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Les sept courts métrages sélectionnés pour le programme ANIMER LE MONDE traitent de sujets très divers. Ils prouvent cependant que tous les graphistes, animateurs et dessinateurs ont la capacité de réinventer notre univers, de dénoncer ses injustices, de révéler ses mystères et ses correspondances souvent invisibles. Graves, ludiques, drôles ou émouvants, tous ces films révèlent la richesse de l’expression - souvent galvaudée - de « cinéma d’animation ». LYCÉENS ET APPRENTIS AU CINÉMA Animer le monde

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Les sept courts métrages sélectionnés pour le programme

ANIMER LE MONDE traitent de sujets très divers.

Ils prouvent cependant que tous les graphistes, animateurs

et dessinateurs ont la capacité de réinventer notre univers,

de dénoncer ses injustices, de révéler ses mystères

et ses correspondances souvent invisibles.

Graves, ludiques, drôles ou émouvants,

tous ces �lms révèlent la richesse de l’expression

- souvent galvaudée - de « cinéma d’animation ».

Les sept courts métrages sélectionnés pour le programme

ANIMER LE MONDE traitent de sujets très divers.

Ils prouvent cependant que tous les graphistes, animateurs

et dessinateurs ont la capacité de réinventer notre univers,

de dénoncer ses injustices, de révéler ses mystères

et ses correspondances souvent invisibles. Les sept courts métrages sélectionnés pour le programme

traitent de sujets très divers.

Ils prouvent cependant que tous les graphistes, animateurs

et dessinateurs ont la capacité de réinventer notre univers,

de dénoncer ses injustices, de révéler ses mystères

LYCÉENS

ET APPRENTIS

AU CINÉMA

Animer

le monde

Réalisation : Sarah Saidan / France / 2014 / Persan (vost) /13’39

L’histoire : En Iran, Vida est la plus douée de son équipe de nageuses-sauveteuses. Alors qu’elle pense être sélectionnée pour participer à une compétition internationale en Australie, arrive une nouvelle recrue, Sareh.

L’auteur : Après des études de design, Sarah Saidan passe un master en animation à l’université des arts de Téhéran. Elle s’installe en France en 2009 et intègre l’école de La Poudrière. Son �lm Beach Flags a été sélectionné dans plus de 100 festivals à travers le monde.

La technique d’animation : L’animation traditionnelle en 2D sur papier est complétée par des couleurs générées par logiciels informatiques. Le trait est gracieux, les couleurs sont douces et lumineuses : le graphisme contraste avec la dureté du propos. On peut noter que Yumi Yoon (auteur de Conte de Faits) fait partie des animateurs de ce �lm.

Pistes d’études : Le �lm montre des nageuses obligées de passer une épreuve de course sur sable car les contraintes religieuses leur interdisent de se baigner en public. Ce postulat permet d’évoquer la condition des femmes en Iran. Si la dure réalité du pays (mariages arrangés, interdits religieux) est au cœur du �lm, celui-ci développe un récit e�cace fondé sur le principe classique d’une rivalité qui va peu à peu évoluer. L’essentiel de l’action est perçu à travers les yeux de Vida. Malgré son ancrage réaliste, le �lm peut donc user de visions subjectives lors de scènes aquatiques rêvées qui prophétisent ou métaphorisent la suite du récit, ou lors d’un montage alterné très e�cace qui ménage la chute �nale.

Pour en savoir plus : Sarah Saidan parle de son �lm : https://www.youtube.com/watch?v=B2uvLAububc

Beach Flags

Réalisation : Vergine Keaton / France / 2009 / 8’56

L’histoire : Lors d’une chasse à courre, un orage éclate. Les cerfs se mettent à poursuivre les chiens et le monde s’écroule… pour mieux se recomposer.

L’auteur : Après des études de graphisme et de cinéma, Vergine Keaton (pseudonyme de la Lyonnaise Violaine Tatéossian) travaille comme illustratrice indépendante pour de nombreux magazines. JE CRIAIS CONTRE LA VIE… est son premier �lm d’animation. Il a connu une carrière internationale. Virgine Keaton est actuellement à la tête de nombreux projets (clips, animations, illustrations…).

