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Le droit du mineur de prendre les décisions le concernant Les décisions qui concernent le mineur sont en principe prises par les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale dans l’intérêt de l’enfant (v. ss 541 s.). Toutefois, le droit reconnaît, de manière exceptionnelle, lorsque les circonstances l’exigent, au mineur doué de discernement, la capacité de prendre lui-même les décisions qui le concernent, en excluant totalement ses parents ou à l’inverse en exigeant qu’il participe au processus de décision en autorisant l’acte envisagé. Cette participation peut prendre la forme d’un acte juridique, ou d’une action judiciaire. L’autonomie du mineur peut également se traduire par des faits, qui lui sont autorisés par loi. Tel est le cas de la conduite par le mineur d’un cyclomoteur, autorisée à partir de quatorze ans 1 , d’une moto 2 , ou d’un bateau de plaisance à partir de dix-sept ans 3 , ou encore de la conduite accompagnée d’une automobile 4 . La reconnaissance d’une capacité du mineur constituant une exception au principe général d’incapacité auquel il est soumis, elle ne peut être fondée que sur un texte spécifique. Le droit substantiel (Section 1), comme le droit procédural (Section 2) contiennent de plus en plus de textes accordant au mineur la capacité de prendre lui-même les décisions qui le concernent, témoignant ainsi, sans aucun doute, d’une évolution du concept même de minorité et de son caractère homogène. SECTION 1. La capacité du mineur d’agir lui-même en droit substantiel La reconnaissance d’une capacité exceptionnelle du mineur est d’autant plus nécessaire que les actes envisagés concernent sa personne et son intimité ou exigent un engagement de sa part. Le souci de protection du mineur peut ainsi s’effacer devant le respect de sa libertéC’est la raison pour laquelle les lois contemporaines ont accordé au mineur la capacité d’exercer de manière indépendante un certain nombre de droits sur son corps (§ 1). Cette sphère d’autonomie s’ajoute à celle traditionnellement reconnue à l’enfant lorsqu’il s’agit pour lui de prendre un engagement personnel incompatible avec la 1 Art. R. 200-11 du Code de la route. 2 Art. R. 221-5, 1o du Code de la route. 3 Art. 4 et 6 du décret du 15 mars 1966. 4 Art. R.221-5, 2o, a du Code de la route.

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Le droit du mineur de prendre les décisions le concernant

Les décisions qui concernent le mineur sont en principe prises par les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale dans l’intérêt de l’enfant (v. ss 541 s.). Toutefois, le droit reconnaît, de manière exceptionnelle, lorsque les circonstances l’exigent, au mineur doué de discernement, la capacité de prendre lui-même les décisions qui le concernent, en excluant totalement ses parents ou à l’inverse en exigeant qu’il participe au processus de décision en autorisant l’acte envisagé. Cette participation peut prendre la forme d’un acte juridique, ou d’une action judiciaire. L’autonomie du mineur peut également se traduire par des faits, qui lui sont autorisés par loi. Tel est le cas de la conduite par le mineur d’un cyclomoteur, autorisée à partir de quatorze ans1, d’une moto2, ou d’un bateau de plaisance à partir de dix-sept ans3, ou encore de la conduite accompagnée d’une automobile4.La reconnaissance d’une capacité du mineur constituant une exception au principe général d’incapacité auquel il est soumis, elle ne peut être fondée que sur un texte spécifique. Le droit substantiel (Section 1), comme le droit procédural (Section 2) contiennent de plus en plus de textes accordant au mineur la capacité de prendre lui-même les décisions qui le concernent, témoignant ainsi, sans aucun doute, d’une évolution du concept même de minorité et de son caractère homogène.

SECTION 1. La capacité du mineur d’agir lui-même en droit substantielLa reconnaissance d’une capacité exceptionnelle du mineur est d’autant plus nécessaire que les actes envisagés concernent sa personne et son intimité ou exigent un engagement de sa part. Le souci de protection du mineur peut ainsi s’effacer devant le respect de sa libertéC’est la raison pour laquelle les lois contemporaines ont accordé au mineur la capacité d’exercer de manière indépendante un certain nombre de droits sur son corps (§ 1). Cette sphère d’autonomie s’ajoute à celle traditionnellement reconnue à l’enfant lorsqu’il s’agit pour lui de prendre un engagement personnel incompatible avec la représentation (§ 2). Le lien entre l’autonomie du mineur et le caractère personnel de l’acte envisagé explique à l’inverse que l’enfant se voit reconnaître une autonomie limitée quoique grandissante en matière patrimoniale (§ 3).

§ 1. Les droits du mineur sur son corpsLes lois récentes, particulièrement les deux lois du 4 mars 2002, portant l’une sur l’autorité parentale et l’autre sur les droits des malades, ont mis en lumière « la contradiction qui existe […] entre le souci de renforcer une autorité en déliquescence et la volonté de promouvoir les droits de l’enfant». En effet, même si, contrairement à d’autres systèmes juridiques le droit français ne reconnaît pas de majorité médicale anticipée, distincte de la majorité civile, il reconnaît ponctuellement au mineur la capacité d’accomplir lui-même les actes portant sur son corps. La soustraction de certains actes concernant le corps du mineur à l’autorité parentale, et la reconnaissance de la capacité du mineur de les accomplir lui-même, s’expliquent avant tout par la volonté de faciliter l’accès du mineur à ces actes. L’idée qui sous-tend la reconnaissance de l’autonomie de l’enfant dans ce domaine est que l’exigence du consentement parental pourrait conduire le mineur à ne pas effectuer un acte pourtant opportun, voire nécessaire, au regard de son propre intérêt. Il en va ainsi de tous les actes relatifs au corps du mineur qui sont directement liés à sa sexualité (A). En outre le législateur

1 Art. R. 200-11 du Code de la route.2 Art. R. 221-5, 1o du Code de la route.3 Art. 4 et 6 du décret du 15 mars 1966.4 Art. R.221-5, 2o, a du Code de la route.

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de 2002 permet au mineur d’obtenir des soins médicaux nécessaires de manière indépendante de ses parents (B).

A. Les actes médicaux liés à la sexualité du mineurLes actes médicaux liés à la sexualité du mineur concernent en réalité la jeune fille. Il s’agit d’offrir à celle-ci un accès libre à la contraception dans le but bien compris de favoriser la diffusion de cette dernière parmi les adolescentes (1). De manière plus nuancée, mais dans le même esprit, la possibilité pour une mineure de se passer du consentement parental pour subir une interruption volontaire de grossesse répond à l’idée qu’une telle atteinte à l’autorité parentale est préférable à une grossesse non désirée chez une très jeune femme (2).

1. Le libre accès de la mineure à la contraceptionLa contraception recouvre l’ensemble des moyens volontairement mis en œuvre pour éviter, de façon temporaire, que les rapports sexuels n’aboutissent à une fécondation. Elle se distingue de l’interruption volontaire de grossesse en ce qu’elle intervient avant la fécondation et ne vise pas à interrompre une grossesse. Il existe néanmoins un lien étroit entre contraception et interruption volontaire de grossesse puisque la première permet d’éviter le recours à la seconde. L’influence de l’amélioration de l’accès à la contraception sur la réduction des interruptions volontaires de grossesse notamment chez les jeunes filles a été fréquemment rappelée lors des débats auxquels les lois no 200-1209 du 13 décembre 20005 et no 2001-588 du 4 juillet 20016 ont donné lieu. Le Professeur Michel Uzan-Cohen, dans son Rapport sur la prévention et la prise en charge des grossesses des adolescentes remis au ministère de l’Emploi et de la Solidarité à la fin du mois de novembre 1998, insistait sur la nécessité de faciliter l’accès des adolescentes à la contraception notamment par une prise en charge pluridisciplinaire et l’insertion de cette question dans les programmes scolaires.Contraception régulière ◊ L'article L. 5134-1 du Code de la santé publique, issu de la loi du 4 juillet 2001, affirme que « Le consentement des titulaires de l'autorité parentale ou le cas échéant du représentant légal n'est pas requis pour la prescription, la délivrance ou l'administration de contraceptifs aux personnes mineures ». Les mineures bénéficient ainsi d’un accès libre et personnel à la contraception hormonale en ce sens qu’elles peuvent consulter un médecin, et lui demander de leur prescrire une pilule contraceptive sans être accompagnées d’un de leur parent et sans que le médecin ne puisse exiger le consentement de ces derniers7. Le médecin peut toutefois faire jouer sa clause de conscience pour refuser de prescrire un contraceptif à une mineure.La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a en outre modifié L. 4311-1 du Code de la santé publique selon lequel, désormais, « L’infirmière ou l’infirmier est autorisé à renouveler les prescriptions, datant de moins d’un an, de médicaments contraceptifs oraux, sauf s’ils figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, sur proposition de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, pour une durée maximale de six mois, non renouvelable. » Cette disposition est également applicable aux infirmières et infirmiers exerçant dans les établissements scolaires du second degré.Les Centres de planification ou d’éducation familiale conservent la compétence qui leur était reconnue avant la loi du 4 juillet 2001 pour prescrire et délivrer des contraceptifs notamment aux mineures8. Cette possibilité facilite la prise en charge matérielle de la consultation gynécologique et de la contraception elle-même.

5 JO 14 déc.6 JO 7 juill.7 Circulaire no 2001-467 du 28 sept. 2001.8 Art. L. 2311-4 CSP.

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Le décret n° 2013-248 du 25 mars 20139, prévoit, en application de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, que les frais d'acquisition des spécialités pharmaceutiques à visée contraceptive ainsi que des dispositifs médicaux à visée contraceptive, inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables sont délivrés gratuitement aux mineurs de 15 à 18 ans.Contraception d’urgence ◊ La contraception d’urgence (dite « pilule du lendemain »), fait l’objet de dispositions spécifiques destinées à faciliter son accès pour la mineure et éviter une interruption volontaire de grossesseLa loi du 13 décembre 2000, relative à la contraception d'urgence qui a fait suite au processus réglementaire mené par Ségolène Royal10 et invalidé par le Conseil d'État dans une décision du 16 juin 200011, a prévu que la délivrance de la contraception d’urgence s’effectue librement – c'est-à-dire hors prescription médicale12 – à titre gratuit dans les pharmacies13. Le décret no 2002-39 du 9 janvier 200214 organise cette délivrance : il prévoit que la minorité qui constitue une condition de la dispensation à titre gratuit des contraceptifs d’urgence, est justifiée par simple déclaration orale et que le pharmacien doit avoir un entretien avec la mineure. Pour la prise en charge, le pharmacien adresse à la caisse d’assurance-maladie dont il dépend, une facture établie sur une feuille de soins ne comportant ni l’identification de l’assurée, ni celle du bénéficiaire sur support papier comportant la vignette. La feuille de soin peut également faire l’objet d’une transmission électronique. La délivrance de la contraception d’urgence aux mineures fait également l’objet d’un régime particulier, au regard de celui de la contraception régulière, en ce qu’elle échappe au monopole des pharmaciens. L’article L. 5134-1 du Code de la santé publique prévoit en effet que les infirmières scolaires peuvent, si un médecin ou un centre de planification ou d’éducation familiale n’est pas immédiatement accessible, délivrer aux élèves mineures et majeures une contraception d’urgence. Cette délivrance doit cependant rester exceptionnelle et est destinée à répondre, selon les termes de la loi, aux cas d’urgence et de détresse caractérisée. Elle doit en outre être accompagnée d’un suivi médical et psychologique.Selon le décret no 2001-258 du 27 mars 200215, les conditions dans lesquelles une contraception d’urgence peut être administrée par les infirmières scolaires sont déterminées par un « Protocole national sur la contraception d’urgence » annexé au décret qui insiste sur le caractère subsidiaire de l’intervention de l’infirmière et sur son rôle d’information et de dialogue à l’égard des adolescentes. Le texte exige que l’infirmière dispose d’un local permettant le respect de la confidentialité et insiste tout particulièrement sur l’obligation d’un entretien préalable avec l’élève dans le but de déterminer si sa situation correspond aux critères d’urgence et de détresse posées par la loi, et de lui rappeler le caractère exceptionnel de cette contraception. L’infirmière doit en outre proposer à l’élève, lorsqu’elle est mineure, un entretien avec les titulaires de l’autorité parentale que la mineure est en droit de refuser. L’administration d’une contraception d’urgence doit en outre faire l’objet d’un compte rendu écrit et un état annuel faisant apparaître le nombre de demandes de ce médicament de la part des élèves majeures ou mineures dans chaque établissement qui doit être remis à l’inspecteur

9 relatif à la participation des assurés prévue à l'article L. 322-3 du Code de la sécurité sociale pour les frais liés à une interruption volontaire de grossesse et à l'acquisition de contraceptifs par les mineures10 Protocole national sur l’organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d’enseignements NOR : SCOB9902846 X.11 CE 30 juin 2000, Association choisir la vie, D. 2000. 545, note O. Dubos et C. Radé.12 Pour ce qui est de la pilule du lendemain la plus courante : le Norlevo. L’autre contraceptif d’urgence : le Tetragynon, nécessite quant à lui une prescription médicale en raison de son association avec un progestatif.13 Art. L. 5134-1 al. 2 CSP.14 JO 10 janv. 2002.15 JO 28 mars 2002.

