4 partie energie et travail

14
Mécanique Physique (S2) 4 ème partie – page 1 4 ème partie Energie et Travail Notes de cours de Licence de A. Colin de Verdière Introduction Les lois de Newton nous permettent de déduire le mouvement de corps en mouvements mais le calcul est souvent si compliqué qu’une approche numérique devient nécessaire. Comme c’est compliqué, on se demande s’il n’y a pas des choses à dire sur les mouvements qui n’exigent pas d’intégrer complètement les équations. Le but de cette partie est de montrer qu’il y a effectivement « quelque chose » qui est conservé dans le mouvement et ce « quelque chose » c’est l’énergie, un nombre qui est constant dans le temps. Cette invariance de l’énergie peut nous dire pas mal de choses et quelquefois cela suffit. En tous cas cela donne une autre vision du problème, libéré des détails de la trajectoire. On verra plusieurs formes d’énergie, cinétique, potentielle, élastique et on sera amené aussi à parler de l’énergie interne (l’énergie à l’échelle des atomes et molécules). Cette approche énergétique est aussi à la base des applications industrielles de la Mécanique. Energie cinétique et travail : le théorème de l’énergie cinétique (i) force constante Supposons une particule libre (suffisamment loin de tout autre dans la galaxie). On l’observe d’un référentiel inertiel et on lui applique une force F a à t = 0. Cette force garde ensuite une valeur constante. On peut prendre la direction de l’axe x dans la direction de la force et on a donc : F a = m x & & t > 0 (4.0) Comme F a est constant, on peut avoir v facilement : v(t) = x t 0 & & ! dt = v 0 + t m F a (4.1) v 0 , vitesse initiale étant aussi dans la direction x. On peut réécrire cette équation sous une forme plus parlante : F a t = m v(t) – m v 0 (4.2) A droite on a la variation de quantité de mouvement de la particule entre 0 et t et à gauche F a t ( ! t 0 F a dt) est ce qu’on appelle l’impulsion. La relation 4.2 nous dit simplement que « la variation de quantité de mouvement est égale à l’impulsion ».

Upload: phungkhanh

Post on 05-Jan-2017

229 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 1

4ème partie Energie et Travail

Notes de cours de Licence de A. Colin de Verdière

Introduction

Les lois de Newton nous permettent de déduire le mouvement de corps en mouvements mais le calcul est souvent si compliqué qu’une approche numérique devient nécessaire. Comme c’est compliqué, on se demande s’il n’y a pas des choses à dire sur les mouvements qui n’exigent pas d’intégrer complètement les équations. Le but de cette partie est de montrer qu’il y a effectivement « quelque chose » qui est conservé dans le mouvement et ce « quelque chose » c’est l’énergie, un nombre qui est constant dans le temps. Cette invariance de l’énergie peut nous dire pas mal de choses et quelquefois cela suffit. En tous cas cela donne une autre vision du problème, libéré des détails de la trajectoire. On verra plusieurs formes d’énergie, cinétique, potentielle, élastique et on sera amené aussi à parler de l’énergie interne (l’énergie à l’échelle des atomes et molécules). Cette approche énergétique est aussi à la base des applications industrielles de la Mécanique.

Energie cinétique et travail : le théorème de l’énergie cinétique

(i) force constante

Supposons une particule libre (suffisamment loin de tout autre dans la galaxie). On l’observe d’un référentiel inertiel et on lui applique une force Fa à t = 0. Cette force garde ensuite une valeur constante. On peut prendre la direction de l’axe x dans la direction de la force et on a donc :

Fa = m x&& ∀ t > 0 (4.0)

Comme Fa est constant, on peut avoir v facilement :

v(t) = xt

0&&! dt = v0 + t

mFa (4.1)

v0, vitesse initiale étant aussi dans la direction x.

On peut réécrire cette équation sous une forme plus parlante :

Fat = m v(t) – m v0 (4.2)

A droite on a la variation de quantité de mouvement de la particule entre 0 et t et à gauche Fat

( !t

0Fadt) est ce qu’on appelle l’impulsion. La relation 4.2 nous dit simplement que « la

variation de quantité de mouvement est égale à l’impulsion ».

