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Pratiques d’évaluation Une approche réflexive et opérationnelle de la connaissance des publics Du Muséum au Musée des Confluences

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Pratiques d’évaluation Une approche réflexive

et opérationnelle

de la connaissance des publics

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Le Musée des Confluences a fait le choix d’intégrer une démarche d’évaluation et de connaissance des publics. Cette nouvelle fonction répond à une double évolution : celle d’un repositionnement des visiteurs comme « acteur » du projet et celle d’une plus grande transparence des actions du musée. Si l’évaluation s’impose de plus en plus dans les institutions muséales, elle est « visible » pour les différents interlocuteurs au travers des constats qu’elle apporte ou des réflexions qu’elle suscite, elle est le fruit d’une construction de long terme, parfois complexe et jamais totalement acquise.

Ce sixième ouvrage de la collection du Muséum au Musée des Confluences s’inscrit dans un travail de réflexion et de restitution engagé par les différentes équipes du musée. Ce volume aborde à la fois l’évaluation comme une démarche opérationnelle qui permet d’apporter des réajustements et une démarche réflexive qui interroge nos pratiques, tant d’un point de vue méthodologique que des résultats.

Septembre 2010

Pratiques d’évaluation Une approche réflexive et opérationnelle de la connaissance des publics

Du Muséum au Musée des

Confluences

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ISBN : 2-918263-08-1

Prix : 10 e

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Du Muséum au Musée des

Confluences

Pratiques d’évaluation Une approche réflexive

et opérationnelle

de la connaissance des publics

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Du Muséum au Musée des Confluences

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Pratiques d’évaluation

Editorial

Un musée sans collections n’existe pas, il s’agit d’un centre d’exposition ou d’interprétation. De même, un musée sans publics n’en est pas un, ce serait alors une réserve ou un centre d’étude sur les collections.

La question des publics est donc au cœur des institutions muséales. Depuis quelques années celles-ci ont mené des travaux d’étude et de recherche sur la démocratisation et l’élargissement des publics, sur la fidélisation et les modes d’appropriation, sur l’impact et la pertinence de leurs actions. Le musée présente quoi, à qui, pourquoi et comment ? Entre l’intention et la réception, quels sont les écarts, les nuances, les transformations ? Quelle est la valeur ajoutée des expositions et des activités de médiation ?Il ne s’agit plus seulement de connaître des chiffres ou des profils socio-économiques, mais d’écouter le public, d’analyser sa parole et de se remettre en question.

La forte influence du milieu pédagogique et de l’éducation populaire aura certainement poussé dans cette voie de la recherche, de l’efficacité et de l’efficience des messages mis en scène. Lors de la présentation d’une exposition, pouvons-nous apprécier ce que le visiteur a découvert, vécu, appris ? S’est-il interrogé, a-t-il eu le goût de poursuivre la réflexion, a-t-il été ému, touché ? Les questions fusent évidemment.

Les études menées par l’équipe du Musée des Confluences participent à la réalisation du projet culturel.

Michel Côté

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Du Muséum au Musée des Confluences

SommairePréambule

Interroger la notion d’évaluation au musée

PrésentatIon

la programmation de préfiguration du musée des Confluences et les questions qui s’y rapportent

PartIe 1 - Positionner une démarche le programme « Visiteurs en tête »

Intégrer la préoccupation des publics

l’évaluation muséalese situer dans un courant disciplinaire

PartIe 2 - Construire une méthode le programme d’évaluation

organiser les études à mener

les entretiens et les observations Détailler la méthode de deux outils classiques

la construction de nouvelles méthodes exploiter une palette d’outils

PartIe 3 - Discuter de résultats l’approche institutionnelle

traiter de la question du développement des publics

une approche par action étudier la mise en exposition

le musée nomade réinventer de nouvelles pratiques hors les murs

ConClusIon

lIste Des sYntHÈses D'étuDes

bIblIograPHIe

annexes

p. 5

p. 7

p. 11

p. 45

p. 117

p. 193p. 195p. 197p. 203

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Pratiques d’évaluation

Interroger la notion d’évaluation au musée

À l’heure où l’on assiste à une inflation du discours et des attentes sur la notion d’évaluation –normalisation, procédures, référentiels, qualité… – il importe de la définir précisément pour en circonscrire les limites. On ne parlera pas ici d’évaluation au sens « macro » des politiques publiques mais à une échelle plus « micro », celle d’une institution muséale en mutation. L’évaluation est ici abordée comme une posture, une démarche, un outil et non comme une science, qui permet de passer de la question du « faire » à celle du sens, en interrogeant la valeur, sens premier de l’évaluation. Elle est entendue comme une pratique réflexive qui analyse la réception, développe une connaissance des publics et une pratique opérationnelle, d’étude des pratiques, de questionnement des savoir-faire. Cet ouvrage résulte d’une volonté de partage d’expériences en croisant réflexions et pratiques illustrées d’études de cas laissant place à des points de vue subjectifs évitant toute vision uniformisante.

Les réflexions qui suivent aborderont, entre autres, les questions de lexique, de méthodologies, d’outils, et de pratiques en pointant à la fois la complexité des approches appliquées à l’objet culturel, la plus value des études, leurs limites, ainsi que les garanties qu’elles peuvent apporter. Ce positionnement, loin d’être prescriptif, ne cherche pas à proposer un quelconque modèle ou mode d’emploi mais vise plutôt à faire partager une réflexion et des résultats issus d’expériences de terrain.

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Du Muséum au Musée des Confluences6

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Pratiques d’évaluation 7

La programmation de préfiguration du

Musée des Confluences et les questions

qui s’y rapportent

le projet culturel et scientifique

Le projet culturel et scientifique1 définit trois fondements sur lesquels sont basées ses orientations : un musée thématique, un musée construit sur un programme, un musée engagé auprès des publics. La prise en compte des publics est donc un postulat de base sur lequel repose le projet. Le musée considère les publics dans leur diversité. À ce titre, ils sont considérés comme pluriels « dans leurs origines, leurs âges, leurs cultures, leurs profils sociaux, économiques ». Il n’y a pas « un » mais « des » publics, et tous n’ont pas les mêmes « outils d’appréhension de la réalité ». Le musée vise ainsi un élargissement des publics et une fidélisation des visiteurs, pour devenir un lieu fréquenté et non visité2. Si cette description a des conséquences sur les orientations de l’offre, sur les thématiques proposées, sur l’architecture, elle a également des conséquences sur la nécessité de mieux connaître les publics, afin de vérifier si la diversification des profils est réalisée et si la fidélisation est une réalité. Mieux connaître les publics devient un point de départ accompagnant le projet.

le contexte de programmation

A partir de l’année 2000, le Muséum propose une programmation culturelle dite de préfiguration, au Muséum et hors les murs. Les salles de collections permanentes fermeront au fur et à mesure pour cause de vétusté des locaux et les collections seront transférées au Centre de Conservation et d’Études

1 Du Muséum au Musée des Confluences, Le projet culturel et scientifique, Juin 20092 Ibid.

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Du Muséum au Musée des Confluences8

des Collections3. À partir de la fermeture définitive du bâtiment boulevard des Belges qui abritait le Muséum, en juillet 2007, la programmation hors les murs continue puis se poursuivra après l’ouverture du Musée des Confluences. Sur la période étudiée, de 2000 à 2010, plus d’un million de visiteurs seront accueillis dans le cadre des actions culturelles menées4.

le Contexte De ProgrammatIon

2000

- Lancement de la programmation culturelle de préfiguration du Musée des Confluences.

- Hors les murs le musée propose une programmation dans des lieux de soin (hôpitaux), des lieux de consommation (centres commerciaux…), des lieux d'éducation (universités, IUFM, collèges, …), des lieux culturels (autres musées, …), des lieux publics (double mixte, MJC, bibliothèque…)…

- Au Muséum, 35 expositions thématiques et espaces découvertes sont présentées et les salles de collections permanentes sont toujours proposées aux visiteurs. Les surfaces d’exposition représentent plus de 3 100 m².

Novembre 2002

- Fermeture de la « grande salle » du Muséum et progressivement de l’ensemble des salles de collections permanentes. Les espaces d’exposition disponibles aux publics sont réduits. De une à trois expositions sont présentées en simultané, suivant les périodes de montage et de démontage des expositions. (En parallèle, ouverture du Centre de Conservation et d’Études des Collections.) Les surfaces disponibles au Muséum sont réduites et varient de 150m² à 1100 m².

1er juillet 2007

- Fermeture du Muséum aux publics, pour cause de vétusté des locaux.

- La programmation du Musée des Confluences continue hors les murs. Des expositions sont présentées mais aussi des cycles et des événements qui assurent une lisibilité du projet : le festival Rues des sciences, le festival [Label] Bêtes, présentation des acquisitions des collections, Un dinosaure en presqu’île, Observer, de l’infime au lointain, le festival Passages…

3 CCEC 13A, rue Bancel 69007 Lyon4 C’est une sous estimation de la fréquentation. Ne sont pas comprises les activités dont la spécificité du lieu ne permet pas une comptabilisation des entrées, comme les expositions présentées à l’hôpital, les expositions photos présentées sur les grilles du département ou encore les expositions en itinérance.

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9Pratiques d’évaluation

le principe de l’expérimentation

La période de préfiguration constitue un contexte spécifique laissant une large place à l’expérimentation. Cette période a été un terrain privilégié pour tester de nouvelles formes de médiations, des muséographies, des nouvelles technologies, des méthodes d’évaluation, de nouveaux outils de mesure. Dans chacun de ces domaines, de nombreuses questions se posent. Quel est l’impact de la diversité des formes proposées ou des modes d’approche ? Amener un regard subjectif est-il compris et apprécié des publics ? Quel est l’impact de l’utilisation des nouvelles technologies au musée ? Tous les publics utilisent-ils ces nouveaux modes d’interface et de médiation ? Comment les méthodes utilisées en évaluation (enquêtes, entretiens…), sont-elles perçues par les visiteurs ? Ces méthodes ne saturent-elles pas les publics ?

Lorsque le processus de l’expérimentation est enclenché, une cascade de questions émerge. Le rôle de l’évaluation a été de fournir au musée un certain nombre de réponses, en allant sur le terrain auprès des publics vérifier si les choix peuvent être entérinés, si les messages délivrés ont été entendus, avec au final, cette question : de la première exposition Lunes à la dernière exposition présentée Frontières, que s’est-il passé ? Quelle a été la composition des publics ? Quelles variations ? Quelle satisfaction ? Quelles attentes ? Quelles questions émergentes ?

le programme d’études

Du côté de la méthode, un programme d’études s’est construit et environ 70 bilans ou études ont été réalisés, soit par l’équipe interne, soit en externe par des prestataires spécialisés. Les études ont été menées sur des lieux divers, au Muséum, au domaine de Lacroix-Laval5, hors les murs. Sur la période de préfiguration de la programmation culturelle et durant la période de transition, les études menées peuvent être classifiées de la façon suivante : - la fréquentation et les attentes : nombre de visiteurs accueillis, répartitions,

profils, pratiques de visite, satisfaction de l’expérience de visite… ;- la réception des actions culturelles : expositions, dispositifs muséogra-

phiques, médiations, espaces découvertes, événements… ;- les collections : les objets phares de la grande salle, le regard des visiteurs

portés sur les objets de collection au travers de la connaissance et de l’émotion… ;

- l’impact des moyens : tarification, gratuité, communication, boutique… ;- les publics ciblés : public touristique, public en situation de handicap… ;- la méthodologie d’évaluation : comités des publics, recours à la photo-

graphie, enquêtes en ligne…

5 Dans le cadre du pôle Sciences et Sociétés, le domaine de Lacroix-Laval (parc et château) a accueilli un certain nombre d’expositions et d’événements.

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Du Muséum au Musée des Confluences

une approche réflexive et opérationnelle de la connaissance des publics

Cet ensemble de textes vise à combiner une approche réflexive et une approche plus opérationnelle de l’évaluation, à partager cette démarche issue d’expériences de terrain, en tentant d’aborder les points qui concrè-tement ont posé des questions à résoudre ou des contraintes à prendre en considération.

Si aujourd’hui, l’évaluation est intégrée au service Développement et Stratégie du musée et propose annuellement un programme qui permet d’avoir une vision à moyen terme des études à mener, sa construction s’est opérée au travers de trois grands axes : - positionner une démarche ;- construire une méthode ;- discuter des résultats.

Précisons que les analyses et les exemples proposés n’ont pas de valeur d’exhaustivité6, ni d’exemplarité. La sélection des résultats est toute relative, l’objectif visé est plus particulièrement de rendre compte d’une diversité.

6 Les exemples laissent une part plus faible aux questions de médiation, traitées dans le volume 2 de cette collection « Médiation et activités culturelles », Musée des Confluences, septembre 2008.

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11Pratiques d’évaluation

PARTIE 1

Positionner une démarche

Au Musée des Confluences, l’évaluation est entendue comme une démarche. Elle se positionne dans la complémentarité de deux approches, l’une issue des sciences de gestion, qui propose un nouveau système de fonctionnement, celui de la performance, déclinée classiquement selon trois grandes étapes : la stratégie, la planification et la démarche d’évaluation. C’est dans ce nouveau mode de fonctionnement que s’inscrit le programme « Visiteurs en tête », à l’origine de la mise en place des premiers outils de la connaissance des publics et des premiers indicateurs. Quel bilan ? Quelles questions autour de cette démarche ? L’autre approche permet de situer l’évaluation dans le courant de la muséologie, issue des sciences sociales. En interrogeant la spécificité de l’objet culturel, on situera la place et les finalités de l’évaluation appliquée au contexte muséal, en la distinguant notamment d’autres pratiques telles que le marketing.

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Du Muséum au Musée des Confluences12

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13Pratiques d’évaluation

Le programme « Visiteurs en tête »

Intégrer la préoccupation des publics

Le programme « Visiteurs en tête » est mis en place conjointement à la programmation culturelle de préfiguration, en 2000. C’est un programme intégré dans un cadre plus large, celui de la performance. L’application de telles démarches au musée pose des questions : comment prendre en compte les spécificités du musée, en tant qu’acteur culturel ? De quelle façon concilier l’innovation, nécessaire au musée et la rationalisation, induite par l’évaluation ? Quels indicateurs retenir ?… Dans sa finalité, cette démarche appliquée au musée a permis de repositionner les publics au centre des activités, mais aussi de façon plus indirecte, de tisser des liens entre les différents acteurs du projet ou encore d’introduire la dimension opérationnelle et réflexive inhérente aux résultats d’évaluation.

n le cadre général de la performance

n la mise en application du programme « visiteurs en tête »

n un bilan de l’intégration des publics comme acteurs du projet

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Du Muséum au Musée des Confluences14

n le cadre général de la performance

un nouveau contexte et un nouveau système de fonctionnement

La notion de performance est une notion intimement liée à la notion de changement. En effet, les organisations, qu’elles soient issues du secteur privé ou du secteur public, ont eu, de façon générale, à redéfinir leur cadre organisationnel en mettant en avant la notion d’efficience, sous l’impulsion de la loi organique relative aux lois de finances7. Cette notion d’efficience s’entend par la volonté de recentrer les ressources de l’entreprise vers le cœur de son activité, en les optimisant.

Pour le musée, il s’agit de recentrer ses activités vers les publics, de viser une plus grande transparence de l’utilisation des fonds financiers auprès des organes de tutelle et d’optimiser les moyens. Cette réorganisation est également liée à l’évolution de son rôle, en renforçant sa position d’acteur dans la société. En effet, le musée participe à la vie sociale, économique, culturelle… et génère des flux notamment en jouant un rôle en faveur du développement local. Aujourd’hui, le secteur de la culture est considéré davantage dans un rôle moteur, en lien avec les autres secteurs de la société. En conséquence, le musée doit renforcer sa relation avec les publics, pour que ceux-ci puissent s’approprier ce lieu, à travers une expérience mettant en œuvre la dimension de la connaissance associée à celle de l’enchantement ou du plaisir. Si l’évolution du musée le pousse à devenir plus « acteur » de la société, il développe aussi ses moyens afin de rendre plus « acteur » les publics, en traitant notamment de questions contemporaines telles que l’eau, la vache folle, le commerce équitable, la frontière … mais aussi en développant des moyens plus participatifs pour les publics tels que des médiations qui permettent des débats, des échanges…. L’esprit est de construire la relation « publics, musée » dans un échange entre implication de la part des publics et considération de la part du musée. L’idée est de transmettre une connaissance, des réponses aux questions que l’on se pose, mais aussi de susciter des interrogations par rapport aux mutations de notre environnement. Par rapport à tout cela, le musée rencontre de nouveaux défis, que ce soit dans le contenu qu’il traite ou dans les nouveaux modes de gestion à mettre en place et la littérature consacrée à cette évolution des musées en témoigne : « Le musée hybride » (Mairesse, 2010), « Le nouvel âge des musée – Les institutions culturelles au défi de la gestion » (Tobelem, 2005), « Le renouveau des musées » (Krebs et Maresca, mars 2005)…. En parallèle à cette évolution, les musées bénéficient de la part des publics d’un engouement, tant au niveau national qu’international avec des fréquentations qui ne cessent de s’accroître.

7 Date de la mise en application de la loi organique aux lois de finances - l’évaluation devient une nécessité pour les secteurs bénéficiant de l’intervention publique.

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15Pratiques d’évaluation

Si de leur côté, les musées ont consacré de nouveaux moyens pour la diffusion des connaissances et fait des efforts en terme d’accessibilité, ils ont aussi entamé une nouvelle façon de considérer les publics dans leurs modes de fonctionnement, en intégrant notamment des outils d’évaluation. Les pratiques d’évaluation se généralisent dans les musées, même si l’institutionnalisation des fonctions liées à cette démarche est encore peu développée dans les organisations. En parallèle, des observatoires des publics ou des politiques du secteur culturel continuent à se développer et nombre d’ouvrages sont consacrés aux pratiques d’évaluation dans le secteur culturel : « La place des publics - De l’usage des études et recherches par les musées » (dir° Eidelman, Roustan, Goldstein, 2008), « Pratiques d’évaluation » (La lettre de l’OCIM, 2009).

De plus, la nécessité de la connaissance des publics s’avère parfois devenir « caution » d’un projet, comme dans le cas de la délivrance du label « exposition d’intérêt national » par le ministère de la Culture. En effet, ce label est délivré à un certain nombre d’expositions tous les ans. La reconnaissance de l’intérêt national s’appuie sur l’avis d’une commission de spécialistes, chargée d’identifier « les manifestations les plus remarquables par leur qualité scientifique, leurs efforts en matière de médiation culturelle et leur ouverture à un large public ». Outre son impact positif sur la notoriété et la fréquentation de l’exposition, la délivrance du label s’accompagne d’une subvention de 10.000 à 50.000 euros versée par le ministère (dont une part pour l’évaluation de l’exposition).

Au Musée des Confluences, la démarche d’évaluation est intégrée à la démarche de la performance. En effet, d’un point de vue théorique, la performance s’appuie sur trois grandes étapes : la stratégie, qui pose les orientations et les principes fondateurs du musée ; la planification, qui permet de piloter à plus ou moins long terme l’ensemble des actions à engager ; et enfin, dans une troisième étape, l’évaluation qui amène des résultats sous forme de tableaux de bord, des éléments de pilotage et d’adéquation entre stratégie, actions et résultats. Ces résultats doivent être réinjectés dans les deux étapes précédentes.

la performance au musée des Confluences : stratégie, planification, évaluation

La stratégie

La stratégie est définie par la direction. Elle détermine les orientations et les principes fondateurs sur lesquels le musée s’appuie. C’est le cadre général dans lequel s’inscrit l’ensemble des actions du musée : collections, expositions, médiations… La stratégie fixe les objectifs communs, dont le développement des publics, vers lesquels chacun doit se rendre. Pendant la période de préfiguration, la stratégie est

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Du Muséum au Musée des Confluences16

présentée annuellement à l’ensemble du personnel, ainsi que les résultats qui s’y rapportent, avec la restitution des indicateurs des publics. La stratégie est rédigée aujourd’hui dans Le projet culturel et scientifique8.

La planification

La planification donne une lisibilité des actions envisagées à l’ensemble des équipes. Elle permet d’organiser les tâches nécessaires à leur réalisation et aux moyens à mettre en œuvre. Au musée, on distingue la production culturelle, qui comprend les expositions, les médiations, les espaces découvertes … et les moyens associés. Parmi ces moyens, on distingue ceux qui ont un impact direct auprès des publics comme la communication, la tarification ou encore l’accueil des publics et ceux qui ont un impact indirect comme la politique de partenariats, les ressources financières, les ressources humaines…

L’évaluation

L’évaluation est portée par le service Développement et Stratégie. C’est la troisième étape du processus de la performance. La démarche d’évaluation a travaillé sur les adéquations ou les écarts observés entre la stratégie et la réalisation concrète des actions menées et sur le champ plus large de la politique des publics. Les résultats sont présentés annuellement à l’ensemble du personnel et au cours de l’année en réunion de direction, de service ou d’équipes de conception. La finalité est la présentation du tableau de bord institutionnel.

Quelques principes liés à la démarche d’évaluation

Dans ce cadre, la démarche d’évaluation est mise en place dans l’esprit d’un processus d’amélioration continue. La démarche d’évaluation au musée présente quelques caractéristiques :

• elle comporte une dimension réflexive et opérationnelle,• elle prend en compte les spécificités liées au musée (lieu pérenne, lieu

d’accessibilité, lieu d’éducation et de délectation…). L’ensemble de ces spécificités a des conséquences sur les méthodes, les outils et la prise en compte des résultats ;

• elle développe une double approche : une approche institutionnelle qui s’intéresse plus particulièrement aux aspects du développement des publics et de la relation « publics / musée ». Une approche par action, qui

8 Du Muséum au Musée des Confluences, Le projet culturel et scientifique, Michel Côté et son équipe, Juin 2009

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17Pratiques d’évaluation

cible une action culturelle en particulier (une exposition, une médiation, un espace découverte…), son impact, sa dimension innovante… ;

• elle tend à concilier les principes de rationalisation, nécessaires à l’atteinte des objectifs généraux et d’innovation, nécessaires au développement du musée dans sa pérennité ;

• elle relève d’une démarche transversale à l’ensemble des fonctions du musée (collections, expositions, médiations…) ;

• elle doit répondre à des critères de garanties : éthique, cohérence, efficience, partage.

La démarche d’évaluation est aussi dépendante des spécificités propres au musée. Les pratiques d’évaluation mises en place dans les musées sont parfois comparées à celles appliquées dans le secteur privé, le plus souvent en les opposant. Mais le musée en tant qu’acteur culturel doit tenir compte de ses spécificités, de ses missions propres, dont certaines sont définies par le Conseil international des musées9 ou encore par la loi relative aux musées de France de 200210. L’ensemble de ces particularités a des conséquences sur les conditions de l’application d’une démarche d’évaluation. On peut citer une influence sur la définition des indicateurs, la mise en place des sources de ces indicateurs, le développement des outils en fonction de l’évolution des publics et de leurs pratiques… Les influences sont multiples. À titre d’exemple, on peut citer les trois suivants.

« le musée est un lieu pérenne » : une influence sur la conciliation entre le pilotage de court terme et le pilotage de long terme

Une des premières caractéristiques du musée est celle d’un lieu pérenne. Cette notion induit des conséquences sur le pilotage de court terme et de long terme, avec une distinction entre ce qui est de l’ordre conjoncturel et structurel.

C’est dans le temps que le musée s’est construit et qu’il continue à se développer. Une des plus value du musée, par rapport à d’autres institutions, réside dans cette inscription dans le temps d’un lieu qui permet le lien entre passé présent et avenir. Le musée est ancré dans une histoire, par l’intermédiaire des collections, témoins du passé. Il s’inscrit également

9 « Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation »10 Titre IV – Régime des musées de France - Chapitre 1er - Définition et missions : L. 441-2… « Les musées de France ont pour missions permanentes de : a) Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ; b) Rendre leurs collections accessibles au public le plus large ; c) Concevoir et mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à assurer l’égal accès de tous à la culture ; d) Contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu’à leur diffusion. »

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Du Muséum au Musée des Confluences18

dans le présent en intégrant les nouvelles évolutions de la société, démographique, sociale… mais aussi au niveau des nouvelles pratiques des publics, avec l’introduction des nouvelles technologies ou en prenant également en compte les nouveaux rapports qu’entretiennent les publics, réels ou potentiels avec le lieu musée. Le musée doit aussi faire changer son image de lieu fréquemment considéré comme statique et réservé à une élite. Aujourd’hui, les publics s’attendent à trouver un lieu dynamique. Enfin, il doit s’inscrire dans l’avenir, permettre en partie de réfléchir dans la perspective de demain et de mieux intégrer les enjeux contemporains. En ce sens, le musée se place aussi dans une perspective citoyenne. C’est en partie cette plus value d’un lieu entre passé, présent et avenir qui donne au musée sa légitimité et notamment pour traiter des questions de société.

La démarche d’évaluation intègre dans cette optique cette notion de durée. Elle apporte des éléments qui permettront de construire dans le temps la relation « publics / musée » en distinguant ce qui relève du court terme, du moyen terme et du long terme. Le pilotage de court terme est nécessaire et des outils sont construits pour répondre à cette exigence, les indicateurs répondent en partie à cet impératif. En effet, des réajustements doivent être opérés afin que le musée atteigne ses objectifs de développement des publics et d’amélioration de sa relation avec les publics. Cette notion sous entend que le musée doit être opérationnel, face aux variations ponctuelles qui peuvent survenir. Les éléments conjoncturels qui se présentent doivent être pris en compte et le musée doit intégrer les tendances actuelles. Le musée doit être un lieu réactif. En même temps, le musée se construit sur le long terme. Il doit pouvoir se projeter et se replacer dans une perspective de plus long terme. Il doit anticiper, prévenir et s’adapter aux facteurs à venir. Dans ce sens, l’anticipation, la prospective et la projection doivent également être intégrées. On peut citer à ce titre l’étude réalisée par l’INSEE pour le département du Rhône concernant l’évolution démographique du département « Projections de la population du département du Rhône à l’horizon 2020 ». Ce type de résultats doit être pris en compte, pour envisager la composition des publics de demain, avec une projection d’une forte progression des plus de 60 ans et la continuité du phénomène de la périurbanisation11. D’autres éléments, qui peuvent agir sur les comportements de demain, doivent être pris en compte comme l’apparition du livre numérique, éléments qui peuvent agir sur les comportements de demain.

« le musée est un lieu accessible à tous » : une influence sur la prise en compte des attentes des publics

La question de l’accessibilité au musée est complexe. Elle s’entend à différents niveaux : l’accessibilité physique (circulation intérieure au bâtiment et signalétique, accès aux dispositifs, fatigabilité de la visite, accès aux

11 INSEE

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personnes en situation de handicap, hauteur des vitrines pour les enfants, transport locaux et développement durable…), l’accessibilité au contenu (dispositifs compréhensibles pour différents niveaux de lecture…) et enfin, l’accessibilité sociale (prendre en compte la diversité culturelle, la mixité sociale…). Cette notion d’accessibilité a des conséquences sur les moyens que le musée doit mettre en œuvre pour la rendre possible. À titre d’exemple, concernant l’accessibilité sociale, le musée doit fixer un prix d’entrée qui ne soit pas un frein à l’entrée au musée. Cette notion d’accessibilité a également des conséquences sur la prise en compte de la diversité des publics et de leurs attentes.

Le domaine des attentes des publics est très vaste. Les attentes peuvent concerner aussi bien les domaines du confort de visite ou d’accessibilité au musée, de l’offre globale, des thèmes souhaités par les visiteurs, des dimensions mêmes de l’expérience de visite, ou encore des formes de traitement muséographique (immersif, participatif, ludique, contemplatif…) … Évoquer la question des attentes des publics, c’est évoquer aussi la question de leur traitement. En effet, répondre aux attentes des publics, ce n’est pas répondre à une liste de demandes, à une énumération de points. C’est au musée de hiérarchiser celles-ci et d’y apporter des réponses.