La technique d’animation : La réalisatrice utilise un corpus de 200 gravures anciennes du 19e siècle qu’elle a sélectionné en fréquentant les brocantes et les bibliothèques. Ces gravures ont été numérisées, fragmentées, pour ensuite composer les décors, via l’usage de logiciels informatiques. La technique d’animation est donc à la fois archaïque (on peut penser aux chronophotographies de Marey lors de la course des chiens) et très moderne car il s’agit de réinventer un matériau stéréotypé à travers divers assemblages.

Pistes d’études : Tirant son titre d’une réplique de Antigone de l’écrivain Henry Bauchau (1997), ce �lm énigmatique célèbre les pouvoirs de transformation de l’animation. Keaton invente un monde apocalyptique digne des grands mythes en inversant la logique naturelle. La musique est un élément indispensable pour la construction de l’œuvre. Composée par la musicienne lyonnaise Vale Poher, elle est minimaliste, répétitive et progresse par strates successives qui marquent les étapes du �lm. Si la réalisatrice parle de « chorégraphie » lorsqu’elle évoque son �lm, c’est que le rythme et les variations de mouvements sont la clef de sa poésie. L’alliage indissociable de la musique et de l’image compose un e�et hypnotique et inquiétant. Une expérience qui met le spectateur face à une forme inédite, loin du vidéo-clip.

Pour en savoir plus : Un reportage sur Virgine Keaton qui parle de son nouveau �lm, Marzevan et de sa technique d’animation. https://www.youtube.com/watch?v=B2KwiFZL-mI

Je criaiscontre la vie

ou pour elle

Réalisation : Benjamin Renner / France / 2007 / 4’10

L’histoire : Un lion attrape une souris et s’apprête à la manger… mais le petit rongeur a plus d’un tour dans son sac.

L’auteur : Benjamin Renner a étudié aux Beaux-arts d’Angoulême avant d’intégrer l’école d’animation La Poudrière, à Bourg-lès-Valence. LA QUEUE DE LA SOURIS est son �lm de �n d’études. Benjamin Renner a rencontré un grand succès critique et public en coréalisant avec Vincent Patar et Stéphane Aubier le long métrage Ernest et Célestine (2012).

La technique d’animation : Le réalisateur s’est inspiré de la technique du Tangram pour composer ses dessins. Ce jeu chinois très ancien repose sur l’usage d’un nombre limité de formes géométriques. De la même manière, les coloris sont limités à 4 couleurs (rouge, noir, vert et blanc). Cette économie des formes et des couleurs permet de composer un monde à la fois abstrait et très évocateur. Le travail sur les échelles de tailles permet aussi de comprendre toute l’intensité du rapport de force qui s’installe.

Pistes d’études : Le �lm s’inspire de la fable de Jean de La Fontaine, Le Lion et le Rat, mais Renner reprend l’intrigue en l’inversant et c’est désormais le lion qui sera victime de la souris. Le �lm est à l’image de son héros : ingénieux et plein des ressources. Il se construit comme un piège invisible qui utilise deux notions très cinématographiques : la course pour attraper les animaux avec le �l est représentée en un plan séquence. Toute l’action se « déroule » d’une traite et sans montage, ce qui permet d’épouser la logique de la progression du rongeur. Durant la course, Renner joue sur la notion de hors-champ : le spectateur ne perçoit qu’une partie de l’action, ce qui permet de ménager la surprise �nale.

Pour en savoir plus : Le blog de Benjamin Renner http://reineke.canalblog.com

La Queue de la souris

Réalisation : Jean Charles Mbotti Malolo / France, Suisse / 2014 / 14’31

L’auteur : Jean-Charles Mbotti Malolo est réalisateur et chorégraphe. Il a étudié à l’Ecole de dessin Émile Cohl, à Lyon. Il en sort diplômé en 2007. Le Sens du toucher - lauréat de nombreux prix internationaux - est son second court métrage. Il travaille actuellement sur un �lm sur le chanteur Soul James Brown intitulé Please, Please, Please.