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d’académie ou à la direction régionale de l’Agriculture et de la forêt pour les établissements en relevant.Dans le bulletin juridique du ministère de l’éducation nationale d’octobre 200816, il est affirmé que l’article L. 5134-1 du Code de la santé publique interdit aux chefs d’établissement, dans l’hypothèse où il aurait eu connaissance des démarches d’une mineure pour bénéficier de la contraception d’urgence, d’en informer ses parents.

2. Le caractère facultatif du consentement parental à l’interruption volontaire de grossesse de la mineureDepuis la loi no 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse17, la mineure peut, si elle le souhaite, se passer du consentement parental pour subir une interruption volontaire de grossesse même si le principe reste le consentement de l'un des parents. L’article L. 2212-7 du Code de la santé publique maintient en effet l’exigence du consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale dans son premier alinéa. L’alinéa 2 prévoit l’hypothèse, dont on peut penser qu’elle sera fréquente en pratique, dans laquelle la mineure désire garder le secret : le texte enjoint dans ce cas au médecin de la convaincre de consulter ses représentants légaux. On peut affirmer que « le consentement parental n’est plus, en aucun cas, une condition déterminante pour qu’une interruption de grossesse soit réalisée chez une mineure ». Dans l’ensemble, selon le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales de 2009, les professionnels tentent de convaincre, comme le prévoit la loi, mais en respectant leur volonté, les jeunes filles mineures sans autorisation parentale de se rapprocher de leurs parents, mais le plus souvent sans succès.Lorsque la mineure maintient son refus, ou lorsque les parents consultés opposent un refus, le troisième alinéa de l’article L. 2212-7 permet au médecin de pratiquer l’interruption volontaire de grossesse et les actes médicaux qui lui sont liés sans le consentement des titulaires de l’autorité parentale, sur la seule demande de l’intéressée, à condition cependant que la mineure se fasse accompagner d’une personne majeure de son choix. Le rôle de cette personne ne consiste pas à consentir à l’interruption volontaire de grossesse, mais seulement à apporter un soutien à la mineure. Sa responsabilité ne saurait donc être engagée pour avoir autorisé l’acte. En vertu de l’article R322-9, 4° du Code de la sécurité sociale, les frais afférents à l’interruption volontaire de grossesse sont intégralement pris en charge par la sécurité sociale.Selon le rapport de l’IGAS, la plupart des professionnels rencontrés soulignent que la suppression de l’autorisation parentale obligatoire a permis de mieux gérer les situations délicates ; toutefois « les établissements hospitaliers ne sont pas en mesure d’évaluer précisément le nombre de jeunes filles mineures qui demandent une IVG hors autorisation parentale, les chiffres estimés par les équipes rencontrées allant d’1/3 à la quasi totalité des jeunes filles sans qu’il puisse être établi la moindre corrélation avec des critères territoriaux (région rurale ou grandes villes) ou populationnels. Les professionnels de santé ont souligné à de nombreuses reprises qu’ils avaient parfois des interrogations sur la qualité de la personne accompagnante. Il est nécessaire de rappeler la nécessité, en cas de suspicion légitime, d’avoir recours aux procédures de signalement, avec saisine de la cellule de signalement du conseil général ou du procureur. »Selon le rapport, certains médecins-anesthésistes refusent de pratiquer l’anesthésie sur des mineures hors autorisation parentale ce qui fait obstacle à la pratique de l’IVG chirurgicale avec anesthésie générale. La Société française de réanimation a pris publiquement position, estimant que l’absence de consentement des parents ne devait pas être un obstacle à l’intervention du médecin anesthésiste, d’autant plus que la loi du 2 mars 2002 relative à la

16 LIJ 128, oct. 2008, p. 36.17 désormais possible jusqu’à la douzième semaine de grossesse (art. L. 2212-1 CSP).

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modernisation du système de santé et aux droits des personnes malades prévoit une dérogation à l’obligation de consentement des parents (L. 1111-5 CSP) pour la mise en œuvre d’un traitement ou la pratique d’une intervention.Prélèvement de cellules embryonnaires ou fœtales ◊ L’article L. 1241-5 qui prévoit que des tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux ne peuvent en principe être prélevés, conservés et utilisés à l'issue d'une interruption de grossesse qu'à des fins diagnostiques, thérapeutiques ou scientifiques, limite ce prélèvement lorsque la femme est mineure à la recherche des causes de l'interruption de grossesse. Dans ce cas, la femme ayant subi cette interruption de grossesse doit avoir reçu auparavant une information sur son droit de s'opposer à un tel prélèvement.1242 Information sur la contraception ◊ Le dernier alinéa de l’article L. 2212-7 du Code de la santé publique prévoit qu’une deuxième consultation, ayant notamment pour but une nouvelle information sur la contraception, est obligatoirement proposée aux mineures, laquelle s’ajoute à la consultation préalable à l’intervention, obligatoire pour toutes les femmes18.Accouchement dans le secret ◊ La mineure peut demander à accoucher sous X. Dans la mesure où elle ne donne pas son identité, sa minorité ne saurait susciter de difficulté au moment de l’accouchement. La question de la validité de l’abandon de son enfant s’est posée à la Cour de cassation qui y a répondu dans un arrêt du 5 novembre 1996 de manière affirmative l faudrait cependant au moins vérifier que la mineure avait le discernement nécessaire pour apprécier la portée de son acte et prévoir un accompagnement spécifique.

B. Le droit du mineur d’obtenir des soins de manière autonomeMineur sans famille ◊ L'alinéa 2 de l'article L. 1111-5 du Code de la santé publique confère au mineur de seize ans dont les liens de famille sont rompus et qui bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l'assurance-maladie et maternité et de la couverture maladie universelle, la capacité de consentir seul à l'acte médical, lui accordant ainsi « une véritable majorité sanitaire».Droit exceptionnel d’obtenir des soins sans le consentement parental ◊ Tout mineur peut, en outre, solliciter seul des actes médicaux dans le cadre de l'exercice de son droit au secret consacré par l'article L. 1111-5 du Code de la santé publique selon lequel : « par dérogation à l'article 371-1 du Code civil, le médecin peut se dispenser d'obtenir le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions à prendre lorsque le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé d'une personne mineure, dans les cas où celle-ci s'oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé ».Cette disposition, élaborée plus spécifiquement au profit des mineurs porteurs du virus VIH19, pourrait indirectement et si les médecins acceptent qu’elle soit fréquemment mise en œuvre, vider de sa substance l’exigence de consentement des titulaires de l’autorité parentale puisqu’elle permet l’accomplissement d’un acte en vertu de la volonté exclusive du mineur. Il s’agit en effet « d’un véritable pouvoir exorbitant qui est conféré à l’enfant, pouvoir qui a pour conséquence de contourner les règles de droit commun de l’autorité parentale  » et qui lui confère une autonomie indéniable, sans qu’une limite d’âge ne soit posée par le texte, certains ont évoqué une « certaine émancipation sanitaire du mineur ». Pour d’autres, une intervention d’un juge aurait été plus opportune pour décider d’une mesure visant à protéger la santé d’un mineur. Le médecin doit tenter de vaincre l’opposition du mineur à ce que ses parents soient informés de son état de santé, s’il maintient son opposition, l’article L. 1111-5

18 Les femmes majeures se voient seulement proposer une consultation avant et après l’interruption volontaire de grossesse, art. L. 2212-4 CSP.19 « Il est de toute évidence nécessaire qu’un mineur atteint du sida puisse être soigné, même si cela suppose une entorse au droit civil de la famille », ibidem.

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du Code de la santé publique impose au mineur, comme en matière d’interruption volontaire de grossesse, de se faire accompagner pour les soins médicaux, par une personne majeure de son choix. La preuve de l’opposition du mineur et du fait que le médecin a fait son possible pour la lever, risque d’être difficile à rapporter en cas de litige ultérieur avec les parents ; un écrit émanant du mineur, faisant état de son opposition, malgré les tentatives du médecin pour le convaincre d’informer ses parents paraît opportun, même si sa valeur sera sans doute diversement appréciée par les juridictions, surtout si l’adolescent concerné est jeune.Cette capacité exceptionnelle est justifiée par le risque de voir le mineur rester sans soins parce qu’il refuse d’informer ses parents de ses difficultés de santé, particulièrement lorsqu’elles sont liées à son comportement sexuel. Elle est exceptionnelle à plusieurs titres : d’une part parce qu’elle déroge au droit des parents de décider des actes effectués sur la personne de l’enfant et même d’en être informés, d’autre part parce qu’elle confère au mineur la capacité de décider seul des actes nécessaires à sa santé. Un médecin a pu constater que « les mineurs qui réclament ces soins confidentiels peuvent souffrir de mauvaises relations avec leurs parents. La revendication de la confidentialité peut alors traduire des conflits, notamment sur des convictions morales ou religieuses ; elle peut aussi renvoyer à la peur de la réprobation par rapport à certaines conditions, particulièrement en matière de sexualité ou de consommations de produits. Mais pour un certain nombre d’adolescents, cette revendication renvoie à un réel désir d’intimité. »Le droit exceptionnel d’obtenir des soins sans information ni consentement des titulaires de l’autorité parentale concerne les seuls actes nécessaires à la sauvegarde de la santé du mineur, à l’exclusion des actes médicaux non thérapeutiques – qui relèveraient par exemple de la chirurgie esthétique –. Comme le fait remarquer un auteur médecin, « la question pourra se poser des actes qui se situent à la frontière de l’indispensable. »Il semble qu’en pratique, les problèmes de santé pour lesquels le jeune réclame le secret consistent le plus souvent dans le traitement d’une maladie sexuellement transmissible, l’interruption volontaire de grossesse et les besoins des soins consécutifs à des pratiques addictives dont la consommation d’alcool.Il reste le problème de la prise en charge financière des soins confidentiels aux mineurs. En effet, en dehors de l’interruption volontaire de grossesse qui fait l’objet d’une prise en charge par l’État, aucun dispositif spécifique n’est prévu. Or, la plupart des adolescents dépendant de leurs parents en matière de sécurité sociale, le remboursement des actes par la caisse d’assurance-maladie est susceptible de mettre à mal la confidentialité souhaitée par le mineur.Refus d’un acte médical ◊ S’il confère au mineur un droit d’obtenir des soins nécessaires sans le consentement de ses parents, l’article L. 111-5 du Code de la santé publique ne résout pas la question délicate du droit du mineur de refuser un acte médical imposé par ses représentants légaux, qui reste soumise aux règles de droit commun de l’autorité parentale et pour laquelle la recherche du consentement du mineur ne paraît pas suffisante.Droit au secret médical du mineur ? ◊ L’article L. 1110-4 du Code de la santé publique prévoit, de manière générale, que « toute personne prise en charge par un professionnel, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant ». Il est sanctionné par l’article 226-13 du Code pénal qui réprime la violation du secret professionnel. Pour ce qui concerne le mineur, la question du secret médical relève de règles différentes selon qu’on se situe dans le cadre du droit commun de l’autorité parentale ou dans le cadre particulier de l’article L111-5 du Code de la santé publique.Autorité parentale ◊ Le secret médical confère au mineur le droit d’être protégé vis à vis des tiers même si l’article 226-14 permet au médecin de lever le secret médical « dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » et pour révéler des privations ou sévices infligés à un mineur. Si ces dispositions confèrent au mineur le droit de conserver secret les

