ecam ii-pauvreté et gouvernance au cam en 2001

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INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE I N S REPUBLIQUE DU CAMEROUN ------------------- Paix – Travail – Patrie DEUXIEME ENQUETE CAMEROUNAISE AUPRES DES MENAGES Pauvreté et gouvernance au Cameroun en 2001 Février 2003

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INSTITUT NATIONAL DE

LA STATISTIQUE

IN

S

REPUBLIQUE DU CAMEROUN

-------------------

Paix – Travail – Patrie

DEUXIEME ENQUETE CAMEROUNAISE AUPRES DES MENAGES

Pauvreté et gouvernance au Cameroun en 2001

Février 2003

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TABLE DE MATIERE

RESUME EXECUTIF.................................................................................................................. 3

INTRODUCTION......................................................................................................................... 5

CHAPITRE 1. EVALUATION DE LA CORRUPTION ET DE LA MAUVAISE GOUVERNANCE AU CAMEROUN EN 2001.......................................................................... 7

1.1 DEFINITION, FORMES ET MANIFESTATIONS DE LA CORRUPTION ET DE LA MAUVAISE GOUVERNANCE ............................................................................................................................. 7 1.2 NIVEAU DE CORRUPTION AU CAMEROUN EN 2001 ................................................................ 9 1.3 VICTIMES DE LA CORRUPTION ............................................................................................. 12 1.4 ACTEURS DE LA CORRUPTION .............................................................................................. 19

CHAPITRE 2. IMPACT DE LA CORRUPTION ET DE LA MAUVAISE GOUVERNANCE ....................................................................................................................... 23

2.1 CAUSES DE LA PAUVRETE.................................................................................................... 23 2.2 CORRUPTION ET MAUVAISE GOUVERNANCE COMME RAISON D’INSATISFACTION A L’EGARD DES INFRASTRUCTURES DE BASE ................................................................................................ 28

CHAPITRE 3. CORRUPTION, MAUVAISE GOUVERNANCE ET ACTIONS PRIORITAIRES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE..................................................... 35

3.1 LES PRINCIPALES ACTIONS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE................................................ 35 3.2 LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET LA MAUVAISE GESTION COMME ACTION PRIORITAIRE DE REDUCTION DE LA PAUVRETE................................................................................................ 37

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ......................................................................... 40

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................. 42

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RESUME EXECUTIF La crise économique sévère que le Cameroun a connu de 1986 à 1994 a entraîné une réduction des avantages des agents de l’Etat en 1992 et une double baisse de leurs salaires en 1993, ainsi que de nombreuses pertes d’emplois dans divers secteurs de l’économie. Cette crise et la dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994 ont considérablement détérioré le pouvoir d’achat des ménages. Face à cette situation, l’amplification de certains réseaux d’enrichissement illicites et en particulier du phénomène de la corruption, et d’autres aspects de la mauvaise gouvernance n’ont pas épargné les services publics, en l’occurrence la santé, l’éducation, la justice et la police. La corruption qui est la manifestation la plus marquée de la mauvaise gouvernance touche un nombre important de ménages au Cameroun. Les résultats de l’ECAM II révèlent qu’en 2001, plus de 42% des ménages camerounais y ont été confrontés, en tant que victimes ou acteurs de la corruption. Il s’agit là de la petite corruption systémique qui implique des petites sommes d’argent et des agents de l’Etat de petites catégories. Les ménages les plus nantis sont plus touchés par le phénomène de la corruption que les ménages pauvres. En effet, près de 46% des ménages non pauvres ont été au cours de l’année 2001 acteurs ou victimes de la corruption, contre environ 34% chez les ménages pauvres. Au niveau régional, les provinces à plus forte incidence de pauvreté telles que l’Extrême-Nord, le Nord et le Nord-Ouest sont les moins concernées. Suivant le milieu de résidence, les ménages du milieu rural sont plus nombreux à avoir fait face à la corruption en 2001 par rapport aux ménages du milieu urbain. Les résultats de l’étude laissent la corruption apparaître comme un produit de luxe, un peu plus « consommé » par ceux qui ont les moyens c’est-à-dire les ménages non pauvres. Ainsi, les non pauvres sont les principales victimes de la corruption. En effet, environ 38% des ménages camerounais ont été principalement victimes de la corruption en ce sens qu’au moins un de leurs membres a eu à payer involontairement des frais non réglementaires pour la scolarisation d’un enfant, les soins médicaux, les services de la justice, les services de la police ou d’autres services. Une analyse de la proportion de victimes de la corruption dans le secteur de la santé par exemple montre que 42,4% des ménages non pauvres en ont été victimes contre près de 30% de ménages pauvres. Dans les régions à faibles taux de pauvreté comme Douala, Yaoundé, les provinces de l’Ouest et du Centre, ce pourcentage varie de 48 à 65%, contre 19 et 26% dans les provinces pauvres comme l’Extrême-Nord, le Nord et l’Est. Les victimes de la corruption dans les secteurs sociaux considérés se recrutent plus en milieu urbain et parmi ménages dirigés par des hommes. Quant aux acteurs de la corruption, ils ont été identifiés à l’ECAM II parmi les usagers de la route. On retrouve parmi ces derniers, des ménages dont au moins un membre a eu à payer de son propre gré des frais non réglementaires aux agents de sécurité généralement pour infraction au code de la route, pour défaut de pièces de véhicule ou de pièces personnelles. Il apparaît que près de 17% des ménages ont été acteurs de la corruption en 2001 dans le domaine de la sécurité routière.

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Les conséquences de la corruption sont néfastes pour l’économie. En effet, la corruption renchérit les coûts des services publics, contribue à l’enrichissement d’un petit groupe d’individus au dépend des intérêts collectifs. L’analyse des conséquences de la corruption montre que ce fléau accroît le coût des services publics, conduit à une baisse de la qualité des services et réduit l’efficacité du système de production dans le secteur public. De ce fait, la corruption ralentit le développement économique et social, détourne les richesses nationales au profit de quelques-uns, érode la base des ressources d’un pays et contribue ainsi à entretenir le cercle vicieux de la pauvreté. Selon les déclarations des chefs de ménages, la corruption est une cause importante de la pauvreté. C’est ainsi que parmi les huit déterminants de la pauvreté proposés aux ménages, ils classent globalement la corruption et la mauvaise gestion des affaires publiques au troisième rang. Celles-ci sont citées par près de la moitié des ménages comme faisant partie des trois premières causes de la pauvreté. Ces phénomènes entraînent l’insatisfaction des ménages vis-à-vis des services sociaux de base, surtout celle des ménages pauvres qui n’ont pas assez de moyens pour payer les frais de la corruption. Près d’un tiers de ménages usagers des écoles primaires publiques les plus proches de leur domicile ne sont pas satisfaits des services qui y sont offerts. La mauvaise qualité des prestations est leur principale raison d’insatisfaction. Elle représente près du tiers de l’ensemble des raisons données par les ménages. Les ménages se disent un peu plus satisfaits des prestations de service dans les centres de santé que dans les écoles. Moins d’un ménage sur trois se plaint des prestations offertes par les formations sanitaires de base. Dans cette situation, les ménages ont proposé des actions qu’ils jugent prioritaires dans la lutte contre la pauvreté. La lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance ne sont pas en marge dans ces propositions. En effet, près du quart des ménages préconisent la lutte contre la corruption et la mauvaise gestion comme priorité parmi les actions de réduction de la pauvreté. Cette proportion est de 28% dans les ménages non pauvres contre 16% dans les ménages pauvres. Somme toute, la place de cette proposition est cohérente avec le fait que la corruption et la mauvaise gouvernance figurent en bonne place parmi les causes de pauvreté identifiées par les ménages, surtout les ménages non pauvres.

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INTRODUCTION Parmi les causes internes de la crise économique qui a sévèrement frappé le Cameroun de 1986 à 1994, la chute des cours des produits agricoles d’exportation, la baisse du dollar et la mauvaise gestion des ressources figurent en bonne place. La détérioration des revenus qui en a résulté a entraîné une baisse du pouvoir d’achat des populations. Cet état de chose aurait favorisé le développement de la corruption, entretenu par un certain comportement véreux1 observé dans certains services publics. Face à cette situation, le Cameroun a adopté en juin 2000 son programme national de gouvernance. A travers celui-ci, le Gouvernement entend promouvoir le développement par la modernisation de l’administration et la bonne gestion économique. Cela doit se traduire dans les faits par le renforcement de la transparence de l’appareil de l’Etat, la promotion de la responsabilité dans la gestion des affaires publiques, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, et dans une large mesure, la lutte contre la corruption par la sanction des agents indélicats, etc. Le problème de la corruption constitue selon plusieurs études2 et même selon les bailleurs de fonds une entrave majeure à la croissance, au commerce, à l’investissement et limite de ce fait le développement. Son degré au Cameroun lui a valu d’être classé pendant deux années consécutives à la tête des pays où la corruption est la plus développée, selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Le domaine d’expression privilégié de la corruption reste et demeure les services sociaux relevant du secteur public. En effet, la faible motivation des fonctionnaires et agents de l’Etat consécutive à la diminution de leur pouvoir d’achat aurait considérablement contribué au développement de la corruption et de la mauvaise gestion. A cela, il faut ajouter l’impunité des infractions commises qui aurait pour sa part contribué à entretenir ce fléau social, véritable gangrène de la société. Par ailleurs, les consultations participatives organisées en mars-avril 2000 et en janvier 2002 dans le cadre de l’élaboration du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) ont permis de prendre en compte le point de vue des populations sur les causes présumées de la pauvreté. Il en ressort que les causes les plus importantes qui ont été évoquées sont : l’enclavement et le mauvais état des routes, la mauvaise gouvernance et la forte prévalence de la corruption. Les deux dernières causes sont fondamentalement liées en ce qui concerne l’administration. La mauvaise gouvernance est un phénomène multiforme. La corruption est, de toutes ses manifestations, celle à laquelle les populations sont le plus confrontées. Elles le sont aussi bien en tant que corruptrices et corrompues. L’étude ne pose pas de réelle frontière entre les deux phénomènes de corruption et de mauvaise gouvernance. Loin d’être un plaidoyer pour la bonne gouvernance et encore moins un moyen pour dénoncer les pratiques des uns et des autres, l’objet de cette étude est d’évaluer, voire quantifier l’ampleur de la corruption et de la mauvaise gouvernance telle que les ménages, considérés comme les principales victimes et quelques fois des acteurs, les vivent. Une mise en rapport de ces fléaux avec les caractéristiques et les conditions de vie des ménages permettra également de mieux les analyser.

1 Le phénomène de 30% tant décrié dans les services du trésor à cette époque est révélateur à cet effet 2 CHERY W. GRAY AND DANIEL KAUFMAN, Corruption and Development, 1998

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L’étude est constituée de trois chapitres. Le premier présente les différentes formes de la corruption et de la mauvaise gouvernance et procède à une évaluation de ces dernières en 2001. Il s’agit de la petite corruption qui sévit dans les services sociaux publics au Cameroun. Le second chapitre porte sur les effets néfastes de ces fléaux tandis que le troisième et dernier chapitre présente la place de la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance dans les actions prioritaires proposées par les ménages pour améliorer leurs conditions de vie.

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CHAPITRE 1. EVALUATION DE LA CORRUPTION ET DE LA MAUVAISE GOUVERNANCE AU CAMEROUN EN 2001 1.1 Définition, formes et manifestations de la corruption et de la mauvaise gouvernance Il est difficile de dissocier dans le système actuel de gouvernance au Cameroun, la corruption de la mauvaise gouvernance car le premier phénomène n’est qu’une manifestation du deuxième qu’il entretient. La bonne gouvernance est un processus multidimensionnel de gestion d’un pays, capable de promouvoir un environnement incitatif au bénéfice de l’ensemble des partenaires3. Elle peut aussi constituer une force décisive dans la légitimation des projets de sociétés ou le succès des programmes de développement. Elle est caractérisée par plusieurs critères : une constitution démocratique, une justice indépendante et accessible à tous, un organe législatif pleinement responsable, une presse libre, indépendante et concurrentielle, et un système politique pluraliste et tolérant. A l’opposé, la mauvaise gouvernance peut se définir comme un système occulte de gestion d’un pays qui réduit le bien-être de certaines couches sociales en privilégiant l’intérêt privé par rapport à l’intérêt collectif. Elle englobe ainsi toutes les formes de mauvaise gestion et les différentes manifestations de la corruption. Tranparency International, une Organisation Non Gouvernementale Internationale vouée à la lutte contre la corruption, définit la corruption comme étant l’abus de pouvoir que l’on a reçu en délégation (qui peut donc émaner du secteur public comme du secteur privé) à des fins privées, ne profitant pas nécessairement à la personne abusant du pouvoir, mais incluant aussi bien les membres de sa propre famille ou ses amis. Cette tentative de définition met en évidence le fait que la corruption concerne un ensemble très large de pratiques et toutes formes de fraudes, des dons et réceptions des pots-de-vin ou autres avantages, l’abus d’une position publique en vue d’un intérêt privé. A cela il faut ajouter la corruption utilisant la contrainte comme levier principal (où la dimension de l’extorsion prime sur la dimension transactionnelle), les pratiques telles que les échanges de services et de faveurs entre parents et relations diverses, ressortissants d’une même localité ou région, membres d’une même famille politique. On distingue la petite corruption ou corruption à petite échelle et la corruption à grande échelle. La petite corruption implique de petites sommes d’argent et de petits fonctionnaires et agents de l’Etat. Elle pose le problème de survie et correspond à la corruption administrative quotidienne. La grande corruption concerne les fortes sommes et les sommets de l’Etat. C’est principalement une corruption d’enrichissement politique ou politico administrative qui s’insère dans la dynamique d’accumulation des classes dirigeantes. Cependant, on passe facilement de la petite à la grande corruption et vice versa. L’approche utilisée lors de l’ECAMII a permis d’enregistrer les informations sur les interrelations entre les ménages et l’administration directe. Cette méthode a fourni des données sur la corruption banalisée à petite échelle vécue par les ménages. De ce fait la suite de cette étude ne traite que de la petite corruption.

