energie et croissance

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Consommation d’électricité et croissance dans l’UEMOA : une analyse en termes de causalité. Par Idrissa yaya DIANDY INTRODUCTION De tout temps, l’énergie a joué un rôle majeur dans le développement humain et économique ainsi que dans le bien-être de la société. Par exemple, le bois de chauffage est utilisé depuis des siècles pour faire du feu, tandis que les premières civilisations utilisaient déjà le vent pour naviguer en mer. Les sociétés modernes utilisent de plus en plus d’énergie pour l’industrie, les services, les habitations et le transport. C’est particulièrement vrai pour le pétrole, qui est aujourd’hui le produit le plus commercialisé 1 , mais aussi pour l’électricité qui est indispensable dans les économies contemporaines caractérisées par l’omniprésence des Technologies de l’Information et de la Communication et du digital. L'économie des pays d'Afrique ne cessant de croître, il est légitime de se soucier des défis énergétiques, qui constituent un obstacle à la croissance globale du continent, notamment la 1 AIE, Manuel sur les statistiques de l’énergie, 2005.

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Page 1: Energie et croissance

Consommation d’électricité et croissance dans l’UEMOA : une analyse en termes de causalité.

Par Idrissa yaya DIANDY

INTRODUCTION

De tout temps, l’énergie a joué un rôle majeur dans le développement humain et

économique ainsi que dans le bien-être de la société. Par exemple, le bois de

chauffage est utilisé depuis des siècles pour faire du feu, tandis que les premières

civilisations utilisaient déjà le vent pour naviguer en mer. Les sociétés modernes

utilisent de plus en plus d’énergie pour l’industrie, les services, les habitations et le

transport. C’est particulièrement vrai pour le pétrole, qui est aujourd’hui le produit le

plus commercialisé1, mais aussi pour l’électricité qui est indispensable dans les

économies contemporaines caractérisées par l’omniprésence des Technologies de

l’Information et de la Communication et du digital.

L'économie des pays d'Afrique ne cessant de croître, il est légitime de se soucier des

défis énergétiques, qui constituent un obstacle à la croissance globale du continent,

notamment la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Même si elle est dotée d’importantes sources d'énergies, qui restent très souvent

inexploitées, le continent est marqué par la faiblesse des services énergétiques.

Par ailleurs, bien que la disponibilité de l’énergie électrique ne constitue pas à elle

seule la panacée aux problèmes économiques et sociaux se posant en Afrique, on

pense néanmoins que l'approvisionnement régulier en électricité soit une condition

nécessaire pour le développement économique et social du continent. Les

statistiques montrent que la consommation d'électricité est fortement corrélée avec la

richesse et un faible accès aux services énergétiques modernes est également

1 AIE, Manuel sur les statistiques de l’énergie, 2005.

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corrélé avec le nombre de personnes vivant avec moins de 2 $US par jour (AIE,

2002). Même au niveau individuel, la recherche prouve aussi que le service de

l’électricité semble être l'un des services les plus importants pour améliorer le bien-

être de l'individu pauvre (AIE, 2002). Au niveau national, dans cette ère du

numérique, il est vraiment difficile d'envisager le développement sans des services

électriques adéquats. Ainsi, l'électricité et d'autres sources d'énergie modernes sont

nécessaires pour le développement économique et social (AIE, 2002).

Cependant, au moment où la consommation mondiale d’électricité par habitant s’est

sensiblement relevée au cours des trois dernières décennies, celle de l’Afrique

demeure stagnante voire en baisse. La consommation d’électricité par habitant en

Afrique subsaharienne (Afrique du sud exclue) a baissé, passant de 132,6 kWh en

1980 à 112,8 kWh en 2000 (Banque mondiale, 2003). En outre, moins de 10% de la

population a accès à l’électricité. La consommation d’électricité est largement

confinée aux secteurs intensifs en énergie que sont l’industrie et le commerce, et

dans une moindre mesure les ménages à revenu élevé. L’acuité avec laquelle se

posent les problèmes d’accès à l’énergie électrique justifie certainement la définition

d’une politique et d’une stratégie énergétiques tenant en compte la forte corrélation

qui existerait entre le développement d’un pays et l’énergie qu’il utilise, et en même

temps des ressources financières limitées des pays africains2.

En ce qui concerne les pays de l’UEMOA, le mouvement des réformes du

secteur de l’électricité a commencé dans les années 1990 à la suite des programmes

d’ajustement structurel imposés par les bailleurs de fonds internationaux (FMI,

Banque Mondiale). Généralement, les réformes se composent d’une restructuration,

d’une privatisation et de l’introduction de nouveaux acteurs dans le secteur de

l’électricité. Elles ont pour but d’améliorer les performances de gestion et de lever la

contrainte financière qui empêche l’extension de l’électrification dans les

agglomérations et surtout dans les zones rurales. La Côte d’Ivoire étant pionnière

dans l’adoption des réformes dans la zone.

Cependant, ces réformes n’ont pu empêcher les pays membres de l’UEMOA d’être

confrontés, depuis plusieurs années, à une crise énergétique découlant

2 BAD, « Sénégal, Projet Centrale Electrique de St Louis », Rapport d’évaluation de la performance de projet, juillet 1983.

1

Page 3: Energie et croissance

principalement d’une offre insuffisante en énergie électrique face à une demande en

forte croissance. Cette situation a pu être aggravée par la conjoncture défavorable

pour les pays importateurs de pétrole, du fait de la hausse continue du prix des

hydrocarbures qui a atteint en 2008 des niveaux jamais égalés.

Afin d’éviter que des services énergétiques adéquats ne constituent un obstacle à

l’atteinte des OMD, il est nécessaire de faire évoluer la politique des pays de

l’UEMOA dans le secteur énergétique. L’approche qui a prévalu jusqu’ici visant

l’augmentation de l’offre, essentiellement par l’extension du réseau électrique, a

démontré ses limites.

Le temps est venu de considérer véritablement le rôle joué par les services

énergétiques modernes pour stimuler le développement humain (PNUD, 2005), car

la croissance économique ne saurait être assurée sans connaître réellement la

nature et l’importance de l’apport de l’électricité dans le développement. Par

conséquent, la connaissance de la direction de la causalité entre la consommation

d'électricité et la croissance économique est d’une importance capitale si des

mesures appropriées de politiques énergétiques doivent être conçues.

En dépit de la littérature en pleine expansion sur l'étude de la causalité entre

la consommation d'électricité et la croissance économique, il y a peu de cas qui se

sont intéressés à l’Afrique (Jumbe, 2004), à fortiori aux pays de l’UEMOA. En plus du

souci de combler ce gap, nous nous concentrons sur l'électricité en raison du rôle

pivot qu'elle a pu jouer dans les pays développés et dans le progrès technologique.

Pour les pays de l’UEMOA, existe-t-il une relation entre la croissance de l’activité

économique et la consommation d’énergie électrique ? On serait tenté de répondre

par l’affirmative à cette question. L’objectif général de ce travail de recherche est

d’analyser les relations complexes qui lient la croissance à la consommation

d’électricité.

Il s’agira de façon spécifique :

de vérifier l’existence d’une relation de long terme entre la consommation

d'énergie électrique et la croissance économique ;

2

Page 4: Energie et croissance

de déterminer la direction de la causalité entre ces deux variables, en vue de

faire des suggestions sur la manière dont la question énergétique pourrait être

abordée à l’avenir dans l’UEMOA.

En outre, nous estimons que la question de la croissance est plus utilement

analysée si elle est placée dans un contexte plus large et donc la prise en compte

des formes d’énergie, ici la consommation d’électricité, rendrait l’analyse de la

croissance encore plus pertinente. Le cas de l’UEMOA, une Union où les

questions de convergence et de politique économique commune sont au premier

rang des priorités, est d’autant plus intéressant que les conclusions tirées

pourraient être utiles à l'analyse de blocs économiques régionaux de plus grande

taille comme la CEDEAO.

Dans cette optique, la méthodologie utilisée pour traiter notre thème a

consisté :

D’abord, dans un premier chapitre, à dégager le profil énergétique de la

région et à résumer la politique énergétique de l’Union. Une présentation du

cadre macroéconomique a été faite au préalable.

Cette partie permet d’avoir une vision d’ensemble et comparative de la situation

économique de l’Union, ainsi qu’une appréciation de la situation énergétique et par

conséquent des défis à surmonter dans le secteur de l’énergie électrique.

Ensuite, dans un deuxième chapitre, à faire une revue de la littérature

théorique et empirique concernant la relation de causalité entre la

consommation d’électricité et la croissance.

Cette partie a permis de constater des résultats contrastés. En outre, elle a mis à

jour, encore une fois, le besoin et l’urgence d’une étude empirique pour les pays de

l’UEMOA, qui souffrent d’une faiblesse de la recherche dans ce domaine.

Enfin, un modèle vectoriel à correction d’erreur permettant de tester la

causalité entre la consommation d’électricité et la croissance est exposé

dans un troisième chapitre.

3

Page 5: Energie et croissance

Ce présent document est complété par une bibliographie et des annexes constituées

essentiellement d’articles et de travaux, mais aussi d’éléments tirés des documents

de l’UEMOA.

4

Page 6: Energie et croissance

CHAPITRE 1. CONTEXTE ÉCONOMIQUE, PROFIL

ÉNERGÉTIQUE ET CADRE DES RÉFORMES DU SECTEUR DE

L’ÉNERGIE DANS L’UEMOA

Dans ce premier chapitre, nous procéderons d’abord à une présentation de

l’UEMOA dans sa genèse et son évolution, mais aussi en faisant une analyse du

cadre macroéconomique actuel marqué par des crises à répétition. Ensuite, dans

une deuxième section, le profil énergétique de la région sera dégagé à travers les

ressources, les consommations et l’accès à l’énergie électrique. Enfin, la dernière

section fera référence à la politique énergétique de l’Union, à travers notamment les

programmes et projets de l’UEMOA.

SECTION 1. CONTEXTE ÉCONOMIQUE

1.1. PRÉSENTATION DE L’UEMOA

Dans différentes régions du monde, plusieurs regroupements économiques se

sont constitués donnant aux entreprises de ces Zones un marché local plus large

constituant une base solide pour affronter les marchés mondiaux. Un des enjeux de

la mise en œuvre effective de l’UEMOA est donc la création d’un socle économique

solide et intégré, permettant de mieux réussir l’insertion de la sous-région dans

l’économie mondiale.

L’UEMOA est donc née le 10 janvier 1994, dans un contexte où l’ampleur de la crise

économique et l’impact limité des politiques d’ajustement mises en œuvre ont révélé

l’impérieuse nécessité, pour les Etats membres, d’agir dans un cadre communautaire

cohérent, pour améliorer leurs performances économiques et assurer le bien-être de

leurs populations.

Encadré 1 : Objectifs assignés à l’UEMOA

À travers le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), les États membres ont décidé de relever ensemble les défis de la croissance durable, du développement économique et social et de la lutte contre la pauvreté. Pour rappel, les objectifs assignés à l’UEMOA par le Traité du 10 janvier 1994 sont relatifs :

5

Page 7: Energie et croissance

Au renforcement de la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et un environnement juridique rationalisé et harmonisé ;

À l’instauration des conditions de convergences des performances et des politiques économiques des États membres, par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale ;

À la création d’un Marché Commun entre les Etats membres basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ;

À l’institution d’une coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en œuvre d’actions communes et éventuellement de politiques communes, notamment dans les domaines ci-après : ressources humaines, aménagement du territoire, infrastructures, transport, télécommunications, environnement, agriculture, énergie, industries et mines ;

À l’harmonisation des législations des Etats membres et particulièrement le régime de fiscalité.

Source : UEMOA, ONUDI, 2002.

L’Union s’est donc fixée pour vocation, entre autres, de consolider l’économie de ses

Etats membres, pour leur conférer la taille critique requise, en vue de participer, de

façon plus efficiente, à une compétition internationale de plus en plus rude. En effet,

depuis sa création, l’UEMOA développe un processus d’intégration régional à la fois

monétaire et économique, qui marque profondément les économies de ses huit Etats

membres. Déjà le 1er janvier 2000, l’union douanière est entrée en vigueur avec la

mise en place d’un Tarif Extérieur Commun avec un taux de droit de douane de 20%

maximum, auquel s'ajoute la Redevance. Ainsi, l’UEMOA constitue aujourd’hui un

marché de près de 90 millions de consommateurs et pèse environ 60 milliards de

dollars US en termes de PIB3 (au prix courant).

Si l’UEMOA représente une avancée significative pour les pays qui la

composent (dont la taille, en termes de population, est généralement inférieure à 10

millions d’habitants), elle reste cependant de taille relativement modeste par rapport

aux grands pôles régionaux.

3 FMI, 2008

6

Page 8: Energie et croissance

Tableau 1 : Comparaison de l’UEMOA avec les grands ensembles économiques du monde

Zone d’échange

PIB au prix

courant (en

milliards de $US)

Nombre

d’habitants (en

millions)

Europe des 27 16905,620 493,833

NAFTA (Amérique du Nord) 16266,452 440,113

Mercosur (Amérique du Sud) 2013,881 291,836

ASEAN (Asie du sud-est) 1281,854 575,525

SADC (Afrique australe) 438,950 249,854

UEMOA 57,291 87,098

Source : FMI, World Economic Outlook Database, Octobre 2008 ; calcul de l’auteur.

Les échanges intra communautaires sont estimés à 15,2% de l’ensemble des

flux de commerce extérieur cumulés des Etats de l’Union (ONUDI, UEMOA, 2002).

Globalement, l’Afrique subsaharienne représente une part négligeable du commerce

mondial (0,04%)4 et doit faire face à une menace croissante de marginalisation. Par

ailleurs, les accords commerciaux préférentiels qui liaient les pays membres de

l’UEMOA à leurs partenaires privilégiés (notamment l’Union Européenne dans le

cadre des accords UE – ACP) disparaissent progressivement avec l’application des

règlements de l’OMC et l’arrivée des nouveaux Accords de Partenariat Economique

(APE). Ces accords de l’OMC visent, à terme, une libéralisation totale des marchés

mondiaux. L’ensemble du tissu économique de l’UEMOA va devoir faire face à ce

nouvel environnement.

1.2. SITUATION MACROÉCONOMIQUE ACTUELLE

4 ONUDI, UEMOA, Document de projet du Programme Sous-régional Pilote de Restructuration et de Mise à Niveau pour les Pays de l’UEMOA, Mai 2002.

7

Page 9: Energie et croissance

1.2.1. Un climat économique instable marqué par la crise financière

internationale

Au début de la crise, « l’Afrique sans réaction a minimisé les risques et n’a pris

aucune initiative d’envergure pour le long terme » (Kassé, 2008)5. Pourtant, l’Afrique

est très fortement concernée par la crise financière mondiale et la réforme de

l’architecture de la gouvernance mondiale. À cela trois raisons majeures : d’abord

parce qu’elle est extrêmement insérée dans la mondialisation (son économie

fonctionne par et pour l’économie mondiale), ensuite parce que ses Etats constituent

la principale clientèle des organisations internationales même si leur poids et leur

voix restent encore assez insignifiants et enfin parce que les nouvelles stratégies de

lutte contre la pauvreté sont initiées par les Institutions de Bretton Woods.6

Au niveau de la balance des paiements, les économies de l’UEMOA restent

vulnérables aux chocs exogènes dus au commerce mondial, à cause d’un nombre

limité de produits de base, objet de l’échange. Cette vulnérabilité s’explique par le

déficit structurel de la balance des paiements courants de l’Union de tous les États

membres, à l’exception de la Côte d’Ivoire sur la période 1997 - 2008.

Pour les États membres de l’UEMOA, l’année 2008 est caractérisée par une

aggravation du déficit global des finances publiques, en rapport avec une

progression importante des dépenses due à l’accroissement des dépenses de

transferts et subventions, des dépenses de fonctionnement et de la masse salariale.

Les dépenses budgétaires, en progression de 10,6% pour représenter 23,4% du PIB

contre 23,3% en 2007, s’accroissent plus rapidement que les recettes budgétaires en

hausse de 9,3% (UEMOA, 2008). Au total, les conséquences de la crise financière

sur les finances publiques de l’Union et des Etats membres se sont traduites par des

tensions de trésorerie en liaison avec l’accroissement des accumulations d’arriérés

de paiement, notamment en Côte d’ Ivoire, en Guinée Bissau et au Togo7. La crise a

par ailleurs introduit l’idée de réduction des perspectives de croissance dans les pays

développés et les pays émergents en 2009. Pour cause, les prix du café arabica et

5 Moustapha KASSE, La crise financière : comment et quels effets sur l’Afrique ?, Septembre 2008.

6 Moustapha KASSE, Crise financière et perspective de réforme de la gouvernance mondiale : Pour l’Afrique, «Nous pas bougé », Novembre 2008, www.mkasse.com

7 UEMOA, Impacts de la Crise Financière Internationale sur les Economies de l’UEMOA, Janvier 2009.

8

Page 10: Energie et croissance

du cacao ont chuté de 24% et de 27% respectivement en moins d’un semestre en

2008.

L’analyse de l’impact de la crise financière internationale sur les critères de

convergence montre que ces critères n’ont pas été respectés en 2008, notamment le

critère relatif au taux d’inflation, avec une situation qui se détériore par rapport à la

période 2000-2007.

Tableau 2 : Nombre de pays ayant respecté les critères en matière de convergence sur la période 2000-2007

Années 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Solde Budgétaire de base / PIB 2 4 4 3 4 3 3 5

Inflation 6 1 4 6 8 1 7 6

Taux d’endettement 2 2 2 3 4 5 5 5

Non Accumulation d’arriérés 4 4 5 5 5 4 4 5

Masse salariale / Recettes fiscales 3 3 3 4 4 3 5 4

Investissement sres.pr / Recettes fiscales

2 4 3 5 4 4 4 4

Solde compte courant (hors dons) 1 1 1 1 1 1 1 1

Taux de pression fiscale 2 1 1 1 1 1 1 1

Source : UEMOA, Impacts de la Crise Financière Internationale sur les Economies de l’UEMOA, Janvier 2009.