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éléments relatifs à son état de santé vis-à-vis des tiers20il ne semble pas, en revanche, que le secret médical soit opposable aux parents de l’enfant. Ces derniers sont en effet titulaires du droit, et du devoir, de prendre les décisions relatives à la santé de l’enfant, et ne sauraient exercer ce pouvoir de manière conforme à l’intérêt de ce dernier s’ils ne disposent pas des informations nécessaires. Les prérogatives conférées aux parents par les dispositions du Code civil relatives à l’autorité parentale leur permettent d’exiger d’un médecin qu’il les informe des informations relatives à la santé de l’enfant. Le Code de la santé publique précise expressément, dans son article L. 1111-2 que le droit d’information du mineur en matière médicale est exercé par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. Le mineur ne peut donc interdire à un médecin de révéler à ses parents des informations relatives à sa santé. L’article L1111-7 du code de la santé publique permet cependant demander à ce que la consultation de son dossier par ses parents ait lieu par l'intermédiaire d'un médecin et leur interdire cet accès lorsqu'il aura demandé à bénéficier de soins nécessaires à la sauvegarde de sa santé sans que ses parents n’en soient informés21. Selon l’article R. 4127-46, le médecin doit alors remplir cette mission en tenant compte des seuls intérêts du patient. De ces dispositions il résulte que le principe est l’absence de droit au secret médical du mineur opposable à ses parents, à l’exception des hypothèses dans lesquelles le droit soustrait l’acte médical à l’autorité parentale.Soins sans information des parents ◊ En conséquence, le médecin ne doit pas pouvoir informer les parents de la mineure de l’interruption volontaire subie par celle-ci – l’article L. 2212-6 vise d’ailleurs la volonté de la femme mineure de garder le secret – ni, par analogie, de la prescription à cette dernière de contraceptifs malgré le silence de l’article L. 5134-1 du Code de la santé publique sur ce point. En outre, le mineur peut demander, en vertu de l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique que le médecin n’informe pas ses parents lorsqu’il le consulte pour des actes nécessaires à la sauvegarde de sa santé. L’article L. 1111-2 du Code de la santé publique exclut d’ailleurs du domaine du droit des parents d’être informé de la situation médicale de leur enfant, les hypothèses dans lesquelles l’enfant aura demandé à bénéficier des dispositions de l’article L. 1111-5 et l’article R. 1111-6 du Code de la santé publique prévoit expressément que « La personne mineure qui souhaite garder le secret sur un traitement ou une intervention dont elle fait l'objet dans les conditions prévues à l'article L. 1111-5 peut s'opposer à ce que le médecin qui a pratiqué ce traitement ou cette intervention communique au titulaire de l'autorité parentale les informations qui ont été constituées à ce sujet. [...] Tout médecin saisi d'une demande présentée par le titulaire de l'autorité parentale pour l'accès aux informations mentionnées à l'alinéa ci-dessus doit s'efforcer d'obtenir le consentement de la personne mineure à la communication de ces informations au titulaire de l'autorité parentale. Si en dépit de ces efforts le mineur maintient son opposition, la demande précitée ne peut être satisfaite tant que l'opposition est maintenue. » Dans le même sens, l’article L1111-7 réserve l’hypothèse l'opposition prévue à l'article L. 1111-5, lorsqu’il affirme que le droit d'accès au dossier médical du mineur est exercé par le ou les titulaires de l'autorité parentale. Ainsi, « Révéler à des parents que leur enfant mineur est venu consulter seul, ou les informer d'un diagnostic, voire d'un traitement, pourrait constituer le délit de violation du secret professionnel. » Lorsque la législation confère au mineur une autonomie en droit médical, comme en droit belge, le médecin est tenu au secret professionnel à l’égard des parents du mineur. Le droit de décider en matière médicale emporte également le droit pour le mineur d’accéder à son dossier médical.Obligation d’informer les parents ◊ Pour tous les autres actes, le mineur ne peut avoir la garantie que le médecin ne révélera pas d’informations sur sa santé à ses parents. Il semble

20 Le médecin qui fournit une attestation relative à la santé de l’enfant dans le cadre d’une procédure de divorce viole le secret professionnel : Paris 19 janv. 1996, Juris-Data no 020075.21 Art. L. 1111-7 al 5 CSP.

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ainsi que le médecin qui procéderait à cette révélation ne pourrait pas faire l’objet de poursuites de la part du mineur. On peut, à l’inverse, s’interroger sur la responsabilité civile du médecin qui refuserait de révéler des informations aux parents à leur demande pourrait encourir, particulièrement si le défaut d’information des parents s’avère par la suite préjudiciable. On peut notamment penser à la consommation de drogue par le mineur ou à une dépression nerveuse. Il semble que le médecin pourrait invoquer son obligation au secret professionnel, sans que l’on puisse affirmer que celle-ci l’emporterait sur les droits découlant de l’autorité parentale. Il serait sans doute préférable, pour le mineur mais également pour le médecin, de préciser les droits du mineur en matière de secret médical et de fixer une sorte de pré-majorité médicale permettant au grand adolescent de décider lui-même de révéler ou non à ses parents toutes les informations relatives à son état de santé. En attendant de telles précisions, une application large de l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique pourrait constituer une protection efficace pour les médecins qui, à juste titre, estime que la révélation aux parents d’informations sur la santé du mineur doit être subordonnée à l’acceptation de ce dernier.

C. Le droit du mineur de disposer de son corps après son décèsSi l’article L. 1232-2 du Code de la santé publique subordonne le prélèvement d’organe sur un mineur décédé au consentement des deux titulaires de l’autorité parentale, l’article R. 1232-6 du même code permet à toute personne mineur âgée de plus de treize ans de s’inscrire sur le registre afin de faire connaître qu’elle refuse qu’un prélèvement soit opéré sur son corps après son décès, soit à des fins thérapeutiques soit pour rechercher les causes du décès22 soit à d’autres fins scientifiques, soit dans plusieurs de ces trois cas Les parents ne pourront pas passer outre le refus du mineur La législation allemande contient la même possibilité de s’opposer à un prélèvement à partir de l’âge de 16 ans ; elle permet également, contrairement à la loi française muette sur ce point, qu’à partir de 16 ans, le mineur peut consentir à un tel prélèvement.

§ 2. Le caractère personnel de l’acteLe mineur se voit reconnaître une certaine autonomie dans des domaines dans lesquelles la représentation est impossible parce que l’acte envisagé implique un engagement personnel. Comme l’affirme un auteur, « En fait, l’évolution des mœurs ne permet plus que l’administrateur légal puisse engager un mineur de seize à dix-huit ans en l’absence de toute manifestation de volonté de sa part »Refuser au grand mineur d’agir lui-même reviendrait à lui imposer une incapacité de jouissance. Certaines circonstances permettent au mineur d’acquérir plus rapidement une maturité qui justifie qu’on lui reconnaisse la possibilité d’agir lui-même et de prendre les engagements qu’il estime être conforme à son intérêt. Cette reconnaissance s’avère d’ailleurs indispensable lorsque la représentation est impossible. Il en va ainsi lorsque le mineur est confronté au monde du travail (A) ou lorsqu’il devient parent lui-même (B). Dans le même esprit, le législateur a reconnu au mineur étranger de seize ans la capacité d’agir lui-même en matière de nationalité (C) et de connaissances de ses origines (D). Une capacité identique de s’engager lui-même, avec l’autorisation de ses parents est reconnue au mineur dans le cadre du mariage, dans lequel il ne saurait s’engager par le biais de la représentation. Toutefois, la fixation de la majorité matrimoniale à dix-huit ans pour les garçons comme pour les filles par la loi du 4 avril 2006 a fait disparaître l’intérêt de cette capacité matrimoniale qui ne devrait plus être mise en œuvre que dans de très rares hypothèses.

22 Le refus prévu à l'alinéa précédent ne peut faire obstacle aux expertises, constatations et examens techniques ou scientifiques éventuellement diligentés dans le cadre d'une enquête judiciaire ou d'une mesure d'instruction.

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A. Le mineur salariéLa protection de l’enfant contre l’exploitation économique ◊ Le travail des enfants a été pendant longtemps envisagé plutôt comme une atteinte aux droits de l’enfant que comme un droit du mineur parce qu’il est difficilement compatible avec le droit de l’enfant à l’éducation et qu’il constitue un risque pour son développement physique et intellectuel. Les premières lois relatives aux droits de l’enfant23 avaient d’ailleurs pour objectif de limiter le travail des enfants. Le travail des enfants fait d’ailleurs toujours l’objet de nombreux textes internes et internationaux. L’article 32 de la Convention internationale des droits de l’enfant dispose ainsi que « Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. » Parmi les mesures que les États doivent prendre pour assurer le respect de ce texte figure la fixation d’un âge minimum d'admission à l'emploi ainsi que la mise en place d’une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d'emploi. La prohibition du travail des enfants soumis à l’obligation scolaire est également contenue dans l’article 10 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dans la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail24 mais également dans l’article 7 de la Charte sociale européenne et de l’article 32 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La Charte sociale européenne et la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs du 15 mars 1989 renforcent la protection des enfants en interdisant le travail des enfants de moins de quinze ans. Lorsqu’ils sont en âge de travailler, les enfants doivent bénéficier d’une protection particulière. Leurs conditions de travail doivent les protéger contre l’exploitation économique et contre les risques que le travail peut engendre pour leur développement ; une convention spécifique de l’Organisation Internationale du Travail prohibe les « pires formes de travail des enfants » (Convention no 182 adoptée en 1999). Les conditions de travail doivent ainsi être adaptées à leur âge (notamment art. 32 de la CIDE). L’article 7 de la Charte sociale européenne reconnaît en outre aux jeunes travailleurs et apprentis le droit à une rémunération équitable ou à une allocation appropriée et à bénéficier d’au moins quatre semaines de congés payés.Conformément à ces exigences internationales, l’article L. 4153-1 du Code du travail pose le principe de l’interdiction du travail des mineurs de moins de seize ans, soumis à l’obligation scolaire, cette prohibition étant assortie d’une sanction pénale (v. ss 1808). Toutefois, le Comité européen des droits sociaux a conclu en 2011 que la situation de la France n'est pas conforme à l'article 7§2 de la Charte au motif que la législation ne prévoit pas une interdiction absolue du travail avant 18 ans pour des activités dangereuses en dehors du cadre de la formation professionnelle ou si une telle formation n’a pas eu lieu au préalable25. En réponse à cette critique, un décret n° 2013-915 du 11 octobre 201326 relatif aux travaux interdits et réglementés pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans, actualise la liste des travaux interdits ou réglementés pour les jeunes travailleurs et les jeunes en formation professionnelle âgés d’au moins quinze ans et de moins de dix-huit ans. Un autre décret du n° 2013-914 du 11 octobre 2013 modifie la procédure de dérogation aux travaux interdits pour les jeunes en formation professionnelle. La procédure actuelle étant jugée peu efficace en raison de sa complexité et de sa lourdeur tant pour les services de l’inspection du travail que les établissements d’accueil, le décret substitue à une dérogation annuelle pour chaque jeune en

23 V. ss 30.24 De nombreuses Conventions de l’OIT concernent, depuis longtemps le travail des enfants : il en va ainsi des conventions no 5 et 6 de 1919, no 7 de 1920, no 11 et 15 de 1921, no 33 de 1932 etc.25 Conclusions 2011 – France – art. 7-2.26 JORF n°0239, 13 oct. 2013.

