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> Xavier Baron L a formation et le perfectionnement des managers constituent une préoc- cupation constante pour les équipes de direction des entreprises. C’est aussi un véritable « fromage » pour les consultants et les formateurs. Le fait que les popula- tions se renouvellent ou encore que les conditions d’environnement évoluent per- met de comprendre l’importance des pra- tiques dans ce domaine. L’existence de pratiques souvent perçues comme inadap- tées, coûteuses et pourtant récurrentes suggère un effort de compréhension qu’éclaire la notion de « managérialité ». On peut parler de « managérialité » comme on parle de parentalité (1) . On est homme ou femme mais on ne devient père ou mère que parce que l’enfant paraît. On accède à la parentalité par la pratique. Mais la seule présence de l’enfant ne fait pas tout et l’on voit bien que beaucoup reste à faire pour être un « parent accep- table » (la perfection n’est pas dans notre registre). Il ne suffit pas plus, et sans doute de moins en moins, de « nommer » un encadrant pour « faire » un encadrant. La délégation de pouvoir est nécessaire mais non suffisante. Entreprise et encadrant ont, ensemble, un problème à gérer. D’un côté, la vie quotidienne de l’entre- prise n’est possible que si le management fonctionne. Il faut que les « codes » soient partagés, les consignes transmises correc- tement et rapidement, les informations remontées. Les objectifs doivent être com- pris et acceptés, et l’autorité exercée au bon niveau, c’est-à-dire le plus décentralisé possible, pour que le travail soit bel et bien transformé en performance. De l’autre, on voit combien il peut y avoir de malaises, de risques de conflits sociaux, de dépenses d’énergie, de stress, voire de souffrances si les encadrants, au- delà d’un minimum de loyauté, ne sont pas solidaires de leur organisation et (donc) de la direction. Quel que soit le contexte, il s’agit pour les personnes d’opérer une véritable conversion individuelle. Elles doivent pas- ser d’un rôle (ou identité) à un autre, puis d’un rôle « joué » à un rôle « habité ». Cette conversion se réalise dans des contextes sans cesse renouvelés. Le management s’applique à une réalité d’hommes et d’ac- tivités qui changent très vite. Manager, c’est exercer un pouvoir en empruntant des modalités et en utilisant des leviers. Ces derniers évoluent par l’extension de l’usage managérial croissant de la norme. Faire le manager ou devenir manager ? Etre nommé et devenir manager, volon- tairement et loyalement, consiste tout à la fois à s’inventer autre et à rester soi. « Jouer » ou « habiter » son rôle d’encadrant ? IL NE SUFFIT PAS DÊTRE NOMMÉ À UN POSTE À RESPONSABILITÉ POUR SAVOIR LEXERCER. CELA EXIGE UNE VÉRITABLE CONVERSION, RENDUE MALAISÉE PAR LÉVOLUTION DU MANAGEMENT . Xavier Baron est consultant en ressources humaines, expert en relations sociales, enseignant et formateur. Ancien direc- teur de pôle d’études à Entreprise et Personnel, et responsable RH en entreprises, il est l’auteur de nombreux articles et travaux de recherche. www.xavierbaronconseilrh.com Dossier Mars 2010 L’Expansion Management Review 24 EMR136_DOS2_p24-37.qxp 4/03/10 12:41 Page 24

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> Xavier Baron

L a formation et le perfectionnementdes managers constituent une préoc-cupation constante pour les équipes

de direction des entreprises. C’est aussi unvéritable « fromage » pour les consultantset les formateurs. Le fait que les popula-tions se renouvellent ou encore que lesconditions d’environnement évoluent per-met de comprendre l’importance des pra-tiques dans ce domaine. L’existence depratiques souvent perçues comme inadap-tées, coûteuses et pourtant récurrentessuggère un effort de compréhensionqu’éclaire la notion de « managérialité ».

On peut parler de « managérialité »comme on parle de parentalité (1). On esthomme ou femme mais on ne devient pèreou mère que parce que l’enfant paraît. Onaccède à la parentalité par la pratique.Mais la seule présence de l’enfant ne faitpas tout et l’on voit bien que beaucoupreste à faire pour être un « parent accep-table » (la perfection n’est pas dans notreregistre). Il ne suffit pas plus, et sans doutede moins en moins, de « nommer » unencadrant pour « faire » un encadrant. Ladélégation de pouvoir est nécessaire maisnon suffisante. Entreprise et encadrant ont,ensemble, un problème à gérer.

D’un côté, la vie quotidienne de l’entre-prise n’est possible que si le managementfonctionne. Il faut que les « codes » soient

partagés, les consignes transmises correc-tement et rapidement, les informationsremontées. Les objectifs doivent être com-pris et acceptés, et l’autorité exercée au bonniveau, c’est-à-dire le plus décentralisépossible, pour que le travail soit bel et bientransformé en performance.

De l’autre, on voit combien il peut yavoir de malaises, de risques de conflitssociaux, de dépenses d’énergie, de stress,voire de souffrances si les encadrants, au-delà d’un minimum de loyauté, ne sontpas solidaires de leur organisation et(donc) de la direction.

Quel que soit le contexte, il s’agit pourles personnes d’opérer une véritableconversion individuelle. Elles doivent pas-ser d’un rôle (ou identité) à un autre, puisd’un rôle « joué » à un rôle « habité ». Cetteconversion se réalise dans des contextessans cesse renouvelés. Le managements’applique à une réalité d’hommes et d’ac-tivités qui changent très vite. Manager,c’est exercer un pouvoir en empruntantdes modalités et en utilisant des leviers.Ces derniers évoluent par l’extension del’usage managérial croissant de la norme.

Faire le manager ou devenir manager ?

Etre nommé et devenir manager, volon-tairement et loyalement, consiste tout à la fois à s’inventer autre et à rester soi.

« Jouer » ou « habiter »son rôle d’encadrant ?

IL NE SUFFIT PAS D’ÊTRE NOMMÉ À UN POSTE À RESPONSABILITÉ POUR SAVOIR L’EXERCER. CELAEXIGE UNE VÉRITABLE CONVERSION, RENDUE MALAISÉE PAR L’ÉVOLUTION DU MANAGEMENT.

Xavier Baron est consultant en ressources humaines, expert en relations sociales, enseignant et formateur. Ancien direc-teur de pôle d’études à Entreprise et Personnel, et responsable RH en entreprises, il est l’auteur de nombreux articleset travaux de recherche.www.xavierbaronconseilrh.com

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Traiter de cette conversion d’une manièremaîtrisée suggère de s’appuyer sur desacquis de la sociologie et des sciences del’éducation, en l’occurrence le conceptd’acteur et le concept d’identité.