D’abord, il faut retenir que l’analyse des résultats de convergence de l’Union et des

Etats membres sur la période de 2000 à 2007 n’est pas reluisante. Cette analyse

met en exergue la vulnérabilité des différentes économies nationales par rapport aux

chocs exogènes, tels que les aléas climatiques, les fluctuations (à la baisse) des

cours mondiaux des matières premières exportées par l’Union et le renchérissement

continu des prix des produits pétroliers et de l’énergie électrique. Par conséquent, la

situation de convergence d’avant les crises de l’année 2008 montre que

l’insuffisance du rythme de convergence a été telle qu’aucun Etat membre de l’Union

9

Page 11: Energie et croissance

n’a respecté de manière durable les quatre critères de premier rang. L’annexe 3

indique le nombre de critères respectés par chaque pays entre 2000 et 2007. Seuls

des Etats comme le Bénin, le Mali et le Sénégal ont fait des efforts dans le respect

d’un nombre élevé de critères de convergence. Le Niger, quant à lui, a progressé ces

deux dernières années.

Ainsi, la conjonction des effets de la crise financière avec les chocs sévères des prix

des produits alimentaires, énergétiques et d’autres matières premières, a

négativement influencé la situation économique de l’Union.

1.2.2. Une activité économique peu performante : croissance décevante

et recrudescence de l’inflation

L’activité économique s’est relativement contractée, dans l’ensemble, par rapport

aux prévisions. Cependant, en 2008, l’Union enregistrerait un taux de croissance de

3,9% contre 3,3% en 2007. Cette accélération serait le fait de la hausse de la

croissance dans pratiquement tous les Etats membres. L’amélioration observée

concernerait particulièrement le secteur primaire qui aurait bénéficié de meilleures

conditions climatiques. Par pays, le taux de croissance se présenterait comme suit :

Bénin (5,3%), Burkina (4,5%), Côte d’Ivoire (2,9%), Guinée-Bissau (3,1%), Mali

(4,7%), Niger (5,9%), Sénégal (3,9%), Togo (0,8%)8.

Pour l’année 2009, les perspectives indiquent un taux de croissance de 4,7%, sous

l’hypothèse de conditions climatiques favorables, l’apaisement des tensions socio

politiques grâce à la poursuite de la mise en œuvre satisfaisante du processus de

paix en Côte d’Ivoire, et à la poursuite des travaux de construction d’infrastructures.

Toutefois, la réalisation de cet objectif pourrait être compromise par la forte récession

attendue dans les pays de l’OCDE.

Graphique 1: Taux de croissance (en%) du PIB par Etat membre de l’Union

8 UEMOA, Rapport annuel 2008 de la Commission.

10

Page 12: Energie et croissance

Source : UEMOA, Rapport annuel 2008 de la Commission

Dans la plupart des Etats membres, un taux de croissance plus élevé est attendu en

2009. Par pays, le taux de croissance économique se présenterait comme suit :

Bénin (6,1%), Burkina Faso (5,5%), Côte d’Ivoire (4,3%), Guinée-Bissau (3,2%), Mali

(5,1%), Niger (4,5%), Sénégal (5,2%), Togo (3,3%).

Cette croissance a été réalisée dans un contexte de fortes tensions inflationnistes,

dues à la crise alimentaire, à la crise énergétique et aux mauvais résultats de la

campagne agricole 2007/2008. Pour l’année 2008, le taux d’inflation annuel moyen

se fixe à 7,6% contre 2,4% en 2007. Ces résultats ont été obtenus en dépit des

nombreuses mesures prises par les Gouvernements des États membres pour

atténuer l’impact de la hausse des prix des produits alimentaires. Ces mesures

concernent essentiellement la suspension de la perception des droits de douane et

de la TVA sur les produits de grande consommation ainsi que la mise à la disposition

des couches vulnérables, des céréales à des prix sociaux. Par pays, le taux

d'inflation annuel moyen se présenterait comme suit : Bénin (8,1%), Burkina Faso

(10,8%), Côte d’Ivoire (6,5%), Guinée-Bissau (10,6%), Mali (9,6%), Niger (11,1%),

Sénégal (6,3%), Togo (8,4%) (UEMOA, 2008).

En 2009, il est attendu une évolution favorable, liée aux perspectives de bonnes

récoltes céréalières, à la détente observée sur les cours du pétrole et des produits

11

Page 13: Energie et croissance

alimentaires sur le marché international. De ce fait, la norme communautaire pourrait

être respectée par la plupart des Etats.

En outre, il sera nécessaire de mettre en œuvre les mesures communautaires

identifiées lors du Conseil des Ministres de l’Union (2009) et qui ont trait notamment

à la mutualisation des achats d’intrants agricoles de qualité au niveau de l’Union, la

mise en place d’entreprises d’aménagement de périmètres irrigués, le respect de la

libre circulation des personnes et des biens, la mise en place d’une législation

foncière appropriée et harmonisée au sein de l’Union et le renforcement des

capacités administratives des Etats membres en matière de gestion des projets

agricoles.

Il faudra aussi s’attaquer au problème relatif à l’accès aux énergies modernes et plus

particulièrement à la crise de l’énergie électrique qui continue de grever la

performance des entreprises de la sous-région.

SECTION 2. LE PROFIL ÉNERGÉTIQUE DE LA RÉGION : LES

RESSOURCES, LES CONSOMMATIONS ET L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ

La production, le commerce et la consommation sont les principaux éléments

nécessaires pour avoir une vue d’ensemble du flux de l’électricité dans un pays. La

figure 1 représente le flux de l’électricité depuis sa production jusqu’à sa

consommation. Les centrales produisent de l’électricité et la quantité totale

d’électricité produite est appelée « production brute d’électricité ». Les centrales

consomment une partie de l’électricité pour leur usage propre. La production nette

d’électricité est obtenue en déduisant cette quantité de la production brute.

Figure 1 : Schéma simplifié du flux d’électricité

12

Page 14: Energie et croissance

Source : AIE (2005), Manuel sur les statistiques de l’énergie, Paris.

Cette production nette est distribuée aux consommateurs finaux via les réseaux de

transport et de distribution nationaux. L’électricité peut aussi être exportée vers un

autre pays via les interconnexions des réseaux si elle est excédentaire, ou importée

en cas de pénurie.

2.1. FORMATION DES INDUSTRIES DE RÉSEAUX ÉLECTRIQUE ET

RÉFORMES DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ DANS L’UEMOA

2.1.1. Les monopoles publics des industries de réseaux électriques

(1960-1990)

L’organisation en monopole public verticalement intégré des industries de

réseaux électriques a été la première option des pays de l’UEMOA (Kane, 2009)9. À

la fin des années 60, tous les pays avaient opté pour cette architecture dont les

principes de base sont :

9 Kane, C. S. (2009) : « Réformes structurelles des réseaux électriques et analyse de l’intensité énergétique du produit intérieur brut dans l’UEMOA », Thèse d’Etat.

13

Page 15: Energie et croissance

Confier à un seul opérateur la gestion du secteur de l’électricité ;

Regrouper à l’intérieur d’une même entreprise les trois segments de l’activité

électrique (production, transport, distribution) ;

Soumettre cet ensemble au contrôle de la puissance publique.

Dans ses analyses de la performance des industries électriques de quelques pays

de l’UEMOA, Girod (1992) estime qu’au plan technologique, aucune tendance

régulière et significative n’apparaît en ce qui concerne la consommation de

combustibles par kWh produit. À l’exception du Burkina, les techniciens de l’énergie

montrent que l’indicateur du rendement de la production électrique, qui est

approximé par les pertes entre la production et la vente, s’est progressivement

affaibli durant les années 80 dans tous les pays de l’UEMOA (Kane, 2009).

L’évolution de la productivité a connu une croissance rapide en Côte d’Ivoire,

passant de 461 MWh en 1980 à 518 MWh en 1990, entraînant une augmentation

des ventes qui passent de 1522 à 1940 MWh.

En termes d’efficacité économique, les compagnies électriques de l’UEMOA ont

connu un développement considérable entre 1970 et 1980. Durant cette période, les

capacités électriques ont été doublées au Sénégal et même triplées en Côte d’Ivoire.

Les décennies 70 et 80 ont permis aux pays de l’UEMOA d’intensifier le processus

d’électrification qui passe de 13% (1970) à 32% (1980) en Côte d’Ivoire et un

accroissement de 25% au Sénégal (Kane, 2009).

À partir des années 80, on assiste à une dégradation des indicateurs d’efficacité

économique et technique du secteur électrique dans presque tous les pays de

l’UEMOA. La capacité totale d’installation du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du

Mali et du Sénégal s’accroît seulement de 241 MWh contre plus de 800 MWh entre

1970 et 1980. La production d’électricité quant à elle passe de 2559 GWh en 1980 à

3623 GWh en 1990, soit un taux annuel moyen de 3,5% (Kane, 2009). Les ventes,

connaissent aussi une chute considérable au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

Aussi, l’efficacité des monopoles publics verticalement intégrés est remise en cause

à la fin des années 90 avec l’application d’une série de réformes.

2.1.2. Réformes du secteur de l’électricité dans les pays de l’UEMOA

14

Page 16: Energie et croissance

Les pays de l’UEMOA, ont procédé à d’importantes réformes dans l’ensemble

des infrastructures dans les années 90, dont celui de l’électricité. C'est le cas de

certains pays comme la Côte d'ivoire, le Sénégal et le Mali qui ont entrepris un

processus de privatisation. Même si des échecs ont été enregistrés, la Côte d’Ivoire

peut servir d’exemple (voir annexe 2).

La Côte d’Ivoire : la privatisation de référence10

La Côte d’Ivoire a été le premier État africain à se lancer dans une procédure de

privatisation dans le secteur de l’électricité.

La restructuration en Côte d’ivoire s’est faite pendant cette première phase, dans les

années 90, par un contrat de concession entre l’Etat et la CIE, pour une durée de

quinze ans. Cette concession concernait un contrat d’affermage : la mission

d’exploitation du service public de production, de transport, de distribution et de

commercialisation, ainsi que les activités d’importation et d’exportation de l’électricité.

Cette restructuration a permis l’installation de deux entités (CIPREL et AZITO), ce qui

nécessitait la création d’un organe de régulation.

Suite aux résultats d’exploitation jugés non satisfaisants dans le secteur de

l'électricité, un nouveau cadre institutionnel a été mise en place, composé de trois

opérateurs que sont :

La Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE)

L’Energie Electrique de Côte d’Ivoire (EECI)

Le bureau National d’Etude Technique et de Développement (BNETD)

En 1998, intervient une deuxième restructuration poursuivant le même objectif,

notamment celui d’améliorer la rentabilité du secteur. La réforme de 1998 permet la

création de structures nouvelles, notamment :

L’Autorité Nationale de Régulation du secteur de l’Electricité (ANARE) organe

de régulation du secteur de l’électricité ;

10 Kenfack, Y., Nyama, A. M. (2007) : La reforme du secteur de l'électricité en Afrique francophone: Le cas des pays de la CEMAC et de l'UEMOA, Groupe Intergouvernemental d'Experts du Droit et de la Politique de la Concurrence.

15

Page 17: Energie et croissance

La Société d’Opération Ivoirienne d’Electricité (SOPIE), chargée de la maîtrise

d’œuvre des travaux revenant à l’Etat, en tant qu’Autorité Concédante et du

développement du secteur ;

La Société de Gestion du Patrimoine de l’Electricité (SOGEPE) chargée de la

gestion du patrimoine et des flux financiers du secteur de l’électricité.

Face à ces structures, l’Etat conserve donc la propriété des infrastructures, assure la

mission de développement, ainsi que le renouvellement en ce qui concerne les

travaux majeurs. Mais cette réforme a également connu quelques

dysfonctionnements. Cela a conduit les autorités à procéder à une autre

restructuration, qui a permis une diminution du nombre d'intervenants et la définition

de leurs rôles, notamment le cas du principe de séparation de pouvoirs entre les

fonctions de régulation et de gestion du service public de l'électricité.

Le cas du Sénégal11

La période des années 90 marque le processus de restructuration complète du

secteur de l’énergie au Sénégal, grâce à la mise en vigueur de lois visant la refonte

du cadre juridique et réglementaire, qui régit les sous-secteurs des combustibles

domestiques, des hydrocarbures et celui de l’électricité. Cette période se caractérise

donc par la promulgation de plusieurs lois relatives à la réforme du secteur

électrique. À titre d'exemple, la loi 98-29 du 14 janvier 1998 dite loi d’orientation du

secteur de l’électricité et ses décrets d’application. La première expérience de

privatisation de la Société d'électricité du Sénégal (SENELEC) a été mise en œuvre

en 1999, et s’est traduite par une rupture du contrat entre l’Etat et le Partenaire

Stratégique, au bout de 18 mois, considérant que les objectifs visés n’ayant pas été

atteints.

A la suite de la rupture de ce premier partenariat, un second processus lancé en

2001, s’est avéré infructueux par le gouvernement en juillet 2002. Le gouvernement

sénégalais a réitéré son intérêt pour une libéralisation, et une implication accrue du

privé dans le secteur de l’électricité. Cette seconde privatisation fondée sur le régime

de la concession, a également conduit à une modification des dispositions

11 Kenfack, Y., Nyama, A. M. (2007) : La reforme du secteur de l'électricité en Afrique francophone: Le cas des pays de la CEMAC et de l'UEMOA, Groupe Intergouvernemental d'Experts du Droit et de la Politique de la Concurrence.

16

Page 18: Energie et croissance

réglementaires. En somme, ces réformes ont contribué d'une part à introduire la

participation du secteur privé, et d'autre part, à réduire dans une certaine mesure le

rôle de l’Etat dans la gestion des entreprises, et par conséquent, le contrôle qu’il est

en mesure d’exercer sur l’économie. Il apparaît de plus en plus évident que cet

objectif ne peut être atteint que par une redéfinition fondamentale du rôle des

intervenants. Cela passe nécessairement par l'élaboration d'un bilan des réformes.

2.2. UN POTENTIEL ÉNERGÉTIQUE IMPORTANT ET INÉGALEMENT

RÉPARTI

Les Etats de l’Afrique de l’Ouest sont bien dotés en ressources énergétiques, avec

notamment :

a. Un potentiel hydroélectrique (concentré dans cinq pays) estimé à 25 000 MW et

qui n’est exploité qu’à hauteur de 16% (Kouo, 2005).

En ce qui concerne les pays de l’UEMOA, le Mali et la Côte d’Ivoire sont relativement

mieux dotés en hydroélectricité avec respectivement 34% et 28% des réserves

prouvées d’hydroélectricités, suivis du Burkina Faso (15%), du Niger (6%), du

Sénégal et du Bénin (5%), du Togo (4%) et enfin de la Guinée Bissau (environ 1%).

Graphique 2 : Répartition du potentiel prouvé en hydroélectricité.

17

Page 19: Energie et croissance

Source : UEMOA, CEDEAO, 2006.

b. En matière d’énergies fossiles, le seul Nigeria concentre plus de 98% des

réserves prouvées de pétrole brut, de gaz naturel et de charbon, soit 30% des

réserves prouvées africaines en pétrole brut (3 017 millions de tonnes) et 31% des

réserves prouvées africaines de gaz naturel (3 581 milliards de m3) (Kouo, 2005).

c. La biomasse constitue l’une des principales ressources énergétiques. Elle est

principalement concentrée dans la partie tropicale humide au sud de la région, et les

quantités disponibles varient d’un pays à l’autre en fonction de la climatologie. La

superficie des forêts en Afrique de l’Ouest a été estimée, en 2000, à environ

6.9822.000 Ha (UEMOA, CEDEAO, 2006). Selon des évaluations récentes, le

potentiel forestier serait encore suffisant dans beaucoup de pays pour couvrir la

demande globale en combustible (bien que des disparités internes existent entre des

zones).

d. L’énergie éolienne, avec des vitesses de vent honorables le long des côtes ou

dans les zones désertiques, peut constituer une solution attractive du fait des coûts

d’investissements qui ont significativement diminué au cours des dernières années

pour atteindre des niveaux quasiment équivalents à ceux des grandes unités

thermiques (de l’ordre de 1000 $ / kW, dépendant des conditions locales).

e. En termes bruts, l’ensoleillement moyen en Afrique de l’Ouest représente un

potentiel d’environ 5 à 6 kWh/m2/jour, contre seulement 3 kWh/m2/jour en zone

tempérée européenne. L’importance de l’ensoleillement et la perspective réelle mais

18

Page 20: Energie et croissance

lente de réduction des coûts de la technologie photovoltaïque ont conduit à prévoir

une contribution très significative de l’énergie solaire pour l’accès des populations

rurales à un service électrique de base – mais qui s’est avérée surestimée.

Tableau 3 : Réserves et ressources énergétiques fossile et hydroélectrique (2005)

Potentiel prouvé

hydroélectricité (MW)

Réserves prouvées de pétrole brut

(millions tonnes)

Réserves prouvées de

gaz

naturel (millions m3)

Réserves prouvées

de charbon

(millions tonnes)

Benin 300 21 2800 0

Burkina Faso 900 0 0 0

Côte d’Ivoire 1650 13 20000 0

Guinée Bissau 60 nd 0 0

Mali 2000 nd 0 nd

Niger 400 0 0 70

Sénégal 300 10 500 15

Togo 250 0 0 nd

Source : UEMOA, 2006.

L’industrie électrique est un maillon du système énergétique. De ce fait, les dotations

d’un pays ou d’une région en combustible fossiles influencent le choix de la filière

énergétique, mais aussi le développement de l’activité électrique. On distingue

traditionnellement plusieurs filières énergétiques, mais la thermoélectricité et

l’hydroélectricité sont les principales sources dans l’UEMOA.

La plupart des pays ont enregistré une tendance à la hausse de leur production

d’électricité d’origine thermique, mais avec une forte pente pour la Côte d’Ivoire.

Tableau 4 : Evolution de la production totale d’électricité dans l’UEMOA (GWh).