3 Programme National de gouvernance au Cameroun, Yaoundé, 2002.

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Les champs politique, économique et social sont les domaines de prédilection dans lesquels prospère la corruption. Dans ces domaines propices au fléau, les manifestations et les degrés ne sont pas identiques. D’abord sur le plan politique, la corruption consiste en une répartition des prébendes fondée sur l’appartenance à un parti politique et l’implication dans les activités du parti. Le bulletin de vote a aujourd’hui une valeur marchande qui n’existait pas, du moins au même degré, au temps du parti unique. En effet, la corruption parvient à subvertir les mécanismes électoraux par l’achat des suffrages. Ceci n’est pas seulement le fait des hommes politiques, mais aussi celui des électeurs qui attendent une certaine générosité de l’homme politique qui veut être élu. Il faut ajouter à cette forme de corruption par l’achat des voix, la cooptation des adversaires politiques, phénomène qui fausse largement la compétition électorale. Cette forme de corruption n’est pas traitée dans l’étude. Ensuite sur le plan économique, la corruption implique des sommes d’argent, des pots-de-vin entre les ménages et les fonctionnaires, agents de l’état ou personnel des structures privées. Les biens et les services s’échangent directement par l’argent sans qu’intervienne le statut social des acteurs. Certains fonctionnaires perçoivent des commissions indues pour des services d’intermédiation qu’ils ont fournis ou des services illégaux rendus. Certaines pratiques courantes pendant les recrutements consistent à verser des sommes d’argent aux personnes chargées de ces opérations, reléguant ainsi à l’arrière plan le mérite et la compétence. Une autre pratique très habituelle consiste pour l’acteur de la corruption à gratifier l’agent public lorsque celui-ci s’est bien acquitté de ses tâches ordinaires, l’amenant ainsi à vendre implicitement les services qu’il devrait rendre gratuitement. Cette rétribution indue des services publics, caractérisant la mauvaise gouvernance prend souvent plusieurs formes telles que la vente du carnet de santé au double de son prix, les interventions facturées de la police aux usagers sous forme de frais de déplacement ou de carburant, la vente abusive des formulaires et imprimés administratifs légalement gratuits dont on a simulé la rareté. Dans le domaine éducatif, cela se traduit dans les faits par l’exigence des rouleaux de papiers hygiéniques, des tables bancs, des frais d’Association des Parents d’Elèves exorbitants, des rames de papiers, des frais de photocopies, etc. Ces exigences rendent ainsi l’école plus chère alors que l’Etat veut en réduire les coûts. Ces pratiques peuvent contribuer à décourager les parents d’élèves des ménages pauvres qui laissent leurs progénitures s’orienter très tôt vers le marché du travail sans être qualifiés. D’autres manifestations économiques de la corruption vécues par les usagers comme les pratiques d’extorsion d’argent dans lesquelles aucun service n’est fourni et les possibilités de transaction et de négociation réduites utilisent la contrainte comme levier principal pour solliciter les pots-de-vin ou la faveur des usagers. On perd ainsi le temps aux usagers dans les files et les salles d’attente, aux chauffeurs de car ou de taxi aux postes de contrôle. Tout ceci ajouté aux abus de garde à vue des prévenus provoque l’impatience des citoyens. Dans son champ de prédilection social enfin, la corruption concerne les échanges de services et de faveurs entre promotionnaires, parents, ressortissants d’une même localité ou région et membres d’une même obédience politique. L’agent de l’Etat se trouve face au dilemme de choisir entre le respect d’une éthique bureaucratique abstraite et rarement pratiquée dans son milieu de socialisation professionnelle, et la fidélité due aux promesses politiques, aux réseaux identitaires, familiaux, professionnels et politiques. Au Cameroun, les relations sociales seraient fortement personnalisées et familiarisées. La corruption prend ainsi la forme du népotisme qui renvoie à la prégnance des relations de parenté au sein de la famille étendue. Ce qui impose à l’agent public de faire profiter les membres de sa parenté de son accès privilégié aux ressources publiques.

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Il peut également s’agir du clientélisme, du copinage ou encore du tribalisme. Le clientélisme constitue un rapport de dépendance personnelle qui repose sur un échange réciproque de faveurs entre personnes. Le copinage quant à lui est un échange de services entre amis et concerne des personnes parfois potentiellement égales tandis que le tribalisme est une forme de favoritisme à base ethnique ou même ethno-régionale. Pendant et après les années de crise au Cameroun, ces différentes formes de corruption se seraient accentuées et démarquées par la dominance de l’intérêt individuel et familial sur l’intérêt collectif et national. On aurait ainsi assisté à des détournements des deniers publics, à l’utilisation abusive des biens publics pour des fins personnelles. L’image du Cameroun s’est vue ternie tant sur le plan national qu’international. Cette situation lui a valu d’être tristement classé successivement en 1998 et 1999 comme premier pays où la corruption et la mauvaise gouvernance sévissent le plus parmi les pays où une enquête sur la question était menée. Au lendemain de ces classements, le Cameroun a entrepris un certain nombre de mesures visant la transparence dans la gestion des affaires étatiques et l’assainissement des finances publiques. On fait ainsi référence au programme national de gouvernance, aux comités national et ministériels de lutte contre la corruption, un mal qui gangrène l’économie et freine les efforts de lutte contre la pauvreté. Il faut ajouter la création de diverses agences de régulation dans les secteurs stratégiques de l’économie à l’exemple de l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP) chargée de suivre la bonne exécution des marchés publics, autre secteur de prédilection de la corruption. Quelques années plus tard et à la faveur de la deuxième Enquête Camerounaise Auprès des Ménages (ECAM II), enquête d’envergure nationale réalisée en 2001, l’occasion a été saisie pour appréhender quelques aspects de la corruption et de la mauvaise gouvernance. Ces aspects concernent notamment les services sociaux comme l’éducation, la santé, la police et la justice. Il est convenu également de décrire les ménages qui y ont été impliqués eu égard aux actions menées pour freiner son évolution. Les résultats de l’enquête vont être mis en relief avec le classement du Cameroun en 2001 par Transparency International. 1.2 Niveau de corruption au Cameroun en 2001 Dans le cadre de cette étude, est considéré comme victime de la corruption, un ménage dont au moins un membre a eu à payer involontairement des frais non réglementaires pour la scolarisation d’un enfant, pour des soins médicaux, pour une affaire à la justice, à la police ou pour être servi dans une autre structure. Est considéré comme acteur, un ménage dans lequel au moins un membre a eu à payer volontairement des frais non réglementaires pour infraction au code de la route, défaut de pièces de véhicules ou défaut de pièces personnelles. Sur la base de ces définitions, un ménage peut donc être à la fois acteur et victime de la corruption. Le niveau de corruption peut être approché par le taux brut de corruption4, défini comme étant le rapport entre le nombre de ménages ayant fait face à la corruption et l’ensemble des ménages y compris ceux qui ne seraient pas concernés par les services en question.

4 . Ce taux se distingue du taux net de corruption obtenu en rapportant les ménages ayant fait face à la corruption aux seuls ménages usagers des services considérés. Par souci de comparaison, l’on convient d’analyser uniquement le taux brut, les données de l’ECAM II ne permettant de se restreindre aux ménages usagers de tous les services concernés.

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Il ressort du tableau 1.1 que plus de 42% des ménages ont été impliqués dans les affaires de la corruption au cours de l’année 2001 en tant que victimes ou acteurs. Au regard des mesures adoptées par le gouvernement ces dernières années pour combattre ce fléau, ce chiffre paraît assez élevé pour penser que la corruption est entrain d’être vaincue. C’est que pendant les années où la corruption et la mauvaise gouvernance ont atteint leur apogée au Cameroun, les populations se sont habituées à certains modes de vie. On peut citer le recours aux intermédiaires dans le suivi des dossiers administratifs, la familiarité établie entre certains agents de l’Etat et les populations. De ce fait, la corruption serait devenue systémique, banalisée et généralisée. Les partenaires ont pérennisé les transactions corruptrices en les transformant en relations sociales stabilisées. Ce serait le cas des relations entre les transporteurs et les policiers ; entre les avocats et les magistrats pour ne citer que ces exemples. La baisse du niveau de vie pendant les années de crise aurait contribué à consolider ces liens qui rendent impunie toute sorte d’infraction. D’où la difficulté de délier ces différents réseaux de personnes véreuses. Ces diverses formes de relations sociales sont assimilables à la corruption. Car en s’appliquant aux rapports avec le monde politique, administratif et judiciaire, elles engendrent le favoritisme et contaminent la gestion publique par la création des voies parallèles à celles qui existent légalement dans le cadre du service. Suivant le niveau de vie, les non pauvres ont été plus confrontés à la corruption et la mauvaise gouvernance que les pauvres. En effet près de 46% des ménages non pauvres ont été au cours de l’année 2001 acteurs ou victimes de la corruption contre environ 34% chez les ménages pauvres. C’est que dans les faits, la corruption fait intervenir le pouvoir d’achat. Elle ne serait souvent décriée que par ceux qui n’ont pas eu les moyens de s’en servir pour des intérêts personnels. Lorsque sur la route, un chauffeur peut débourser une somme d’argent pour ne pas être verbalisé contre un délit ou un défaut de pièces, qu’à la douane ou aux impôts on trouve les moyens de contourner le fisc, lorsqu’on soudoie une infirmière pour être vite reçu par le médecin ou, lorsqu’on envoie des pots-de-vin au maître pour faire réussir l’élève, c’est que l’on a bien les possibilités de le faire. Les véritables victimes des réseaux de corruption et de la mauvaise gouvernance sont ainsi ceux qui n’ont pas les moyens d’y accéder ; leurs dossiers vont généralement traîner, attendant une quelconque réaction de leur part. La corruption apparaît ainsi comme un ensemble d’opportunités dont se paient ceux qui ont les moyens et dont souffrent ceux qui n’ont pas les possibilités de s’en offrir. Au niveau régional, les moins confrontées à la corruption et la mauvaise gouvernance sont celles dont les ménages sont les plus pauvres. En effet, les ménages de l’Extrême-Nord, province la plus pauvre, ont le moins fait face à la corruption avec une proportion de 23%. Ils sont suivis des ménages de la province du Nord dont 24,5% ont été corrupteurs ou corrompus en 2001 et du Nord-Ouest avec 27,6%. Les régions de Douala, de l’Ouest, du Centre et de Yaoundé sont celles dont les proportions de ménages acteurs ou victimes de la corruption sont les plus élevées. Cette proportion est de 67,6% pour Douala, 59,4% pour l’Ouest, 56,4% pour le Centre et 52,3% pour Yaoundé. Suivant le milieu de résidence, les ménages du milieu urbain ont plus fait face à la corruption et à la mauvaise gouvernance que les ménages du milieu rural. Compte tenu des résultats précédents, ceci peut être le fait de la forte prévalence de la pauvreté en milieu rural par rapport au milieu urbain. Plus de la moitié des ménages du milieu urbain ont été impliqués dans la corruption en 2001 contre environ le tiers des ménages du milieu rural.

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Tableau 1.1 Proportion de ménages impliqués dans la corruption en 2001 par région, niveau de vie et milieu de résidence.

Niveau de vie Milieu de résidence Région Pauvres Non pauvres Urbain Rural

Ensemble

Douala 62,5 68,0 67,6 /// 67,6 Yaoundé 47,1 52,8 52,3 /// 52,3 Adamaoua 40,0 44,1 35,4 45,5 42,7 Centre 55,9 56,6 47,7 57,1 56,4 Est 24,0 30,2 61,7 23,5 28,3 Extrême-Nord 19,0 26,5 35,2 21,5 23,0 Littoral 22,2 41,9 55,1 24,9 36,6 Nord 23,2 25,1 51,7 17,7 24,5 Nord-Ouest 19,0 34,4 51,0 22,2 27,6 Ouest 61,5 58,5 56,1 60,5 59,4 Sud 38,4 36,5 48,4 35,6 36,8 Sud-Ouest 54,9 47,6 39,5 53,8 49,5 Cameroun 33,9 45,7 54,6 35,4 42,1 Source : ECAM II, I.N.S. Suivant le classement de Tranparency International, le Cameroun est passé successivement du pays dont le degré de corruption perçue dans les milieux d’affaires et de services était le plus élevé en 1998 et 1999 au cinquième rang en 2000, sixième en 2001 et septième en 2002. La création des organes tels que le comité ad hoc, l’observatoire national et les comités ministériels de lutte contre la corruption en l’an 2000 ont dû produire des effets positifs que reflète ce classement. Ces mesures ont permis de démanteler certains grands réseaux de corruption, notamment dans quelques ministères et certaines sociétés publiques et parapubliques. Par la suite, il a fallu s’attaquer à la petite corruption systémique qui accroît les coûts des services publics. Les différents liens sociaux qu’entretiennent les groupes de populations, les mentalités et les opportunités que ces relations offrent aux uns et aux autres rendent jusqu’aujourd’hui la tâche difficile aux structures en charge de lutte contre ce fléau. Ceci justifierait le faible bond dans les rangs entre 2000 et 2002. Malgré les avancées notables dans cette lutte, des techniques nouvelles sont nécessaires pour réduire davantage le degré de la corruption au cours des années à venir. L’augmentation du pouvoir d’achat, la lutte contre l’inflation et les spéculations sur les produits de consommation de masse auraient des conséquences positives sur la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Les mesures de lutte contre ces fléaux doivent également s’inscrire dans le temps. Cependant, le degré de corruption présenté précédemment combine à la fois les victimes et les acteurs. Si les uns sont contraints, les autres sont des initiateurs. On peut mieux comprendre certains aspects de la corruption et de la mauvaise gouvernance en distinguant les victimes des acteurs.