Page 2: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 2

Si on intègre encore une fois 4.1 (ce qui est facile ici car Fa est constant) :

x(t) = !t

0v(t)dt = x0 + v0t +

mF21 a t2 (4.3)

Comme 4.2 donne :

t = aFm (v – v0)

On peut essayer d’éliminer le temps t dans 4.3 :

x – x0 = aFm (v – v0) v0 +

aFm

21 (v – v0)2

= aFm

21 (v2 - 2

0v )

que l’on peut réécrire :

21 mv2 -

21 m 2

0v = Fa ⋅ (x – x0) (4.4)

On va définir « 21 m v2 comme l’énergie cinétique de la particule » et on voit apparaître à

gauche la variation d’énergie cinétique de la particule. Cette variation d’énergie est causée par ce qu’on va appeller le travail de la force Fa agissant sur la distance x – x0. La quantité Fa (x – x0) est appelé « travail de la force appliquée sur la particule». L’unité d’énergie (ou de travail) est le Joule : 1 J = 1 kg m2 s-2.

On peut dire ici que par son travail la force appliquée a transféré de l’énergie (cinétique) à la particule. Pour qu’il y ait travail d’une force, il faut qu’il y ait déplacement de la particule. Ce concept déduit sur un cas très particulier va se révéler de fait complètement général.

(ii) force variable en position

Supposons maintenant que la force soit fonction de la position x (le cas d’une force élastique comme celle exercée par un ressort). Alors on ne peut plus « intégrer » la 2ème loi et obtenir quelque chose comme 4.1 directement. Par contre pour un déplacement infinitésimal dx, definissons le travail élémentaire δW fait par la force sur la distance dx. D’après 4.0 :

δW = Fa dx = m x&& dx

Maintenant au lieu de regarder v comme fonction de t, on peut la regarder comme fonction de x, la position, elle-même fonction de t, soit v(x(t)) de sorte que x&& peut se réécrire :

dxdvv

dtdx

dxdv

dtdv

x ===&&

Ainsi : Fa dx = m v dv

Page 3: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 3

Et encore : Fa dx = d (m v2/2) (4.5)

Si maintenant on considère le travail total fait par Fa lorsque la particule bouge de xi à xf (alors que la vitesse v passe de vi à vf), 4.5 fournit:

2i

2fa

fx

ixmv21

mv21

dxFW !="= # (4.6)

Donc apparemment l’idée se généralise bien à une force dépendant de la position : on voit que la variation d’énergie cinétique est encore égale au travail mais celui-ci est défini maintenant comme l’intégrale du produit de la force par le déplacement élémentaire. Si on est capable de faire cette intégrale, on obtient tout de suite la variation du carré de la vitesse de la particule entre deux positions sans avoir besoin de connaître le détail des positions intermédiaires.

(iii) Plusieurs dimensions

Le concept de travail se généralise à plusieurs dimensions en utilisant le produit scalaire.

Sous l’action de la force F, la particule se déplace de A à A’ en un temps dt. Le vecteur AA’ = dr si r est la position du point A. On définit le travail fait par la force F au cours du déplacement dr de la particule par :

δW = F ⋅ dr

ou le symbole . est le produit scalaire entre les deux vecteurs.

Si ds est la distance parcourue pendant dt et θ l’angle entre la tangente à la trajectoire et la force on a donc:

δW = F ds cos θ

Mais F cos θ est aussi la composante tangentielle FT de F donc :

δW = FT ds (4.7)

Le travail est donc aussi égal à la distance (ds) multipliée par la composante de la force dans la direction du déplacement (FT).

Note : Si F ⊥ dr (θ = π/2), le travail fait par la force est nul.

Exemples :

Ex. 1) Particule sur une orbite circulaire soumis à une force centripète Fn. Celle ci ne travaille pas.

tangente

trajectoire FT

F r

A A’ θ

0

Fn

v

Page 4: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 4

Ex. 2) La force F tire le bloc sur une table horizontale sans frottement. Le poids P et la réaction N (normale) sont ⊥ au déplacement et ne travaillent pas.