19

Page 21: Energie et croissance

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Bénin 79 72 84 66 63 80 81 82

Burkina 364,6 386,42 416,85 391,9 391,68 471,55 500,25 568,09

Côte d’Ivoire 4022 4817 4800 4885 5294 5087 5403 5738,63

Guinée-Bissau 53 55 60,19 62,26 62,26 63,83 65,76 68,15

Mali 463,1 460,1 699,85 746 854 940,76 1084,45 1231,45

Niger 190,4 175,39 204,75 179,8 190,56 187,66 190,66 188,66

Sénégal 1546 1596 1669 1904 2046 2155 2351 2614,76

Togo 301 312 275 167 234 291 262 266,44

UEMOA 7019 7873,9 8209,64 8409 9135,5 9276,8 9938,12 10758,2

Source : Kane, C. S. (2009) : « Réformes structurelles des réseaux électriques et analyse de l’intensité énergétique du produit intérieur brut dans l’UEMOA », Thèse d’Etat.

2.3. DES NIVEAUX DE CONSOMMATION D’ÉLECTRICITÉ PARMI LES

PLUS FAIBLES DE LA PLANÈTE

La consommation d’électricité est influencée par la structure de l’économie. Au

niveau de l’UEMOA, la demande industrielle détermine essentiellement la

consommation finale d’électricité.

L'accès à l'électricité reste insuffisant, tel que le montre le graphique suivant.

Graphique 3: Taux d’accès à l’électricité au sein de l’UEMOA (en %)

20

Page 22: Energie et croissance

Source : UEMOA, 2006.

À la lecture de ce graphique, trois pays sur les huit ont un taux d'accès global au

service de l'électricité compris entre 20 et 50% : le Bénin, le Sénégal, et la Côte

d'Ivoire. L'écart d'accès aux services entre régions urbaines de 40% en moyenne et

de 6 à 8% en zones rurales est très important. Cette inégalité en termes d'offre se

double d'une inégalité en matière tarifaire. Dans les zones urbaines, le faible niveau

du tarif résidentiel est lié soit aux subventions publiques, soit à la production, pour

compenser le différentiel de coût de production thermique d'électricité par rapport à

l'hydroélectricité, soit dans le cadre des grilles tarifaires concernant une certaine

couche sociale subventionnée par l'Etat. Mais il est alors fréquent que la distinction

ne soit guère praticable entre les usagers résidentiels, les services et les

administrations. Il n'en est pas de même en zone rurale, où les opérateurs de

réseaux locaux, souvent entrepreneurs locaux, opèrent selon des tarifs directement

ordonnés à la réalité des coûts supportés par la petite production thermique

d'électricité.

Ces données viennent de nouveau corroborer la corrélation entre niveau de

développement humain (IDH) et consommation énergétique, comme le montre le

tableau ci-dessous. Les niveaux de consommation des populations de l’UEMOA sont

le reflet de la situation de pauvreté énergétique qui caractérise en particulier les

zones rurales et périurbaines.

21

Page 23: Energie et croissance

Tableau 5 : Niveau de consommation d’électricité dans l’UEMOA

% population

urbaine

Accès des

foyer à

l’électricité

Conso.

d’électricité/

pop.

(kWh

/hab)

Conso.

d’énergie

finale par

hab.

kgep/hab

Intensité

énergétique

du PIB

kgep/$95

IDH

Bénin 46 22% 45 228 0,761 0,421

Burkina Faso

19 5% 36 234 0,8 0,302

Côte d’Ivoire

46 39% 157 227 0,512 0,399

Guinée Bissau

36 5% 74 147 1,067 0,350

Mali 34 8% 57 160 0,583 0,326

Niger 23 8% 26 63 0,392 0,292

Sénégal 55 32% 125 210 0,498 0,437

Togo 36 12% 208 160 1,020 0,495

OCDE 3224 0,19 0,911

USA 5418 0,25 0,939

Monde 1145 0,29 0,729

Source : UEMOA, 2006.

La situation énergétique des Etats membres de l’Union, hormis quelques spécificités,

se caractérise par un certain nombre de facteurs limitants.

22

Page 24: Energie et croissance

Le bilan énergétique est dominé par l’utilisation massive de la biomasse12 (bois de

feu, charbon de bois et déchets végétaux) à environ 80 %, accentuant ainsi le

phénomène de déforestation. La forte dépendance vis-à-vis des approvisionnements

en hydrocarbure constitue un lourd fardeau pour les économies de l’Union.

La part de l’électricité dans le bilan énergétique de l’Union est restée relativement

faible (environ 5%). Ainsi, l’accès à l’électricité reste très limité, le taux

d’électrification de l’ensemble de l’Union se situant autour de 17% (UEMOA,

CEDEAO, 2006). Ce taux cache un important déséquilibre non seulement entre les

pays, mais également entre les milieux urbain et rural. Les coûts des produits

pétroliers et de l’électricité restent très élevés pour l’activité économique et pour une

population à dominante rurale et pauvre.

L’utilisation des énergies renouvelables demeure faible (moins de 0,1% dans le bilan

énergétique de l’union) malgré l’importance du potentiel de l’espace régional. En

outre, il est noté d’une part, une absence quasi totale de planification énergétique et

d’autre part, une coopération sous régionale encore insuffisante malgré l’existence

de quelques lignes d’interconnexion électrique entre certains pays de la région.

SECTION 3. CADRE DES RÉFORMES DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE

DANS L’UEMOA

3.1. CONDUITE DE LA POLIQUE ÉNERGÉTIQUE DANS L’UNION

Les contextes économiques et financiers des pays de l’UEMOA sont marqués par

la pauvreté et il est aujourd’hui clair que les Objectifs du Millénaire pour le

Développement (OMD) ne pourront pas être atteints à l’horizon 2015 sans un accès

durable aux services énergétiques modernes (UEMOA, CEDEAO, 2006). Tant

l’analyse des problématiques régionales que le potentiel en ressources naturelles de

la région démontrent la nécessité d’une action collective et celle d’une coopération

régionale efficace et créative pour réussir le défi du changement d’échelle qui

s’annonce et augmenter significativement l’accès aux services énergétiques

modernes (l’électricité notamment) dans les Etats Membres.

12 UEMOA, « Programme Economique Régional PER 2006-2010 », Volume I, Diagnostic et vision stratégique, juillet 2006.

23

Page 25: Energie et croissance

3.1.1. La Politique Energétique Commune (PEC)

Adoptée en 2001, la PEC s’inscrit dans la continuité des mandats que l’UEMOA

exerçait avant les réformes sectorielles nationales qui ont modifié les relations entre

les opérateurs énergétiques et les pouvoirs publics. La PEC porte sur :

la mise en place d'un système de planification énergétique intégré,

la promotion des Energies Renouvelables,

l'accélération de l'interconnexion des réseaux électriques en collaboration et

sous l’égide de la CEDEAO.

3.1.2. La Politique Régionale (UEMOA, CEDEAO)

Les Etats Membres ont décidé de s’engager, en 2005, dans une politique

régionale ambitieuse pour accroître l’accès aux services énergétiques modernes, et

se fixent pour objectif, à l’horizon 2015, de permettre au moins à la moitié de la

population d’avoir accès à l’électricité, ce qui représente 36 millions de foyers

supplémentaires et plus de 49 000 localités supplémentaires ayant un accès à des

services énergétiques modernes (UEMOA, CEDEAO, 2006). Cela représente une

multiplication par quatre par rapport au nombre de personnes desservies en 2005.

En cela, cette politique régionale s’inscrit :

dans les engagements pris précédemment au titre du NEPAD, et plus

récemment par la Fédération des Ministres Africains de l’Energie (FEMA)

lors du Sommet du Millénaire en septembre 2005.

dans la continuité des actions déjà menées avec succès par l’UEMOA

depuis une décennie, et qui ont pour objectif de réduire le coût de l’énergie

dans la Région comme par exemple à travers l’EEEOA (Système

d’Echanges d’Energie Electrique Ouest-Africain). Elle s’appuie aussi sur

les acquis des politiques et programmes nationaux qui, plus récemment,

ont fait de l’accès à l’électricité une priorité nationale – pour certains pays.

24

Page 26: Energie et croissance

Dans cette lancée, Le Livre Blanc13 a été conçu et est avant tout l’affirmation de la

volonté des Etats de l’Afrique de l’Ouest de coordonner leurs efforts autour d’une

politique énergétique commune ambitieuse. L’objectif en dix ans, est de multiplier par

quatre l’accès aux services énergétiques modernes en zones rurales et périurbaines.

3.1.3. Stratégie de résolution durable de la crise de l’énergie

électrique dans les Etats membres de l’UEMOA

À l’occasion de sa 12ème session ordinaire, tenue à Ouagadougou, le 17 janvier

2008, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement a décidé la mise en place

d’une commission chargée de proposer, entre autres, des solutions définitives aux

questions liées à la crise de l’énergie. Dans le cadre des travaux de cette

commission, une étude sur la résolution de la crise de l’énergie électrique dans les

Etats membres a été réalisée.

La stratégie proposée repose sur l’amélioration conséquente de l’offre d’électricité

avec, notamment, un recours accru aux énergies renouvelables, la promotion des

économies d’énergie et la mise en place d’un mécanisme de financement du secteur,

efficace et pérenne. Elle met aussi l’accent sur la restructuration des sociétés

d’électricité, en vue d’en accroître les performances. L’ensemble de la stratégie se

décline en une Initiative Régionale pour l’Énergie Durable (IRED).

L’IRED s’appuie sur une vision à long terme, qui se décline en trois objectifs

stratégiques prioritaires :

faire passer le taux d’électrification dans l’UEMOA de 17% en 2007, à 80%

en 2020 et 100% en 2030 (accès universel au service de l’électricité) ;

réduire le prix moyen de l’électricité dans l’espace UEMOA à 30 F CFA le

kWh, à l’horizon 2030

accroître la proportion d’énergies renouvelables et durables (hydroélectricité,

solaire, biomasse, éolien) dans le parc de production de 36% en 2007, à

82% en 2030.

13 UEMOA-CEDEAO, Livre Blanc pour une Politique Régionale sur l’accès au Services Energétiques, janvier 2006.

25

Page 27: Energie et croissance

3.2. LES INITIATIVES DANS LE SOUS SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ

Au niveau national, les années 90 voient la mise en œuvre de réformes qui ont la

particularité d’être (mono) sectorielles, puisqu’elles ne concernent que le seul secteur

de l’énergie, sans réellement se préoccuper des effets directs sur les autres

secteurs, comme il ressort de l’examen des DSRP des Etats.

Dans le sous secteur de l’électricité, les réformes concernent la modification de la

réglementation en vigueur (lois et codes) et le changement des modes et des formes

de propriété des entreprises (privatisation) pour assurer la viabilité financière du sous

secteur. Le secteur qui était jusqu’alors exclusivement ou majoritairement à capitaux

publics s’ouvre aux opérateurs privés dans une démarche de partenariat public -

privé. Au-delà de la spécificité de chacun des Etats membres, la segmentation du

marché entre les secteurs urbains et les zones rurales aboutit à la création

d’agences spécifiquement dédiées au développement de l’électrification rurale.

Historiquement, au plan régional, la priorité a été donnée à l’impact de l’énergie sur

la croissance économique, au travers d’une recherche systématique de réduction

des coûts de la fourniture d’énergie. Cette approche a permis des réalisations telles

que le Projet de Gazoduc de l’Ouest Africain (PGAO), ou le système d’Echanges

d’Energie Electrique Ouest-Africain (EEEOA) basé sur des regroupements régionaux

tels que l’Organisation de Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS), l’Organisation

de Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG), ou encore l’ABN (Aménagement du

Bassin du Niger)14.

Les politiques d’intégration régionale, avec le développement de grandes

infrastructures d’interconnexion énergétiques, constituent la trame de la stratégie de

développement énergétique mise en œuvre à partir des années 1990.

14 UEMOA-CEDEAO, Livre Blanc pour une Politique Régionale sur l’accès au Services Energétiques,

janvier 2006.

26

Page 28: Energie et croissance

3.2.1. Le Système d’Echanges d’Energie Electrique Ouest Africain

(EEEOA)

Le Système d’Échanges d’Énergie Électrique Ouest-Africain (l’EEEOA) a été

adopté en décembre 1999 en vue d’intégrer les opérations des systèmes électriques

nationaux dans un marché régional d’électricité unifié. L’EEEOA mise sur le

développement des moyens de production d’énergie et d’interconnexion des réseaux

électriques, avec l’objectif affiché de multiplier par quatre la capacité d’interconnexion

entre les pays de l’Afrique de l’Ouest sur la période 2005-2020.

Il s’inscrit donc dans un cadre plus large (CEDEAO). Son ultime objectif est

d’assurer, à moyen et à court terme, de l’énergie électrique stable, fiable et

abordable. Ce qui servira de tremplin facilitant ainsi le développement équilibré des

diverses ressources énergétiques en Afrique de l’Ouest, à travers une coopération

durable dans le secteur énergétique, une fourniture ininterrompue de l’énergie

électrique et l’accroissement des échanges transfrontaliers d’énergie électrique, dans

leur intérêt économique commun.

Encadré 2 : Le financement de l’EEEOA par la Banque Mondiale

D’un montant de 350 millions US$, la facilité est divisée en trois tranches de

US$100, 125 et 125 millions, avec pour objectif de fournir un financement souple aux

compagnies d’électricité membres de l’EEEOA pour la réalisation des infrastructures

de production, de transport et de rénovation / construction de centres de conduite

identifiés comme critiques sur la période 2005–2011. Le principe en est que, pour 1/3

de financement acquis dans le cadre du programme «pays», un financement

complémentaire de 2/3 du projet peut provenir de l’enveloppe régionale si ce projet a

un caractère d’intégration régionale.

Le critère d’éligibilité d’un pays est la ratification du Protocole sur l’Energie de la

CEDEAO (CEDEAO 2005). Négocié en janvier 2003, ce Protocole sur l’Energie

formalise le cadre juridique de la garantie offerte aux investissements directs

étrangers dans le secteur. Pris individuellement, les Etats Membres n’auraient

probablement pas réussi à mobiliser un tel budget pour les interconnexions.

Source : UEMOA, CEDEAO, 2006

27

Page 29: Energie et croissance

L’EEEOA porte sur la réalisation de l’interconnexion de réseaux électriques

nationaux sur une longueur d'environ 5 600 km dans la plupart des pays de l’Afrique

de l’Ouest (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d’Ivoire, Niger, Burkina Faso et Mali).

Au total, les investissements à réaliser sur l'ensemble des infrastructures de

production et de lignes d'interconnexion envisagées s'élèvent environ à 11,8 milliards

de dollars US sur une période de 19 ans. Ces infrastructures permettraient de doter

la région d'une capacité installée d'environ 17 000 MW, correspondant à la capacité

nécessaire pour satisfaire la demande estimée d'ici à l'an 2023. (CEDEAO, 2005).

3.2.2. Projet du gazoduc de l'Afrique de l'Ouest (PGAO)

Véritable exemple d'intégration régionale ouest africaine, le Projet de gazoduc

ouest africain a été effectivement lancée en 1995 par les gouvernements du Bénin,

du Ghana, du Nigeria et du Togo pour mener à bien ce projet commun de

construction d’un gazoduc.

Le PGAO utilise quelques 18 milliards de m3 de gaz naturel du Nigeria qui sont

actuellement brûlés en torchère. Il constitue l’outil complémentaire de la stratégie

régionale de développement des ressources hydroélectriques de l’EEEOA. Le

gazoduc, de 678 km de long, d’un coût estimé de 617 millions de $US va pouvoir

alimenter des centrales thermiques au Bénin, au Ghana et au Togo, et permettra de

disposer d’une capacité de 3 000 MW au bout de 20 ans.

Le PGAO, dont l’idée avait été lancée depuis 1982, a effectué ses premières

livraisons de gaz naturel au Ghana en décembre 2008. Au cours des 10 dernières

années, le Ghana s’est battu pour satisfaire la demande en matière d’énergie

électrique fiable et accessible, dont le taux de croissance annuelle se situe autour de

8%. Le Bénin et le Togo tiraient déjà une partie de leur consommation en énergie

électrique du Ghana, qui disposait de capacités excédentaires grâce au barrage

d’Akosombo érigé sur la Volta. L’Autorité du Fleuve Volta (VRA), qui produit la quasi-

totalité de l’énergie électrique du Ghana, et en fournit à quelques pays voisins dans

la sous-région, sera responsable du transport d’environ 90% du gaz initialement

importé du Nigeria, tandis que les compagnies électriques au Bénin et au Togo

auront une part de capital de 5% chacune.

28

Page 30: Energie et croissance

Le Projet Gazoduc Afrique de l’Ouest est un important projet dans l’effort d’accélérer

l’intégration économique en Afrique de l’Ouest. Il constitue une grande avancée

dans l’harmonisation des cadres institutionnel, juridique et réglementaire régionaux.

3.2.3. Des Projets de Réseau Electrique de l’OMVS (Projets de

2ème Génération)

Le fleuve Sénégal et ses affluents comportent, dans la partie de leurs cours

située dans le Haut-Bassin, un certain nombre de chutes, rapides et bassins

d’accumulation. À cet égard, il a été identifié près d’une dizaine de sites de barrages

présentant un potentiel hydroélectrique évalué à plus de 4 000 GWh/an. Avec des

objectifs multiples – irrigation, production d’électricité –, l’OMVS (Organisation de

Mise en Valeur du Fleuve Sénégal) est un exemple de coopération régionale et

regroupe trois pays : le Mali, la Mauritanie et le Sénégal.

Le volet énergie comprend :

La construction au pied du barrage de Manantali d’une centrale

hydroélectrique d’un productible de 800 GWh / an, garantie 9 ans sur 10. Elle

est effectivement fonctionnelle depuis 2001 et se caractérise par 5 groupes de

40 MW chacun, donc une puissance installée de 200 MW. Cette production

est rendue possible grâce à une retenue pouvant stocker environ 11milliards

de m3. Les travaux de construction de la centrale ont débuté à la fin de 1997.

Le barrage de Manantali constitue le premier maillon de ce complexe de

production hydroélectrique.