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1.3 Victimes de la corruption Plusieurs camerounais payent généralement et indépendamment de leur volonté des frais non réglementaires pour bénéficier des services dans certains secteurs d’activité. Ces secteurs sont principalement l’éducation, la santé, la justice et la police. Les ménages de ces personnes constituent ainsi les principales victimes de ce fléau qui augmente leurs dépenses et entrave le développement de l’économie nationale. Il ressort du tableau 1.2 que 38,6% des ménages camerounais ont été victimes de la corruption en 2001. Au moins un membre a eu à payer involontairement des frais non réglementaires pour la scolarisation d’un enfant, pour les soins médicaux, à la justice, à la police ou ailleurs. Pour ces ménages, les prestataires de service refusent de se conformer aux règles en vigueur considérées comme honnêtes et justes. Pour ces agents indélicats, l’intérêt individuel prime sur l’intérêt collectif. La corruption n’étant pas un échange économique à somme nulle, ce taux serait plus élevé si l’on considère les victimes indirectes qui supportent les coûts psychologiques et même physiques du fléau. Les régions de Douala, de l’Ouest, du Centre et de Yaoundé sont celles dont les ménages sont les plus victimes de la corruption avec des proportions respectives de 65 ; 56 ; 50 et environ 48%. Par contre, les ménages de l’Extrême-Nord, du Nord et dans une moindre mesure ceux du Nord Ouest en sont moins victimes avec des proportions respectives de 19,5 ; 21,4 et 23,6%. Une analyse suivant le niveau de vie montre que 42,4% des ménages non pauvres ont été victimes de la corruption contre près de 30% de ménages pauvres. Il s’agit ici des ménages dont au moins un membre a eu à payer en espèces ou en nature des frais aux réseaux d’enrichissement individuel. Les ménages non pauvres disposant de plus de moyens que les pauvres, cèderaient facilement aux exigences des agents véreux de l’Etat. Si l’on prend en compte les ménages dont au moins un membre a vu le délai d’exécution de son dossier prolongé parce que n’ayant pas cédé aux contraintes de corruption parfois par manque de moyens, la proportion des victimes en général et des victimes pauvres en particulier sera certainement plus élevée. C’est en milieu urbain que les ménages souffrent le plus de la corruption. En effet, dans un ménage sur deux en milieu urbain, au moins un membre a eu à payer des frais de la corruption, tandis qu’en milieu rural seulement un ménage sur trois en a subi les méfaits. Par rapport à la zone rurale, la zone urbaine est apparue comme celle où les ménages sont les plus nantis. C’est aussi le siège des institutions administratives, pôles de concentration des services étudiés. Ces deux éléments concourent à faire de ce milieu le lieu privilégié pour escroquer les usagers des services publics et même privés. Au regard du tableau 1.8, les ménages dont le chef est de sexe masculin sont plus victimes de la corruption (41%) que ceux dirigés par les femmes (31%). Suivant les classes d’âge du chef de ménage, ceux dirigés par des personnes de 30 à 39 ans sont les plus touchés par le phénomène. On estime à 45% la proportion desdits ménages. Ils sont suivis des ménages dont le chef a entre 40 et 49 ans. Les ménages dont les chefs ont moins de 20 ans ou plus de 60 ans sont les moins atteints par le phénomène de la corruption. Comme l’illustre le tableau 1.8, la proportion de ménages victimes de la corruption croît en fonction du niveau d’instruction du chef de ménage. Elle varie de un quart dans les ménages dont le chef n’est pas scolarisé à plus de la moitié dans ceux dont le chef a le niveau du supérieur. Ce taux est le même et se situe à près de 50% dans les ménages dont le chef a le niveau d’instruction du secondaire premier cycle et ceux dont le chef a le niveau d’instruction du secondaire second cycle.

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Suivant les groupes socio-économiques du chef de ménage, plus de la moitié de ceux dirigés par les travailleurs du privé formel sont victimes du phénomène de la corruption, suivi d’un peu moins de la moitié des ménages des travailleurs du privé informel, des travailleurs du public et les ménages des chômeurs. C’est au sein des ménages dirigés par les inactifs et ceux des agriculteurs, catégories les plus pauvres sur le plan monétaire, qu’on retrouve moins de victimes de la corruption. Tableau 1.2 Proportion de ménages victimes de la corruption selon la région, niveau de vie et milieu de résidence

Niveau de vie Milieu de résidence Région Pauvres Non pauvres Urbain Rural

Ensemble

Douala 58,5 65,6 65,0 /// 65,0 Yaoundé 45,2 48,8 48,5 /// 48,5 Adamaoua 37,1 42,4 34,0 43,1 40,6 Centre 49,5 50,6 44,9 50,7 50,2 Est 23,9 26,9 55,0 21,8 26,0 Extrême-Nord 15,4 23,1 33,4 17,8 19,5 Littoral 20,8 40,8 54,1 23,6 35,5 Nord 18,8 22,7 49,4 14,4 21,4 Nord-Ouest 14,2 30,9 46,8 18,1 23,6 Ouest 57,7 55,2 53,5 56,8 56,0 Sud 36,7 33,6 45,0 33,0 34,2 Sud Ouest 48,2 43,2 33,4 49,3 44,5 Cameroun 29,9 42,4 51,5 31,7 38,6 Source : ECAM II, I.N.S. Lorsqu’on se restreint aux ménages ayant été confronté à la corruption (victimes ou acteurs) au regard du tableau 1.3, en moyenne neuf ménages sur dix en sont des victimes. En dépit du fait que les notions d’acteurs et de victimes de la corruption telles que saisies par l’ECAM II ne recouvrent pas le même champ, on peut penser que le développement de la corruption incombe à une minorité d’agents de l’Etat qui parviennent encore à en dissimuler les rouages. En effet, au regard de ce pourcentage, seulement un ménage sur dix est acteur de la corruption sans en être victime. En terme de niveau de vie et de milieu de résidence, la tendance reste la même que dans le cas où l’on considérerait tous les ménages. Les non pauvres restent les plus atteints par le fléau soit 92,7% contre 88,2% chez les pauvres. Les ménages du milieu urbain sont également plus nombreux à être victimes (94,2%) que ceux du milieu rural (89,5%). Suivant les régions, les chiffres les plus élevés se retrouvent au Littoral, à Douala, à l’Adamaoua, à l’Ouest avec des proportions de plus de 94%. Les proportions les moins élevées sont celles des régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Nord (moins de 88%).

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Tableau 1.3 Proportion de ménages victimes de la corruption dans l’ensemble de ceux ayant été confrontés au fléau selon la région, le niveau de vie et le milieu de résidence.

Niveau de vie Milieu de résidence Région Pauvres Non pauvres Urbain Rural

Ensemble

Douala 93,7 96,4 96,2 /// 96,2 Yaoundé 96,0 92,4 92,7 /// 92,7 Adamaoua 92,7 96,2 96,1 94,8 95,1 Centre 88,5 89,4 94,1 88,7 89,1 Est 99,5 88,9 89,2 92,7 91,7 Extrême-Nord 80,8 87,2 94,9 82,7 84,8 Littoral 93,6 97,4 98,1 95,0 96,8 Nord 80,9 90,6 95,7 81,5 87,4 Nord-Ouest 74,9 89,6 91,8 81,7 85,2 Ouest 93,9 94,4 95,4 93,9 94,2 Sud 95,5 92,2 93,0 92,8 92,9 Sud-Ouest 87,8 90,7 84,5 91,6 89,9 Cameroun 88,2 92,7 94,2 89,5 91,6 Source : ECAM II, I.N.S. L’éducation et la santé constituent depuis plus de cinq ans les domaines prioritaires dans la lutte contre la pauvreté. Malheureusement, les populations ne cessent de se plaindre des pratiques peu catholiques qui existent dans les milieux éducatifs et sanitaires. On retrouve encore des enfants en âge d’être scolarisés qui ne vont pas à l’école malgré la gratuité des frais de scolarité en décriant le manque de moyens financiers pour assurer les différents frais exigibles5. De même, certains malades hésitent toujours à se rendre dans un centre de santé, redoutant les coûts de consultation, la mauvaise qualité des services et le clientélisme. Pour ces deux secteurs sociaux très sensibles auxquels il faut ajouter la justice et la police, l’ECAM II s’est intéressée aux ménages ayant eu à y payer involontairement des frais non réglementaires. 1.3.1 Victimes de la corruption dans le secteur de l’éducation Le gouvernement camerounais s’est donné l’objectif d’un taux net de scolarisation de 100% au cycle primaire d’ici 2015. Pour atteindre ce noble objectif, plusieurs mesures ont été adoptées en vue d’inciter l’adhésion de tous à la scolarisation des jeunes enfants en âge d’aller à l’école primaire. On peut citer parmi ces mesures, la suppression des frais de scolarité exigibles à l’école primaire publique, les vagues de recrutement des instituteurs depuis quelques années et la distribution des paquets minimums en vue de palier au manque de logistique et de matériels de bureau. Malgré ces mesures, plusieurs ménages interrogés lors de l’ECAM II sur les raisons qui les empêchent d’inscrire leurs enfants à l’école primaire publique la plus proche ont décrié curieusement la cherté des services, la mauvaise qualité et le monnayage. Au regard du tableau 1.4, près de 15% des ménages camerounais affirment qu’au moins un de leur membre a eu à payer en 2001 et de façon involontaire des frais non réglementaires pour la scolarisation d’un enfant.

5 Les frais exigibles comprennent les frais d’APE, l’achat des livres et autres fournitures scolaires et les dépenses pour tenue scolaire ; il faut ajouter les dépenses de transport et de nutrition à l’école. La suppression de la scolarité pour le primaire ne résout que partiellement le problème.

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Les régions de Douala, du Centre, de Yaoundé et de l’Ouest sont respectivement les plus touchées par cet aspect de la corruption. Dans près d’un quart des ménages de chacune de ces régions, au moins un membre a eu à payer involontairement des frais non réglementaires pour la scolarisation d’un enfant. Il s’agit là des régions où les taux de scolarisation sont les plus élevés. La demande d’inscription est parfois supérieure à l’offre dans certains établissements scolaires. Les dirigeants de ces établissements profitent de cette situation pour extorquer les ressources financières qui pouvaient permettre aux parents d’acheter des livres aux enfants. Cela prend plusieurs formes caractéristiques de la mauvaise gouvernance : augmentation des frais d’association des Parents d’Elèves (A.P.E), demande de l’équivalent d’une rame de papier ou de frais de photocopies par élève à la veille des évaluations, les frais pour les tables-bancs, papiers hygiéniques, construction de la barrière, etc. Conséquence, la priorité est accordée à l’inscription d’un enfant, les conditions de travail ne préoccupent plus les parents qui ont presque tout donné à la phase préliminaire d’inscription. Le taux de réussite pourrait devenir faible et les taux de redoublement et d’exclusion élevés, contribuant à la longue à la saturation des écoles. Certains enfants ne pouvant plus aller à la première classe du primaire malgré leur volonté et l’objectif de 2015 se trouverait hypothéqué. Les responsables de ces établissements avancent comme raisons l’insuffisance du budget de fonctionnement, le manque de salles de classes et de tables-bancs, le manque d’enseignants et le recrutement des vacataires aux frais des élèves. La lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance dans le secteur éducatif doit donc passer entre autre par le recrutement des enseignants, la construction de nouvelles salles de classes et l’application des sanctions à l’encontre de tous les agents indélicats. Dans les régions de l’Adamaoua, du Nord-Ouest et de l’Est, moins de dix ménages sur cent ont été victimes de cette corruption. A l’Extrême-Nord et au Nord, le phénomène est presque inexistant. Ces régions sont en fait celles dont les taux de scolarisation sont les plus faibles. Le niveau de corruption et de la mauvaise gouvernance dans le secteur de l’éducation est donc fortement lié au niveau de scolarisation dans chaque région, plus précisément le taux net de scolarisation des enfants de 6 à 14 ans. Lorsque le taux de scolarisation est élevé, la propension à exiger des pots de vins pour les responsables devient également élevée. C’est le cas dans les régions de Douala, du littoral, de Yaoundé et de l’Ouest. En revanche, lorsque l’engouement de la population est faible pour les études comme c’est le cas dans la partie septentrionale du pays, les chances pour les responsables d’établissement d’exiger et obtenir des frais supplémentaires aux élèves sont réduites. Cette assertion reste valide pour le milieu de résidence. En effet, les ménages du milieu urbain où le taux de scolarisation est le plus élevé sont plus nombreux à être victimes de la corruption en milieu scolaire que les ménages du milieu rural où le taux de scolarisation est plus faible. Les non pauvres sont plus nombreux à être victimes de la corruption que les pauvres dans le secteur de l’éducation. Environ 16% de ménages non pauvres affirment avoir payé les frais de la corruption dans le secteur éducatif contre près de 12% chez les ménages pauvres. Il ne s’agit pas d’une faveur que les acteurs de la corruption font aux pauvres. Ces derniers en sont victimes d’une manière ou d’une autre. Car s’ils sont moins nombreux que les non pauvres à payer involontairement des frais pour la scolarisation d’un enfant, ils sont aussi moins nombreux que les non pauvres à être scolarisés. Cette forme de la pauvreté serait de celle qui entretient le cercle vicieux de la pauvreté.

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Graphique 1.1 Niveaux comparés du taux net de scolarisation au primaire ( enfants de 6-14 ans) et de la proportion des ménages victimes de la corruption dans le secteur de l’éducation par région.

0

20

40

60

80

100

120

Douala

Littora

lOues

tSu

d

Sud O

uest

Centre

Nord-O

uest Es

t

Camero

un

Adam

aoua Nord

Régions

Taux net de scolarisation 6-14 ans

Proportion de ménages victimes de la corruption dans le secetur éducatif

Source : ECAM II, I.N.S. Tableau 1.4 Proportion de ménages victimes de la corruption dans le secteur de l’éducation selon la région, le niveau de vie et le milieu de résidence.

Niveau de vie Milieu de résidence Région Pauvres Non pauvres Urbain Rural

Ensemble

Douala 29,1 27,0 27,2 /// 27,2 Yaoundé 28,1 22,8 23,2 /// 23,2 Adamaoua 4,2 9,3 11,9 5,8 7,5 Centre 26,8 25,6 26,9 25,9 26,0 Est 9,5 9,2 21,0 7,6 9,3 Extrême-Nord 3,3 2,8 6,5 2,6 3,0 Littoral 13,9 18,2 31,8 7,6 17,0 Nord 5,0 5,2 18,4 1,9 5,1 Nord-Ouest 4,9 11,7 21,1 5,8 8,7 Ouest 23,7 22,8 29,7 21,0 23,1 Sud 16,5 14,1 18,1 14,2 14,6 Sud-Ouest 22,3 13,5 12,3 17,2 15,7 Cameroun 11,9 16,1 22,9 10,5 14,9 Source : ECAM II, I.N.S.