L’acteur. Le succès de ce concept, apparuvia la sociologie des organisations (2), est telqu’il est passé dans le langage courant. Ondit par exemple que « le salarié est acteurde son projet professionnel ». Le conceptsouligne d’abord une capacité d’action,dite stratégique, non nécessairement etnon spontanément convergente avec lesbesoins de l’employeur. Les salariés ontdes capacités de calcul rationnel et demobilisation de stratégies individuellespour maximiser leurs enjeux positifs etminimiser les enjeux négatifs pour eux. Ducôté de l’entreprise, intégrer le conceptd’acteur permet une meilleure reconnais-sance d’une « individualité agissante »selon diverses sources de pouvoir et uneacceptation des jeux de pouvoirs.

Le rapport de subordination reste, maisdans le cadre contractuel et juridiqued’une « servitude volontaire » (Etienne deLa Boétie). Les rapports de pouvoir restenttoujours déséquilibrés en faveur de l’em-ployeur, mais ils ne sont pas univoques.Quand le management intègre le fait queles salariés sont des acteurs, en situationde rôles, disposant de pouvoirs et d’unecapacité à mobiliser des stratégies, ilaccepte en même temps d’aménager despositions pour des acteurs qui jouent leursrôles, mais également des espaces pourqu’ils les aménagent, les habitent. Ils n’ensont pas prisonniers. Un acteur agit, il estlibre, partiellement !

L’intégration de fait de ce concept engestion n’est pas qu’un hommage renduaux sciences sociales. Les capacités d’ana-lyse, de réflexivité, de réactivité, d’autono-mie que permet de prendre en compte ceconcept sont aussi des leviers de la perfor-mance. Pour autant, le succès du conceptrepose sur une ambiguïté. Etre acteur, c’est

aussi, métaphoriquement, jouer un rôle,porter un masque, comme dans un théâtre.Et chacun sait qu’un rôle peut être « decomposition ».

En entreprise, on ne « fait pas le cadre ».On l’est par un statut. Par contre, on peut« faire le manager », on peut jouer au chef,comme on joue enfant aux cow-boys etaux Indiens ! Jouer un rôle de ce point devue est toujours possible. Or, les psycho-logues et les sciences de l’éducation nousapprennent que gérer durablement une

distance entre soi et le rôle joué supposeune dépense d’énergie (non focalisée surune production de valeur, sur des actionsutiles…), une « tension » d’autant plusimportante que l’on se sent décalé, dansl’inconfort d’avoir à porter sans cesse unmasque, d’être un « imposteur ».

L’identité. Il est alors intéressant de mobi-liser le concept d’identité, concept à lamode, discuté dans différents espaces dessciences sociales. Nous nous appuieronssur celui forgé par Claude Dubar (déve-

« Fabriquer » des managers est unproblème récurrent des entreprises. C’est quece « métier », dont la finalité est de trans-former le travail des autres en performance,s’acquiert davantage par la pratique que parl’accumulation de connaissances.

Ce processus d’apprentissage se réalisevia une transformation de l’identité de celui qui l’exerce. Le rôle de l’encadrant évolueavec le contexte dans lequel il se meut.

L’usage croissant de la norme dans le management en lieu et place de la classiqueréférence à la règle l’engage et l’exposeaujourd’hui bien davantage.

Les points forts

> (1) Nous empruntons cette notion à Eric Delavallée, déve-loppée dans « Il ne suffit pas d’être manager pour mana-ger », L’Expansion Management Review, n° 123, hiver 2003.> (2) Michel Crozier et Erhard Friedberg, L’Acteur et le sys-tème, Seuil, 1977.

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loppé également par Jean-Michel Barbier),pour qui l’identité est « double » et dyna-mique.

L’identité (3) est double car elle est à la fois personnelle et sociale. Personnelle,« biographique », mon identité est ce queje pense que je suis, c’est l’identité pour soi. Sociale, « relationnelle », elle est ce queles autres pensent et disent que je suis, c’est l’identité pour autrui.

L’une se nourrit de l’autre. « Ce que jepense que je suis » est fonction de ce queje crois que les autres pensent de moi, dece que je crois que les autres voudraientque je sois. L’identité est ainsi définiecomme une relation dialogique (moi etles autres), dynamique (aujourd’hui etdemain) et en évolution. L’identité de cha-cun connaît des continui-tés mais également desruptures, du fait de pro-jets personnels commedes pressions de l’envi-ronnement.

Un concept double…« J’habite » aisémentmon rôle quand je réus-sis à la fois :w à rendre cohérent, ou au moins compa-tible, ce que je suis (l’idée que je me fais dece que je suis) avec ce que je devrais être(l’idée que je me fais de ce que je devraisêtre). En mode dégradé, je suis dans l’idéeque « je ne suis pas bon! ». C’est l’identitépour soi, construite sur un mode person-nel et subjectif à l’aide de transactions (ou tensions identitaires) internes, entremoi et moi ;w et à mettre en congruence (4) ce que je suis avec ce que les autres pensent de moi.En mode dégradé, c’est l’idée cette fois que « les autres ne voient pas que je suisbon ! ». C’est l’identité pour autrui,construite sur un mode social et objectif(au sens de signes et de pratiquesconcrètes), à l’aide de transactions externesentre moi et les autres.

Dans les deux cas, il y a congruence s’ily a similarité de perception entre ce que lesautres et moi-même pensons que je suis. Jepeux habiter mon rôle sans dépense exces-sive d’énergie. Il y a divergence si ce n’estpas le cas, si je dois « jouer » un rôle decomposition.

Divergences ou congruences. J’habiteaisément mon propre rôle lorsque je suisbien ce que je devrais être (dimension stra-tégique ou de projet personnel), pour cor-respondre à mes attentes aujourd’hui et àce que je voudrais être dans le futur ;lorsque je suis à la hauteur (dimensionqualité ou d’adaptation personnelle) ; etenfin lorsque j’ai bien compris et analyséce que je veux être et faire en correspon-

dance avec ce que les autres atten-dent de moi (dimension « marke-ting » ou de projet professionnel).