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formation, accordée a priori par l’inspecteur du travail, une procédure selon laquelle l’employeur ou le chef d’établissement peut être autorisé par décision de l’inspecteur du travail à affecter des jeunes à des travaux interdits, pour une durée de trois ans.Le droit du mineur de travailler ◊ Le mineur ne se voit toutefois pas fermer totalement les portes du monde du travail. Le mineur de plus de seize ans qui le souhaite peut en effet entrer dans le monde professionnel (v. ss 1257). En outre, la prohibition du travail des enfants de moins de seize ans souffre un certain nombre d’exceptions permettant de favoriser l’insertion professionnelle future du mineur. Elle n’interdit pas les travaux légers qui ne portent pas atteinte à l’obligation scolaire, notamment parce qu’ils sont effectués en dehors du temps scolaire, et ne nuisent pas à l’éducation de l’enfant dès lors qu’il est âgé de quatorze ans 27. Le décret n° 2013-915 du 11 octobre 2013 définit les travaux légers pour les jeunes âgés de quatorze ans à seize ans, qu’ils peuvent être amenés à effectuer durant les vacances scolaires28. Les mineurs entre treize et quinze ans peuvent également prendre part aux activités à bord des bateaux de pêche côtière pendant leurs vacances29. Par ailleurs, la prohibition du travail des enfants n’empêche pas l’emploi d’enfants de moins de seize ans dans les entreprises de spectacles ou de mannequinat ou dans les entreprises familiales30. L’apprentissage permet également au mineur d’acquérir une formation professionnelle pratique.Contrat de travail du mineur de plus de seize ans ◊ Alors que l’article L. 1221-1 du Code du travail soumet le contrat de travail aux règles de droit commun et donc à l’exigence de capacité contractuelle, le mineur de plus de seize ans se voit reconnaître par la doctrine et la jurisprudence une sorte de « pré-majorité professionnelle ». Le régime du contrat de travail souscrit par un mineur, défini par la jurisprudence en l'absence de dispositions légales particulières, exclut le système de représentation, en raison de l’engagement personnel qu’il implique de la part du mineur. On ne peut en effet plus admettre que des parents engagent un mineur dans une relation de travail contre son gré. Seul le consentement personnel du mineur permet de le soumettre au rapport de subordination qu’implique un contrat de travail. Toutefois, en raison des obligations que le contrat de travail met à la charge du mineur, il est nécessaire qu’il soit conseillé et accompagné par ses parents dans le cadre de son contrat de travail. On substitue ainsi l'assistance à la représentation habituelle du mineur, compte tenu de la nature particulière du contrat. C’est pourquoi le mineur s'engage lui-même avec l'autorisation de ses représentants légaux. C’est ce que décide la Cour de cassation depuis un arrêt du 10 février 1926. Cette autorisation peut être expresse ou tacite et résulter des circonstances de la cause. Son absence ouvre la voie de la nullité relative du contrat en faveur du mineur ou de son représentant, la poursuite de l’exécution du contrat par le mineur devenu majeur permettant sa confirmation. Un arrêt du 4 octobre 1966 a toutefois accepté la demande en rescision pour lésion du contrat de travail souscrit sans autorisation de sa représentante légale par Johnny Hallyday. La Cour de cassation a précisé que l’autorisation du représentant légal de l’enfant ne fait pas de celui-ci une partie au contrat La « semi-capacité » du mineur de s’engager par un contrat de travail est fondée sur l’article 389-3 du Code civil qui exclut la représentation lorsque la loi ou l’usage autorise le mineur à agir seul. Dans le silence de la loi c’est l’usage qui fonderait la capacité autorisée du mineur de souscrire un contrat de travail Cette analyse reviendrait, si l’on en croit certains auteurs, à qualifier le contrat de travail d’acte de la vie courante, ce qui paraît contestable au regard des obligations que fait naître un

27 Art. L. 4153-3 C. trav.28 Art. D. 4153-2 C. trav. : « L'emploi du mineur est autorisé uniquement pendant les périodes de vacances scolaires comportant au moins quatorze jours ouvrables ou non et à la condition que les intéressés jouissent d'un repos continu d'une durée qui ne peut être inférieure à la moitié de la durée totale desdites vacances »29 Art. 115 C. maritime.30 Art. L. 4153-5 C. trav.

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tel acte pour le salarié, notamment parce qu’il implique pour l’adolescent de renoncer à poursuivre ses étudesEn outre, certains considèrent que « Si la signature de ces contrats avait été analysée comme relevant de l’acte que l’usage autorise, le mineur aurait pu valablement s’engager en dépit de l’opposition de ses parents. »Il est cependant possible d’interpréter la référence de l’article 389-3 comme renvoyant notamment aux usages professionnels, parmi lesquels celui qui accorde au mineur de seize ans la capacité de souscrire lui-même un contrat de travail. Le régime du contrat de travail peut aussi être déduit, par analogie, du régime du contrat d’apprentissage, qui constitue un contrat de travail particulier, dont l’article R. 6222-2 du Code du travail exige qu’il soit signé par l’employeur, l’apprenti et le représentant légal de celui-ci. Toutefois « une intervention législative serait souhaitable pour décider qu’en matière de contrat de travail, le mineur ayant atteint l’âge de seize ans se trouve soustrait aux règles ordinaires de la capacité contractuelle ». Il en va d’ailleurs de même de la capacité du mineur de percevoir son salaire qui relève a priori des règles de droit commun de l’administration légale alors qu’en pratique les employeurs versent leur salaire aux mineurs eux-mêmes.On peut s’interroger sur la possibilité pour le mineur de rompre son contrat de travail. Le parallélisme des formes conduirait à exiger que cette rupture soit autorisée par ses parents. On ne peut toutefois admettre qu’un refus parental empêche le mineur de cesser son activité professionnelle, ce qui reviendrait à lui imposer la poursuite de celle-ci. Dans un jugement du 7 juin 2011, le Conseil des prud’hommes a annulé l’accord passé entre un employeur et un salarié mineur ayant pour objet de mettre fin au contrat de professionnalisation de ce dernier en renonçant à tout recours judiciaire. Saisi par le mineur, le Conseil des prud’hommes de Lyon a annulé l’accord pour défaut de capacité du salarié et a condamné l’employeur pour licenciement injustifié. Il semble donc que le contrat de travail ne peut être rompu par un accord que si celui-ci est signé par les parents du mineur. Il reste la question du licenciement et de la démission. Pour le premier on voit mal comment il pourrait être exclu. Pour la seconde, il s’agit d’un acte juridique qu’a priori le mineur ne peut faire seul, sauf à considérer que l’autorisation parentale lors de la formation du contrat lui confère la capacité d’accomplir ensuite tous les actes relatifs à ce contrat, y compris sa rupture. A tout la moins il serait opportun que les parents, signataires du contrat de travail au départ, soit avertis de la démission du mineur.Travail du mineur de moins de seize ans ◊ Si le mineur de moins de seize ans ne peut souscrire un contrat de travail, qui serait nul de nullité absolue pour contrariété à l’ordre public, le travail qu’il accomplit, illégalement, doit donner lieu à une rémunération. L’employeur ne saurait en effet invoquer à son profit la législation prohibant le travail des mineurs de moins de seize ans pour ne pas le payer ou pour ne pas lui appliquer la législation relative aux accidents de travailProtection des jeunes travailleurs ◊ Compte tenu de leur plus grande fragilité, notamment physique, les jeunes travailleurs font l’objet d’une protection spécifique. La directive communautaire 94/22 du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail met en place une protection complète à laquelle le droit français est tout à fait conforme. Un certain nombre d’emplois sont interdits aux mineurs même âgés de plus de seize ans. L’article L. 3163-2 du Code du travail interdit par ailleurs le travail de nuit pour les jeunes travailleurs âgés de moins de dix-huit ans sauf dérogation exceptionnelle de l'inspecteur du travail pour les établissements commerciaux et ceux du spectacle qui ne peut permettre l'emploi des jeunes travailleurs entre minuit et 4 heures. La partie réglementaire du Code du travail contient en outre des dispositions interdisant certains travaux aux jeunes travailleurs en raison de leur pénibilité ou de leur caractère dangereux31. La durée du travail des mineurs ne peut

31 Art. D. 4153-15 s. C. trav. : qui définissent les travaux interdits aux jeunes âgés d'au moins quinze ans et de moins de dix-huit ans en application de l'article L. 4153-8 ainsi que les travaux interdits susceptibles de

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excéder trente-cinq heures par semaine ni huit heures par jour32 et il est interdit de les faire travailler les jours fériés, sauf dérogation exceptionnelle de l’inspecteur du travail33. Les périodes de repos journalier, hebdomadaire et annuel sont également augmentées par rapport à celles accordées aux majeurs34. Le fait pour un employeur de ne pas respecter cette interdiction peut, outre des sanctions pénales, engager sa responsabilité civile à l’égard du jeune travailleur Les inspecteurs du travail peuvent à tout moment demander qu’il soit procédé à un examen des mineurs de plus de seize ans travaillant dans l’entreprise afin de vérifier la compatibilité des tâches qui leur sont confiées avec leurs aptitudes physiques. Pour compenser les obligations particulières que l’embauche de jeunes travailleurs implique pour l’employeur, le salaire que ce dernier est tenu de leur verser est moins important que celui qu’il doit verser aux travailleurs majeurs. L’article D. 3231-3 du Code du travail prévoit ainsi un abattement de 20 % sur le SMIC si le salarié à moins de dix-sept ans et de 10 % s’il a entre dix-sept et dix-huit ans. L’abattement est cependant supprimé pour les jeunes travailleurs justifiant de six mois de pratique professionnelle dans la branche d’activité dont ils relèvent.Droits du mineur salarié ◊ Par son contrat de travail, le mineur acquiert les mêmes droits que les autres salariés. Il peut notamment adhérer à un syndicat35 et participer aux élections professionnelles36. En cas d’accident du travail, l’article R. 433-16 du Code de la sécurité sociale autorise, depuis un décret du 31 décembre 1946, le paiement direct entre les mains du mineur de l’indemnité journalière. Il se voit en outre reconnaître la capacité d’agir devant le Conseil de prud’hommesCapacité procédurale ◊ Alors que le Code du travail est muet sur la question de la capacité du mineur de souscrire lui-même un contrat de travail, il lui accorde expressément la capacité d’agir devant le Conseil de prud’hommes. L'article L. 1453-1 du Code du travail dispose en effet que « les mineurs qui ne peuvent être assistés de leur père, mère ou tuteur peuvent être autorisés par le conseil à se concilier, demander ou défendre devant lui ». Dans le même sens, l'article R. 321-23 du Code de l’organisation judiciaire dispose que « le tribunal d'instance peut autoriser le mineur à ester en justice devant lui pour faire valoir les droits découlant de l'apprentissage ou de l'exercice d'une profession »L’article L. 1453-1 du Code du travail distingue donc deux hypothèses : ou bien, les père, mère ou tuteur du mineur assistent celui-ci dans son action et le mineur agit personnellement mais assisté par son représentant légal, ou bien aucun des représentants légaux du mineur n'est présent à ses côtés, et il est alors tenu d'obtenir l'autorisation du Conseil de prud'hommes avant d'agir seul. Le salarié de moins de dix-huit ans doit donc obtenir l'autorisation de ses père et mère ou tuteur, ou bien celle de la juridiction avant d’engager une action relative à l’exécution de son contrat de travail. L'assistance de son représentant légal visée par le texte implique en effet l'adhésion des parents à l'action du mineur et permet de s’assurer que celui-ci bénéficie des conseils d’un adulte dans sa démarche judiciaire. Cette assistance paraît particulièrement importante pour ce qui est de la conciliation, à laquelle au regard des textes, le mineur peut participer lui-même. Le Code du travail soustrait l'action prud'homale du mineur à la représentation légale mais le soumet à l'assistance des père, mère ou tuteur. Il ne s'agit alors en aucun cas d'une représentation, le mineur étant partie à la procédure en son nom personnel. On peut toutefois se demander si la représentation du mineur dans le cadre d'un contentieux prud'homal est totalement exclue. En effet, l'article R. 1453-1 du Code du travail qui impose la comparution personnelle prévoit une exception pour des motifs légitimes. La fragilité ou l'absence de

dérogation en application de l'article L. 4153-932 Art. L3162-1 C trav.33 Art. L. 3164-6 C. trav.34 Art. L. 3162-3 ; L. 3164-2 et L. 3164-9 C. trav.35 Art. L. 2141-1. C. trav.36 Art. L. 2314-15 C. trav.