Le transport de l’énergie vers les principaux centres urbains des États

membres est assuré par un réseau de transport "Haute Tension" d’environ

1300 km de long.

À l’heure actuelle, outre les efforts faits en direction des autres volets de son

programme, l’OMVS s’attelle à promouvoir l’électrification rurale. Dans le

même ordre d’idées et pour faire face à une demande sans cesse croissante,

des efforts non négligeables sont faits en vue de développer les projets de

barrages dits de « seconde génération » au niveau des sites de petit Gouina

et du Félou pour mieux valoriser Manantali, à travers les Projets

Hydroélectriques de 60 MW OMVS-SOGEM (Société de Gestion de l’Energie

29

Page 31: Energie et croissance

de Manantali) dans le cadre des « Réseau Electrique de l’OMVS » (Projets de

2ème Génération).

S’agissant de la fourniture d’énergie électrique, elle se fait conformément à la clé de

répartition sectorielle actuellement en vigueur, soit : 52% pour le Mali, 15% pour la

Mauritanie et 33% pour le Sénégal. Au 31 mars 2003, la Centrale de Manantali a

produit 642 GWh, pour un total de 25 750 heures de fonctionnement et un chiffre de

facturation de 16170 millions de Fcfa. La fourniture de l’Energie de Manantali aux

trois Etats membres de l’Organisation a permis d’améliorer de façon sensible la

qualité des réseaux nationaux d’électricité respectifs, en même temps qu’elle

engendre des économies substantielles pour les Etats membres de l’OMVS par

rapport à la production d’énergie d’origine thermique.

3.2.4. D’autres exemples d’initiatives régionales

A un niveau opérationnel, et au-delà de l’EEEOA ou du PGAO qui se focalisent

respectivement sur les échanges électriques ou de gaz naturel, d’autres projets

régionaux qui touchent des domaines précis et qui n’ont pas fait l’objet de la même

approche concertée sont en cours. Ce sont notamment :

Le Programme Régional de Promotion des Énergies Domestiques et

Alternatives au Sahel (PREDAS). Il est mis en œuvre par le CILSS (Comité

permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse) et les États sahéliens

avec l'appui de l'Union Européenne (5.4 Millions d’Euros) et de la Coopération

Allemande. Le PREDAS vise à aider les Etats membres à concevoir, adopter

et mettre en oeuvre leur Stratégie Energie Domestique.

Le projet Plates-Formes Multifonctionnelles (PTF) pour la mise à

disposition de force motrice en zones rurales. Il a été initié au Mali en 1996

avec l’appui du PNUD et de l’ONUDI, et a depuis été étendu au Sénégal, au

Burkina Faso, au Ghana, au Niger et à la Guinée. Ce projet vise à réduire la

pauvreté en général, et celle des femmes rurales en particulier, en créant des

opportunités génératrices de revenus à travers l’approvisionnement en

services énergétiques abordables.

30

Page 32: Energie et croissance

Le Programme Régional Biomasse Energie (PRBE) pour la lutte contre la

pauvreté et la préservation de l’environnement. Il est mis en oeuvre par

l’UEMOA avec l’appui de la coopération néerlandaise. Le PRBE vise à aider

les Etats membres à concevoir et mettre en oeuvre des projets/programmes

axés notamment sur les usages modernes de la biomasse.

Tous ces projets et programmes rompent définitivement avec les analyses

traditionnelles de la croissance. En effet, ces dernières reposaient sur une

conception exogène de la croissance dont le rythme dépend des évolutions de la

population et de la technologie. Cette considération classique était illustrée à travers

le modèle de Solow à la fin des années 50. Les post-keynésiennes (Harrod et

Domar) vont chercher à proposer les possibilités d’une croissance équilibrée en

prolongeant l’analyse de Keynes.

Les théories de la croissance endogène vont donner à l’Etat un rôle particulier dans

le processus de croissance. Ses tenants vont montrer que l’Etat peut stimuler la

croissance en incitant les agents à investir dans la recherche et développement, à

encourageant l’innovation. Dans cette perspective, la croissance fut remise dans un

contexte plus vaste et on assiste entre autres, depuis les années soixante dix, à un

regain d’intérêt dans la recherche pour déterminer le rôle spécifique de l’énergie

dans la croissance.

31

Page 33: Energie et croissance

CHAPITRE 2 : CONSOMMATION D’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE ET

CROISSANCE : UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE

L’économie de l'énergie est assurément dominée par deux mythes qui

traduisent, l'un la croyance que le progrès social est fonction de la quantité produite

de richesses et partant de la quantité consommée d'énergie, l'autre l'idée que les

choix énergétiques retenus sont la résultante de processus rationnels de décisions

que les mécanismes du marché sont susceptibles de provoquer15.

Le rapport qui existe à un moment donné, dans un pays donné, entre la

consommation d’énergie et le Produit Intérieur Brut est très variable dans le temps et

dans l’espace, car de nombreux facteurs interfèrent sur ce rapport : le climat,

l’organisation de l’espace, la structure de la production, la technologie utilisée, le prix

directeur de l’énergie, la réglementation en vigueur, le comportement des agents

économiques etc. (Percebois, 2000). Durant la période d’après Guerre, les relations

énergie-croissance sont en général abordées, au niveau global, par le biais

d'élasticités et, à un niveau sectoriel, à l'aide de coefficients d'intensité énergétique

des différents produits. A un niveau global, la corrélation constatée dans le passé, et

ce dans tous les pays industrialisés, entre le taux de croissance du PNB et le taux de

croissance de la consommation d'énergie s'est imposée comme un postulat

irréfutable, tant et si bien que chercher à diminuer la consommation énergétique par

tête c'est, aux yeux de beaucoup, remettre en cause le bien-être social. Le calcul, sur

la période d’après Guerre, de l'élasticité de la consommation primaire d'énergie par

rapport au produit national brut pour les pays développés, donne un coefficient qui,

dans la plupart des cas, est proche de l'unité (voir annexe 2).

Mais au début des années soixante, cette loi dite de « l’élasticité-unitaire », qui avait

pu laisser penser que la consommation d’énergie et le revenu doivent évoluer au

même rythme, a soulevé de nombreuses controverses pour laisser finalement place

à la thèse selon laquelle, historiquement et donc conceptuellement, on peut

15 Jacques PERCEBOIS, Energie, croissance et calcul économique, Revue économique, Vol. 29, No. 3 (Mai 1978), pp. 464-493

32

Page 34: Energie et croissance

déconnecter les deux mouvements et opter pour des élasticités revenu inférieures à

l’unité. Certaines fonctions de production intégrant l’énergie comme facteur de

production à part entière vont alors être élaborées. Ces fonctions de type KLEM16,

qui ont suscité beaucoup de travaux empiriques et théoriques dans les années

soixante-dix et quatre vingt, postulent une stricte complémentarité entre les différents

facteurs tandis que d’autres admettent une substituabilité partielle, voire quasi-

parfaite entre les facteurs. Le recours à des fonctions de production putty-putty

(substituabilité ex ante et ex post) ou clay-clay (complémentarité ex ante et ex post)

ou putty-clay (substituabilité ex ante mais complémentarité ex post) et l’utilisation de

fonction à génération de capital vont permettre de mieux comprendre et mesurer les

relations entre l’énergie et les autres facteurs de production au sein du système

productif, à un niveau agrégé comme à un niveau désagrégé. Une polémique a

cependant opposé à la fin des années 70 Berndt et Wood, d’un côté, Gregory et

Griffin de l’autre. Les premiers postulent la complémentarité du capital et de

l’énergie, et les seconds défendent la large substituabilité de ces deux facteurs.

Si la compréhension des substitutions entre l’énergie et les autres facteurs est

importante pour l’analyse de l’intensité énergétique, il est tout aussi important de

connaitre le sens de la causalité entre la consommation d’énergie et le

développement d’une économie.

SECTION 1 : REVUE THÉORIQUE

1.1. LE RÔLE DES SERVICES D’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE DANS

LE DÉVELOPPEMENT

Ferguson et al (2000) ont constaté que pour les pays développés, il y a une

corrélation forte entre l’augmentation de la richesse dans le temps et l’augmentation

de la consommation d'énergie. De plus, il y a une corrélation plus forte entre la

consommation d'électricité et la création de richesse qu’entre la

consommation totale d'énergie et le revenu (Ferguson et al, 2000). L'expérience

de pays développés montre aussi que le secteur de production d’énergie électrique a

joué un rôle crucial dans leur développement économique non seulement comme un

intrant principal dans le développement industriel, mais également comme un facteur

16 K comme capital, L comme travail, E comme énergie et M comme matière

33

Page 35: Energie et croissance

clef dans l'amélioration de la qualité de la vie des populations (Rosenberg, 1998).

L'utilisation croissante de l'électricité a été identifiée comme une source importante

d'amélioration de la productivité des pays développés et c'est le secteur qui alimente

actuellement « la nouvelle économie digitale » (Ebohon, 1996 ; Rosenberg, 1998).

Pour des pays en voie de développement, une corrélation significative a été

constatée entre la diversification des exportations, la consommation d'électricité par

habitant et la production d'électricité par travailleur en Afrique (CEA, 2004). On

s'attend à ce que des pays ayant une consommation d'électricité par habitant élevée

aient des coûts énergétiques inférieurs et vice-versa. La diversification des

exportations est positivement associée à la consommation d'électricité par tête et la

production d'électricité par tête, impliquant que les pays qui ont plus accès à

l'électricité ont tendance à avoir un coût énergétique relativement plus faible, et sont

plus diversifiés (CEA, 2004). Les faits suggèrent aussi que de bonnes infrastructures

en énergie soient un préalable pour la diversification des exportations et la

croissance soutenue. De ce fait, l'incapacité de beaucoup de pays africains à fournir

des services énergétiques adéquats a été une contrainte majeure dans la

diversification des exportations et la croissance (CEA, 2004).

Mis à part la disponibilité physique d'énergie, le changement de la qualité de service

énergétique est un des conducteurs les plus importants de productivité économique

(Toman et Jemelkova, 2003). Le processus de développement économique implique

nécessairement une transition des niveaux bas de consommation d'énergie vers des

niveaux plus élevés où les liens entre l'énergie, les autres facteurs de production et

l’activité économique changent significativement au fur et à mesure qu'une économie

passe par différentes étapes de développement (Toman et Jemelkova, 2003). En

outre, pendant que l'économie progresse, les combustibles fossiles commerciaux et

finalement l'électricité deviennent prédominantes (Toman et le Jemelkova, 2003).

Ainsi, bien qu'actuellement les pays d’Afrique subsaharienne ne consomment qu’une

fraction de la quantité d'électricité consommée par les pays industrialisés,

l’urbanisation rapide, combinée à la croissance économique, vont probablement

accélérer la transition de l’énergie traditionnelle à l'utilisation d'énergie commerciale,

l’électricité notamment (AIE, 2002).

34

Page 36: Energie et croissance

Il est maintenant largement admis que si les pays d’Afrique subsaharienne doivent

poursuivre l’objectif de croissance économique soutenue, qui est essentiel à leurs

efforts de lutte contre la pauvreté et de développement social, un service fiable

assurant l’approvisionnement régulier en électricité est nécessaire. En outre,

l’expansion de l’offre d’énergie est importante pour les pays d’Afrique subsaharienne

afin de réduire la consommation d’énergie traditionnelle (biomasse) qui est

responsable du déboisement massif, de la désertification et des problèmes de santé

associés à la consommation du charbon de bois (AIE, 2002).

1.2. LA DIMENSION ÉNERGÉTIQUE DE LA PAUVRETÉ

1.2.1. La pauvreté énergétique : une dimension souvent méconnue de

la pauvreté

L’énergie, dans un contexte de développement, nécessite que soit pleinement

compris le rôle qu’elle joue dans de développement d’un pays et l’amélioration des

conditions de vie des populations pauvres. En effet l’énergie moderne,

particulièrement l’électricité, influence profondément le bien-être des individus, que

ce soit à travers l’accès à l’eau, la productivité agricole, la santé, l’éducation, la

création d’emploi ou la durabilité environnementale (UEMOA, CEDEAO, 2006).

Cependant, en 2002 encore, 1,6 milliards d’individus vivant dans les Pays en

Développement (PED) n’ont pas accès à des services énergétiques modernes

fiables et abordables (électricité, butane, etc.), alors que 89% de la population en

Afrique subsaharienne consomme de la biomasse traditionnelle pour cuire ses

aliments et se chauffer (AIE, 2002). Ils payent un prix élevé pour bénéficier d’une

énergie de substitution de mauvaise qualité et d’efficacité médiocre (essentiellement

la biomasse), alors que le poste de dépenses réservé à l’énergie représente dans

certains pays plus d’un tiers du budget d’un ménage.

La pauvreté énergétique peut être ainsi définie comme l’absence de choix suffisants

permettant un accès à des services énergétiques modernes adéquats, abordables,

fiables, efficaces et durables en termes environnementaux en vue de soutenir le

développement économique et humain (Reddy, 200017).

17 Cité dans le Livre Blanc pour une Politique Régionale sur l’accès au Services Energétiques, janvier 2006.

35

Page 37: Energie et croissance

Encadré 3 : Définition de la notion de service énergétique

La notion de services énergétiques (ou énergie utile) est utilisée pour décrire les

usages finaux que l’apport d’énergie permet. Ces services représentent le dernier

maillon de la « chaîne énergétique » (voir figure 2). Cette notion considère la

fourniture du service final et la satisfaction des besoins humains, plutôt que la source

d’énergie ou les technologies de production, de transport et de distribution utilisée.

Source : UEMOA, 2006.

La pauvreté énergétique interagissant avec d’autres manifestations de la pauvreté, il

est dès lors essentiel d’explorer les nombreuses problématiques qui l’entourent, y

compris ses implications sur la croissance.

1.2.2. La forte corrélation entre énergie et développement humain

Pour illustrer concrètement les zones géographiques où la pauvreté

énergétique s’exprime le plus fortement, plusieurs études (Modi, 2004) ont comparé

la relation entre la consommation énergétique (Kj/habitant) et le niveau de

développement humain (IDH), mettant ainsi en lumière la corrélation qui existerait

entre ces deux variables.

Concernant la situation en Afrique de l’Ouest et les pays de l’UEMOA, la majeure

partie des États appartiennent à la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA),

une situation qui se reflète également dans des niveaux de consommations d’énergie

par habitant parmi les plus faibles de la planète : en moyenne, ils consomment 88

kWh d’électricité par habitant et par an (Enerdata 2005), à comparer par exemple

aux 350 kWh pour l’Asie de l’Est. L’analyse statistique présentée par le graphique 4

démontre la forte corrélation entre le niveau de développement humain (IDH) et la

consommation énergétique dans les pays de l’UEMOA et de la sous-région.

Graphique 4 : Consommation d'énergie et IDH (2003)

36

Page 38: Energie et croissance

Source : UEMOA-CEDEAO, Livre Blanc pour une Politique Régionale sur l’accès au Services

Energétiques, janvier 2006.

Cette faiblesse des niveaux de consommation se conjugue avec une grande

inefficacité des modes de consommation et de production : ainsi, pour générer une

unité de richesse nationale (1000 $ US), l’Afrique consomme 0,787 tonne équivalent

pétrole (tep) alors que les pays de l’OCDE ont besoin de quatre fois moins avec

seulement 0,19 tep.

Le très important recours aux énergies traditionnelles – 67% de dépendance à la

biomasse pour l’Afrique et environ 80% pour les pays de l’UEMOA – en est une des

explications essentielles, sans qu’il faille pour autant négliger la faible efficacité

énergétique moyenne du secteur industriel ou de la climatisation des bâtiments dans

les capitales. Cette forte dépendance à la biomasse résulte pour l’essentiel d’une

incapacité économique des populations concernées à avoir recours à des énergies

modernes : la faiblesse des revenus monétaires conduit à consommer beaucoup

plus d’énergie par unité de valeur ajoutée que dans les pays développés. Les

surconsommations induites conduisent à des conséquences néfastes sur

l’environnement (érosion des sols, désertification, etc.). Cette absence de sources

d’énergie modernes vient ainsi renforcer la spirale de la pauvreté.

Sur la base de ces éléments, il apparaît clairement qu’un large accès à des services

énergétiques abordables et de qualité pour l’industrie, le secteur des services et pour

les populations est susceptible d’induire des changements considérables dans les

37

Page 39: Energie et croissance

conditions de vie de ces derniers, tout en contribuant à l’atteinte des OMD dans

l’UEMOA.

1.2.3. Le rôle des services énergétiques modernes dans l’atteinte des

OMD

Si l’énergie n’est pas prise en compte en tant que telle parmi les Objectifs du

Millénaire pour le Développement, la contribution des services énergétiques

modernes à l’atteinte de ces objectifs est désormais largement reconnue. Notons

tout d’abord que l’accent est mis (en ce qui concerne les liens entre l’énergie et les

OMD) sur les services énergétiques, et donc les besoins d’usage, et non uniquement

sur les questions d’infrastructure. Comme Reddy (2000) l’a souligné, ce dont se

soucie le consommateur ou l’utilisateur final, c’est le service que va lui apporter

l’énergie. Le défi consiste maintenant à transformer les quantités d’énergie en

services susceptibles de contribuer à l’atteinte des OMD, et considérer comment

l’économie dans son ensemble peut en bénéficier.

Figure 2 : Chaîne énergétique

Source : UEMOA-CEDEAO, Livre Blanc pour une Politique Régionale sur l’accès au Services

Energétiques, janvier 2006.

Bien que l’influence de l’énergie sur la croissance économique et le développement

humain est désormais clairement comprise, il n’en demeure pas moins qu’une

compréhension chiffrée de ces liens commence seulement à émerger dans les pays

38

Page 40: Energie et croissance

d’Afrique subsaharienne, comme l’a bien souligné l’équipe du Projet du Millénaire

avec l’appui de l’Université Columbia (Modi, 200418).

SECTION 2 : ELÉMENTS EMPIRIQUES

La connaissance de la direction de la causalité entre la consommation

d'électricité et la croissance économique est d’une importance capitale si des

mesures appropriées de politiques énergétiques et d'économies d'énergie doivent

être conçues.