Inversement, quand il y a diver-gence, je dépense de l’énergie. Si la distance est trop importante, jesuis susceptible de rencontrer uneforme de « souffrance éthique »(Laurent Davezies). Cette souf-france n’est pas que morale ouintellectuelle. Elle peut déboucher

sur des somatisations. Je développe alorsdes pathologies (Christophe Dejours).C’est notamment le cas si je suis en « inca-pacité d’agir » (Yves Clot) pour gérer(sinon réduire) ces « tensions ». Cetteimpossibilité d’agir s’entend en acte, oumême simplement dans l’impossibilitéd’en parler (François Hubault), produisantdes effets du même type.

Une dimension dynamique. L’identité etla congruence ne sont jamais acquises.Avec le temps, habiter mon rôle suppose

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> (3) Nous empruntons l’essentiel de ce qui suit à ClaudeDubar et Jean-Michel Barbier. Pour une discussion de ceconcept, voir Jean-Claude Kaufmann, Ego : pour une socio-logie de l’individu, Nathan, 2001, ainsi que les écrits d’AlainEhrenberg.> (4) Désigne une correspondance, une similarité entre l’ex-périence et la prise de conscience.

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L’identité est à la foispersonnelle et sociale.

L’une se nourrit de l’autre.

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que je réussisse à la fois à être sur une tra-jectoire correcte (entre ce que je pense êtreaujourd’hui et ce que je voudrais être dansle futur) et à être cohérent entre le subjec-tif et l’objectif (entre ce que je penseêtre aujourd’hui et ce je pense queje devrais être dans le futur dans lecontexte professionnel).

Je ne peux donc le vivre en affect positif que si j’assure lacongruence :w sur la dynamique, entre ce je queje pense être et ce que je pense queje devrais être (congruence interne).Si ce n’est pas le cas, je suis sur unetension d’adaptation pour réduire « ma »non-qualité (ou renforcer l’estime de moi),c’est la tension verticale dans le schéma;w et sur la dialogique, entre ce que je croisque l’on pense de moi et ce que je crois queles autres attendent de moi (transactions etcongruence externes), c’est la dimensionmarketing. On a ainsi des stratégies denotoriété, de réseaux, la recherche despostes ou des événements (certaines for-mations) qui « affichent » l’appartenance.

Le manager, « travailleur en miettes ».La référence à l’ouvrage de 1956 deGeorges Friedmann, Le Travail en miettes,n’est pas anodine. Il n’est plus ici question

d’une critique d’un tra-vail en miettes (alorscaractéristique de l’ou-vrier de chaîne) du faitde l’organisation et de la division excessive dutravail. C’est le travail-leur lui-même, le mana-ger en l’occurrence, quidoit composer avec unedivision de son propre

travail et donc souvent de lui-même.D’une part, il n’est que très rarement « uni-quement encadrant ». Il conserve une par-tie d’activité comme « professionnel » ouexpert. D’autre part, être manager n’estpas équivalent à être dirigeant. Il existeune division du travail managérial. Accé-der à la managérialité consiste à travaillersur sa propre identité pour la recomposer,c’est le résultat d’un processus identitairefait de transactions (entre moi et moi et

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Etre managern’est pas être

dirigeant. Il existeune division

du travailmanagérial.

Le schéma ci-dessous résume la dimensiondynamique, pour soi et dans le temps. Un

schéma similaire peut être dessiné en surimpres-sion. Il éclairerait, entre aujourd’hui et demain, ladimension dialogique entre moi et les autres,entre « ce que je pense être », par exemple, et« ce que je crois que les autres pensent de moi ».n

Sources et références : « Problématique identitaire etengagement des sujets dans les activités », in Construc-tions identitaires et mobilisation des sujets en formation,sous la direction de J.-M. Barbier, E. Bourgeois, G. de Vil-lers et M. Kaddouri, L’Harmattan, 2006.Claude Dubar, La Socialisation, Armand Colin, 2000(notamment le tableau page 113).Dominique Camusso, Les Plans de la formation, collec-tion Dynamiques d’entreprises, L’Harmattan, 2007.

Quatre dimensions pour une dynamique

Ce que je pense être aujourd’hui

Ce que je pense que je devrais être aujourd’hui

Ce que je voudrais être dans le futur

Ce que je pense que je devrais être dans le futur

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entre moi et les autres) et (donc) de ten-sions (aujourd’hui et demain). L’identitéest en relation directe avec des systèmesd’appartenance et de reconnaissance.Changer de « je », c’est changer d’apparte-nance, c’est être reconnu par les autrescomme appartenant à « nous » et donc sedistinguant d’« eux ».

Les pratiques de tutoiement ou de vou-voiement avec les collaborateurs ou lespatrons, les cadres et les non-cadres, l’as-sistante… sont des marqueurs de cetteappartenance. Le type de bureau, le fait dedisposer d’une voiture de fonction, le portde la cravate dans l’atelier, la cantinecadre… sont autant d’autres marqueurs. Siles signes et les pratiques de reconnais-sance cohérents avec mon rôle sont pré-sents, il y a congruence. Il peut alors yavoir plaisir (affect posi-tif). Mais s’il y a diver-gence, il y a souffrance(ou affect négatif) : je neme sens pas à ma place,je me sens (donc je suis)un imposteur, autrui merejette.

Manager enfin, c’estexercer du pouvoir. Celaexige de dire et penser« eux », à propos de ceux qui sont enca-drés, et « nous », à propos de ceux qui diri-gent. Par construction, devenir managerconsiste à opérer un déplacement identi-taire entre moi (toujours salarié commeeux, mais leur chef), « eux », les « salariéscollaborateurs », et donc « nous », lesmembres du corps d’encadrement, lesmanagers sinon la direction.

Devenir manager, c’est du boulot ! Onpeut apprendre à devenir manager parl’accompagnement et le coaching. Dans cedernier, il faut voir le plus souvent un rôled’appui de son propre encadrement (tuto-rat), une manière d’intégrer, de mettre enscène et de faire vivre la solidarité avec lenouveau « nous ». En cela, c’est moins un

vecteur de transmission de savoirs qu’unlevier d’appartenance et d’apprentissagepar mimétisme.

On devient également manager par laformation. Il est certainement possibled’améliorer la congruence via différentesstratégies pouvant relever :w de la formulation d’un projet personnel(orientation, autobilan, tests de personna-lité…);w d’un projet professionnel mobilisant del’orientation, de la formation et un envi-ronnement RH sur la durée ;w d’une adaptation par l’acquisition desavoirs particuliers (droit social, animationd’équipe, qualité…);w d’un élargissement de la culture profes-sionnelle (connaissance des produits, dumarché, de la stratégie de l’entreprise…);

w d’un rite initiatique, une consom-mation symbolique distinctive qui fournit, faute d’outils concrets, au moins une forme de légitimitéreconnue (un stage à Harvard pourles dirigeants, à HEC pour lescadres supérieurs, à l’INSEP pourles cadres moyens). Qu’importe cequi y est véritablement acquispourvu que l’onction y soit.