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maturité du jeune travailleur pourrait constituer l'un de ces motifs et permettre à ses représentants légaux d'agir en son nom. Toute la difficulté résiderait alors dans l'appréciation de ces motifs légitimes, qui appartiendrait à la juridiction prud'homale. La possibilité de substituer l'autorisation du Conseil de prud'hommes à celle des père, mère ou tuteur, évite qu'un refus discrétionnaire puisse empêcher le mineur d'agir. L'impossibilité invoquée par le mineur pour justifier le défaut d'assistance peut être de fait ou de droit. Elle doit être présentée à la juridiction par voie écrite ou orale, celle-ci décide alors de l'opportunité de laisser le mineur agir seul.Association ◊ Dans un but pédagogique, mais également pour permettre aux adolescents de s’investir dans des causes humanitaires, la loi no 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif37, permet au mineur de conclure un contrat de volontariat avec une association ou une fondation reconnue d’utilité publique. Cette capacité est toutefois soumise au régime de l’assistance puisque le contrat de volontariat doit être autorisé par le représentant légal du mineur.En outre l’article 2 bis de la loi du 1er juillet 1901 a été modifié par la loi n° 2011-892 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels. Cette disposition permet aux mineurs de 16 ans révolus de constituer une association et, sous réserve d’un accord écrit de son représentant légal, d’accomplir tous les actes utiles à son administration.

2. Le contrat d’apprentissageL’apprentissage, qui concourt selon les termes du Code du travail, « aux objectifs éducatifs de la nation », constitue une « forme d’éducation alternée ». L’apprenti alterne en effet des périodes de travail en entreprise et des périodes de scolarisation dans un centre de formation. L’article L. 6222-1 du Code du travail permet aux mineurs âgés d’au moins seize ans de souscrire un contrat d’apprentissage, sous réserve du droit de l’inspecteur du travail de suspendre ce contrat « en cas de risque sérieux d’atteinte à la santé ou à l’intégrité physique ou morale de l’apprenti ». Le contrat d’apprentissage est également accessible au mineur de quinze ans qui justifie avoir effectué la scolarité du premier cycle de l’enseignement secondaire. Le contrat d’apprentissage est un contrat à durée déterminée, en principe conclu pour une durée de deux ans, dont les articles L. 6222-4 et R. 6222-2 exigent qu’il fasse l’objet d’un écrit signé par l’employeur, l’apprenti ainsi que le représentant légal de celui-ci La jurisprudence analyse cette exigence d’écrit comme une condition de validité du contrat d’apprentissage. En l’absence d’écrit, elle requalifie le contrat en contrat de travail et en déduit toutes les conséquences relatives à la rémunération, plus favorable au jeune travailleur, ou aux cotisations, plus importantes dues par l’employeur Elle considère en outre que si le mineur continue à travailler dans la même entreprise après l’expiration du contrat d’apprentissage, il doit être rémunéré à compter de cette date comme un salarié et non plus comme un apprentiLe contrat d’apprentissage doit être enregistré à la chambre de commerce et d’industrie, à la chambre des métiers et de l’apprentissage ou à la chambre d’agriculture selon l’activité de l’entreprise, qui en contrôlera la régularité avant de le transmettre à l’administration compétente38, laquelle peut émettre un refus d’enregistrement39. Ainsi la Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle a pu légitimement refuser cet enregistrement en se fondant sur l'article L. 6223-1 du Code du travail qui prévoit notamment que « pour engager des apprentis l'employeur doit garantir que l'équipement de

37 JO 25 mai.38 Art. R. 6224-1 C. du trav.39 Décret n° 2011-1924 du 21 déc. 2011 relatif à l'enregistrement des contrats d'apprentissage, JORF n°0297 du 23 déc. 2011, p. 22012.

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l'entreprise, les techniques utilisées, les conditions de travail, l'hygiène et la sécurité, les compétences professionnelles et pédagogiques ainsi que la moralité des personnes qui sont responsables de la formation sont de nature à permettre une formation satisfaisante » en constatant, au sujet d'autres apprentis, des faits récents tels que l'absence de rémunération, le non-respect des congés et le refus de prendre en compte les heures de cours au Centre de formation d'apprentis comme temps d'exécution du contrat, ce dont il résultait que l'employeur ne présentait pas les garanties suffisantes pour assurer la formation satisfaisante d'un nouvel apprenti40. Dans un arrêt du 12 février 201341, la Cour de cassation a approuvé la requalification d’un contrat d’apprentissage en contrat à durée déterminée au motif que l’employeur n'avait pas satisfait à son obligation de formation et avait détourné le contrat d'apprentissage de son objet.Exécution du contrat ◊ Le salaire des apprentis mineurs représente entre 25 et 53 % du SMIC selon les années42. Des arrêts anciens43 ont admis la validité de clause de non-concurrence dans le contrat d’apprentissage ; il n’est toutefois pas certain que la Cour de cassation adopterait la même solution aujourd’hui44.Pendant l’exécution du contrat, le mineur fait l’objet d’une surveillance particulière. Ainsi, l’article L. 6221-1 du Code du travail impose à l’employeur de prévenir les parents en cas de maladie ou d’absence de l’apprenti ou de tout autre fait de nature à motiver leur intervention.Si l’apprenti obtient son diplôme avant le terme du contrat d’apprentissage, il peut mettre fin à ce dernier de manière anticipée45. Des dispositions particulières permettent la modification de la durée du contrat d’apprentissage préparant au baccalauréat professionnel en vertu du décret n° 2012-419 du 23 mars 2012.En cas d’échec de l’apprenti à l’examen de fin d’études, le contrat d’apprentissage peut être prolongé46.Au regard des graves conséquences que la résiliation avant son terme du contrat d’apprentissage47 implique sur la formation de l’apprenti, celle-ci est soumise à des conditions particulières. La loi du 13 juillet 2005 a instauré des médiateurs d’apprentissage désigné par les tribunaux de commerce48. La résiliation du contrat d’apprentissage exécuté depuis plus de deux mois49 nécessite, en vertu de l’article L. 6222-18 du Code du travail, un accord exprès et bilatéral des cosignataires ou bienà défaut, il doit être prononcée par le conseil de prud'hommes, en cas de faute grave et de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer. La Cour de cassation considère que cette disposition interdit à l’employeur de résilier unilatéralement le contrat d’apprentissage, quel que soit le bien fondé des motifs sur lesquels il se fonde, et précise alors qu'il a la possibilité, si la gravité des fautes commises par l'apprenti le justifie, de prononcer sa mise à pied dans l'attente de la décision judiciaire à

40 Soc. 1er juin 1999, no 97-40914.41 Pourvoi no 11-27525, RJS 2013, p. 256.42 Art. D. 6222-26 C. trav.43 Soc. 21 oct. 1960, Bull. no 912. Soc. 19 oct. 1966, Bull. no 790.44 G. Pignarre, art. préc.45 Art. L. 6222-19 C. trav.46 Art. L. 6222-11 C. trav.47 Selon G. Pignarre, art. préc., 20 à 30 % des contrats d’apprentissage sont rompus avant terme.48 Art. L. 6222-39 C. trav.49 La résiliation peut intervenir librement à l’initiative de l’une ou l’autre des pareties dnas les deux premiers mois que le contrat ait été enregistré ou pas à cette date (Soc. 30 sept. 2009, n°08-40.362, JCP 2009, p. 1530 obs. L. Drai).

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intervenir50. En 199951, la Cour de cassation a même affirmé que la résiliation unilatérale extra-judiciaire du contrat d’apprentissage par l’employeur n’a aucun effet ; l’apprenti devrait donc continuer à percevoir sa rémunération jusqu’à la fin du contrat sauf mise à pied. De même, la Cour de cassation a-t-elle considéré que la démission de l'apprenti intervenue après les deux premiers mois d'apprentissage ne met pas fin au contrat d’apprentissage52. Si l’accord de l’apprenti mineur n’a pas été constaté par un écrit signé de lui et de son représentant légal, il est requalifié en licenciement53. Selon la circulaire du 17 mars 200954, la rupture conventionnelle est exclue.Apprenti junior ◊ La loi nº 2006-396 du 31 mars 2006 a introduit dans le Code de l’éducation un article L. 337-3 selon lequel « Les élèves ayant atteint l'âge de quatorze ans peuvent être admis, sur leur demande et celle de leurs représentants légaux, à suivre une formation alternée, dénommée “formation d'apprenti junior”, visant à l'obtention, par la voie de l'apprentissage, d'une qualification professionnelle ». Une fois l'admission à la formation acquise, l'équipe pédagogique élabore, en association avec l'élève et ses représentants légaux, un projet pédagogique personnalisé. Un tuteur, désigné au sein de l'équipe pédagogique, est chargé de son suivi. Les élèves suivant une formation d'apprenti junior peuvent, à tout moment, après avis de l'équipe pédagogique et avec l'accord de leurs représentants légaux et jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire mettre fin à cette formation et reprendre leur scolarité dans un collège. Le parcours d'initiation aux métiers comporte des enseignements généraux, des enseignements technologiques et pratiques et des stages en milieu professionnel. Cette formation relève davantage d’une scolarité aménagée que d’un véritable contrat d’apprentissage. Il peut cependant constituer un préalable à ce dernier. L'élève stagiaire en parcours d'initiation aux métiers, avec l'accord de son représentant légal, peut en effet signer un contrat d'apprentissage à partir de l'âge de quinze ans sous réserve d’être jugé apte à acquérir un socle de connaissances exigées par le Code de l’éducation.

B. Le mineur parentExercice des droits parentaux ◊ L'âge de procréer venant avant celui de la majorité, le mineur peut devenir parent alors qu'il est juridiquement incapable. En France, le taux de grossesse chez les mineures (entre dix et dix-huit ans) est de 24 pour 1 000, un tiers de ces grossesses étant menées à terme55. La question de l’exercice par le mineur de ses droits parentaux ne suscite de difficulté que dans le cas d’une filiation hors mariage. Lorsque l’enfant naît dans le cadre d’un couple marié, le mineur se voit reconnaître la même capacité qu’un majeur, le mariage ayant provoqué son émancipation. La filiation adoptive est exclue puisque le mineur ne remplit pas la condition d'âge imposée aux adoptants par la loi56. Même si aucun texte ne l’affirme expressément, le mineur parent est titulaire des droits parentaux à l’égard de son enfant et se voit reconnaître la capacité de les exercer lui-même sans qu’aucune représentation ne soit possible. Cette capacité repose sur une jurisprudence ancienne selon laquelle le mineur a seul qualité pour agir dans le cadre d’une action relative à la filiation de son enfant. Il est en outre évident, pour tous les auteurs, que la représentation du mineur est exclue pour l’exercice

50 Soc. 17 mars 1993, no 89-43512 ; Soc. 22 avr. 1997, D. 1998. Jur. 91, obs. J.-P. Karaquilo.51 Soc. 4 mai 1999, Dr. soc. 1999, p. 1096, obs. C. Roy-Loustaunau ; D. 2000. Somm. 83, obs. M.-C. Escande-Varniol. Dans le même sens Soc. 6 févr. 2001, Dr. soc. 2001, p. 437 obs. C. Roy-Loustaunau ; Soc. 26 mars 2002, Dr. soc. 2002, p. 768, obs. C. Roy-Loustaunau.52 Soc. 28 sept. 2008, n°07-41.748, RDT 2008, p. 735, obs. Ch. Vigneau.53 Soc. 1er févr. 2005, Dr. soc. 2005, p. 682.54 Cir. DGT n°2009-04, 17 mars 2009, relative à la rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée.55 M. Uzan, « La grossesse et l’accouchement des adolescentes », 2004, GYNEweb, http://www.gyneweb.fr/Sources/obstetrique/gr-ado.htm56 Art. 343, al. 1er C. civ.