Dans cette section, nous passerons en revue les travaux empiriques effectués pour

déterminer le sens de la causalité entre l’énergie et le revenu puis entre la

consommation l’électricité et le revenu.

2.1. RETOUR SUR LA CAUSALITÉ ÉNERGIE-REVENU

Le lien entre la consommation d'énergie et le revenu est devenu une question

récurrente depuis quelques années dans le débat du développement économique et

de l'environnement. Cependant, un consensus quant à la nature de cette relation

n’existe toujours pas. Jusqu'à présent, la causalité peut fonctionner dans les deux

sens.

Ainsi, si c’est la consommation d’énergie qui détermine le revenu, cela indique que

l'économie dépend de l’énergie de telle sorte que la consommation de celle-ci affecte

directement le revenu, impliquant qu'une déficience dans l’approvisionnement

d'énergie peut avoir des conséquences néfastes sur la croissance (Masih et Masih,

1998). D'autre part, si le mécanisme de causalité est inversé, cela suggère une

économie moins tributaire à l’énergie. Ainsi, les politiques d'économie d'énergie

mises en application peuvent avoir peu d’effet ou ne pas avoir de répercussion sur le

revenu (Jumbe, 2004). Enfin, une absence de causalité dans l'une ou l'autre

direction, soit l’hypothèse de neutralité (Yu et Choi, 1985), signifie que les politiques

d'économies d'énergie n'affectent pas le revenu.

18 Modi, V. (2004) : Energy services for the poor, (Commissioned paper for the Millennium Project

Task Force 1). Earth Institute and Department of Mechanical Engineering Columbia University (USA).

39

Page 41: Energie et croissance

Kraft et Kraft (1978), dans une analyse de l’économie américaine entre 1947 et 1974,

ont été les premiers à mettre en évidence l’existence d’une causalité

unidirectionnelle qui montre qu’aux Etats-Unis, c’est le produit national brut qui

détermine la consommation d’énergie. Ce résultat implique que les politiques

d'économie d'énergie pourraient être mises en œuvre sans affecter la croissance du

produit national brut. Ainsi, dans ce cas de figure, une politique d'économie d'énergie

peut être menée sans détériorer la dynamique économique. Cependant, Akarca et

Long (1980) n’ont pu obtenir des résultats similaires quand ils ont réduit l'échantillon

des données de Kraft et Kraft (1978), ce qui prouve que la période choisie peut

fortement influencer les résultats (instabilité temporelle).

Des études empiriques ont été prolongées plus tard et ont couvert beaucoup de pays

en voie de développement en vue d’aider à la mise en œuvre de politiques

énergétiques plus appropriées. Yu et Hwang (1984) ont réactualisé les données

concernant les Etats-Unis pour la période 1947-1979 pour confirmer l’absence de

relation de cause à effets entre le produit national brut et la consommation d’énergie

en utilisant une série de tests élaborés par Sims (1972). Yu et Choi (1985), utilisant

des données de cinq pays, ont confirmé l'absence de la causalité entre le PNB et la

consommation totale d'énergie pour les USA, le Royaume-Uni et la Pologne, mais un

lien causal du PNB sur la consommation d'énergie a été détecté pour la Corée du

Sud et l'opposé pour les Philippines.

Yu et Jin (1992) ont utilisé les tests d'Engle et Granger pour tester la cointégration

entre la consommation d'énergie et le revenu pour les Etats-Unis sur la période

1974-1990 et ont abouti à l’absence de relation de long terme entre ces deux

variables.

Dans le but de réactualiser les travaux dans ce domaine, qui utilisaient en général le

test de causalité standard de Granger, Masih et Masih (1996), Glasure et Lee (1997)

et Asafu-Adjaye (2000) présentent une revue entière des travaux récents couvrant ce

sujet. Le but de ces recherches est d'évaluer la relation causale entre la

consommation d'énergie et le revenu pour des pays en voie de développement,

utilisant la cointégration et les techniques de correction d'erreur. Les résultats sont

mitigés et parfois opposés.

40

Page 42: Energie et croissance

Le tableau 6 résumé par Chien-Chiang Lee (2005) récapitule les résultats empiriques

des essais de détermination de la causalité entre la consommation d'énergie et le

revenu pour un certain nombre de pays en développement.

Tableau 6 : Causalité entre consommation d’énergie et revenu : quelques

résultats empiriques

Auteur Méthode Empirique

Période Pays Relation de

causalité

Yu et Choi (1985) Test standard de Granger

1954-1976 Corée du Sud

Philippines

Revenu→Energie

Energie→Revenu

Morimoto et Hope (2004)

1960-1998 Sri Lanka Energie↔Revenu

Fatai et al. (2004) Toda et Yamamoto (1995)

1960-1999 Inde et Indonésie

Thaïlande et les Philippines

Energie→Revenu

Energie↔Revenu

Masih et Masih (1996)

Modèle à correction d’erreur

1955-1990 Malaisie, Singapour et les Philippines

Inde

Indonésie

Pakistan

Pas de cointégration

Energie→Revenu

Revenu→Energie

Energie↔Revenu

Glasure et Lee (1997)

1961-1990 Corée du Sud et Singapour

Energie→Revenu

Masih et Masih (1998)

1955-1991 Sri Lanka et Thaïlande

Energie→Revenu

Yang (2000) 1954-1997 Taiwan Energie↔Revenu

Asafu-Adjaye (2000) 1973-1995 Inde et Indonésie

Thaïlande et les Philippines

Turquie

Energie→Revenu

Energie→Revenu

Energie→Revenu

41

Page 43: Energie et croissance

Soytas et Sari (2003)

1950-1992 Argentine

Corée du Sud

Turquie

Indonésie et Pologne

Energie↔Revenu

Revenu→Energie

Energie→Revenu

Pas de cointégration

Oh et Lee (2004) 1970-1999 Corée du Sud Energie↔Revenu

Paul and Bhattacharya (2004)

1950-1996 Inde Energie↔Revenu

Jumbe (2004) 1970-1999 Malawi Revenu→Energie

Source : Chien-Chiang Lee (2005), Energy consumption and GDP in developing countries: A cointegrated panel analysis, Energy Economics.

Bien que les résultats sont très varies, la tendance dominante est le cas de figure où

la consommation d’énergie détermine la croissance.

2.2. CONSOMMATION D’ÉLECTRICITÉ ET REVENU : QUELQUES

RÉSULTATS EMPIRIQUES

2.2.1 Des travaux empiriques récents

La littérature a toujours donné des résultats controversés quant à la relation

entre la consommation d’énergie et la croissance économique. Cette situation

pourrait être attribuée aux différences de structures institutionnelles et de politiques

suivies par les pays, mais aussi aux différences méthodologiques. Les tests de

Granger et Sim, qui ont été largement utilisés dans beaucoup de recherches pour

voir la causalité, ont subi des critiques majeures car les données peuvent souffrir

d’instabilité temporelle. Aussi, la plupart des études ont supposé que les données

utilisées sont stationnaires et, de ce fait, ont adopté des techniques d’estimation

inappropriées.

La question centrale aujourd’hui est de savoir si la consommation d'électricité

stimule, retarde ou est neutre vis-à-vis de la croissance économique. Certains

soutiennent que l'utilisation d'énergie moderne est un préalable au progrès

économique, social et technologique dans la mesure où elle complète le travail et le

capital dans le processus de production (Ebohon, 1996 ; Templet, 1999). Pour les

42

Page 44: Energie et croissance

partisans de cette hypothèse, une déficience dans la fourniture d'énergie électrique

peut limiter la croissance économique et le progrès technologique. Ils croient que

l'électricité a été une source majeure d'amélioration du niveau de vie des pays

avancés et a joué un rôle crucial dans l'avancement technologique et scientifique de

ces pays (Rosenberg, 1998). Même dans des pays en développement, il a été

découvert que l’accès à l’électricité est associé à l'amélioration de la santé et du

niveau d’éducation des pauvres (IEA, 2002). D'autres par contre affirment que le rôle

de l'énergie est minime ou est neutre par rapport à la croissance économique. Cela

parce que le coût d'énergie est très faible par rapport au PIB et ainsi, la

consommation d'énergie n'est pas susceptible d'avoir un impact significatif sur la

croissance de la production. De plus, ils soutiennent qu’au fur et à mesure qu’une

économie se développe, sa structure de production va plus se situer dans le secteur

tertiaire qui est moins intensif en énergie, comparé au secteur industriel (Ghali et

l'EL-Saka, 2004).

Ceci peut, cependant, ne pas être vrai pour le secteur de l'électricité, comme le

prouve l'expérience des Etats-Unis où l'économie est devenue simultanément

moins vorace en énergie, mais plus intensive en électricité (Rosenberg, 1998).

Les hypothèses contrastantes ci-dessus ont poussé beaucoup de chercheurs à

s’interroger sur la direction de la causalité entre la consommation d'électricité et le

développement économique. Les résultats empiriques sont très variés, reflétant des

hypothèses divergentes avec une causalité pouvant être bi ou unidirectionnel

(Jumbe, 2004; Wolde-Rufael, 2004; Ghali and El-Saka, 2004).

Ainsi, Yang (2000) a trouvé une causalité bidirectionnelle entre la consommation

d'électricité et la croissance économique pour Taiwan, ainsi que Morimoto et Hope

(2004) pour le Sri Lanka, Glauser et Lia (1997) pour la Corée du Sud et le Singapour.

Une causalité allant de la croissance économique à la consommation d'électricité a

été trouvée pour l'Inde (Ghosh, 2002), pour l'Australie par Narayan et Smyth (2005)

et par Fatai et al (2004) et pour les Etats-Unis (Thoma, 2004). En revanche, Shiu et

Lam (2004) ont trouvé que pour la Chine, c’est la consommation d'électricité qui

cause la croissance économique, de même que Wolde-Rufael (2004) pour

Shanghai19.

19 Voir Yemane Wolde-Rufael, (2006), « Electricity consumption and economic growth: a time series experience for 17 African countries », Energy Policy 34 (2006) 1106–1114.

43

Page 45: Energie et croissance

2.2.2 Cas spécifiques pour l’Afrique subsaharienne

Cointégration, modèle à correction d’erreurs et causalité.

Depuis quelques temps, les travaux de ce type abondent combinant

cointégration, modèle à correction d’erreurs et causalité. Signalons trois études

concernant l’Afrique subsaharienne.

La première est celle de O. Ebohon (1996) sur la Tanzanie et le Nigeria. Utilisant le

test classique de Granger, cet auteur trouve une causalité bidirectionnelle entre la

croissance économique et la consommation d’énergie pour ces deux pays.

La deuxième étude plus récente concerne le Malawi et a été réalisée par C. Jumbe

(2004). S’appuyant sur la méthodologie de Engle et Granger de la cointégration et la

causalité au sens de Granger, son analyse a abouti à la conclusion selon laquelle,

d’une part, qu’il y a une causalité bidirectionnelle entre les consommations

d’électricité et le PIB et d’autre part, qu’il existe une causalité unidirectionnelle du PIB

non agricole vers les consommations d’électricité.

Dans une étude récente (2005), S. Ambapour et C. Massampa20 (2005) utilisent la

cointégration et le modèle à correction d’erreur pour étudier la relation de cause à

effet entre la croissance économique et la consommation d’énergie électrique au

Congo. La méthodologie adoptée est une approche en trois étapes. La première

étape consiste à vérifier les propriétés des séries chronologiques (stationnarité et

ordre d’intégration) de la croissance économique et de la consommation d’énergie à

l’aide des tests de racine unitaire de Dickey-Fuller et Phillips-Perron. La deuxième

utilise la théorie de la cointégration développée par Engle et Granger pour examiner

les relations à long terme entre la croissance économique et la consommation

d’énergie. Cet examen est fait en adoptant l’approche multivariée de Johansen

fondée sur le maximum de vraisemblance. Enfin dans la troisième étape, le test de

causalité de Granger dans le cadre d’un modèle à correction d’erreur est effectué

pour déterminer la direction de la causalité entre la croissance économique et la

consommation d’énergie. Les résultats montrent un ordre d’intégration d’ordre un

pour chacune des séries. Quant au test de cointégration, le résultat indique qu’il

20 Ambapour, S., Massamba, C. (2005) : Croissance économique et consommation d’énergie au Congo : une analyse en termes de causalité, BAMSI-Brazaville.

44

Page 46: Energie et croissance

existe une relation à long terme entre la croissance économique et la consommation

d’énergie. Le test de causalité de Granger révèle l’existence d’une causalité

unidirectionnelle du PIB vers la consommation d’énergie.

Ces résultats contradictoires ont des implications importantes en matière de

politique énergétique. Si c’est la consommation d'électricité qui cause la croissance

économique, la réduction de la consommation de l'électricité pourrait mener à une

baisse de la croissance économique (Asafu-Adjaye, 2000). Au contraire, si c’est la

croissance économique qui détermine le niveau de consommation d'électricité, cela

implique que des politiques d’économie d’énergie électrique peuvent être mises en

œuvre sans ralentir la croissance économique. En outre, s'il y a aucune causalité qui

ne fonctionne dans les deux sens, la réduction de la consommation d'électricité ne

devrait pas affecter le revenu et les politiques d'économie d'énergie peuvent ne pas

affecter la croissance économique (Asafu-Adjaye, 2000 ; Jumbe, 2004). Enfin, s'il y a

une causalité bidirectionnelle, la croissance économique peut exiger plus d'électricité

tandis qu’une augmentation de la consommation d'électricité peut accélérer la

croissance économique : la consommation d'électricité et la croissance économique

se complètent et les mesures d'économie d'énergie peuvent négativement affecter la

croissance économique.

La diversité des résultats empiriques, ainsi que le rôle important qu’a joué la

consommation d'électricité dans le développement économique, rendent nécessaire

non seulement davantage de recherches mais également de nouvelles méthodes

pour examiner le rapport entre la consommation d'électricité et la croissance

économique.

Une expérience sur 17 pays africains sur données de panel (Yemane

Wolde-Rufael, 2006.)

Nous avons porté notre choix sur cette étude empirique, parce ce que tenant

sur un échantillon de pays africains, mais aussi pour l’originalité de la méthodologie

utilisée.

45

Page 47: Energie et croissance

Dans ce papier, Yemane Wolde-Rufael21 se propose de tester la relation de long

terme entre la consommation d'électricité par habitant et le produit intérieur brut réel

(PIB) par habitant pour 17 pays africains sur la période 1971-200, en utilisant un test

de cointégration nouvellement développé et proposé par Pesaran et al (2001) et une

version modifiée du test de causalité de Granger dû à Toda et à Yamamoto (1995).

L'approche proposée par Pesaran et al (2001) peut être appliquée aux études dont

l’échantillon est de petite taille, comme c’est le cas pour cette étude avec 31

observations pour chaque pays. L'approche est basée sur l'évaluation d’un modèle à

correction d'erreur dynamique et teste si vraiment les variables retardées sont

statistiquement significatives.

Le test consiste en évaluer le modèle à correction d'erreur sans restriction suivant

(UECM22) considérant chaque variable à son tour comme une variable dépendante.

Avec le logarithme du PIB par habitant, le logarithme de la consommation

d’électricité mesuré en kWh par habitant.

Les résultats empiriques montrent qu’il y a une relation de cointégration entre la

consommation d'électricité par habitant et le PIB par habitant pour seulement 9 pays.

Ainsi, pour 5 pays (République du Congo, Gabon, Nigeria, Afrique du Sud et

Zimbabwe), il y a une relation de long terme quand le PIB a été employé comme

variable dépendante, alors qu'il y a une relation de long terme pour 4 pays (Bénin,

Cameroun, Maroc et Zambie) quand la consommation d'électricité par habitant a été

employée comme variable dépendante.

Pour 6 pays il y a une causalité unidirectionnelle fonctionnant du PIB à la

consommation d'électricité et un résultat opposé pour 3 pays. Enfin, une causalité

bidirectionnelle est trouvée pour 3 pays.

Cas des pays de l’UEMOA (Kane, 2009)

21 Yemane Wolde-Rufael, 2006, « Electricity consumption and economic growth: a time series experience for 17 African countries », Energy Policy 34 (2006) 1106–1114.

22 Unrestricted error correction model

46

Page 48: Energie et croissance

Kane Chérif Sidy (2009), en se fondant aussi sur l’économétrie des données de

panel hétérogènes non stationnaires cherche à déterminer les variables explicatives

de l’intensité énergétique du produit intérieur brut dans l’UEMOA. En outre, il

procède à une application du test de causalité au sens de Granger dans un modèle

de panel hétérogène en s’appuyant sur les travaux de Hurlin (2008). L’intérêt de

transposer la causalité sur les panels réside en la détermination des retards. Pour

des retards d’un et de deux ans, il n’y a pas de causalité qui existe entre la richesse

et la consommation d’électricité par tête. Par contre, lorsqu’il considère un retard de

trois ans, l’hypothèse de non causalité est rejetée, ce qui veut dire qu’il existe au

moins un pays de l’UEMOA dans lequel le revenu par tête cause la consommation

d’électricité.

Ainsi la plupart des recherches et études concernant notre champ

d’application ont eu pour objet principal de répondre à la question posée par Masih et

Masih (1998) : « Does economic growth take precedence over energy use, or

can energy use itself be a stimulus for economic growth via the indirect

channels of effective aggregate demand and human capital, improved

efficiency and technological progress ? ». En d’autres termes :

le PIB est-il la cause de la consommation d’énergie électrique :

CKWh = f(PIB) ?

la consommation d’énergie est-elle la cause du PIB : PIB = f(CKWh) ?

À ces deux cas, qui constituent nos hypothèses de travail, on peut ajouter

deux autres situations souvent rencontrées :

l’existence d’une causalité bidirectionnelle entre le PIB et la

consommation d’énergie électrique ;

l’indépendance des deux variables.

47

Page 49: Energie et croissance

CHAPITRE 3 : ANALYSE EMPIRIQUE DE LA CAUSALITÉ ENTRE

LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE ET LA

CROISSANCE

Dans ce chapitre, nous présenterons dans un premier temps, la méthodologie.