L’évidence selon laquelle il estpossible de former des managers ne vapourtant pas de soi (5). Henry Minzberg aen son temps spectaculairement « jetél’éponge » s’agissant de formation initialedes managers. En formation continue, ilest possible de s’appuyer sur les situationsréelles. La faible productivité incite cepen-dant à la prudence. Les observateurs s’ac-cordent en tout cas à reconnaître un effetindirect : la formation permet souvent auxmanagers de parler de leur travail, de ren-

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> (5) Voir, par exemple, dans Education permanente,n° 178, mars 2009, qui y consacre un dossier complet« Peut-on former à la fonction d’encadrement ? », l’inter-view d’Olivier Cousin ou encore la conclusion de PhilippeTrouvé sur la formation des encadrants intermédiaires :« L’importance des investissements des entreprises dansla formation de leurs encadrements n’a pas empêché lamodestie récurrente des résultats… »

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28 L’évidence selon laquelle

il est possible deformer desmanagers

ne va pas de soi.

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contrer des collègues. Les « outils »proposés sont ainsi bien moinsimportants que la consommationsymbolique et l’effet de reconnais-sance par les pairs.

Enfin, on est manager par la pra-tique. Il faut faire le manager pouravoir une chance de le devenir, cequi souvent revient à accepter dejouer un rôle avant de pouvoir l’habiter…L’autorité formelle est une chose. Elle peutêtre acquise en partie par statut, elle peutêtre « naturelle » (pour les personnalitéscharismatiques). Le pouvoir en est uneautre. Il ne se partage pas. Il se prend dansl’instant et dans la situation. Il s’exercedans la relation, c’est de la relation!

Selon notre définition, manager est une fonction d’entreprise. Sa finalité est de transformer le travail d’autrui en per-formance. Mais le manager n’est pas seulà manager. Il contribue à un système demanagement et compose avec d’autresmanagers, l’organisation du travail et lespolitiques de GRH. Il n’est pas un « miniPDG ». Le manager doit faire faire (chefd’orchestre), plus que faire ou laisser faire,et il doit éviter de faire « à la place ». Unmanager de niveau n peut être secondépar des managers intermédiaires de ni-veau n – 1. Il est lui-même encadré pard’autres managers (n + 1). Il y a ainsi une

division verticale, maiségalement horizontaledu travail de manage-ment. En effet, le mana-ger contribue à la per-formance avec d’autres(non-managers) commele contrôleur de gestion,le responsable RH, les

services achats ou logistiques… Tout pro-blème de management n’a donc pas néces-sairement pour source un déficit de com-pétences des managers eux-mêmes. Lesproblèmes peuvent se situer dans la répar-tition des rôles, l’organisation ou les pra-tiques de gestion des ressources humaines.

Selon Delavallée et Morin (6), parexemple, apprendre à manager n’est pastant apprendre à faire ce qu’on ne faisaitpas auparavant. Manager n’est pas pro-duire, mais ce n’est pas non plus diriger.C’est apprendre à faire ce que fait unmanager dans la vraie vie : résoudre desproblèmes, dans l’incertitude, sans enavoir le temps. Arbitrer entre des objectifsdivergents, avec une autonomie très rela-tive et des moyens limités. Bref, c’est fer-railler, faire des compromis, bricoler,relier… C’est toujours articuler différents

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L’autoritéformelle est unechose, le pouvoiren est une autre. Il ne se partage

pas mais se prend.

> (6) Eric Delavallée et Pierre Morin, Le Manager à l’écoutedu sociologue, Editions d’organisation, mai 2000.

Une articulation entre de multiples rôles

Collectif

Individuel

Animation d’équipe Pilotage d’unité

Performances

Coordinationavec l’extérieur

Personnes

Développementdes collaborateurs

Valorisation des ressources

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rôles (voir figure page précédente), sanspouvoir toujours choisir selon ses pré-férences, mais en fonction de la situationet des contraintes.

Ainsi, selon les cas, le manager privilé-giera ou jouera de l’animation d’uneéquipe (management tourné vers le collec-tif et les personnes), du pilotage de sonunité (tourné vers le collectif mais égale-ment les performances), de la valorisationdes ressources qui lui sont confiées (tournévers l’individuel et les performances), dudéveloppement de ses collaborateurs(management individuel et tourné vers lespersonnes) et, de plus en plus, en assurantla coordination avec l’extérieur (fonctionla plus « politique »).

Un prix à payer. Si la loyauté – spontanéeou contrainte – est exigible de tous lessalariés, elle est fonc-tionnelle pour les mana-gers… Il y a bien sûr desencadrants qui partagentles valeurs de l’entre-prise, admirent sincè-rement leurs patrons,sont confiants dans lestechniques mises enœuvre et convaincus del’excellence de l’organi-sation. Pour le sociologue, ce sont des« croyants positifs ». Leur adhésion et leurloyauté sont spontanées.

Mais il arrive souvent que la stratégie ne soit pas claire aux yeux des managers,que les produits soient peu nobles et lespatrons médiocres. Il arrive que les salariésdoutent des choix d’investissement et dela pérennité de l’entreprise. Il arrive qu’ilsperçoivent les politiques RH comme insuf-fisantes, inadéquates, injustes. Il ne restealors aux managers que le registre de la« croyance normative ». On n’y croit passur le fond, mais on accepte le discours, au besoin pour le relayer.

Si l’encadrant a un doute sur la qualitédu personnage qu’on lui demande de

jouer ou sur le scénario qu’il doit interpré-ter, il peut toujours refuser de jouer etdémissionner, mais certainement pas êtredéloyal. Parfois, la mutinerie sera la solu-tion choisie (7), mais clairement au risquede perdre, sinon le navire, au moins sonemploi et, à tout le moins, ses chances depromotions ultérieures. Sinon, il faut jouer,faire avec et faire comme si, avec d’autantplus d’efforts de conviction qu’on doitsusciter des comportements positifs chezles collaborateurs.

Les nouveaux leviers du management

Manager n’est pas simple. Et aujour-d’hui moins que jamais quand on constatel’érosion des schémas classiques d’exercicede l’autorité dans un monde où chaquepersonne revendique son individualité et

où le sens est à la peine. D’un côté,les « techniques » managériales ont inventé le recours à la normepour relayer une autorité souventdéfaillante, de l’autre l’extensiondu management par les normes faitpeser des exigences supplémen-taires sur les managers. Etre loyalne suffit plus, il faut en plus êtresolidaire ! A nouveau, cerner cetteévolution suggère de s’appuyer sur

des concepts adaptés, en l’occurrence denormes et de solidarité.

Le travail change. La production devientimmatérielle. D’un point de vue organisa-tionnel, le salarié est de plus en plus éloi-gné (temps, espace, épaisseur organisa-tionnelle…) du moment et du lieu de lavalorisation de son travail sur le marché.D’un point de vue gestionnaire et instru-mental, la dématérialisation emporte l’im-possibilité opératoire de dénombrer et demesurer la production. Il y a une décon-nexion entre l’effort et l’effet. Les résultats

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> (7) Voir David Courpasson et Jean-Claude Thoenig,Quand les cadres se rebellent, Vuibert, 2008 ; et JulietteGhiulamila, Cadres, la tentation du retrait, Lab’Ho, 2007.

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30L’extension dudomaine de la

norme fait peserdes exigences

supplémentairessur l’encadrement.

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ne peuvent plus être mesurés. On a cer-tainement là une cause profonde de ceproblème récurrent de reconnaissancequ’expriment les salariés alors même que l’exigence est accrue d’autant. Cetteproduction requiert en effet des salariésqu’ils mettent en œuvre toutesleurs compétences, qu’ils mobili-sent toutes leurs capacités pouratteindre les objectifs de l’organisa-tion qui les emploie (8).

La compétence exigée aujour-d’hui ne se limite pas à des savoirsacquis une fois pour toutes ou dessavoir-faire stabilisés. Elle intègredes savoirs être. Nous reprendronsici la définition proposée par Phi-lippe Zarifian (9). Pour lui, « ce que nousappelons compétence est la concrétisationdans les systèmes de gestion des res-sources humaines et de classification desentreprises, de ce que nous appelons puis-sance de pensée et d’action des personnes,des individualités ». La compétence estalors définie comme « une prise d’initia-tive et de responsabilité, avec succès, del’individu sur des situations profession-nelles de service, en partie événementiellesauxquelles il est confronté ; la faculté àmobiliser des réseaux d’acteurs autour desmêmes situations, à partager des enjeux, àassumer des domaines de coresponsabi-lité ; enfin une intelligence pratique dessituations qui s’appuie sur des connais-sances acquises et les transforment avecd’autant plus de force que la diversité dessituations augmente ».

La norme surpasse la règle. Normes etrègles ne s’excluent pas, c’est pour partieune question de vocabulaire (10). Les unescomme les autres s’imposent et régulent.Qui dit organisation dit « mise en ordre »et l’ordonnancement des systèmes de pro-duction peut être réalisé tout aussi bienpar des règles que par des normes. Sur leplan managérial pourtant, il y a une vraiedifférence.

La règle instrumente la subordination.Elle a démontré sa pertinence pour les acti-vités d’exécution (11). Elle dit quoi et com-ment faire, elle fixe le mode opératoirejusque dans le geste. Par exemple, desrègles d’accueil d’un client dans une

concession automobile :le commercial doit s’ap-procher du client poten-tiel, de sorte à lui ouvrirla porte en souriant… Larègle organise l’obéis-sance ! Outil central dutaylorisme, elle ne suffitplus. « On ne contraintpas des cerveaux », onne préjuge pas des rela-

tions, la dérive bureaucratique et la grèvedu zèle sont des réalités. C’est pourquoi,s’écartant du modèle militaire, la norme apris le relais, sans doute au moins depuisle début des années 90 (12).

La norme pousse plus loin la prescrip-tion pour atteindre les comportements au-delà des activités observables. Du coup,elle s’avère bien plus pertinente pour régu-ler les activités intellectuelles, information-nelles et relationnelles confrontées à desaléas permanents. Elle se veut la formula-tion, le plus souvent sur le mode de l’évi-dence, d’un consensus (au moins uneconvergence) qui définit à la fois le « nor-mal » et le « bon » (le souhaitable), lemieux étant même de plus en plus… lanorme (voir le kaizen, par exemple). Pardifférence avec la règle, la norme laisse lar-gement le quoi et le comment à l’initiative

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>>> (8) Voir Pierre Boisard, Le Nouvel Age du travail, HachetteLittératures, 2009.> (9) Le Travail et la compétence, entre puissance etcontrôle, PUF, mai 2009.> (10) Voir notamment l’article de Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, « Pour une approche sociojuridique de la produc-tion des normes dans les relations de travail », Droit social,n° 27, 1994.> (11) Voir les pages sur le taylorisme de Frederik Mispel-blom Beyer dans Encadrer, un métier impossible ?,Armand Colin, 2006.> (12) Voir Xavier Baron, « Avantages et risques de la ges-tion par les normes » (décembre 2008) et « De la peur etdu cynisme en entreprise, lequel est le plus productif »(janvier 2009), AEF.Info.

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La règle,pertinente

pour les activitésd’exécution,

organisel’obéissance.

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et à l’autonomie. Elle propose en généraldes étapes clefs, des outils. Elle explicitesouvent les responsabilités des différentsacteurs…, mais surtout elle dit le résultatattendu. Elle intègre des indicateurs quan-titatifs et qualitatifs pour l’évaluer dans le sens d’un progrèscontinu : par exemple,réaliser les entretiens an-nuels pour tous les sala-riés, non pas comme uneobligation (comme cellede respecter les limita-tions de vitesse du codede la route) mais de sorteà contribuer à « une miseà disposition de salariéscompétents et motivés ». Par analogie, il nes’agit plus simplement d’obéir à l’ordre,s’arrêter aux feux rouges ! Il est plutôtquestion de consentir volontairement àune conduite respectueuse des autres usa-gers, courtoise et apaisée (13).

Les salariés sont ainsi appelés à exploi-ter leur intelligence non seulement pourbien appliquer les règles, mais pour contri-buer au résultat, pour adopter les « bonnespratiques ». L’entreprise sollicite non seu-lement une subordination mais la per-

sonne tout entière. Elle veut des contribu-teurs engagés et impliqués. Elle requiert la mise en œuvre de leur liberté, de leurjugement au service de l’entreprise. Lesentreprises recherchent ainsi, pour la réa-lisation de leurs objectifs de coordination

et de contrôle (14), des modes derégulation plus « neutres » (la tech-nique, les compétences…) et/ouplus axiologiques (la « bonne pra-tique », les valeurs, la morale…)que les modes de régulation davan-tage juridiques (les règles d’ori-gine puissance publique, les objec-tifs, voire les conflits).

La norme se distingue de la règlecomme outil de gestion dans ce

qu’elle est le plus souvent « idéale », etrarement accompagnée d’une explicitationdes sanctions encourues. Ne pas (pouvoirou vouloir) respecter une norme n’en pré-

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> (13) Un spécialiste du droit, Robert Salais, cité parBonafé-Schmitt, indique par exemple que nous sommesbien en train de passer d’une régulation de type taylorienà une régulation de type négociatoire, au profit d’un parti-cipatif qui débouche sur l’édiction de moult règles (ounormes), microdécisions techniques et productiques. Pourfonctionner, cela suppose la construction, sinon préalableau moins progressive, d’accords consensuels entre indivi-dus et groupes sur les règles et conventions.> (14) Bonafé-Schmitt, op. cit.

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L’entreprise veutdes contributeurs

engagés etimpliqués. Elle

sollicite toute lapersonne.

P our Karen Ferguson, de Schneider Electric,« les leaders doivent être au cœur de la

transformation, car ils ont compris la vision et lapartagent avec les équipes, tout en apportant unevaleur personnelle ». Schneider Electric a fait lechoix de développer un programme de leadershipmondial, « bien que les pays aient des niveaux dematurité différents ». Le programme est construitsur des valeurs simples : être passionné, ouvert,direct et efficace. « Ces valeurs doivent être par-tagées puis intégrées dans le système de l’entre-prise. Chaque année, lors de l’entretien annuel,on ne regarde pas que ce que les salariés ont fait,mais aussi comment ils l’ont fait. Ce n’est pas liéqu’aux résultats, mais aussi aux comportements. »

Selon Richard Cuif, du groupe Devanlay : « Ilétait urgent de transformer la marque et l’espritde Lacoste. [Pour cela] nous avons introduit lanotion d’émotion dans tout ce que nous effec-tuons. » L’alignement en matière de valeurshumaines, de style, de qualité, de performances,a démarré avec l’ensemble des dirigeants despays. « Nous avons privilégié l’uniformité et l’uni-cité avec des déclinaisons en Chine, aux Etats-Unis, en Europe, etc. Dans ce cadre, mettre enavant les équipes et le management est un élé-ment clef. » n

Source : AEF.Info, dépêche 11808 du 31 mars 2009.

Deux tentatives de management par les valeurs

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sente pourtant pas moins un risque, maissous la forme d’une menace floue. Si lessalariés y ont trouvé des espaces d’expres-sion et de développement personnel, larecherche de coordinations moins bureau-cratiques, l’explicitation des pro-cessus dans des domaines flous et évolutifs ainsi que les efforts de mesure… ont été évidemmentbénéfiques à la performance desentreprises, notamment dans le ser-vice et la production intellectuelle.

Le management évolue (voirfigure ci-dessous) et, s’il faut se gar-der de toute généralisation « évolu-tionniste », on peut constater que lemanagement par les règles s’est enrichid’un management par les objectifs, dès lesannées 70, et emprunte déjà, depuis lesannées 90, à des formes de managementpar les compétences. La modernité secherche maintenant du côté d’un mana-gement par les valeurs.

L’enrôlement de la subjectivité. Managerne signifie décidément plus seulement« faire travailler », selon des règles prééta-blies et pour des résultats formalisés. Il nes’agit plus simplement d’obtenir disciplineet conformité dans une mise à dispositionplus ou moins « passive » d’une capacitéprédéterminée (des qualifications) pour

une durée limitée (15), en contrepartie d’unminimum de sécurité de l’emploi. Il s’agitde transformer le travail en performanceen obtenant les « bons » comportements.La nouveauté est dans le mixte : moins

d ’ o b é i s s a n c e e t d econformité aux règles,plus d’initiative et d’au-tonomie productive sou-plement encadrées pardes normes. Pour l’at-teinte d’objectifs non for-malisés, il s’agit d’ob-tenir que les salariéss’engagent et assumentsur des valeurs. L’enrôle-

ment de la subjectivité (16) est alors unlevier nécessaire à l’efficience de la pro-duction moderne, c’est-à-dire un systèmequi engage des « individus autonomes ».

Nous ne discutons pas ici des raisonscomme des limites de l’acceptation dessalariés quant à l’enrôlement de leur sub-jectivité. Notons simplement que se sentir

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Il s’agit de transformer

le travail enperformance en

obtenant les bonscomportements.

Formes du management

Résultats formalisés

Résultats non formalisés

Management par les objectifs

Management par les règles

Comportements prescrits

Comportements non prescrits

Managementpar les compétences

Management par les valeurs

Source : Delavallée, op. cit.

> (15) Laquelle évolue de manière spectaculaire. Voir XavierBaron, « Les temps changent », Metis, éditorial du15 décembre 2008 (http://metiseurope.eu/les-temps-chan-gent-_fr_70_art_28162.html), et « Fin des 35 heures, fin d’undroit inutile? », 15 décembre 2008 (http://metiseurope.eu/fin-des-35-h—fin-d-un-droit-inutile_fr_70_art_28164.html).> (16) Ce concept est issu de nombreux travaux, notam-ment de sociologues (Jean-Pierre Durand, Olivier Cousin,Danièle Linhart), de psychologues et médecins (ChristopheDejours) et d‘ergonomes (Yves Clot, François Hubault).

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interpellé pour toutes ses capacités, à lafois intellectuelles, physiques, relation-nelles et subjectives est certainement plusexigeant pour les personnes, mais éga-lement plus valorisant. Cela correspondclairement à des attentes croissantes dessalariés. Ils veulent être reconnus (au sensdes affects comme de leurs capacités stra-tégiques) dans cette « compétence élar-gie » dont ils disposent. Ils la revendiquentsouvent et recherchent des occasions de la mettre en œuvre, y compris dans l’es-poir de la monnayer.

La norme comme levier. Cet usage de lanorme comme moyen de l’enrôlement dela subjectivité est en même temps un levierde management efficacepour les encadrants. Carelle présente des atoutsmajeurs. La norme per-met la coordination et lecontrôle sans faire appelsystématiquement aucommandement. Ellecontourne la chargeconflictuelle de la pres-cription. Elle intègre unedose de « négociatoire », au-delà de l’exi-gence technique, tout en s’en réclamanttoujours. Elle s’affranchit de l’exigencepréalable de lois et règlements. Elle facilitel’exercice d’une autorité, parfois au nomsimplement des « bonnes pratiques » (ver-sion noble du « bon sens »), parfois souscouvert de valeurs. Elle fournit un relaisd’autorité en se réclamant d’une finalitéextérieure – « c’est au nom de la satisfac-tion du client que je vous le demande, paspour me faire plaisir ! ».

La gestion normative trouve aujourd’huiégalement sa déclinaison en GRH dans« la logique compétence ». Des normessont proposées aux salariés, sous forme deréférentiels de compétences en termes desavoir être, bien au-delà des savoirs et dessavoir-faire professionnels. On en trouvemême sur le respect des valeurs de l’en-

treprise, la priorité client, l’engagement…et la bonne humeur!

Un levier qui engage fortement lesmanagers. La mobilisation de la subjecti-vité des salariés engage les managers dansdes responsabilités nouvelles qui ne peu-vent être durablement assumées que s’ilsdisposent eux-mêmes d’une réelle capacitéd’action et d’un minimum de protection.Avec la production immatérielle, l’enrôle-ment de la subjectivité par le managementne peut être pensé que par rapport à uneressource humaine elle-même immaté-rielle. Par différence avec les ressourcesmatérielles, la ressource humaine n’est pasconsommée par son usage dans la produc-

tion. Elle peut être « usée », abîmée,mais elle peut aussi être dévelop-pée. La production ne peut pas êtredissociée des ressources humaines(comme c’est le cas avec la méca-nisation) et les managers ne dis-posent pas nécessairement descompétences nécessaires pourintervenir sur la ressource.

Quand l’encadrant intermédiairene fait que transmettre et interpré-

ter à la marge des règles « scientifiques etlégitimement édictées ailleurs », quandson pouvoir consiste à rappeler voireappliquer les sanctions attachées à la règle,il peut rester proche de ses équipiers/subordonnés, tout en étant loyal enversl’entreprise. Quand il doit manager avec etpar les normes, il assume et relaye néces-sairement des représentations du bien (lasatisfaction totale du client), du bon (lesbonnes pratiques), de l’idéal (toujoursmieux !). Il ne peut plus être uniquementcomptable de résultats simples etconformes à des règles. Le cercle vicieuxbureaucratique était une vraie protection.

Lorsque le développement de ces normes lui commande de servir plusieurs« dieux » en même temps (le client maisaussi l’actionnaire, l’éthique, le climatsocial, l’environnement…), il est nécessai-

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Quandl’encadrant

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logiques floues, il est exposé.

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rement partie prenante de compromis. Ilest impliqué dans des processus flous, desstratégies mouvantes pour des résultatsque l’on espère toujours meilleurs maisjamais satisfaisants pour autant. Il estexposé. S’il a une réelle capacité pour agir,il pourra trouver un vrai plaisir dans l’ac-complissement d’une œuvre qui porte samarque. Mais tel n’est pas toujours le cas.

Un nouveau style de management. Lafinalité du management change (en partie),le style aussi. Avec la gestion par lesnormes, il faut diffuser, mais surtout expli-quer, justifier et défendre des principes.C’est évidemment un travail plus fin quecelui qui consistait à rappeler les règles !

Il faut ensuite composer avec des normesd’autant plus fortes qu’il arrive souventque les uns (managers) et les autres (sala-riés) soient associés à leur élaboration.

Il est ensuite des registres qui ne sontplus autorisés. Quand le patron lui-mêmedoit appeler à la responsabilité indivi-duelle, mobiliser l’intelligence et l’autono-mie… jouer du « faites au mieux, je vousfais confiance » vis-à-vis de collaborateursparfois plus compétents que lui, la figurepaternelle ne fonctionne plus ! Quand lechef tâtonne visiblement, il ne peut plusjouer la stratégie incarnée.

Le management par les normes exigepar ailleurs une capacité d’agir d’autantplus décentralisée que l’on fait appel à

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Le management par l’autorité naturelle alliée austrict respect de la prescription réglementaire

(ce sont des marines !) connaît un archétype,Leroy Jethro Gibbs de la série NCIS. Il a toujoursraison (supériorité intuitive), souvent contre lesévidences qui trompent les autres. C’est une auto-rité « naturelle » non partagée, rapide à la sanc-tion. Craint et aimé de ses collaborateurs, il estconstamment dans le rappel des règles. Chef defamille, il écoute et valorise l’exploitation descapacités spécialisées de ses « collaborateurs/enfants ». Il est complaisant avec leurs comporte-ments infantiles reproduisant les schémas de rela-tions entre l’aîné (Di Nozzo), la cadette (Ziva) et lepetit dernier (Mc Gee ou Abby), voire de la figurede l’oncle scandaleux (Dr Malard), mais ne leurlaisse que très peu d’autonomie. Gibbs en figurepaternelle est le manager idéal dans un monde oùil n’y a que des règles justes (par définition) et oùles méchants le sont sans ambiguïté et sans appel(des fous ou des terroristes).

Le management par l’enrôlement de la subjec-tivité dans un monde de normes et de valeurs peuclaires, sur des « matériaux » humains, c’estGregory House. Il est génial, bien sûr, mais il setrompe tout le temps… avant de réussir. L’imma-ture, incapable de travailler seul, le sale gosse,

c’est lui. Il n’est pas bon et ne cherche pas à fairele bien. Il est indiscipliné et provocateur. Sa forcen’est pas dans sa vertu. Elle est dans sanévrose…

Mais quel manager! Un « activateur », mais quine prétend pas tout gérer. Un manager qui sait seservir des capacités des autres dans le systèmede l’hôpital. House joue de et avec Lizza Cuddy.House n’a rien d’idéal d’un point de vue moral ouidéologique. Il n’est même pas « efficient », seu-lement performant à l’aune des critères qu’il sefixe lui-même. Il tire le meilleur de ses collabora-teurs. Il tient compte de leurs motivations parti-culières (souvent en les « manœuvrant »), dansdes situations moralement complexes (le plussouvent ambivalentes). Foreman figure le rêveaméricain pour qui la médecine est une fin en soiet ne doit sa réussite qu’à son travail. Cameronest victime du syndrome messianique. Elle doitsauver pour être sauvée. Chase est un jeunebourgeois mais qui doit mériter sa place pours’accepter, quitte à être carriériste. House se sertde ces leviers subjectifs pour obtenir les résul-tats, mais sans jouer d’une domination affective.Paradoxalement, Gregory House gère, mais nemanipule pas.n

Dr House, manager idéal

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l’autonomie et à l’initiative. Ce qui est « àfaire » devient flou, interprétable et chan-geant, selon le contexte et les aléas. La res-ponsabilité du manager est plus fortementengagée. Quand « cela dépend », quand« cela se discute », « quand on ne peut pastrancher » contre le client au profit de l’ac-tionnaire ou en faveur de l’environnementmais contre les salariés… le manager nepeut pas plus se réfugier derrière les règlesque ses collaborateurs.