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des droits parentaux de ce dernier. L’article 458 du Code civil, issu de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs57, classe d’ailleurs la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance et les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, ainsi que le choix de son nom, et le consentement donné à son adoption parmi les actes strictement personnels, ne pouvant donner lieu à assistance ou à représentation. Même s’il n’est applicable qu’aux personnes majeures, ce texte permet de renforcer la règle selon laquelle les représentants légaux ne sauraient exercer en son nom les droits parentaux d’un mineur.Établissement de la filiation ◊ Le mineur se voit reconnaître la capacité d'établir la filiation de son enfant à son égard par une jurisprudence ancienne58 sans que ses propres parents puissent intervenir puisque le mineur ne peut être représenté et qu'aucune autre volonté que la sienne n'a à s'exprimer. En effet, la reconnaissance implique un aveu, une admission de sa qualité de parent qui en fait un acte éminemment personnel et doit relever de la volonté du parent lui-même dès lors qu’il a conscience de la portée de son acte La capacité du mineur de reconnaître son enfant est à la fois fondée sur le caractère personnel de l’acte et son caractère déclaratif Toutefois, la jurisprudence a parfois déduit du jeune âge du mineur auteur de la reconnaissance, le caractère mensonger de celle-ci. Un certain nombre de décisions approuvées par la Cour de cassation, ont cependant affirmé que le jeune âge ne constitue pas à lui seul un obstacle à la reconnaissance.La capacité du mineur d’établir la filiation de son enfant à l’égard de son autre parent est expressément reconnue par l’article 328 du Code civil. Cette capacité a été analysée par la Cour de cassation comme une capacité personnelle de la mère de l’enfant, agissant en son nom propre et non en tant qu’administratrice légale de ce dernier, ce qui la dispense de solliciter l’autorisation du juge des tutelles pour agir Ce texte confirme, s’il en était besoin, la capacité reconnue au mineur parent de prendre les décisions et effectuer les actes relatifs à son enfant. La capacité de la mineure est donc bien fondée sur le statut même de parent, indépendamment de l'autorité parentale. De la même façon, la mineure peut intenter une action aux fins de subsides au bénéfice de son enfant.Contestation de filiation ◊ La jurisprudence a légitimement déduit de cette « capacité active » de la mère mineure, une capacité passive du mineur défendeur dans les actions relatives à sa paternité. Il ne serait en effet pas cohérent que la mère agisse personnellement contre le représentant légal du père de son enfant. La Cour de cassation a ainsi considéré que « l’action en déclaration de paternité implique de la part du père prétendu trop d’appréciations personnelles d’ordre intime et moral pour qu’il soit tenu à l’écart de la procédure. […] Il doit être personnellement partie à l’instance en présence de son représentant légal ». Cette exigence d’assistance du représentant légal du mineur, que la loi n’impose pas lorsque ce dernier est demandeur à l’action, paraît toutefois surprenante. Il serait sans doute plus cohérent d’admettre que la paternité ou la maternité confère au mineur la capacité d’agir seul en demande ou en défense dans toutes les actions relatives à la filiation de son enfantExclusion de la représentation ◊ La capacité octroyée aux mineurs parents pour agir relativement à la filiation de leur enfant exclut la représentation. Les actions des représentants légaux du jeune parent sont déclarées irrecevables dans le cadre d'une action en recherche de paternité59 comme dans celui d'une action à fins de subsides60. Toutefois, dans l'un et l'autre

57 JORF, 7 mars 2007 p. 4325.58 Civ. 22 juin 1813, S. 1813, I, 281, concl. Joubert ; Req. 4 nov. 1835, S. 1835. I. 785 ; Colmar, 14 févr. 1950, D. 1950 somm. 58.59 Civ. 1re, 8 janv. 1957, préc.60 Ibidem.

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cas, la procédure peut être régularisée en cours d'instance par substitution de la mère ou du père mineur à son représentant légal61.Accouchement dans le secret ◊ La jeune mère peut également solliciter de mettre au monde son enfant dans le cadre d’un 'accouchement secret sans le consentement de quiconque. La Cour de cassation, dans un arrêt du 5 novembre 1996, a en effet, cassé un arrêt de la cour d'appel d'Agen déclarant nul le procès-verbal de remise au service de l'aide sociale d'un enfant né d'une mineure ayant accouché sous X et qui avait consenti seule à la remise de son enfant. Cette décision ne reconnaît toutefois la capacité de la mineure d’abandonner son enfant que de manière indirecte ; elle est en effet fondée sur le caractère secret de l’identité et donc de l’âge de la mère La solution n’est pas exempte de critiques puisqu’elle laisse une mineure, seule, dans une situation particulièrement difficile prendre une décision sur laquelle elle ne pourra revenir que pendant deux mois.Exercice de l’autorité parentale ◊ L'article 371-1 du Code civil qui affirme que l'autorité parentale appartient aux père et mère ne distingue pas selon que les parents sont mineurs ou majeurs. La Cour d’appel de Dijon a ainsi affirmé, dans une décision du 4 juillet 201262, tout à fait légitimement, que « l'article 371-1 du code civil n'impose pas de condition d'âge minimum pour qu'un père ou une mère exerce l'autorité parentale ; qu'en conséquence, un parent peut exercer l'autorité parentale sur son ou ses enfants, alors même que ce parent est encore mineur ».Les parents de l'enfant sont titulaires de l'autorité parentale à l'exclusion de tout autre ascendant ; les grands-parents n'ont donc pas d'autorité parentale à l'égard de leurs petits-enfants, même si la loi leur accorde parfois un rôle subsidiaire en l'absence des parents, et que l'article 378 alinéa 2 permet encore de les déchoir de leur « part d'autorité parentale ». L’exercice de l’autorité parentale sur la personne d’un enfant constitue à l’évidence un acte strictement personnel, qui ne saurait admettre la représentation, comme l’affirme d’ailleurs le nouvel article 458 du Code civil. Le jeune parent titulaire de l'autorité parentale prend donc toutes les décisions relatives à la personne de son enfant. Il reste que leur mise en œuvre est susceptible de se heurter à l’autorité parentale de ses propres parents1273 Administration légale ◊ Si les auteurs sont unanimes pour reconnaître au mineur la capacité d’exercer les droits sur la personne de son enfant, ils ont plutôt tendance à lui dénier la capacité d’exercer les droits sur les biens de ce dernier. L’argument avancé selon lequel le mineur ne saurait exercer des droits sur les biens de son enfant, alors qu’il ne peut exercer de droits sur ses propres biens, est cependant valable pour la personne de l’enfant. Il semble que, même mineur, le parent, dès lors qu’il exerce l’autorité parentale sur son enfant doit être administrateur légal des biens de ce dernier. Cette capacité peut notamment se fonder sur l’article 395 du Code civil selon lequel un mineur émancipé peut être tuteur de son enfant. Cette analyse est cependant critiquée : « de cet article, on pourrait déduire que le parent mineur pourrait avoir, pour l’administration des biens de son enfant, plus de pouvoir que pour les siens propres. Il y a là incohérence »Soumission à l’autorité parentale ◊ Alors que le mineur parent se voit reconnaître une capacité exceptionnelle au regard des circonstances, il reste soumis à l’exercice de l’autorité parentale de ses propres parents, et reste, pour l’ensemble de ses actes un incapable. Ce paradoxe permet de s’interroger sur la nécessité de reconnaître, par la voie de l’émancipation, au mineur parent une capacité générale lui permettant d’exercer ses droits parentaux sans être gêné par les droits que ses représentants légaux sont susceptibles d’exercer à son encontre. La paternité ou la maternité pourrait, à l’instar du mariage, entraîner l’émancipation automatique du mineur, sous les réserves que connaît l’émancipation légale.

61 Paris, 27 sept. 1974, cité par D. Huet-Weiller, op. cit., no 711.62 RG n°12/00315.

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C. Le mineur étrangerManifestation de volonté ◊ Le droit français offre au mineur de seize ans une capacité d'exercer personnellement ses droits à l'égard de la nationalité française lorsque celle-ci dépend d’une manifestation de volonté. L'âge de seize ans a été retenu pour la plupart des démarches relatives à la nationalité. À compter de cet âge, le mineur se voit reconnaître une pleine capacité lui permettant d'effectuer les démarches nécessaires à l'établissement de sa nationalité. Peut ainsi réclamer la nationalité française, selon l’article 21-11 alinéa 1 du Code civil, le mineur, à partir de seize ans, dès lors qu’il est né en France de parents étrangers et qu’il a résidé en France pendant au moins cinq ans depuis l’âge de onze ans. Ce faisant, le mineur anticipe l’acquisition automatique de la nationalité française dont il aurait bénéficié à sa majorité. Cette décision lui appartient personnellement, et n’exige pas l’accord de ses parents. Toutefois si la condition de résidence habituelle de l’enfant en France pendant cinq ans est satisfaite alors qu’il a atteint l’âge de treize ans – la condition de résidence devant alors être remplie à partir de l’âge de huit ans –, ses représentants légaux peuvent, à ce moment là, réclamer la nationalité française au nom de l’enfant, sous réserve du consentement de celui-ci. Cette disposition permet au mineur de ne pas attendre seize ans pour acquérir la nationalité française. Ce consentement n’est pas toutefois pas exigé si le mineur « est empêché d'exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles constatée selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 17-3 »63. Le droit de la nationalité cumule ainsi un système de capacité exceptionnelle du mineur et un système de représentation doublé d’une participation du mineur. Ces différents mécanismes permettent au mineur de réclamer la nationalité française dès qu’il satisfait la condition de résidence en France, sans attendre sa majorité. Il est toutefois important de noter que quel que soit le mécanisme mis en œuvre, il ne peut être passé outre à la volonté du mineur qui doit, sous une forme ou sous une autre, exprimer son désir de devenir français.Répudiation de la nationalité ◊ La capacité accordée au mineur d'acquérir la nationalité française trouve son pendant dans la faculté de répudiation de la nationalité française. Lorsqu’un seul de ses parents est français, l’enfant qui n’est pas né en France, a, en vertu de l’article 18-1 du Code civil, la faculté de répudier la qualité de français dans les six mois précédant sa majorité et dans les douze mois suivant64. Lorsque le mineur rattaché à la France par un seul de ses parents n’y vit pas, on peut en effet penser que « la présomption d’enracinement français qui fonde l’attribution de la nationalité jure sanguinis est considérablement affaiblie »65. Le mineur peut en outre renoncer à la faculté de répudier la nationalité française à partir de l’âge de seize ans66. Il peut en effet être lui être utile d’établir sa qualité de français à titre définitif. Cette renonciation ne saurait cependant résulter du fait pour le mineur de seize ans de se présenter seul aux opérations de recensement67. Le mineur de seize ans peut ainsi renoncer à acquérir la nationalité française, ou, à l’inverse, renoncer à cette répudiation sans l’accord, voire contre le gré de ses parents.Procédure ◊ L'article 26-3 du Code civil prévoit la faculté du ministre de l’intérieur ou du juge de refuser d'enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales. En outre, l'enregistrement de la manifestation de volonté peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans les deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué.

63 Art. 21-11 al. 2 tel qu’issu de la loi no 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.64 Cette faculté de répudiation semble peu utilisée en pratique : P. Lagarde, op. cit., no 77.65 M.-L. Noboyet et G. de Geouffre de la Pradelle, Droit international privé, LGDJ, 2007 no 806.66 Art. 20-2 C. civ.67 Civ. 1re, 16 juin 1992, D. 1993. 309, note Guiho.

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Dans cette hypothèse, l'autorité compétente rend une décision motivée que le déclarant peut contester devant le tribunal de grande instance pendant six mois68 L’article 26-3 alinéa 2 précise expressément que l’action en contestation de la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité peut être exercée personnellement par le mineur dès l'âge de seize ans. Cette capacité est la conséquence des prérogatives accordées au mineur de plus de seize ans relativement à sa nationalité. Dans la mesure où il doit lui-même accomplir les démarches pour acquérir la nationalité française, il paraît logique qu'il puisse contester une décision lui opposant un refus. Il est néanmoins remarquable que cette capacité du mineur ne s’accompagne pas d’une exigence d’assistance par ses parents. Il s’agit pour le mineur de décider seul de sa nationalité et d’entreprendre lui-même les démarches y afférant. L'action devant le tribunal de grande instance est enfermée dans un délai de six mois qui oblige le mineur à agir rapidement sans attendre sa majorité. Il est donc considéré comme suffisamment responsable pour défendre lui-même ses intérêts et ne pas laisser passer la possibilité de contester la décision. En effet, aucun autre délai ne lui est ouvert par la suite.

