Électromagnétisme jean-marcel rax c … · les chapitres 1, 2 et 3 offrent une présentation de...

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Électromagnétisme Cours complet Principes et applications Exercices et problèmes corrigés JEAN-MARCEL RAX Milieux, structures, énergie LICENCE 3 & MASTER PHYSIQUE CAPES & AGRÉGATION ÉCOLES D’INGÉNIEURS

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Ce manuel vise à offrir aux étudiants en Licence 3 et Master de physique, aux candidats aux concours de l’enseignement et aux élèves des écoles d’ingénieurs, un cours moderne et complet d’électromagnétisme et d’électrodynamique dans la matière et les circuits.

Il est issu de nombreux cours enseignés par l’auteur principalement à l’ENS de Cachan (EEA), à l’École polytechnique, à l’École supérieure d’optique (Master-OSI) et dans les différentes filières de Physique fondamentale, Physique appliquée et EEA de l’université Paris XI (L3-M1-M2).

Les principes et applications de l’électromagnétisme sont présentés suivant quatre axes prin-cipaux : l’analyse des équations de Maxwell, la description des propriétés conductrice, diélec-trique et magnétique de la matière, l’étude des structures capacitives et inductives localisées et réparties, l’approfondissement de l’énergétique et de la thermodynamique de ces milieux et structures. De nombreux exercices et problèmes corrigés complètent ce cours.

Sommaire 1. Électrodynamiques micro/macroscopique2. Équations de Maxwell3. Sources, potentiels, énergie4. Milieux conducteurs5. Milieux diélectriques6. Milieux magnétiques

7. Capacités et inductances localisées8. Capacités et inductances réparties9. Énergies et puissances

10. Forces et contraintes11. Milieux en mouvement12. Exercices corrigés et formulaire

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ISBN : 978-2-8073-0693-6

JEAN

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CEL

RAX

Agrégé de physique, Jean-Marcel Rax est professeur à l’université Paris XI et à l’École polytechnique. Il a travaillé au laboratoire euro-péen JET à Oxford et au PPPL à Princeton où ses travaux originaux d’électrodynamique des plas-mas lui ont valu plusieurs distinctions dont le prix Plasma de la Société française de physique et la médaille d’argent du CNRS.

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récentes de l’électromagnétisme

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Électromagnétisme

• Cours complet• Principes et applications• Exercices et problèmes corrigés

JEAN-MARCEL RAX

Milieux, structures, énergie

LICENCE 3 & MASTER PHYSIQUE

CAPES & AGRÉGATION

ÉCOLES D’INGÉNIEURS

ÉlectromagnétismeMilieux, structures, énergie

JEAN-MARCEL RAX

9782807306936_LIM.indd 1 12/05/2017 11:59

Chez le même éditeur (extrait du catalogue)

Aslangul C., Mécanique quantique. 1. Fondements et premières applications. 2e éd.Aslangul C., Mécanique quantique. 2. Développements et applications à basse énergie. 3e éd.Aslangul C., Mécanique quantique. 3. Corrigés détaillés et commentés des exercices et problèmes. 2e éd.Basdevant J.-L., Introduction à la physique quantique. 2e éd.Basdevant J.-L., La physique quantique et ses applicationsBasdevant J.-L., 12 leçons de mécanique quantiqueBasdevant J.-L., Les principes variationnels en physique. 3e éd.Bécherrawy T., Optique géométriqueBiemont É., Spectroscopie atomique. Instrumentation et structures atomiquesBiemont É., Spectroscopie moléculaire. Structures moléculaires et analyse spectraleCérruti C., Physique. Les fondamentaux en Licence 1Champeau R.-J., Carpentier R., Lorgeré I., Ondes lumineuses. Propagation, optique de Fourier, cohérenceFruchart M., Lidon P., Thibierge E., Champion M., Le Diffon A., Physique expérimentale. Optique, mécanique

des fluides, ondes et thermodynamiqueGaltier S., Magnétohydrodynamique. Des plasmas de laboratoire à l’astrophysiqueGodet-Lartigaud J.-L., Introduction à la thermodynamiqueKrivine H., Treiner J., Exercices et problèmes de physique statistiqueLanglois D., Introduction à la relativité. Principes fondamentaux et conséquences physiquesLanglois D., Relativité générale. Concepts élémentaires et applications astrophysiquesMayet F., Physique nucléaire appliquée. 2e éd.Rieutord M., Une introduction à la dynamique des fluidesSator N., Pavloff N., Physique statistiqueTaillet R., Optique physique. Propagation de la lumière. 2e éd.Watzky A., Thermodynamique macroscopique

Image de couverture : © Istock/Anna OmMaquette et mise en pages intérieure de l’auteurMaquette et mise en pages de couverture : Primo&Primo

Dépôt légal :Bibliothèque royale de Belgique : 2017/13647/099Bibliothèque nationale, Paris : juin 2017ISBN : 978-2-8073-0693-6 Tous droits réservés pour tous pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie)partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de donnéesou de le communiquer au public, sous quelque forme ou de quelque manière que ce soit. © De Boeck Supérieur SA, 2017 - Rue du Bosquet 7, B1348 Louvain-la-NeuveDe Boeck Supérieur - 5 allée de la 2e DB, 75015 Paris

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Table des matières

1 Electrodynamiques micro/macroscopique 91.1 Espace-temps, masse et charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.2 De l’électrostatique à l’électrodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171.3 Echelles mésoscopique et cinétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211.4 Forces de Coulomb et Laplace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271.5 Conservation de la charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281.6 Théorèmes de Helmholtz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

2 Equations de Maxwell 352.1 Loi de Coulomb . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352.2 Loi de Biot et Savart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372.3 Théorème de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 382.4 Théorème d’Ampère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392.5 Loi de Faraday . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422.6 Courant de déplacement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472.7 Equations de Maxwell dans le vide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

3 Sources, potentiels, énergies 513.1 Sources surfaciques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 513.2 Potentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563.3 Densités d’énergies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613.4 Tenseur de Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

4 Milieux conducteurs 734.1 Equilibre : théorèmes de Coulomb . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 734.2 Transport : loi d’Ohm, effet Hall . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 764.3 Simples et doubles couches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 874.4 Temps de Langmuir et Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 924.5 Longueurs de London et Kelvin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 954.6 Déformations : théorème d’Alfvèn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