L’approche adoptée est celle de S. Ambapour et C. Massampa23 (2005) utilisant la

cointégration et le modèle à correction d’erreur pour étudier la relation de cause à

effet entre la croissance économique et la consommation d’énergie. On précise la

notion de causalité utilisée. Elle repose sur la définition de Granger qui considère

qu’une variable est causée par une autre dès lors qu’il existe des informations dans

le passé de l’une qui soient utiles dans la prévision de l’autre, et qui ne sont pas déjà

contenues dans son passé. Loin d’être exhaustive, cette définition est donc une

étape essentielle d’une étude statistique.

Dans un deuxième temps, la causalité sera étudiée dans le cadre des

variables cointégrées en optant pour une approche en trois étapes. Dans la première

étape, nous vérifierons la stationnarité des séries, ainsi que leur ordre d’intégration à

l’aide des tests de racine unitaire de Dickey-Fuller (1979). Cela est nécessaire parce

que d’une part, les tests de causalité sont très sensibles à la stationnarité des séries

et d’autre part, il a été constaté que la plupart des séries macroéconomiques ne sont

pas stationnaires (Nelson et Plosser, 1982).

Dans l’étape suivante, on introduira la théorie de la cointégration qui est en fait la

version multivariée du concept de racine unitaire. Celle-ci permet de spécifier les

relations stables à long terme tout en analysant conjointement la dynamique de court

terme des variables considérées. Dans la troisième et dernière étape, nous décrirons

très brièvement le modèle à correction d’erreur qui, selon Engle et Granger, permet

de représenter les séries cointégrées : c’est un mécanisme qui force la déviation de

23 Ambapour, S., Massamba, C. (2005) : Croissance économique et consommation d’énergie au Congo : une analyse en termes de causalité, BAMSI-Brazaville.

48

Page 50: Energie et croissance

court terme par rapport à l’équilibre à une période donnée à revenir à la période

suivante.

Enfin, nous terminerons cet exposé méthodologique par la présentation du test de

Granger dans le cadre d’un modèle à correction d’erreur. L’objectif essentiel visé est

de savoir si les deux séries étudiées sont dynamiquement interdépendantes ou si au

contraire la liaison dynamique est unidirectionnelle.

La dernière section est consacrée aux recommandations de politiques économiques

pour les pays de l’UEMOA.

SECTION 1. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

1.1. CAUSALITÉ AU SENS DE GRANGER

En économétrie, la causalité entre deux chroniques est généralement étudiée

en termes d’amélioration de la prévision selon la caractérisation de Granger, ou en

termes d’analyse impulsionnelle, selon les principes de Sims. Au sens de Granger,

une série « cause » une autre série si la connaissance du passé de la première

améliore la prévision de la seconde. Selon Sims, une série peut être reconnue

comme causale pour une autre série, si les innovations de la première contribuent à

la variance d’erreur de prévision de la seconde. Entre ces deux principaux modes de

caractérisation statistique de la causalité, l’approche de Granger est certainement

celle qui a eu le plus d’échos chez les économètres ; elle sera donc retenue dans le

cadre de notre travail.

Le fondement de la définition de Granger est la relation dynamique entre les

variables. Comme indiqué, elle est énoncée en termes d’amélioration de la

prédictibilité d’une variable. Chez Granger, la succession temporelle est centrale et

on ne peut discuter de la causalité sans prendre en considération le temps. On peut

formaliser la causalité au sens de Granger comme suit : si l’on note par x t et yt deux

séries stationnaires ; en effectuant la régression linéaire de yt sur les valeurs passées

ys, s < t, et sur les valeurs passées xs, s < t ; si l’on obtient des coefficients

significatifs, alors la connaissance de leurs valeurs peut améliorer la révision de y t :

on dit que xt cause yt unidirectionnellement. Il y a causalité instantanée lorsque la

valeur courante xt apparaît comme une variable explicative supplémentaire dans la

régression précédente.

49

Page 51: Energie et croissance

Une version du test de Granger issue directement de la représentation

autorégressive précédente, propose d’estimer par la méthode des moindres carrés

les deux équations suivantes :

(1)

(2)

Où PIBt représente le produit intérieur brut au temps t et CKWht la consommation

d’électricité au temps t.

En utilisant cette représentation autorégressive (équation (1) et (2)), xt ne cause pas

yt au sens de Granger si i =0 ; yt ne cause pas xt si =0

1.2. CAUSALITÉ DANS LE CAS DE VARIABLES COINTÉGRÉES

Depuis plus d’une vingtaine d’années, de nombreux articles révèlent que la

majorité des séries macroéconomiques sont non stationnaires, en particulier l’article

de Nelson et Plosser (1982). Ceci suppose qu’avant d’appliquer une quelconque

méthode d’estimation, une analyse approfondie des propriétés des séries est

indispensable. L’objectif principal visé est celui de repérer l’éventuel non stationnarité

des séries. C’est en quelque sorte, l’étape de la détermination de leur ordre.

Engle et Granger (1991) ont montré que si les variables sont intégrées, le test

classique de Granger, basé sur le VAR, n’est plus approprié. Ils recommandent pour

ce faire d’utiliser le modèle à correction d’erreur. En outre, le test de causalité basé

sur le modèle vectoriel à correction d’erreur présente l’avantage de fournir une

relation causale même si aucun coefficient estimé des variables d’intérêt décalées

n’est significatif. Les équations (1) et (2) sont réécrites de la manière suivante :

50

Page 52: Energie et croissance

Modèle vectoriel à correction d’erreur

(3)

(4)

Où zt-1 est le terme à correction d’erreur issu de l’estimation de la relation de la

cointégration, Δ l’opérateur de différence.

En utilisant le modèle vectoriel à correction d’erreur (équation (3) et (4)), x t ne cause

pas yt au sens de Granger si i= i=0 ; yt ne cause pas xt si = =0.

Les tests classiques de Fisher et de Student permettront de valider le modèle.

SECTION 2. ESTIMATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

2.1. DONNÉES ET HYPOTHÈSES

Dans de nombreuses études concernant le sujet traité ici, les termes de

croissance économique et de consommation d’énergie ne sont généralement pas

clairement définis. Un certain nombre de variables sont souvent utilisées pour les

représenter.

En ce qui nous concerne, étant donné la difficulté d’obtenir des données fiables sur

la consommation d’énergie électrique et faute d’une longue série pour tous les pays

de l’UEMOA, quatre pays ont été choisis : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le

Togo.

Nous avons considéré par ailleurs le PIB par habitant comme proxy de la croissance

économique. Nos données sont annuelles et couvrent la période allant de 1971 à

2005. Elles ont été extraites de la base de données du FMI (World Development

Indicators 2008 CD Rom.)

La consommation d’électricité est mesurée en kWh et le PIB en dollars US. Dans ce

type de recherche, les données sont soit utilisées comme telles, soit transformées de

différentes manières. Il arrive souvent de considérer le PIB et la consommation

51

Page 53: Energie et croissance

d’énergie par tête. Pour des raisons d’échelle, nous utilisons le logarithme de ces

variables. LPIB est le logarithme du PIB par tête, LCKWh celui de la consommation

d’électricité par habitant.

Compte tenu de cette difficulté d’obtention de séries longues sur l’énergie, nous

postulons l’hypothèse suivante :

Hypothèse 1 : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Togo vont servir de support

à notre recherche empirique ;

En outre, au regard de la revue de la littérature et à travers le modèle choisi, nous

posons :

Hypothèse 2 : il y a une relation de long terme entre la consommation d’électricité et

la croissance ;

Hypothèse 3 : la consommation d’électricité cause la croissance du PIB

Hypothèse 4 : le PIB cause la consommation d’électricité.

2.2. EXAMEN GRAPHIQUE

La figure ci-dessous décrit l’évolution du Produit Intérieur Brut par habitant et de

la consommation d’électricité par habitant pour les quatre pays de l’UEMOA. En ce

qui concerne le Bénin, on peut observer que ces deux variables présentent des

évolutions de long terme semblables et sont caractérisées par un trend général à la

hausse. Cela semble bien traduire qu’il existe une relation d’équilibre ou de

cointégration entre ces deux séries.

52

Page 54: Energie et croissance

Graphique 5 : Evolution du PIB et de la consommation d’électricité (1971-2005)

SENEGAL COTE D’IVOIRE

BENIN TOGO

Source : À partir des données de la Banque mondiale, World Economic Outlook CD Rom 2008.

Par contre, pour le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Togo, il est bien plus difficile de

statuer sur l’allure des courbes.

2.3. TEST DE RACINE UNITAIRE

Les tests de racine unitaire permettent de détecter la présence de racine unitaire

dans une série. Deux tests de racine unitaire sont usuellement utilisés, à savoir le

test de Dickey-Fuller augmenté (ADF) et celui de Phillips-Perron (PP). En ce qui

nous concerne, c’est le test de Dickey-Fuller augmenté (ADF) qui sera utilisé car il

est facile à mette en œuvre dans le logiciel Eviews que nous avons utilisé. Il est basé

sur l’estimation des moindres carrés des trois modèles suivants :

53

Page 55: Energie et croissance

Processus sans trend et sans constante :

Processus sans trend et avec constante :

 

Processus avec trend et avec constante :

 

Il consiste à vérifier l’hypothèse nulle H0 : ρ=1 (non stationnarité) contre l’hypothèse

alternative H1 : ρ<1 (stationnarité).

La décision se fait en comparant « ADF » à « critical value : Si ADF>CV, alors on

accepte l’hypothèse nulle de non-stationnarité de la variable considérée et si

ADF<CV, on rejette l’hypothèse nulle de non-stationnarité.

SENEGAL

Test de stationnarité sur la variable LCKWh en niveau

ADF Test Statistic -2.619659 1% Critical Value* -4.2605 5% Critical Value -3.5514 10% Critical Value -3.2081

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LCKWH)Method: Least SquaresSample(adjusted): 1973 2005Included observations: 33 after adjusting endpoints

ADF > CV (-2,619>-3,551), on accepte H0 : LCKWh est non stationnaire.

54

Page 56: Energie et croissance

Test de stationnarité en différence première

ADF Test Statistic -7.123140 1% Critical Value* -4.2712 5% Critical Value -3.5562 10% Critical Value -3.2109

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LCKWH,2)Method: Least SquaresSample(adjusted): 1974 2005Included observations: 32 after adjusting endpoints

Conclusion : ADF < CV, on accepte H1 : LCKWh est intégrée d’ordre 1.

Test de stationnarité sur la variable LPIB en niveau

ADF Test Statistic -0.789558 1% Critical Value* -4.2605 5% Critical Value -3.5514 10% Critical Value -3.2081

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LPIB)Method: Least SquaresDate: 06/23/09 Time: 15:10Sample(adjusted): 1973 2005Included observations: 33 after adjusting endpoints

Test de stationnarité sur la variable décalée

ADF Test Statistic -5.470879 1% Critical Value* -4.2712 5% Critical Value -3.5562 10% Critical Value -3.2109

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LPIB,2)Method: Least SquaresDate: 06/23/09 Time: 15:19Sample(adjusted): 1974 2005Included observations: 32 after adjusting endpoints

Conclusion : la variable LPIB est intégrée d’ordre 1.

De même, pour le Bénin, la Côte d’Ivoire le Togo, toutes les variables sont intégrées

d’ordre 1 (voir annexe 4).

55

Page 57: Energie et croissance

2.4. TEST DE COINTÉGRATION DE JOHANSEN

L’approche « en deux étapes » d’Engle et Granger est très restrictive. En effet,

cette approche n’est applicable que dans le cas d’une seule et unique relation de

cointégration (donc un seul vecteur cointégrant). Comme alternative à l’approche de

Engle et Granger, on utilise plutôt le test de cointégration de Johansen. Ce test

permet de déterminer le nombre de relation d’équilibre de long terme entre des

variables intégrées quelle que soit la normalisation utilisée.

On rappelle que les différents sous-modèles du modèle général testés sont les

suivants :

modèle 1 : il n’existe pas de constantes et de tendances linéaires dans le VAR

et la relation de cointégration ne comprend pas non plus de constante et de

tendance linéaire ;

modèle 2 : il n’existe pas de constantes et de tendance linéaire dans le VAR,

mais la relation de cointégration comprend une constante (pas de tendance

linéaire) ;

modèle 3 : il existe de constantes (pas de tendances linéaires) dans le VAR et

la relation de cointégration comprend une constante (pas une tendance

linéaire) ;

modèle 4 : il existe de constantes (pas de tendances linéaires) dans le VAR et

la relation de cointégration comprend une constante linéaire ;

modèle 5 : il existe de constantes et de tendances dans le VAR et la relation

de cointégration comprend une constante et une tendance linéaire.

L’existence d’au moins une relation de cointégration est nécessaire pour attester de

l’opportunité et de l’adéquation du modèle vectoriel à correction d’erreur pour

connaître le sens de la causalité. L’existence d’au moins une relation de

cointégration traduit celle d’une relation de long terme entre l’évolution des deux

variables.

Le test d’hypothèse est le suivant :

H0 : Non cointégration (rang de cointégration vaut zéro)

56

Page 58: Energie et croissance

H1 : Cointégration (rang de cointégration supérieur ou égal à 1)

Les résultats des tests sont présentés dans les tableaux ci-après.

Sénégal

Sample: 1971 2005Included observations: 33

Test assumption: No deterministic trend in the dataSeries: LCKWH LPIB Lags interval: 1 to 1

Likelihood 5 Percent 1 Percent HypothesizedEigenvalue Ratio Critical Value Critical Value No. of CE(s) 0.191048 9.919784 12.53 16.31 None 0.084773 2.923252 3.84 6.51 At most 1

*(**) denotes rejection of the hypothesis at 5%(1%) significance level L.R. rejects any cointegration at 5% significance level

Côte d’Ivoire

Sample: 1971 2005Included observations: 33Test assumption: No deterministic trend in the dataSeries: LCKWH LPIB Lags interval: 1 to 1

Likelihood 5 Percent 1 Percent HypothesizedEigenvalue Ratio Critical Value Critical Value No. of CE(s) 0.279706 20.15956 19.96 24.60 None * 0.246329 9.332376 9.24 12.97 At most 1 *

*(**) denotes rejection of the hypothesis at 5%(1%) significance levelL.R. test indicates 2 cointegrating equation(s) at 5% significance level

Unnormalized Cointegrating Coefficients:

Bénin

Sample: 1971 2005Included observations: 33Test assumption: Linear deterministic trend in the dataSeries: LCKWH LPIB Lags interval: 1 to 1

Likelihood 5 PercentEigenvalue Ratio Critical Value 0.298272 12.93170 15.41 0.036960 1.242785 3.76

*(**) denotes rejection of the hypothesis at 5%(1%) significance levelL.R. rejects any cointegration at 5% significance level

Togo

57

Page 59: Energie et croissance

Sample: 1971 2005Included observations: 33Test assumption: No deterministic trend in the data

Series: LCKWH LPIB Lags interval: 1 to 1

Likelihood 5 Percent 1 Percent HypothesizedEigenvalue Ratio Critical Value Critical Value No. of CE(s) 0.369039 17.38127 19.96 24.60 None 0.064051 2.184396 9.24 12.97 At most 1

*(**) denotes rejection of the hypothesis at 5%(1%) significance level

L.R. rejects any cointegration at 5% significance level

Seul le cas de la Côte d’Ivoire présente une cointégration entre deux variables. Pour

ce pays, il y a donc une relation de long terme entre la consommation d’électricité et

la croissance.

En testant ces différents sous-modèles, le critère d’information de Schwarz se trouve

optimisé pour le modèle 2, avec deux retards. Le test de cointégration de Johansen

montre donc l’existence d’une seule relation de cointégration. Ce modèle indique

qu’il n’existe pas de constantes et de tendance linéaire (trend) dans le VAR, mais la

relation de cointégration comprend une constante (pas de tendance linéaire)

2.5. ESTIMATION DU MODÈLE À CORRECTION D’ERREUR

La théorie postule qu’on peut associer un modèle à correction d’erreur à des

variables cointégrées (cas de la Côte d’Ivoire). Le théorème de représentation de

Engle et Granger démontre que les séries non-stationnaires, plus particulièrement

celles qui possèdent une racine unitaire, doivent être représentées sous forme de

modèle à correction d’erreur si elles sont cointégrées, c’est-à-dire s’il existe une

combinaison linéaire stationnaire entre elles. L’estimation du modèle vectoriel à

correction d’erreur passe par la détermination de la relation de long terme ci-

dessous :

LPIB = 2,597 LCKWh – 19,413 (No trend)

D’après cette relation, à long terme, le PIB et la consommation d’électricité vont de

pair car le coefficient de la consommation d’électricité est positif. Ainsi, à long terme,

une augmentation de 1% de la consommation d’électricité entraîne une

58

Page 60: Energie et croissance

augmentation de près de 2% du PIB. L’estimation du modèle à correction d’erreur est

donnée dans le tableau ci-dessous.

Modèle vectoriel à correction d’erreur

Sample(adjusted): 1974 2005 Included observations: 32 after adjusting endpoints Standard errors & t-statistics in parenthesesCointegrating Eq: CointEq1

LPIB(-1) 1.000000

LCKWH(-1) 2.597852 (1.42244) (2.92333)

C -19.41324 (7.04700)(-2.75482)

Error Correction: D(LPIB) D(LCKWH)

Zt-1 -0.059165 -0.021675 (0.01921) (0.04832)(-3.07942) (-0.44858)

D(LPIB(-1)) 0.316407 0.629596 (0.18978) (0.47728) (1.66725) (1.31913)

D(LPIB(-2)) -0.070927 -0.098487 (0.18499) (0.46525)(-0.38340) (-0.21169)

D(LCKWH(-1)) 0.026093 -0.164163 (0.09480) (0.23841) (0.27526) (-0.68859)

D(LCKWH(-2)) 0.074477 0.167464 (0.08646) (0.21743) (0.86143) (0.77018)

R-squared 0.405939 0.115885 Adj. R-squared 0.317930 -0.015095 Sum sq. resids 0.038693 0.244731 S.E. equation 0.037856 0.095206 F-statistic 4.612464 0.884754

La première ligne contient les variables expliquées du modèle et la première colonne

les variables exogènes, le terme de correction d’erreur, le coefficient de

détermination et la statistique de Fisher. Les deux équations estimées peuvent donc

s’écrire :

59

Page 61: Energie et croissance

(0.275) (1.667) (0.861) (-0.383) (-3,079)

(1.319) (-0.688) (-0.211) (0.77) (-0.448)

La qualité de l’estimation de ce modèle semble bonne au regard de la statistique de

Fisher et du coefficient de détermination.