D. Le mineur et la recherche de ses originesExercice du droit de connaître ses origines par le mineur ◊ Lorsque le mineur est ne connaît pas l’identité de ses parents biologiques, particulièrement lorsque sa mère a accouché dans le secret, il peut souhaiter connaître ses origines69. Depuis la loi du 5 mars 2007, réformant la protection de l’enfance, le droit de connaître ses origines est reconnu au mineur lui-même. En effet, alors qu’avant l’entrée en vigueur de ce texte, les représentants légaux du mineur pouvaient formuler une demande pour connaître les origines de ce dernier au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), l’article L. 147-2 du Code de l’action sociale et des familles dispose désormais que seul le mineur peut formuler une demande d'accès à la connaissance de ses origines au CNAOP s’il a atteint l'âge de discernement avec l'accord de ses représentants légaux. Ainsi les représentants légaux du mineur ne peuvent plus effectuer les démarches pour retrouver les origines de leur enfant. C’est à l’enfant que revient la décision de formuler la demande et de saisir le CNAOP. Toutefois, l’accord des représentants légaux étant nécessaire, les parents restent en mesure d’exercer un pouvoir sur la démarche de l’enfant, pour l’autoriser ou au contraire l’entraver70. En 2010, le CNAOP a procédé à un bilan de la mise en œuvre de l’article L. 147-2 du Code de l’action sociale et des familles71. Il en résulte que moins de 2 % des demandes reçues par le CNAOP émanent de mineurs, soit une cinquantaine de cas depuis sa création. Depuis 2007, 5 dossiers ont été ouverts pour des mineurs, âgés de 8 à 16 ans au moment du dépôt de la demande. Avant 2007, un certain nombre de demandes avaient été formulées par des parents adoptifs pour des enfants très jeunes. Une telle démarche était problématique car elle intervenait alors que la mère biologique avait accouché seulement depuis quelques années, et qu’elle était susceptible d’avoir une réaction de refus, fermant alors la porte à une nouvelle sollicitation par l’enfant lui-même parvenu à l’âge de la majorité ; en effet, le CNAOP considère que la loi ne lui permet d’interroger la mère qu’une seule fois72. Comme le précise le rapport du CNAOP, « précipiter la saisine du CNAOP ou déposer une demande de manière prématurée peut avoir une incidence négative sur la possibilité ultérieure du mineur devenu adulte de former une nouvelle demande ». Le Groupe de travail ayant élaboré le rapport du CNAOP sur les demandes d’accès aux origines personnelles émanant de personnes mineures de 2010 a

68 Art. 26-3, al. 2 C. civ.69 V. supra.70 Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, Les demandes d’accès aux origines personnelles émanant de personnes mineures : l’âge de discernement, mars 2010.71 Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, rapport préc.72 Extrait du compte rendu de la séance plénière du CNAOP du 21 janv. 2009.

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préconisé un report de l’accès aux origines personnelles à la majorité conformément à la plupart des législations étrangères. Un tel report permettrait d’impliquer le demandeur plus personnellement dans sa décision d’accéder aux origines, de manière plus indépendante de la volonté de ses parents. Il permettait en outre de limiter pour l’enfant l’impact psychologique soit du refus de la mère, soit de la rencontre avec celle-ci, à la période, souvent complexe, de l’adolescence.Droit au secret sur ses origines ◊ Dans un arrêt du 17 octobre 2012, le Conseil d’État rappelle que, en vertu de l’article L. 133-4 du Code de l’action sociale et des familles « les informations nominatives à caractère sanitaire et social détenues par les services des affaires sanitaires et sociales sont protégées par le secret professionnel ». Il en déduit que selon les textes relatifs à l’accouchement dans l’anonymat et l’adoption « sous réserve de la mise en œuvre des dispositions autorisant les autorités ou les services du département à communiquer les informations dont ils sont dépositaires, et en particulier de celles de l’article L. 224-7 du code de l’action sociale et des familles qui imposent au président du conseil général de transmettre au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, sur la demande de ce dernier, les renseignements dont il dispose sur les pupilles de l’État qu’il a recueillis, il est interdit au service de l’aide sociale à l’enfance de divulguer de telles informations. » Il faut, en effet, rappeler que le dispositif d’accès aux origines personnelles mis en place par la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines personnelles, doit uniquement bénéficier à l’enfant et non à ses parents d’origine. La responsabilité du département est donc engagée lorsque la mère biologique d’une jeune femme née sous X a obtenu l’identité de cette dernière et l’a harcelé ainsi que ses parents adoptifs. Le Conseil d’État déduit la faute de la circonstance que la mère biologique d’un enfant, confié à sa naissance au service de l’aide sociale à l’enfance, puis adopté, a eu connaissance des informations relatives à la nouvelle identité de cet enfant et à celle de ses parents adoptifs.

§ 3. L’autonomie patrimoniale limitée du mineurCapacité restreinte ◊ Alors que le mineur bénéficie en matière personnelle d’une liberté concrète de plus en plus importante lorsqu’il avance en âge, il en va différemment en matière patrimoniale, en raison notamment des conséquences financières en jeu et des risques qu’elles peuvent faire courir au mineur. Par ailleurs, l’engagement du mineur qui caractérise nombre d’actes personnels ne se retrouve pas dans la plupart des actes patrimoniaux, ce qui limite la nécessité d’écarter dans ce domaine l’incapacité de l’adolescent. Les droits étrangers offrent pourtant des exemples de capacité patrimoniale du mineur adaptée à son degré de maturité. Ainsi l’article 157 du Code civil du Québec permet au mineur, à partir de 14 ans, d’utiliser son patrimoine afin de satisfaire ses besoins ordinaires et usuels et l’article 156 du même code lui permet, à partir du même âge, d’effectuer les actes relatifs à son emploi, son art ou sa profession. L’article 413 du Code belge prévoit que les mineurs de plus de 15 ans doivent être entendus par le juge de paix avant qu’il ne statue sur une demande de son tuteur de réaliser pour le compte de son pupille un acte grave.Les libéralités ◊ L’impossibilité pour le mineur âgé de moins de seize ans de disposer, consacrée par l’article 903 du Code civil constitue en réalité une incapacité de jouissance, la représentation étant exclue par le caractère éminemment personnel de la libéralité73, la volonté de donner ne saurait en effet faire l’objet de représentation. Toutefois, au-delà de seize ans, le mineur peut disposer par testament de la moitié des biens dont il pourrait disposer s’il était majeur74. Les père et mère du mineur étant réservataires, la règle implique que le mineur âgé de plus de seize ans ne peut disposer que d’un quart de son patrimoine, du vivant de ses deux

73 J.-J. Lemouland, « Le testament de l’incapable », Dr. fam. 2006, étude no 48.74 Art. 904 C. civ. ; les mineurs « appelés sous les drapeaux pour une campagne de guerre bénéficient d’une capacité de disposer plus importante » (L. 28 oct. 1916).

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parents, et sous réserve qu’il n’ait pas lui-même d’enfants. La différence de régime entre le testament et la donation s’explique par le caractère irrévocable de cette dernière. À l’inverse, le testament rédigé par un mineur pourra être remis en cause lorsqu’il sera majeur. L’incapacité de disposer du mineur est en outre écartée dans le cadre du mariage. L’époux de moins de dix-huit ans, autorisé à se marier par l’un de ses représentants légaux, et compte tenu des textes en vigueur, qui a obtenu une dispense du procureur de la République, peut effectuer des donations au profit de son conjoint dans le cadre de son contrat de mariage Cette capacité exceptionnelle est toutefois soumise au régime de l’assistance, l’article 1398 du Code civil disposant que pour les conventions et donations faites dans ce cadre, le mineur soit assisté des personnes dont le consentement est nécessaire pour la validité du mariage.Le mandat ◊ L’article 1990 du Code civil accorde une capacité exceptionnelle au mineur en matière de mandat. Selon ce texte, en effet, « Un mineur non émancipé peut être choisi pour mandataire ». Toutefois, pour que l’acte accompli par le mineur soit valable, le mandant doit être capable. Cette règle constitue une technique que peuvent utiliser les parents pour associer leurs enfants mineurs à la gestion de ses biens ou à la gestion des biens familiaux. La technique peut également être utilisée par l’employeur d’un salarié mineur. Le texte précise que dans les rapports entre mandant et mandataires, s’appliquent « les règles générales d’incapacité du mineur », évitant de faire courir au mineur des risques personnels. En revanche, les relations entre le mandataire et le contractant sont soumises au droit commun, puisque c’est le mandant, capable qui est engagé par la convention.La capacité bancaire du mineur ◊ Un certain nombre de textes spéciaux reconnaissent au mineur une capacité exceptionnelle en matière bancaire. L’article L. 221-4 du Code monétaire et financier permet au mineur, à partir de douze ans, de se faire ouvrir seul un livret A et de procéder à des dépôts. Il peut opérer des retraits sur ce compte à partir de l’âge de seize ans, en l’absence d’opposition de son administrateur légal. Ce dernier peut confier le livret au mineur qui est alors libre de procéder à des retraits sans l’avertir. S’il ne le fait pas, le mineur doit, pour effectuer un retrait procéder à une déclaration à la caisse ; celle-ci est notifiée aux parents de l’enfant qui disposent d’un délai d’un mois pour faire opposition au retrait. Le même régime est appliqué au « Livret jeune » créé par la loi du 12 avril 199675 ainsi qu’au livret d’épargne populaire76. Cette capacité se justifie par le fait qu’elle facilite l’épargne du mineur. Elle est en outre limitée par la possibilité reconnue aux parents de l’enfant de s’opposer à ce qu’il dilapide son épargne.Aucune règle générale ne permet cependant de reconnaître la capacité du mineur de faire fonctionner un compte-courant. Les banques tentent cependant d’attirer une clientèle mineure, dans le but bien compris de la fidéliser pour l’avenir. Elles proposent dans ce but aux adolescents des comptes et des moyens de paiement susceptibles de leur conférer une certaine autonomie financière. Il n’en reste pas moins que le mineur ne se voit reconnaître aucune capacité en matière bancaire et qu’on ne saurait admettre l’existence d’un usage qui lui permettrait de faire fonctionner un compte bancaire avec les risques que celui-ci comporte. La Cour de cassation a d’ailleurs refusé de condamner un mineur au paiement du découvert qu’il avait creusé sur un compte bancaire, lequel lui avait été ouvert, accompagné de moyens de

75 Art. L. 221-24 C. mon. fin. : « L'ouverture du livret jeune et les opérations de dépôt et de retrait sur le livret jeune sont réservées aux personnes physiques âgées de douze à vingt-cinq ans et résidant en France à titre habituel.Lorsque ces personnes sont âgées de moins de seize ans, l'autorisation de leur représentant légal n'est requise que pour les opérations de retrait. Lorsqu'elles ont de seize à dix-huit ans, elles peuvent procéder elles-mêmes à ces opérations à moins que leur représentant légal ne s'y oppose. »76 Art. R. 221-39 C. mon. fin. : « Lorsqu'un compte sur livret d'épargne populaire a été ouvert à la demande d'un mineur sans l'intervention de son représentant légal, l'opposition de ce dernier au retrait par le mineur des sommes inscrites au crédit du compte est notifiée à l'établissement dépositaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. »