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1.3.2 Victimes de la corruption dans le secteur de la santé Après près d’une décennie de crise économique, les efforts du Cameroun dans le secteur de la santé évalués en 2001 sont louables. En plus de l’intégration des médecins formés à la Faculté de médecine de l’Université de Yaoundé I dans la fonction publique, le gouvernement par l’intermédiaire du Ministère de la santé publique recrute des infirmiers diplômés d’Etat. Plusieurs campagnes de vaccination et de sensibilisation de proximité sont organisées en faveur des populations. L’Etat a repris la construction et l’équipement des centres de santé même dans les régions les plus reculées du pays. Les médicaments génériques de plus en plus disponibles dans les centres de santé et les pharmacies sont distribués à des bas prix. Depuis quelques années, une partie des frais réglementaires de prestation dans les formations sanitaires publiques est utilisée pour le bon fonctionnement des services. Malgré ces efforts, environ un ménage sur cinq a déclaré qu’au moins un de ses membres a payé involontairement des frais non réglementaires pour des soins médicaux au cours de l’année 2001. Ces pratiques d’escroquerie des malades sans compassion se traduisent dans les faits par des coûts de consultation très élevés, la vente des médicaments génériques (lorsqu’ils ne sont pas détournés vers des centres de consultation privés) mis à la disposition des centres pour assurer gratuitement les premiers soins aux malades, la vente obligatoire des carnets de santé à tous les malades, la vente des seringues, etc. Les arrivées tardives des personnels de santé qui consultent d’abord dans leurs centres privés ou à domicile et la lenteur dans les consultations entraînent l’impatience des malades qui en surnombre, doivent payer plus cher les consultations ou soudoyer les intermédiaires des médecins pour être reçus. Ces pratiques ont pour corollaire, l’abandon des centres de santé formels par les malades qui préfèrent s’orienter vers les tradipraticiens et les relations privées. Certains pensent désormais que pour être bien reçu dans un hôpital, il faut y connaître particulièrement un médecin. Dans les régions de l’Extrême-Nord et du Nord, les ménages sont les moins victimes de la corruption dans le secteur sanitaire. Le tableau 1.5 montre que seulement 7 et 10% de ménages ont respectivement été victimes de la corruption dans ces deux régions contre 48,4%, 34,5% et 32,7% respectivement à Douala, à l’Ouest et au Centre. Suivant le milieu de résidence, les ménages du milieu urbain sont plus victimes de la corruption dans le secteur de la santé que leurs homologues du milieu rural. En effet, dans près du tiers des ménages du milieu urbain, au moins un membre a eu à payer involontairement des frais non réglementaires pour des soins médicaux, soit deux fois plus que dans les ménages ruraux.. Lorsqu’on fait une analyse des victimes selon le niveau de vie, les non pauvres sont plus atteints par le fléau que les pauvres. Ils disposent en fait des moyens financiers pour céder aux tracasseries des acteurs de la corruption. Près du quart des ménages non pauvres ont été victimes de la corruption dans le secteur de la santé contre seulement 15,3% de ménages pauvres. Comme dans le secteur éducatif, il ne s’agit pas d’un avantage que ces structures accordent aux pauvres. Ces derniers ont en fait un taux de consultation de structures formelles inférieur à celui des ménages non pauvres. Du fait de ces pratiques, les pauvres sont ainsi les premiers à s’orienter vers les structures informelles où leur taux de consultation est supérieur à celui des non pauvres6. Ce faisant, ils s’exposent plus à des soins de santé de qualité douteuse.

6 Voir DSCN : « Conditions de vie des populations et profil de pauvreté au Cameroun en 2001, Premiers résultats », Yaoundé, 2002, page 43.

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Tableau 1.5 Proportion de ménages victimes de la corruption dans le secteur de la santé selon la région, le niveau de vie et le milieu de résidence.

Niveau de vie Milieu de résidence Région Pauvres Non pauvres Urbain Rural

Ensemble

Douala 45,6 48,6 48,4 /// 48,4 Yaoundé 22,8 23,5 23,5 /// 23,5 Adamaoua 18,4 19,4 21,4 18,2 19,1 Centre 34,1 32,0 28,9 33,1 32,7 Est 14,0 17,7 37,7 13,5 16,6 Extrême-Nord 6,2 7,6 16,0 5,8 6,9 Littoral 11,3 21,6 32,8 10,0 18,9 Nord 10,0 9,6 26,9 5,5 9,7 Nord-Ouest 4,4 14,8 16,1 8,9 10,3 Ouest 33,7 34,9 32,6 35,2 34,5 Sud 9,8 13,8 21,9 12,0 13,0 Sud-Ouest 17,1 18,9 12,9 20,9 18,4 Cameroun 15,3 23,6 30,6 16,0 21,1 Source : ECAM II, I.N.S. 1.3.3 Victimes de la corruption dans les secteurs de la justice, la police et autres Dans l’exercice de leurs activités, les populations camerounaises entretiennent quotidiennement des relations plus ou moins directes avec les agents garant de la justice et de la sécurité nationale. Pendant leurs interrelations, certaines déplorent des actes d’escroquerie dont elles seraient victimes de la part des personnels de ces services. D’autres seraient contraintes à verser des pots-de-vin aux magistrats, procureurs, avocats et d’autres personnels de la justice pour échapper à la prison ou à d’autres sanctions judiciaires. Dans les structures comme les banques, la Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC), la société de distribution d’électricité (AES-SONEL), la Cameroon Telecommunications (CAMTEL), plusieurs personnes seraient amenées à soudoyer les agents afin d’être servis tout au moins prioritairement. Les ménages qui abritent ces personnes sont ici les victimes de la corruption dans ces secteurs. Environ un quart des ménages déclarent avoir été victimes de la corruption dans ces domaines en ce sens qu’au moins un de leurs membres a eu à payer involontairement des frais non réglementaires à la justice, à la police ou ailleurs. Ces pratiques sont plus fréquentes à Douala, au Sud-Ouest, à Yaoundé, à l’Ouest et au Centre où au moins un ménage sur trois a été victime du fléau. Les régions où les ménages sont les moins touchés par ces pratiques d’extorsion sont l’Est, le Nord-Ouest, le Nord et l’Extrême-Nord avec chacun moins de 20% de ménages victimes de cette corruption. Les ménages du milieu urbain ont le plus subi les coûts de la corruption par rapport aux ménages du milieu rural. Environ le tiers parmi eux ont été victimes du phénomène contre le cinquième des ménages du milieu rural. Comme dans les secteurs éducatifs et sanitaires, les non pauvres sont plus frappés ici que les pauvres. Près de 29% de ménages non pauvres avouent avoir été escroqués soit à la police, soit à la justice, soit ailleurs contre près de 20% de ménages pauvres.

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Tableau 1.6 Proportion de ménages victimes de la corruption dans d’autres secteurs tels que la justice, la police, etc. selon la région, le niveau de vie et le milieu de résidence

Niveau de vie Milieu de résidence Région Pauvres Non pauvres Urbain Rural

Ensemble

Douala 41,1 42,9 42,8 /// 42,8 Yaoundé 26,1 33,4 32,8 /// 32,8 Adamaoua 27,8 29,7 19,1 32,9 29,0 Centre 34,3 31,2 20,1 33,3 32,3 Est 13,9 14,8 34,3 11,7 14,5 Extrême-Nord 11,2 19,2 26,1 14,3 15,5 Littoral 7,6 26,0 31,2 14,7 21,1 Nord 12,1 16,1 28,6 11,3 14,7 Nord-Ouest 8,4 19,2 32,2 10,3 14,5 Ouest 32,5 32,9 34,8 32,1 32,8 Sud 22,7 23,5 26,8 23 23,4 Sud Ouest 41,6 37,4 25,9 43,9 38,5 Cameroun 19,8 28,8 33,9 21,8 26,1 Source : ECAM II, I.N.S. 1.4 Acteurs de la corruption Les membres de certains ménages payent de leur propre gré des frais non réglementaires aux agents de sécurité généralement pour infraction au code de la route, pour défaut de pièces de véhicule ou de pièces personnelles. Pour contourner les amendes exigées, ils pousseraient ainsi les agents de l’Etat à se déroger des règles de la déontologie professionnelle7. Les ménages dans lesquels vit cette catégorie de personnes sont qualifiés dans cette étude d’acteurs principaux de la corruption. Bien entendu, l’étude des acteurs de la corruption se limite ici au secteur de la sécurité routière, l’ECAM II n’ayant pas saisi de tels comportements dans des secteurs tels que l’éducation et la santé. Près de 17,4% des ménages ont été acteurs de la corruption en 2001 dans le domaine de la sécurité routière. Les ménages du Centre, du Sud-Ouest, de l’Ouest et dans une moindre mesure ceux de Douala sont les plus nombreux à contenir les personnes qui entretiennent la corruption dès qu’ils sont en infraction sur la route. Tandis que dans les régions du Nord, du Littoral, de l’Extrême-Nord et de l’Est, au plus dix ménages sur cent affirment avoir entretenu le phénomène de la corruption. Dans le milieu urbain comme dans le milieu rural, la proportion de ménages acteurs de la corruption est presque la même qu’au niveau national. Suivant le niveau de vie, les ménages non pauvres sont légèrement plus nombreux (17,8%) que les ménages pauvres (16,4%) à activer le fléau de la corruption sur la route.

7 L’expression « payer de son propre gré », ce qui suppose le caractère volontaire du paiement, devrait être relativisée car dans bien de cas, l’usager ne ferait qu’anticiper un paiement qu’allait lui réclamer l’agent de sécurité en constatant son infraction.

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Les ménages dirigés par les hommes sont plus enclins à corrompre que ceux dirigés par les femmes (voir tableau 1.8). Dans l’ensemble des ménages dirigés par les hommes, un cinquième affirme avoir payé volontairement des frais en nature ou en espèces pour bénéficier d’un service ou échapper à une amende pour défaut de pièces de véhicules ou de pièces personnelles sur la route. Tandis que seulement un dixième de ménages dirigés par les femmes déclare avoir pratiqué un tel acte. Les ménages dont le chef a entre 30 et 50 ans sont les plus nombreux à provoquer le phénomène de la corruption. On estime à 38% la proportion de ces ménages dont au moins un membre affirme avoir volontairement payé des frais non réglementaires aux agents publics sur la route en 2001. Les personnes de cette tranche d’âge sont généralement des actifs occupés disposant d’assez de moyens et préparés psychologiquement à adopter un tel comportement lorsque la situation se présente. Une telle attitude est susceptible d’être adoptée par la plupart des membres du ménage. Par contre, moins de dix ménages sur cent parmi ceux dont le chef a moins de 20 ans ont été acteurs de la corruption en 2001, suivis des ménages dont le chef est âgé de 60 ans ou plus. Dans ce dernier groupe, 13% déclarent qu’au moins un de leurs membres a eu à payer volontairement des frais pour échapper à une sanction. Ces deux dernières classes abritent généralement des inactifs qui disposent de peu de moyens. Les ménages dont le chef a le niveau secondaire premier cycle ont le plus corrompu les agents de la sécurité routière. En effet, environ un cinquième de ménages de ce type a affirmé qu’au moins un de leurs membres a eu à payer volontairement des frais non réglementaires pour bénéficier d’un service ou échapper à une peine ou une amende sur la route. Ils sont suivis des ménages dont le chef a le niveau du primaire. Dans les ménages dont le chef n’est pas scolarisé, 12,7% ont contourné les amendes en payant des frais aux agents de la sécurité routière. Les ménages dont le chef a le niveau supérieur sont touchés par la corruption au même niveau que l’ensemble des ménages, soit 17,4%. Dans près du quart des ménages dont le chef est un travailleur du privé formel, on déclare qu’au moins un membre a payé volontairement des frais pour infraction routière. Ces ménages sont ainsi les plus nombreux à activer la corruption, suivis de ceux dont le chef est travailleur du privé informel (environ 20%) et des ménages dirigés par des travailleurs du public (17%). Les ménages dirigés par les chômeurs et les inactifs sont ceux dans lesquels les membres ont de la peine à payer des forfaits en cas d’un motif sur la route. Le manque d’engouement de ces derniers provient probablement d’un manque de moyens financiers.

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Tableau 1.7 Proportion de ménages acteurs de la corruption selon la région, le niveau de vie et le milieu de résidence.

Niveau de vie Milieu de résidence Région Pauvres Non pauvres Urbain Rural

Ensemble

Douala 23,1 21,5 21,7 /// 21,7 Yaoundé 6,9 16,1 15,3 /// 15,3 Adamaoua 18,1 17,7 7,7 21,8 17,9 Centre 33,7 27,6 8,7 31,6 29,7 Est 6,3 11,8 27,5 7,5 10,0 Extrême-Nord 9,7 10,5 13,6 9,7 10,1 Littoral 5,9 11,3 14,1 7,2 9,9 Nord 8,8 8,3 10,8 7,9 8,5 Nord-Ouest 6,8 15,9 17,3 10,6 11,9 Ouest 34,1 23,5 16,1 30,1 26,7 Sud 15,4 20,6 18,7 19,7 19,6 Sud-Ouest 35,7 23,9 17,3 31,1 26,9 Cameroun 16,4 17,8 17,0 17,6 17,4 Source : ECAM II, I.N.S. Dans les domaines abritant les victimes et les acteurs de la corruption que nous venons d’examiner, l’accent est mis sur la défaillance du système et la proportion de ménages qui en paient le prix. Les agents qui entretiennent le système de la corruption avancent plusieurs raisons pour justifier la perte de temps aux usagers et les mesures qu’ils prennent en vue d’utiliser les biens publics pour des intérêts personnels. Cependant, si malgré les sanctions appliquées et la création des comités ministériels de lutte contre la corruption l’ampleur du phénomène reste important, il faut chercher d’abord les raisons et combattre le mal à partir de la racine. Il faut s’apercevoir que la corruption en général profite à toutes les parties prenantes directes. C’est la société et donc l’économie nationale qui en souffre. Certes, l’Etat subventionne la distribution des médicaments génériques dans les centres de santé, distribue les paquets minimums aux écoles primaires publiques, mais ceux qui sont chargés d’appliquer ces mesures éprouvent de réels besoins qui les pousseraient à raquetter sans compassion les usagers, et parfois à détourner les dons de l’Etat. La revalorisation du pouvoir d’achat des camerounais, la lutte contre l’inflation, la construction des logements sociaux dont le prix serait à portée du camerounais moyen, la réhabilitation des sociétés de transport urbain sont autant d’actions susceptibles de mettre les agents publics à l’abri des besoins essentiels et les rendre moins vulnérables au phénomène de la corruption et de la mauvaise gouvernance. Le paiement de façon volontaire des frais non réglementaires pour défaut de pièces de véhicules peut être interprété comme conséquence de la cherté de ces pièces. L’usager qui corrompt serait incapable d’épargner de l’argent pour payer ces pièces une bonne fois. Puisque généralement, il s’agit des transporteurs urbains et interurbains, les mesures de lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance pourraient mettre en rapport le coût des pièces qui leur sont exigées et le revenu qu’ils tirent de leurs activités.