4 TABLE DES MATIÈRES

5 Milieux diélectriques 1055.1 Dipôle électrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1055.2 Force et couple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1105.3 Polarisation et déplacement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1125.4 Formule de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1165.5 Permittivité et dispersion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1195.6 Anisotropie et gyrotropie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

6 Milieux magnétiques 1316.1 Dipôle magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1316.2 Force et couple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1346.3 Magnétisation et induction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1366.4 Champs interne et démagnétisant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1416.5 Perméabilité et dispersion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1436.6 Aimantation rémanente et champ coercitif . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

7 Capacités et inductances localisées 1537.1 Déplacement, induction et propagation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1537.2 Couplages capacitif et inductif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1567.3 Lois de Kirchhoff . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1647.4 Puissances active et réactive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

8 Capacités et inductances réparties 1698.1 Modes TEM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1698.2 Equation de télégraphistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1748.3 Impédances localisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1828.4 Impédance ramenée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

9 Energies et puissances 1879.1 Variables intensives et extensives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1879.2 Effets strictif et calorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979.3 Densités d’énergies ARQP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2019.4 Théorèmes de Poynting . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2079.5 Théorèmes de Foster . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

10 Forces et contraintes 21710.1 Interactions capacitives et inductives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21710.2 Tension de Liénard et force de Kelvin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22510.3 Force diélectrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22810.4 Diélectrophorése . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23110.5 Pression pondéromotrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233

TABLE DES MATIÈRES 5

11 Milieux en mouvement 24111.1 Simultanéité électromagnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24111.2 Transformation de Lorentz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24411.3 Quadrivecteurs et tenseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24911.4 Electrodynamique dans le vide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25511.5 Electrodynamique des milieux continus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265

12 Exercices corrigés 275

Formulaire 309

Bibliographie 317

Index 319

Avant-Propos

Durant ces trente dernières années, les allégements successifs des programmes dephysique et géométrie du secondaire, répercutés aux niveaux L1/L2 et sup/spé, ontfait émerger la nécessité d’un cours moderne d’électromagnétisme, au niveauL3-Master, repositionnant et recadrant cette discipline pour les cursus universitaireset les écoles d’ingénieurs. La nécessité d’un cours rénové d’électromagnétisme classiqueest aussi apparu au regard du développement des applications de l’électromagnétismedes milieux et structures dans les domaines des technologies de l’information, del’énergie, mais aussi dans ceux des nanotechnologies, des biotechnologies et de l’envi-ronnement.

*************************************************************

Un certain nombre de compléments, signalés par deux rangées d’étoiles *****et caractérisés par l’utilisation de caractères italiques, sont proposés tout au long dutexte. Leur étude est inutile lors d’une première lecture. Ils peuvent donc être omissans nuire à la compréhension du texte principal. Le choix de les isoler de lacontinuité du texte principal est guidé par le fait qu’ils nécessitent une maîtrise, deniveau M1-M2, de concepts et méthodes tels que : la théorie des distributions, l’analysede Fourier, la théorie de la courbure, l’algèbre tensorielle, la physique statistique, lamécanique quantique et la mécanique lagrangienne. Une lecture des chapitres 1 à10, sans ces compléments, correspond à un niveau L3-M1 et la lecture descompléments et du chapitre 11 est accessible aux niveaux M1 et M2.

*************************************************************

Ces notes de cours, exercices et problèmes, ordonnés et présentés ici, sont issusde plusieurs cours enseignés, ces vingt dernières années, en France et à l’étranger,principalement à la Faculté des sciences de l’université Paris XI, à l’École normalesupérieure de Cachan, à l’École polytechnique, à l’École supérieure d’optique et pluspartiellement à l’ENSTA, à l’École supérieure d’électricité et à Centrale, dans le cadred’enseignements connexes à l’électromagnétisme.

8

Ce cours est structuré en 12 chapitres, 11 chapitres de cours complétés par desexercices et problèmes corrigés.Les chapitres 1, 2 et 3 offrent une présentation de la construction historique des

équations de Maxwell. Partant de ces équations de Maxwell dans le vide, les chapitres4, 5 et 6 étendent cette description aux milieux conducteurs, diélectriques et ma-gnétiques. Ces milieux sont ensuite assemblés en structures capacitives et inductivesétudiées dans les chapitres 7 et 8. Les chapitres 9 et 10 proposent un approfondisse-ment de l’énergétique et de la thermodynamique de ces champs, milieux et structures.La généralisation des résultats des chapitres 5 et 6 aux milieux en mouvement est pré-sentée au chapitre 11 dans un cadre relativiste.Des exercices et problèmes ( ) et leurs corrigés (•) sont proposés au chapitre

12, ainsi qu’une bibliographie, un formulaire de géométrie et d’analyse et un indexen fin d’ouvrage.

Orsay/Palaiseau, Mai 2017

Cet ouvrage est dédié à la mémoire de mes grands-parents.

Chapitre 1

Electrodynamiquesmicro/macroscopique

‹‹Ainsi les livres m’enseignèrent la composition. Non ce qu’il y avait écrit dedans, mais leslivres mêmes, leur existence physique. On apprend beaucoup du rangement des livres, vousvoyez, je ne parle plus du tout de ce qu’il y a entre les pages de couverture, mais seulementdu côté sensuel.››Les Deux Morts de ma Grand-Mère, A. Oz

1.1 Espace-temps, masse et chargeAu-delà des catégories fondamentales de qualité et quantité, nous devons à la physiqueantique, et en particulier à Aristote, la distinction fondamentale entre (i) l’espace etle temps, d’une part, et (ii) la matière, d’autre part ; matière déployant sa structuredans l’espace et sa dynamique suivant le temps. Une fois cette distinction acquise,la matière, réduite à des propriétés sensibles, constitue un objet d’étude et l’espace-temps un cadre. La physique spéculative des présocratiques conduisit à la recherched’un principe premier unifiant la diversité des apparences et propriétés de la ma-tière : l’eau (Thalès), l’air (Anaximène), le feu (Héraclite). Quelque fut le choix dece principe, ces réductions phénoménologiques amenèrent rapidement des contradic-tions. Ces limites de la physique antique furent dépassées par Archimède à traversune conception dialectique, expérience/théorie, des propriétés de la matière. Cettepratique moderne de la physique, réhabilitée à partir de Galilée, a permi d’identi-fier une deuxième distinction fondamentale entre : (i) les propriétés émergentes dela matière et (ii) ses propriétés fondamentales. Par émergentes, on entend les pro-priétés liées au grand nombre de degrés de liberté d’un échantillon macroscopique,ces propriétés émergent à grande échelle. Par fondamentales, on entend les propriétésirréductibles qui participent à l’identité d’un échantillon ultime de matière.