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paiement courants, par le banquier, prétendument abusé par une fausse déclaration du mineur concernant son âge77. Si l’ouverture d’un compte bancaire et le dépôt de sommes d’argent peuvent être qualifiés d’actes usuels, compte tenu de leur absence de conséquences préjudiciables sur le patrimoine du mineur il ne peut en aller de même pour les retraits opérés sur le compte – sauf éventuellement les retraits de petites sommes – ni de la remise d’instruments de paiement susceptible d’entraîner un découvert. De surcroît, le découvert que pourrait autoriser une banque à un mineur peut être assimilé à un emprunt totalement prohibé au bénéfice d’un mineur, sans autorisation du juge des tutelles.Cette incapacité du mineur n’empêche pas les banques d’offrir aux mineurs des comptes et des facilités de paiement. Elles protègent cependant leurs intérêts en faisant intervenir les représentants légaux de l’enfant, qui doivent autoriser l’ouverture et le fonctionnement du compte et qui, le plus souvent, acceptent d’être responsable des conséquences de celui-ci. L’autorisation donnée au mineur par ses administrateurs légaux ne saurait être analysée comme accordant au mineur une capacité que la loi lui dénie, même dans le cadre d’un régime d’assistance. Elle peut tout au plus être considérée comme un mandat le mineur étant en réalité le représentant du titulaire du compte, permettant au tiers, en l’occurrence la banque, de se retourner contre le mandant pour obtenir le cas échéant le paiement des sommes engagées par le mineur.L’administration d’une EIRL ◊ La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, complété par la loi n° 2012-837 du 22 mars 2012, a instauré un nouveau cas de capacité assistée du mineur dans les articles 389-8 et 401 du Code civil. Le premier de ces textes dispose que « Un mineur âgé de seize ans révolus peut être autorisé, par ses deux parents qui exercent en commun l'autorité parentale ou par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles, à accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle » tandis que le second offre la même possibilité pour le mineur sous tutelle. L'autorisation doit revêtir la forme d'un acte sous seing privé ou d'un acte notarié et doit comporter la liste des actes d'administration pouvant être accomplis par le mineur. Cette faculté offerte au mineur et à ses parents s’inscrit dans l’idée d’un apprentissage progressif et personnalisé de l’autonomie en matière patrimoniale L’autorisation parentale a pour effet de permettre au mineur de s’engager lui-même par les actes d’administration dont la liste est établie, et d’exclure la possibilité pour les parents d’effectuer eux-mêmes ces actes. Le même dispositif a été instauré en 2011 pour la création et la gestion par le mineur d’une associationOn peut s’interroger sur le sort de ces actes s’ils s’avèrent préjudiciables pour le mineur. Dans la mesure où l’article 1308 exclut la lésion lorsque le mineur agit dans le cadre de sa profession elle semblerait exclue. Toutefois si les actes ne faisaient pas partie de la liste des actes autorisés, ils devraient encourir la nullité ce qui soulève la question de la publicité de cette liste à l’égard des tiers susceptibles de contracter avec le mineur.

SECTION 2. La capacité du mineur de saisir lui-même le jugeL’incapacité du mineur constitue une règle dont l’objectif est de le protéger contre les actions préjudiciables qu’il pourrait, de sa propre volonté ou en conséquence d’une influence négative, entreprendre. Il est donc logique qu’elle soit écartée pour les actions dont le but est d’assurer la protection de l’enfant et qui ne peuvent lui porter préjudice. Il en va ainsi des requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme (§ 1) et de la saisine du juge des enfants (§ 2).

77 Civ. 1re, 12 nov. 1998, no 97-13248, RTD civ. 1999. 360, obs. J. Hauser ; JCP 1999. II. 10053, note T. Garé ; v. ss 1067.

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§ 1. La saisine de la Cour européenne des droits de l’hommeLa Convention européenne des droits de l'homme énonce des droits par essence protecteurs ; un recours contre leur violation ne saurait causer un dommage à l'enfant. L'incapacité n'a alors plus lieu d'être, elle ne constituerait qu'un obstacle à l'exercice des droits du mineur sans être justifiée par un besoin de protection C’est pourquoi, le mineur peut saisir personnellement la Cour européenne des droits de l'homme d'un recours lorsque l'un des droits affirmés par la Convention européenne des droits de l'homme a été violé, sans qu'il ait besoin d'être représenté. En effet, la Convention ne pose aucune condition relative à la capacité, et il suffit que le mineur invoque un intérêt personnel à agir sans qu'une autorisation de son représentant légal ne soit nécessaire. Cette représentation de l’enfant par son administrateur légal n’est toutefois pas exclue ; les arrêts rendus en faveur de mineurs par la Cour européenne des droits de l’homme sont d’ailleurs, le plus souvent, la conséquence d’une requête introduite au nom de l’enfant par son représentant légal. Le représentant légal de l'enfant peut agir en son nom et bénéficie pour ce faire d'un mandat tacite. À l’inverse, si une autre personne que le représentant légal veut agir au nom de l'enfant, il doit recevoir de la part de ce dernier un mandat spécial lui permettant de le représenter78 La Cour européenne a admis qu’une mère privée de l’autorité parentale agisse au nom de ses enfants en cas de conflit avec la personne investie de la tutelle des enfants79.

§ 2. La saisine du juge des enfantsDepuis l'entrée en vigueur du décret du 15 mars 2002, la plupart des droits procéduraux de l'enfant dans le cadre de l’assistance éducative sont subordonnés à son discernement. La jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « il incombe au juge du fond de vérifier que [l'enfant] possède le discernement suffisant pour exercer ces prérogatives »80 se trouve ainsi, logiquement, consacrée. Il n'en reste pas moins que selon l'article 375 du Code civil, la saisine du juge des enfants peut être effectuée par un mineur sans autre précision, et que le mineur privé de discernement peut certainement être considéré comme partie à la procédure, même si l'exercice de ses droits procéduraux lui est impossible. Il apparaît dès lors nécessaire d'assurer par un autre moyen l'exercice de ses droits. Compte tenu de l’opposition d’intérêts entre l’enfant et ses parents que la procédure d’assistance éducative implique par elle-même, la représentation de l’enfant non discernant par un administrateur ad hoc paraît la solution la plus opportune.Requête du mineur ◊ Un magistrat a pu constater que « s'il est certain que la majorité des saisines du juge des enfants l'est par le biais du procureur de la République, lui-même informé par les travailleurs sociaux, ou des professionnels de l'éducation nationale ou de la santé, ou les services de police ou de gendarmerie, il n'en reste pas moins que de nombreux jeunes se présentent spontanément au tribunal pour solliciter l'intervention d'un juge des enfants ». La requête du mineur qui saisit le juge des enfants possède un caractère général, la distinguant de la demande en justice habituelle. En effet, elle ne constitue pas une revendication visant à voir appliquer une règle de droit dans le cadre d'une décision judiciaire précise. Elle consiste simplement à alerter le magistrat sur une situation donnée. Plus qu'une demande mettant en jeu un droit subjectif, la requête du mineur paraît avant tout fondée sur des faits. Le juge des enfants n'est pas lié par le principe du dispositif. Il a un large pouvoir d'investigation et peut décider de prendre toute mesure lui paraissant utile, qu'elle ait été ou non sollicitée par les parties81. Le mineur, même s'il l'a déclenchée, ne peut mettre fin à la procédure sans que le

78 X. c/Suède, 4 mars 1979.79 Scozzari et Giunta, 13 juill. 2000, JCP 2001. I. 291, obs. F. Sudre.80 Civ. 1re, 21 nov. 1995, D. 1996. 420, note A. Gouttenoire.81 Art. 1183, al. 2 C. pr. civ..

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juge y consente. Le fait que le juge puisse se saisir d'office renforce cette entorse au principe du dispositif. L'initiative du mineur n'est donc pas subordonnée à la réalisation de cette condition. Il saisit le juge des enfants, quelle que soit sa situation, et le magistrat décide ensuite s'il y a lieu d'ouvrir ou non une procédure d'assistance éducative. L'enfant n'a pas à démontrer l'état de danger qui n'est d'ailleurs pas nécessaire à la recevabilité de sa demande. Il s'agit alors pour le juge de se poser la question de sa compétence à travers le bien-fondé de l'initiative de l'enfant.Le mineur peut interjeter appel de la décision du juge des enfants82. Toutefois, la décision n'est notifiée au mineur qu'à partir de l'âge de seize ans, si son état le permet83. Cette limite d'âge implique une insécurité de la situation juridique dans la mesure où, le délai d’appel court pour le mineur à qui la décision n’a pas été notifiée à compter du jour où il a eu connaissance de la décision. Ignorant la date de la connaissance de la décision par le mineur de moins de seize ans, les intervenants au débat judiciaire ne peuvent connaître avec certitude la date de l'expiration du délai d'appel et donc la date à laquelle le jugement devient définitif. Le mineur peut également former un pourvoi en cassation.Droit d’être assisté par un avocat ◊ L'article 1186 du Code de procédure civile dispose que le mineur doué de discernement peut faire choix d'un conseil ou demander au juge que le bâtonnier lui en désigne un d'office, le juge devant informer le mineur de ce droit dès sa première audition. En pratique, le dynamisme des avocats pour enfant et la multiplication des consultations gratuites au profit des enfants a permis une généralisation des interventions des avocats spécialisés aux côtés des mineurs dans le cadre des procédures d’assistance éducative. Le mineur bénéficie de l’aide juridique en vertu de l’article 5 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique qui précise qu’il n’est pas tenu compte des ressources des personnes vivant au foyer du demandeur « s'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources ». Tel est le cas en matière d’assistance éducative : il existe, du fait de l’origine familiale du danger, une opposition d’intérêts entre le mineur et ses parents excluant que l’on tienne compte des revenus de ces derniers pour apprécier le droit du mineur à l’aide juridique.Dans le domaine de l'assistance éducative, aussi technique et complexe que bon nombre d'autres procédures, le mineur éprouve d'énormes difficultés à comprendre les enjeux et exercer d'une façon effective les droits qu'on prétend lui reconnaître sans assistance d'un technicien du droit. L’avocat de l’enfant doit veiller au fondement légal des mesures ordonnées, vérifier leur conformité aux textes en vigueur et s’assurer que l'aspect spécifique de la procédure n'en masque pas le caractère contraignant. À défaut de remplir ce rôle de technicien du droit, qu'il est le seul à pouvoir exercer, l'avocat risque de se confondre avec les autres acteurs du système judiciaire. La contradiction assurée par l'avocat justifie et caractérise son intervention dans la procédure.L'accès du mineur au dossier d'assistance éducative ◊ L’accès du mineur au dossier d’assistance éducative a fait l'objet d'une réforme par le décret no 2002-361 du 15 mars 2002 modifiant le Code de procédure civile et relatif à l'assistance éducative, qui a permis l'accès direct des parties au dossier en prévoyant des règles spécifiques pour le mineur. Selon l’article 1187, alinéa 2, de ce code, « la consultation du dossier le concernant par le mineur capable de discernement ne peut se faire qu’en présence de son père, de sa mère ou de son avocat. En cas de refus des parents, et si l’intéressé n’a pas d’avocat, le juge saisit le bâtonnier d’une demande de désignation d’un avocat pour assister le mineur ou autorise le service éducatif chargé de la mesure à l’accompagner pour cette consultation ». Le texte envisage opportunément le refus des parents, les intérêts de l'enfant et ceux des parents étant, dans le cadre de cette procédure, le plus souvent divergents. Il n’en reste pas moins qu’une décision

82 Art. 1191 C. pr. civ.. Civ. 1re civ. 21 1995, D. 1996. 420, note A. Gouttenoire.83 Art. 1190 C. pr. civ.

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qui relève de l’autorité parentale, celle de donner à l’enfant des informations parfois lourdes de conséquences, peut être prise contre leur gré. L’intervention aux côtés de l’enfant de travailleurs sociaux appartenant au service à qui il a été confié peut, en pratique, s’avérer parfois délicate lorsque ces mêmes personnes ont participé à l’élaboration du dossier consulté par le mineur. Ces difficultés militent pour une intervention systématique d’un avocat pour assister l’enfant doué de discernement dans la procédure d’assistance éducative. L’article 1187, alinéa 4, du Code de procédure civile permet en outre au juge, par décision motivée, de retirer du dossier, lors de sa consultation par le mineur, tout élément dont la consultation pourrait faire courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers.