métier (étude Markess).

Le prototypage permis via les imprimantes 3D, la multiplication des FabLabs et lieux de création ouverts (tiers lieux) combinés à la baisse du coût des matériaux et des techno-logies, aux performances croissantes des composants électroniques et des batteries, ouvrent un champ quasi illimité à l’imagina-tion pour créer des objets connectés et de nouveaux services. Ainsi, 2 Md d’objets connectés se ven-draient d’ici 2020 avec, en moyenne, 30 ob-jets connectés par foyer... En moins de 10 ans, l’ère des pionniers a pro-duit un modèle très différent : celui des « Makers » et des « Start-Upers ». Cela se carac-térise par la production et la croissance mas-sive des données, par l’avènement des algo-rithmes de traitement comme clefs de voûte créant nouveaux services, nouvelles organisa-tions et générant de la croissance.

Les usages digitaux explosent, modifient le relationnel et bousculent les modèles écono-miques établis comme les chaînes de valeur de « l’ère industrielle ». Tous les aspects de la vie de l’entreprise et de ses salariés vont donc être profondément impactés par ces vagues d’objets communicants et de plate-formes de services.

Des impacts de LoRa à Orange

Cette dynamique pousse Orange au dé-veloppement d’offres de services aux entreprises exploitant le gisement des data collectées via les réseaux ou auprès des clients à des fins commerciales.

En développant la vente d’objets connectés, des réseaux de collecte (LoRa) ou des pla-teformes de services (Datavenue), c’est bien vers la collecte, l’exploitation et la commer-cialisation des données qu’Orange oriente une part de son activité et cherche un relai de croissance. « Ça se complique » pour Orange et son personnel : le SI « en silo » et les plate-

formes de services doivent s’ouvrir et s’hy-brider afin de libérer l’innovation, d’accélérer l’éclosion d’écosystèmes et y fédérer un maximum d’acteurs pour acquérir et garder de l’influence. Orange est-elle prête à vivre une telle transformation ? « Ça se complique » aussi car Orange devra former son personnel et l’accom-pagner vers ces nouveaux modèles, mé-tiers, écosystèmes ou offres (Ex. 100% des vendeurs et des conseillers doivent être for-més à la vente d’Homelive pour répondre à l’objectif de 14 000 nouveaux clients en 2016, offres de services autour du Big Data proposées aux clients entreprises,…). Les moyens suffisants sont-ils prévus pour accompagner de telles évolutions ?

Alors, tardives (ou pas ?) au regard d’autres acteurs du marché, les annonces d’Orange s’inscrivent dans ce contexte et plusieurs niveaux de lecture sont possibles :

La consolidation et la valorisation d’actifs

existants : réseaux, cloud, Datacenter, plate-forme de services, API, sécurité, circuits de distribution… en réponse aux nouvelles tendances du marché ?

La volonté d’investir de nouveaux terri-

toires de croissance avec l’ambition d’en être un acteur de référence incontournable dans les pays où la marque Orange est pré-sente mais pourquoi pas mondialement ?

La mise en mots et en actes de la straté-

gie de transformation numérique de l’entre-prise, vécue comme une impérieuse néces-sité pour rester un acteur de référence du monde de l’IT à l’horizon 2020 et au-delà ? Par cette dernière lecture, y voir en filigrane des annonces du 25/11/2015 : la transforma-tion des modèles de déploiement et d’accès aux réseaux, le changement des métiers, des organisations de travail, des process internes et externes de l’entreprise, des mo-dèles de répartition de la valeur, de la place d’Orange dans les écosystèmes émergents, et de sa capacité à rester maîtresse de son destin dans un environnement où aucune position n’est durablement acquise.

La CFDT soutient la volonté d’investir de nouveaux domaines de croissance, mais les impacts sur l’organisation du travail et les métiers sont à anticiper avec un plan de développement des compétences à la clé.

LORA ET L’INTERNET DES OBJETS, DES SUCCÈS POUR ORANGE SI...

Vous avez dit « LoRA » ?

« LoRa » pour « Low Range » est un réseau dédié aux objets connectés qui permet, à faibles coûts, d'envoyer des données de petit volume (message inférieur à un SMS type température, coordonnées GPS, etc.) vers une plate-forme data.

Les clients récupèrent ces données en développant des applications métier spécifiques (relevés de compteur électrique, d’eau, distributeurs de café, gestion des feux tricolores, gestion de collectes, alarmes incendie, …).

D’importants travaux de normalisation ont lieu afin que les réseaux GSM et LTE supportent les objets communi-cants, mais l’Internet des Objets (IOT) restera un réseau multi-technologies.