10 CHAPITRE 1. ELECTRODYNAMIQUES MICRO/MACROSCOPIQUE

Par exemple, la capacité calorifique ou la conduction électrique sont des propriétésémergentes qui perdent leurs vertus opérationnelles et leur sens au niveau de l’atomeou du noyau, le concept de conduction électrique d’un noyau de cobalt est non opé-rationnel, alors que la masse est opérationnelle à petite échelle et à grande échelle,confirmant ainsi son caractère fondamental. L’une des missions historiques de la phy-sique est de réduire les propriétés macroscopiques sensibles de la matière, non fonda-mentales, à une manifestation des propriétés microscopiques fondamentales, sachantque le tout n’est pas nécessairement réductible à ses parties ; ce programme trouveau sein de la physique statistique son expression la plus aboutie.Pour les échelles d’énergies qui nous intéressent en électromagnétisme classique,

entre la fraction d’électron-volt (1 eV ≡ 1, 6 × 10−19 J) et quelques méga-électron-volt (1 MeV ≡ 1, 6 × 10−13 J), la matière, à son niveau ultime, atome, noyau,est caractérisée par deux propriétés irréductibles et universelles, la masse inertielle- gravitationnelle et la charge électrique. Ainsi, à travers une description physique,notre environnement est réduit à l’évolution de masses et de charges dans l’espace enfonction du temps. Se pose alors le problème de la mesure des distances, des duréeset de ces deux propriétés fondamentales que sont la masse et la charge, c’est-à-dire latransformation de propriétés en grandeurs.Un axiome implicite de la physique est constitué par l’hypothèse d’existence de

classes d’équivalences de ratio identiques suivant la définition : une grandeur est mesu-rable s’il est possible d’imaginer une opération qui définit le rapport de deux grandeursde la propriété considérée ; en particulier, deux grandeurs sont égales lorsque leur rap-port est égal à 1. Le corollaire de cet axiome fondateur de la physique s’énonce : lamesure d’une grandeur résulte du choix de l’unité de la propriété considérée. La réduc-tion quantitative de l’espace et du temps, d’une part, et de la masse et de la charge,d’autre part, conduisent donc au choix, nécessaire, suffisant et arbitraire, du systèmed’unités internationales SI : mksA, métre, kilogramme, seconde et Ampère. Ces unitésfondamentales constituent les grandeurs références pour les longueurs (L), masses(M), temps (T ), et charges ou courants (AT ou A), elles sont accessibles à traversdes étalons ; les autres grandeurs, par exemple associées aux propriétés émergenteset aux constantes fondamentales, sont mesurées sur la base d’unités dérivées. Ainsi,toute grandeur physique G présente une dimension physique

[G] = LαT γMβAδ = (longueur)α (temps)γ

espace-temps

matière

(masse)β (courant)δ . (1.1)

L’expression des équations de Maxwell nécessite l’introduction de deux constantesfondamentales

ε0 = 8, 85 pF/m, μ0 = 1, 26 μH/m, (1.2)

la permittivité électrique du vide [ε0] = A2T 4M−1L−3 et la perméabilité magnétiquedu vide [μ0] =MLA

−2T−2.

1.1. ESPACE-TEMPS, MASSE ET CHARGE 11

Lorsque l’on résout les équations de Maxwell dans le cadre de problèmes d’élect-romagnétisme, ces deux constantes apparaissent souvent sous la forme de deux com-binaisons indépendantes : rapport et produit. Ces deux combinaisons ne sont autresque le carré de l’inverse de la vitesse de la lumière dans le vide c−2 → [c] = LT−1 etle carré de l’impédance du vide Z20 → [Z0] =ML

2A−2T−3,

Vitesse de la lumière : c = ε−1/20 μ

−1/20 = 2.99× 108 m/s, (1.3)

Impédance du vide : Z0 = ε−1/20 μ

1/20 = 376.73 Ω.

La vitesse de la lumière c est associée aux phénomènes de propagation, mais elleest implicite aussi dans le cadre de l’approximation des régimes quasi-permanents(ARQP) où les phénomènes de propagation sont négligés.Considérons, sur la figure 1.1, une feuille de métal supraconducteur en forme de

rectangle de longueur 3a et de largeur a.Plions cette feuille suivant les arrêtes d’un cube de coté a et considérons les pro-

priétés capacitive et inductive de l’objet (supra)conducteur ainsi obtenu.• Les deux faces en regard de cette feuille pliée sont sujets aux phénomènes

d’influence électrostatique, déterminant une accumulation de charges transitoire ±Q (t),elles présentent donc une capacité C [F].

IEB

aa

+Q

-Q

I EB

a

+Q

-Qa

a

FIGURE 1.1. Oscillation libre (ω) basse fréquence d’une structure conductrice,capacitive et inductive, simple.

• La face latérale permet d’écouler un courant I (t) entre ces deux faces en regardet ce courant est fermé par le courant de déplacement dans le gap capacitif, un fluxmagnétique associé à ce courant dans ce circuit peut donc être défini ainsi qu’uneinductance propre L [H].L’évaluation de la capacité C et de l’inductance L suivant les formules classiques

(7.21) où les effets de bord sont négligés

Capacité : C [F] = ε0S

d≈ ε0a, (1.4)

Inductance : L [H] = μ0S

l≈ μ0a, (1.5)

permet le calcul de la fréquence de résonance ω/2π conformément à la relation deThomson LCω2 = 1 pour un circuit LC.