Certaines attentes, et notamment celles qui concernent les critères d’accessibilité physique, doivent être prises en compte car ces mesures sont nécessaires à l’attractivité du musée. Ce sont des facteurs indispensables pour favoriser l’accès au lieu et à ses contenus. Ces critères sont en lien avec des catégories de visiteurs. Par exemple, le nouveau visiteur sera plus sensible à la signalétique, tant externe, pour accéder facilement au lieu, qu’interne pour se mouvoir et repérer facilement l’offre proposée. Pour les groupes scolaires, les temps de préparation à la visite et à la sortie du musée sont des impératifs ; ils seront sensibles à une mise en condition facilitée de la visite (vestiaire, lieu pour se réunir…). On peut encore citer les moyens à mettre en œuvre pour l’accès aux personnes en situation de handicap :

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rampes pour fauteuils roulants ou encore traduction des textes en langues étrangères, pour attirer le public touristique. Le traitement de ces attentes est source de renouvellement des visiteurs et de satisfaction pour ceux qui sont déjà venus. Par contre, ne pas répondre aux attentes est aussi une façon de surprendre les publics. Traiter d’un sujet en prenant des pistes ou des angles d’approche décalés peut susciter leur curiosité et créer un effet de surprise. C’est là aussi que réside la capacité de l’institution à surprendre, à innover afin d’attirer de nouveaux visiteurs, pour lesquels l’inattendu est source de curiosité. À titre d’exemple, en 2000, au moment de l’encéphalopathie spongiforme bovine, le musée a choisi de traiter de cette question en programmant l’exposition Vache folle, donnant la parole à des scientifiques, des éleveurs, des consommateurs, des juristes… mais de façon décalée sur la forme en prenant le parti de l’humour avec des illustrations de Plantu, en opposition au catastrophisme ambiant.

De plus, intégrer les attentes des publics n’est pas synonyme d’un contrôle des goûts, afin de fournir une prestation uniforme, produite dans un esprit de consensus pour satisfaire le plus grand nombre. Pour le musée, intégrer les attentes des publics, c’est faire émerger ce qui relève d’une proposition collective et de ce qui relève des particularités individuelles, pour capter l’attention à ce double niveau, collectivement et individuellement.

« le musée est un lieu d’éducation et de délectation » : une influence sur le choix des indicateurs et l’introduction du qualitatif

Le musée a également une finalité « d’éducation et de délectation ». Le musée doit permettre de vivre une expérience fondée sur les dimensions de la connaissance et de l’enchantement. La plus-value du musée est cette transmission de connaissances, de contenus qui répondent à une éthique. C’est une conséquence importante pour le musée. Non seulement le musée doit être un lieu fréquenté et accessible, mais il doit également être un lieu d’influence.

Cette notion a des conséquences directes sur la mise en place et la construction d’indicateurs adaptés aux objectifs propres du musée. En effet, la mise en place d’indicateurs suppose une réflexion en amont pour prendre en compte les objectifs institutionnels. À ce titre, les indicateurs mis en place au musée doivent tenir compte de ces dimensions « qualitatives » et intégrer la diversité des fonctions du musée (collections, expositions, médiations, moyens…) la diversification des profils, la distinction entre l’impact d’une offre globale et d’une offre en particulier (une exposition, une médiation, un événement…), ou encore les nouvelles dimensions à venir comme la diversité culturelle, la dimension économique, le développement durable… Le choix d’indicateurs ne peut se contenter de se limiter aux notions de confort, de services, d’accueil, à ce qui relève de l’expérience de visite vécue

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21Pratiques d’évaluation

du côté du « visiteur usager »12. Mais il est important d’élargir le champ des indicateurs du côté du « visiteur acteur », c’est-à-dire en prenant en compte la dimension culturelle liée aux expositions, aux médiations… Au musée, les principales sources des indicateurs sont les données de billetterie et les enquêtes menées auprès des publics. Si la première enquête mise en place était une enquête de satisfaction, rapidement, l’outil a dû être adapté pour intégrer de nouveaux indicateurs propres au musée et devenir le sondage du musée. Les dimensions de plaisir et de convivialité ont été intégrées ainsi que celles du questionnement et de la réflexion, mais aussi l’intérêt vis-à-vis de l’ensemble des dispositifs muséographiques (images, facilité d’utilisation des interactifs…). De plus, ont été intégrées des notions telles que les diverses utilisations liées aux formes de médiations, l’idée du prolongement de la visite du musée ou encore les usages de la visite a posteriori… Au niveau des questions ouvertes de la rubrique « commentaires ou suggestions », certaines plus « calibrées » ont été proposées pour optimiser les taux et la qualité des réponses (points forts et à améliorer ou des questions de prospective). De nouvelles variables sont encore à prendre en compte comme l’utilisation du numérique.

Mais l’introduction de variables dites plus « qualitatives » comme « l’apport de connaissance », de plaisir et de convivialité nécessite aussi pour être mieux comprises de prendre en compte la parole des publics. Cette parole et notamment le récit d’expérience sont d’autant plus nécessaires que les indicateurs ne sont pas suffisants pour traduire, du côté des publics, l’ensemble des dimensions qui reflètent l’impact d’une action culturelle. L’indicateur ne permet pas à lui seul de tout montrer, de tout dire, de tout prévoir. Parce que la réalité est bien plus complexe. Pour cela, la démarche d’évaluation a besoin d’introduire une approche plus qualitative de la relation que le visiteur entretient avec le musée pour éclairer cette complexité de l’expérience vécue. À titre d’exemple, si les indicateurs peuvent mesurer un succès de fréquentation, il est nécessaire de faire appel à la parole des visiteurs pour évaluer le succès d’influence de la programmation culturelle ou d’une exposition. Le succès d’influence étant entendu comme la propension du musée à transmettre des réponses et à susciter une réflexion et un questionnement, en cours de visite ou a posteriori. En ce sens, la mise en place de la démarche d’évaluation au sein du musée a été faite pour aller au-delà de la simple mesure ou contrôle de la conformité des actions, a posteriori.

12 Les études de publics : recherche fondamentale, choix de politiques et enjeux opération-nels (J. Eidelman et M. Roustan) ; La place des publics, De l’usage des études et recherches par les musées, La documentation Française, 2008.

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Du Muséum au Musée des Confluences22

les critères de garanties liés à la démarche d’évaluation : efficience, cohérence, partage, éthique

Une évaluation, qu’elle concerne une lecture transversale de résultats, une action particulière ou encore les moyens associés, doit apporter des garanties de fiabilité. Et ce pour être légitime et digne de confiance. En effet, les enjeux liés à la restitution des résultats ont des conséquences au niveau des orientations d’une institution, ils peuvent soulever des échecs ou pointer des éléments émergents. Il importe, dans ce cadre, de définir des garanties via l’élaboration de critères. Il est ressorti de ces dix années d’études que quatre types de garanties étaient particulièrement nécessaires : l’éthique, le partage, l’efficience et la cohérence.

Le critère de l’éthique garantit le respect des règles juridiques et professionnelles concernant les méthodes, les outils et les analyses. Il importe d’intégrer les règles juridiques qui régissent la sollicitation des publics (l’usage des catégories ethniques en sociologie, interroger le public en dessous de 15 ans sans accord préalable ; respecter l’anonymat des personnes interrogées). De plus, chacun des outils utilisés répond aux règles de la discipline (exemple de la taille d’un échantillon en statistiques) et qui génèrent des contraintes et des précautions particulières (exemple : pas de statistiques en dessous d’une certaine taille d’échantillon, problème de la récurrence dans le recueil de la parole…).

Le critère de cohérence est la cohésion qui doit apparaître entre une question ou un objectif, une méthode ou des outils, des résultats, une ou des analyses, un raisonnement et les résultats annoncés. Il impose une posture de distanciation permettant d’avoir conscience de fournir un angle de lecture particulier, d’opérer des choix d’analyse et de prendre des précautions quant à la généralisation des résultats ainsi qu’à leur transposition. L’étude d’évaluation possède un caractère subtil, empirique. Lorsque l’on donne du sens aux résultats, les interprétations sont soumises à une part non tangible et subjective qu’il convient de prendre en compte. En ce sens la démarche d’évaluation, dans sa phase analytique, fournit un regard situé. Il n’y a donc pas de neutralité ou d’objectivité. Qu’une étude porte sur un objet spécifique (une action culturelle par exemple) ou sur une orientation plus générale (l’élargissement des publics) elle fournit un ensemble d’éléments (résultats obtenus par différents outils) composés de données quantifiables et ou de données qualitatives, propose une analyse, une interprétation de ces données. Dès le choix de la méthode, un parti pris est opéré, identique pour l’ensemble des étapes suivies (recueil et échantillonnage, résultats et pistes d’analyse).

Le critère du partage permet de poser la contrainte liée à la compréhension des résultats et celle d’un lexique commun afin que les résultats soient entendus et compris par tous pour pouvoir être débattus. Les résultats n’appartiennent pas à l’évaluation. L’étape essentielle, pour les acteurs du projet est celle de la diffusion et de la restitution. La démarche d’évaluation cherche à faire en sorte que les résultats soient entendus et compris par

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différents interlocuteurs. Autrement dit, les rendus évitent d’utiliser le jargon associé à une discipline en particulier ou à des dimensions trop techniques pour s’adapter au niveau de compréhension de chacun. Une évaluation est partagée parce qu’elle intègre aussi en amont les questionnements des équipes du musée et pas seulement les objectifs propres à l’action en question. La notion de partage se pose également avec l’externe, du côté de la communauté muséale et des chercheurs associés à ce champ. Des initiatives comme celles de mettre en ligne des études sur le site web du musée devraient être plus systématiques afin de capitaliser, comparer et faire évoluer les pratiques d’études au sein des institutions muséales13. Il importe de valoriser les résultats empiriques dans une perspective plus réflexive, élargie au secteur professionnel en répondant à des appels à contributions sous forme d’articles ou d’interventions en colloques, séminaires ou tables ronde.

Le critère de l’efficience est quant à lui, lié à l’intégration des résultats, que ce soit au niveau opérationnel ou au niveau réflexif. Une étude d’évaluation et les résultats qui s’y rattachent visent l’efficience, notamment en vue d’une intégration des résultats. Selon les actions évaluées et les questions soulevées, l’intégration opérationnelle ou réflexive sera plus particulièrement privilégiée. En termes opérationnels, l’étude peut générer des actions de réajustements ou de validation et, d’un point de vue réflexif, les résultats constituent une base pour amorcer des échanges au sein des équipes. Enfin, la démarche de diffusion des résultats (qu’ils concernent des indicateurs ou la parole des publics) propose systématiquement un cadre d’interprétation pour pouvoir les situer dans un contexte spécifique, amener des pistes d’analyse et d’interprétation au regard des objectifs préalables ou bien du côté de questions émergentes. Le cadre d’interprétation entoure les résultats d’évaluation d’un contexte qui prend en compte les paramètres de compréhension des résultats (changements intervenus, lieu, période, conditions particulières, jauge d’accueil…) et d’une analyse qui permet de donner du sens aux données brutes, de mettre en lien les résultats, de soulever des pistes de réflexion.

Tous ces critères sont étroitement liés, sans éthique, il n’y a pas de cohérence ; sans cohérence, il n’y a pas de confiance ; sans confiance il n’y a pas de partage ; sans partage, il n’y a pas d’efficience.

13 Comme c’est le cas des études du parc de la Villette, Paris, mises en ligne dans l’espace Ressources, depuis la page d’accueil du site. Réalisées par la direction de la communication et des publics, elles concernent des études sur les usagers des espaces de plein air et les publics de la plupart des manifestations qui ont lieu au Parc de la Villette depuis 1994 (télé-chargeables en PDF).

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Du Muséum au Musée des Confluences24

n la mise en application du programme « Visiteurs en tête »

le programme « Visiteurs en tête »

Au Musée des Confluences, il s’agit de recentrer les activités du musée en direction des publics. Le principe a été de mobiliser l’ensemble des équipes sur le principe d’une démarche participative : « Le défi n’est pas uniquement d’écrire un projet culturel et scientifique, mais bien de le partager, et ainsi, de l’enrichir. Tous les membres de l’institution doivent comprendre le même projet »14.

La démarche est associée à la programmation culturelle de préfiguration, dès le démarrage de celle-ci en 2000. Les principales missions sont la considération des préoccupations des publics, en prenant en compte leurs satisfactions, leurs perceptions, leurs attentes, leurs besoins, l’amélioration de la relation « publics / musée » pour que le musée devienne « un lieu fréquenté et non visité ». L’enjeu est également de professionnaliser les fonctions, les équipes. L’ensemble du personnel est impliqué, notamment par l’intermédiaire de groupes de travail qui réunissent des équipes issues de services différents de façon transversale : « le mandat de ces équipes est de poursuivre à long terme une réflexion approfondie sur les parcours de nos différents publics tout en mettant en œuvre des actions immédiates ». Les questions posées par la démarche peuvent être formulées de la façon suivante : le visiteur est-il satisfait de son expérience de visite au musée ? Quels sont les points de satisfaction et d’insatisfaction ? Comment le musée peut-il s’améliorer sur les différents éléments rencontrés dans le parcours de visite des publics ?

C’est dans ce cadre que les premiers outils de la connaissance des publics ont été mis en place : statistiques de fréquentation, cahier des visiteurs, enquêtes de satisfaction, études d’attentes et de réception…Les premiers résultats ont permis de faire un état des lieux, de poser le cadre dans lequel se sont inscrites les actions d’amélioration menées par le musée et d’élaborer des indicateurs visant à refléter l’impact de l’offre culturelle et des moyens associés auprès des publics.

14 Conférence consacrée aux lieux de la muséologie, M. Côté, 2006.

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25Pratiques d’évaluation

le lancement du programme « visiteurs en tête »

1999 - Première étude sur les attentes des publics « Les attentes des

publics d’un musée de sciences et sociétés à Lyon »15.

2000 - Janvier à juin : rénovation de l’accueil et remise en conformité

d’une salle d’exposition pouvant accueillir les présentations d’envergure nationale et internationale, adaptée aux prêts importants qui nécessitent des conditions particulières d’accueil (taux d’hygrométrie…).

- Mai : la démarche qualité est personnalisée avec la dénomination « Visiteurs en tête ». Un logo est associé. Un comité de pilotage est constitué. Un travail impliquant l’ensemble du personnel est réalisé pour déterminer le parcours de visite des publics. À la suite, des indicateurs sont mis en place afin de mesurer la satisfaction des publics concernant des points particuliers tels que la signalétique, l’accueil, les aires de repos…

- Juin : première enquête menée auprès des publics (pour le lancement de la programmation culturelle avec l’exposition Lunes) et premiers résultats. À partir de ces résultats, un plan d’action est défini suivant l’identification des points à améliorer et des points forts soulevés. Des groupes de travail sont formés, avec un principe de décloisonnement des services, pour que les compétences et les différentes fonctions soient représentées pour traiter d’un sujet donné. Suite à des réunions, les différents groupes rendent un travail opérationnel, à partir duquel des actions de réajustement peuvent être engagées.

- Décembre : première restitution des résultats auprès de l’ensemble du personnel du musée. Au total, neuf sondages ont été réalisés au musée. Ces résultats sont restitués annuellement à l’ensemble du personnel.

15 Une étude exploratoire sur les attentes des publics d’un musée de sciences et sociétés à Lyon, est menée par Expo + en novembre 1999.

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Du Muséum au Musée des Confluences26

De la nécessité des indicateurs aux questions qu’ils posent

Les indicateurs ont concerné l’offre culturelle globale, l’expérience de visite, mais aussi les actions culturelles, les expositions, les médiations, les espaces découvertes, la communication, la tarification et l’accueil des publics. Les indicateurs visent à amener un éclairage sur la contribution des actions à l’objectif commun du développement des publics et sur la réalisation d’objectifs propres à chaque type d’action menée. La création d’observatoires, toujours d’actualité, qui appartiennent à des champs multiples, comme le secteur social, économique, environnemental, culturel… montre cette nécessité de la mesure chiffrée comme base de la connaissance d’impact des politiques. Les indicateurs permettent de mieux connaître les publics, de se positionner par rapport à d’autres institutions d’un même secteur, de se situer dans le temps, de percevoir des évolutions, d’amener des proportions, de prendre des mesures pour opérer des réajustements…

Si leur nécessité est reconnue, leur mise en place est délicate et entraîne des précautions, des interrogations, parfois des contradictions. Est-ce que tout est mesurable ? Comment quantifie-t-on la performance dans la culture ? Quels indicateurs rendent réellement compte du reflet et de l’impact des activités ? Peut-on réduire au seul indicateur de fréquentation, l’impact d’une programmation culturelle ?… Ces interrogations multiples et parfois complexes font que la méthode n’est jamais acquise, qu’elle évolue au fil du temps et en cela, ne comporte pas de recettes ni de modèles. À partir de l’expérience menée au musée, on peut plus particulièrement citer les questions suivantes :

n Quelle forme d’indicateur ? Lorsque l’on parle des indicateurs, il y a parfois une confusion entre des indicateurs et des mesures ou des données statistiques. C’est une des difficultés à cerner : ce qui relève d’un indicateur stratégique et ce qui s’apparente à des données statistiques. Un indicateur décisionnel est la traduction en terme opérationnel d’un objectif. De plus, il est nécessaire d’introduire des indices qui sont obtenus à partir d'indicateurs appartenant à une dimension commune, exemple de l’indice de satisfaction qui agrège le taux de satisfaction de l’expérience de visite, le taux de recommandation de l’établissement et les intentions de retour déclarées.

n Comment hiérarchiser et structurer les indicateurs ? Comme toute hiérarchisation, définir les priorités est dépendant de l’angle où l’on se place. Les indicateurs ont vocation à être communiqués, généralement sous forme de tableaux de bord, pour lesquels il faut prendre en compte les différents niveaux d’utilisation et de cible. La structure, ou la hiérarchisation, doit prendre en compte différentes formes de classifications : par objectifs institutionnels, par fonctions (publics, moyens, production culturelle, collections), par niveaux (majeurs et déclinés), par type d’actions (actions menées et impact des actions)...

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27Pratiques d’évaluation

n Quels types de comparabilité sont nécessaires ? On en distingue trois qui sont particulièrement importants pour le musée : la comparabilité dans le temps, les indicateurs doivent être maintenus dans le temps pour percevoir des variations et être analysés ; la comparabilité à d’autres institutions du même secteur, pour pouvoir se situer et enfin, la comparabilité à la population nationale, car c’est la population de référence en matière de démocratisation culturelle. Dans ce cas la source peut être l’INSEE.

n Jusqu’où aller dans la création d’indicateurs ? Avoir un grand nombre d’indicateurs est-il synonyme d’un meilleur reflet des activités du musée ? Les indicateurs ne sont pas exhaustifs et il y aura toujours des données que l’on ne connaîtra pas et penser que les indicateurs montrent tout serait source d’une mauvaise interprétation. De plus, il faut prendre en compte la nécessaire évolution des indicateurs. Tantôt tel indicateur sera pertinent, tantôt d’autres devront être intégrés, ne serait-ce que pour répondre à l’évolution des pratiques culturelles des publics. Les indicateurs ne sont donc pas figés, même si leur constance est indispensable pour être comparés dans le temps.

l’équilibre entre le principe de la rationalisation et le principe de l’innovation

La mise en pratique de la démarche qualité a également été l’occasion de poser la question de la conciliation entre deux objectifs a priori incompatibles : la rationalisation, induite par la démarche d’évaluation et l’innovation, intimement liée à la pérennité et au succès du musée. L’innovation et la rationalisation sont deux défis attachés étroitement à l’avenir des musées. D’un côté, le musée a besoin de conduire une démarche d’évaluation pour mieux connaître les publics, mais aussi afin d’amener des éléments d’aide à la décision, de fournir des données pour accompagner le pilotage et l’atteinte des objectifs. La démarche d’évaluation répond à un critère d’efficience de l’organisation et permet de limiter les risques.

D’un autre côté, le musée a besoin d’innover, de faire preuve de créativité, pour surprendre et être attractif. L’innovation génère de l’incertitude, innover c’est prendre des risques. L’innovation est d’autant plus nécessaire pour le musée que celui-ci doit s’intégrer de façon différente dans son environnement et tenir compte des évolutions de la société et des pratiques culturelles.

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Du Muséum au Musée des Confluences28

1 - De la notion de confort de visite à la notion d’accessibilité

Présentation Un sondage annuel est mis en place dès 2000, en parallèle à la programmation culturelle. Les indicateurs du sondage permettent d’apporter à l’institution une mesure de l’expérience globale de visite des publics, autour des pratiques culturelles, des expositions, des médiations et des moyens associés (tarification, communication, accueil, confort de visite). En parallèle, des enquêtes ciblées sont réalisées lors d’actions menées hors les murs, reprenant certains indicateurs issus du sondage, notamment sur le confort de visite.

Méthode Parmi les indicateurs du confort de visite, celui concernant la lisibilité des textes a fait l’objet d’une analyse transversale des résultats, à partir des résultats chiffrés et de la parole des publics concernant cette question (commentaires spontanés ou obtenus dans le cadre d’entretiens).

Résultats

De la notion de confort de visite à la notion d’accessibilité Les critères généralement perçus comme un confort de visite du côté du musée, éléments qui permettent d’améliorer la visite comme les aires de repos, la lisibilité des textes, les éclairages…, ont en fait une influence beaucoup plus grande du côté des publics. La notion d’accessibilité au contenu reflète bien plus cette réalité. En effet, si les enfants n’atteignent pas les vitrines pour voir les objets, si les dispositifs muséographiques ne permettent pas à une personne en fauteuil roulant d’utiliser celui-ci, si la taille des caractères des textes est trop petite pour permettre leur lecture…, alors on n’est plus sur des questions de confort mais sur des questions d’accessibilité.

Exposition Dinosaure. © Musée des Confluences.

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29Pratiques d’évaluation

les taux de satisfaction de la lisibilité des textes L’indicateur « lisibilité des textes » présente une insatisfaction importante au Muséum, pour les sondages réalisés entre 2002 et 2006 : jusqu’à 32% des répondants aux sondages se sont déclarés « insatisfaits ». De façon ponctuelle, l’indicateur enregistre une satisfaction plus importante suite au travail d’amélioration, réalisé par les équipes. Mais, lors de l’événement « Un dinosaure en presqu’île », les textes d’exposition ont fait l’objet d’une attention particulière, à titre expérimental, en prenant en compte l’ensemble des critères liés à la lisibilité des textes (positionnement, taille des caractères, couleur, forme…). Le résultat a été immédiatement approuvé par les publics et seulement 4% des répondants de l’enquête ont déclaré une insatisfaction concernant la lisibilité des textes.

Quelle est votre satisfaction concernant la lisibilité des textes d’exposition ?

au muséum, fourchette haute et fourchette basse

(2002 – 2006)

Source : sondages réalisés entre 2002 et 2006, au Muséum sur

l'ensemble de la programmation

Source : enquête réalisée en 2009 à la chambre de commerce

et d’industrie de Lyon

a la C.C.I. événementUn dinosaure en presqu’île

(2009)

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Fourchette basseFourchette haute

Concilier la créativité et la mise en place de normes Ces constats précédemment évoqués poussent à réfléchir à la mise en place de normes concernant l’accessibilité physique aux expositions, comme par exemple un coefficient de lisibilité des textes d’exposition pour garantir aux publics l’accès aux contenus. Si dans la démarche d’accessibilité ce type de « rationalisation » est intéressante, quant est-il de la « créativité » dans l’exposition ?

Source : « Un dinosaure en presqu’île : une exposition équilibrée entre émotion, connaissance et plaisir… », C. Allainé, septembre 2009.

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Du Muséum au Musée des Confluences30

Entre ces deux notions, de rationalisation et d’innovation, des nuances s’insinuent et les frontières paraissent plus subtiles dès lors que l’on associe au musée la vocation d’intégrer les publics comme un acteur du projet. Si l’un des rôles de la démarche d’évaluation est de limiter l’incertitude, il n’en demeure pas moins que celle-ci doit laisser la place à la créativité et à la pertinence des choix artistiques. Doit-on arrêter une action qui ne répond pas entièrement aux objectifs ? Doit-on prendre en compte toutes les attentes des publics ? Ces questions sont centrales pour le musée. Cela revient aussi à dire, comment prendre en compte les résultats des outils d’évaluation ? Mais le musée doit rester maître de son outil pour ne pas être instrumentalisé par l’outil. L’outil n’est qu’un instrument qui doit être contrôlé et à partir duquel le musée doit décider et mettre en perspective des résultats, des valeurs, des orientations. Toute la difficulté est de donner du sens aux résultats. L’évaluation permet de réajuster ses innovations et de contribuer au final à un processus d’apprentissage. Mais l’évaluation ne doit pas figer l’innovation, au contraire elle doit être en accompagnement. Ces dimensions doivent se compléter et s’auto alimenter, plutôt que s’opposer.

Créer un format type du temps d’écoute d’une vidéo ?

Si on s’intéresse aux formats des dispositifs audio et vidéo, les durées d’écoute varient significativement d’un projet à l’autre or la visite s’inscrit dans un temps donné qui conditionne parfois un temps d’écoute limité. Les études montrent que, au-delà de vouloir « formater » ou définir un format type d’écoute des vidéos, c’est avant tout la mention du temps d’écoute sur les dispositifs audio qui est apprécié des publics. Il importe que les équipes de conception intègrent la durée d’écoute dans l’élaboration des contenus (le quantifient par rapport à l’ensemble et à la durée moyenne de visite estimée) pour que le visiteur puisse gérer sa visite.

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31Pratiques d’évaluation

n un bilan de l’intégration des publics comme acteurs du projet

Positionner les publics comme acteurs du projet et construire la relation « publics / musée »

Un des principaux résultats de la mise en place de la démarche qualité est la convergence de l’ensemble des équipes, dans la diversité de leurs fonctions, vers un objectif commun, celui du développement des publics. Ce repositionnement des publics au cœur des activités s’est réalisé en deux temps : celui de la sensibilisation puis celui de la considération. La phase de sensibilisation s’est traduite par la prise de conscience des spécificités des publics, que la masse « public » n’est pas une masse homogène. Les visiteurs sont multiples, aussi bien dans leurs profils, dans leurs statuts que dans leurs modes de réception mais aussi leurs modes d’appropriation. Dans un deuxième temps, s’est opérée l’étape de la considération avec l’apparition de changements de pratiques. La transition entre la sensibilisation et la considération des publics s’est faite une fois que l’évaluation ait permis d'apporter une meilleure connaissance des publics.

Influencer les changements de pratiques en interne

Les changements de pratiques sont intervenus parallèlement à celui du statut des publics quand de cibles ils sont passés acteurs. Ce repositionnement s’est installé progressivement. Les résultats n’ont pas pour vocation d’enfermer l’action dans une dimension purement quantitative (comme le succès de fréquentation) mais aussi de l’ouvrir à une dimension qualitative (comme le succès d’influence). Les résultats peuvent traiter des échecs de façon constructive. L’intégration des résultats d’évaluation est une notion complexe, car elle est soumise à des facteurs implicites, comme le temps (temps de l’acceptation du sens critique, éclairage sur le mode d’emploi du cadre d’interprétation des résultats d’évaluation, la confiance (parler de la fiabilité des outils mais aussi de leurs limites, mise en place de critères de garanties…), mais aussi la compréhension (dans le dialogue, la diversité des fonctions obligent à une diversité de formes de restitution…). La démarche d’évaluation s’inscrit dans un processus continu.

De façon concrète, le changement de pratiques s’est traduit par :- l’intégration des représentations des publics dans les actions culturelles ;- des actions concrètes de réajustements ;- des débats autour des résultats ;- la prise en compte de questions émergentes ;- l’intégration des résultats pour poursuivre les projets (exemple : prise en

compte des résultats dans le cas des événements à la CCI, de l’événement Label Bêtes…) ;

- des réactions rapides en cas de retours… (exemple de la prise en compte des commentaires issus du cahier des visiteurs avec constitution d’un fichier pour envoyer la programmation culturelle).

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Du Muséum au Musée des Confluences32

Introduire une dimension opérationnelle

La dimension opérationnelle qui permet d’engager des actions concrètes et la dimension réflexive, qui permet de s’interroger, sont deux dimensions autoalimentées. Une partie des résultats obtenus sont concrets et permettent d’apporter des éléments de décision quant à la validation d’un principe (exemple des visites singulières) ou de proposer des réajustements (exemple de l’augmentation de l’offre de médiation) ou encore de mettre en place de nouvelles actions, notamment en direction de publics qui présentent des spécificités quant à leur accessibilité au musée.