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Tableau 1.8 Répartition des ménages victimes et des ménages acteurs de la corruption selon quelques caractéristiques de leurs chefs

Victimes Acteurs Caractéristique du Chef de ménage Effectif Pourcentage Effectif Pourcentage Sexe Masculin 975 910 41,1 473 095 19,9 Féminin 229 468 30,9 68 760 9,2 Classe d'âge Moins de 20 ans 10 241 22,9 3 059 6,9 20-29 ans 225 474 38,9 110 450 19,1 30-39 ans 350 564 45,3 159 351 20,6 40-49 ans 276 645 42,7 113 022 17,4 50-59 ans 174 577 36,0 78 524 16,2 60 ans ou plus 167 878 28,4 77 448 13,1 Niveau d'instruction Non scolarisé 247 159 25,1 124 919 12,7 Primaire 408 505 39,4 194 669 18,8 Secondaire premier cycle 278 204 49,0 125 980 22,2 Secondaire deuxième cycle 159 446 49,3 60 172 18,6 Supérieur 109 602 54,1 35 271 17,4 Groupe socio-économique Travailleur du public 133 975 46,1 51 116 17,6 Travailleur du privé formel 199 138 52,8 86 883 23,1 Agriculteur 442 628 29,9 229 172 15,5 Travailleur du privé informel 291 247 47,3 125 412 20,4 Chômeur 69 780 45,7 19 746 12,9 Inactif 68 609 33,2 29 525 14,3 Ensemble 1 205 378 38,6 541 854 17,4 Source: ECAM II, I.N.S.

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CHAPITRE 2. IMPACT DE LA CORRUPTION ET DE LA MAUVAISE GOUVERNANCE

La corruption et la mauvaise gouvernance ont un coût. Il est établi qu’elles favorisent les investissements improductifs, accroissent le coût des biens et services publics et conduisent à un déclin de la qualité de tout service et de tout système de production dans le secteur public. La corruption ralentit le développement économique et social, détourne les richesses nationales au profit de quelques-uns, érode la base des ressources d’un pays et contribue ainsi à entretenir le cercle vicieux de la pauvreté. Ce chapitre a pour objectif d’analyser les avis des ménages sur l’effet que la corruption a sur leurs conditions de vie et sur l’utilisation des services sociaux de base que sont l’éducation et la santé. Les chefs de ménages se sont prononcés sur les causes de pauvreté et d’insatisfaction dans les services sociaux de base, citant la corruption et la mauvaise gestion des affaires comme des causes probables.

2.1 Causes de la pauvreté 2.1.1 Principales causes de la pauvreté et leur lien avec la corruption et la mauvaise gouvernance Le tableau 2.1 présente les principales causes de la pauvreté citées par les ménages. Dans la colonne synthèse, il ressort que le manque d’emplois, la baisse ou l’insuffisance des revenus, la mauvaise gestion/corruption et l’absence de routes sont les quatre principales causes de pauvreté. Chacune de ces causes représente plus de 10% de l’ensemble des réponses données. Le manque de travail qui est selon les ménages, la principale cause de la pauvreté peut être considéré comme une résultante de la mauvaise gestion des affaires publiques. En effet, l’un des rôles du gouvernement est de créer un cadre économique favorable à la création d’emplois et à la promotion de l’initiative privée. Cela se traduit par exemple par l’allégement des procédures administratives et judiciaires lors de la création d’une entreprise privée. La baisse ou l’insuffisance des salaires souvent citée par les corrompus pour justifier leur acte amplifie le phénomène de corruption. De ce fait la baisse des salaires ou l’insuffisance et la corruption sont deux causes de pauvreté fortement liées. L’absence de route citée particulièrement en milieu rural comme déterminant de la pauvreté a aussi des rapports avec la mauvaise gouvernance et la corruption. Si les populations des zones rurales se plaignent d’un manque de route, c’est parce qu’elles ont des difficultés à écouler leurs produits sur les places de marché. Le manque de route qui touche plus les ruraux que les urbains pose ainsi le problème de biais urbain, qui consiste à privilégier la ville dans les investissements publics. Les principaux facteurs de pauvreté évoqués par les ménages ont donc des liens plus ou moins étroits avec la corruption et la mauvaise gouvernance. Ainsi, toute politique de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption permettra de résoudre en partie les trois autres problèmes. Le questionnaire administré aux ménages lors de l’ECAM II permet d’analyser l’importance de chaque cause de la pauvreté ; il convient de se pencher particulièrement sur la corruption et la mauvaise gestion.

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2.1.2 Corruption et mauvaise gouvernance comme causes de pauvreté Selon les déclarations des chefs de ménages, la corruption est une cause importante de la pauvreté. Parmi les huit déterminants de la pauvreté proposés aux ménages, ils placent la corruption et la mauvaise gestion des affaires publiques comme troisième cause. Celles-ci représentent 16% de l’ensemble des réponses et sont citées par près de la moitié des ménages comme l’une des trois premières causes de la pauvreté. Le questionnaire permettait également aux ménages de classer par ordre d’importance les causes de la pauvreté. De façon plus précise, la corruption/mauvaise gestion est classée en quatrième position parmi les premières causes de pauvreté selon les ménages. Elle vient en deuxième position, après la baisse/l’insuffisance des revenus lorsqu’on analyse les deuxième et troisième causes de pauvreté déclarées par les ménages. Les avis diffèrent selon que le ménage est pauvre ou non pauvre. D’après le tableau 2.2, 14% de pauvres citent la corruption/mauvaise gestion comme deuxième cause de pauvreté contre 23% chez les non pauvres. Le fait de reléguer la corruption au second plan des principales causes de pauvreté pourrait être le résultat du vaste programme national de lutte contre la corruption initié par les autorités camerounaises en 2000. Comme mentionné plus haut, les autres causes qui expliquent mieux la pauvreté que la mauvaise gestion participent à l’amplification et à l’entretien de la corruption. Au-delà de ces considérations générales, on se demande quelles sont les principales caractéristiques de ces ménages dont la corruption et la mauvaise gestion participent à l’appauvrissement.

Le niveau de vie a une influence sur l’appréciation des ménages ; en effet, plus de la moitié des non pauvres établissent un lien entre la corruption/mauvaise gestion et la pauvreté, contre moins d’un tiers des pauvres. Ce sentiment augmente avec le niveau de revenu. Cette différence proviendrait d’autres facteurs tels que le milieu de résidence et la situation d’activité. Comme déjà mentionné précédemment, les non pauvres vivent majoritairement en ville et sont par conséquent plus exposés au phénomène de la corruption.

Selon la région, la corruption/mauvaise gestion est plus déplorée par les ménages du Sud-Ouest et des deux principales villes du Cameroun. Dans ces régions, plus de trois ménages sur cinq pensent que corruption et pauvreté sont liées ; ce qui représente plus de 40% de ceux qui citent la corruption/mauvaise gestion comme cause de la pauvreté. Si pour Yaoundé et Douala, l’explication peut provenir de leur position de centre des affaires, des services et de bassin d’emplois, en revanche le classement du Sud-Ouest semble difficile à justifier.

Le point de vue des ménages ne semble pas différent selon le sexe de leur chef par rapport à la question de l’existence d’une relation de cause à effet entre la corruption/mauvaise gestion et la pauvreté. Parmi les ménages dirigés par les hommes, 47% pensent que la corruption est source de pauvreté ; ce chiffre est de 44% dans les ménages dirigés par des femmes.

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La relation entre la corruption/mauvaise gestion et la pauvreté est plus déplorée dans les ménages dirigés par les salariés, les patrons et les chômeurs. L’opinion des salariés de la fonction publique s’expliquerait en grande partie par la faiblesse des salaires suite à la réduction des avantages (indemnités de logement, de fonction, etc.) des agents de l’Etat de 1992 et aux baisses de salaires de ces derniers en 1993. Plus le niveau des salaires dans la fonction publique sera maintenu à son niveau actuel, plus la tentation de le compléter de façon illégale pour tenir le coût de vie pourra s’agrandir. L’avis des retraités est sans équivoque : deux retraités sur trois affirment que la corruption/mauvaise gestion est l’un des principaux vecteurs de la pauvreté. Cela peut se justifier par leur connaissance de l’administration, les lenteurs administratives et toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans l’obtention de leur pension. Quant aux chômeurs, leur position peut provenir d’un manque de transparence dans l’offre d’emploi.

Certes, la corruption et la mauvaise gestion constituent un véritable facteur explicatif de la pauvreté. Mais il serait encore plus intéressant de diagnostiquer les manifestations de ce fléau. Pour ce faire, les ménages ont été interrogés sur les motifs d’insatisfaction vis-à-vis des services sociaux de base que sont l’éducation et la santé.

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Tableau 2.1 Fréquence des principales causes de la pauvreté citées par les ménages selon le milieu de résidence (en %) 1ère cause 2ème cause 3ème cause Synthèse

Principales causes citées Urbain Rural Total Urbain Rural Total Urbain Rural Total Urbain Rural Total

Pas de travail 63,0 34,6 44,5 14,1 13,2 13,5 9,9 12,0 11,3 29,1 19,9 23,1

Pas d'instruction 4,6 6,9 6,1 11,1 11,8 11,6 8,4 9,5 9,1 8,0 9,4 8,9

Pas de troupeau 0,5 3,6 2,5 0,9 3,8 2,8 0,9 3,3 2,5 ,8 3,6 2,6

Pas de terre 0,9 6,4 4,5 3,0 7,0 5,6 2,4 4,3 3,6 2,1 5,9 4,6

Pas de route 1,5 16,1 11,0 5,4 12,3 9,9 6,8 11,6 9,9 4,6 13,3 10,3

Paresse/sorcellerie 3,1 5,2 4,5 6,6 8,2 7,6 6,1 8,3 7,5 5,3 7,2 6,5 Mauvaise gestion/corruption 10,2 4,6 6,6 30,1 15,0 20,3 25,4 17,0 19,9 21,9 12,2 15,6

Insuffisance/baisse des revenus 13,0 18,9 16,8 23,0 22,6 22,7 32,2 25,3 27,7 22,7 22,3 22,4

Autres causes 3,2 3,7 3,5 5,9 6,2 6,1 7,8 8,6 8,3 5,6 6,1 6,0

Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 Source: ECAM II, I.N.S.

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Tableau 2.2 Proportion de ménages ayant cité la corruption/mauvaise gestion comme cause de pauvreté (en %)

1ère cause 2ème cause 3ème cause 1ère 2ème ou 3ème cause Caractéristiques du

ménage

Pauvres Non pauvres

Ensemble Pauvres Non pauvres

Ensemble Pauvres Non pauvres

Ensemble Pauvres Non pauvres

Ensemble

Région Douala 8,4 9,5 9,4 31,9 35,6 35,3 28,8 27,1 27,3 69,2 72,2 72,0 Yaoundé 10,3 12,9 12,7 27,0 28,8 28,6 22,5 22,1 22,1 59,7 63,8 63,5 Adamaoua 0,7 2,0 1,6 9,2 9,2 9,2 11,2 18,8 16,1 21,1 30,0 26,9 Centre 2,4 5,6 4,5 8,7 14,1 12,2 16,4 20,4 19,0 27,5 40,1 35,7 Est 4,6 5,6 5,3 7,3 17,3 14,2 14,2 15,6 15,1 26,1 38,5 34,6 Extrême-Nord 4,5 3,2 3,8 12,1 13,8 13,0 12,3 19,2 16,0 28,9 36,2 32,8 Littoral 5,1 7,1 6,6 19,0 31,6 28,3 22,3 24,0 23,6 46,4 62,7 58,4 Nord 4,3 5,9 5,4 11,2 14,5 13,3 17,3 15,9 16,4 32,8 36,2 35,1 Nord-Ouest 3,7 6,5 5,2 9,9 19,9 15,5 11,5 18,2 15,3 25,1 44,6 36,0 Ouest 2,4 7,2 5,8 13,9 21,5 19,2 23,8 24,1 24,0 40,1 52,8 48,9 Sud 6,5 6,8 6,8 14,0 17,6 16,9 26,5 17,6 19,3 47,0 42,0 43,0 Sud-Ouest 8,1 11,4 10,6 29,8 32,7 32,0 19,1 22,9 21,9 57,1 67,0 64,5

Milieu de résidence Urbain 8,0 10,5 10,2 27,3 30,3 30,0 26,0 25,2 25,3 61,4 66,0 65,4 Rural 3,7 5,2 4,6 11,6 17,2 15,0 14,6 18,3 16,8 29,9 40,7 36,4

Sexe du chef de ménage Masculin 4,7 7,8 6,8 13,8 23,9 20,8 16,8 20,9 19,6 35,3 52,6 47,2 Féminin 2,9 6,9 5,8 13,7 20,1 18,4 14,5 22,3 20,2 31,0 49,3 44,3

Niveau d'instruction du chef de ménage Sans niveau 3,8 4,1 4,0 11,9 16,2 14,4 13,3 19,2 16,7 28,9 39,5 35,0 Primaire 3,6 7,1 5,9 14,3 20,1 18,1 15,5 21,7 19,5 33,5 48,9 43,4 Sec. gén. 1er cycle 6,1 8,3 7,8 15,5 26,8 24,4 29,7 21,2 23,0 51,2 56,3 55,2 Sec. gén. 2ème cycle 5,9 9,6 9,2 21,8 31,6 30,7 18,4 22,1 21,7 46,2 63,2 61,6 Sec. tech. 1er cycle 12,0 8,0 8,6 14,3 26,6 24,7 23,5 22,9 23,0 49,8 57,5 56,3 Sec. tech. 2ème cycle 6,8 13,1 12,6 32,1 31,6 31,7 34,4 22,2 23,1 73,3 66,9 67,4 Supérieur 13,9 13,1 13,1 33,5 30,2 30,4 15,8 24,1 23,7 63,3 67,4 67,2

Groupe socioéconomique du chef de ménage Travailleurs secteur

public 15,6 12,7 13,1 30,0 29,1 29,2 18,9 21,5 21,2 64,5 63,3 63,4

Travailleur du privé formel

7,4 10,7 10,4 26,5 33,0 32,4 30,3 20,7 21,6 64,2 64,4 64,4

Agriculteurs 3,3 4,4 3,9 10,8 15,0 13,1 14,8 17,8 16,5 28,8 37,2 33,5 Travailleurs du privé

informel 4,0 8,1 7,2 18,1 24,0 22,7 18,2 26,1 24,4 40,3 58,2 54,3

Chômeurs 9,0 8,9 8,9 28,6 28,4 28,4 17,5 25,5 24,2 55,2 62,8 61,5 Inactifs 5,4 6,1 6,0 13,9 25,4 22,4 18,2 22,1 21,1 37,5 53,7 49,5

Classe d'âge du chef de ménage Moins de 30 ans 3,9 8,0 7,1 15,8 23,4 21,9 15,7 20,5 19,5 35,4 51,9 48,5 30-39 ans 4,6 8,4 7,4 14,4 25,8 22,9 18,4 20,9 20,2 37,3 55,2 50,5 40-49 ans 4,1 8,0 6,7 16,0 22,4 20,3 16,0 22,3 20,2 36,1 52,6 47,2 50-59 ans 5,1 6,8 6,2 13,9 24,8 20,8 16,2 20,7 19,0 35,2 52,2 46,0 60 ans et plus 3,8 5,7 5,0 9,9 17,1 14,4 14,9 22,3 19,5 28,6 45,1 38,9

Quintile de revenu du ménage 1 3,1 /// 3,1 13,2 /// 13,2 14,8 /// 14,8 31,1 /// 31,1 2 4,4 5,9 4,6 12,7 17,4 13,3 17,8 15,0 17,5 34,9 38,4 35,4 3 9,9 5,9 6,5 22,6 15,8 16,8 15,4 20,1 19,4 47,9 41,7 42,7 4 /// 6,4 6,4 /// 22,9 22,9 /// 20,9 20,9 /// 50,2 50,2 5 /// 9,3 9,3 /// 26,9 26,9 /// 22,6 22,6 /// 58,8 58,8

Cameroun 4,3 7,5 6,6 13,8 23,0 20,2 16,3 21,3 19,8 34,4 51,8 46,5

Source: ECAM II, I.N.S.