12 CHAPITRE 1. ELECTRODYNAMIQUES MICRO/MACROSCOPIQUE

Ainsi, la pulsation de résonance de cette feuille pliée est donnée par ε0aμ0aω2 ≈ 1,

Pulsation propre : ω ≈ c/a. (1.6)

Ce résultat était prévisible sur la base d’un argument de dimension, car la feuillesupraconductrice est uniquement caractérisée par la longueur a et l’expression d’untemps à partir de a nécessite l’identification d’une vitesse, la seule disponible enélectrodynamique étant c. Au-delà du mode propre fondamental ω ≈ c/a, si nousexcitons cette feuille pliée par une onde électromagnétique de fréquence Ω = ω (figure1.2), les réponses harmoniques stationnaires en tension V exp jΩt et courant I exp jΩtoscillent à la fréquence Ω et l’impédance Z ≡ V/I de ce circuit réactif est donnée parla relation

Impédance caractéristique : Z (Ω) = jZ0aΩ

c− c

aΩ. (1.7)

Ainsi, (i) à basse fréquence Ω < ω, ImZ < 0 : le comportement capacitif associé augap est dominant, (ii) à haute fréquence Ω > ω, ImZ > 0 : le comportement inductifautorisé par le court circuit du courant de déplacement dans le gap est dominant.

IV

EB

Ω

ω

FIGURE 1.2. Oscillation forcée (Ω) d’une structure conductrice, capacitive etinductive, simple.

L’électrodynamique classique dans le vide est donc construite sur la base des deuxconstantes fondamentales c et Z0 (ε0,μ0). La prise en compte des propriétés micro-scopiques de la matière, masse, charge, spin, permet de construire un système completd’unités adapté à l’étude de l’électromagnétisme. Ainsi, la prise en compte de la massede l’électron m, de sa charge e et de la constante de Planck 2π , conduisent à l’iden-tification des trois échelles de longueur rappelées dans le tableau ci-dessous.

Longueur Définition Valeur ÅLongueur d’onde Compton λC = re/α = /mc 3, 8× 10−3

Rayon de Thomson re = e2/4πε0mc

2 2, 8 ×10−5Première orbite de Bohr a0 = re/α

2 = 4πε02/me2 0, 52

Ces trois longueurs fondamentales ne sont pas indépendantes et peuvent être mises enrelations à travers les puissances de la constante de structure fine α ≡ e2/4πε0 c→ 1/α ≈ 137. Au-delà de ces longueurs, l’électrodynamique classique possède unsystème d’unités naturelles complet ; en effet, la charge de l’électron e, sa masse m,

1.1. ESPACE-TEMPS, MASSE ET CHARGE 13

ainsi que la vitesse de la lumière c = 1/√ε0μ0 et l’impédance du vide Z0 = μ0/ε0,

constituent un jeu de quatre paramètres dimensionnés et indépendants. Ces quatreconstantes de l’électrodynamique classique peuvent être aisément ramenées à : (i)une longueur, le rayon classique de l’électron re, (ii) une masse, la masse de l’électronm, (iii) un temps re/c et (iv) un courant, le courant d’Alfvèn, IA = 4πε0mc

3/eremplaçant ainsi le système SI. Le courant d’Alfven est associé à un ensemble decourants fondamentaux obtenus à travers les puissances de α.

Courant Définition ValeurCourant d’Alfvèn IA = 4πε0mc

3/e 17 000 ACourant mésoscopique αIA = emc

2/ 124 A

Ainsi, le quantum de résistance h/e2 (Klitzing-Landauer) est égal à l’impédance duvide que divise la constante de structure fine.

Conductance Définition ValeurRésistance quantique Z0/α = 2h/e

2 51 627 Ω

Impédance du vide Z0 = μ0/ε0 376, 73 Ω

Ce cours est dédié à l’électrodynamique classique des milieux continus et nous nerencontrerons pas les échelles caractéristiques associées aux puissances quantiques deα, par exemple αIA ou Z0/α.Théorème de Vaschy-Buckingham. Considérons une grandeur physique G

telle que: [G] = LαMβT γAδ. Par exemple, dans le tableau ci-dessous, les exposants(α,β, γ, δ) des principales unités secondaires de l’électromagnétisme sont rappelées.

Qualité/quantité Unité L M T Q ≡ ATCharge Coulomb C 0 0 0 1Flux Weber Wb 2 1 -1 -1

Courant Ampère A 0 0 -1 1Tension Volt V 2 1 -2 -1Energie Joule J 2 1 -2 0Puissance Watt W 2 1 -3 0Résistance Ohm Ω 2 1 -1 -2Inductance Henry H 2 1 0 -2Capacité Farad F -2 -1 2 2

Suivant la nature du problème et les lois physiques mises en jeux, cette grandeur Gest en relation avec n autres grandeurs physiques a1, a2, a3... suivant une équation

Relation physique : G = f (a1, a2, a3....an) , (1.8)

telle que les dimensions des ai soient

[a1] = Lα1Mβ1T γ1Aδ1 , [a2] = Lα2Mβ2T γ2Aδ2 ... [an] = LαnMβnT γnAδn . (1.9)

14 CHAPITRE 1. ELECTRODYNAMIQUES MICRO/MACROSCOPIQUE

Construisons alors la matrice des dimensions D

D ≡

⎛⎜⎜⎝α1 α2 ... αnβ1 β2 ... βnγ1 γ2 ... γnδ1 δ2 ... δn

⎞⎟⎟⎠ . (1.10)

Si il existe des combinaisons linéaires de certaines colonnes de D permettant d’expri-mer une autre colonne différente, par exemple la dernière colonne combinaison linéairedes deux premières, alors il existe une combinaison monomiale des [ai] associés à cescolonnes et vis-versa, par exemple

[an] = [a1]λ [a2]

μ ←

⎛⎜⎜⎝αnβnγnδn

⎞⎟⎟⎠ = λ

⎛⎜⎜⎝α1β1γ1δ1

⎞⎟⎟⎠+ μ

⎛⎜⎜⎝α2β2γ2δ2

⎞⎟⎟⎠ . (1.11)

La démonstration est directe en développant la relation [an] = [a1]λ [a2]

μ,

log LαnMβnT γnAδn = log Lα1Mβ1T γ1Aδ1λLα2Mβ2T γ2Aδ2 μ

, (1.12)

sur la base de l’indépendance de logL, logM , log T , logA. Traduit en termes algé-briques et en termes de dimensions physiques, le nombre k = rang(D) ≤ 4 donnele nombre de grandeurs ai présentant des dimensions indépendantes et le nombrem = n− k, le nombres de grandeurs ai dont les dimensions peuvent êtres expriméesen fonction des dimensions des k grandeurs précédentes.Nous écrivons alors la relation physique : G = f (a1...ak, b1....bm), où les ai sont

dimensionnellement indépendantes et les bi présentent des dimensions expressiblescomme monômes des [ai],