De plus, le paramètre du terme à correction d’erreur (Zt-1) est négatif et significatif

dans l’équation du PIB, confirmant ainsi l’existence d’une relation de long terme entre

la consommation d’électricité et la croissance. Le modèle à correction peut être

validé dans ce cas. La valeur de ce paramètre indique, en outre, qu’en cas de

déséquilibre de court terme, la consommation d’électricité semble revenir plus

lentement de son sentier d’équilibre (la vitesse de convergence est estimée à près

de 6% seulement).

La validation de la première équation permet d’affirmer qu’il est mieux

d’expliquer le PIB par la consommation d’électricité que d’expliquer cette

dernière par le revenu.

2.6. TEST DE CAUSALITÉ DE GRANGER

L'étude du sens de causalité entre la consommation d’électricité et la

croissance constitue la préoccupation majeure de notre travail. Elle nous permet

d'assurer une bonne formulation de politique économique au sein de l'UEMOA grâce

au test de causalité de Granger.

Cette relation entre la croissance économique et la consommation d’énergie

est aujourd’hui bien établie dans les différentes études. Cependant, la direction de la

causalité reste un sujet très controversé. La détermination du sens de cette causalité

est importante et a des implications en matière de politique économique.

En outre, le test de causalité basé sur le modèle vectoriel à correction d’erreur

présente l’avantage de fournir une relation causale même si aucun coefficient estimé

des variables d’intérêt décalées n’est significatif.

60

Page 62: Energie et croissance

Pour le Sénégal, le Bénin et le Togo, l’absence de relation de long terme implique

qu’il n’y ait aucune causalité dans les deux sens.

Sénégal

Pairwise Granger Causality TestsSample: 1971 2005Lags: 1 Null Hypothesis: Obs F-Statistic Probability LPIB does not Granger Cause LCKWH 34 1.00122 0.32476 LCKWH does not Granger Cause LPIB 0.43713 0.51340

Bénin

Pairwise Granger Causality TestsSample: 1971 2005Lags: 1 Null Hypothesis: Obs F-Statistic Probability LPIB does not Granger Cause LCKWH 34 0.47067 0.49778 LCKWH does not Granger Cause LPIB 2.25114 0.14363

Togo

Pairwise Granger Causality TestsSample: 1971 2005Lags: 1 Null Hypothesis: Obs F-Statistic Probability LPIB does not Granger Cause LCKWH 34 2.28362 0.14087 LCKWH does not Granger Cause LPIB 0.18957 0.66629

Pour la Côte d’Ivoire, l’existence d’une relation de cointégration entre ces deux

variables entraîne l’existence d’une relation causale entre celles-ci dans au moins

une direction. Cette relation de causalité est examinée ici à l’aide du test de causalité

de Granger basé sur le modèle vectoriel à correction d’erreur. Les résultats de ce

test sont présentés dans le tableau suivant :

Pairwise Granger Causality TestsSample: 1971 2005Lags: 2Null Hypothesis: Obs F-Statistic Probability LPIB does not Granger Cause LCKWH 33 2.04665 0.14805 LCKWH does not Granger Cause LPIB 4.99265 0.01398

Prob < 5%, on accepte H1 : LCKWh cause au sens de Granger LPIB.

Le test de causalité de Granger révèle donc l’existence d’une causalité

unidirectionnelle de la consommation d’électricité vers la croissance du PIB dans

61

Page 63: Energie et croissance

l’économie ivoirienne. Quant aux trois autres pays (le Sénégal, le Bénin et le Togo),

l’absence d’une relation de long terme entre ces deux variables est confirmée par le

test de causalité de Granger (absence de causalité).

Si c’est la consommation d’énergie qui détermine le revenu, cela indique que

l'économie dépend de l’énergie si bien que la consommation d'énergie affecte

directement le revenu, impliquant qu'une déficience dans l’approvisionnement en

énergie peut avoir des conséquences néfastes sur la croissance (Masih et Masih,

1998.)

Y. Wolde-Rufael (2006) note que l’absence de causalité dans les deux sens pourrait

statistiquement signifier que les mesures permettant d’économiser l’électricité

peuvent être prises sans compromettre le développement économique. Cependant, il

souligne que réduire la consommation de l’électricité chez les populations qui ont un

accès difficile à cette ressource, n’est pas une option envisageable : les pays

africains n’ont pas encore atteint un niveau d’autonomie d’électricité pour se

permettre une réduction de leur consommation ; cependant, ils peuvent prévenir les

conséquences néfastes liées à la consommation accrue de l’électricité. Au contraire

en rendant l’électricité accessible à tous, cela pourrait contribuer à réduire non

seulement la pauvreté, mais aussi à améliorer la qualité de vie des populations.

Au lendemain des indépendances, la conjonction de facteurs favorables avait facilité

la mise en œuvre de l’objectif de développement des réseaux électriques en Afrique

francophone. Le choix du monopole et de l’intégration verticale comme modèle

d’organisation industrielle avait ouvert la possibilité d’exploiter les économies

d’échelle et d’envergure. Des politiques de restructuration avaient ainsi permis un

renforcement des capacités de production. Toutefois, ce dynamisme de l’offre ne

s’est pas traduit par une résorption de l’écart entre l’offre et la demande au regard

des faibles taux d’accès à l’électricité. Les progrès réalisés dans le développement

des capacités de production ont été très importants à la suite de la création des

entreprises publiques d’électricité. En effet, les politiques de restructuration

sectorielle ayant eu pour principaux aspects la création d’un réseau centralisé, et la

gestion du secteur à un opérateur unique, ont permis très rapidement d’exploiter les

économies d’échelle et d’envergure escomptées. Ce modèle a été tout entier tourné

vers la création et le développement intensif des infrastructures électriques, en

62

Page 64: Energie et croissance

s’appuyant sur la planification sectorielle et la centralisation au plus haut niveau de

l’Etat.

Cependant, cette évolution ne connaîtra pas la même intensité d’un pays à un autre.

Elle a été plus forte en Côte d’Ivoire qu’ailleurs (voir tableau 4), en partie pour des

raisons liées aux disparités concernant les dotations en sources d’énergie fossiles et

le développement du tissu industriel.

Les résultats obtenus dans notre recherche semblent confirmer le statut de la Côte

d’Ivoire en tant que « bon élève » et référence dans la sous-région en matière de

structuration du secteur de l’électricité. En effet, ce pays a été l’un des pionniers en

Afrique Occidentale à se lancer dans un processus de réformes de ce secteur. Les

années 90 constituent le point de départ d’un ensemble de réformes visant

essentiellement une meilleure efficacité dans la gestion du secteur et l’introduction

du secteur privé grâce à un processus de privatisation. C’est d’ailleurs le seul pays

de l’UEMOA à avoir réussi la privatisation et une bonne régulation du secteur. De ce

fait, comme l’atteste les résultats des tests, ce secteur a été suffisamment structuré

pour avoir un impact réel sur le développement économique.

Quant aux autres pays de l’UEMOA, elles ont pratiquement tous connu un échec de

la privatisation (Sénégal, Mali, Togo). Un processus de privatisation est toutefois en

cours pour le Bénin, le Niger et le Burkina, ces derniers ayant tardivement enclenché

la restructuration de leur secteur énergétique.

SECTION 3. RECOMMANDATION DE POLITIQUES ÉCONOMIQUES

Les résultats des tests de causalité montrent que globalement, pour les pays

testés, la consommation d’électricité et la croissance évoluent de manière

indépendante (hypothèse de neutralité de Yu et Choi, 1985). À part la Côte d’Ivoire

(qui présente simplement une causalité unidirectionnelle de la consommation

d’électricité à la croissance), il n’y a point de causalité ni de relation de long terme

entre ces deux grandeurs. Ces résultats sont conformes avec ceux obtenus par

Kane (2009) sur données de panel hétérogènes pour les pays de l’UEMOA. Cela

peut s’expliquer par le fait que l’énergie électrique occupe une part négligeable dans

le bilan énergétique de l’Union, dominé par la biomasse. En effet, l’électricité

représente au plus 5% du bilan énergétique de l’UEMOA. Cela montre aussi que ce

63

Page 65: Energie et croissance

secteur n’est pas encore assez structuré pour pouvoir assurer le rôle qu’il a joué

dans le développement des pays industrialisés. En effet, la contribution de ce secteur

de l'énergie et son influence sur la croissance économique restent incontestables, tel

que le montre la chaîne énergétique économique dans la figure 2.

Face à une situation pareille, la recommandation principale reste la

structuration du secteur de l’énergie et la poursuite de l’extension des réseaux

électriques vers les populations ayant un accès difficile à cette ressource. Si cette

politique tarde à donner des résultats dans les pays de l’Union, c’est parce qu’elle n’a

pas été accompagnée de mesures adéquates. D’après les résultats obtenus à

travers ce travail de recherche, quelques recommandations supplémentaires de

politiques économiques peuvent être faites. Elles vont essentiellement dans le sens

d’une restructuration du secteur de l’électricité pour qu’elle puisse jouer enfin son

rôle dans le développement économique. De plus, vu le rejet de l’hypothèse de

causalité dans la majeure partie des pays testés, une politique d’économie d’énergie

doit être d’avantage mise en exergue dans un contexte de crise énergétique

caractérisée par l’insuffisance de l’offre d’énergie électrique.

3.1. DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTURES ÉNERGÉTIQUES RÉGIONALES

Toutes les théories de la croissance s'accordent sur le fait que l'accumulation

du capital physique est un facteur essentiel de la croissance. De façon générale, ces

infrastructures comprennent entre autres le réseau de fourniture d'électricité et ont un

double rôle : accompagner la production des secteurs productifs et satisfaire les

besoins des consommateurs (Kassé, 2002).

Les pays africains ont besoin d’une croissance économique durable afin

accroître la probabilité de réaliser les OMD d’ici l’an 2015. Cependant la crise

énergétique freine les efforts. L’UEMOA doit rechercher de manière vigoureuse des

solutions aux problèmes d’infrastructures en vue de maintenir et d’accélérer sa

croissance économique. Pour un grand nombre de pays, des actions indépendantes

sur le plan international ne pourront pas combler l’écart énergétique en raison du

coût élevé des investissements dans le secteur et de la répartition inégale des

ressources énergétiques.

64

Page 66: Energie et croissance

Par conséquent, pour assurer une exploitation judicieuse des ressources

hydroélectriques, de gaz naturel et d’autres ressources, il faudra renforcer

l’intégration régionale et développer des infrastructures énergétiques régionales.

Concernant le financement de l’infrastructure énergétique pour la croissance,

certaines questions importantes doivent être considérées, notamment : (a) les

options de financement des grands besoins d’infrastructure énergétique sans pour

autant augmenter le fardeau de la dette ; (b) la nécessité de gérer le changement

climatique et son impact sur la capacité à produire de l’énergie et atteindre les OMD ;

(c) l’importance de l’intégration régionale dans la promotion du commerce

transfrontalier de l’énergie ; (d) la promotion de la mise en commun des ressources

énergétiques ; (e) la nécessité d’intégrer les politiques énergétiques aux stratégies

nationales de développement et d’aborder la question des allocations budgétaires

inadéquates au secteur énergétique.

3.2. ORIENTATIONS GÉNÉRALES EN MATIÈRE DE RESTRUCTURATION ET DE RÉGULATION DU SECTEUR

Même si une distinction est à faire par pays, il n'empêche qu'au sein de

l'UEMOA l'accès à l'énergie reste non pas une condition suffisante pour assurer le

processus de développement économique, mais une condition indispensable.

L'accès à l'électricité par toutes les couches des populations doit faire partie des

objectifs prioritaires du développement économique et social.

Quelques orientations sont nécessaires concernant le processus de

privatisation, la réglementation et la libéralisation (l'ouverture à la concurrence) du

secteur électrique.

Sur la privatisation du secteur électrique

Il est nécessaire d’élaborer une phase préparatoire de formulation

réglementaire, de restructuration de l’entreprise privatisée et des réseaux, ce qui

conditionne en général le succès ou l’échec de l’opération. De plus il faudrait revoir la

structure des prix souvent à la hausse sans tenir compte de son importante

imputation sur les consommateurs. En définitive, les pays Etats membres doivent :

- Envisager un cadre harmonisé au niveau régional permettant de définir les

effets de la privatisation ;

65

Page 67: Energie et croissance

- Mettre en place d'une banque de données harmonisée au niveau sous-

régional afin d'évaluer, comparer et capitaliser les expériences de privatisation.

Sur la réglementation du secteur électrique

En matière de régulation, il est nécessaire définir une réglementation au

préalable, en vue d’une bonne formulation des termes du contrat de concession de

l’entreprise publique au secteur privé. En plus il est opportun pour les pays de

l’UEMOA de se doter d’un cadre juridique permettant de réglementer le marché, puis

le secteur. En outre, une régulation efficace du secteur électrique s’impose, car la

réussite de la privatisation en dépend.

De ce fait, avec la segmentation du marché de l'énergie en sous-secteur

(production, transport et distribution), la réglementation devient nécessairement plus

complexe et les agences de régulation indépendantes de préférence, doivent

dorénavant accomplir certaines fonctions qui étaient tenues auparavant par l'Etat

pour plus d’efficacité.

3.3. ACCÈS À L’ÉNERGIE POUR LES PAUVRES

Malgré les efforts d’expansion réalisés par les entreprises publiques

d’électricité, une observation importante concerne l’absence de modification réelle du

schéma d’électrification à deux vitesses ayant caractérisé le modèle colonial. C’est

ainsi que l’accès à l’énergie est resté un phénomène urbain, bénéficiant aux grandes

villes, puis aux villes moyennes et petites. Le raccordement au réseau des habitants

des localités rurales et périurbaines a ainsi été une exception dans la plupart des

pays. Cette faible pénétration du service est illustrée par la part très réduite de la

consommation d’électricité dans la structure des consommations énergétiques. Ces

constats conduisent à relativiser les progrès réalisés en matière de construction

d’infrastructure. Ils suggèrent que la demande insatisfaite est importante, ce qui

correspond à une situation de pénurie de l’offre et donc de sous-équipement.

Pour relever le double défi d’accroître l’accès à l’énergie pour les pauvres tout

en assurant un bon fonctionnement des infrastructures énergétiques existantes, les

pays membres doivent réaliser des résultats concrets dans les domaines suivants :

Action nationales

66

Page 68: Energie et croissance

a) Renforcer les cadres de planification en vue de prendre en compte les besoins

énergétiques pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté, et

intégrer l’énergie dans les stratégies nationales et sectorielles de développement ;

b) Mobiliser les ressources internes à travers de nouveaux instruments de

financement en développant des mécanismes appropriés de détermination des tarifs

et de paiement et en créant des opportunités d’investissement pour les investisseurs

locaux. ;

c) Encourager les consommateurs à utiliser l’énergie de manière efficace à travers,

la détermination des tarifs, des avantages fiscaux et des programmes de

sensibilisation du public.

d) Promouvoir l’usage des ressources énergétiques locales en vue de créer un

environnement favorable à la sécurité énergétique et à la création des emplois ;

e) Entreprendre la réforme de la réglementation du secteur de l’énergie en vue de

créer un environnement propice à la participation du secteur privé ;

g) Améliorer l’accès à l’énergie pour les pauvres à travers des politiques appropriées

de détermination des tarifs, de distribution et de composition des

approvisionnements en énergie.

Actions Régionales

Elles doivent se situer essentiellement au niveau de l’accélération des

initiatives en cours telles que le barrage d’INGA, la mise en commun des ressources

énergétiques sur le plan régional, le projet de gazoduc. Des efforts doivent être

consentis pour renforcer les institutions régionales telles le NEPAD en tant que

propulseurs de l’action régionale.

3.4. DÉVELOPPER DES MODÈLES DE PLANIFICATION DE L’ÉNERGIE

ÉLECTRIQUE

La gestion effective de l'énergie et sa planification en Afrique sub-saharienne

est difficile, pour plusieurs raisons. Parmi elles on note l'absence de données fiables

sur l'énergie et d'une structure coordonnée de planification de l'énergie. En outre, les

67

Page 69: Energie et croissance

quelques efforts nationaux et sous-régionales dans ce domaine ne sont pas

suffisamment organisés pour être utilisés dans la conduite d’une activité régionale. Il

est donc important d’organiser la collecte de données et la gestion des systèmes

d'informations, et que soit établie une stratégie pour coordonner les plans de

développement. Ce sont des conditions préalables pour que les chercheurs,

scientifiques et ingénieurs puissent appliquer leurs compétences analytiques à la

définition des scénarios énergétiques possibles pour la région.

Il faudrait donc développer des modèles énergétiques permettant d’optimiser, de

gérer de manière efficace, et de planifier la production d'énergie et l'utilisation de

l'énergie dans la région. Les différents systèmes d’échange d’énergie électrique

comme le West African Power Pool (EEOA) ont clairement démontré les capacités

régionales à coordonner le développent du secteur énergétique, même si ces

initiatives sont à des stades différents.

Le développement de modèles et scénarios énergétiques qui tiennent en compte les

réalités et les priorités de la région offrent des possibilités d'établir des réseaux de

modélisation régionale de l'énergie. Ceux-ci, à leur tour, permettront d'optimiser les

ressources énergétiques de l’UEMOA (vu les ressources financières limitées des

pays) et de renforcer les revenus et le développement du capital humain des pays

membres. Pour cela, il faudra développer une solide base de données harmonisée

d'énergie utile pour la construction de scénarios et la modélisation.