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2.2 Corruption et mauvaise gouvernance comme raison d’insatisfaction à l’égard des infrastructures de base Plusieurs techniques quantitatives sont utilisées pour mesurer la corruption. La technique d’évaluation des services publics permet de savoir quels sont les services publics qui donnent le plus de satisfaction, quelles en sont leurs caractéristiques, leurs coûts directs et indirects pour les usagers. La surcharge structurelle des services qui génère de longues files d’attente pour l’accès au moindre service n’est qu’en partie due au manque de personnel qualifié. Les agents peuvent aussi créer délibérément des goulots d’étranglement, et cela grâce à de multiples stratégies. On peut également retarder le fonctionnement de l’administration par des formes de pénuries (structurelle, organisée ou simulée) : rupture d’imprimés, de stocks de rames de papier, de chemises, de médicaments et pannes récurrentes des appareils de service dans les centres de santé. Le traitement que l’administration réserve aux usagers est très ambivalent : l’usager anonyme, qui ne dispose pas de contacts au sein du service, est méprisé, maltraité voire déshumanisé. Les témoignages recueillis dans les dispensaires et dans les hôpitaux publics sont à cet égard saisissants : « le personnel de santé nous traite comme des animaux ». En revanche, le cadeau ou la recommandation déclenche la sollicitude et l’attention de l’agent public : on sort de la sphère de l’anonymat pour devenir un client, un patient, un citoyen digne de respect. Ainsi, pour les usagers en manque de relations, la corruption devient alors le recours des « faibles » (du point de vue sociologique) et constitue souvent le premier pas vers la construction d’une relation durable personnalisée entre l’usager et l’agent public. Ces caractéristiques des services publics qui sapent directement la qualité des prestations conduisent la plupart de temps à la corruption. L’ECAM II appréhende les manifestations de la corruption dans les services sociaux de base (éducation, santé) à travers la satisfaction et les raisons d’insatisfaction des ménages. Dans les secteurs de l’éducation et de la santé, après une présentation des principales raisons d’insatisfaction, un accent sera mis sur la cherté, le monnayage et la mauvaise qualité des services. 2.2.1 La corruption et la mauvaise gouvernance, source d’insatisfaction au niveau de l’éducation Près d’un tiers de ménages usagers des écoles primaires publiques les plus proches de leur domicile ne sont pas satisfaits des services qui y sont offerts. La qualité des prestations est la principale raison d’insatisfaction. Elle représente un peu moins du tiers de l’ensemble des raisons données par les ménages. Le manque d’équipements et l’éloignement de l’école viennent respectivement en deuxième et troisième positions parmi les raisons d’insatisfaction des ménages. Qu’on soit pauvre ou non, ces trois principales raisons respectent ce classement. Le monnayage des services occupe le sixième rang des sept raisons évoquées. Le monnayage est l’un des aspects les plus expressifs de la corruption.

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Certaines raisons évoquées peuvent être des manifestations de la corruption ou de la mauvaise gouvernance, à l’exemple de la cherté de l’école. Les frais de scolarité étant supprimés dans les écoles primaires publiques, le coût élevé de l’instruction serait attribué aux frais d’Associations des Parents d’Elèves (APE) d’une part et à la cherté des livres, fournitures scolaires et autres exigences d’autre part. L’absence d’un taux de contribution fixe et réglementaire dans ce type d’association donne la liberté aux dirigeants des écoles d’arnaquer les parents. Fort de ce lien entre la corruption/mauvaise gestion et la cherté, nous les associerons dans la suite. Tableau 2.3 Fréquences des principales raisons d'insatisfaction vis-à-vis de l'école primaire publique la plus proche (en %)

Première raison Deuxième raison Synthèse Raisons d’insatisfaction Pauvres Non

pauvres Total Pauvres Non

pauvres Total Pauvres Non

pauvres Total

Cherté 6,1 3,3 4,3 1,3 2,3 2,0 3,7 2,8 3,1 Eloignement 26,7 20,5 22,7 5,0 5,6 5,4 16,0 13,2 14,2 Mauvaise qualité du service 33,6 38,3 36,7 24,5 23,2 23,6 29,1 30,9 30,3 Monnayage des services 1,6 5,4 4,1 5,7 10,6 8,9 3,6 8,0 6,4 Accès difficile 2,1 1,7 1,9 15,6 10,6 12,4 8,7 6,1 7,0 Manque d'équipement 23,5 22,6 22,9 34,5 34,6 34,5 28,9 28,5 28,6 Autres 6,4 8,1 7,5 13,5 13,1 13,2 9,9 10,5 10,3 Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 Source: ECAM II, I.N.S. D’après le tableau 2.4, près de deux ménages sur dix pensent que la cherté et le monnayage sont à la base de cette insatisfaction. Cette opinion est plus partagée par les non pauvres que par les pauvres avec 20,6% de ménages non pauvres qui dénoncent la corruption dans les écoles contre 13,8% chez les pauvres. Cette critique augmente également avec le niveau de revenu ; autrement dit plus on est riche, plus on est touché par la corruption. Cette proportion relativement faible de ménages qui font principalement face à la corruption dans les écoles pourrait laisser penser que le décret n° 2000/359 du 05 décembre 2000 portant statut particulier des corps de l’éducation commence à porter des fruits8. La corruption, couplée à la cherté est un fléau qui sévit plus en ville qu’en campagne, avec une prépondérance dans les deux principales villes du Cameroun où près d’un ménage sur deux la dénonce. Cela peut se justifier par la forte demande des services éducatifs dans ces villes du fait de leurs populations galopantes. Les autres provinces peuvent être regroupées en deux groupes selon que le phénomène est moyennement ou rarement dénoncé. Dans le premier groupe, on retrouve le Littoral, l’Est, l’Ouest, le Centre et le Sud-Ouest ; dans le deuxième on classe le Nord-Ouest, le Sud, le Nord, l’Extrême-Nord et l’Adamaoua.

8 Ce statut particulier prévoit l’octroi de primes spéciales pour le corps enseignant, à l’exemple des primes d’enseignement et d’évaluation, etc.

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La perception de la corruption est liée au niveau d’instruction du chef de ménage. Près de 11% de chefs de ménages non scolarisés estiment que le monnayage ou la cherté est la principale raison d’insatisfaction vis-à-vis des écoles primaires publiques contre plus de 16,6% chez les chefs de ménage ayant au moins le niveau primaire. Cette différence pourrait être le résultat d’un défaut d’information des chefs de ménages de faible niveau d’instruction pouvant les conduire à croire que toute exigence provenant de l’école est réglementaire. Les chefs de ménage du secteur privé formel et ceux qui sont à la recherche d’un emploi sont plus sensibles au phénomène du monnayage que les autres groupes socioéconomiques. Les agriculteurs quant à eux enregistrent un taux d’insatisfaction à cause de la corruption de l’ordre de 11%.

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Tableau 2.4 Proportion de ménages ayant cité la corruption ou la cherté comme raison d'insatisfaction dans les écoles primaires (en %)

1ère raison 2ème raison 1ère ou 2ème raison Caractéristiques du ménage Pauvres Non

pauvres Ensemble Pauvres Non

pauvres Ensemble Pauvres Non

pauvres Ensemble

Région Douala 14,0 18,8 18,4 36,6 28,1 28,9 50,6 46,9 47,3 Yaoundé 18,7 19,6 19,5 38,5 33,9 34,4 57,2 49,5 50,3 Adamaoua 2,4 1,8 2,0 1,9 3,1 2,7 4,3 5,0 4,7 Centre 10,5 4,1 6,8 9,8 13,4 11,9 20,3 17,5 18,7 Est 24,1 12,5 16,3 15,1 6,5 9,3 32,6 18,3 23,0 Extrême-Nord 2,1 8,3 4,5 0,2 2,1 0,9 2,3 10,3 5,4 Littoral 13,4 19,3 17,6 8,4 22,0 18,0 21,8 39,9 34,7 Nord 2,2 2,5 2,4 8,3 1,5 3,8 10,4 4,0 6,2 Nord-Ouest 5,0 5,8 5,4 3,0 4,6 3,8 8,0 10,4 9,3 Ouest 13,7 6,9 9,1 14,6 14,3 14,4 27,1 19,6 22,1 Sud 0,0 3,8 2,9 0,0 5,8 4,4 0,0 9,6 7,3 Sud-Ouest 11,8 4,8 6,8 2,5 11,6 9,0 13,6 16,3 15,5

Milieu de résidence Urbain 12,7 16,2 15,7 26,8 23,7 24,1 39,6 38,9 39,0 Rural 7,1 4,6 5,7 4,6 6,1 5,4 11,1 10,3 10,6

Sexe du chef de ménage Masculin 7,9 8,2 8,1 6,0 12,3 10,0 13,3 20,1 17,6 Féminin 6,4 10,5 9,4 10,9 13,0 12,4 16,9 22,3 20,8

Niveau d'instruction du chef de ménage Sans niveau 7,5 5,9 6,7 4,1 6,7 5,3 10,6 11,7 11,1 Primaire 7,1 8,0 7,7 8,0 9,9 9,2 15,0 17,5 16,6 Sec. gén. 1er cycle 12,2 9,9 10,5 9,2 13,3 12,2 21,4 22,9 22,5 Sec. gén. 2ème cycle 6,3 12,6 12,0 19,0 16,8 17,0 19,0 29,3 28,3 Sec. tech. 1er cycle 0,9 15,9 12,4 11,6 24,8 21,7 12,6 38,4 32,3 Sec. tech. 2ème cycle 0,0 9,9 9,4 0,0 16,2 15,3 0,0 22,9 21,7 Supérieur 15,1 7,0 7,5 13,6 20,9 20,5 28,7 27,9 28,0

Groupe socioéconomique du chef de ménage Travailleurs secteur public 17,3 6,1 7,6 4,9 13,7 12,5 22,2 19,7 20,1 Travailleur du privé formel 12,3 13,0 12,9 28,1 23,8 24,4 37,1 36,1 36,2 Agriculteurs 7,3 5,6 6,4 3,8 5,6 4,7 10,5 11,0 10,8 Travailleurs du privé

informel 3,8 12,4 10,3 15,4 15,4 15,4 18,7 27,5 25,4

Chômeurs 11,5 16,3 15,4 19,5 22,9 22,2 31,0 36,8 35,7 Inactifs 9,2 9,7 9,5 11,7 14,3 13,4 20,8 20,6 20,7

Classe d'âge du chef de ménage Moins de 30 ans 4,4 10,0 8,5 3,1 12,1 9,6 7,5 21,6 17,7 30-39 ans 6,8 9,0 8,3 6,9 12,0 10,3 13,0 20,6 18,2 40-49 ans 8,6 9,1 9,0 10,3 16,2 14,1 17,2 24,8 22,2 50-59 ans 16,0 8,5 11,5 7,5 13,0 10,9 23,6 21,1 22,1 60 ans et plus 2,7 6,4 4,7 4,4 6,9 5,7 7,0 11,6 9,5

Quintile de revenu du ménage 1 10,0 /// 10,0 6,8 /// 6,8 16,0 /// 16,0 2 4,6 2,8 4,4 6,4 11,3 6,9 10,6 14,1 11,0 3 11,3 10,2 10,3 9,2 9,9 9,8 20,4 20,1 20,1 4 /// 7,8 7,8 /// 10,2 10,2 /// 17,4 17,4 5 /// 9,2 9,2 /// 16,1 16,1 /// 24,3 24,3

Cameroun 7,7 8,8 8,4 6,7 12,5 10,4 13,8 20,6 18,2 Source: ECAM II, I.N.S.