[b1] = [a1]p1 ... [ak]

r1 , ... [bi] = [a1]pi ... [ak]

ri , ... [bm] = [a1]pm ... [ak]

rm . (1.13)

Un prérequis fondamental et implicite des formulations des lois de la physique estconstitué par l’énoncé suivant : les relations exprimant les lois de la naturedoivent pouvoir être exprimées dans n’importe quel système d’unité ; enparticulier, si nous adoptons (a1...ak) comme système d’unités indépendantes, alors

G

ap1...ark

= f

⎛⎝1, 1, ...1k

,b1

ap11 ...ar1k

, ....bm

apm1 ...armk

⎞⎠ , (1.14)

où [a1]p... [ak]

r est la dimension deG. Si nous définissons les quantités sans dimensions

Π1 ≡b1

ap11 ...ar1k

, Πi ≡bi

api1 ...arik

, Π ≡ G

ap1...ark

, (1.15)

1.1. ESPACE-TEMPS, MASSE ET CHARGE 15

alors la loi entre grandeurs dimensionnées G = f (a1...ak, b1....bm) peut être réduite àune relation entre nombres sans dimensions,

G = f (a1, a2, a3....an) −→m=n−k

Π = Φ (Π1,Π2...Πm) . (1.16)

Ce résultat constitue le théorème π aussi appelé théorème de Vaschy-Buckingham.La réduction d’une loi physique : G = f (a1...ak, b1....bm) à une relation sans pa-ramètres dimensionnés

Π1 =b1

ap11 ...ar1k

, Πi =bi

api1 ...arik

, Π =G

ap1...ark

→ Π = Φ (Π1,Π2...Πm) , (1.17)

peut être vue comme une invariance sous un groupe de similitudes. Considérons latransformation

SA1...Ak (a1...ak) ≡ (A1a1...Akak) (1.18)

où (A1...Ak) sont des nombres positifs. L’ensemble des transformations SA1...Ak pré-sente une structure de groupe, en effet, l’élément neutre est associé à (1, ...1), l’inverseà (1/A1...1/Ak) et la composition au produit (A1H1...AkHk).

φ

φ

a

c

b

Sa Sb

FIGURE 1.3. Démonstration du théorème de Pythagore sur la base du thèoréme π.

C’est le groupe des similitudes du système physique tel que

SA1...Ak (b1...bm) = Ap11 ...Ar1k b1...A

pm1 ...Armk bm , SA1...AkG = A

p1...A

rkG. (1.19)

La règle de covariance de l’expression des lois de la nature par rapport au systèmed’unité est donc exprimée à travers l’application de ce groupe de similitude ; ainsi, lethéorème π est simplement la représentation invariante, sous ce groupe de transfor-mations, des lois de la nature.La réduction d’un problème par identification des variables dimensionnellement

indépendantes puis par adimensionnement de l’ensemble des variables, permet demettre sous forme canonique les problèmes d’électromagnétisme et permet parfois derésoudre, à un facteur multiplicatif près, certain problèmes simples.Considérons le théorème de Pythagore comme une conséquence du théorème π.

Soit un triangle rectangle, représenté sur la figure 1.3, de côtés (a, b, c).

16 CHAPITRE 1. ELECTRODYNAMIQUES MICRO/MACROSCOPIQUE

Considérons φ = π/2 l’angle (a, c) et les surfaces, Sa et Sb, des triangles rec-tangles obtenus par abaissement de la hauteur depuis l’angle droit sur l’hypoténuse c(figure 1.3). Un triangle rectangle étant entièrement déterminé par la donnée de sonhypoténuse et d’un angle, nous avons nécessairement les relations

Sa = f (a,φ) , Sb = f (b,φ)→Saa2= f (1,φ) ,

Sbb2= f (1,φ) . (1.20)

Considérons l’aire totale du triangle Sc,

Sc = Sa + Sb → c2f (1,φ) = a2f (1,φ) + b2f (1,φ) . (1.21)

Le théorème de Pythagore est ainsi retrouvé par un argument de dimension sur la basedu théorème π. Dans le domaine de l’électromagnétisme les exemples sont nombreux.Considérons un conducteur, globalement neutre, constitué de charges mobiles

libres de densité n, en général les ions sont immobiles et les électrons de masse met charge e mobiles. A l’équilibre les densités ionique et électronique sont identiques(neutralité) et si cet équilibre est perturbé par une fluctuation de densité électronique,qui crée un champ électrique par séparation de charge, ce champ électrique met enmouvement les électrons et la dynamique de cette densité évolue soit vers une relaxa-tion, une oscillation ou une instabilité ; quel que soit le processus, il existe une échellede temps caractéristique τ associée à cette dynamique. Les loi de la physique im-pliquées dans cette évolution sont essentiellement la relation de Gauss-Poisson entrechamp et charges, la force de Coulomb et la deuxième loi de Newton entre mouve-ment, inertie et force, ainsi il existe une relation : τ = f (ε0, e,m, n) où les dimensionsdes différents paramètres sont

[ε0] =A2T 4

ML3, [e] = AT , [m] =M , [n] = L−3, (1.22)

k = 4 et le théorème π conduit à la réduction

ne2

ε0mτ = f (1, 1, 1, 1) = K ∼ 1, (1.23)

où K est une constante sans dimension qui est de l’ordre de l’unité car les équationsrégulant l’évolution de la dynamique sont linéaires et ne présentent que des coefficientsde l’ordre de l’unité. Dans la suite nous confirmerons ce résultat et identifierons ωp(4.37) suivant

Pulsation de Langmuir : ω2p =ne2

ε0m. (1.24)

Considérons un conducteur où la densité de porteurs de charges mobiles est n, la massed’un porteur m et sa charge e, ce conducteur présente une conductivité électrique ηqui est nécessairement fonction de la fréquence de collisions ν, ainsi il existe unerelation: η = g (ν, e,m, n) où les dimensions des différents paramètres sont

[ν] = T−1, [e] = AT , [m] =M , [n] = L−3, (1.25)

1.2. DE L’ÉLECTROSTATIQUE À L’ÉLECTRODYNAMIQUE 17

k = 4 et le théorème π conduit à la réduction

ne2η = g (1, 1, 1, 1) = J ∼ 1, (1.26)

où J est une constante sans dimension qui est de l’ordre de l’unité car les équationsrégulant l’évolution de la dynamique sont linéaires et ne présentent que des coefficientsde l’ordre de l’unité. Dans la suite nous confirmerons ce résultat et identifierons η(4.12) suivant

Conductivité de Drude : η ≡ ne2

mν. (1.27)

Ces deux exemples sont simples car k = rang(D) = 4 pour 4 paramètres. Au-delà deces deux exemples, l’ensemble des développements théoriques de l’électromagnétismeillustrera la pertinence de la réduction dimensionnelle pour analyser les problèmes.Pour conclure cette introduction au problème des dimensions, le tableau ci-dessous

présente les notations, et unités des différentes grandeurs rencontrées, au cours del’étude des phénomènes électromagnétiques.

A : potentiel vecteur [Wb/m] B : champ magnétique [T]B : susceptance [S] C : capacité [F]D : déplacement électrique C/m2 E : champs électrique [V/m]e : force électromotrice [V] ε : permittivité absolue [F/m]η : conductivité électrique [S/m] Φ : flux magnétique [Wb]φ : potentiel scalaire [V] G : conductance [S]H : champ magnétique [A/m] I : courant électrique [A]J : densité de courant A/m2 L : inductance [H]m : moment magnétique A.m2 M : magnétisation [A/m]μ : perméabilité absolue [H/m] P : polarisation C/m2

p : moment électrique [C.m] q,Q, e : charges [C]R : résistance [Ω] G : conductance [S]S : vecteur de Poynting W/m2 S : surface m2 /entropie[J/K]u : densité d’énergie J/m3 U : énergie [J]V : tension [V]/volume m3 W : puissance [W]/travail [J]w : densité de puissance W/m3 X : réactance [Ω]Y = G+ jB : admittance [S] Z = R+ jX : impédance [Ω]

Avant d’aborder la construction de l’électromagnétisme dans le vide, rappelons lesdifférentes étapes historiques de cette construction.

1.2 De l’électrostatique à l’électrodynamiqueL’électrisation par frottement, la tribo-électricité, constitue la mise en évidence expéri-mentale la plus ancienne des propriétés électriques de la matière ; elle est mentionnéepar Thalès de Millet qui opérait avec l’ambre (ηλεκτρoν) et la laine.

Chapitre 11

Milieux en mouvement

‹‹L’orgueil et l’analyse mathématique s’étaient si étroitement unis en lui qu’il se flattait devoir les astres obéir à ses calculs ; et de fait, il semblait en être ainsi.››Il Gattopardo, G.T. Di Lampedusa.

11.1 Simultanéité électromagnétiqueHistoriquement et structurellement, l’électrodynamique des corps en mouvement estintimement liée à la théorie de la relativité restreinte, nous allons exposer ici les prin-cipaux concepts et résultats de l’électrodynamique relativiste avec comme objectifl’établissement des lois de transformation des variables électromagnétiques, dans levide et dans la matière, lors d’un changement de référentiel.Nous appellerons évènement (t, x, y, z) le repérage d’un point (x, y, z) à un instant

t. L’espace et le temps de Newton constituent deux entités sans relations structurelles.Dans le cadre de l’espace et du temps de Newton, deux évènements (t1, x1, y1, z1)et (t2, x2, y2, z2) sont dits simultanés si t1 = t2 et tous les observateurs inertielss’accordent sur cette propriété; ainsi, la loi de changement de référentiel inertielentre deux repères R et R se déplaçant à la vitesse ve par rapport à R, lorsque leshorloges ont été synchronisées en x = 0 à t = 0, est donnée par la transformationspéciale de Galilée G,

Galilée:tx

=G · tx

=1 0−ve 1

· tx

. (11.1)

La formulation de la deuxième loi de Newton est semblable dans tous les référen-tiels inertiels et peut être accommodée aux référentiels non inertiels par adjonction desforces d’inertie ; mais, les équations de Maxwell présentent une pathologie auregard de la transformation spéciale de Galilée précédente. En effet, le décou-plage des champs électrique et magnétique au sein des quatre équations de Maxwell

242 CHAPITRE 11. MILIEUX EN MOUVEMENT

conduit à deux équations d’onde (3.11, 3.12) dont la vitesse de propagation est égaleà la vitesse de la lumière c = 1/

√ε0μ0. Si nous retenons les transformations spéciales

de Galilée G comme protocole de comparaison des mesures entre deux référentielsinertiels, alors il est nécessaire de considérer l’existence d’un révérenciel inertiel parti-culier où la vitesse des ondes électromagnétiques est égale à c = 1/

√ε0μ0, le référentiel

propre de l’éther ; dans les autres référentiels la vitesse des ondes électromagnétiquesest égale à c− ve.La validité d’une telle conclusion peut être testée expérimentalement en mesurant

la vitesse de la lumière dans différents référentiels inertiels (Michelson-Morley 1887,Joos 1930, Brillet-Hall 1979...) et les résultats se sont toujours avérés négatifs. Il nousfaut donc admettre comme loi intangible de la nature : la vitesse de la lumièredans le vide est égale à c (1.3) et est indépendante des vitesses de l’émetteuret du récepteur.Une telle propriété implique que la pseudo-norme (de Minkowski) associée à l’inter-

valle entre deux évènements (ct1, x1, y1, z1) et (ct2, x2, y2, z2) : c2 (t1 − t2)2 - (x1 − x2)2- (y1 − y2)2 - (z1 − z2)2 (propagation d’un front d’ondes lumineuses à partir d’un évè-nement 1 vers un évènement 2) soit indépendante du repère inertiel. Il est donc néces-saire de construire la loi de transformation des coordonnées d’évènements entre deuxréférentiels inertiels R et R préservant cette pseudo-norme c2 (t1 − t2)2 - (x1 − x2)2 -(y1 − y2)2 - (z1 − z2)2 et conduisant aux transformations spéciales de Galilée commelimite aux vitesses petites devant la vitesse de la lumière c. L’image classique d’untemps absolu et d’un espace absolu doit donc être abandonnée au profit d’une st-ructure d’espace-temps dont les seuls absolus sont les cônes de lumière, d’équa-tion : c2 (t− T )2 = (x−X)2 + (y − Y )2 + (z − Z)2, décrivant la propagation d’unfront d’ondes lumineuses à partir d’un évènement (cT,X, Y,Z) vers les évènements(ct, x, y, z). C’est cette structure en cône de lumière que partagent les ob-servateurs inertiels comme absolu commun de référence, espace et tempssont relatifs au regard de cet absolu.Nous allons établir que les transformations linéaires d’espace-temps préservant

cette structure en cônes de lumière sont des combinaisons de rotations hyperboliques,les transformations spéciales de Lorentz et de simples déplacements euclidiens (rota-tion/translation). Pour identifier la loi de transformation permettant d’accorder lesrepérages d’évènements par deux observateurs inertiels, il est nécessaire de considérerle concept de simultanéité. Les deux grandes ruptures épistémologiques du vingtièmesiècle ont pour point de départ la précision de concepts, qui en première analyse sem-blaient relever de l’évidence quotidienne, mais qui se sont avérés présenter un déficitd’opérationnalité : (i) en mécanique quantique ce fut la problématique de la mesuresimultanée de la position et de l’impulsion qui permit de comprendre les limites de ladescription classique ; (ii) dans le domaine de l’électrodynamique relativiste c’est leconcept de simultanéité de deux évènements qu’il convient de revisiter et de préciser.

En physique newtonienne deux évènements se produisant au même instant dansun référentiel inertiel sont également simultanés pour tout autre observateur inertiel.

11.1. SIMULTANÉITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE 243

Dans le cadre de la théorie de la relativité restreinte, deux évènements simultanésdans un référentiel ne le sont plus dans les autres référentiels. Plutôt que d’argu-menter sur des expériences conceptuelles d’émission et de réception simultanées designaux lumineux qui conduisent à cet abandon de la simultanéité absolue, c’est-à-diredu temps absolu de Galilée et Newton, considérons la définition opérationnelleet non ambiguë de la simultanéité. Pour ce faire, introduisons les diagrammes deMinkowski illustrés sur la figure 11.1. L’abscisse permet le repérage d’une variablespatiale x et l’ordonnée de la variable de temps spatialisé ct, le diagramme d’espacetemps de Minkowski est pourvu des propriétés affines du plan mais n’est pas muni despropriétés métriques euclidiennes de ce plan, les règles de construction et descriptionsont associées à une pseudo-norme c2t2 − x2.

ct

x

cτ1

cτ2

A

BO

ct

xA

BO

(a) (b)

x = ctx = ct

x = -ctx = -ct

FIGURE 11.1. (a) Simultanéité électromagnétique de A et B, (b) non simultanéité.

Définissons la simultanéité suivant Poincaré et Einstein : deux évènementsA et B dans le vide sont simultanés pour un observateur inertiel ( (ct, x = 0) pourle diagramme de la figure 11.1-a) si le passage des signaux életromagnétiques émispar A et B dans le passé ( (ct < 0 pour le diagramme de la figure 11.1-a) et le futur( (ct > 0 pour le diagramme de la figure 11.1-a) déterminent deux durées égales (τ1= τ2) pour cet observateur (ct, x = 0),

Poincaré-Einstein : τ1 = τ2 ←→ (A,B) simultanés pour l’observateur (ct, x = 0).(11.2)

Sur la base de cette définition de la simultanéité, au sens de Poincaré-Einstein, nousallons construire les transformations de Lorentz qui préservent la métrique de Min-kowski. On notera que cette définition de la simultanéité est essentiellementélectromagnétique.

244 CHAPITRE 11. MILIEUX EN MOUVEMENT

11.2 Transformation de Lorentz

Considérons, dans le plan de Minkowski, les diagrammes de la figure 11.2 où le lieu despoints correspondant aux positions successives d’un observateur inertiel de vitesse βcest une droite d’équation x = βct (axe ct sur 11.2), cette droite est un axe temporelpour cet observateur inertiel et cet axe ct ainsi défini fait un angle θ = arctanβavec l’axe temporel de référence ct sur la figure 11.2. Les deux évènements simultanésA et B de la figure 11.2 le sont pour x (t) = 0 mais ne sont pas simultanés auregard des mesures de durées par l’observateur inertiel x (t) = βct : cτ1 et cτ2 carcτ1 = cτ2 → (A,B) non simultanés pour l’observateur de trajectoire x (t) = βct.

xcτ'1

cτ'2

A B

ct'θct

O

x'x'

ct'

x

ct

θ

θ

A'B'

F

E

D

C

FIGURE 11.2. Construction de (x , t ) dans le plan de Minkowski (x, t).

Le lieu géométrique des évènements simultanés pour l’observateur de vitesse βc(x (t) = βct) dans le repère (t, x) est obtenu en considérant la définition de la simul-tanéité. Il correspond à des droites faisant un angle θ = arctanβ avec l’axe spatialde référence x = 0 (figure11.2). En effet, sur le schéma de droite de la figure 11.2,il est aisé de vérifier CD = EF . Ainsi, (A ,B ) sont simultanés pour l’observateur(ct , x = 0) de trajectoire x (t) = βct. Nous pouvons représenter sur un diagrammede Minkowski les axes associés à deux observateurs, mais les coordonnées des évène-ments sont obtenues par projection parallèle (le parallélisme est une propriété affineet non métrique) et la métrique euclidienne de cette feuille ne reflète pas les propriétésde l’espace-temps ainsi représenté qui relèvent d’une métrique de Minkowski.Considérons, sur le schéma de la figure 11.3, un évènement O où un observateur

(x (t) = 0, x (t ) = −βct ) et un observateur (x (t) = βct, x (t ) = 0) synchronisentleur horloges respectives (t = t = 0 et x = x = 0). Un deuxième évènement A (fi-gure 11.3) est repéré par ses coordonnées (ct, x) par le premier observateur et par sescoordonnées (ct , x ) par le deuxième. Cet évènement A émet, dans le passé et dansle futur, des signaux lumineux qui sont reçus aux instants τ1 et τ2 par le premier

11.2. TRANSFORMATION DE LORENTZ 245

observateur et aux instants τ1 et τ2 par le deuxième observateur. Pour établir l’ex-pression de la transformation de Lorentz (ct, x)→ (ct , x ) nous allons d’abord établirl’expression de la transformation (τ1, τ2)→ (τ1, τ2).Soit, sur le diagramme de la figure 11.3, E et B les évènements associés à la récep-

tion des signaux par l’observateur (x = βct), c’est-à-dire l’observateur (x (t ) = 0),émis par A. Les évènements E → (ctE , xE) et B → (ctB, xB) appartiennent à la ligned’univers du deuxième observateur, on a donc

βc =xEtE

=xBtB→ xE = βctE , xB = βctB. (11.3)

Ces deux évènements E et B appartiennent aussi aux lignes d’univers associées ausignaux lumineux émis par A, on a donc

c =xE

tE − τ1=

xBτ2 − tB

→ xE = ctE − cτ1 , xB = cτ2 − ctB. (11.4)

Au regard des données expérimentales de Michelson-Morley (1887), Joos (1930),Brillet-Hall (1979)... et bien d’autres, il est nécessaire de considérer que l’espace-temps possède une (pseudo)norme qui doit être commune à tous les observateursinertiels, c’est-à-dire invariante dans une transformation de coordonnées associée àun changement de référentiel.

x'

ct'

xA

ctA A

O

cτ'1

cτ'2

cτ1

cτ2

B

E

x

t

x'

t'

FIGURE 11.3. Transformation de Lorentz (x, t)→ (x , t ) sur la base de la définitionde la simultanéité de Poincaré-Einstein et de l’invariance de la norme de Minkowski.

L’invariance de cette norme de Minkowski entre les deux évènements E et Bconduit à considérer les relations

c2t2E − x2E = c2t 2E − x 2E = c2τ 21 , c2t2B − x2B = c2t 2B − x 2B = c2τ 22 . (11.5)

246 CHAPITRE 11. MILIEUX EN MOUVEMENT

L’ensemble des relations précédentes,

t2E − β2t2E = τ 21 , βtE = tE − τ1, t2B − β2t2B = τ 22 , βtB = τ2 − tB, (11.6)

permet, par élimination de tE et tB, d’exprimer la loi de transformation (τ1, τ2) →(τ1, τ2),

τ1τ1=

1 + β

1− β,τ2τ2=

1− β

1 + β. (11.7)

Compte tenu de la synchronisation en O, les coordonnées d’espace-temps se déduisentdes temps de réception des signaux suivant les relations

cτ1 = ctA − xA, cτ2 = ctA + xA, cτ1 = ctA − xA, cτ2 = ctA + xA.

Abandonnons l’indice A et considérons cet évènement A comme générique de coor-données (ct, x) et (ct , x ), nous pouvons donc établir la loi de transformation (ct, x)→(ct , x ) à partir de l’expression de la transformation (τ1, τ2)→ (τ1, τ2),

ct =ct− βx

1− β2, x =

x− βct

1− β2. (11.8)

Nous venons d’identifier les transformations spéciales de Lorentz L. L’usage est d’int-roduire le facteur de Lorentz,

Facteur de Lorentz : γ (β) ≡ 1

1− β2= 1 + γ2β2, (11.9)

pour exprimer les transformations de Lorentz L construites pour établir le protocolede comparaison des mesures de position et de temps entre deux observateurs inertiels,

Lorentz :ctx

=γ −γβ−γβ γ

· ctx

= L (βex) ·ctx

. (11.10)

Sur la base de ce résultat, énonçons à présent les postulats de la relativité restreinte :• Toutes les lois de la nature présentent une formulation semblable dans

tous les référentiels inertiels ;• en particulier les lois de l’électromagnétisme, ce qui implique l’invariance de la

vitesse de la lumière lors d’un changement de référentiel.Invariance assurée par construction si nous considérons les transformations des

coordonnées des évènements d’espaces-temps, entre observateurs inertiels, comme dé-crites par les transformations de Lorentz L. Les transformations spéciales de Lorentzassurent ainsi la covariance des lois de l’électromagnétisme et la préservation de laseule structure absolue commune aux observateurs : les cônes de lumière.L’analyse précédente était restreinte au cas où la vitesse du deuxième observateur

était colinéaire à l’un des axes spatiaux du premier observateur, le cas d’une vitessecβ de direction quelconque est donné par

Électromagnétisme

Élec

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Ce manuel vise à offrir aux étudiants en Licence 3 et Master de physique, aux candidats aux concours de l’enseignement et aux élèves des écoles d’ingénieurs, un cours moderne et complet d’électromagnétisme et d’électrodynamique dans la matière et les circuits.

Il est issu de nombreux cours enseignés par l’auteur principalement à l’ENS de Cachan (EEA), à l’École polytechnique, à l’École supérieure d’optique (Master-OSI) et dans les différentes filières de Physique fondamentale, Physique appliquée et EEA de l’université Paris XI (L3-M1-M2).

Les principes et applications de l’électromagnétisme sont présentés suivant quatre axes prin-cipaux : l’analyse des équations de Maxwell, la description des propriétés conductrice, diélec-trique et magnétique de la matière, l’étude des structures capacitives et inductives localisées et réparties, l’approfondissement de l’énergétique et de la thermodynamique de ces milieux et structures. De nombreux exercices et problèmes corrigés complètent ce cours.

Sommaire 1. Électrodynamiques micro/macroscopique2. Équations de Maxwell3. Sources, potentiels, énergie4. Milieux conducteurs5. Milieux diélectriques6. Milieux magnétiques

7. Capacités et inductances localisées8. Capacités et inductances réparties9. Énergies et puissances

10. Forces et contraintes11. Milieux en mouvement12. Exercices corrigés et formulaire

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ISBN : 978-2-8073-0693-6

JEAN

-MAR

CEL

RAX

Agrégé de physique, Jean-Marcel Rax est professeur à l’université Paris XI et à l’École polytechnique. Il a travaillé au laboratoire euro-péen JET à Oxford et au PPPL à Princeton où ses travaux originaux d’électrodynamique des plas-mas lui ont valu plusieurs distinctions dont le prix Plasma de la Société française de physique et la médaille d’argent du CNRS.

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JEAN-MARCEL RAX

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LICENCE 3 & MASTER PHYSIQUE

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