La technique d’animation : Dans la phase préparatoire de son travail, le réalisateur a �lmé des comédiens qui exécutaient les gestes et les mouvements qui allaient servir d’inspiration à l’animation. Ensuite, tout a été dessiné à la main en 2D : si la captation vidéo permettait de respecter le réalisme des mouvements, l’imagination du dessinateur lui permettait d’aller plus loin dans l’expressivité et la poésie des gestes. Il a aussi conservé certains tracés préparatoires (les roughs) a�n de créer l’impression de vibrations presque invisibles qui circulent entre les personnages.

Pistes d’études : Le scénario est celui d’une intrigue sentimentale, basée sur l’attirance de caractères contraires. Le handicap des protagonistes sourds-muets permet non seulement de porter l’attention du public sur des personnages peu représentés à l’écran mais aussi de renouveler les stéréotypes de la comédie romantique et musicale. Lui-même danseur, Mbotti Malolo excelle à retranscrire dans son �lm la passion du geste qui fascine les animateurs de dessins animés et les chorégraphes.Le travail sur la bande-son est passionnant : sons étou�és, éléments de respirations et éclats de voix composent une partition sonore qui immerge le spectateur dans un monde sensoriel très complexe. La musique, composée par la chanteuse Camille, utilise exclusivement la voix pour rythmer et intensi�er l’action. Elle est indispensable à la poésie du �lm.

Pour en savoir plus : Le making of du �lm pour ARTEhttp://cinema.arte.tv/fr/article/making-le-sens-du-toucher

Le Sens du toucher

Réalisation : Pierre Luc Granjon / France / 2013 / 7’

L’histoire : Dans un royaume, une légende court sur une grosse bête qui « vient vous manger au moment où on ne s’y attend pas ». Les habitants décident de trouver des solutions pour se protéger…

L’auteur : Réalisateur, scénariste, directeur de la photographie, décorateur, Pierre Luc Granjon est fasciné par les représentations du Moyen Âge. Il a réalisé les « Quatre saisons de Léon » pour le studio Folimage. Le Château des autres (2003), L’Enfant sans bouche (2004) ou Le Loup blanc (2006) ont imposé une vision de l’enfance aussi magique que cruelle.

La technique d’animation : L’utilisation de pantins en papier découpé animés en stop motion permet au créateur de composer un univers faussement enfantin. Si l’animation et les dessins semblent au premier abord simples et naïfs, ils sont en réalité le fruit d’un travail très méticuleux. Ce style révèle peu à peu une vision politique et humaniste.

Pistes d’études : Le �lm possède les éléments traditionnels d’un conte (un narrateur, un lieu et une époque inconnus). Il est construit sur un procédé systématique : une idée est proposée par un habitant, elle se concrétise et se ponctue par la fermeture du cadre, qui s’abat à la manière d’une gueule de monstre. Le récit progresse en crescendo vers des solutions de plus en plus extrêmes. Il n’y a pas de personnages principaux car on observe comment une société devient collectivement soumise à la peur. Ce choix scénaristique explique le recours fréquent aux plans d’ensemble. La �n est ironique : on peut y voir la dénonciation du conformisme et de la peur de l’autre. Le conte devient alors la métaphore des processus qui mènent au totalitarisme (on peut penser à George Orwell ou Eugene Ionesco).

Pour en savoir plus : Le blog de Pierre-Luc Granjon http://pierrelucgranjon.blogspot.fr

La Grosse Bête

Réalisation : Yumi Yoon / France / 2011 / Coréen (vost) / 4’

L’histoire : 1960, Corée du Sud. Une petite �lle qui habite dans une maison close s’invente un monde merveilleux pour échapper à la dureté du quotidien.