N’étant pas toujours lui-même si biengéré par ses chefs, il doit composer. Il estlui-même parfois peu soutenu mais tou-jours très contraint. Quand ses proprespatrons lui font le coup du « je vous faisconfiance, innovez »,mais lui reprochent aus-sitôt une erreur (le syn-drome Jérôme Kerviel?),l’urgence et l’injonctionde faire ne lui autorisentpas d’autre posturequ’un certain courage,un engagement (17). Il n’adécemment pas d’autrechoix que d’être solidairede l’entreprise. A défaut de le pouvoir enconscience, s’il ne peut même pas en par-ler, alors il lui reste à être mal, à se fairemal, voire à se rendre malade.

Pour les amateurs de séries télé, ce n’estplus Leroy Jethro Gibbs de NCIS mais le Dr Gregory House qui fait référencecomme modèle (voir encadré page précé-dente).

Des exigences de solidarité en retour.Si l’on voit bien ce que le nouveau mana-gement exige des « nouveaux managers »,les entreprises doivent prendre la mesureen retour de ce que cela exige d’elles. Laloyauté peut être univoque, au seul profitde l’organisation, simplement compenséepar une certaine sécurité. La solidarité est par définition réciproque. Selon le code civil français, il y a solidarité entredébiteurs s’ils ont engagé ensemble un

emprunt et sont tous responsables pourson remboursement. Le code civil stipuleégalement que « la solidarité ne se pré-sume point ; il faut qu’elle soit expressé-ment stipulée ». Elle doit résulter d’unemention explicite de la loi ou d’un contrat.

Emile Durkheim, dans De la division dutravail social (1893), reprend et développela notion de solidarité sociale en tant quelien moral entre individus d’un groupe oud’une communauté. Selon lui, pour qu’unesociété existe, il faut que ses membreséprouvent de la solidarité les uns enversles autres. Cette solidarité est liée à laconscience collective qui fait que tout man-quement et crime vis-à-vis de la commu-

nauté suscitent l’indignation et laréaction de ses membres. Il déve-loppe les concepts de « solidaritémécanique » et de « solidarité orga-nique ». Une société donnant lieu àde la solidarité mécanique tient sacohésion de l’homogénéité de sesmembres, qui se sentent connectéspar un travail, une éducation, unereligion, un mode de vie similaires.La solidarité mécanique se produit

normalement dans les sociétés tradition-nelles de petite taille. La solidarité orga-nique provient quant à elle de l’interdé-pendance qui est issue de la spécialisationdu travail et des complémentarités entrepersonnes que provoquent les sociétésmodernes, industrielles.

Si je choisis la solidarité avec « ceux d’enhaut » (les chefs, les dirigeants, les rationa-lités de l’organisation), encore faut-il, pourun deal correct, que certaines conditionssoient réunies. Si je choisis d’être solidaireavec mon entreprise, j’attends qu’elle lesoit aussi à mon endroit ! Il est bien ques-tion ici de solidarité de type « organique ».Celle-ci n’est pas fondée sur l’identité maissur l’interdépendance et les complémenta-

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Dossier

> (17) Des exemples des effets pervers de ce « dé-mana-gement » sont fournis par Alexandre des Isnards et Tho-mas Zuber, les auteurs de L’Open Space m’a tuer, HachetteLittératures, mars 2009.

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Pour qu’unesociété existe, il

faut que sesmembres soient

solidaires les uns des autres.

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rités. Cette solidarité renvoie à la proximitéet à la perception d’un avenir en commun.

Pour être solidaire comme manager, j’aibesoin d’une proximité avec les autresmembres de l’encadrement (physique et« idéologique »), j’ai besoin d’espaces dedialogue, de controverse professionnelle,j’ai besoin de vivre un minimum de « col-lectif » à ma main. Je dois également avoirune reconnaissance et l’assurance d’undevenir commun avec ma direc-tion, mes collègues encadrants… Infine, cela implique également pourles entreprises la nécessité de créerles conditions d’un développementdes compétences de manager.

L’organisation et mes initiativespersonnelles sont-elles susceptiblesde réunir les moyens d’habiter cerôle de manager (pouvoir, décision,marges de manœuvre…) de tellesorte que je sois en accord avec moi-même? C’est le « pouvoir être » manager.

Au moment de la promotion, ai-je inté-rêt à habiter ce rôle, autrement dit, à êtresolidaire avec la direction et non plus avecmes équipiers, mes collaborateurs ? Si jequitte une rive (une identité d’expert tech-nique parmi d’autres, par exemple) pourune autre (être manager), en quoi vais-je ytrouver un avantage subjectif et objectif ?C’est le « vouloir être » manager.

Qui a deux femmes perd son âme, qui atrois maisons perd la raison ! Tant que lagestion et le management reposent sur la

règle, dans un contexte social « démocra-tique et apaisé », la question du sens estl’affaire des directions. Devenir encadrantdemande alors un peu de loyauté, un peude duplicité… Il y a bien franchissementdu Rubicon, mais l’identité profonde peutn’être que modérément engagée.

Plus la gestion et le management repo-sent sur des normes (qui disent le « bon »),plus le travail du manager consiste à

« enrôler la subjectivitédes autres », au prix dela sienne propre, plus lacrise est susceptible defragiliser l’édifice…

Plus la prescriptionporte sur des comporte-ments, plus le non-res-pect des normes, inten-tionnel ou non, devienttransgression. L’insubor-

dination, le contournement ou le refus desrègles peuvent être nobles. Ils n’atteignentpas l’identité, ils peuvent même la renfor-cer. La non-atteinte d’objectifs (idéaux) esttoujours insuffisance personnelle. La trans-gression des normes (des valeurs) est tou-jours une faute morale. Elle est, à tous lescoups, subjectivement négative. Elle estculpabilisante pour soi-même. Elle entamel’estime de soi, corrode l’identité person-nelle ouvrant les vannes des modalités dedécompensation : le cynisme et la peur. Etnous savons bien que ceux-là, à leur tour,présentent le risque de la désaffection etdes pathologies du stress. n

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La transgressiondes normes

est toujours unefaute morale.

Elle estculpabilisante.

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