3.5. ENVISAGER DES POLITIQUES D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE (ENERGY

EFFICIENCY)

La demande d’énergie mondiale est appelée à augmenter significativement

durant les prochaines décennies, particulièrement dans les pays en développement

(ONUDI, 2008)24. En ce qui concerne les pays de l’UEMOA, le prix de l’électricité est

intrinsèquement lié au rythme de consommation qui augmente les charges

d’exploitations des entreprises de distribution mais aussi les besoins

d’investissement. Dans une situation de crise énergétique caractérisée par une offre

24 UNIDO, (2008) : Powering Industriel Growth – the Challenge of Energy Security for Africa, Working Paper.

68

Page 70: Energie et croissance

d’énergie électrique nettement inférieure à une demande en pleine croissance, Il faut

prévenir les conséquences néfastes liées à la consommation accrue de l’électricité.

Pour cela, une solution de court et long terme est une politique d’économie

d’énergie. Pour cela il faudrait :

Sensibiliser les populations par une éducation à l’économie de l’énergie et

l’incitation à l’utilisation de matériels moins voraces en énergie (ampoules

basse tension par exemple). De plus, le changement de la structure tarifaire

avec un passage vers un système de tarification progressif constitue une

solution possible puisqu’elle contribuerait à préserver les usagers à faibles

revenus et tout en incitant à l’économie de l’énergie. Ils peuvent prévenir les

conséquences néfastes liées à la consommation accrue de l’électricité.

Promouvoir une politique d’efficacité énergétique dans les procédés

industriels (energy efficiency) en améliorant les techniques de production :

bien vrai que le niveau de développement diffère considérablement au sein

des pays de l’UEMOA, seuls quelques pays réalisent une contribution de plus

de 20% de leur secteur manufacturé dans le PIB. Pour beaucoup de pays, la

contribution de ce secteur dans le PIB se situe à moins de 15%. La

productivité est, entre autres raisons, compromise par les surcoûts

énergétiques. La forte intensité énergétique, combinée à la faible

industrialisation, attestent d’une utilisation inefficiente de l’énergie (ONUDI,

2008). Un effort substantiel doit être fait dans l’utilisation rationnelle de

l’énergie électrique pour améliorer la compétitivité et la productivité des

industries de l’UEMOA. À cet effet, toute stratégie globale ayant comme

objectif le développement économique doit chercher à améliorer leur

compétitivité.

69

Page 71: Energie et croissance

CONCLUSION

Cette recherche s’est basée sur les avancées économétriques récentes des

les tests de racine unitaire et de cointégration, afin de vérifier l’existence d’une

relation de long terme entre la consommation d’énergie électrique et la croissance.

Empiriquement, l’application de cette théorie nécessite la démarche suivante

(Ambapour et Massamba, 2005) :

tester l’ordre d’intégration des séries (tests de racine unitaire) pour s’assurer

qu’elles suivent une marche aléatoire (seul domaine d’application du

théorème de représentation de Granger) ;

tester la cointégration pour déterminer l’existence d’une relation d’état

stationnaire entre les variables ;

estimer le modèle à correction d’erreur qui vise à rendre compte dans une

même équation d’un écart éventuel par rapport à un équilibre de long terme et

du processus d’ajustement à court terme de cet équilibre.

À l’issue de cette analyse économétrique, il est apparu que les deux séries étudiées

ne sont cointégrées que pour le cas de la Côte d’Ivoire, impliquant l’absence d’une

relation de long terme entre la consommation d’électricité par tête et le revenu par

tête pour les autres pays. Le test de causalité dans le cadre du modèle à correction

d’erreur, révèle que, dans le seul cas de la Côte d’Ivoire, la croissance économique

« cause » au sens de Granger la consommation d’énergie, une absence de causalité

ayant été notée pour les autres pays.

Ces résultats laissent présager que les pays de l’UEMOA doivent davantage

structurer le secteur de l’énergie électrique pour qu’il puisse avoir l’apport qu’il a eu

dans les pays industrialisés. Ceci passe par de bonnes politiques de réformes du

secteur, un accès aux services énergétiques de l’électricité pour les populations

défavorisées, mais aussi un bon système de planification, sans oublier le

développement du partenariat régional et l’achèvement des projets d’interconnexion

des réseaux électriques. Ils doivent aussi miser sur les politiques d’économie

70

Page 72: Energie et croissance

d’énergie d’autant plus que la crise actuelle que connait l’Union est essentiellement

due à l’insuffisance de l’offre face à une demande en pleine croissance. L’espace

UEMOA possède également des avantages relatifs pour les énergies renouvelables.

Ces derniers peuvent être d’un grand apport et doivent en conséquence être mise en

forte contribution. Leur potentiel de développement est important, particulièrement

pour l’hydroélectricité (Kane, 2009).

La politique énergétique dans l’Union doit s'articuler autour de la garantie de sécurité,

la continuité à long terme de la fourniture d'énergie sous toutes ses formes et de

l’offre d'une énergie électrique à des prix très compétitifs. Elle doit aussi garantir la

cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie.

L'électricité est omniprésente dans la vague de restructuration actuellement en cours

dans beaucoup de pays de l’UEMOA. Cela montre la prise de conscience du fait

qu’elle peut jouer un rôle central dans le développement social et économique des

pays membres, ce qui n’est pas encore le cas dans la région d’après les résultats de

notre recherche. Il est donc reconnu implicitement que l'investissement dans

l'électricité et les efforts pour rendre ce secteur plus efficace peuvent favoriser la

croissance économique.

Plus récemment, la reconnaissance du lien entre l’énergie et le développement

humain (Modi, 2004) a fait apparaître la nécessité de cibler l’accroissement de

l’accès des populations aux services énergétiques comme une priorité pour

permettre le développement et atteindre les OMD au niveau de la région. Cet aspect

constitue le second volet de l’engagement au niveau régional, déjà formulé dans la

convention de collaboration UEMOA-CEDEAO d’août 2005, et a abouti à

l’élaboration du Livre Blanc. La compréhension et la capitalisation des mécanismes

mis en œuvre pour le développement des initiatives régionales est essentielle pour

assurer un appui adéquat aux Etats Membres, et leur permettre de répondre au défi

de l’accroissement massif de l’accès à des services énergétiques des populations

des zones rurales ou périurbaines.

Les résultats de cette présente recherche devraient, cependant, être interprétés avec

réserve du moment où la consommation d'électricité représente moins de 5 % de la

consommation d'énergie totale dans l’UEMOA. De plus, seule l'électricité fournie en

réseau est prise en compte. En outre, les difficultés d’obtention de séries longues sur

71

Page 73: Energie et croissance

l’électricité nous a contraint à restreindre l’analyse empirique sur un certains nombre

de pays de l’UEMOA. Ce problème se posant, les résultats de cette recherche

exigent d’autant plus la nécessité d’une souplesse d’interprétation.

Pour cela, dans le prolongement de cette recherche, des approfondissements pourront être apportés sur deux points :

D’abord une différenciation des différents secteurs de l’économie s’impose pour

pouvoir mieux appréhender la relation de long terme et le lien de causalité entre la

consommation d’électricité et la croissance et avoir une information plus précise

quant à la contribution de la consommation d’électricité par l’industrie, les services,

les ménages et le transport au développement.

De plus, la crise énergétique actuelle montre que les déterminants de la demande

d’énergie électrique doivent être mieux identifiés afin de comprendre la forte

croissance de la consommation d’électricité observée ces dernières années alors

qu’elle ne se reflète guère sur le développement des pays de l’UEMOA.

72

Page 74: Energie et croissance

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Page 77: Energie et croissance

ANNEXESANNEXES

76

Page 78: Energie et croissance

Annexe 1 : Calcul, sur la période d’après Guerre, de l'élasticité de la consommation primaire d'énergie par rapport au produit national brut pour les pays développés

Le calcul, sur la période d’après Guerre, de l'élasticité de la consommation primaire d'énergie par rapport au produit national brut, donne un coefficient qui, dans la plupart des cas, est proche de l'unité.La relative stabilité sur longue période de l'élasticité annuelle de la consommation d'énergie primaire

par rapport au PNB, c'est-à-dire de l'élasticité empirique obtenue en faisant le rapport

permet de recourir a un ajustement exponentiel du type

où α est un coefficient moyen d'élasticité sur l'ensemble de la période.Un des grands débats énergétiques est de savoir précisément si les facteurs qui militent en faveur d'une réduction de la consommation d'énergie tendent ou non a l'emporter sur les facteurs d'accroissement.Au niveau sectoriel, les relations énergie-croissance peuvent être appréhendées grâce a des tableaux d'échanges interindustriels et a la mise en évidence de coefficients d'intensité énergétique des produits, lesquels permettent d'apprécier l'évolution temporelle de la « productivité » de l'énergie dans un pays donne, et de faire apparaitre en conséquence les secteurs où les mesures d'économies seraient les plus appréciables (surtout si dans le même temps une comparaison avec la structure productive de pays de même niveau de développement est établie). De tels systèmes matriciels sont, de plus, opératoires dans une perspective prévisionnelle, puisqu'ils indiquent la quantité d'énergie a utiliser pour produire, une année terminale donnée, les divers éléments de la demande globale, pour autant bien sur que l'on ait fait une hypothèse sur l'évolution attendue des coefficients techniques de consommation directe et indirecte d'énergie (ce qui revient en quelque sorte a tracer la trajectoire des choix techno- logiques du futur...).En adoptant la formulation[1- A] X = Yoù [A] est la matrice des coefficients techniques de production (à la fois production nationale et les importations), X est le vecteur des productions disponibles des branches, Y est le vecteur de la demande finale totale,les éléments aij de la matrice [A] sont définis comme les produits intermédiaires provenant de la branche i nécessaires pour produire une unité de production dans la branche j. On calcule ainsi des coefficients techniques de consommation directe d'énergie qui traduisent la quantité d'énergie vendue au cours de la période considérée (l'année en général) par la branche « énergie » a une branche quelconque pour les besoins de sa production. A côte de ces coefficients directs, il est nécessaire de calculer des coefficients totaux qui reflètent l'utilisation à la fois directe et indirecte de ressources énergétiques par chaque branche et qui constituent les éléments bij de la matrice [B] obtenue par transposition:X = [1 - A]-1 Y = [B] YOn peut ainsi mettre en évidence les besoins nouveaux en produits énergétiques issus d'un accroissement anticipe de la demande d'une catégorie particulière de biens et services et faire apparaître d'éventuels goulots d'étranglement au niveau des ressources disponibles. Ces goulots sont différents, pour un pays donné, selon la structure de son approvisionnement et il importe de passer de coefficients établis à partir de valeurs monétaires à des coefficients calculés sur des quantités physiques (tec ou tep). La conversion des flux intersectoriels représentant des unités monétaires en des quantités physiques d'énergie peut se faire, via un système de prix relatifs, en construisant une matrice [F] de flux énergétiques. La matrice [B] est alors remplacée par une expression de la forme [E] = [F] [1-A]-1 exprimée en tec ou en tep par unité monétaire de demande finale, ou [F] est la matrice des coefficients de consommation énergétique directe exprimes non plus en unités monétaires mais en tec ou en tep par unité monétaire de production totale. Les éléments de la matrice énergétique totale [E], les eij, donnent la production totale en tec ou en tep de la branche « énergie » i nécessaire pour que l'économie puisse faire face a un supplément unitaire de demande finale.

Jacques PERCEBOIS, Energie, croissance et calcul économique, Revue économique, Vol. 29, No. 3 (Mai 1978), pp. 464-493

77

Page 79: Energie et croissance

Annexe 2 : Etat des régulations du secteur de l’électricité dans l’UEMOA

Pays Etat du processus de privatisation/ libéralisation

Existence d’une

régulation

Forme de la régulation

Indépendance Période d’interven-

tion

Evaluation qualitative

Burkina Faso

Privatisation en cours

Non Non Définie - - Pas encore mis en service

Bénin Privatisation en cours

Non, mais prévue

Autorité sectorielle

Prévue - -

Côte d’Ivoire

Succès de la privatisation

Oui Autorité sectorielle

Non Après privatisation

Absence d’adéquation entre les attributs et

les ressources

Guinée Bissau

Succès de la privatisation

Oui Une DG rattachée à

l’administration centrale

Non Avant privatisation

Attributions, moyens et compétences

inadéquats

Mali Echec de la privatisation

Oui Autorité administrative indépendante

CREE

Oui Après privatisation

- Pouvoir d’enquête, d’investigation, d’injonction et de sanction

- Rôle défini de façon floue

Niger Processus de la privatisation au point mort

Oui Autorité administrative indépendante :

autorité de régulation

multisectorielle

Oui Avant et pendant

processus

-Bonne adéquation moyens, attributions, compétences

- Pouvoirs à la fois décisionnels et consultatifs

-Difficulté de relancer la privatisation de la NIGELEC

Sénégal Echec de la privatisation

Oui Autorité sectorielle

CRE

Oui Pendant processus

-Bonne adéquation moyens, attributions et compétences

-A adopté une démarche participative intéressante

-Dispose d’un pouvoir décisionnel

78

Page 80: Energie et croissance

-Doit s’imposer

Togo Echec de la privatisation

Oui Autorité sectorielle :

ARSE

Oui Après privatisation

-Insuffisance des ressources humaines

-Pouvoirs à la fois décisionnels et consultatifs

Source : Kenfack, Y., Nyama, A. M. (2007) : La reforme du secteur de l'électricité en Afrique

francophone : Le cas des pays de la CEMAC et de l'UEMOA, Groupe Intergouvernemental d'Experts

du Droit et de la Politique de la Concurrence.

Annexe 3 : Nombre de critères respectés par chaque Etat membre sur la

période 2000-2007

Années 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Bénin 5 4 6(+) 5 4 2 3 6(+)

Burkina Faso 4 3 4 4 8 3 4 4

Côte d’Ivoire 2 2 1 1 4 1 2 3

Guinée Bissau 0 0 0 0 5 0 1 0

Mali 4 4 4 5 4 4 6(+) 5

Niger 1 0 2 3 4 3 6(+) 6(+)

Sénégal 5 5 6(+) 7 1 6(+) 6 6

Togo 1 1 1 3 1 1 2 2

79

Page 81: Energie et croissance

Annexe 4 : TESTS ECONOMETRIQUES

Test de racine unitaire pour la Côte d’Ivoire

Test de stationnarité sur la variable LCKWh en niveau

Test de stationnarité sur la variable LCKWh (1st difference)

ADF Test Statistic -3.835362 1% Critical Value* -4.2712 5% Critical Value -3.5562 10% Critical Value -3.2109

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LCKWH,2)Method: Least SquaresDate: 06/23/09 Time: 19:21Sample(adjusted): 1974 2005Included observations: 32 after adjusting endpoints

Test de stationnarité sur la variable LPIB en niveau

ADF Test Statistic -0.800794 1% Critical Value* -3.6422 5% Critical Value -2.9527 10% Critical Value -2.6148

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LPIB)Method: Least SquaresDate: 07/03/09 Time: 09:43Sample(adjusted): 1973 2005Included observations: 33 after adjusting endpoints

80

Page 82: Energie et croissance

Test de stationnarité sur la variable en différence premier

ADF Test Statistic -3.129223 1% Critical Value* -3.6496 5% Critical Value -2.9558 10% Critical Value -2.6164

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LPIB,2)Method: Least SquaresDate: 07/03/09 Time: 09:34Sample(adjusted): 1974 2005Included observations: 32 after adjusting endpoints

Test de racine unitaire pour le Bénin

Test de stationnarité sur la variable LCKWh en niveau

ADF Test Statistic -2.199739 1% Critical Value* -3.6422 5% Critical Value -2.9527 10% Critical Value -2.6148

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LCKWH)Method: Least SquaresDate: 06/23/09 Time: 19:39Sample(adjusted): 1973 2005Included observations: 33 after adjusting endpoints

Test de stationnarité sur la variable en différence premier

ADF Test Statistic -6.493264 1% Critical Value* -3.6496 5% Critical Value -2.9558 10% Critical Value -2.6164

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LCKWH,2)Method: Least SquaresDate: 06/23/09 Time: 19:41

81

Page 83: Energie et croissance

Sample(adjusted): 1974 2005Included observations: 32 after adjusting endpoints

Test de stationnarité sur la variable LPIB en niveau

ADF Test Statistic -2.204077 1% Critical Value* -4.2605 5% Critical Value -3.5514 10% Critical Value -3.2081

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LPIB)Method: Least SquaresDate: 06/23/09 Time: 19:49Sample(adjusted): 1973 2005Included observations: 33 after adjusting endpoints

Test de stationnarité sur la variable LPIB en différence premier

ADF Test Statistic -4.643616 1% Critical Value* -4.2712 5% Critical Value -3.5562 10% Critical Value -3.2109

*MacKinnon critical values for rejection of hypothesis of a unit root.

Augmented Dickey-Fuller Test EquationDependent Variable: D(LPIB,2)Method: Least SquaresDate: 06/23/09 Time: 19:53Sample(adjusted): 1974 2005Included observations: 32 after adjusting endpoints

82

Page 84: Energie et croissance

Test de cointégration Côte d’Ivoire

Sample: 1971 2005Included observations: 33Series: LPIB LCKWH Lags interval: 1 to 1Rank or No

InterceptIntercept Intercept Intercept Intercept

No. of CEs No Trend No Trend No Trend Trend TrendLog Likelihood by Model and Rank

0 93.80028 93.80028 97.40513 97.40513 98.310641 99.07572 99.21387 102.4152 104.2413 104.46322 99.95477 103.8801 103.8801 107.2979 107.2979

Akaike Information Criteria by Model and Rank

0 -5.442441 -5.442441 -5.539705 -5.539705 -5.4733721 -5.519741 -5.467507 -5.600921 -5.650990 -5.6038302 -5.530592 -5.477276 -5.647276 -5.625204 -5.633204L.R. Test: Rank = 0 Rank = 2 Rank = 0 Rank = 0 Rank = 0

83

Page 85: Energie et croissance

Annexe 5:

Source : ENERDATA, 2008, www.enerdata.fr

84

Page 86: Energie et croissance

Annexe 6 : Map Energy Indicators – World - Electricity Consumption

2006.

Source : ENERDATA, 2008, www.enerdata.fr

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