L’auteur : Yumi Yoon est originaire de Corée du Sud. Après des études de design, elle s’installe en France et suit une formation multimédia. Elle intègre ensuite l’école du �lm d’animation de La Poudrière à Bourg-lès-Valence. Elle décide alors d’évoquer les conséquences de la guerre de Corée, à travers la représentation d’une maison close dans son �lm Conte de faits.

La technique d’animation : Yumi Yoon utilise la technique de la peinture animée sur verre. Le dessin est peint sur une plaque de verre puis modi�é par e�acements successifs. Chaque dessin est photographié pour ensuite recomposer le mouvement à 24 images par seconde. Cette technique permet de rendre visible la matière du pinceau : les traits de composition jaillissent, les gestes du créateur sont comme intégrés dans le dessin.

Pistes d’études : Selon ses dires, la réalisatrice refuse de porter un jugement sur la situation, elle désire avant tout livrer un constat. Tout le �lm est perçu à travers les sens de la petite �lle et la mise en scène consiste donc à faire coexister deux univers : celui de l’enfance (le « conte ») et celui des adultes (les « faits »). Le talent de la réalisatrice permet de représenter le basculement de la réalité au rêve. Ces moments utilisent toute la puissance de l’animation pour métamorphoser les espaces. La brutalité du sujet contraste avec le foisonnement des couleurs vives et l’impression de tourbillonnement permanent provoqué par le choix du graphisme. Pour accentuer le contraste entre les univers, l’environnement sonore (cris des clients / sérénité de la forêt) est aussi capital.

Pour en savoir plus : L’artiste Florence Miailhe au travail avec la peinture sur verrehttp://www.dailymotion.com/video/xbd5iypeinture-sur-verre_creation

Conte de faits

Réalisation : Konstantin Bronzit / France / 1999 / 07’24

L’histoire : Une maison est posée en équilibre sur le pic d’une colline. Elle balance constamment de droite à gauche et fait vivre bien des mésaventures à ses habitants.

L’auteur : Konstantin Eduardovich Bronzit est un animateur russe né à Leningrad. Au bout du Monde a été réalisé dans le cadre de la « Résidence permanente pour réalisateurs européens de �lms d’animation », au studio Folimage de Valence. Ce �lm a connu un très grand succès international. Bronzit travaille actuellement au Melnitsa Animation Studio, l’un des plus grands studios de Russie.

La technique d’animation : L’animation est traditionnelle avec dessins peints sur celluloïds (feuilles en plastique) superposés. Les traits sont caricaturaux avec un goût marqué pour les textures et les formes. Si le �lm est très peu dialogué, il possède une bande-son extrêmement élaborée.

Pistes d’études : Le �lm est avant tout une comédie qui utilise les ressorts du burlesque et de l’absurde (on pense à La Ruée vers l’or (1925) de Chaplin et sa maison sur le point de tomber dans un ravin). L’usage d’un plan séquence quasiment �xe permet de concentrer toute l’action dans un cadre. Ce choix est source d’idées et de gags à la rigueur mathématique qui jouent beaucoup sur la gestion du temps et l’enchaînement des causes et des conséquences. La précision des sons et leur coordination avec l’image sont aussi des éléments capitaux de l’humour. Même si son auteur s’en défend, le �lm peut aussi subvertir la notion de frontière entre pays : le grand succès international du �lm prouve l’universalité de son propos.

Pour en savoir plus : L’artiste �omas Secaz fait une démonstration d’animation sur feuilles de papiers http://www.dailymotion.com/video/xbd4kn_dessin-anime-sur-papier_creation

Au boutdu Monde

Petit glossaireHors-champ : Tout ce qui n’est pas représenté dans l’image (le champ), mais qui existe grâce aux sons, aux regards, les personnages…

Plan séquence : Plan unique qui accompagne une action assez longue pour avoir une importance pour la construction du récit. Il peut être �xe ou en mouvement. Il évite d’utiliser le montage et crée une temporalité spéci�que.

Montage alterné : Lorsque le spectateur perçoit deux actions qui se déroulent simultanément, mais qui existe grâce aux sons, aux regards des personnages...

Rédacteur en chef des documents : Alban Jamin (DAAC Lyon)