Avec cette définition du travail, retombons-nous sur la variation d’énergie cinétique comme étant égal au travail? Il y a deux façons de voir cette connexion :

La plus directe est de se rappeler la 2e loi de Newton pour un mouvement curviligne (voir partie III) qui indique que dans la direction tangente à la trajectoire:

FT = m dtdv

Ainsi δW = FT ds = m dtdv ds = m dv ⋅

dtds

= d (21 m v2)

[en utlisant la dérivation de la fonction composée v(s(t))].

Ainsi le travail total entre 2 positions (i et f) est comme précédemment égale à la variation d’énergie cinétique:

2i

2f

f

imv21mv

21dW !="= # rF (4.8)

Cette expression montre que le travail doit être défini comme produit scalaire de la force et du déplacement pour permettre la généralisation. Ce n’est pas superflu de voir cela d’une autre façon via un repère cartésien fixe (et non plus lié à la trajectoire).

En 3D, l’énergie cinétique Ec : Ec = 21 m ( 2

z2y

2x vvv ++ )

En dérivant cette expression par rapport au temps :

dtdEc = m (vx

dtdvx + vy dt

dvy + vz dtdvz )

Mais m dtdvx = Fx, la composante selon x de la force F agissant sur la particule. En

remplaçant :

dtdEc = F ⋅ v

P

F

N déplacement

Page 5: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 5

Le produit F ⋅ v est appelé « puissance » et c’est donc de la variation d’énergie cinétique par unité de temps. On lui a réservé une unité le Watt : 1 W = 1 J s-1 (souvent c’est la puissance qui est intéressante dans les applications : on veut changer l’énergie cinétique d’un système mais si on veut le faire vite, alors on a besoin d’une forte puissance). (Note : 1 kWheure = 1000 W × 3600 s = 3.6 106 J et c’est une unité d’énergie pas de puissance!).

Pour évaluer le changement d’énergie pendant dt, l’expression précédente donne :

dEc = F ⋅ v dt

mais v dt = dr le déplacement. En intégrant ensuite entre deux positions :

ΔEc = !f

i F ⋅ dr

et on retrouve le résultat précédent 4.8.

Energie potentielle

Pour introduire le sujet, considérons tout d’abord le travail dû aux forces de gravité dans le cas où g est un vecteur constant (on verra plus loin le cas général, dans le chapitre gravitation).

Le travail fait par le poids mg lorsque la particule passe d’une position 1 à une position 2 est :

W = !2

1

m g ⋅ dr

Mais dans le repère où l’axe Oz est choisi parallèle à g et vers le haut, g = !!!

"

#

$$$

%

&

' g00

et donc :

g ⋅ dr = - g dz et W = - mg (z2 – z1)

On s’aperçoit que : 21

22 mv21mv

21

! = - mg (z2 – z1)

Si z2 > z1, le travail du poids est négatif et va donc diminuer l’énergie cinétique de l’objet, ce qui est bien conforme à l’intuition (et inversement si z2 < z1).

Maintenant on en déduit aussi que la quantité mgzmv21 2 + est un invariant du mouvement,

appelé « énergie mécanique ». On arrive à ce concept d’invariance d’énergie le long de la trajectoire parce que le travail du poids ne dépend ici que des positions initiales et finales de l’objet et non pas des positions intermédiaires. On voit qu’il existe alors une quantité U = mgz

mg 1

2 z

Page 6: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 6

appelle énergie potentielle, fonction seulement de la position dont la variation ΔU = Uf – Ui est égale à – W.

WU !="

Notes :

1) L’énergie potentielle n’est définie qu’à une constante près ; par exemple l’énergie potentielle peut être prise comme égale à zéro à l’origine du repère ou à l’∞. Ce degré d’arbitraire n’a pas d’importance physique puisque seules les variations d’énergie potentielle interviennent lorsqu’on utilise ce concept.

2) Notez que la force F (dirigée selon z) voit sa composante selon z qui satisfait :

Fz = - dzdU

On dit qu’une telle force qui « dérive d’un potentiel est conservative.

3) Si la trajectoire est fermée, le travail d’une force conservative est nul. En effet comme la particule repasse au même endroit, son énergie potentielle n’a pas changé.

Cette idée de force conservative se généralise en plusieurs dimensions. Pour écrire en plusieurs dimensions que le travail d’une force conservative sur une trajectoire fermée est nul on écrit : 0d. =! rF . Si cela est vrai pour tous les contours fermés, on démontre alors que F = - ∇U où U est une énergie potentielle (donc un scalaire) fonction de la position d’un point (de coordonnées x,y,z) et ∇ l’opérateur vectoriel « gradient » qui est défini au travers de l’opération suivante sur U :

!

"U =#U#x,#U#y,#U#z

$

% &

'

( ) )

La composante selon x du vecteur ∇U,

!

"U"x

, est ce qu’on appelle la dérivée partielle de

U(x,y,z) par rapport à la variable x, mais comme il y plusieurs variables x, y et z, il faut être

précis :

!

"U"x

="U"x y,z

est défini comme la dérivée de U par rapport à x, lorsque les deux autres

variables y, z sont maintenues constantes, ce qui est indiqué par les indices y,z à droite de la barre verticale. Cet opérateur « gradient » joue un rôle très important en Physique. Réciproquement on peut démontrer que si la force F est le gradient d’une fonction scalaire U, alors le travail de cette force sur un contour fermé est nul et ce scalaire U est alors l’énergie potentielle associée. Pour résumer rappelons que dire que F est le gradient d’une fonction U par rapport à des variables d’espace ou dire que le travail d’une telle force ne dépend pas du chemin suivi (mais seulement du point de départ et d’arrivée) ou encore dire que la force est conservative, sont trois affirmations équivalentes1.

1 La démonstration de cette équivalence requiert plus d’analyse vectorielle avec l’introduction du rotationnel d’un champ de vecteurs et du théorème de Stokes.

Page 7: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 7

Non seulement la force gravitationnelle mais toutes les autres forces fondamentales en Physique qui agissent entre particules élémentaires (électron, proton, neutron etc …) sont conservatives. En revanche on verra plus loin que la force de frottement qui est une force macroscopique, c’est à dire la résultante de forces fondamentales entre des milliards et des milliards d’atomes ou de molécules en contact sur un élément de surface n’est pas conservative.

Applications

1. Le pendule

On prend un pendule, c'est-à-dire une masse ponctuelle m au bout d’un fil de longueur l. Comme vous avez vu, ça oscille et même si régulièrement qu’on en a fait des horloges. L’équation du mouvement du pendule sera vue plus loin mais voyons ce que les concepts d’énergie mis en place permettent déjà de dire :

Le poids s’applique sur la masse du pendule, mais cette masse décrivant un arc de cercle (de centre A et de rayon l), il existe une autre force centripète, la tension du fil T. Mais elle ne travaille pas puisque T ⊥ v. On a donc encore encore invariance de l’énergie mécanique (cinétique + potentielle).

Si la particule est lâchée sans vitesse initiale d’une altitude z0, alors:

mg z0 = 21 mv2 + mg z

soit : 21 mv2 = mg (z0 – z)

Notez sur la figure que AH = l cos θ0 et donc z0 = AB – l cos θ0 et donc z0 – z = l (cos θ - cos θ0).

Ainsi : v2 = 2 gl (cos θ - cos θ0) (4.9)

Ainsi quasiment sans effort on a la vitesse du pendule quelque soit l’angle θ ! Notez que cette vitesse est indépendante de la masse (toujours la conséquence de l’égalité entre masse inertielle et masse gravitationnelle).

Notes

1) Le mouvement est circulaire mais il n’est plus uniforme car le module de la vitesse v varie le long de la trajectoire. Il y a donc des accélérations tangentielles dv/dt. Vous savez aussi que

A

H

l T

v

θ0

mg z0

B « référence pour U »

Page 8: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 8

sur un cercle v = l !& , de sorte que 4.9 est aussi une équation différentielle permettant de calculer comment θ varie avec t. Si vous l’écrivez, vous verrez que l’intégrale à calculer ne rentre pas dans le catalogue de base des fonctions dont on connaît les primitives. Si θ0 est petit, on va voir plus loin que la 2 eme loi de Newton permet de trouver la solution plus facilement.

2) Le module de la vitesse v est toujours celui de la chute libre sauf que la direction du vecteur vitesse est maintenant contrainte à cause du fil (qui reste tendu).

3) L’énergie cinétique varie comme (cos θ - cos θ0) et donc | θ | < θ0 pour que v2 existe. En θ0, l’énergie potentielle est maximum et l’énergie cinétique est nulle.

Lorsque θ décroît vers 0, l’energie potentielle U diminue et l’energie cinetique EC augmente. En θ = 0, EC est maximum et U minimum. En ce point il n’y a plus de force tangentielle et donc d’accélération tangentielle. Mais à cause de sa vitesse la masse va continuer sur sa lancée. Ainsi la masse continue vers les θ < 0, elle échange alors son énergie cinétique au profit de l’energie potentielle : l’échange est total en θ = - θ0 et en ce point tournant, v=0 et la trajectoire rebrousse chemin et repart dans l’autre sens en reprenant exactement les mêmes vitesses aux mêmes positions etc… Le mouvement est périodique mais on n’a pas pour autant la période en fonction des paramètres du problème.

Sans vraiment résoudre le problème on peut trouver assez facilement de quoi peut bien dépendre la période. On voit qu’il y a trois paramètres dont dépend la solution θ(t) à savoir θ0, g et l. Donc forcément la période T doit dépendre de ces paramètres externes mais comment ? L’analyse dimensionnelle permet d’y répondre facilement ; l’angle θ0 est sans dimension donc T doit varier comme :

T = gα

où α et β sont des exposants à déterminer. En mettant les dimensions de g (= L T-2) et de l on obtient une équation aux dimensions :

T = Lα+β T-2α

De chaque côté du signe « = », il faut avoir les mêmes dimensions donc:

!

"+# = 02" = $1

% & '

ce qui donne " = $1/2 et # =1/2

et donc T est de la forme :

T = C (l/g)1/2

où C est une constante adimensionnelle qui reste seule à déterminer mais qui peut dépendre de θ0.

Ec max Ec

U max - θ0 θ0

θ

Page 9: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 9

Revenons à la 2 eme loi de Newton. Comme la particule est contrainte de se déplacer sur un cercle, la 2ème loi projetée dans la direction radiale (centripète) donne :

Tr – mg cos θ = mv2/l

La tension du fil Tr est obtenue en fonction de θ en remplaçant v2 en fonction de θ (par 4.9) :

Tr = mg (3 cos θ - 2 cos θ0)

La tension du fil vaut juste mg cos θ0 lorsque θ = θ0 puisque v et donc an (l’accélération centripète) sont nulles. Elle est maximum en θ = 0. Notez aussi que Tr s’annule pour cos θ = 2/3 cos θ0 ce qui voudrait dire que le fil n’est plus tendu. Mais cette position n’est jamais atteinte dans ce cas particulier car θ < θ0, et le fil reste toujours tendu. Le résultat est différent si on lance le pendule avec une bonne vitesse initiale parce que le pendule peut faire un tour complet et Tr éventuellement s’annuler. Il faut faire l’expérience pour voir ce qui se passe …

Finalement quelle est l’équation du mouvement ?

On peut tout d’abord dériver simplement l’équation de l’énergie 4.9 par rapport au temps :

!

2v dvdt

= "2gl sin# d#dt

mais v = l !& , donc l’expression ci dessus devient en fonction de la seule variable θ:

!

˙ ̇ " + gl

sin"= 0

qui est donc une équation différentielle du second ordre pour l’angle θ. Mais c’est intéressant de repartir directement de la projection de la 2 eme loi sur la direction tangentielle (et sur la figure).

m dtdv = - mg sin θ

Attention aux signes : ici et est dans la direction

de rotation où le mouvement se fait de gauche à droite (l’angle θ croit); l’accélération

tangentielle dtdv est négative car la composante du poids est –mg cos(π/2-θ) (la force

tangentielle a un sens opposé à et).

Comme v = l !&

On obtient : !&& + lg sin θ = 0 (4.10)

mg

et en

θ

Page 10: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 10

Cette équation 4.10 est assez effrayante et difficile à intégrer. A cause du sin θ elle devient non linéaire2. Mais on voit que si l’angle θ est petit, elle se simplifie beaucoup car sin θ ∼ θ et l’équation devient linéaire :

!&& + lg θ = 0 (4.10)

Elle est complètement identique à celle des oscillations de la masse au bout du ressort déjà traitée. La physique de ces deux problèmes est donc identique. 4.10 admet alors des solutions périodiques de la forme cos ωt et sin ωt où ω2 = g/l et le mouvement est périodique de période T = 2 π (l/g)1/2 et la constante C vaut donc juste 2π.

Pour conclure, on peut gagner beaucoup dans la compréhension physique d’un problème en considérant le concept d’énergie et en utilisant ici son invariance. Ca ne remplace pas la 2 eme loi mais c’est un point de vue complémentaire.

2) Le ressort

On a vu précédemment qu’il existe une fonction énergie potentielle U qui exprime que le travail de la force de gravité ne dépend que du point initial et final de l’objet considéré.

Considérons la force élastique exercée par un ressort.

Ici la force est dirigée vers les x < 0 car le ressort a été allongé vers les x > 0.

Le travail de cette force entre deux points xi et xf est simplement :

W = - !fx

ix

kx dx = 2f

2i xk21

xk21

!

Encore ici le travail ne dépend que de xi et xf et on est amené à introduire l’énergie potentielle élastique :

cst k x21

U 2 += (4.11)

et ΔU = Uf – Ui = - W

donc c’est exactement pareil que pour la gravité et 4.11 définit l’énergie potentielle élastique associée avec les forces de contact mécanique entre les diverses parties du ressort. U est grand si x est grand que le ressort subisse une compression ou une élongation par rapport à x=0, la position du ressort au repos,.

Dans notre analyse du mouvement de la masse rappelée par un ressort dans la partie 3, on était arrivé par une voie assez détournée à une fonction adimensionnelle v2 + x2 qui était

2 La somme de deux solutions de l’équation n’est plus solution.

Fx = - kx

x

Page 11: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 11

conservée au cours du mouvement. On découvre ici que ce n’est pas autre chose que l’invariance de l’énergie cinetique + potentielle « ½ mv2 + ½ k x2 », qui en était la cause.

Note : Ici aussi on peut écrire la force comme la dérivée de U car : Fx = - dU/dx avec les expressions Fx et U.

3) Utilisation plus générale de la notion d’énergie potentielle

Si une force conservative d’origine quelconque agit sur un corps, celui-ci conserve son énergie totale (ici mécanique).

Ecin + U(x) = Eméc (4.12)

où U(x) est l’énergie potentielle, fonction de la position x (cas à une dimension).

Imaginons que la fonction U(x) soit connue. Par exemple : La courbe ci dessus pourrait représenter l’énergie potentielle de gravitation associée avec un manège type montagnes russes où le wagonnet est contraint à glisser sans frottement sur des rails. Sur ce diagramme, la force est donc – U’ dessinée par des flèches horizontales bleues. Supposons que le niveau d’énergie totale Emec soit la droite . La différence entre Emec et U est l’énergie cinétique (la double flèche rouge ) à la position x. La particule se déplaçant sur la droite avec Emec = constante, voit son énergie cinétique et donc sa vitesse changer selon les variations de U où elle se trouve. Supposons qu’elle aille vers la gauche de A vers B (vers les x < 0) : on voit que quand elle arrive dans la « dernière montée », U = Emec en B. Peut-elle continuer ? Non c’est une barrière car Ecin est un carré donc > 0. Sa vitesse est nulle en B et elle ne peut pas traverser B. Alors elle s’arrête en B ? Non car la force n’est pas nulle (puisque U’ ≠ 0) et elle repousse la particule en l’accélérant vers les x > 0. On dit que B est un point tournant.

Considérons une autre valeur de l’énergie totale, ici le niveau . Le mouvement n’est possible qu’entre C et D puisqu’on doit avoir :

Emec ≥ U

La discussion précédente montre tout de suite que l’on doit avoir un mouvement périodique de la particule entre les deux points tournants C et D. Finalement l’énergie mécanique peut être juste égale à U aux minima locaux de U (ici E et F). Alors la vitesse est nulle mais qui plus est l’accélération est nulle puisque la force (-U’) est nulle. Ce sont des points d’équilibre.

U(x)

Emec

Emec

B

C

A

x E

D F

EC G

Page 12: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 12

Mais c’est la même chose pour G le maximum de U. Et pourtant il y a quelque chose de fondamentalement différent qui est aussi lisible sur la figure. A savoir qu’à un minimum (E,F) si on écarte la particule de l’équilibre, la force la ramène vers son point d’équilibre. Ce n’est pas le cas pour un maximum tel que G où on voit tout de suite que les forces amplifient une petite perturbation autour de l’équilibre. Le dessin montre que la stabilité dépend en fait du signe positif de la dérivée seconde U’’ au point d’équilibre. Inversement si U’’<0, l’équilibre est instable.

Ce diagramme d’énergie potentielle permet d’avoir une vision qualitative et complète du mouvement de la particule selon la valeur de son énergie totale. Si l’énergie totale est forte, elle peut se libérer et partir à l’∞. Avec un peu moins d’énergie, elle va osciller de façon périodique. Finalement son énergie minimale correspond aux équilibres stables du système.

Cette « physique qualitative » fournie par la connaissance du diagramme de l’énergie potentielle est d’une importance considérable car elle permet d’avoir une vision globale de l’ensemble des possibilités physiques. Les trajectoires ne sont pas calculées en fonction du temps mais leur nature (équilibre stable ou instable, oscillations ou échappement à l’∞) sont prédites. Une application majeure sera faite pour le mouvement des planètes.

Conservation de l’énergie

(i) Travail fait sur un système

Considérons un objet (ou un système d’objets) soumis à une force extérieure (c'est-à-dire exercée par des objets extérieurs au système considéré).

Le travail de la force extérieure n’est pas autre chose que de l’énergie transférée (ou soustraite) au système.

Le travail d’une force extérieure va changer l’énergie mécanique du système :

W = Δ Emec

Ex.1) Lorsqu’on comprime ou tend un ressort, on augmente son énergie potentielle en faisant du travail positif sur le ressort.

Ex.2) Si vous montez une valise sur une étagère dans le train, votre travail augmente l’énergie potentielle de la valise (en fait c’est plutôt l’énergie potentielle du couple terre-valise).

⇒ système

système ⇐

W > 0

W < 0

ici on transfère de l’énergie au système par un travail > 0

ici on enlève de l’énergie au système par un travail < 0

Page 13: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 13

Pour l’instant on a vu deux formes d’énergie, cinétique et potentielle. Y a-il d’autres formes d’énergie?

(ii) Le travail des forces de frottement Vous déplacez un livre de masse m sur une table horizontale d’un point A à un point B. Au cours du déplacement, la force de frottement est constante égale à µCN= µCmg et donc le travail de cette force est juste W’=-µCmg.L(A→B) où L(A→B) est juste la longueur du chemin pour aller de A à B. Mais la longueur de ce chemin dépend des endroits par lesquels le livre est passé et donc le travail dépend du chemin : la force de frottement n’est pas conservative et il n’y a pas d’énergie potentielle associée.

(iii) Forces de frottement et énergie interne

Vous lancez le livre sur la table avec une certaine vitesse initiale. Il s’arrête et vous faites le bilan d’énergie : les seules forces (qui travaillent) sont maintenant les forces de frottement f entre table et livre dont le travail W’ est négatif :

W’ = Δ EC (car ΔU = 0, table horizontale)

où encore : ΔEC – W’ = 0

Peut on quand même définir une forme d’énergie avec le travail des forces de frottement ? En fait, tout le monde l’a noté en frottant son doigt sur une table : la sensation de chaleur associée vous révèle qu’une autre forme d’énergie est présente, l’énergie thermique. Celle-ci est de l’énergie interne associée aux mouvements aléatoires des molécules composant les objets en interaction (ici le livre et la table). Ces mouvements augmentent lors du glissement relatif entre les deux surfaces en contact. Cette augmentation se traduit par une variation de l’énergie cinétique (et potentielle) des molécules soumises aux forces moléculaires et la notion de température est associée à l’existence de cette énergie interne de mouvements à l’échelle moléculaire. L’énergie cinétique n’a donc pas disparu mais a été transformée en énergie interne à l’échelle moléculaire. Mais si on réinterprète W’ comme - ΔEINT, on récupère une invariance de l’énergie :

ΔEC + ΔEINT = Δ(EC +EINT) = 0

où au cours de la transformation, l’énergie cinétique a été perdue au bénéfice de l’énergie thermique interne. On voit tout de suite que cette énergie interne n’a pas été acquise que par le livre mais aussi par la table donc c’est l’ensemble du système table + livre qu’il faut considérer pour exprimer l’invariance de l’énergie. Cette invariance de l’énergie traduit le premier principe de la thermodynamique. Ainsi la grande différence avec les forces précédentes (gravité/élastique) est que, vu d’un point de vue macroscopique (sans regarder le détail des mouvement moléculaires), les forces de frottement ne sont pas conservatives, la force macroscopique de contact « ne dérive pas » d’un potentiel et le travail dépend du chemin suivi. Mais attention comme on l’a dit, ceci apparaît uniquement à cause de notre « vision floue » du mouvement des molécules en contact.

(iv) La conservation de l’énergie

A

B

Page 14: 4 partie Energie et Travail

Mécanique Physique (S2) 4ème partie – page 14

L’argent circulant d’un compte bancaire à un autre est une bonne illustration du transfert d’énergie entre des systèmes matériels (si on ignore cependant la création ou destruction de monnaie, il y a conservation de la masse monétaire). L’énergie peut changer de forme, on en a vu plusieurs, mais pour un système isolé, la somme de l’énergie sous toutes les formes possibles est constante :

csteEUE intpotcin =++

Si en revanche l’environnement exerce un travail W (via une force extérieure) sur un système alors le transfert d’énergie entre l’environnement et le système s’écrira :

W = ΔEC + Δ Upot + Δ Eint

Toutes ces formes d’énergie sont-elles équivalentes ? Non elles ne sont pas équivalentes : la présence parfois accablante des forces de frottement à notre échelle macroscopique nous indique qu’un pendule mis en mouvement finit par s’arrêter, qu’une boule qui roule finit par stopper, qu’une balle de tennis qui rebondit sur le sol rebondit à chaque fois moins haut pour finir au repos. De façon plus tragique une voiture qui s’écrase contre un mur montre combien il est facile de faire disparaître l’énergie mécanique au profit de l’énergie interne moléculaire mais l’inverse ne se produit pas : bien qu’il y ait conservation de l’énergie, on n’arrive pas à faire monter une balle de tennis en la chauffant : l’ordre ne revient pas spontanément du chaos moléculaire. Dans tous ces exemples on note une direction dans l’évolution des phénomènes naturels : l’énergie mécanique est consommée au profit de l’énergie interne. Cette irréversibilité donne une direction à la flèche du temps. Il faudra attendre Carnot au 19ème siècle et son célèbre article « De la Puissance motrice du feu » pour comprendre comment le chemin inverse (transfert d’énergie thermique en énergie mécanique) peut être parcouru. Cela a été le départ de la thermodynamique et l’élaboration du 2 eme principe, une branche fascinante de la Physique.