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2.2.2 La corruption et la mauvaise gouvernance, source d’insatisfaction sur le plan sanitaire Les ménages sont un peu plus satisfaits des prestations de service dans les centres de santé que dans les écoles. A peine un ménage sur trois se plaint des prestations offertes par les centres hospitaliers. Ce fléau aurait probablement baissé en intensité suite au décret n° 2001/145 du 03 juillet 2001 portant statut particulier des fonctionnaires du corps de la santé. Ce décret a contribué à l’amélioration du traitement de ces personnels. Si dans le domaine de l’éducation la petite corruption peut se limiter au monnayage et à la cherté, dans la santé la mauvaise qualité du service peut fortement contribuer à entretenir la corruption comme il a été démontré plus haut. Tableau 2.5 Fréquences des principales raisons d'insatisfaction vis-à-vis du centre de santé intégré le plus proche (en %)

Première raison Deuxième raison Synthèse Raisons d’insatisfaction Pauvres Non

pauvres Total Pauvres Non

pauvres Total Pauvres Non

pauvres Total

Trop cher 13,1 17,3 15,7 7,4 11,0 9,6 10,3 14,2 12,7 Trop éloigné 36,4 31,0 33,0 9,1 10,6 10,0 23,0 21,1 21,8 Mauvaise qualité du service 22,5 20,4 21,2 22,5 24,2 23,6 22,5 22,2 22,3 Monnayage des services 2,0 2,9 2,5 3,8 5,9 5,1 2,9 4,4 3,8 Accès difficile 3,9 2,2 2,8 13,7 11,6 12,4 8,7 6,8 7,5 Manque d'équipement 19,1 23,7 21,9 38,4 30,1 33,2 28,6 26,8 27,5 Autres 3,1 2,6 2,8 5,1 6,6 6,0 4,1 4,6 4,4 Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source: ECAM II, I.N.S. Dans le domaine de la santé, contrairement au secteur de l’éducation, les non pauvres et les pauvres sont touchés à peu près dans les mêmes proportions par le problème du monnayage et de la cherté. Les non pauvres le sont davantage quand on prend en compte la qualité du service. L’attitude des ménages aisés qui consiste à banaliser les difficultés auxquelles ils font face est probablement liée à leur capacité financière les poussant à céder plus facilement à la corruption. Comme dans le secteur de l’éducation, le monnayage et la cherté des services de santé est un phénomène beaucoup plus urbain que rural ; la proportion des ménages qui s’en plaignent est presque deux fois plus importante en ville qu’en campagne. Au niveau des régions, les ménages du Littoral s’en plaignent plus qu’ailleurs. Les écarts se creusent davantage quand on prend en compte la mauvaise qualité du service. L’opinion des chefs de ménages ruraux serait la conséquence d’un manque d’infrastructures. La rareté des équipements et du matériel, plus accentuée dans les villages pousse les usagers à payer un surprix pour un accès privilégié aux soins de santé.

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Les ménages dirigés par les chômeurs se plaignent un peu plus de la corruption dans les centres de santé que ceux dirigés par les membres des autres groupes socio économiques, soit un niveau d’insatisfaction de 42,4% pour le premier groupe contre un maximum de 40% pour les autres. La corruption est un fléau social non négligeable au Cameroun. Une large majorité de la population l’associe à la pauvreté. Elle est plus décriée par les non pauvres que par les pauvres et sévit plus en zone urbaine qu’en milieu rural. Dans les services sociaux de base que sont l’éducation et la santé, les pots-de-vin constituent l’une des deux principales raisons d’insatisfaction de 10% de ménages. Les mesures prises en vue de rendre pleinement opérationnels le Comité ad hoc de lutte contre la corruption, l’Observatoire national ainsi que les différentes cellules ministérielles de lutte contre la corruption contribueraient à faire baisser davantage ce phénomène.

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Tableau 2.6 Proportion de ménages ayant cité la corruption ou la cherté comme raison d'insatisfaction dans les services de la santé (en %)

1ère raison 2ème raison 1ère ou 2ème raison Caractéristiques du ménage Pauvres Non pauvres Ensemble Pauvres Non pauvres Ensemble Pauvres Non pauvres Ensemble

Région Douala 27,7 26,4 26,5 11,9 12,7 12,7 39,7 37,2 37,4 Yaoundé 20,5 29,2 28,2 22,4 13,9 14,9 42,9 39,3 39,7 Adamaoua 21,8 19,5 20,2 15,6 8,5 10,7 37,3 27,2 30,4 Centre 11,9 14,5 13,4 1,4 14,2 8,5 13,3 26,6 20,7 Est 31,4 37,3 35,3 9,9 18,7 15,8 39,6 54,8 49,8 Extrême-Nord 7,3 13,0 10,0 7,5 8,2 7,8 14,4 20,8 17,3 Littoral 13,5 37,8 31,8 12,3 27,7 24,0 25,9 58,6 50,6 Nord 3,3 8,3 6,3 12,6 12,7 12,6 15,5 20,2 18,4 Nord-Ouest 4,9 11,5 8,1 7,0 11,5 9,2 12,0 22,9 17,3 Ouest 26,0 25,2 25,5 19,0 16,7 17,6 43,3 40,3 41,4 Sud 14,7 11,1 11,8 2,2 13,6 11,4 16,8 23,2 22,0 Sud-Ouest 23,8 16,5 19,0 22,2 32,8 29,2 40,5 43,1 42,2

Milieu de résidence Urbain 31,1 28,3 28,7 15,6 18,3 18,0 43,9 43,0 43,1 Rural 14,1 18,1 16,4 10,6 15,2 13,3 23,8 31,7 28,5

Sexe du chef de ménage Masculin 14,6 19,2 17,5 11,2 15,2 13,7 24,9 32,6 29,8 Féminin 16,5 24,1 21,1 9,8 18,2 14,9 25,1 39,6 34,0

Niveau d'instruction du chef de ménage Sans niveau 10,7 18,0 14,4 6,4 17,0 11,8 16,4 32,4 24,6 Primaire 18,6 20,5 19,7 14,1 14,8 14,5 31,5 34,4 33,2 Sec. gén. 1er cycle 22,3 24,1 23,6 14,7 13,1 13,5 35,8 34,0 34,5 Sec. gén. 2ème cycle 9,7 18,2 17,1 39,4 18,6 21,3 40,9 34,6 35,4 Sec. tech. 1er cycle 9,2 16,2 14,9 9,1 14,1 13,2 18,3 30,2 28,1 Sec. tech. 2ème cycle 52,3 23,5 24,7 0,0 25,4 24,4 52,3 45,4 45,7 Supérieur 18,8 19,4 19,3 0,0 17,7 16,7 18,8 35,0 34,1

Groupe socioéconomique du chef de ménage Travailleurs secteur public 11,5 19,6 18,1 6,9 18,4 16,2 18,4 35,6 32,3 Travailleur du privé formel 15,7 19,2 18,9 21,2 22,1 22,0 36,9 40,4 40,0 Agriculteurs 12,0 17,8 15,2 10,6 14,4 12,7 21,5 30,6 26,4 Travailleurs du privé informel 33,2 24,3 26,8 10,0 13,4 12,5 42,9 35,1 37,3 Chômeurs 18,8 25,1 23,4 26,2 21,2 22,6 40,9 43,0 42,4 Inactifs 26,0 30,9 29,4 8,2 14,6 12,6 33,9 40,9 38,8

Classe d’âge du chef de ménage Moins de 30 ans 13,3 23,6 20,9 15,4 13,8 14,2 27,8 35,6 33,6 30-39 ans 20,5 17,6 18,5 13,5 17,9 16,5 33,1 33,6 33,4 40-49 ans 17,7 18,1 17,9 8,1 16,5 13,2 24,4 32,1 29,0 50-59 ans 7,5 18,3 12,9 7,4 13,0 10,2 13,9 29,3 21,6 60 ans et plus 15,0 23,2 19,8 11,7 16,4 14,5 26,0 37,9 32,9

Quintile du revenu du ménage 1 11,9 /// 11,9 10,3 /// 10,3 21,8 /// 21,8 2 17,5 4,9 16,0 11,7 15,7 12,2 27,6 20,6 26,8 3 16,4 18,4 18,1 9,5 10,0 10,0 24,4 27,6 27,1 4 /// 24,3 24,3 /// 18,5 18,5 /// 40,4 40,4 5 /// 19,3 19,3 /// 17,3 17,3 /// 34,1 34,1

Cameroun 15,0 20,2 18,3 10,9 15,8 14,0 24,9 34,0 30,6 Source: ECAM II, I.N.S.

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CHAPITRE 3. CORRUPTION, MAUVAISE GOUVERNANCE ET ACTIONS PRIORITAIRES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE L'ECAM II a servi de cadre de mesure et d'estimation chiffrée de l'ampleur de la pauvreté dans les ménages camerounais. Ces derniers ont proposé un ordre de priorité parmi les actions devant être menées pour améliorer leurs conditions de vie. La lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance fait partie de ces actions. Ce chapitre présente en premier lieu les actions qui ont été jugées prioritaires et l'ordre de priorité qui a été établi par les ménages. En second lieu, il analyse la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance comme action de lutte contre la pauvreté et enfin, définit le profil des ménages ayant formulé cette proposition. 3.1 Les principales actions de lutte contre la pauvreté Le tableau 3.1 présente les principales actions de lutte contre la pauvreté proposées par les ménages. Dans la colonne synthèse, il ressort que la création d’emplois, la construction des routes, la facilitation de l’accès aux soins médicaux et la garantie des justes prix des produits agricoles sont les quatre principales actions de lutte contre la pauvreté. Chacune de ces actions représente plus de 10% de l’ensemble des réponses données. La création d’emplois préconisée comme action prioritaire par les ménages correspond parfaitement au manque d’emploi décrié par ces derniers comme principale cause de la pauvreté. Ce qui dénoter l’esprit cohérent et logique des réponses fournies par les chefs de ménages. Dans l’ensemble, 41% de ménages camerounais, soit 45,2% de non pauvres et 31,6% de pauvres citent la création d’emplois comme action prioritaire de lutte contre la pauvreté. Les liens étroits entre la création des emplois et la gestion des affaires publiques ont été développés au chapitre précédent. De même, la construction de routes permet de faire face aux problèmes de manque de voies de communication soulevé par les ménages comme étant un véritable facteur explicatif de la pauvreté au Cameroun. La construction des routes a une place plus importante parmi les actions prioritaires de lutte contre la pauvreté que parmi les causes principales de la pauvreté. En effet, elle se classe au quatrième rang des causes de pauvreté et vient en deuxième position parmi les actions prioritaires de lutte contre la pauvreté. Comme troisième action, les ménages pauvres souhaitent voir le gouvernement faciliter l'accès aux soins de santé. Il s'agirait ici de l'accessibilité physique et de l’approvisionnement en médicaments essentiels comme révélé lors des consultations participatives. Les difficultés liées à l’accès aux soins de santé notamment celles dues à la cherté des services pourraient avoir un rapport avec la corruption et la mauvaise gouvernance. Bien d’autres actions préconisées par les ménages pour faire face à la pauvreté ont des liaisons avec la corruption et la mauvaise gestion. Il en est par exemple de la facilitation de l’accès à l’instruction, de celle de l’accès au crédit, de la revalorisation des salaires et de la meilleure répartition des richesses nationales. Pour cette dernière action, nombre de théoriciens de la pauvreté établissent que la mauvaise répartition des richesses d'un pays engendre de profondes inégalités qui aggravent la pauvreté (CHERYL W. GRAY AND DANIEL K, 1998). Du fait de ces inégalités, les ménages ont, dans leur grande majorité, des revenus qui ne leur permettent pas de refuser la corruption qui s'offre à eux et qui est en général une solution de rejet de la voie du droit. .

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Tableau 3.1 Répartition des ménages (en pourcentage) selon les actions de lutte contre la pauvreté.

Actions d’amélioration des Première action Deuxième action Troisième action Synthèse conditions de vie des ménages Non Non Non Non

Pauvres pauvres Total Pauvres pauvres Total Pauvres pauvres Total Pauvres Pauvres Total

Créer des emplois 31,6 45,2 41,1 10,9 10,1 10,3 7,7 6,1 6,6 50,1 61,5 57,9

Bitumer les routes 19,5 11,5 13,9 12,2 11,2 11,5 9,4 7,6 8,1 41,1 30,3 33,6

Faciliter accès aux soins médicaux 7,1 5,8 6,2 15,3 13,4 14 12,1 12,3 12,2 34,5 31,5 32,4

Garantir les prix des produits agricoles 7,9 5,2 6 13,1 10,3 11,1 15,7 12,4 13,4 36,6 27,9 30,6

Faciliter l’accès à l’instruction 8,7 6,2 6,9 11,7 11,5 11,6 9,9 7,1 7,9 30,3 24,9 26,4

Lutter contre la corruption 2,3 4,1 3,6 7,4 13,4 11,6 6,8 10,7 9,5 16,5 28,2 24,6

Construire des points d’eau 6,7 4,6 5,2 9,5 6,5 7,4 7,9 5,7 6,4 24 16,8 18,9

Faciliter l’accès au crédit 6,6 4,8 5,3 4,8 4,8 4,8 8,8 7,4 7,8 20,1 17,1 18

Revaloriser les salaires 1,7 5,5 4,3 2,7 6,7 5,5 3,6 9,8 7,9 8,1 21,9 17,7

Meilleure répartition des richesses 2 2 2 4,1 4,9 4,7 8,2 10,7 10 14,4 17,7 16,8

Assurer sécurité des personnes et biens 1 0,9 1 2,4 2,6 2,6 3,4 4,3 4 6,9 7,8 7,5

Faciliter l’accès aux logements 1,8 1 1,2 1,6 1,4 1,5 0,7 1,6 1,3 4,2 3,9 3,9

Autres actions 3,1 3,2 3,2 4,3 3,2 3,5 5,7 4,5 4,8 13,2 10,8 11,4

ENSEMBLE 100,0 100,0 100,0 100,0 1000,0 100,0 100,0 100,0 100,0 /// /// /// Source : ECAM II, I.N.S.

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3.2 La lutte contre la corruption et la mauvaise gestion comme action prioritaire de réduction de la pauvreté Sans en être les principales, la corruption et la bonne gouvernance figurent en bonne place parmi les causes de pauvreté identifiées par les ménages, surtout des ménages non pauvres. La corruption serait la conséquence d’un certain nombre de facteurs tels que le chômage, le faible niveau des salaires et la mauvaise répartition des richesses nationales. Sa persistance est liée à la difficulté de punir les délits mis en cause sans réunir les preuves nécessaires, ce qui fait dire de la part de beaucoup d’usagers, que c’est l’impunité qui encourage la corruption. Ces facteurs ont par ailleurs été identifiés comme des causes importantes de la pauvreté, et leur atténuation contribuerait considérablement à améliorer les conditions de vie des ménages. Cette situation justifie la mise en place de l’Observatoire national de lutte contre la corruption par les pouvoirs publics. Près du quart des ménages préconise la lutte contre la corruption comme priorité parmi les actions de réduction de la pauvreté. Cette proportion est de 28% dans les ménages non pauvres contre 16% dans les ménages pauvres. Il faut relever que pour 58,0% des ménages, la création d’emplois figure parmi les trois actions prioritaires à mettre en œuvre pour faire reculer la pauvreté. Cette proportion est de 17,7% et 16,6% pour ceux qui sont en faveur de la revalorisation de salaires et de la bonne répartition des ressources respectivement. Ce chapitre se limite à caractériser les ménages qui se sont exprimés en faveur de la lutte contre la corruption comme action prioritaire d’amélioration de niveau de vie. Il apparaît que ces ménages représentent 38,8% des ménages urbains et 17,0% des ménages ruraux. En milieu urbain, ce sont les ménages non pauvres (39,7% contre 19,1% de non pauvres ruraux) qui ressentent le plus le souci de voir la lutte contre la corruption inscrite comme priorité dans le plan d’action du Gouvernement pour la réduction de la pauvreté. Ce souci est également partagé par 32,1% des ménages pauvres urbains. Alors qu’à peine 5,4% de ces ménages urbains non pauvres classent cette mesure en première position, ils sont 19,0% à la positionner au second rang et 14,9% favorables pour la troisième place. En milieu rural, le classement général de la lutte contre la corruption est à peu près le même qu’en milieu urbain : respectivement 2,7%, 9,0% et 7,4% de chefs de ménages se sont prononcés en faveur de la lutte contre la corruption comme première, deuxième ou troisième action prioritaire de réduction de la pauvreté. La lutte contre la corruption et la mauvaise gestion sont presque dans les mêmes proportions souhaitées par les ménages dirigés par des hommes (24,7%) et ceux dirigés par des femmes (24,4%). C’est encore chez les non pauvres que le souhait est le plus exprimé (28% pour les deux sexes). Les chefs de ménages sont d’autant plus en faveur de la lutte contre la corruption comme action prioritaire pour l’amélioration de leur condition de vie qu’ils sont d’un niveau d’instruction élevé. Une fois encore, ce sont les ménages non pauvres qui se sont le plus exprimés en faveur de cette lutte. Parmi ces derniers, la totalité des ménages dont le chef a le niveau de l’enseignement supérieur privilégie la lutte contre la corruption pour réduire la pauvreté.

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Si le gouvernement se propose de mener des politiques régionales dans le cadre de son programme de réduction de la pauvreté, c’est à Yaoundé, à Douala, dans le reste de la province du Littoral et dans le Sud-Ouest que l’action de lutte contre la corruption sera la mieux accueillie par les populations. Les provinces les moins favorables sont l’Adamaoua, le Nord et dans une certaine mesure l’Est et le Nord-Ouest. Il s’agit des régions abritant moins de victimes comme démontré au chapitre 1. Il est à noter que dans toutes les régions du pays, la lutte contre la corruption est davantage le souci des non pauvres. Si on considère le groupe socio-économique des chefs de ménages, pour une bonne frange des ménages agricoles (86,2%), les priorités se trouvent ailleurs, notamment dans la création d’emplois, la construction des routes et la garantie des justes prix à leurs produits. Quant aux autres ménages, leur opinion et celle des ménages non pauvres en particulier, est globalement en faveur de la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance ; c’est le cas de la plupart de groupes socio-économiques, notamment les travailleurs du privé et les chômeurs. Selon qu’il s’agit de la première, de la deuxième ou de la troisième action, ce sont les ménages non pauvres de chaque groupe qui sont les plus favorables à la lutte contre la corruption en tant qu’action de lutte contre la pauvreté. Le cas des travailleurs du secteur public est une exception dans la mesure où les ménages pauvres (41,6%) militent un peu plus en faveur de cette mesure que les ménages non pauvres (39,5%).

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Tableau 3.2 Répartition des ménages (en pourcentage) ayant cité la lutte contre la corruption comme moyen de lutte contre la pauvreté selon quelques caractéristiques du ménage

Première action Deuxième action Troisième action Cité comme action Caractéristiques

Pauvres Non Pauvres Total Pauvres Non

Pauvres Total Pauvres Non Pauvres Total Pauvres Non

Pauvres Total

Région Douala 2,3 4,8 4,6 15,8 20,3 19,9 16,9 15,7 15,8 34,9 40,8 40,4 Yaoundé 5,3 6,7 6,6 19,2 17,7 17,8 14 15,4 15,3 38,5 39,8 39,7

Adamaoua 1,4 1,3 1,3 3,8 5,7 5 2,6 3,7 3,3 7,9 10,7 9,7 Centre 3,9 2,8 3,2 6,6 9,5 8,5 5,7 8,1 7,3 16,2 20,4 18,9

Est 0,5 3,6 2,6 6,0 7,4 7,0 5,0 8,6 7,5 11,5 19,6 17,0 Extrême-Nord 2,1 3,1 2,6 6,0 10,9 8,6 5,9 4,5 5,1 14,0 18,4 16,4 Littoral 4,0 5,1 4,8 10,0 14,1 13,0 11,3 15,5 14,4 25,3 34,6 32,2

Nord 1,2 3,1 2,5 2,7 3,6 3,3 2,8 3,6 3,3 6,7 10,4 9,1 Nord-Ouest 0,2 2,6 1,6 6,5 11,7 9,4 4,2 7,8 6,2 10,9 22,1 17,2

Ouest 2,8 2,9 2,9 4,0 7,8 6,7 7,4 9,4 8,8 14,2 20,2 18,4 Sud 1,8 3,2 2,9 8,5 9,7 9,5 5,4 6,9 6,6 15,7 19,7 18,9 Sud-Ouest 6,6 6,8 6,7 19,5 26,7 24,8 16,2 19,3 18,5 42,2 52,8 50,1

Milieu de résidence Urbain 4,1 5,8 5,6 13,9 19,0 14,1 14,1 14,9 13,9 32,1 39,7 38,8

Rural 2,0 2,7 2,4 6,3 9,0 5,6 5,6 7,4 6,3 13,9 19,1 17,0 Sexe du chef de ménage Masculin 2,4 4,4 3,8 5,6 13,3 7,0 7,0 10,4 7,9 17,2 28,1 24,7

Féminin 2,1 3,2 2,9 7,4 13,7 6,3 6,3 11,4 5,6 14,0 28,2 24,3 Niveau d’instruction du chef de ménage Non scolarisé 1,4 2,2 1,9 5,8 8,3 7,2 3,9 5,6 4,9 11,0 16,1 14,0 Primaire 2,5 2,8 2,7 7,6 12,5 10,7 8,8 11,0 10,2 18,9 26,3 23,7 Secondaire 4,8 5,2 5,1 11,2 17,2 16,2 10,0 13,1 12,6 25,9 35,4 33,9

Supérieur 0,0 9,8 9,4 0,0 16,9 16,2 0,0 15,1 14,4 0,0 41,8 40,0 Groupe socio-économique du chef de ménage Travailleurs du public 10,1 8,8 8,9 20,3 18,1 18,4 21,1 12,7 13,8 51,6 39,5 41,1 Travailleurs du privé

formel 1,1 7,2 6,6 17,9 16,9 17,0 14,1 14,3 14,3 33,1 38,5 38,0

Agriculteurs 1,7 1,7 1,7 5,1 7,7 6,6 4,7 6,2 5,5 11,6 15,6 13,8 Travailleurs du privé

informel 2,7 3,5 3,3 10,7 16,1 14,9 8,7 12,6 11,7 22,1 32,1 30,0

Chômeurs 6,2 3,6 4,0 9,9 20,3 18,6 13,4 15,8 15,4 29,4 39,7 38,0 Inactifs 2,4 4,3 3,8 4,9 13,8 11,5 7,6 12,9 11,5 14,9 31,1 26,9

Ensemble 2,3 4,1 3,6 7,4 13,4 11,6 6,8 10,7 9,5 16,5 28,1 24,6 Source : ECAM II, I.N.S.

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CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS La mauvaise gouvernance revêt plusieurs formes et se manifeste tant sur le plan économique que sur le plan social. Elle est caractérisée par la mauvaise gestion des affaires publiques, le laxisme, la corruption, l’indifférence face aux usagers dans les services publics et privés. Ses manifestations courantes sont l’informalisation des services publics, les lenteurs administratives, le non-respect des horaires de travail, l’exigence des frais illégaux pour des services publics rendus. Ces frais qui renchérissent les services constituent le volet corruption de la mauvaise gouvernance qui transparaît d’ailleurs comme la forme de mauvaise gouvernance la plus coûteuse aux ménages. Cette étude a présenté les manifestations de la mauvaise gouvernance et de la petite corruption par opposition à la grande corruption qui concerne les réseaux d’enrichissement et s’insère dans la dynamique d’accumulation des décideurs de haut rang. La corruption a été analysée dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la justice et des transports. Il s’est agi de la corruption généralisée, caractérisée le plus souvent par l’exigence des frais non réglementaires ou leur acceptation pour échapper à des infractions légales. La lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance doit s’inscrire dans le temps. La corruption est entrée dans les mœurs comme moyen indispensable pour l’accès à certains services. Dans le domaine de l’éducation, une corrélation positive a été établie entre le taux de scolarisation surtout au primaire et le nombre de victimes de la corruption. En d’autres termes, la forte demande des services d’éducation dans les régions fortement scolarisées y favoriserait la corruption par rapport aux régions moins scolarisées. Dans ce secteur, la lutte contre la mauvaise gouvernance et ses conséquences peut passer par la construction de nouvelles salles de classes ou la création de nouveaux établissements, le recrutement des enseignants à tous les niveaux de l’éducation, pour mieux répondre à la demande et offrir une éducation de qualité aux élèves. En effet, dans le primaire, le secondaire tout comme au supérieur, l’escroquerie dont sont victimes les élèves et étudiants est parfois justifiée par le recrutement des vacataires aux frais des parents d’élèves. La distribution du paquet minimum avant la rentrée scolaire pourrait également mettre fin à l’exigence des rames de papiers, de frais de photocopie et des papiers hygiéniques aux élèves. Pour rendre tout ce système efficace, les ministères chargés de ce secteur pourront également procéder à des contrôles inopinés, et sanctionner convenablement les responsables coupables d’actes de corruption et de mauvaise gouvernance lorsque les faits sont avérés. Une amélioration des revenus du personnel enseignant, voire de celui de l’ensemble ses salariés du secteur public pourrait aussi les mettre à l’abri de certains besoins et permettre ainsi de limiter l’exigence de frais non réglementaires aux usagers de leur service. Dans le domaine de la santé, les actions de lutte contre le détournement des malades, les retards et l’absentéisme du personnel devraient être prioritaires. Il est difficile de concevoir l’absence d’un médecin à certains moments dans un hôpital, y compris dans de grandes villes comme Yaoundé, Douala, etc. On peut admettre, compte tenu de la demande, qu’il y ait une insuffisance du personnel de santé dans certaines grandes métropoles. Mais, l’arrivée tardive des médecins et autres personnels sanitaires du secteur public dans leur lieu de service s’explique généralement par la recherche de l’intérêt personnel de ces derniers qui consultent en priorité dans les cliniques et autres centres privés, voire à domicile.

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Le service minimum autrefois garanti par les premiers soins n’existe plus dans les centres de santé au Cameroun. Les personnes issues des ménages pauvres, craignant le clientélisme qui prédomine dans les centres hospitaliers, sont peu nombreuses à s’y rendre en cas de nécessité et s’orientent pour la majorité vers des centres de consultations informels où elles bénéficient des soins bon marché mais de qualité douteuse. Certains, majoritairement en zone rurale, choisissent d’ailleurs les guérisseurs et les marabouts. En ce qui concerne la police et la justice, il est à déplorer la difficulté d’appréhender les coupables et de la punir de manière exemplaire. Conscients de cette situation, les policiers arnaquent de plus en plus les usagers sur la route, retiennent abusivement et longuement leurs pièces, délivrent de faux récépissés de retrait de pièces ou de convocation pour extorquer le l’argent aux conducteurs. Certains ménages sont apparus comme des acteurs de la corruption sur la route. Leur comportement viserait à éviter de longues attentes aux postes de contrôle, à contourner les amendes en cas d’infraction ou en cas de défaut de pièces personnelles ou de pièces du véhicule. En ce qui concerne les pièces du véhicule, le coût serait largement supérieur aux possibilités de certains transporteurs urbains et interurbains. A côté de la révision des coûts de ces pièces, plusieurs fois réclamée par les intéressés, on pourrait attirer l’attention des transporteurs et des policiers sur leur utilité. Policiers et transporteurs se partagent les recettes de l’Etat et laissent les usagers sans assurance par exemple. Il est apparu un lien étroit entre certaines causes de pauvreté citées par les ménages et, la corruption et la mauvaise gouvernance. L’absence de travail, le bas niveau d’instruction, le manque de routes dans les zones rurales, l’insuffisance et la baisse des revenus peuvent être interprétés comme des conséquences de la mauvaise gouvernance. Un bon système de planification, d’urbanisation et des projets de développement étendus à tout le pays auraient certainement des effets bénéfiques même à long terme pour les populations des régions concernées. Un système efficient de gouvernance permettrait une bonne répartition des ressources. Ces ressources permettraient aux ménages d’envoyer leurs enfants à l’école. Ainsi, le cercle vicieux de la pauvreté pourrait être brisé en combattant le fléau à partir de la racine. De même, la lutte contre la corruption et la mauvaise gestion a été citée par bon nombre de ménages comme action prioritaire de lutte contre la pauvreté. La création d’emplois, la facilitation de l’accès à l’instruction et aux soins de santé, la lutte contre les détournements, la bonne répartition de la richesse nationale, la revalorisation des salaires, l’assurance de la sécurité des personnes et des biens sont autant d’actions citées par les ménages dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. La prescription de ces actions traduit le sentiment de marginalisation dont sont victimes les ménages dans leur environnement. Ces mesures que les ménages préconisent retrouvent en fait la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Elles ne sont en réalité que des dérivés des manifestations de ces phénomènes tels que vécus par les ménages. En définitive, il ressort de cette étude que les phénomènes de corruption et de mauvaise gouvernance sont présents dans certains services publics au Cameroun. Selon l’avis des ménages, ces deux phénomènes sont aujourd’hui classés parmi les premières causes de pauvreté. Toutes les mesures de lutte contre la pauvreté devraient donc intégrer des actions ayant trait à réduire ces deux fléaux.

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