Les actions d’amélioration du parcours de visite et le développement des médiations et activités culturelles - attentions particulières portées à la fatigabilité de la visite, - adaptation de la hauteur des vitrines pour permettre l’accessibilité

d’un public enfant à la vision de collections…- obtention du label « Handicap et tourisme », - mise en place de formations professionalisantes pour le personnel

d’accueil,- mise en place d’un module d’information à l’accueil,- meilleure connaissance de l’offre et des contenus culturels par le

personnel d’accueil, - constitution de fichier « visiteurs » pour l’envoi de la programmation,- intégration des notions de confort, - réponse à la question de l’accessibilité au contenu, - développement des propositions de médiations (dans la forme et

les contenus…),- réflexion sur la dénomination des différentes formes de médiations

et de l’identification des médiateurs…

Les indicateurs ont donc aussi cette fonction de suivi des activités proposées par le musée. À titre d’exemple, les taux de satisfaction mis en place autour des médiations ont permis d’amener des informations sur leur réception par les publics.

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33Pratiques d’évaluation

2 - Introduire des lectures subjectives au musée

Présentation

Les visites singulières sont des médiations réalisées par des intervenants extérieurs au musée, dans l’idée de proposer aux publics des regards subjectifs. Ces lectures peuvent présenter différentes facettes – lecture d’un scientifique, d’un artiste ou un acteur de la vie publique …– et invitent le visiteur à suivre ce parcours singulier de l’exposition. La médiation intervient généralement dans l’espace même de l’exposition. Les formes sont variées selon la spécialité de l’intervenant, parcours dansé, parcours littéraire …

Méthode

Des enquêtes ciblées sont réalisées auprès des participants des visites singulières. Afin de confirmer les résultats, deux séries d’enquête ont été réalisées, l’une pour le cycle proposé dans le cadre de l’exposition Fantaisies de harem et nouvelles Schéhérazade [dans le graphique, « visite singulière (1) »] et l’autre lors des visites proposées dans le cadre des expositions Commerce équitable et Ni vu, ni connu [dans le graphique, « visites singulières (2) »].

Résultats

les visites singulières ont mobilisé un public d’adhésion Les taux de satisfaction et les commentaires inscrits dans les enquêtes montrent une forte adhésion des publics, en soulignant les apports de connaissance, de surprise, de convivialité ou de plaisir. Le graphique « taux de satisfaction de l’expérience de visite » montre que la part du public nuancé (répondants qui déclarent une expérience de visite « assez satisfaisante») est relativement réduite, respectivement de 16% et 17% pour les deux cycles étudiés.

les différents modes d’approche ont suscité des apports complémentairesDans l’ensemble, les participants soulignent la qualité des intervenants, de leur interprétation des œuvres et l’exploitation de l’espace. 83% des répondants s’expriment sur les points forts de leur participation. On peut articuler la plus value du cycle autour de quatre dimensions : le sentiment de rendre vivant le musée, l’apport d’un nouveau regard, l’émotion et l’originalité au travers des liens proposés entre œuvres, textes et spectacle vivant. Selon les types d’intervention (spectacle dansé, regard d’un photographe, conférence d’un spécialiste, regard d’un collectionneur…), les dimensions associées à l’expérience (connaissance, plaisir…) ont été différentes.

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Du Muséum au Musée des Confluences34

taux de satisfaction de l’expérience de visite

cycle de visites singulières (1) et (2)

Carte d’analyse factoriellecycle des visites singulières

(1)

Exceptionnel

Très satisfaisant

Assez satisfaisant

Peu et pas du tout satisfaisant

13%

68%

16%

3%

Visites singulières (1)

10%

17%

Visites singulières (2)

0%

73%Visiteur occasionnel

Apport de connaissance

Apport d'émotion

Aspect surprenant

Aspect de plaisir

Axe 2 (21.0%)

Axe 1 (75.6%)

Nouveaux visiteurs

Visiteur régulier

ParCours Danse

regarD PlastIQue

regarD D'artIstes

regarD lIterraIre

Source : enquêtes de médiation

La carte d’analyse factorielle montre que les différentes approches proposées mobilisent différentes catégories de publics et activent des registres distincts propres à chacun des modes d’expression proposés (approche littéraire, théâtrale, plastique, chorégraphique d’une exposition).

Source : « L’impact des médiations menées auprès des publics du musée », 2004, C. Allainé.

associer une dimension réflexive

En parallèle, l’évaluation endosse une dimension plus réflexive, pour assurer une remise en cause permanente des actions menées et une réflexion constante sur l’offre culturelle et les orientations du musée. Cette dimension réflexive est multiple et se situe elle aussi à plusieurs niveaux. Et les résultats d’évaluation font apparaître, à titre d’exemple, de nouvelles questions autour des notions suivantes : le pacte de confiance, la particularité de traiter de questions contemporaines et de sujets de société, la confusion de l’objectif de la valorisation des collections, la segmentation des publics et la recherche de sens, lieu vivant (participation active, traiter de sujets en lien avec la société)/ lieu statique ; lieu pour tous / lieu élitiste ; la politique humaine au musée, l’ouverture du musée : le musée nomade, hors les murs, le monde virtuel… Les questions peuvent également avoir une dimension prospective comme l’impact des nouvelles technologies dans l’expérience de visite.

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35Pratiques d’évaluation

S’interroger sur la relation « adulte, enfant » dans l’exposition

À titre d’exemple, la relation « adulte, enfant » dans l’exposition apparaît être une question essentielle dans l’appropriation d’une exposition. Par quel intermédiaire l’adulte peut-il transmettre un contenu à l’enfant ? Et avec quels outils ? Comment l’adulte sélectionne-t-il l’information à communiquer à l’enfant ? De quelle façon l’adulte adapte-t-il le vocabulaire à l’âge de l’enfant, à ce qu’il peut comprendre ? De plus, si l’on considère généralement « l’enfant » dans l’exposition, il s’avère que la distinction de plusieurs niveaux de lecture est nécessaire pour prendre en compte à la fois, le jeune public non lecteur, le jeune public lecture débutant, et lecteur plus averti. Des outils ont été testés comme, par exemple, un livret d’accompagnement à la visite, conçu comme dispositif de médiation facilitant l’échange et la transmission intergénérationnels.

tisser des liens entre les différents acteurs

De façon indirecte, l’évaluation contribue à tisser des relations entre les dif-férents acteurs du projet : « publics / musée », relations interpersonnelles en interne ou encore « musée / acteurs extérieurs » (organes de tutelle, partenaires...). Dans la relation que le musée entretient avec des acteurs externes, comme les partenaires ou les organes de tutelle, l’évaluation peut représenter un gage de fiabilité. Cela permet également une transparen-ce sur l’impact des actions menées, au travers des retours d’expériences auprès des publics. Une institution qui intègre l’évaluation à son mode de gestion est une institution inscrite dans une dynamique. Ce volet est parti-culièrement intéressant pour les politiques. Pour les intervenants extérieurs de la programmation culturelle, cette démarche est peu courante. Il faut prendre contact avec eux pour leur préciser les intentions des études qui sont menées et dans lesquelles ils se trouvent impliqués. Les résultats leur sont généralement transmis et les réactions sont généralement positives. Dans la relation impliquant les acteurs de l’institution en interne, l’évalua-tion permet une meilleure connaissance des actions menées et suscite un dialogue et un échange entre les différents services.

L’intégration des résultats d’évaluation dans le cadre des événements présentés hors les murs à la chambre de commerce et d’industrie

Cet exemple montre à la fois le partage d’expérience des équipes à travers la restitution d’une étude en particulier et sa dimension opérationnelle avec l’intégration des résultats dans les éditions futures. Prenons ici pour exemple le dialogue qui s’est installé suite aux résultats d’évaluation de l’exposition Un dinosaure en presqu’île

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Du Muséum au Musée des Confluences36

qui a été intégré à la seconde édition, lors de l’événement Observer, de l’infime au lointain16 :- Au niveau des moyens : prise en considération de la configuration

du lieu (flux entrant, flux sortant) et intégration des différentes fonctions liées à l’entrée et à la sortie de l’exposition,

- Pour la médiation : réalisation d’un livret à destination du public familial pour favoriser l’échange entre l’adulte et l’enfant dans le parcours d’exposition, reconduite de la proposition de rencontres avec des médiateurs « médiation volante » dans les différentes zones de l’exposition ;

- Pour les expositions : prise en compte d’éléments d’accessibilité au niveau de la scénographie (hauteur de vitrines de collection à la porté des enfants, lisibilité des textes, réflexion sur les formats d’images sous-titrées et permettant de voir à plusieurs)…

Un autre résultat, introduit par l’évaluation, est la possibilité donnée aux équipes de conception de pouvoir mettre une distance entre ce qui a été produit et les effets induits auprès des publics, et ne pas craindre d’opérer des changements de pratiques pour améliorer les processus de transmission d’émotions, de connaissances, en fonction des particularités des publics. Ces résultats sont donc à la base de changements de pratiques et l’un des enjeux de l’évaluation est de trouver un langage compréhensible par chacun, afin de donner du sens aux résultats et les partager.

l’évolution des missions liées à la démarche qualité et de façon plus générale, à la performance

L’introduction de ce nouveau mode de gestion, de cette nouvelle organisation amène le musée dans une nouvelle voie. Si un premier bilan de cette étape amène un repositionnement des activités du musée vers l’objectif commun, celui du développement des publics, il reste à poursuivre les actions engagées, les conforter et les développer. Après la sensibilisation aux publics puis à la considération de ceux-ci, il reste à poursuivre la démarche vers une troisième étape, celle de l’intégration en amont des résultats d’évaluation.

16 Février 2009 et 2010 (période des vacances scolaires), Chambre de commerce et d’industrie, Lyon.

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37Pratiques d’évaluation

L’évaluation muséaleSe situer dans un courant disciplinaire

Avant de tenter d’esquisser les contours du champ de l’évaluation tels que nous l’entendons, appliqué au musée et à la spécificité de l’objet culturel, il importe de garder à l’esprit la connotation du concept souvent associé à l’idée de sanction, de notation, de score. Le lien avec l’héritage du milieu scolaire américain n’y est sans doute pas pour rien. Par ailleurs, le contexte récent de la réforme des politiques publiques et de la LOLF (Loi organique relatives aux Lois de Finance, 200617) avec les nouvelles normes de gestion a vu ce terme d’évaluation se généraliser dans une optique de performance et de rentabilité des politiques, des modes organisationnels… sous l’influence des techniques du marketing et du management. Ceci explique à la fois le type de positionnement ou de freins qui émergent lorsqu’on parle d’évaluation et des confusions ou encore des idées reçues associées. La délimitation du champ de l’évaluation relève de trois principaux contextes : celui de l’héritage historique, celui du champ d’application à savoir le domaine culturel et muséal, et enfin celui déterminé par les acteurs.

n l’évaluation, issue des sciences de l’éducation

n le développement de l’évaluation muséale en France depuis les années 80

n l’évaluation et les spécificités de l’objet culturel, du musée et de l’exposition

17 Date de la mise en application de la loi organique aux lois de finances – l’évaluation devient une nécessité pour les secteurs bénéficiant de l’intervention publique.

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Du Muséum au Musée des Confluences38

n l’évaluation, issue des sciences de l’éducation

Précisons ici que la notion d’évaluation muséale est issue des milieux éducatifs américains qui l’appliquent au monde des musées de sciences en s’appuyant sur les théories et méthodes développées en sciences de l’éducation. Si le musée se distingue de l’école par son caractère informel, l’apprentissage n’en demeure pas moins un des buts visés et l’évaluation cherche à vérifier l’atteinte des objectifs d’apprentissage. Les premières études dans les années 20 portent sur la fatigue muséale (Gilman, 1916), puis, dans les années 30, on assiste au développement d’évaluations issues d’approches behavioristes qui portent sur l’observation des comportements des visiteurs (mesure de l’intérêt porté aux éléments d’exposition) et sur la pratique de la visite scolaire dont on souhaite mesurer les effets. L’intention première était de mieux saisir les acquisitions faites par les visiteurs via des tests de connaissances à la sortie d’une exposition. Puis les années 40 marquent un tournant dans les études de public qui – sous l’influence des expositions thématiques et des expositions universelles – se centrent sur la notion d’efficience des expositions. L’objectif de ces études vise à cerner les réactions des visiteurs face aux contenus et à la forme des expositions. Progressivement les conditions de transmission du message dans l’exposition puis de l’expérience muséale (Shettel, 1968) sont analysées. La visée didactique laisse place progressivement à d’autres dimensions comme celles de la découverte, du questionnement, du sens des activités, des modes d’appropriation etc. Au cours des années 80, avec le développement des études sur les interactions, on s’intéresse aux échanges et aux stratégies de lecture (Mc Manus, 1987). Puis l’évaluation a privilégié les méthodes plus qualitatives pour s’intéresser aux constructions de sens opérées.

En parallèle, aux États-Unis et en Angleterre, deux grands courants de recherche dominent les travaux sur les théories de la réception et l’articulation entre médias et publics : ceux orientant leur objet sur l’importance des effets (des messages des médias sur les publics), ou ceux s’intéressant aux messages (des messages des médias par le public). Autrement dit : que font les médias à l’individu ? Ou, qu’est-ce que l’individu fait des médias ?

Abordant l’exposition comme média, on puisera également dans le champ de recherche en communication constitué de cinq grandes traditions qui étudient l’articulation entre medias et publics : la recherche sur les effets ; la recherche sur les usages et les gratifications ; l’analyse littéraire (esthétique de la réception, sémiotique…) ; l’approche culturaliste (« communautés d’interprétation »); et les analyses de réception. Ces dernières relèvent de la sémiologie sociale : en quoi des publics spécifiques diffèrent-ils dans la production sociale du sens ?

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39Pratiques d’évaluation

n le développement de l’évaluation muséale en France depuis les années 80

La démarche d’évaluation s’est véritablement développée en France au cours des années 1980 dans un contexte de politique de créations et de rénovations de musées amenant une innovation muséographique (expositions tempo-raires thématiques scénographiées, propositions de médiations culturelles associées). Contexte qui a contribué au développement d’un secteur de recherche sur les pratiques culturelles, sur l’évaluation (création du département des Études et de la Prospective du ministère de la Culture (DEP), de l’Observatoire des politiques culturelles de Grenoble 1989, de services intégrés aux grandes institutions muséales : département évaluation et prospective de la Cité des sciences et de l’industrie, Grande Galerie de l’Évolution du Muséum national…).

Le développement des études a été fortement impulsé par les musées de sciences et CCSTI (centres de culture scientifique technique et industrielle), « précurseurs d’une autre muséologie » replaçant le visiteur au centre où l’exposition devient un espace où se croisent les savoirs scientifiques, le savoir-faire des médiateurs et l’expérience du public. À l’inverse, dans les musées d’art, la vision traditionnelle du rapport d’un spectateur à une œuvre immédiate et autonome demeure plus longtemps et les questions de médiation, de traduction, de vulgarisation n’ont pas encore été posées. Mais on assiste progressivement à un changement de point de vue substituant ce rapport linéaire à celui d’une rencontre.

le développement de l’évaluation et la nouvelle muséologie

Sous l’impulsion de Jean-François Barbier Bouvet du service des études et de la recherche18 du centre Georges Pompidou (bibliothèque publique d’information) des travaux majeurs sur la lecture ou la réception d’expositions sont menés et une dynamique sur les études de réception lancée (Véron et Levasseur, 1983). Les enquêtes destinées à rendre compte de la manière dont les expositions sont visitées se sont multipliées, en particulier dans les musées développant des expositions thématiques, conçues non pas pour présenter des œuvres ou des objets, mais pour mettre en scène des discours.

Ces recherches illustrent également la portée et l’héritage des réflexions issues du courant de la Nouvelle Muséologie19. Un des objectifs communs de leurs partisans étant celui de détruire « l’escalier monumental du musée. Abolir la distance entre le public (…) ». Et de travailler sur deux voies : la

18 Édition du cahier Peuple et culture n°2 : « Du bon (et du mauvais) usage de l’évaluation. Utilisation et évaluation de l’exposition », 1983, issue des Actes du premier colloque consacré à l’évaluation (8-9 nov.82).19 Ouvrage collectif, Vagues, une anthologie de la nouvelle muséologie. MNES, Mâcon, 1992.

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Du Muséum au Musée des Confluences40

voie médiatique, en donnant au visiteur les codes de lecture des objets, et la voie communautaire, d’écomusée, au sein desquels le public pouvait « non seulement s’approprier les objets mais prendre l’initiative de faire de leur patrimoine le fond du musée. »20. Durant cette période, des rencontres entre professionnels de la muséologie et chercheurs universitaires ont été organisées autour de la question des publics, de l’exposition, de la médiation et ont donné lieu à des publications.

La décennie 1990-2000 sera celle du développement de ce nouveau domaine de recherche qui traverse les sciences sociales et humaines et tend à se formaliser autant du côté du CNRS que de l’université et du ministère de la Culture (direction des Musées de France, département Évaluation et Prospective). On assiste à la création de revues spécialisées (Publics & Musées), de centre de documentation (OCIM), l’organisation de séminaires et colloques internationaux. Des laboratoires orientent leurs recherches en muséologie (réception, médiation, médias…) et des formations diplômantes se créent à l’université via les sciences de l’information et de la communication, l’histoire de l’art et la sociologie autour des « nouvelles sciences du musée ». Parallèlement, la création d’observatoires a permis de capitaliser et comparer des données sur les publics de la culture, des musées - l’observatoire permanent des publics pour les musées nationaux - sur l’évaluation des politiques culturelles (étendue au champ social, économique…).

approches de l’évaluation et champs disciplinaires

- apport de la sémiologie et de la linguistique sur le texte dans l’exposition (M.-S. Poli, D. Jacobi)21 éléments de connaissance sur la réception qui peuvent conduire à l’élaboration de textes : composition graphique, style, niveau de discours, vocabulaire utilisé, emplacement (lien texte/image, texte/objet)…

- apport de la sociologie et de la psychologie pour l’étude des dispositions à visiter les musées d’art, analyse de l’expérience esthétique (H. Gottesdiener)22

- apport de la sociologie des média et de la littérature (H. Jauss) avec la figure de l’interprète

- apport de l’histoire de l’art, de la philosophie, de l’esthétique… interrogeant comment sont reçues les œuvres (E. Passeron, J-C.

20 Ibid.21 Le texte au musée : une approche sémiotique, L’Harmattan, Paris, 2002.22 H. Gottesdiener, J.-C. Vilatte, L’accès des jeunes adultes à l’art contemporain. Approches sociologique et psychologique du goût des étudiants pour l’art et leur fréquentation des musées, Travaux du DEPS, Ministère de la Culture et de la Communication, DDAI, mai 2006

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41Pratiques d’évaluation

Pedler) et la notion de spectateur. (J. Rancière23 ; C. Ruby) ; mondes de l’art (H. Becker)

- apport des sciences de l’information et de la communication : analyse de l’exposition comme média, des processus de circulation sociale des savoirs (J. Davallon, J. Le Marec)

- apport de la sociologie de la réception : analyse des logiques d’appropriation différenciées des biens culturels ou artistiques (N. Heinich), modalités de transmission, usages sociaux, goût et attachement (A. Hennion24)…

L’annonce récente de la création d’un nouvel observatoire du patrimoine et de la culture scientifiques et techniques à Dijon, en novembre 2009 témoigne de cette volonté de partage via un centre ressources conçu comme dispositif de coopération et de co-construction avec les acteurs de la culture scientifique25. En écho au développement des institutions muséales et d’une muséologie intégrant des enjeux sociaux, l’évaluation devenue pluridisciplinaire, croise divers domaines de connaissance (sociologie, linguistique, ethnologie, psychologie, sciences de l’information et de la communication) et se prête à l’étude de différents objets : les espaces, les médiations, les services et les publics (Chaumier, 1999 : 13).

n l’évaluation et les spécificités de l’objet culturel, du musée et de l’exposition

la spécificité de l’objet culturel : approche « public » vs approche « client »

Le public ne peut pas être une cible. La cible doit être la culture (…) il faudrait faire en sorte que pour le public, sa cible soit la culture26.

L’essor de l’économie de la culture considérant les musées comme des entreprises culturelles a généré l’émergence d’un discours visant à assimiler, à tort, le développement de l’évaluation et la montée du marketing dans

23 J. Rancière, Le spectateur émancipé. La fabrique éditions, Paris, 200824 A. Hennion, Pour une pragmatique du goût. Papiers de recherche du CSI, Centre de sociologie de l’innovation, École des mines de Paris, 2005, 14p.25 Voir le n° spécial de la Lettre de l’Ocim n°126, « Pratiques d’évaluation. Cadres d’Observation ». nov.-déc. 200926 M. Cardinal, in Viel et C. de Guise (dir.), Muséo-séduction, muséo-réflexion. Musée de la Civilisation et Service canadien des parcs, Québec, 1992, cité par S. Chaumier, « Le public, acteur de la production d’exposition ? Un modèle écartelé entre enthousiasme et réticences », p. 248

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Du Muséum au Musée des Confluences42

les musées (Le Marec, 2007). Or les logiques de l’évaluation muséale et du marketing divergent radicalement. Une étude marketing cherchera à connaître l’état des représentations et des attentes du client dans l’objectif de conformer la production d’un produit à cet état. En revanche, l’évaluation dans les musées, n’utilisera pas les résultats pour les mêmes objectifs. Il s’agira, non pas de répondre aux attentes des visiteurs ou de se conformer à l’état de leurs représentations, mais d’en prendre connaissance pour adapter le discours, voire le détourner. Dans le cas d’expositions scientifiques ou thématiques, la connaissance des attentes et représentations préalables pourra même servir à faire évoluer et modifier les représentations du public pendant la visite d’une exposition. C’est dans ce sens que J. Le Marec précise « si les attentes des visiteurs sont étudiées, ce n’est pas pour les satisfaire, mais pour agir sur elles ».

On va dorénavant définir les publics en fonction non plus de leurs profils CSP mais de leurs pratiques. Un public va ainsi être constitué de personnes ayant la même culture. Par exemple, ce n’est plus l’âge seulement qui définit les publics jeunes mais certains types de pratiques. L’important du point de vue de la médiation sera effectivement de développer des formes d’activités qui ne sont pas catégorisées suivant des tranches d’âges, mais plutôt à partir des attentes, des formes de pratiques et des expériences collectives27.

Au-delà d’outils qui peuvent être communs, il importe de bien distinguer les finalités et surtout reconnaître un principe de spécificité et de singularité lié à l’objet culturel.

« A l’ idée, commode et médiatique d’un public prédéf ini et susceptible d’être visé comme une cible, il faut substituer l’ idée, plus diff icile mais plus juste, d’une rencontre au cours de laquelle œuvre et public se constituent réciproquement. (…) Mais comment cela se fait-il ? Dans quels espaces ? Quels lieux ?…»28

…Vers les spécificités du musée et de l’exposition

Et c’est précisément ce qui se joue dans la « rencontre » entre œuvres et publics que les études de réception visent à saisir. On part du postulat d’une activité de réception comme pratique interprétative du récepteur et créatrice de sens. Ainsi, à travers l’analyse des pratiques et des discours, on s’intéresse aux modalités d’appropriation et de construction du sens. On cherche à saisir le type de critique, de savoirs convoqués…

Cette posture amène à se poser le type de questions suivantes en cherchant à : - accorder son attention aux membres du public et s’attacher à l’analyse

27 Intervention de Jean Davallon, intervention au séminaire : « Avec le temps médiation culturelle et art contemporain », Journée de rencontre organisée par l’association Médiation culturelle, 19 octobre 2009, Lyon.28 (Déotte, Huygue, 1998 : 7)

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43Pratiques d’évaluation

compréhensive de leur point de vue dans des situations où ils ne sont pas que des récepteurs – en interaction avec le dispositif culturel – mais également acteurs ;

- interroger les questions de transmission de la culture en contexte muséal via les institutions, les objets…,

- saisir le sens de l’expérience que constitue la visite d’un musée ;- interroger les notions de réel / virtuel, matériel / immatériel ; - se poser la question des savoirs et compétences des visiteurs ; - explorer la nature des liens entre publics et œuvres culturelles et

artistiques…

Il s’agit en effet de saisir le sens de l’expérience de visite à travers les études de réception. Au-delà des questions de profils et des données issues de la sociologie de la culture qui posent le cadre, il s’agit de s’intéresser aux publics, à leurs attentes, pratiques, postures, interactions, logiques discursives et interprétatives pour tenter de saisir ce qui se joue dans le processus de réception entre les œuvres et les formes de médiation. L’évaluation constitue donc moins un outil pour améliorer une production qu’un moyen d’anticiper et d’entretenir une communication permanente avec

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Du Muséum au Musée des Confluences44

le public29 (Le Marec, Chaumier, 2009). Si il y a bien différentes conceptions de l’évaluation (outil de rationalisation, logique de mesure et de contrôle) en fonction de finalités différentes, celle que nous défendons est avant tout une démarche d’analyse et de connaissance. Il importe de préciser qu’au-delà du périmètre de l’évaluation relatif à une histoire particulière et un champ d’application spécifique - celui du musée - il importe également de prendre en compte les représentations que les différents acteurs s’en font. En effet, certains adhèrent, d’autres y voient une forme de sanction, d’autres encore attendent de l’évaluation qu’elle constitue un outil d’aide à la conception…

la question de la dénomination

Lorsque l’évaluation est intégrée à l’institution muséale, elle peut prendre différentes appellations alliant le plus souvent un des trois termes suivants : étude, évaluation, prospective. Ces termes pouvant être associés ou non. Elle peut également relever plus largement d’une mission de connaissance et de développement des publics. Comme nous l’avons précisé en introduction, la connotation du terme évaluation invite à repenser la question de sa dénomination ou à lui associer un champ d’application spécifique afin d’éviter les dérives et mésinterprétations. On parlera alors plus volontiers de connaissances des publics et d’études de réception que du terme générique « évaluation ». On peut rétorquer à ceux qui révèlent des craintes vis-à-vis de l’évaluation que celle-ci cherche à porter à la connaissance de tous des questions d’intérêt général, à créer de l’expertise et mettre en débat des questions et non pas seulement mesurer les écarts entre intentions et réalisations30.

29 Lettre Ocim n°126, nov.-déc. 2009.30 Pour reprendre en partie les propos de Marie-Christine Bordeaux dans sa synthèse du colloque « Quels territoires pour les acteurs de la médiation culturelle », Lyon, 01/12/09.

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45Pratiques d’évaluation

PARTIE 2

Construire une méthode

Une étape majeure dans la construction de la démarche d’évaluation, est l’élaboration d’un programme qui vise à planifier les études à mener. De plus, pour produire des résultats, l’évaluation utilise différents outils qui vont permettre d’apporter des éléments de réponses à la diversité des questions soulevées par l’offre culturelle. Les outils sont variés et empruntés à plusieurs disciplines telles que la sociologie, l’ethnologie, la statistique… Mais c’est dans leur complémentarité que leur efficacité est la plus pertinente. Le contexte mouvant des musées et des pratiques culturelles incite également à développer de nouveaux outils, en s’adaptant par exemple aux nouvelles pratiques des publics, comme l’utilisation d’Internet et en répondant à une attente de participation active.

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47Pratiques d’évaluation

Le programme d’évaluation Organiser les études à mener

Les nouvelles orientations du projet culturel et scientifique et le parti pris muséologique ont conduit l’institution à interroger la relation public / institution. Un programme d’études a été défini dans ce cadre et porte principalement sur la réception de l’offre culturelle (expositions, médiations, événements), l’impact des moyens (communication, accueil, tarification) et la connaissance des publics (profils, attentes, pratiques, satisfaction…). La dimension expérimentale d’un projet constitue également une priorité qui oriente la planification. On peut définir trois sources principales dont sont issues les études d’évaluation : l’évaluation interne, réalisée au sein de l’institution par le personnel d’évaluation ; l’évaluation externe, menée par des prestataires (sociétés d’études, des centres de recherche, des laboratoires universitaires) ; et enfin, l’auto évaluation, processus mis en place directement par les équipes de conception des projets. Les évaluateurs ou chargés d’étude – qu’ils soient internes ou externes – ont fréquemment des approches et des outils identiques, mais si ces similitudes les réunissent, ils endossent cependant des rôles et des responsabilités différents vis-à-vis notamment des acteurs de l’institution.

n les axes du programme d’études

n la planification des études et la définition des priorités

n l’organisation interne, l’autoévaluation et l’évaluation externe n structurer les études

n mener une étude : définir, mesurer, restituer

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Du Muséum au Musée des Confluences48

n les axes du programme d’évaluation

la réception de l’offre culturelle

La réception de l’offre culturelle porte à la fois sur l’impact de l’ensemble d’une offre plurielle que sur des actions spécifiques. Les études de réception s’intéressent autant aux effets de sens convoqués, aux émotions associées, aux formes de socialisation générées qu’aux souvenirs ou traces laissés par une visite. Les analyses des processus et contextes de réception portent plus particulièrement sur la dimension expérimentale des projets d’exposition, qu’il s’agisse des dispositifs de médiation, des partis pris muséographiques, des modes d’apprentissage, des formes de traitement des thèmes...

3 - Interroger l’influence d’une muséographie de la sensation

Vue large exposition Ni vu ni connu. © Musée des Confluences.

Présentation L’exposition Ni vu, ni connu est présentée du 8 novembre 2005 au 2 juillet 2006. Le thème directeur, le camouflage, est traité comme un sujet de société, selon une approche pluridisciplinaire. L’exposition confronte le visiteur à des objets de statuts différents (collections d’histoire naturelle et ethnologiques, œuvres classiques et d’art contemporain, reconstitutions, artefacts, dispositifs visuels et sonores etc.). L’interpellation souhaitée du public est en particulier relayée par un parti muséographique fort, relevant d’une mise en scène spectaculaire et théâtrale.

MéthodeIl s'agit d'interroger l’influence d’une muséographie de la sensation, en particulier visuelle, sonore et interactive, sur la perception de l’exposition par les visiteurs.

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49Pratiques d’évaluation

Deux outils ont été choisis pour réaliser l’étude : des observations menées dans l’exposition, l’analyse des discours d’intention des concepteurs et des entretiens auprès des visiteurs en fin de visite associés à un portfolio d’images représentant des objets et vues générales des espaces d’exposition.

Une phase d’observation des comportements des visiteurs dans l’exposition, pour identifier l’implication du visiteur dans un espace qui sollicite à la fois son regard, sa gestuelle (se baisser, se retourner, attendre pour voir), son écoute (ambiance sonore, casques audio), sa participation (dispositif de « directive vision », consultation d’écrans…) et qui le met en situation d’expérimenter le thème du camouflage. Des observations de comportements ont été menées aux endroits clés identifiés de l’exposition, afin de mettre en évidence les zones de forte implication du visiteur et celles de moindre implication.

Une phase plus conséquente de recueil du discours des visiteurs à la sortie de l’exposition, dans un espace de repos, menée sous la forme d’entretiens semi directifs de quinze minutes à une demi-heure. Les profils ne sont pas choisis ou construits en fonction de caractères identifiés mais sélectionnés de manière aléatoire en cherchant à diversifier les moments de l’évaluation sur les différents jours de la semaine et de rendre compte d’une diversité de profils de publics (en termes de sexe, d’âge, de niveau d’études et de branche d’activité, de connaissance et de fréquentation du Muséum de Lyon, des musées en général, de durée de visite).

Échantillon : 21 entretiens approfondis menés auprès de visiteurs à la sortie de leur visite de l’expo présentant des profils distincts. Il s’agit pour l’ensemble des visiteurs interrogés de leur première visite de l’exposition (et n’ayant pas suivi de visite guidée).

Les entretiens visent à recueillir le discours des visiteurs sur deux registres différents :

- le registre de l’évocation spontanée Cette phase vise à recueillir leur impressions et réflexions dominantes, à situer les moments clés de leur visite, à leur permettre de se remémorer leur parcours et à faire émerger spontanément leurs réactions ou évaluations par rapport à l’objet de l’étude.

- un registre de discours sollicité sur des thèmes spécifiquesLes visiteurs sont interrogés sur trois sujets distincts – les objets/les œuvres/les dispositifs présentés, les textes et la scénographie de l’exposition – afin de cerner leur influence sur leur visite. Évaluer la place respective et les interactions de ces trois dimensions dans la visite, explorant par exemple l’influence de la scénographie sur la perception des objets et du discours (Quel est, par exemple, l’effet de l’implication du corps du visiteur, de sa mise en situation sur sa réception de l’exposition ?), l’influence des partis pris en matière de

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Du Muséum au Musée des Confluences50

texte sur cette même perception ou l’influence de textes eux-mêmes scénographiés sur la perception du propos de l’exposition etc. Cette phase de l’entretien est menée avec l’appui de photographies de l’exposition présentées aux visiteurs, destinées à enclencher et à faciliter leur discours, à leur permettre de se remémorer leur parcours, voire à évaluer ce qu’ils ont repéré ou non au cours de leur visite.

Résultats

Les registres de réception structurants de cette exposition : la dimension esthétique, la dimension corporelle ou la dimension immersive, activées par les visiteurs sur des registres différents (objet, texte, scénographie, visite, parcours, propos…), soulignent le caractère englobant de cette scénographie. Celle-ci s’impose comme un relais crucial de la signification de l’exposition, à des niveaux différents pour les visiteurs. L’étude a montré les paradoxes d’une scénographie du camouflage qui, pour garantir des effets de sens subtils, court le risque de camoufler certains éléments.

mots clés associés « très intéressant ; amusant, insolite, un peu atypique ; intéressant et très intellectuel ; imaginatif ; instructif ; bien fait ; étonnant ; moderne ; foisonnement ; réussie ; esthétique ; drôle, amusant ; instructif ou étonnant ; enrichissante ; très original, inattendu ; imaginaire ; poétique ; on sort un peu envoûté ; pertinent ; serein, percutant ; assez pertinent ; ouverture… »On a tenté de repérer le contexte dans lequel la construction du sens surgit, d’identifier les moments et les éléments qui activent le propos de l’exposition auprès des visiteurs.

Exemple de la construction du sens :

> activée par le texteCeci n’est pas une pipe c’est une reproduction d’ailleurs d’un tableau. Oui, ça avait sa place parce que c’est la première interrogation sur la première mise en évidence que l’image n’est pas la représentation. Donc, c’est bien.31

> activée par la scénographie(toile aborigène) Ben celle-là je ne m’en souviens pas… donc je suis désolée, je ne l’ai pas remarquée ! Elle est camouflée ! 32

> activée par le récit de l’expérienceC’est difficile, c’est pas évident … il y a un paradoxe car il y a à la fois le camouflage et puis en fait on vit dans une société où il faut être vu… Donc vous avez retenu ça ? Oui voilà on vit dans la société du paraître et en fait, et là c’est une exposition sur le camouflage : donc il y a un certain paradoxe, quand même. 33

31 (H, 55-64 ans, enseignant)32 (F 18-24 ans, étudiante biologie)33 (F, 60 ans, assistante direction)

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51Pratiques d’évaluation

La recherche des intentions de conception s’avère une dimension caractéristique de cette exposition, les visiteurs traquant les effets voulus, s’interrogeant sur les motivations des concepteurs ou les interprétant spontanément.Source : Les influences d’une muséographie de la sensation sur la réception des publics : diversité accrue des modes d’appropriation de l’exposition. D. Miège, Laboratoire Culture et Communication, Avignon - Service Développement et stratégie, dir. N. Candito, Juillet 2006

l’impact des moyens Le musée dispose de moyens qui permettent de répondre aux objectifs de fréquentation, de fidélisation et de satisfaction des publics. Qu’il s’agisse des modalités d’accès, des outils de communication, de la tarification ou encore de l’accueil des publics, leur finalité est de faciliter la rencontre entre l’offre culturelle du musée et le public. Évaluer ces actions, c’est s’intéresser à leur impact sur le développement des publics, mesurer en quoi elles contribuent à l’incitation à la visite, à la fidélisation des visiteurs et à la qualité de l’expérience de visite. Ainsi, à titre d’exemple, des études ont porté sur les attentes et représentations liées au titre et à l’affiche d’expositions, l’analyse de la satisfaction de l’accueil et l’offre de services ou encore sur la perception de la gratuité.

4 - la perception d’une journée de gratuité au musée

Façade d'entrée du Muséum. © Musée des Confluences.

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Du Muséum au Musée des Confluences52

Présentation À partir de l’année 2001, les visiteurs du musée ont pu bénéficier d’une journée hebdomadaire de gratuité, conjointement à un élargissement des horaires d’ouverture du musée. La gratuité des entrées étant un sujet particulièrement « sensible » auprès de l’ensemble des acteurs de la culture, une étude a été commandée afin d’apporter des éléments de perception de celle-ci, auprès des visiteurs qui bénéficient de l’entrée gratuite du jeudi, mais aussi auprès des visiteurs qui se rendent au musée en dehors de cette journée de gratuité.

MéthodeCette étude qualitative est destinée à explorer la signification de la gratuité chez les visiteurs, sur la manière dont ils réagissent au principe de la gratuité au musée (qu’ils en aient été bénéficiaires ou pas), et plus précisément, du jour gratuit. Un état des lieux préalable met en avant le caractère toujours relatif des points de vue développés sur la question de la gratuité, en appelant une confrontation entre la raison économique qu’il représente en tant que chercheur, et d’autres points de vue, culturels et politiques.

le guide d’entretien a été construit pour apporter des éléments sur les thèmes suivants :- motivation le jour de l’entrevue ;- familiarisation avec les musées en général et le Muséum en

particulier ;- réactions des personnes découvrant la proposition lors de

l’entretien ;- retour sur leur pratique de la part des personnes venues spécialement

pour le jour gratuit ;- anticipation des pratiques des personnes ayant découvert le jeudi

gratuit récemment ou ce jour même ;- connaissance des tarifs d’entrée aux musées en général et du

Muséum ; - signification de la gratuité ;

l’enquête sur le terrain a été réalisée d’avril à fin 2004, le jeudi et le vendredi auprès d’un échantillon de 75 individus de 16 ans et plus qui comprend des visiteurs découvrant la gratuité le jour de l’enquête, des visiteurs venus spécialement à cause de la gratuité, des visiteurs ne connaissant pas l’existence de ce jour gratuit.

RésultatsLes réactions des personnes interrogées au jeudi gratuit au musée apportent de nombreux éléments, moins sur l’impact direct de la mesure sur leurs propres pratiques, que sur la manière dont ils

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53Pratiques d’évaluation

interprètent la mesure. Celle-ci est vue soit comme concrétisant un principe historique de facilitation de l’accès au musée pour les catégories les plus défavorisées, soit comme relevant de stratégies d’incitation inscrites dans une vision marketing qui rattache les musées aux industries culturelles. C’est le choix du jeudi qui amène cette mise en tension de deux pôles d’interprétation opposés.

- J’ai des avis mitigés sur la gratuité que je modulerais en fonction des circonstances, parce que […] quand on est une famille, ça peut revenir cher une entrée au musée […] mais je sais que les journées gratuites attirent beaucoup de monde. Ce n’est pas une question simple parce que moi je sais que j’aime aller dans les musées mais je ne supporte pas de faire la queue.

- La question du prix c’est relatif, les gens trouveront 2 euros trop cher et ils mettront 30 euros dans un spectacle de variétés pour lequel je trouverais, moi, que c’est vraiment trop cher. C’est vrai que par exemple le fait que les musées soient totalement gratuits ça peut être bien mais en même temps – il me semble que c’est aussi bien de faire comprendre que la culture a un prix, j’aurais des avis partagés sur la question.

- Alors c’est vrai que la gratuité des musées c’est bon, il y a un objectif d’éducation populaire, mais en même temps, étant donné qu’on est dans le contexte d’une société de consommation, si c’est gratuit, c’est forcément moins intéressant que quelque chose pour lequel il faut payer.

- Je ne viendrai pas au musée pour la gratuité, mais plutôt en fonction du thème, de mes disponibilités.

La mesure de gratuité est également l’occasion de commenter le lien entre la culture et le secteur marchand d’une part (le thème de la valeur est largement commenté) et les changements potentiels dans la pratique (diversification avec décision de suivre en plus des visites guidées, désengagement partiel de la pratique de visite elle-même, etc.). Elle est enfin l’occasion de commenter le lien, voire la tension possible, entre logique d’accès et logique de médiation.

- La gratuité c’est très intéressant, à condition que ça n’empêche pas qu’il y ait un personnel qualifié qui puisse expliquer, parce que même si les gens viennent et que personne n’est là pour les recevoir…

Source : Étude qualitative sur la perception de la gratuité. K. Scherbina, J. Le Marec, École normale supérieure Lettres et Sciences humaines, Laboratoire de recherche « Communication, Culture et Société », pour le service développement et stratégie, Lyon, septembre 2004.

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Du Muséum au Musée des Confluences54

Connaître les publics, leurs profils, leurs pratiques…

La préoccupation des publics se traduit à la fois au niveau de la conception des projets et de la mise en place d’outils de connaissance de la composition et de la répartition des différentes catégories de visiteurs. Cette connaissance permet de donner des éléments de réponse aux politiques culturelles (atteindre un niveau de fréquentation, diversifier les profils, fidéliser une partie des publics, susciter une satisfaction de l’expérience de visite en associant connaissance, plaisir et réflexion). Ces données essentielles, comparées dans le temps pour suivre les évolutions ou constater des ruptures sont complétées par des études visant à cerner des registres plus subjectifs comme les motivations, intentions, représentations, perceptions, modes d’appréhension des publics ou encore cibler un élément spécifique (fonctionnement d’un interactif, rapport à l’objet, au texte…).

n la planification des études et la définition des priorités

les critères définissant les priorités de la planification

Le programme d’évaluation propose une planification sur trois ans, sur une période de moyen terme. L’objectif de la planification est d’établir la liste des études à mener, en lien avec la programmation culturelle. Toutes les actions menées par le musée ne peuvent faire l’objet d’une évaluation, des priorités doivent être préalablement définies. Un des critères majeurs de la planification – notamment pendant la phase de transition du musée – est celui de l’expérimentation, entendue au sens large, qu’il s’agisse de tester des choix scénographiques, une forme de festival ou encore une proposition de médiation. Autre critère majeur, celui qui est directement lié à la question du développement des publics. Ainsi, un projet destiné à une catégorie de public spécifique (les 3-6 ans, les visiteurs en situation de handicap,…) orientera les choix d’étude. Les demandes sont généralement formulées par les différentes équipes de conception et de programmation. Elles concernent principalement des études d’impact : la vérification qu’une action répond à l’objectif commun du développement et de la diversification des publics (par exemple, l’impact de la gratuité), des retours d’expériences – apports et limites – des actions menées dans le cadre d’une expérimentation (visites singulières, parcours découverte) ou encore de ce qui relève de la mise en exposition des collections (regard porté sur les objets de collections…). Dans certains cas, des propositions d’étude émanent de l’équipe en charge de l’évaluation, suite à des hypothèses formulées à partir de résultats issus de précédentes études (impact du titre et de l’affiche d’une exposition ou d’un événement, réception d’une expo dans la rue…) ou encore de questions émergentes dans le milieu culturel ou muséal (formes de médiation, pratiques et culture numérique). Le programme est régulièrement ajusté et s’adapte aux aléas ou à l’évolution de la programmation culturelle.

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55Pratiques d’évaluation

Les études ont principalement porté sur les publics de l’ensemble de la programmation culturelle, des expositions et des médiations, mais la période de transition avant l’ouverture du musée sera propice à développer les études de publics en élargissant le spectre aux publics internautes, aux publics spécialistes, comme les visiteurs du Centre de Conservation et d’Étude des Collections, aux lecteurs des publications…

les études réalisées

Environ soixante-dix bilans et études ont été réalisés au cours de la période 2000-200934. Ces études ont porté sur des sujets très variés. Cette diversité des études tient à leur objet (une exposition, une médiation, la programmation, la politique tarifaire, l’accueil des publics…), à leurs objectifs (mesure des attentes, de la satisfaction, de la perception…), aux types de publics (enfants, publics en situation de handicap, familles…), à leur récurrence (certaines études sont ponctuelles, d’autres permanentes) ou encore à leur type d’approche (approche institutionnelle, approche « action par action » et approche réflexive).

Ces études ont fait l’objet d’expérimentations de méthodes (enquêtes en ligne, comités de visiteurs, recours à la photographie etc.) et rendent compte de l’exploration de la signification des pratiques du point de vue des publics.

exemples d’études réalisées

• les objets phares de la grande salle des mammifères • le rapport aux objets • la mémoire de visite • la satisfaction de l’expérience de visite • les significations d’usage d’un dispositif RFID intégré à un parcours d’exposition • le(s) texte(s) dans l’exposition • l’influence de la muséographie immersive et participative • le traitement des enjeux contemporains au musée • les représentations et perceptions d’expositions thématiques • les parcours découverte, évaluation d’une forme de médiation • test d’un dispositif de médiation : l’audioguide • la réception d’une exposition pour les 3 - 6 ans • usages des audio guides et profils des utilisateurs • le public et la réception d’un cycle de conférences « art et sciences » • l’analyse des revues de presse des expositions temporaires et la place de la critique • les publics déficients visuels • les modalités de réception d’expositions thématiques convoquant la pluridisciplinarité • l’expérimentation d’une forme de médiation « visites singulières » • l’impact de la gratuité du jeudi • les publics des événements • l’impact des titres et affiches des expositions • réflexion sur la transmission des

34 Voir la liste complète des études en annexe 2.

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Du Muséum au Musée des Confluences56

connaissances par le jeu et sur la mise en place d’un fonctionnement collectif : préfiguration d’un espace découverte) • le tourisme muséal : pratiques et attentes • la perception d’expositions hors les murs et la notion de « publics » • l’expérimentation de la médiation volante dans un cadre événementiel…

Les études traitent d’une question abordée ponctuellement dans le cadre d’une action, comme l’impact d’une muséographie d’une exposition en particulier, d’un type de médiation ou encore l’étude des profils des publics le temps d’une programmation donnée… Mais elles ont fait également l’objet d’une capitalisation de résultats qui permettent d’aborder des questions plus transversales, telles que la place du corps dans l’exposition, les modes d’appropriation de l’approche plurielle dans l’exposition, la participation active des publics par l’intermédiaire des médiations, la question de l’énonciateur dans le cadre d’expositions de sciences et sociétés…

La réflexion et la pratique de l’évaluation prennent également en compte le contexte mouvant de création et de renouveau du paysage muséal (musée du Quai Branly, MUCEM Marseille, musée de l’Homme…) pour réfléchir aux nouvelles approches muséales (émotion, implication…) et la façon dont les institutions prennent appui sur une démarche interdisciplinaire pour formaliser un discours sur les relations sciences et sociétés et prennent part dans le débat social. Ces missions s’inscrivent également dans des logiques de partenariats autour de problématiques communes.

n l’organisation interne, l’auto évaluation et l’évaluation externe

l’organisation interne

L’évolution de la fonction de l’évaluation Une première fonction « connaissance des publics » est créée dans le cadre de la démarche qualité, sous la responsabilité du service de l’administration générale dans un premier temps, pour la mise en place des premiers outils de mesure. Dans un deuxième temps, une deuxième fonction est créée au service des expositions en 2002, dédiée plus spécifiquement à la question de la réception des expositions. Dans un troisième temps, la cellule évaluation constituée de deux chargées d’étude35 aux profils distincts et complémentaires, est rattachée directement à la direction (2004) puis intégrée au service développement et stratégie (en 2006) dont la vocation

35 Nathalie Candito est titulaire d’un doctorat en sociologie/muséologie et Corinne Allainé d’une maîtrise en économie/gestion.

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57Pratiques d’évaluation

est d’alimenter la réflexion sur la connaissance des publics, de développer des partenariats avec le milieu de la recherche et une activité de veille en muséologie. L’évaluation interne révèle le positionnement de l’institution vis-à-vis des publics. Sa mission d’étude transversale permet de penser l’évaluation comme un processus permanent et évolutif.

Mener des évaluations en interne Mener des études en interne présente l’avantage d’être inscrit comme référent identifié de la connaissance des publics. De plus, l’équipe interne a une connaissance fine du contexte, des orientations du projet culturel et scientifique, des besoins des acteurs, elle peut donc avoir une vision globale des projets, comparer, mettre en perspective les résultats et les capitaliser. Elle peut adopter une posture critique (il en va de sa crédibilité). Enfin, le positionnement interne permet souplesse, flexibilité et réactivité (élaboration de petits protocoles pour répondre à une urgence…).

Le schéma idéal de fonctionnement est celui d’une combinaison de l’évaluation interne et externe. Avec un budget d’études permettant d’externaliser certaines missions pour des besoins d’expertise spécifiques confiées à des laboratoires de recherche, des sociétés d’étude, des doctorants. En termes de moyens36, au-delà du budget de fonctionnement une démarche partenariale vise à développer les liens avec les institutions de formation et de recherche pour associer des stagiaires de niveau Master 2 à des projets d’étude, de signer des conventions visant à cofinancer des doctorats37, rémunérer des études de cas etc.

La complémentarité de compétences associant une équipe d’évaluation interne (intégrant la pratique d’autoévaluation) et le recours ponctuel à des prestataires externes est un schéma qui permet d’optimiser les ressources. Ce fonctionnement permet de suivre sur le long terme des projets, de capitaliser les expériences acquises et de partager les résultats avec d’autres institutions dans une logique de développement de partenariats.

La combinaison de sources différentes est également une des garanties que l’évaluation peut apporter dans la complémentarité des regards, des savoirs et des liens entretenus, en faisant appel à une chaîne d’acteurs : le spécialiste ou chercheur issu d’un laboratoire, le prestataire extérieur, le(s) concepteurs, le personnel en lien avec les publics, les acteurs en interne, etc.

En cela, le pilotage en interne de la démarche d’évaluation endosse un rôle majeur de coordination, d’analyse (soit ponctuel, soit par capitalisation), de restitution aux équipes et de préconisation.

36 Budget annuel : 30 000 euros /an et contrats de vacataires.37 Expérience réalisée avec le département de sociologie de l’université Pierre-Mendès-France, Grenoble 2 : convention relative à un partenariat de recherche dans le cadre d’une thèse de doctorat portant sur les déficients visuels au musée et dont une partie du terrain de recherche a été le musée et ses actions envers ce public.

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Du Muséum au Musée des Confluences58

l’autoévaluation

Une pratique réflexiveL’autoévaluation résulte d’un processus interne progressif incitant les acteurs, concepteurs des projets à restituer des synthèses, pour laisser des traces des expériences menées en vue d’une capitalisation, d’un partage et d’une amélioration des pratiques professionnelles de chacun. C’est une forme d’évaluation qui permet aux acteurs des projets de se poser des questions, d’établir des bilans et des préconisations et les amène à réfléchir à leurs pratiques. À titre d’exemple, on peut citer les actions tests réalisées auprès de publics en situation de handicap, des scolaires et des publics spécifiques (issus du champ social) menées par le service des publics du musée.

Les difficultés de l’auto évaluation On constate qu’il est souvent complexe d’instaurer ces pratiques de façon systématique, d’être à la fois « juge et partie », de chercher à lier action et réflexion. Cela implique une mise à distance de sa pratique quotidienne. Des difficultés peuvent être liées à la mise en place d’outils (ce qui suppose de connaître certains aspects techniques qui ne sont pas forcément du champ de compétences), il importe alors d’accompagner et de former les équipes à ces pratiques (avoir une distance suffisante, ne pas personnaliser l’action…).

Publics en situation de handicap visuel

À titre d’exemple, le service des publics a constitué un groupe de travail avec des personnes en situation de handicap visuel38. Cette collaboration permet de tester des propositions culturelles en intégrant les questions d’accessibilité, et plus largement de réfléchir à un parcours tactile et sensoriel (objets à toucher) intégré aux espaces d’exposition. L’accompagnement du service d’évaluation a permis de proposer des outils à l’équipe pour « garder une trace » tangible des échanges (images filmées et propos) en vue d’une exploitation ultérieure des données. Il apparaît que la richesse des propos enregistrés décrivant la découverte tactile d’objets de collections par les publics déficients visuels pourrait constituer une trame de texte particulièrement riche pour tous les publics (cartels des objets tactiles).

Pour que l’autoévaluation soit efficace et puisse faire réfléchir à l’action menée, il est indispensable que l’équipe ne soit pas sanctionnée en cas de résultats « mitigés ». L’autoévaluation suppose une forte dose de

38 Du Muséum au Musée des Confluences, Médiations et activités culturelles, vol.2, sept. 2008.

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59Pratiques d’évaluation

confiance en soi, car il faut pouvoir être en capacité de mettre une distance par rapport aux résultats (positifs ou négatifs). Lorsqu’elle est pratiquée et intégrée, l’autoévaluation contribue à l’autonomie des services, permet le développement du sens critique, d’une expertise et d’une approche réflexive sur la pratique professionnelle (implication du personnel et responsabilisation des acteurs).

L’autoévaluation dans le cadre des publics éloignés de l’accès à la culture

Il n’y a pas de publics spécif iques mais la nécessité d’actions culturelles spécif iques39.

Parce que les publics dits « éloignés » ne viennent pas spontané-ment dans les musées et autres lieux culturels pour diverses raisons (sociales, économiques, symboliques…), des démarches de sensibi-lisation et d’accompagnement inscrites dans la durée sont mises en place pour « aller vers » et « faire venir ». Ces actions sont peu nom-breuses mais réitérées dans le temps dans le cadre de partenariats. Il est particulièrement difficile de les évaluer, de les réduire à une quantification, et seules des démarches de type qualitatif, pourraient rendre compte de l’impact et du sens des projets par les différents acteurs (modalités d’accueil, niveau de discours, formes de média-tion…). Une autre contrainte pour la démarche d’évaluation : elle ne peut intervenir au démarrage d’un projet pour ne pas stigmatiser ces publics et laisser le temps nécessaire à une appropriation progres-sive des projets, des acteurs. Dans ce contexte, c’est plutôt une auto évaluation des projets pour les publics spécifiques ou minoritaires40 qu’il est utile de développer et de systématiser (bilans réguliers des actions menées, retours d’expériences sur ce qui s’est opéré (chan-gement de regard, de pratiques). L’effet des actions est rarement identifiable à un moment « T » mais bien dans la durée et toute la difficulté est d’établir un suivi des personnes impliquées en vue de tenter de mesurer des changements de perception, de représenta-tions, de pratiques etc. Ce n’est que dans une démarche partenariale de long terme qu’il est possible de mettre en place un suivi et une évaluation des actions.

39 Dossier « Il n’y a pas de public spécifique », L’Observatoire, n°32, sept. 2007, p.19.40 Op. Cit. Cécilia de Varine, L’accueil de tous au musée, au risque du changement, p.32. Elle distingue deux grandes catégories de publics : un public « majoritaire » non pas par le nombre mais par le fait qu’il a été imaginé par ceux qui ont conçu l’exposition ou le lieu ; un public « minoritaire » qui comprend l’ensemble des personnes qui ne se reconnaissent pas dans le lieu et / ou ne se sentent pas autorisés à en faire usage.

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Du Muséum au Musée des Confluences60

l’évaluation externe

La nécessité de recourir à des compétences externes Elle présente trois atouts majeurs : apporter une expertise, un gage d’indépendance et être garant d’une certaine neutralité. Le choix de réaliser une étude par un prestataire externe est souvent lié à la préoccupation de traiter d’une question par un « expert » du thème. Certaines études sont confiées à des sociologues, des spécialistes de l’écrit, des nouvelles technologies… Distance et indépendance, regard neuf et objectif sont les principaux adjectifs attribués pour qualifier ou justifier l’externalisation.

Les études menées en externe sont intéressantes lorsque la spécificité d’un objet d’étude jugé sensible ou polémique nécessite un regard extérieur jugé en interne comme impartial. Ou encore lorsque l’objet de l’étude est complexe ou demande des moyens particuliers pour la réaliser (exemple des enquêtes à grande échelle mobilisant un nombre important d’acteurs, avec des échantillons représentatifs de la population nationale). Mais il est un autre atout que de réaliser les études en externe : celui de partager des questionnements communs avec d’autres acteurs et institutions pouvant conduire à plus long terme à des partenariats.

Les difficultés rencontrées Les contraintes ou difficultés que l’on peut avancer sont celles liées au coût de la prestation, de l’anticipation nécessaire (procédures des marchés publics) et aux temps de réactivité parfois plus longs pour les délais de rendus. D’autre part, l’expertise peut être d’ordre méthodologique ou disciplinaire mais sans être toujours pour autant en lien avec le champ culturel et muséal. Une méconnaissance du contexte, de la spécificité de l’évaluation muséale ou encore de la stratégie interne de l’institution peut parfois conduire à un risque de généralisation des résultats ne tenant pas compte de la singularité d’un projet. Enfin, dans certains cas, on a pu observer la tendance à aller dans le sens du projet, en évitant toute forme de critique. D’autre part, le nombre de prestataires qualifiés en muséologie demeure assez limité et des écarts importants de coût et de niveau d’expertise rendent les choix complexes.

La relation entre commanditaire / prestataire : un juste équilibre entre la délégation et l’implicationToute enquête de public nécessite, y compris en contexte d’externalisation, un investissement important de la part du commanditaire dans les phases préparatoires et exploratoires, et, dans une moindre mesure, dans les phases analytiques et de restitution de l’étude. Un travail de collaboration constant de tous les acteurs impliqués est nécessaire pour que la production, l’interprétation et la bonne compréhension des données se fassent au mieux. D’où l’intérêt de créer un groupe projet ou encore un comité de pilotage en fonction de la complexité de l’étude. Et les éléments précis de la commande doivent être explicités dans un cahier des charges. Quatre points nous semblent particulièrement essentiels : . concernant les conditions de réalisation de l’étude, la connaissance du champ

muséal est importante, notamment dans la phase analytique des résultats ;

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61Pratiques d’évaluation

. pour ce qui relève des conditions de collaboration, des échanges et des réunions en cours d’étude avec les équipes permettent de recadrer l’analyse et de préciser les enjeux lors d’une phase de rendu intermédiaire ;

. par rapport aux méthodes de travail, la restitution de corpus de résultats bruts doit être ajoutée en annexe à l’étude pour éviter un rendu synthétique sans liens directs avec les sources premières ;

. pour la diffusion des résultats à des fins de communication ou de recherche via l’élaboration d’un contrat de droits, intégrer la question de la propriété intellectuelle (et de cession de droits).

n structurer les études d’évaluation

Classifier les études d’évaluation selon le critère de la finalité ou le critère du temps

Les études d’évaluation peuvent être classées selon divers critères : celui du temps par rapport à la phase d’élaboration d’un projet et celui de la finalité. Ainsi, selon l’exploitation des résultats, l’étude sera qualifiée de rétroactive (les résultats doivent permettre une comparaison avec les données existantes) ou d’étude prospective (les résultats fournissent des préconisations ou orientations futures précédant une programmation).

Exemples de catégories d’étude41 :

- études prospectives : fréquentation potentielle, image et attractivité, …

- études d’audience : pratiques et fréquentation (enquêtes nationales), fréquentation et satisfaction (enquêtes in situ) …

- études d’évaluation et de réception (représentations, motivations et attentes ; évaluation et expérience de visite) …

- bilans et théorisation : synthèse d’études, recherche et conceptualisation…

Ces différentes études peuvent être désignées également d’évaluations ex post (après un programme), instantanées (état des lieux) ou ex ante (avant un programme).

Une classification fréquente dans le secteur de l’évaluation est celle qui prend en compte la notion de temps. Les études interviennent à différentes phases de conception projet : en amont lors de l’écriture du concept ou du scénario, en cours de conception et en fin de projet. Trois moments clés qui permettent de saisir l’exploration des attentes préalables et des représentations, de tester des dispositifs, d’étudier les modalités de réception de l’expérience de visite.

41 Op. cit. Publication coll. Musées-Mondes, Documentation française, 2007.

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Du Muséum au Musée des Confluences62

les évaluations préalables

Elles visent à cerner les représentations préalables, le niveau de connaissance d’un public potentiel, ou encore, les imaginaires sociaux liés à un domaine donné (par rapport à l’offre muséale existante ou à des thématiques spécifiques). Ces études constituent un outil d’aide à la conception. On a pu noter le résultat suivant : la situation d’enquête préalable confère aux visiteurs un autre statut qui est celui de représentant du public : les visiteurs ont tendance à s’exprimer non en leur nom propre mais plutôt au nom de l’ensemble des visiteurs potentiels, du public le plus large42.

5 - Combiner l’étude des représentations d’un thème et sa réception

Exposition Harem. © Musée des Confluences.

Présentation L’exposition Fantaisies du Harem et nouvelles Schéhérazade (23 septembre 2003 - 4 janvier 2004) confronte les représentations orientales et occidentales de la réalité et du mythe du Harem et réunit des oeuvres de peintres occidentaux du courant orientaliste, des oeuvres de maîtres perses, turcs et des dynasties mogholes (miniatures et gravures), manuscrits et imprimés des Mille et une nuits, des cartes postales éditées au début du siècle dans les colonies françaises et des œuvres contemporaines43. Elle propose une description du harem comme projection d’un fantasme pour les occidentaux distinct de la réalité historique du harem et de la condition ou place de la femme. L’exposition se termine avec la figure des « nouvelles Schéhérazade » à travers les oeuvres – peintures, photographies, installation vidéo – de huit artistes contemporaines originaires du Proche-Orient et d’Afrique du Nord.

42 Confirmé également par les études de J. Le Marec à La Cité des Sciences et de l’Industrie.43 Produite à l’initiative du Centre de culture contemporaine de Barcelone, le Muséum futur Musée des Confluences l’a accueilli en adaptant la muséographie à ses espaces.

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63Pratiques d’évaluation

MéthodeL’évaluation de l’exposition Harem a consisté en une étude des horizons d’attente, des représentations et de l’expérience de visite, centrée sur deux objectifs principaux :

1 – cerner avant et après la visite de l’exposition les images et repré-sentations du harem et plus largement de la femme orientale ;

- modes d’information, motivations - représentations et attentes - sources des représentations - point de vue sur le titre et l’affiche

2 – identifier les modes de réception d’un discours social par le prisme de l’iconographie occidentale et orientale sur le harem :

- la perception du discours et du message de l’exposition (qu’est-ce que l’exposition raconte ?) en lien avec le parcours proposé et ses différentes sections

- le lien entre le titre et les contenus exposés - le point de vue sur la mise en exposition (traitement du thème,

œuvres, textes…) - les éléments marquants de l’exposition - le type d’univers auquel l’exposition se réfère (exposition d’art,

d’ethnologie, d’histoire… Quelle discipline est mise en avant ?) - la dimension actuelle du thème de l’exposition

Profil de l’échantillon S’agissant d’une étude qualitative, nous avons cherché à interroger différentes catégories et profils de visiteurs, sans prétendre à une représentativité quelconque. Nous avons mené 43 entretiens préa-lables et 47 entretiens post visite, et parmi ces 90 entretiens, 11 se sont déroulés en deux temps (avant et après la visite de l’exposition. L’échantillon est constitué de 79 personnes au total.

L’analyse cherche également à saisir la dimension du genre (masculin / féminin) dans le rapport à l’exposition et le degré de proximité avec la thématique (origines, voyages / séjours, contacts professionnels…). Nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle les modes de réception de l’exposition et les diverses postures de visite peuvent être en partie liés à ces deux variables : le rapport sexué à l’exposition et la dimension d’intériorité en lien avec la thématique44.

44 L’étude de la réception de l’exposition du MAAO Kannibals et Vahinés (Eidelman, Gottesdiener dir.) a permis d’identifier ces 3 modes de relation au thème selon le niveau d’implication avec la thématique de l’exposition : « extériorié », aucun lien ou familiarité avec le thème général de l’exposition ; « proximité » : connaissances (voyages etc.) des pays dont il est question ; « intériorité » : liens d’origine avec les pays.

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Du Muséum au Musée des Confluences64

Résultats le double regard sur la condition féminine et l’approche du thème- Hymne à la femme et qu’il faut aller voir, à une conquête aussi, à une

reconquête d’une féminité qui existe en Orient et en Occident mais pas expliquée de la même manière, enfermement d’un côté, libération de l’autre, mais, laquelle est la plus libre ? 45

- J’ai utilisé le terme pluridisciplinaire, je pense que l’exposition a réussi dans une large mesure à faire entrer en compte différentes expressions autour du thème.46

la réflexivité entre orient et occident- Les Arabes disaient que les femmes étaient très libres donc ils les

enfermaient, elles étaient vecteurs de connaissance et que la connaissance ça pouvait risquer de pervertir la rationalité de l’homme. L’occidental, lui, a toujours vu la femme comme objet de consommation (…) C’est le regard occidental qu’il nous faut changer.47

Source : Représentation et perception, Exposition Fantaisies du harem et nouvelles Schéhérazade, Rapport d’étude, N. Candito, A-E. Fiamor, Muséum, évaluation, mars 2004

les évaluations formatives

Elles sont réalisées en cours de projet. Il s’agit d’études tests visant à valider l’ensemble des concepts, des propositions muséographiques et des outils de médiation (prototypes). Ces études peuvent prendre une forme particulière et s’inscrivent aujourd’hui dans le courant de la « muséologie participative »48 qui implique la mise en place d’instances représentant les publics en associant parfois les visiteurs à la conception des expositions. (ex. mobilisation d’un réseau d’association pour la création de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration ; création d’un comité de visiteurs pour la refondation du musée de l’Homme…).

45 [F : 45/54 ans – en couple - enseignante]46 [H : 45/54 ans - en famille avec enfants - cadre supérieur]47 [H : 25/34 ans - en groupe - étudiant]48 Eidelman, Roustan, Goldstein dir. (2007, pp. 237-282)

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65Pratiques d’évaluation

6 - une méthodologie d’étude formative des expositions de synthèse et de référence

Présentation Le dispositif d’évaluation formative mis en place a porté sur les trois expositions de synthèse et de référence qui ont chacune pour ambition de répondre à une grande question universelle. La première interroge les concepts de l’origine et du devenir en tentant de répondre à la question : d’où venons-nous et où allons-nous ? Exposées sur deux niveaux, plusieurs thématiques traitent successivement de l’origine du monde, de l’origine de la vie et de la relation de l’Homme à la mort. La seconde exposition explore le concept d’identité en interrogeant le rôle et la place de l’être humain dans l’ensemble du vivant pour répondre à la question : qui sommes-nous ? Les thèmes qui y sont abordés vont de la frontière homme-animal jusqu’à celui de l’érosion de la biodiversité, en passant par l’exploration du corps, du cerveau, ou encore de la génétique. Pour répondre à la question que faisons-nous ? La troisième exposition tente d’expliquer, au travers de trois grandes thématiques, comment les hommes et les sociétés s’organisent, se rencontrent et se développent.

MéthodeÀ partir de plusieurs documents produits par les équipes de conception, des scénarios simplifiés des trois expositions ont été réalisés sous la forme de documents PowerPoint. Chaque diapositive fait apparaître le titre de la thématique, un texte correspondant au message écrit du discours, des photos des collections exposées accompagnées de légendes correspondant plus ou moins aux futurs cartels d’exposition et, parfois, le descriptif de certains dispositifs audiovisuels, immersifs, interactifs, ou encore de type « manip », lorsque leurs scénarios étaient suffisamment avancés.La difficulté a été de définir les orientations méthodologiques d’une démarche d’évaluation en cours de conception d’expositions. Comment parvenir à tester la réception de contenus d’expositions avant que ceux-ci ne soient mis en scène et avant de pouvoir observer un public en situation de visite ? Un échantillon de publics a été recruté à partir des fichiers du musée pour participer volontairement à cette évaluation. L’organisation de cinq réunions de type focus group réunissant une dizaine de participants a permis de présenter ces scénarios et de tester leur réception auprès des participants.L’objectif de l’évaluation est de tester, auprès du public, la réception du message général de chacune des trois expositions, à partir de l’articulation entre le discours, le parcours et les collections.

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Du Muséum au Musée des Confluences66

Résultatsla dynamique de groupe L’extrait suivant rend compte de façon assez représentative de la dynamique de groupe observée lors de ces réunions. L’échange de point de vue suivant a eu lieu au moment où les participants réagissent aux enjeux liés à l’exposition de l’ensemble Koban (sépulture d’une jeune femme accompagnée de mobilier funéraire) dans l’exposition D’où venons-nous ? :- Oui, c’est vrai que c’est difficile pour des enfants, c’est délicat.- En même temps quand on montre des momies aux enfants ils sont plutôt contents.

- Oui mais les momies elles sont habillées, c’est pas des squelettes.- Il y a pas longtemps j’étais au musée de Tautavel et il y avait des tombes wisigothiques, et ça posait aucun problème.

- Oui, il y a une certaine distance dans les musées qui fait que les enfants ne savent pas trop s’ils sont dans la réalité ou dans la fiction.

- Oui et pour un enfant un os c’est un os, d’ailleurs il y a des squelettes dans toutes les écoles.

- Oui, finalement, ça choquerait plus un adulte qu’un enfant.- C’est ça aussi le rapport avec la mort : on montre la tombe de Koban mais on ne montrerait pas la tombe de notre grand-mère.

- Il y a la question de la datation qui est posée.

Les propos des publics portent sur trois domaines : la muséographie (liens discours/parcours, choix de collection, lexique, interactivité) ; le parti pris sciences/sociétés et les enjeux contemporains.

la restitution aux équipes – en phase aPDLes résultats de l’étude ont été diffusés aux équipes selon deux modalités : - un rendu brut des retranscriptions écrites des réunions (comptes-

rendus) aux trois équipes projet,- une analyse transversale des discours des réunions de consultation.Ces éléments ont alimenté la réflexion des équipes qui ont pu avoir un retour des publics en amont de la mise en exposition.

Source : Enjeux de la prise en compte des publics en cours de conception d’expositions. Analyse d’un dispositif d’évaluation formative au Musée des Confluences. Mémoire de Master 2, S. Riou, Université d’Avignon pour le service évaluation, N. Candito, septembre 2008.

Un des partis pris institutionnels forts qui constituera l’identité « sciences et sociétés » du musée est la volonté d’intégrer à la programmation culturelle des questions relatives aux divers débats générés dans la société par des enjeux d’ordre éthique et politiques. Mentionnés dans les programmes muséographiques des expositions sous le nom de « questions de société » ou d’« enjeux contemporains », les diverses thématiques abordées (manipulation du vivant, disparition de la biodiversité, réchauffement

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67Pratiques d’évaluation

climatique, etc.) entendent répondre à l’intérêt croissant des citoyens pour les différents impacts possibles de la science et de la technologie dans la société. Ces sujets ont naturellement généré de nombreux échanges et prises de position de publics.

L’évaluation formative, au même titre que la programmation hors les murs, permet à l’institution d’assurer un continuum avec le public depuis la fermeture du Muséum jusqu’à l’ouverture du Musée des Confluences, et ainsi de lui offrir la possibilité de s’approprier progressivement le nouveau projet. Cet intérêt de l’évaluation en cours de conception comme forme d’appropriation du projet par le public, nous avons pu l’observer grâce au témoignage d’une des participantes ayant envoyé un courriel de remerciement après l’une de nos réunions : À mon tour de vous remercier car cette première réunion nous a déjà rendus plus proches du futur musée. Grâce à ce type d’initiative, je souhaite que peu à peu nous nous approprions le lieu et ayons franchement envie de le faire connaître aux personnes qui nous entourent.

Cette expérience a permis de questionner les enjeux liés à la spécificité de la méthodologie utilisée, à la nature du public sollicité et, de manière plus générale, à la situation de communication générée par le dispositif d’évaluation.

les évaluations sommatives

Elles permettent de mener des études portant sur la réception de l’offre culturelle. Elles sont le plus souvent conduites en fin de parcours de visite et restituent l’expérience « à chaud ». Elles peuvent également être menées pendant la visite (entretiens itinérants) et permettent de mettre en avant les notions de parcours, de logiques d’interprétation, de rapports aux œuvres, etc. Les dimensions de l’impact de l’exposition et de la mémoire de la visite sont parfois explorées, les publics sont alors sollicités plusieurs semaines après leur visite. Dans ce cas, c’est l’exposition ou la visite du musée comme élément « déclencheur » qui est explorée : Qu’est-ce que cela a généré (des discussions avec l’entourage, l’envie d’approfondir…) ? Quelles traces ou souvenirs subsistent de la visite ?

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Du Muséum au Musée des Confluences68

7 - la mémoire de la visite d’une exposition

Exposition Blanc comme neige. © Musée des Confluences.

Présentation L’exposition Blanc comme neige conçue par l’équipe du Musée des Confluences, a présenté au domaine de Lacroix-Laval une série de collections de sciences de la vie, sciences de la terre et de sciences humaines autour de la thématique du blanc. L’objet d’étude porte sur le regard des visiteurs sur les collections sous l’angle de l’émotion et de la connaissance. Plus globalement, elle vise à mesurer l’impact de l’exposition en termes de réception immédiate et différée dans le temps.

MéthodeLa première évaluation menée avec les photographies a été complétée par un second volet d’étude consistant à explorer le souvenir de visite conservé environ deux mois plus tard afin de mettre en perspective les éléments marquants de l’exposition49. En effet, l’exposition suscite des réactions, produit des émotions, laisse des impressions que l’on cherche à identifier voir à mesurer. Ce qui aura marqué les publics à la sortie de l’exposition sera-t-il identique quelques temps après ? Quels souvenirs les visiteurs garderont de cette expérience ? En quels termes en parleront-ils ?

Résultatsles souvenirs de l’expositionLes traces mnésiques de l’exposition sont au départ difficilement verbalisées et les souvenirs renvoient à l’ensemble de l’exposition qualifiée le plus souvent d’inattendue, surprenante, originale et accessible. L’analyse des entretiens laisse apparaître une forte

49 Le premier volet de l’étude a été réalisé auprès de 34 visiteurs et le second avec 16 visiteurs ayant accepté de revenir au musée pour récupérer leurs clichés et se livrer à un second entretien bref.

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69Pratiques d’évaluation

prédominance d’images liées à l’ambiance du lieu, du décor dont les visiteurs gardent un souvenir particulier : de la variété des collections exposées aux multiples significations liées au blanc, au parti pris esthétique. Les premières questions des souvenirs de visite servent d’amorce à l’entretien dans le sens où les visiteurs parlent de ce qui a été important pour eux. Moi tout ce que j’ai vu tout de suite en rentrant c’était le texte qui était devant là et puis je vous la décrirais… un petit labyrinthe sombre plein d’objets blancs, quelque chose d’esthétique.50

la mise en valeur des objetsLa mise en valeur des pièces de collection (éclairage, couleurs scintillantes etc.) a surpris les visiteurs en allant parfois à l’encontre de préjugés associant les animaux naturalisés à des bêtes poussiéreuses évoquant la mort. En effet, les paroles de nombreux visiteurs usent de qualificatifs renvoyant à l’inverse au registre du vivant. Le rejet a priori envers l’exposition de pièces naturalisées peut-être amplifié par rapport au contexte du lieu valorisant et constituant une collection en soi : le parc.

Des éléments marquants Ce n’est que dans un second temps, au moyen de questions de relances que les visiteurs reviennent sur les éléments marquants de la visite. Il apparaît pour environ la moitié des personnes interrogées que la sélection d’objets photographiés leur revient peu à peu à l’esprit au cours de l’entretien. Pour l’autre moitié, le souvenir de visite porte davantage sur le parcours, les collections, et plus globalement sur l’ambiance de l’exposition.Alors c’était tout blanc, y’avait un peu de tout, c’était toutes les matières de blanc. Les impressions que peuvent dégager le blanc, le froid, y’avait de tout. (« c’est-à-dire ? ») Des animaux, des défenses d’éléphant sculptées… Qu’est-ce qu’il y avait ? des masques africains, des pierres, des minéraux (…) si, y’avait un itinéraire qu’était… (rires) y’avait du blanc... du blanc minéral donc le blanc à l’état brut, y’a du blanc sculpté, donc c’était… ça voulait dire quelque chose c’était travaillé par l’homme.51

une expérience perceptive et sensorielle : un monde de sensations L’explicitation du parcours de visite deux mois après fournit des éléments permettant de saisir l’impact des ambiances (et de leur rôle) et du contexte sensible dans lequel l’exposition est vécue. Le discours de visiteurs présente de fortes récurrences relatives à l’expérience perceptive et sensorielle de la visite. En effet, on parvient à cerner ce qui déclenche des émotions et reste inscrit dans la mémoire du public. Les termes associés à la visite de l’exposition tels que : calme,

50 [F, 25/34 ans, éducatrice, avec un enfant]51 [H, 25/34 ans, avec une amie, recherche d’emploi]

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Du Muséum au Musée des Confluences70

un monde à part, tranquillité, fraîcheur/froid, ambiance sonore etc. montrent la façon dont le choix du thème entre en résonance avec le lieu d’exposition. En coupure avec le quotidien, la dimension de plaisir et de voyage est étroitement associée à la visite. Partie prenante d’une sortie au domaine, de nombreux extraits rendent compte des sensations associées à l’exposition Blanc. La justification des propos nous renvoie également à des dimensions imaginaires et intimes. Source : La mémoire de visite de l’exposition Blanc comme neige. C. Allainé, N. Candito, rapport interne, 2004.

n les différentes phases d’une étude : définir, mesurer, restituer

Définir…Quelque soit l’axe privilégié, les études menées répondent de façon systématique à des étapes. Celles-ci sont essentielles pour conduire un cheminement entre l’action culturelle et le retour des publics. À partir d’un exemple (extrait de l’étude qui concerne l’exposition Observer, de l’infime au lointain à la Chambre de Commerce et d’Industrie en février 2010), voici les différentes étapes liées à la réalisation d’une étude. Pour la seconde année consécutive, le Musée des Confluences expose à la chambre de commerce et d’industrie de Lyon pour présenter ses collections récemment acquises de sciences et techniques. Du microscope au robot martien en passant par l’accélérateur de particules et le Spoutnik, l’exposition prend la forme d’un parcours ludique et participatif accessible à tous, où les objets présentés évoquent successivement l’observation scientifique de la matière, de la nature, du corps humain et de l’univers. Ponctuée de zones d’expérimentations et de films courts, la visite offre une approche participative et singulière du thème de l’observation. Cet événement se poursuit par une programmation culturelle tous les après-midi avec des rencontres, projections, spectacles, contes, séances du planétarium…

1- Justifier le choix de l’étude : Pourquoi cette action-là ?- Suivi d’un événement de présentation des collections hors les murs (2e

édition) - première présentation publique des collections de sciences et techniques : exposition et programmation culturelle associée.

- Étude qui s’inscrit dans le temps : suivi sur plusieurs éditions dans un même lieu.

2- Clarifier la commande d’évaluation en concertation avec les acteurs Quoi ? Pour qui ? Pourquoi ? Comment ? : S’imprégner du projet et

déterminer les questions majeures pour les équipes :- Étude des documents de conception (intentions, orientations, textes

/ images / objets, scénographie).

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71Pratiques d’évaluation

- Proposition d’une note d’intention et d’un cahier des charges définissant le protocole.

- Réunion entre l’équipe projet, le chargé d’étude interne et les prestataires externes pour s’entendre sur les modalités de l’étude.

3- Définir le protocole d’évaluation, déterminer les outils de mesure à utiliser : objectifs, méthode, moyens, planning :

Les outils choisis sont ceux qui sont les plus pertinents pour répondre à une question précise. Posture : ne pas se contenter d’être « sur » un objet mais « avec » et « dedans » et retranscrire les résultats en vue de constituer des corpus de données exploitables.

- Enquête par questionnaires pour comparer les profils, motivations, satisfaction des publics.

- Entretiens semi directifs en fin de visite pour évaluer la réception de l’exposition et le rapport aux objets.

- Micro entretiens auprès des participants à la programmation culturelle associée.

- Mise à disposition d’un cahier des visiteurs. - Retour d’expériences et observation d’un médiateur stagiaire sur la

forme de médiation « rencontre avec ».

mesurer…Il s’agit d’une phase de terrain, souvent longue : recueillir des données, retranscrire, visionner et qui nécessite des compétences techniques particulières selon les outils utilisés. Cette phase est plus particulièrement propice à l’externalisation par rapport aux contraintes qu’elle génère.

4- Recueillir les données sur le terrain en intégrant une phase test du protocole :

Être en présence, éprouver le dispositif… / Réajustement éventuel de la méthode en fonction des contraintes rencontrées.

- Premier temps de découverte de l’exposition le jour du montage - Test des protocoles et réajustements éventuels (vocabulaire, lieu

d’enquête, durée…).- Aller/retour avec les enquêteurs et le service évaluation.

5- Exploiter les données : Émettre des hypothèses et pistes d’analyse, à partir des premiers

résultats bruts.- Retranscription des entretiens enregistrés, du cahier des visiteurs- Saisie informatique des questionnaires (logiciel stat.).- Participation à la réunion de débriefing de l’équipe projet.

6- Mettre en évidence les résultats : Identifier les problématiques majeures, les effets indirects ou

inattendus.- Lecture des résultats bruts et premières analyses. - Tris à plat des questionnaires. - Premiers retours à l’équipe projet.

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Du Muséum au Musée des Confluences72

7- Analyser les résultats :Synthétiser l’ensemble des analyses issues des différents outils.- Phase d’analyse croisant les lectures et pistes d’interprétations pour

chaque outil et rédaction d’un rapport intégrant l’ensemble des résultats issus des différents outils + synthèse ou préconisations.

restituer… L’évaluation a vocation à être diffusée, partagée. Cela implique de prendre en compte un certain nombre de contraintes, de par la diversité des fonctions représentées au musée mais aussi à l’externe. Chaque interlocuteur ayant des questions générales et des questions spécifiques sur les particularités d’une action, qu’elle soit culturelle ou non. Chacun se pose des questions différentes et a besoin de résultats pour prendre des décisions. La restitution des résultats nécessite donc d’offrir la possibilité d’une appropriation ou de la réappropriation des résultats d’étude. Si l’étude d’évaluation a pour but d’apporter des résultats et des lectures de ceux-ci, elle n’a pas vocation à « formater » la pensée collective. Elle doit donc permettre de transmettre et restituer les différentes étapes de l’analyse en trouvant le juste équilibre entre simplification (risque d’interprétation erronée) et complexité des résultats (opaque et inaccessible). La prise en compte de la diversité des acteurs impose ainsi des formats spécifiques de diffusion et notamment des niveaux de discours et des formes de communication (rapports, études, bilans, présentations PowerPoint, les synthèses52, articles…) en vue d’une intégration effective des résultats.

8- Communiquer et diffuser en vue d’un partage et d’une pérennisation des résultats :

Restituer sous des formes différentes et/ou à différentes phases (phase brute ou semi brute).- Diffusion du rapport final au comité de direction et à l’équipe projet. - Présentation orale d’une synthèse des résultats (équipe éval. et/ou

prestataire selon les cas).- Rédaction d’un document de synthèse « format 4 pages » destiné à

l’ensemble du personnel et à une diffusion externe.

9- Intégrer les résultats d’évaluation : Proposer des axes d’amélioration, préconisations.Échanges en interne autour des résultats pour la 3e édition, la réflexion sur les collections de sciences et techniques (niveau de discours associé, imaginaires) intégrées aux futures expositions de synthèse et de référence…

52 Voir en annexe un exemple de synthèse de résultats d’étude diffusé en interne et à l’externe.

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73Pratiques d’évaluation

La question du temps est très présente lorsque l’on aborde la question de la restitution des résultats. Le temps de la réalisation d’une étude est très variable et dépend de l’éventail des questions posées, des outils utilisés, des formes de rendus. Ensuite vient le temps, plus ou moins long de la capitalisation des résultats ou encore le temps des restitutions (écrites, synthétiques, orales…). On peut également évoquer le temps nécessaire à l’intégration des résultats et au changement de pratiques. On distingue l’intégration immédiate (modification instantanée de nos pratiques, communication des résultats à l’extérieur), l’intégration de moyen terme (d’une exposition à une autre), l’intégration de long terme. On distingue également le temps selon l’utilisation des résultats (réfléchir, se remettre en cause, modifier sa conception, corriger, anticiper). Puisqu’on évoque la question du temps de la restitution, il est parfois intéressant de diffuser a posteriori les résultats. La prise de distance permet d’être dans une autre dynamique de projet et d’avoir un regard critique plus aisé.

Avec le développement des études de publics, on assiste au passage d’une conception abstraite et homogène du public à une conception dynamique et mouvante illustrant la diversité de profils, d’intérêts et de pratiques.

Un des rôles essentiels des études de publics est non l’optimisation d’une bonne gestion des rapports au public, mais la mise en cause continue des stéréotypes du public qui ont sans cesse tendance à devoir se f iger pour les besoins d’une vision gestionnaire et fonctionnelle de ce rapport au public53…

Le constat, dans les institutions, de changements de pratiques liés à l’usage des études de publics par les équipes de conception (textes d’expositions, interactifs…) témoigne de l’apport de l’évaluation construite dans la durée au travers de la capitalisation de résultats. Mais ces pratiques intégrant les savoirs sur les rapports des visiteurs à l’expôt54 sont loin d’être systématiques et doivent être constamment remises en cause. Si les évaluations comparent les objectifs définis lors de la planification d’un projet avec les résultats effectivement atteints, qu’il s’agisse de confirmer des choix ou non, il est intéressant de faire émerger des décalages, des effets inattendus. Il importe de ne pas se contenter de la mesure des effets ou de l’impact d’une action, d’un projet pour prendre également en compte la dimension artistique des projets qui touche au sensible.

les écueils ou relatifs échecs des études d’évaluationLa posture d’évaluation peut aussi se mettre en danger et « oser ». Du point de vue de l’objet d’étude et de la méthode, on a souvent des a priori de ce qui semble complexe ou non à réaliser et qu’il importe d’intégrer tout en cherchant des réponses.

53 Joëlle le Marec, extrait d’un texte publié, Musée, connaissance et développement des publics, Paris, 2006, Ministère de la culture. (http://indiscipline.fr : L’institution gardée par ses publics : confrontation de modèles au musée, samedi 07 avril 07)54 Concept d’André Desvallées (1975) : un expôt est un terme générique désignant tout objet ou document présenté à la vue du public, traduction du terme anglo-saxon exhibit.

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Du Muséum au Musée des Confluences74

Citons ici quelques cas à titre d’exemples : Comment évaluer le sens de l’usage d’un dispositif de médiation du contenu d’une exposition temporaire du musée basée sur l’utilisation de la technologie RFID ?

Contexte : À partir du 6 juin 2006, l’exposition Ni vu, ni connu a été agrémentée d’un dispositif utilisant des puces radiofréquences (RFID). À la fin de sa visite, le visiteur découvre comment ses déplacements, les informations qu’il a laissées dans un jeu ou même sa photo - prise dans une zone de l’expo consacrée aux médias et à la presse – peuvent être captés à son insu.

La question des usages liés aux technologies de l’information étant spécifique, l’équipe a choisi d’élaborer un cahier des charges pour s’associer à une équipe de recherche, spécialiste de ces questions55. Cela a permis de constituer un binôme avec un ingénieur de l’équipe alliant la connaissance en muséologie côté musée, et celle des usages des technologies, côté labo, pour élaborer une méthodologie d’étude et analyser les résultats56. Outre la compétence spécifique, le lien avec le monde universitaire a favorisé dans un second temps, l’exploitation des données de l’étude à des fins de recherche et a donné lieu à la production d’articles dans des revues spécialisées57.

Comment rendre compte d’une expérimentation d’une forme de médiation intégrant des nouvelles technologies (vitrines équipées d’éléments techniques – rfid, badges, bornes – permettant de personnaliser les cartels des objets en fonction de paramètres tels que l’âge, la langue et l’accessibilité) ?

55 UMAN Lab (Équipe de recherche technique « usages, marchés, attitudes et nouvelles technologies »), université Pierre-Mendès-France, Grenoble.56 Signification d’usage du dispositif RFID dans l’exposition Ni vu ni connu. paraître, dis-paraître, apparaître. N. Candito, F. Forest – Muséum Lyon / MSH Alpes - rapport d’étude - février 2007.57 F. Forest, N. Candito, E. Shimmels « L’introduction des RFID dans les musées. Expérimen-tation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », Les Cahiers du musée des Confluences, volume 2 : L’expérimentation, revue thématique Sciences et Sociétés du musée des Confluences, pp.85-104 ; N. Candito, F. Forest, « Les visiteurs face à la technolo-gie RFID », Lettre de l’Ocim n°113, sept.-oct. 2007, pp.18-25.

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75Pratiques d’évaluation

Cette expérimentation réalisée avec le centre Érasme58 est présentée au public dans le cadre de la Fête de la science soit 4 jours de présen-tation dans un contexte festif. Le questionnement des acteurs du projet porte sur deux questions : . les usages : en termes de visibilité technologique, de prise de conscience des potentialités, d’apports spécifiques à la visite ;

. le positionnement du visiteur face à ces technologies et à leur présence au musée pour faciliter la médiation et l’appropriation des contenus (notion de visite personnalisée, de niveaux de lecture…).

La méthodologie choisie a été celle de l’observation des pratiques et des comportements dans l’espace d’exposition et la réalisation de courts entretiens auprès de visiteurs individuels et de classes (enseignants).

Ce choix s’est avéré peu pertinent et la courte durée de l’expérience n’a pas permis de revoir complètement le protocole au vu des premiers retours. Nous avons observé l’écart important entre le questionnement réflexif et la réalité de l’expérience vécue par les publics, dans une situation de découverte ludique. Le public restitue des impressions dans l’immédiateté et n’est pas en position de prise de distance pour se projeter, à partir de son expérience sur un contexte plus large, celui de la visite du musée.Au vu de la complexité de l’objet du questionnement (prospective sur les usages des technologies numériques au musée par exemple), il est nécessaire de prévoir un protocole en deux temps : observation in situ puis échanges sur l’expérience dans un second temps (quelques jours plus tard) en constituant par exemple un groupe de visiteurs volontaires pour revenir échanger sur la place des formes de médiation intégrant les nouvelles technologies au musée.

Ces problématiques se posent avec acuité pour des manifestations de type événementiel où la période de terrain est limitée dans le temps.

58 Pôle d’innovations du département du Rhône qui développe des expérimentations, ac-tions de production dans le domaine des nouvelles technologies appliquées à l’éducation, à la muséographie et au maintien à domicile des personnes dépendantes.

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Du Muséum au Musée des Confluences76

Comment étudier l’impact d’une exposition déployée sur plusieurs sites ? L’exemple de l’exposition Créations contemporaines aborigènes déclinée en quatre lieux (deux galeries d’art contemporain et deux hôpitaux) ayant pour thème la transmission des cultures aborigènes illustre un autre aspect lié à la méthodologie d’enquête et à ses limites.

L’étude menée auprès des publics de l’exposition Créations contemporaines aborigènes, présentée sur 4 lieux

Chaque lieu décline un aspect du sujet, les quatre expositions étant conçues pour se faire écho et se compléter mutuellement dans une approche à la fois esthétique et didactique des oeuvres offrant une sensibilisation à la création contemporaine aborigène. L’ensemble de ces expositions s’adresse à un large public dans deux contextes différents, celui de l’espace dédié à la présentation d’œuvres d’art contemporain et celui de l’espace public de l’hôpital. Le projet est pensé comme un tout, chaque lieu déclinant chacun le thème général de la transmission à travers une sélection d’oeuvres adaptée à la fois aux lieux, à leurs contraintes et au public concerné. S’agissant de quatre lieux singuliers en termes de publics, de fréquentation et de notoriété ayant chacun son propre public, la question de la réception de l’offre globale n’a de sens que pour ceux qui ont identifié le projet et les liens thématiques entre ces derniers (via notamment un livret d’exposition). Mais les entretiens menés avec les publics ne rendent compte que du vécu d’une visite singulière, et seule une minorité de visiteurs a pu restituer l’expérience d’une visite intégrant au moins deux sites d’exposition. De plus, la constitution d’un corpus qualitatif (d’au moins 40 entretiens approfondis) dépend de la fréquentation journalière des lieux d’exposition pour obtenir des résultats exploitables. Les écarts importants de fréquentation entre les lieux ont rendu complexe l’échantillonnage et la répartition des entretiens. Le corpus final constitué de 30 entretiens ne peut rendre compte de la réception de la proposition dans sa globalité.

Là encore, la programmation hors les murs pose des défis méthodo-logiques à l’équipe d’évaluation qui ne peut simplement se contenter de transposer des outils mais doit constamment repenser les approches.

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77Pratiques d’évaluation

Contribuer au dialogue, au débat, au sens critique

Pour les différents acteurs, les enjeux liés à la restitution et à la transparence des résultats d’évaluation sont multiples. L’évaluation est une démarche délicate et parfois complexe. L’évaluation doit être digne de confiance, pour pouvoir exercer son rôle critique et opérationnel. En effet, un de ses apports réside dans le maintien d’un dialogue entre les différents acteurs, et l’apport de résultats et d’analyses à partir desquels des décisions mais aussi des débats peuvent être menés.

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79Pratiques d’évaluation

Les entretiens et les observations

Détailler la méthode de deux outils classiques

Deux méthodes classiques d’enquête sont ici explorées et pointent les spé-cificités liées au recueil de la parole et à l’observation des comportements.

les entretiens

Les modalités de recueil de la parole sont multiples et peuvent intervenir à des moments distincts de l’expérience de visite : entretiens en cours de visite (itinérants), entretiens post-visite, constitution de comités de visiteurs (réunions de groupes), mises en situations et tests face à des prototypes, expérimentations…

les observations

Si l’analyse du comportement en contexte muséal a fait l’objet d’études par observations, elle est le plus souvent complétée par d’autres outils permettant notamment d’associer le récit à la posture. Des exemples de cas montrent leurs apports et limites.

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Du Muséum au Musée des Confluences80

n mener des entretiens auprès des visiteurs

La qualité du qualitatif tient essentiellement à la possibilité de sortir de l’attendu et de découvrir des attitudes, des réactions, des usages qui ne participent pas des représentations que l’on se fait a priori du public, de ce qui est bon ou mauvais pour lui, des effets qu’ont sur lui les dispositifs muséographiques. (Le Marec, 1995)

La méthode choisie devant être adaptée au mieux aux questions initiales et intégrer les contraintes de contexte, de temps, de budget, de moyens (humains et techniques). Une des modalités les plus courantes pour recueillir la parole des publics est l’entretien. La conduite d’entretiens s’inscrit dans une perspective compréhensive (Kaufmann, 1996) : celle qui prend en compte le sens que les individus donnent à leur conduite. Les techniques d’évaluation utilisant les méthodes dites qualitatives sont principalement celles qui ont recours aux entretiens, aux observations et aux analyses sémiologiques de corpus. Pour chaque objet, on déterminera la technique d’enquête ad hoc, en privilégiant le plus souvent une combinaison d’outils. Ainsi, l’observation combinée à l’entretien se révèle souvent riche d’enseignements.

la prise en compte des contraintes : lieu, public, thème…

Un certain nombre de contraintes apparaissent pour mener des entretiens. Ces contraintes peuvent être liées au terrain, aux publics (exemples : interroger les publics dans le cadre d’une action menée à l’hôpital, interroger le très jeune public non lecteur, difficultés liées à la formulation de l’expérience vécue, au thème…)

Contrairement à une logique suivant un schéma pré-établi (construction préalable de l’objet et hypothèses unifiées selon une problématique), l’approche qualitative permet la possibilité de découvrir les questions au cours même de l’enquête, ce qui remet parfois en cause l’objet ou certaines hypothèses. Il importe d’intégrer cette réalité pour revoir le protocole en fonction des contraintes du terrain. Cette conception place le travail de terrain au centre de la démarche.

La situation d’enquête en dehors du contexte et du cadre de l’institution musée invite à repenser les pratiques des acteurs, à la fois l’approche méthodologique, la notion de « public », souvent non intentionnel. Elle constitue en outre une opportunité d’approcher ce que certains dénomment le « non public » des musées, ce qui demande des précautions particulières. Une connaissance préalable des lieux est nécessaire pour en connaître les contours, les limites et les contraintes. Qu’il s’agisse d’investir d’autres lieux (non culturels), ou encore l’espace urbain, la démarche et l’outil choisis devront être systématiquement repensés pour éviter toute transposition de « modèle ».

Il est également essentiel de prévoir systématiquement une phase de pré tests pour adapter le protocole d’enquête, revoir la formulation (à l’aide de l’écoute des premiers enregistrements) et estimer le temps réel de

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81Pratiques d’évaluation

l’entretien. De façon générale, on cherchera systématiquement à prévoir un espace propice à l’entretien, pas trop bruyant, et permettant un temps de pose afin de réunir des conditions favorables à une discussion. La relation d’enquête constitue une relation sociale qui exerce des effets sur les résultats obtenus et il faut accepter que le chercheur modifie par sa seule présence la situation dont il cherche à rendre compte. Il importe de s’interroger sur les interactions observateur / observé ou enquêteur / enquêté en termes de fiabilité, contrôle des données et du délicat compromis à trouver entre subjectivité et objectivité.

Le moment choisi pour mener l’entretien et interpeller le visiteur dépendra de l’objet de l’étude. Il pourra se situer aux différents moments que constituent une visite, avant d’entrer dans l’espace d’exposition (questions des motivations préalables et horizons d’attente), pendant l’expérience de visite elle-même (entretien itinérant – recueil systématique de commentaires de visiteurs pendant leurs parcours où on confie un enregistreur au visiteur selon une consigne spécifique selon la méthode du thinking aloud), ou encore en fin de parcours.

la relation « enquêteur / enquêté » : entre engagement et distanciation

L’entretien est une relation à deux où chacun cherche à savoir ce qui se joue dans la relation enquêteur / enquêté. Cela génère non-dits, silences, questionnements quant à la position du chercheur. D’où l’importance du rite de présentation (Goffman, 1974, p.63) dans la relation interindividuelle. La question du statut, de l’identité de l’enquêté doivent être présentés ainsi que les objectifs de l’enquête, son usage et la durée estimée de l’entretien (variable en fonction de l’objet d’étude et du contexte). La question de l’enregistrement de la parole doit être explicitée dans un second temps et amenée naturellement comme un outil – conçu à des fins d’étude uniquement – permettant une restitution fidèle du discours. Parce que l’entretien n’est ni une improvisation ni un échange informel, il importe de définir une trame pour structurer l’interrogation sans pour autant diriger le discours. Cette trame peut être souple, autrement dit les questions pouvant être posées dans un ordre différent en fonction de la dynamique de l’échange. On peut identifier une certaine logique dans la conduite de l’entretien : - l’amorce (préambule) qui introduit et explicite le contexte, - une question générale qui vise le registre de l’évocation spontanée

(impressions, état d’esprit…) ;- un recentrage sur les différents thèmes de l’entretien (avec relances visant

à justifier les réponses, expliciter, préciser le propos mais sans induire les réponses) ;

- le recueil d’éléments biographiques permettant d’identifier le locuteur. L’enquêteur cherchera à adopter un ton proche de la conversation pour donner le sentiment de bavarder d’un sujet et non d’évaluer une compétence, en multiplier les « situations de paroles » par le biais d’échanges et de conversations informelles tout au long de l’enquête. Cela conduit à créer une relation proche de l’empathie (attitude d’écoute) entre le visiteur et

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l’enquêteur. On remarque que régulièrement, la fin de l’entretien (enregistré ou non) constitue un moment qui peut générer de nouvelles paroles, parfois sur le ton de la confidence, plus ou moins en lien avec le questionnement initial qu’il importe de prendre en considération. Ceci est révélateur d’une certaine tension liée à la situation d’entretien qui peut être vécue par certains comme une épreuve.

De l’oral à l’écrit : l’analyse des données

Pour le recueil des récits, on procédera le plus souvent à un enregistrement intégral des entretiens qui sera ensuite retranscrit (dans son intégralité) en vue d’une analyse du corpus textuel. Cette phase de transcription se révèle souvent essentielle car elle permet de relever des détails qui s’avèrent majeurs au moment de l’analyse. Le matériau d’analyse étant issu de la narration d’une expérience, l’opération de transcription transforme la conversation orale en discours écrit. La règle qui prévaut est la suivante : celui qui mène l’entretien, le retranscrit afin de pouvoir restituer au mieux les échanges, les marques non verbales du dialogue (rires, silences,…). Il inscrira les conventions de transcription permettant au lecteur de saisir les différents codes. (exemple : silence […], intensité dans l’expression : mots soulignés…). Dans la restitution des récits, une attention sera portée à l’identification des locuteurs à des fins d’analyse. Il s’agit de relier les extraits de discours intégrés à l’analyse à celui qui parle. Les identifiants seront plus ou moins précis en fonction de l’objet de l’étude (dans un cas, le temps de visite sera primordial ; dans un autre, ce sera le contexte (seul ou à plusieurs…) ou la familiarité avec le sujet. Il existe également d’autres méthodes telles la prise de notes à la volée, qui nécessite une expertise et une pratique régulière. L’écueil étant celui de procéder à une sélection de l’information et donc à une première interprétation du discours ou de modifier les mots utilisés par d’autres termes raccourcis, synonymes pouvant biaiser l’analyse.

La fréquence d’une occurrence n’a pas de représentativité statistique, en revanche c’est sa signif icativité sociale qui est recherchée, c’est-à-dire, sa capacité à révéler un mécanisme social, des interactions entre acteurs, des pratiques, une dimension symbolique. (Desjeux, 1998)

L’analyse du corpus se fera de diverses manières, selon une logique transversale issue du relevé des occurrences (thèmes…) ou une logique longitudinale (propre à chaque situation d’entretien dont on perçoit la structure, l’élaboration d’une réflexion inscrite dans la durée) ou encore en croisant les deux approches. Production et reconnaissance sont les deux “pôles conceptuels” qui encadrent toute analyse de discours. À partir d’un ensemble discursif donné, on le met en rapport, d’un côté avec ses conditions de production, et de l’autre avec ses conditions de reconnaissance. Le nombre total d’entretiens réalisés pouvant en outre permettre de lier deux approches : une approche causale (quantitative) et une approche compréhensive (qualitative). L’étape du repérage des éléments récurrents (thèmes, registres argumentaires) permet de procéder

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83Pratiques d’évaluation

à un découpage transversal mettant au jour, permanences, divergences mais aussi contradictions à partir desquelles des hypothèses sur des types de processus sont élaborées. L’expérience de terrain semble révéler un seuil minimal pour exploiter des données qualitatives par entretiens qui s’élève à un minimum 30 entretiens approfondis d’une durée supérieure à 20 minutes.

Les limites du déclaratif : Il importe cependant d’être conscient des limites du déclaratif où l’on peut assister parfois à des discours de convention ou de faire valoir. Ce qui explique à la fois une faible part de critiques de la part des publics et une réticence à avouer un échec, un problème, une incompréhension… mais aussi relation de confiance (pas d’enjeux autres que symboliques).

la parole comme prolongement de l’expérience de visite et participation au débat

L’expérience des enquêtes de terrain amène un constat récurrent : celui d’une faible fréquence de refus des publics sollicités. Fréquemment à l’issue d’une enquête, les publics interrogés remercient l’enquêteur, contents d’avoir livré leurs impressions, d’avoir dialogué ou confronté leur vision de l’exposition, ou d’avoir permis de faire une synthèse, d’avoir mis en mots une expérience sensible (d’être passé du « faire » au « dire »). Précisons que la spécificité du lieu d’enquête ou le commanditaire – l’institution muséale – joue un rôle important dans l’établissement d’une relation de confiance et de réciprocité entre enquêteur et enquêté. Le visiteur semble utiliser l’entretien pour revendiquer une possibilité de s’exprimer en tant qu’individu et citoyen. Cela est particulièrement notable dans le cas d’expositions traitant d’enjeux contemporains ou de sujets sensibles voire polémiques où l’entretien constitue une forme de prolongement de l’exposition, voire de médiation, offrant un espace de discussion et de débat.

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n analyse du comportement : théorie et pratique

L’exposition n’est pas une juxtaposition équivalente et équidistante d’objets de contemplation, c’est un système structuré par un discours. On pense tout de suite bien sûr au discours du concepteur, qui a prévu l’enchaînement des thèmes et mis en scène leur hiérarchisation ; mais rares sont les expositions qui imposent totalement, par leur mise en espace, une linéarité de visite obligée. Le vrai discours de l’exposition est celui que construit le visiteur par son parcours, en mettant en relation dans un certain ordre ce qui lui est proposé. La signif ication n’est pas donnée à l’entrée, elle est produite à la sortie. (Véron, Levasseur, 1991 : 18)

L’analyse du comportement en contexte muséal a été expérimentée dans les années 90 avec notamment l’étude phare de Véron et Levasseur (Ethnographie de l’exposition) portant sur l’exposition Vacances en France, à la bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. Cette étude a eu comme objet principal la description ethnographique des parcours de visite via l’analyse des pratiques, des parcours et des stratégies de visite.

Elle a consisté en une analyse sémiologique de l’exposition59 ayant recours à l’observation et à l’entretien (observation directe des comportements « en situation », écoute des commentaires spontanés et entretiens) : - suivi de visiteurs pendant toute leur visite et relevé de leurs comporte-

ments ;- relevé de tous les comportements intervenant sur un point fixe pour

évaluer les effets propres de tel ou tel dispositif de mise en scène et d’accrochage.

L’analyse a fait émerger cinq catégories de visite reclassées en quatre grands types de comportements observés, avec des noms imagés, pour mieux les caractériser : fourmis, papillons, poissons, sauterelles.Exemple : les sauterelles ou la visite « punctum » Procède par bonds, ayant aperçu quelque chose qui l’intéresse au loin, s’y dirige sans hésitation. - visite dynamisée à chaque moment par l’attirance d’un élément ponctuel

(punctum)- temps de visite court (environ 5 mn)- arrêts peu nombreux (cinq ou six en moyenne)- indifférent à l’ordre chronologique proposé

De cette analyse, il ressort clairement que la typologie par observation des comportements renvoie bien à une typologie plus fondamentale des attitudes face à l’exposition en particulier, et plus généralement à la consommation culturelle. (Véron, Levasseur)

59 Corpus : une réunion de travail avec les concepteurs de l’exposition au cours de laquelle celle-ci a été décrite et commentée (avant le montage), 43 relevés photographiques exhaus-tifs de l’exposition avec prises de vues de ses lieux et de la totalité des panneaux et vitrines, analyse sur place de l’exposition.

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85Pratiques d’évaluation

Autre étude importante, celle de Jean-Claude Passeron et Emmanuel Pedler sur le Temps donné au regard60. Là aussi, on retrouve le principe d’une ethnographie quantitative (durées, rythmes et formes de visionnement d’un tableau) par la mesure des arrêts et du temps consacré à regarder les tableaux. Le principe est le suivant : les enquêteurs relèvent les indications nécessaires à l’enquête à partir des comportements des visiteurs: parcours de la visite, temps de parcours, déambulations, arrêts devant 32 toiles accrochées dans deux salles du musée. Le bordereau d’observation identifie divers comportements face à ces toiles (retours, prise de distance ou contemplation rapprochée). Un court entretien effectué à la suite de l’observation permet d’enregistrer toutes les variables d’état exigées par l’analyse sociologique des résultats. L’objet d’étude et la posture des chercheurs sont de séparer et comparer ce qui revient aux prédispositions culturelles des visiteurs (la « consommation » indifférenciée du musée, et ce qui revient à l’effet spécifique d’une œuvre singulière (l’interprétation inhérente à la réception d’une œuvre artistique).

60 Enquête sur la réception de la peinture (1999)

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La grille d’analyse d’un protocole d’observation vise également à intégrer des données relatives au langage non verbal afin de voir de quelle manière certaines modalités corporelles (voix, regard, gestes, postures) peuvent renforcer, réguler, compléter ou contredire le langage. Une notation précise des comportements, durée, interaction avec le dispositif / écran, et entre les visiteurs… y est consignée.

Le recours au film peut être également intéressant pour relever des comportements, formes d’interaction entre visiteurs ou avec des dispositifs particuliers, logiques de parcours etc. Ils sont parfois plus concluants qu’une méthode par entretiens portant sur l’usage d’interactifs ou des logiques d’appréhension de l’espace d’exposition. La complexité réside dans la masse d’images enregistrées, la procédure de sélection et d’analyse. Leur usage pour étudier les comportements des publics face aux interactifs (à la Cité des sciences notamment) a permis de restituer de manière explicite aux équipes de conception les modes d’appréhension, de déclenchement, les difficultés ergonomiques, les postures… Dans ce cas, le simple visionnage peut suffire sans passer par une phase d’analyse.

Ces exemples montrent que dans la plupart des cas, on ne peut recourir uniquement à un protocole d’observation ; ce dernier devant être complété par des données de profils ou des éléments de discours (à moins de ne s’intéresser qu’à un aspect particulier : ex. le sens de visite où l’on peut simplement noter dans quelle direction vont les visiteurs ; des logiques de parcours ; l’identification des zones d’attraction, d’évitement, de rétention).

Le visiteur ne se réduit pas à ce qu’ il fait, et ce qu’ il fait ne se réduit pas à ce qu’on voit. (Véron, Levasseur, 1991, p.20)

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87Pratiques d’évaluation

8 - une typologie des comportements dans une installation interactive

Installation Ombre d'un doute. © Musée des Confluences

PrésentationInstallée dans la rotonde du Muséum, L’ombre d’un doute se présente comme un écran panoramique de 18 mètres de long parcouru par un flux ininterrompu de mots, de questions, de fragments de textes et de phrases génériques. Lorsqu’un visiteur entre dans l’espace, il voit cet ensemble de mots en mouvement sur l’écran. Un système complexe de caméras numériques et de programmes informatiques capte les déplacements des visiteurs face aux écrans pour les matérialiser sous la forme d’une trace blanche. Lorsque la trace se stabilise quelques secondes sur un mot du flux, elle active une séquence vidéo. La forme est celle d’une installation interactive arborescente, un espace de construction en temps réel offrant un « palabre » de paroles singulières fait de mots, d’images et de sons. L’installation est à la fois une exposition de points de vue multiples et une invitation à se construire son propre regard de citoyen sur le principe de précaution61.

Méthode La spécificité du dispositif a nécessité d’observer la situation de visite – qui consiste avant tout en une expérience corporelle – sur les lieux de la pratique, proche de l’expérience vécue. Mais l’observation des comportements des visiteurs dans l’espace de l’installation ne rend que partiellement compte de la réalité de l’expérience de visite. Et, seule la narration de celle-ci permet d’en saisir toute la complexité. De même, le récit de visite n’est pas totalement fidèle à l’expérience vécue. C’est pourquoi nous avons mis en place deux protocoles complémentaires et privilégié l’approche qualitative afin de saisir les formes de réception et d’interprétation induites par le dispositif :

61 En avril 2002, le Muséum commande à Thierry Fournier, artiste multimédia, une création sur le thème du « principe de précaution ».

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Du Muséum au Musée des Confluences88

1 – Une phase d’observation ethnographique des comportements : Observation directe et relevé des comportements « en situation »

face à l’écran semi-circulaire visible d’un même point fixe (notation sur une grille de lecture).

2 – Une phase d’observation complétée d’entretiens structurés autour de six points :

Entretiens semi directifs enregistrés, menés en fin de visite dans une pièce attenante à l’espace d’exposition, dans une ambiance de convivialité (fauteuils, table).Profil de l’échantillon : Sur la période du 6 mars au 15 mai 2003, vingt-cinq entretiens approfondis ont été menés auprès de visiteurs préalablement observés dans l’espace. S’agissant de visiteurs individuels et de groupes conviviaux, l’étude a concerné au total 36 personnes. L’échantillon est contrasté en termes de profils, d’âges et de situations de visite.

Résultats

Une analyse fine des observations a permis d’esquisser une typologie des comportements et de distinguer deux grands groupes de comportements, les joueurs et les passifs, à l’intérieur desquels on peut classer les 5 types établis.

- Les joueurs qui se prêtent au jeu du déclenchement des séquences grâce à leurs déplacements corporels, se subdivisent en : Zappeurs – expérimentation pure : une combinaison de déplacements, de jeu avec le corps et un zapping permanent c’est-à-dire qu’aucune séquence vidéo déclenchée n’est écoutée en entier. Fureteurs – visite test : ils semblent davantage choisir les mots qui les interpellent, zapper sur les séquences ou les écouter selon l’intérêt qu’ils leur portent.Studieux – visite modèle : le visiteur studieux qui se tient immobile lorsqu’une séquence s’est déclenchée pour l’écouter jusqu’à la fin, pourrait être passif… s’il n’était pas très actif, dans le déclenchement des séquences pour lequel il utilise son corps.

- Les passifs qui déclenchent également du contenu mais sans utiliser activement leur corps à cette fin, regroupent deux types : Opportunistes - attitude statique qui dénote une incompréhension du fonctionnement du dispositif ou d’une reproduction des schémas traditionnels du visiteur d’exposition, ou du téléspectateur. À l’écoute de ce qu’on lui propose mais ne semble pas avoir de véritable projet.Observateurs – ou la visite par procuration : les observateurs regardent ce que font les autres et ce qu’ils déclenchent. Dans ces cas observés, où la visite se fait à plusieurs, le visiteur observateur profite tout autant du contenu que les visiteurs plus actifs.

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89Pratiques d’évaluation

Contrairement à ce qu’il en est dans une exposition classique comme celle analysée par Véron et Levasseur (1991 : 86), la typologie des comportements ne renvoie pas tout à fait à une typologie des attitudes face à l’exposition et à la consommation culturelle en général. On ne peut rien conclure des observations et la diversité des attitudes et des appropriations de l’installation ne peut être rendue qu’à travers l’analyse des entretiens, en croisant les deux approches : postures et discours.

Source : L’ombre d’un doute : récit d’une expérience singulière, Installation interactive de Thierry Fournier, Récits d’une expérience singulière, Rapport d’étude, N. Candito., M. Gauchet, Muséum, évaluation, juillet 2003.

la méthode d’évaluation intégrée à l’expérience de visite

À un premier niveau, on repère l’effet structurant de la méthode d’évaluation dans l’aide à la formulation et à la construction d’un discours sur l’exposition (l’entretien qui permet de prolonger l’expérience par la narration de celle-ci, ouvrant un espace de dialogue). À un second niveau, ce détour par les outils de l’évaluation vise à montrer en quoi la méthode participe pleinement de l’expérience, mais qu’elle est toujours à réinventer, adapter en fonction de la spécificité de l’objet et du public visé. S’il n’y a pas de « modèle » d’outils que l’on peut appliquer à des contextes ou situations particulières mais bien une approche commune du public et de sa relation à l’institution musée.

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91Pratiques d’évaluation

La construction de nouvelles méthodes Exploiter une palette d’outils

En terme de méthode, une des évolutions majeures a été de tendre vers une combinaison des différents outils à disposition afin d’optimiser les ressources disponibles. Cette complémentarité des résultats issus de différents outils de mesure permet d’aller au-delà du débat des méthodes quantitatives et qualitatives, pour se concentrer sur la complémentarité des informations délivrées. Mais leur utilisation est soumise à des contraintes, telles que le coût, le temps, le niveau d’expertise nécessaire, la taille de l’échantillon… Travailler sur la question des outils de mesure a également fait émerger la question de leur développement. L’évolution des outils de mesure a été une évidence. Parce que les questions que les musées se posent ont évolué, parce que les pratiques des publics ont changé. De nouvelles approches méthodologiques intégrant la dimension participative se sont développées rapprochant parfois l’évaluation d’une forme de médiation et d’échange avec les publics.

n la complémentarité des outils de mesure et le développement de nouveaux outils

n les enquêtes en ligne

n le comité des publics : vers une muséologie participative ?

n l’usage de l’appareil photo

n l’implication du personnel dans l’observation des publics

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Du Muséum au Musée des Confluences92

n la complémentarité des outils de mesure et le développement de nouveaux outils de mesure

une présentation des outils de mesure permanents

Au total, environ 14 000 visiteurs62 ont été interrogés, entre 2000 et 2007, sur leur expérience de visite. Parmi les outils de mesure les plus classiques et les plus utilisés, on retrouve les statistiques de fréquentation, les enquêtes, le cahier des visiteurs et les entretiens. Le cahier des visiteurs apporte une vision immédiate de ce que le visiteur a retenu ou ressenti de sa visite, les entretiens permettent d’approfondir la perception du visiteur et d’orienter son discours autour des mécanismes d’appropriation, les statistiques de fréquentation renseignent sur le nombre de visiteurs accueillis et sur leurs modes de fréquentation, les sondages permettent d’établir la composition des publics et donnent des indices de satisfaction.

outil de mesure

Public ciblé objectifs nombre de personnes interrogées

Cahier des visiteurs

Ensemble des publics du musée

Réactions spontanées

5 004

Sondages Public individuel à la sortie du musée

Satisfaction de l’expérience de visiteComposition des publics

4 166

Enquête médiation

Public individuel à la sortie de la médiation

Satisfaction de l’expérience de visiteComposition des participants

2 124

Entretiens Public individuel Réception de l’offre culturelleProspective

800

Utilisation de l’appareil photo

Public individuel Retour sur les objets de collection

456

Les statistiques de fréquentation et une nouvelle conception de la notion de public. Le recueil de données statistiques a soulevé un certain nombre de questions sur la notion même de « public » : Que prendre en compte lorsque l’on parle de visiteur ? Est-ce que les personnes qui assistent à une inauguration

62 4 166 répondants aux sondages menés au Muséum (1 397 répondants aux sondages réalisés au domaine de Lacroix-Laval) ; 2 124 répondants aux enquêtes médiation ; 5 004 commentaires dans le cahier des visiteurs ; 800 enquêtés au travers d’entretiens ; 456 parti-cipants à une évaluation avec l’usage d’un appareil photo.

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93Pratiques d’évaluation

d’exposition sont bien des publics ? Comment prendre en compte les publics scientifiques du Centre de Conservation et d’Etudes des Collections ? De nombreuses questions ont été formulées sur la définition même du visiteur. Pour beaucoup, le visiteur est celui qui paye un billet d’entrée pour visiter le musée. Mais la multiplication des actions menées par le musée rend plus complexe la photographie de la réalité. La notion de public a glissé de manière implicite d’une conception qui associe le public à « un visiteur qui visite des expositions » à une vision « d’une pluralité de publics liée à la diversité des actions menées ».

Le cahier des visiteurs est le reflet de la liberté d’une expression immédiate et multiple.Un cahier des visiteurs est laissé à la libre disposition des publics sur la banque d’accueil. Les commentaires sont systématiquement retranscrits sur une base de données. Différentes analyses sont effectuées régulièrement. Ces analyses sont diffusées avec des rendus réguliers ou ponctuellement lors d’une analyse liée à une exposition en particulier ou selon un angle de lecture plus transversal comme l’atmosphère dans les expositions, la satisfaction sur les éléments de confort de visite… Les commentaires sont très courts entre un mot et deux ou trois lignes. Le visiteur « condense » sa réaction immédiate, sous une forme multiple. Le ton est également varié avec des expressions précieuses, nostalgiques, engagées, percutantes ou encore de colère… Le visiteur aborde, sans hiérarchiser ses propos, des éléments de perception générale, de confort (température, stationnement…), de rapport à la connaissance, d’émotions ressenties… Il se dégage de ces commentaires des éléments « essentiels » au visiteur au moment de son départ du musée. Ce support change de statut suivant l’action culturelle visée. Il peut devenir un outil de controverse ou encore un support d’échanges entre visiteurs. L’absence de commentaires d’une action culturelle prend du sens et peut être interprétée comme une marque d’indifférence ou comme une difficulté à verbaliser un retour d’expérience. La permanence du support permet d’identifier les éléments forts de la visite, les tendances de réception ou de satisfaction de l’expérience de visite au musée.

Les enquêtes ou sondages apportent des éléments de la satisfaction de l’expérience de visite et de la composition des publics. Les sondages sont des enquêtes par questionnaires distribués sur de grands échantillons à chacune des ouvertures des expositions destinées à un large public. Au total, neuf sondages ont été réalisés au Muséum. Ils apportent des résultats en termes de « satisfaction », relatifs à l’ensemble de l’expérience de visite, aux apports des expositions et au confort de visite. L’exploitation de ces résultats est complétée par des questions ouvertes qui alimentent les résultats constatés. Le sondage permet d’établir la composition des publics en termes de profil démographique, social, culturel mais aussi d’identifier des éléments sur le parcours concret de visite : modes de connaissance des activités, motivations de visite, durées de visite, fréquences de visite au musée... Le sondage s’adresse aux publics à la sortie du musée. Pour approfondir certaines activités ou pour avoir un retour de certains publics, les sondages ciblés s’adaptent aux spécificités, ce sont par exemple les

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Du Muséum au Musée des Confluences94

« enquêtes médiation » qui portent sur les « parcours découvertes », les visites singulières, les médiations, le musée nomade, les festivals… L’ensemble des données issues des enquêtes est traité avec le logiciel SPHYNX. La représentativité des échantillons est assurée par le respect d’un certain nombre de modalités. La période du sondage dure trois semaines consécutives, une semaine hors vacances scolaires et deux semaines pendant les vacances scolaires. Cette modalité prend en compte la répartition des entrées selon les périodes annuelles. De plus, la répartition des entrées selon les jours d’ouverture est également prise en compte. En parallèle, la distribution des questionnaires fait l’objet de règles précises. Tous les visiteurs, au-dessus de 15 ans, sont sollicités, systématiquement, à la sortie du musée et sur toute la période d’ouverture de celui-ci, soit de 10h à 18h, sans interruption. L’objectif de l’enquête est présenté brièvement au visiteur et une affiche de l’exposition en cours lui est remise pour sa participation. Par ailleurs, il est nécessaire qu’un espace soit aménagé, afin que le visiteur puisse identifier la démarche et qu’il soit confortablement installé avec des tables et des chaises. L’enquêteur assiste, si besoin, l’enquêté lors du remplissage du questionnaire.

Les contraintes liées aux outils de mesure Il importe de prendre en compte les spécificités et les apports de chacun des outils utilisés, mais aussi les contraintes auxquelles ils sont soumis et notamment les moyens dont on dispose. La mise en place d’outils de mesure permet de prendre en compte l’ensemble des contraintes qui leur sont rattachées. On peut distinguer des contraintes de coût, de temps, de taille des échantillons, des marges d’erreur, les questions de représentativité, les compétences techniques nécessaires pour pouvoir manier les outils, la contrainte de la présentation et de l’identité de l’enquêteur, la question du rattachement institutionnel ou non (on dit ou on cache cette identité, un positionnement externe au musée peut déclencher une parole ou libérer une parole plus spécifique).Autour des outils de mesure, deux grandes questions peuvent être soulevées : celle de leur complémentarité et celle de leur développement.

la complémentarité des outils de mesure

La complémentarité des outils de mesure s’est imposée au fur et à mesure de l’avancée du programme d’évaluation. C’est dans ce principe que le programme d’évaluation a restitué ses résultats. Utiliser tel ou tel outil ne dépend pas d’un champ disciplinaire, mais dépend des objectifs poursuivis. Par exemple, si l’on s’interroge sur les mouvements des publics, on utilisera les données de billetterie et un complément d’enquête par questionnaires pour élaborer des questions plus pointues sur les profils ou les pratiques des publics. Chacun des outils utilisés éclaire une partie des interrogations : ainsi, par exemple, les statistiques de fréquentation apporteront des réponses sur la répartition et les profils des visiteurs, le nombre d’entrées annuelles sur des proportions, des variations, les entretiens amèneront des réponses plus ou moins étayées sur l’expérience de visite. Mais il n’y a pas d’outils « parfaits », et c’est dans leur complémentarité que se rejoint la pertinence.

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95Pratiques d’évaluation

9 - Combiner des outils de mesure pour saisir l’experience du très jeune public

Exposition En route petit ours. © Musée des Confluences.

Présentation L’exposition En route petit ours (14 novembre 2006 au 1er juillet 2007) présente aux jeunes publics des animaux naturalisés avec lesquels ils sont plus ou moins familiers, qui peuplent la littérature enfantine. L’enfant y est invité à entreprendre un « tour du monde » en traversant successivement différents milieux de vie (la forêt tempérée, la savane, la banquise, la jungle). Ce principe de cheminement vise une identification à un héros (petit ours), une quête puis un retour à la situation de départ.

MéthodeQuestionnement - le parti pris sans texte : un choix qui doit correspondre à la classe

d’âge, qui permet une autonomie vis-à-vis de l’adulte mais limite peut-être la compréhension ?

- l’importance de l’immersion dans un univers nouveau, celui du conte, avec des expériences sensibles, et une visite à travers différents milieux.

- le choix d’une scénographie symbolique : efficace ou pas ? Cela favorise-t il le contact avec les animaux ou l’immersion ?

- le rôle des adultes : médiateurs ou simples accompagnants ?Échantillon :22 enfants ont été interrogés sur leur visite de l’exposition, visiteurs individuels uniquement, ainsi que leur accompagnateur (soit 44 entre-tiens au total). A cet échantillon, s’ajoute une série de 11 entretiens avec des enfants portant sur la scénographie. Soit un total de 55 entretiens.

outilsQuels outils mettre en place pour mesurer l’impact d’une exposition à destination du jeune public ? La question centrale étant de savoir comment avoir un retour sur l’expérience des enfants compte tenu

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Du Muséum au Musée des Confluences96

de leur difficulté à verbaliser et mettre en mots le vécu de la visite. L’exemple de l’exposition En route petit ours illustre la dimension mouvante et expérimentale de l’évaluation qui, dans sa démarche, est face à un défi à chaque nouvel objet d’étude. La méthodologie utilisée a combiné plusieurs outils : une phase d’observation préalable des comportements, la notation et le suivi des comportements dans l’espace, des entretiens auprès des enfants observés menés à l’aide d’un corpus d’images (photos de différentes zones et spécimens exposés) comme support de mémorisation et explicitation du discours63, ainsi que des indicateurs de fréquentation pour mesurer l’attractivité du jeune public.

observations Une phase d’observation naïve des comportements des enfants dans l’espace d’exposition vise à s’imprégner de l’ambiance, à s’interroger sur la méthodologie et à formuler des hypothèses. Cette première phase a confirmé la nécessité de procéder à une évaluation par observation centrée sur quelques éléments clés (la relation adulte accompagnant/enfant ; les zones d’attraction / d’évitement ; le fonctionnement des interactifs ; les réactions spontanées face aux collections).- Choix d’un enfant qui semble avoir entre 3 et 6 ans à l’entrée de

l’exposition et observation de son parcours « incognito »- Tracé du parcours sur un plan de l’espace d’exposition et notation

des réactions principales, les interactions de l’enfant avec les objets, les dispositifs muséographiques et avec les autres visiteurs.

Corpus d’imagesLe recours à un corpus de photos des collections exposées vient en appui pour aider les enfants à formuler le nom d’un animal ou préciser ce qu’il a vu ou pas dans l’exposition. Les analyses pointent la nécessité de coupler observation et récit pour tenter de restituer l’expérience de visite du jeune enfant.

micro entretiens - En fin de la visite, demande d’autorisation à l’adulte accompagnant

d’interroger l’enfant observé pour un court entretien enregistréEn ce qui concerne les interactifs tactiles (peaux, renard), on constate un décalage entre les déclarations des enfants et l’observation de leur comportement dans l’espace. (ex. 10 enfants sur 22 touchent le renard et 1 seul le déclare). Ces décalages attestent de l’importance de croiser les observations et les récits des enfants pour obtenir une vision plus juste de leur visite.

63 Les enregistrements permettent ensuite de procéder à une analyse du discours en les associant aux annotations des plans schématiques des parcours de visite observés.

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97Pratiques d’évaluation

RésultatsFréquentationEn terme de fréquentation, l’exposition a attiré 35 715 visiteurs sur une période de 7 mois et demi, soit une moyenne mensuelle de 4 762 visiteurs, pour une surface de 170 m² (jauge de 35 personnes en simultanée). La proposition de créer une exposition pour les jeunes publics semble répondre à une réelle attente des familles, étant donné la pauvreté de l’offre muséale à destination du jeune public. De plus, l’exposition a attiré des classes maternelles, avec une augmentation significative du taux de fréquentation.

la perception des milieux et le rapport aux animaux naturalisésLe parcours est avant tout jalonné par des animaux ou des interactifs et non par des milieux clairement identifiés. J’ai commencé vers l’ours. J’ai fini par, vers les oiseaux et les serpents.64

les comportements : impact des lieux « cocons »La moitié des parcours observés sont des parcours en plusieurs tours. Le premier tour est complet et relativement linéaire, le second – non complet – s’effectue souvent en sens inverse, avec des allers et retours. Ce dernier se concentre souvent sur les zones qui ont attiré l’enfant au premier tour : banquise, jungle, bibliothèque.

la scénographieDe manière générale, les éléments de scénographie testés – soit la maison de petit ours, les arbres, les hautes herbes et la canopée – sont compris soit dans leur fonction matérielle, leur sens premier, mais rarement dans leur signification symbolique traduisant un milieu de vie spécifique. Les hautes herbes sont largement comprises comme des barrières pour protéger les spécimens : Mmm, ils sont là pour pas qu’on les prend, les animaux.65

l’expérience émotionnelle et sensorielleOui, il y avait « ouuuuuuuuuuuuh ! », y avait « grrrrrrrrrr ! ». Y avait plein de choses.66 Non mais j’ai touché quand même le tapis qui était dans l’igloo.67 La baleine, elle fait un… elle fait un rigolo bruit.68

La découverte des animaux est vécue comme un vrai plaisir par tous les enfants, qui se plongent dans un univers qui stimule leur imaginaire. Il s’agit d’une expérience immersive et sensorielle dont les enfants

64 [Antoine, 5 ans et demi]65 [Maya, 4 ans]66 [Loïc, 5 ans ¾]67 [Maguelone, 6 ans et demi]68 [Manon, 4 ans]

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profitent. Les résultats révèlent que les choix scénographiques semblent trop conceptuels et abstraits pour « parler » à des 3-6 ans. Si l’immersion s’effectue, c’est sur un registre autre que celui envisagé : bien plus que les albums, ce sont les animaux qui fascinent. Le parti pris sans texte, tend à limiter la place de l’adulte au profit de celle de l’enfant et invite les visiteurs à se raconter leur propre histoire à défaut de comprendre celle de Petit ours. L’impact fort des lieux « cocons » révèle l’importance d’intégrer la dimension corporelle dans l’exposition pour ces jeunes publics. La visite de l’exposition constitue un moment fort de partage entre les générations (enfants/parents, enfants/grands-parents) notamment grâce à des éléments comme la bibliothèque et les interactifs.

Source : évaluation de l’exposition temporaire « En route, petit ours » présentée au Muséum de Lyon du 14 novembre au 1er juillet 2007, S. Crouzet, Rapport de stage, dir. N. Candito, juillet 2007.

La réalité de la pratique incite à en finir avec l’opposition contre-productive « quantitatif/qualitatif » pour explorer la dimension culturelle des projets en opérant différents assemblages entre ethnographie et statistiques et en combinant ce qui relève de récits de pratiques en situation et statistiques pour analyser la dimension sociale de ces pratiques. Parce qu’il est question entre autres, des formes d’appropriation d’un objet culturel, qui résultent de la tension entre être affecté par l’expérience d’un objet et lui attribuer une signification, on cherche à répondre à des questions complexes telles que : Quelles sont les conditions de l’appropriation ? Est-ce qu’une connaissance peut s’en dégager ? etc.Et toujours dans cette logique de complémentarité articulant « quali » et « quanti », on souhaite développer un travail sur le lexique et la terminologie utilisée dans les enquêtes par questionnaires pour s’assurer que les termes choisis ont un sens pour les publics. Par exemple, explorer les modes d’apprentissage et de découverte par les approches qui privilégient les dimensions suivantes : ludique/ interaction, contemplation, théâtralisation…Autrement dit, à partir d’une exploration via des études qualitatives, utiliser les résultats pour les réinjecter dans les protocoles quantitatifs69.

69 Ce fut le cas notamment des travaux de J. Eidelman (Département de la politique des publics, DMF) sur les indicateurs de satisfaction, revus à la lumière d’entretiens avec les visiteurs qui ont conduit à réduire une échelle sur 5 à 4 (évitant la note moyenne) et requa-lifiant les mots : ex. à propos de la signalétique – « très bien conçue » / « bien » / « tout juste convenable » / « à revoir absolument ».

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99Pratiques d’évaluation

le développement du rôle participatif de l’évaluation : l’évaluation, une forme de médiation

De façon assez naturelle, le développement des outils de mesure s’est imposé. L’expérimentation puis la mise en place de nouveaux outils se sont opérées à partir de la prise en compte de différentes évolutions : implication du personnel (observations des comportements des visiteurs dans les salles d’exposition et questions…), par rapport à l’évolution des pratiques des visiteurs (expérimentation des enquêtes en ligne), l’évolution du rôle des publics considéré parfois comme coauteur (le comité des publics) et la prise en compte d’une dimension plus participative (l’usage de l’appareil photo).

L’évaluation, par les méthodologies utilisées et la forme de relation qu’elle instaure avec les visiteurs peut être pensée comme une forme de médiation. Ainsi par exemple, confier un appareil photo aux visiteurs avec une consigne précise constitue à la fois un outil méthodologique et une forme de médiation particulière en ce qu’elle induit une posture de visite spécifique (acuité du regard, discussions entre co-visiteurs pour le choix de l’objet ou de l’expôt photographié…). L’outil permet à la fois de constituer un corpus d’images en vue d’une analyse des clichés et des justifications associées et aussi de laisser une trace tangible de l’expérience de visite pouvant être exploitée ultérieurement.

Chaque outil ou méthodologie proposé – du questionnaire d’enquête aux diverses formes de recueil de la parole et de récit d’expérience – permet un espace d’échange entre l’institution et les visiteurs. Autrement dit, la pratique de l’évaluation génère de nombreuses situations de communication et crée de formes de médiation avec les publics.

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101Pratiques d’évaluation

Quand la situation d’enquête participe d’une médiation L’installation vidéo interactive sur le principe de précaution interrogeant les enjeux des relations entre la science, la politique et les médias. On y a repéré que les temps de visite étaient inférieurs au temps dévolu à l’entretien dans de nombreux cas (ex. un visiteur a passé 13 minutes dans l’espace et l’entretien a duré 40 minutes). Un visiteur compare le principe de l’installation à un café philo et intègre la situation d’entretien à son expérience. F : Il me dit c’est un café philosoph... une sorte de café philosophique. (…) [rire] oui mais on n’a pas de chaise !H : sans café…F… et pas le droit de réponse mais là je me trompais la preuve, vous voyez [la situation d’entretien].70

n les enquêtes en ligne

Le développement des outils de communication en ligne constitue une forme d’outil spécifique qui permet de communiquer avec le public internaute. Si au départ les enquêtes en ligne ont fait l’objet de réticences liées aux problématiques initiales de la représentativité et de l’usage, leur développement progressif (d’abord aux Etats-Unis puis en Europe) a montré qu’elles apportent de plus en plus d’interactivité, permettent une forte réactivité et automatisent la collecte des données, à moindre coût. Des enquêtes de type sondages en ligne mais aussi des enquêtes qualitatives peuvent être menées via l’interface du site web du musée. Il est cependant complexe d’obtenir de manière fine des éléments de profils des répondants préférant généralement l’anonymat. Ces dispositifs font l’économie de la phase « terrain » de recueil de données. Ils ont un intérêt spécifique dans le cadre d’études ponctuelles portant par exemple sur les représentations liées à un thème (menées dans ce cas en amont d’un projet) ou de positionnement sur des enjeux contemporains (comme on peut le voir sur le site web de la Cité des sciences / quizz Espace sciences actualités).

Les évaluations en ligne posent plus largement la question de la relation musée avec le public internaute, ainsi que de la communication à plus long terme engageant l’institution à répondre, à prolonger les liens amorcés dans le cadre d’une enquête. Il est intéressant de maintenir les liens au-delà d’une enquête spécifique en proposant par exemple de restituer les résultats aux participants, en les informant en avant première des projets en cours et à venir ou en leur proposant des liens avec l’enquête à laquelle ils ont participé.

70 [H1/F1 : +65 ans, 15 min, entre amis, retraités, F Lyon 4ème, H banlieue]

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Du Muséum au Musée des Confluences102

La réalité des usages d’Internet et de la visite de sites web de musées invite à repenser plus largement la notion de visiteur, élargie à celle de public. En effet, l’internaute est public « virtuel » du Musée des Confluences au sens où il en a connaissance (son architecture, ses contenus etc.), peut en parler, accéder à ses collections, interagir… sans pour autant être « physiquement » visiteur.

10 - le pari d’une enquête en ligne sur le thème de la mort

PrésentationDésirs d’éternité est une exposition d’anthropologie sociale qui aborde les interrogations fondamentales partagées par tous, sur la fin inévitable que nous impose la nature71. Les humains, selon leurs croyan-ces et leurs systèmes de valeurs, composent avec la mort, s’interrogent sur leurs liens avec l’invisible et sur leur devenir. L’exposition présente une grande diversité d’objets pour illustrer la question du rituel funéraire : collections archéologiques, provenant de l’Égypte des pharaons, d’une nécropole caucasien-ne du 1er Âge du Fer, de l’Asie du Sud-est du 10e siècle ; collections ethnologiques de la province du Fujian en Chine, d’Asie du Sud-est, d’Afrique, d’Aus-tralie (Aborigènes), de Nouvelle Calédonie (Kanaks) et de France ; collections contemporaines (photo-graphies, peintures, sculptures).

Cette étude exploratoire répond à la demande d’une évaluation préalable de l’exposition par l’équipe projet, avec deux objectifs principaux :- Évaluer les représentations et attentes des publics associées au titre

de l’exposition.Les résultats pourront orienter le choix d’un éventuel sous-titre et d’une iconographie et être intégrés au cahier des charges en appui à la conception de l’affiche, du visuel, de la programmation culturelle associée et des autres formes de prolongement de visite.- Faire émerger les questionnements des publics sur le thème de la

mort en général et du rituel funéraire en particulier. L’objectif est de recueillir un corpus de questions en aide à la conception d’un dispositif dans l’espace d’exposition.

71 Réalisée par le Musée des Confluences, l’exposition Désirs d’éternité est présentée d’avril à novembre 2010 au Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal, Vienne.

© Musée des Confluences.

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103Pratiques d’évaluation

Méthode Du 3 décembre 2009 au 12 janvier 2010, en collaboration avec le webmestre du musée, un questionnaire a été mis en ligne sur le site Internet du Musée des Confluences. Pendant cette période, chaque internaute se connectant sur une des pages du site était automatiquement redirigé vers une fenêtre lui proposant de : « participer à une réflexion sur une exposition en préparation ». Ensuite, il était confronté à 3 fenêtres successives :- r éactions spontanées sur le titre de l’exposition, - annonce de la thématique avec exemples de photos d’objets et

relance sur le titre, - explication du dispositif « 50 questions sur la mort » et recueil des

questions.

RésultatsEn cinq semaines, 106 participants ont répondu à l’enquête.

Voici quelques réponses à titre d’exemples :Q 1 : Lorsque je lis ce titre je pense à la volonté de préserver et de sauvegarder quelque chose. Je pense au développement durable. / Q 2 : Oui, je n’avais pas pensé à l’idée de la mort. Mais maintenant, je trouve que le titre peut aussi évoquer les rites funéraires.Q 1 : Comment perpétuer la mémoire d’un peuple dans le temps ? Traces d’hier et d’aujourd’hui pour demain. / Q 2 : Il m’inspire une question: tous les rituels funéraires sont-ils destinés à accompagner les morts dans un au-delà ?Q 1 : La volonté de l’homme à laisser une trace de son passage pour qu’il ne sombre pas dans l’oubli.Venant de croyances différentes, les hommes mettent en place divers moyens pouvant leur assurer une forme d’éternité : la momification, des programmes monumentaux, des oeuvres d’art qui traversent le temps, etc.Q 2 : Non. C’est ce que j’imaginais.

Questions en lien avec le thème : Retrouver les momies des peuples disparus des milliers d’années plus tard par notre civilisation est-il le résultat attendu par lesdits peuples ? ; En dehors de l’incinération et de l’inhumation, quels sont les autres rites funéraires qui existent ? ; Quels rites funéraires pour les plus démunis ? ; Pourquoi les travaux scientifiques actuels sur les expériences de mort imminente sont tabous en France ? ; Comment en parler avec les enfants de façon poétique, imagée ? ; Comment a-t-elle influencé les artistes à travers les époques ?…

un bilan positif de l’utilisation d’Internet comme outil d’évaluation. En effet, si on considère le degré d’implication des participants sur un sujet plutôt sensible comme celui de la mort et du rituel funéraire, on peut affirmer l’intérêt de cette démarche d’enquête en ligne de

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Du Muséum au Musée des Confluences104

type qualitatif. Notons également qu’à la fin du questionnaire il était proposé aux internautes de laisser leur adresse électronique pour « être informé de l’évolution du projet ». Ainsi, sur 106 participants, 75 nous ont communiqué leur adresse électronique.

Un mail de remerciement a été envoyé à chacun des participants pour les informer de la suite de l’étude communiquée aux équipes de conception et de médiation afin d’orienter leur démarche. Cette forme d’échange et de transparence sur les finalités de l’étude a été particulièrement appréciée et a permis de générer des échanges de mails conviviaux. Cet exemple de méthode illustre aussi la notion de prise de risque liée à la démarche d’évaluation dont on ne peut a priori connaître les limites. L’idée prévalait d’un risque de faible retour lié à la non communication en temps réel des autres réponses (comme c’est le cas notamment dans les sondages en ligne où on peut suivre l’évolution des réponses). Le taux de retour important et surtout la qualité des réponses (en termes de précisions etc.) traduit également le rapport de confiance du public envers le musée. Précisons à ce titre que nous n’avons observé aucune dérive (ex. réponses insultantes ou inappropriées…).

Source : Etude exploratoire, Evaluation préalable de l’exposition Désirs d’éternité, rapport interne, S. Riou, dir. N. Candito, service développement et stratégie, janv. 2010.

le web 2.0, c’est passer de la conservation à la conversation (credo muséum Toulouse)

Cette expérience a provoqué une réflexion plus large en interne avec la création d’un groupe de travail sur les usages du web en termes de politique institutionnelle et de formes de communication associées. Par rapport aux usages du web2.0, il importe de clarifier les enjeux stratégiques afin de mettre en place une « politique » de modération adéquate traduisant le positionnement de l’institution qui pourrait se formaliser dans une charte d’usage. Cela implique une réflexion en amont non pas centrée sur les risques de dérives mais bien sur le type d’échange que l’on souhaite engager avec les internautes en se posant des questions comme : pourquoi échanger ? avec qui ? quels contenus spécifiques ? etc.

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105Pratiques d’évaluation

n le comité des publics : vers une muséologie participative ?

le projet d’un comité des publics

Dans la lignée du courant de muséologie participative72, ces expérimentations se poursuivent avec les publics qui ont été invités à participer à des réunions de consultation sur les scénarios des expositions de synthèse et de référence du Musée des Confluences – en phase d’élaboration des concepts – afin de questionner la nature des liens entre le parcours, les objets, le discours et les premières propositions scénographiques. Dès 2006, un an avant la fermeture du Muséum, l’institution émettait l’éventualité de constituer un « comité des publics », manifestant ainsi sa volonté d’intégrer la consultation du public au processus de conception des futures expositions du Musée des Confluences. Cette idée a commencé à émerger lors de la première édition du festival [Label] bêtes73.

Quel rôle dans la durée ?

Le dispositif d’évaluation formative mené sur différents projets s’est avéré être l’occasion d’une réactivation du projet de constitution d’un comité des publics. Les réunions de consultation ont suscité un tel engouement de la part du public que la question de leur pérennisation et de leur institutionnalisation s’est posée. Qu’il s’agisse d’échanges informels au terme des réunions ou de courriels de remerciements, plusieurs interventions des participants nous autorisent à affirmer aujourd’hui que ce public souhaite engager sa participation de manière durable auprès de l’institution.Il est intéressant de mettre en perspective la situation actuelle du musée avec l’expérience menée à Paris en 2005-2006 au Musée de l’Homme. L’inauguration à Paris du Musée du Quai Branly en juin 2006 et de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration en octobre 2007, le projet de réimplantation du musée des Arts et Traditions populaires à Marseille en un musée national des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, réorganisent la répartition des collections ethnographiques dans les musées parisiens. C’est dans ce contexte, imposant au musée de l’Homme la quête d’une nouvelle identité, qu’il signe en mars 2005 une convention avec le Cerlis (Centre de Recherche sur les Liens Sociaux) en vue de développer un dispositif d’accompagnement à sa refondation, au moyen d’une approche compréhensive des motivations et des attentes des publics potentiels (Dessajean, 2007, p.270). Cela a conduit à mettre

72 Voir cinquième partie « Les muséologies participatives ». Associer les visiteurs à la conception des expositions in La place des publics. De l’usage des études et recherches par les musées. Eidelman J., Roustan M., Goldstein B. (dir.), coll. Musées-Mondes, La documen-tation française, Paris, 2007, pp. 237-28273 Festival organisé annuellement depuis 2006 par le Muséum, puis le Musée des Confluen-ces. Il propose une série de forums, débats, spectacles, projections et ateliers autour de la thématique des liens homme-nature-animal.

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Du Muséum au Musée des Confluences106

en place une expérience innovante, celle de consulter périodiquement un même groupe de visiteurs pour réaliser une évaluation préalable et formative du projet de reconfiguration du musée.L’exemple des expériences menées au Musée dauphinois de Grenoble se distingue de ces démarches qui donnent au comité un rôle similaire à celui des comités scientifiques lorsqu’il crée des liens avec une communauté en l’associant à la conception d’une exposition. Les membres de la communauté sont considérés comme des « partenaires » de l’équipe du musée considérés en tant qu’ « experts » de leur culture et de leur communauté, au même titre que les experts scientifiques.

un outil qui entretient l’aller retour entre considération de la part du musée et implication de la part des publics

La mise en place d’un comité de publics au Musée des Confluences est née de l’initiative de la cellule évaluation de tester de nouveaux protocoles d’enquêtes dans le contexte particulier de la fermeture du Muséum. Le projet de comité des publics est donc un protocole expérimental à la fois sujet et objet de l’évaluation, sujet car c’est un outil d’évaluation préalable et objet car il s’agit d’évaluer la validité de son fonctionnement au sein de l’institution74.

L’appellation comité des publics, au pluriel, est en adéquation avec la volonté de prendre en compte une diversité de publics (y compris les non publics). Le rôle de ce comité est consultatif et permet d’alimenter la réflexion autour du projet muséographique dans le cadre d’évaluations préalables ou formatives. Des consultations régulières avec un groupe permanent sur une durée d’une année minimum, permettent également de maintenir un lien entre l’institution, les professionnels de musées et les publics. L’inscription dans la durée génère une familiarité des publics avec le projet culturel et scientifique de l’établissement, ce qui permet de travailler sur des thèmes spécifiques sans réexpliciter à chaque rencontre les orientations et le contexte du projet.

Diverses expériences menées dans des structures culturelles et muséales montrent que ce type de protocole d’évaluation, au-delà d’impliquer les publics dans le projet, suscite des attentes des publics impliqués qui ne correspondent pas toujours forcément aux intentions effectives des institutions culturelles. Il est essentiel d’énoncer clairement dès le départ les intentions liées à la démarche de consultation pour éviter les risques de frustration, de dérives, de malentendus75. Il importe de s’interroger sur la manière dont les publics participants perçoivent et comprennent leur statut et leur rôle dans le cadre de ces projets.

74 Démarche et réflexion ayant fait l’objet d’un stage de Master 2 : Nathalie Steffen, Impli-quer des non-professionnels dans les musées : quels enjeux ? La mise en place d’un comité des publics au Muséum de Lyon, mémoire Master AESC, (dir. S. Chaumier), oct. 2006, 74 p.75 L’analyse de l’expérience menée au musée de l’Homme a révélé que certains participants s’inquiétaient de n’être qu’un alibi ou d’être utilisés comme une caution à projet déjà prati-quement élaboré par les professionnels.

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107Pratiques d’évaluation

En ce qui concerne l’institution, cette démarche d’évaluation n’est pas seulement un outil supplémentaire, au côté des comités scientifiques du projet. Elle marque également l’intention d’attribuer au public le statut d’acteur du projet devant être intégré à l’élaboration d’un nouveau dispositif communicationnel. Les retours des expériences montrent que le comité est perçu comme lieu de formation sur le fonctionnement du musée et de développement de leur connaissance du domaine muséal, offrant par conséquent un accès à ses coulisses.

Il n’a pas été décidé de formalisation à ce jour d’un comité de publics mais l’équipe de l’évaluation propose des consultations ponctuelles du groupe constitué (au cours de la première enquête) qui peut s’enrichir de nouveaux membres…

n l’usage de l’appareil photo

rendre le visiteur « acteur »

La pratique de l’enquête au moyen de prises de photo n’est pas neuve. Utilisée dans le contexte de la rénovation du musée des Arts et Métiers, elle a permis de formaliser une pratique d’étude en milieu muséal (Davallon, Gottesdiener, 1992). Cela a notamment fait émerger la figure du visiteur expert. Le recours à la photographie permet de combiner à la fois un mode de recueil de l’expérience et de travailler sur un corpus d’images. Ainsi, l’outil sera utilisé différemment selon la consigne « prendre des clichés en lien avec un questionnement précis » ou l’objet de l’étude : aide mémoire, support à la mémorisation ou encore moyen de reconstitution d’une trame, d’une chronologie, d’un parcours à l’aide des photos.

Au musée, deux projets d’études exploratoires ont fait l’objet d’une approche méthodologique ayant recours à la photographie76. L’une portant sur les « objets phares » de la grande salle du Muséum ; l’autre, sur la réception d’une exposition temporaire Blanc comme neige. La première a permis d’établir une forme de relation spécifique avec les publics où se jouent des négociations au sein d’un même groupe constitué et les clichés des visiteurs ont été convertis, dans un second temps, en objets d’exposition.

76 La sélection des objets phares des salles de collections permanentes du Muséum, C. Allainé, 2002 et Le regard porté par les publics sur les objets de collection de l’exposition Blanc comme neige, au travers de la connaissance et de l’émotion, C. Allainé, N. Candito, 2004.

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Du Muséum au Musée des Confluences108

11 - Photographier les objets phares de la « grande salle » du muséum

Grande salle Muséum et Egypto © Musée des Confluences.

Présentation Cette étude a été utilisée au moment de la sélection des objets des futures expositions de synthèse et de référence du Musée des Confluences. L’objectif est de déterminer les « objets phares », au regard des publics.

Méthode En écho à une « carte blanche » donnée à cinq photographes, il a été demandé aux visiteurs de porter à leur tour leur regard sur les objets du Muséum. La consigne donnée auprès de ces visiteurs est de sélectionner leurs « trois objets phares » de la « grande salle77 », à l’aide d’un appareil photo. Cet espace comprend aussi bien des objets de sciences de la terre, de sciences de la vie que des collections de sciences humaines78. 422 visiteurs ont participé à l’étude et 1 084 photos ont été recueillies.

Résultats Au total, 173 objets différents ont été photographiés. Les deux premiers objets choisis sont la girafe pour 20% des participants et le squelette de baleine, pour 16% des participants. Ce sont les deux objets les plus volumineux dans l’espace concerné. L’accompagnement et notamment la présence d’enfants a été un élément déterminant pour le choix des objets.

77 L’espace nommé « grande salle » représente les salles de collections permanentes, comprenant la salle des mammifères, l’espace Egyptologie, la galerie zoologique et l’espace des espèces disparues.78 Ces objets concernent uniquement l’Egyptologie.

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109Pratiques d’évaluation

Cette expérience a été poursuivie en exposant les photos des visiteurs dans le musée. Sur le plan symbolique, le visiteur est devenu acteur reconnu de son propre regard qu’il porte sur l’objet.

les objets phares de «la grande salle» du muséumLe pourcentage est calculé sur le nombre de participants.

Girafe Baleine Zèbre Sphinx Momieshumaines

Lion Rhinocéros Bison

11%

8%10%

12%12%13%14%14%16%

20%

Parc des Antilopes

Mammouth

Source : La sélection des objets phares des salles de collections permanentes du Muséum, C. Allainé, 2002.

« Participer activement » et « donner du sens à la visite »

La seconde étude est menée auprès des publics de l’exposition Blanc comme neige. L’objectif est d’obtenir des premiers éléments sur le regard que les visiteurs portent sur les objets de collection au travers de la connaissance et de l’émotion. La consigne communiquée au visiteur est la sélection de trois objets, un objet qui évoque de la connaissance, un autre qui rappelle une émotion ; et un dernier, « répulsif » ; avec une justification à la fin de la visite pour expliquer son choix.

Cet usage de l’appareil photo, associé aux consignes d’études, a répondu à la recherche d’un sens de visite en induisant un parcours. C’est précisément les spécificités de la consigne qui ont été appréciées par les participants, en les incitant à adopter des comportements spécifiques : sélectionner, choisir, réfléchir….

L’usage de la photographie dans l’expérience de visite Indépendamment de notre propre analyse sur l’impact de la méthode d’évaluation, nous avons voulu savoir comment les visiteurs avaient vécu et perçu cette expérience et ce qu’elle leur avait apporté en terme d’apport ou de contrainte. Les éléments de réponse révèlent quatre dimensions principales : - une acuité du regard- un support à l’entretien / souvenir de la visite- une évaluation médiation- une nouvelle image de l’institution muséale

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Du Muséum au Musée des Confluences110

Parce que vous pouvez très bien mitrailler toute l’exposition vous aurez aucun, à mon avis vous aurez aucun souvenir… tandis que le fait de se dire j’ai que trois photos à prendre, là vous êtes obligé de dire : tiens, je réfléchis… Qu’est-ce qui m’a plus marqué ? 79

La démarche jugée a priori surprenante, inattendue, déroutante dans le sens où on transforme un interdit classique du musée en outil : on nous faisait confiance, on nous passait un appareil photo, ce qui change du déroulement habituel d’une visite au musée. Passé une première appréhension, l’exercice demandé au visiteur est jugé plutôt ludique et apporte un intérêt accru à l’expérience de visite. L’évaluation est alors parfois assimilée à une forme de médiation, d’aide à la visite qui participe de l’expérience.

Cette nouvelle façon d’appréhender le contenu d’une exposition est associée à un aspect ludique et innovant. Cet outil apporte une dimension de convivialité à la visite où les différents membres d’un groupe interagissent au travers de prise de position liée au choix. Cette dimension est essentielle car la visite au musée est majoritairement une visite conviviale, effectuée à plusieurs. 81% à 89% des répondants des sondages déclarent être accompagnés d’enfants ou d’autres adultes. Cet ensemble d’éléments associé à l’interdiction habituelle de l’utilisation de l’appareil photo dans les musées contribue à un changement d’image de l’institution et déclenche une contribution active dans l’exposition. C’est une bonne idée en plus de faire des choses nouvelles, d’intriguer les gens, tout ça moi je trouve c’est bien, le musée c’est pas uniquement ce qu’on avait dans l’idée avant, musée triste tout ça …80. Ce type d’outil conduit à développer des méthodologies innovantes en intégrant largement l’outil à l’expérience de visite tout en associant une forme de médiation.

n l’implication du personnel dans l’observation des publics

l’implication du personnel dans les méthodes d’évaluation Une autre forme d’implication a été expérimentée, c’est celle du personnel en lien au quotidien avec les publics. Il est important de compiler un certain nombre d’informations que les personnels d’accueil, de billetterie et de médiation emmagasinent de par leur fonction qui les prédispose à passer du temps avec les publics, à entendre ce qu’ils disent et à être témoin de leurs comportements. Au musée, des rencontres avec le personnel en lien avec les publics ont été organisées en vue d’une capitalisation et d’une mise en commun des expériences d’observation des visiteurs. Ceci à deux

79 [F, 35/44 ans, employée, deux enfants] 80 [F, 45/54 ans, professions intermédiaires, entre adultes]

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111Pratiques d’évaluation

moments distincts : peu de temps après l’inauguration d’une exposition et en fin d’exposition. Les discussions ont été centrées sur deux aspects particuliers : le comportement des visiteurs dans les espaces du musée et leurs questionnements.

Cette expérience a été vécue du côté des acteurs du terrain comme une valorisation et une contribution à la construction de l’offre. De plus, ces rencontres ont permis de donner une attention particulière aux retours des publics, de les entendre et les faire partager.

En soi, la méthode ne comporte pas d’aspects scientifiques. C’est un personnel qui ne possède pas de formation liée aux techniques d’évaluation, les retours ne prennent pas en compte les dimensions quantitatives ou même qualitatives nécessaires à la pertinence d’une enquête. Une des difficultés majeures de cet exercice est de discerner deux types de retours conjoints : la relation au visiteur et la relation au fonctionnement interne. C’est dans le temps que s’est construite cette distinction pour se centrer au final uniquement sur les retours des publics. Les résultats obtenus peuvent être validés pour les raisons suivantes : pertinence des observations dues à l’expérience du personnel et encadrement par l’évaluation des résultats obtenus. L’utilisation peut être faite à différents niveaux : suggérer des hypothèses, proposer de premiers retours relativement rapides après l’ouverture d’une exposition qui pourraient être pris en compte. Ou encore

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Du Muséum au Musée des Confluences112

être à l’origine de l’émergence de nouvelles questions comme la mise en évidence par le personnel de salle des difficultés dans l’utilisation des interactifs. Dans ce cas, suite à ces retours, un nouvel indicateur sur la « facilité d’utilisation des interactifs » a été mis en place dans les enquêtes menées auprès des publics.

Les observations portent sur les aspects de l’expérience de visite dans l’exposition : un certain nombre de points ont été balayés. Il a été plus particulièrement pertinent de faire émerger des aspects concernant : - le temps de visite dans l’exposition, - les conséquences de la configuration des espaces (ruptures de niveau,

proximités d’entrée / sortie, repérage dans le musée, zones d’attractivité et d’évitement…),

- les anecdotes sur l’exposition, des facteurs qui favorisent l’appropriation d’un dispositif ou d’une exposition (contribution des aires de repos, luminosité des salles…),

- l’état d’esprit des publics (attentif, dissipé, …), - le besoin d’échange des publics avec le personnel présent.

l’émergence du « visiteur questionneur »

Le visiteur pose des questions, nombreuses et dans tous les domaines, face aux interlocuteurs disponibles (accueil, boutique, médiation, évaluation) mais peut également laisser des traces écrites : cahier des visiteurs, site Internet, courrier … Les questions les plus récurrentes concernent le devenir du musée et ses collections. C’est un public en attente de ressources complémentaires. Certains expriment un désir d’en savoir plus ou d’approfondir une question. Parmi les visiteurs qui sont en attente d’informations complémentaires, on peut distinguer les « spécialistes » qui s’attachent à des attentes précises. De passage à Lyon j’ai été très intéressé par l’exposition sur l’eau. Membre d’une association de défense de l’environnement j’avais vivement souhaité avoir sur papier ou sur CD les textes graphiques et autres informations contenus dans les livrets et tableaux. Il est évidemment impossible de tout mémoriser et pouvoir repartir avec ces documents (éventuellement payant) décuplerait l’impact de votre exposition. Dans l’attente, avec mes remerciements. R.B (adresse postale et courriel)81 (indiquer si les visiteurs laissent leur adresse postale ou courriel, en attente d’une réponse) et les « curieux » qui posent des questions particulières « (point fort) présentation ; (point à améliorer) trop peu d’explications sur le pourquoi et l’impact de ces dieux sur la population actuelle en Chine, combien de personnes croient en ces divinités ? Quelle est la tendance ? Hausse ? Baisse ? La visite guidée est souhaitée. »82. Enfin, certains visiteurs mentionnent le souhait d’une forme de prolongement de visite par un achat en boutique, par une consultation du site Internet ou par des envois personnalisés.

81 [Cahier des visiteurs, 05]82 [Dieux de Chine]

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113Pratiques d’évaluation

12 - Dynamiques d’interactions entre publics et médiateurs

Visiteurs expo CCI © Musée des Confluences.

Présentation Pendant la période de transition entre le Muséum et le Musée des Confluences, le musée présente annuellement aux publics une partie des acquisitions de ses collections. Pour la première édition, l’événement Un dinosaure en presqu’île (du 12 au 21 février 2009) est présenté dans la salle dite « de la Corbeille » à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon. Sont présentées : le Camarasaurus, le mosasaure… La médiation volante ou visite instantanée est proposée pendant toute la période d’ouverture de l’événement. Le médiateur, positionné dans l’espace d’exposition dialogue avec les visiteurs en s’adaptant aux différents publics, en répondant aux questions ou en proposant de commenter certains aspects de l’exposition.

MéthodeUne rencontre entre l’évaluateur de l’événement et les médiateurs a été prévue à la fin de l’exposition dans la perspective de recueillir les questions des visiteurs pendant la période de l’événement. Les médiateurs ont retranscrit chaque jour les questions des visiteurs.

Résultats la nature des questions posées : l’exposition, les objets, les coulisses, le musée…Environ 150 questions différentes ont été recensées par les médiateurs. Ces échanges entre médiateurs et visiteurs ont permis à la fois de rendre accessibles certaines informations en reformulant des notions, déjà abordées dans l’exposition, mais avec un vocabulaire adapté et d’élargir les connaissances des publics, en s’interrogeant sur des informations non traitées par les autres dispositifs. Certains visiteurs sont en attente d’éléments généraux, d’autres de précisions. Les enfants autant que les adultes se sont exprimés, autour de l’exposition mais aussi du musée. On peut classifier la nature des

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Du Muséum au Musée des Confluences114

questions posées de la façon suivante : les objets présentés A quoi pouvaient servir les griffes du Camarasaurus ? Comment faisait-il pour pondre ? Quel est le poids, la taille ?…, les coulisses des collections (modes d’acquisitions, de conservation des objets, de transport)… les notions directement abordées dans l’exposition, ou encore sur le Musée des Confluences, son ouverture, les futures collections exposées… Est-ce que l’on trouvera des expositions, des collections provenant d’autres musées ? Où sont stockées les collections en attendant l’ouverture ? …

Il n’y a pas de connotation d’un interlocuteur « expert », d’un discours de « spécialiste »Cette forme de rencontre, permettant le dialogue entre les publics et le musée, s’est installée comme un mode d’approche en soi. Le visiteur s’est senti « à l’aise » pour poser des questions : C’est bien parce que c’est pas des experts, ils rendent l’information accessible83. Ce constat est majeur dans l’accessibilité des publics au musée. L’expression du visiteur : C’est bien dans les musées d’avoir quelqu’un sans complexe à aller voir est révélatrice de ce que ressentent certains visiteurs dans le lieu musée. D’ailleurs, cet autre visiteur souligne un sentiment à prendre en compte pour répondre à cette question de l’accessibilité : C’est une bonne initiative par rapport à d’autres musées où on se retrouve souvent dépourvu devant des… squelettes, là y a des personnes …84.

les questions qui ne trouvent pas de réponses …Si « ne pas savoir répondre à une question » est toujours une préoccupation majeure pour le médiateur, le visiteur, quant à lui recherche avant tout dans cette forme de médiation à satisfaire sa curiosité, à découvrir l’exposition dans un langage à sa portée et non via un discours d’expert : On a eu affaire à deux personnes passionnées et très ouvertes aux questions et sachant même avec toute la simplicité nécessaire ne pas répondre quand elles ne savaient pas…85. Le visiteur ne s’attend pas à ce que le médiateur soit « incollable », qu’il reflète un puits de connaissances mais soit le relais d’une curiosité, d’une découverte… Mais, le musée se doit de répondre aux questions de ces visiteurs. Des moyens sont à développer pour mettre en place des systèmes de transmission, comme la conception d’un module « questions, réponses » accessible sur le site Internet ou encore l’inscription dans le cahier des visiteurs des questions.

83 [35/44 ans ; cadre ; avec des enfants]84 [F ; 35/44 ans ; enseignant ; avec des enfants]85 [H ; 35/44 ans ; cadre ; avec des enfants]

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115Pratiques d’évaluation

Cette forme de médiation a tout particulièrement trouvé écho auprès des publics de l’exposition. Ce succès de la médiation volante est lié à la combinaison entre un thème, une scénographie, un contexte et des publics. Les résultats ne sont pas forcément transposables à l’ensemble des expositions.

Source : Un dinosaure en Presqu’île : une exposition équilibrée entre émotion, connaissance et plaisir – L’impact de la médiation volante auprès des publics de l’exposition, C. Allainé, septembre 2009.

la méthode d’évaluation, un moyen intégré à l’expérience de visite

À un premier niveau, on repère l’effet structurant de la méthode d’évaluation dans l’aide à la formulation et à la construction d’un discours sur l’exposition (l’entretien qui permet de prolonger l’expérience par la narration de celle-ci, ouvrant un espace de dialogue ; le recours à la photographie comme mode de médiation entre l’exposition et son public etc.). À un second niveau, ce détour par les outils de l’évaluation vise à montrer en quoi la méthode participe pleinement de l’expérience, mais qu’elle est toujours à réinventer, à adapter en fonction de la spécificité de l’objet et du public visé. Et la diffusion des résultats pourrait elle aussi intégrer la dimension participative de l’échange dans une double relation par l’envoi aux enquêtés des analyses des chapitres les concernant et sollicitant leurs réactions sur les interprétations réalisées. Il n’y a pas de « modèle » d’outils que l’on peut appliquer à des contextes ou situations particulières mais bien une approche commune du public et de sa relation à l’institution musée.

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117Pratiques d’évaluation

PARTIE 3

Discuter de résultats

Pour les interlocuteurs, la prise de connaissance et la discussion autour des résultats d’évaluation est l’étape la plus connue et la plus attendue. Cette période 2000/2010, avec la présentation d’une programmation culturelle plurielle au Muséum et la présentation conjointe d’actions culturelles hors les murs est particulièrement propice à une capitalisation des résultats d’évaluation. Les interrogations et les angles d’analyse sont multiples. Cette restitution n’est pas une énumération exhaustive des constats observés mais propose une lecture sous l’angle d’une approche institutionnelle (Quel développement des publics ? Quelle légitimité de traiter des enjeux contemporains au musée ? Quelles attentes d’un musée de sciences et sociétés à Lyon ?), et d’une approche centrée sur l’exposition, avec des interrogations autour de l’approche plurielle et du rapport à l’espace. Enfin, une lecture des résultats à propos des actions menées hors les murs permet de s’interroger sur leurs enjeux.

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119Pratiques d’évaluation

L’approche institutionnelle Traiter de la question

du développement des publics

Traiter de la question du développement des publics sur la période de préfiguration du Musée des Confluences revient à interroger l’impact de la mise en place de la programmation plurielle sur l’évolution des publics. Au Muséum, entre la première exposition proposée en 2000, Lunes à la dernière présentée en 2006 et 2007, Frontières, quelles sont les principales évolutions constatées ?

n Du succès de fréquentation au succès d’influence

n entre Lunes et Frontières, l’évolution de l’image du musée

n une expérience de visite des publics dépendante d’un contexte, d’une production culturelle, des publics et des moyens associés

n les attentes des publics d’un musée de sciences et sociétés

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Du Muséum au Musée des Confluences120

n Du succès de fréquentation au succès d’influence

le musée, un lieu attractif

Lorsque l’on parle du succès d’une action culturelle, la première information est le nombre de visiteurs accueillis. Au Musée des Confluences, plus d’un million de visiteurs ont été accueillis dans le cadre des actions culturelles menées86. Si le musée a pu bénéficier d’un contexte général favorable, avec sur le plan national et international un engouement pour la visite des musées et des expositions, la programmation plurielle a permis de multiplier l’offre culturelle en direction des publics, et par là même d'accroître le nombre de visiteurs. Des actions ont été également menées hors les murs pour aller à la rencontre de nouveaux publics et toucher des publics qui ne se rendent pas facilement dans les musées : lieux commerciaux (Galeries Lafayette, Centre commercial de Saint-Genis Laval), lieux de soins (hôpital Saint-Luc, Saint-Joseph, hôpital Natécia), lieux d’éducation (IUFM, université, collèges)…

In situ, près de 800 000 visiteurs ont fréquenté le musée et environ 20% des publics a participé à une médiation, soit près de 150 000 visiteurs. Parmi l’ensemble des visiteurs, les groupes scolaires représentent 14% de la fréquentation. La période 2000-2007 a subi de profondes transformations au niveau des surfaces. Dans une première période, entre 2000 et 2002, le musée a rénové une partie du bâtiment afin d’accueillir des expositions d’envergure nationale et internationale, avec une mise aux normes d’une salle d’exposition. En parallèle, l’accueil a été également rénové et des espaces ont été aménagés pour accueillir les médiations et les activités culturelles. De plus, le Centre de Conservation et d’Études des Collections a été créé en 2002. Sur cette période, 2000-2002, l’offre culturelle est composée des collections permanentes, d’expositions thématiques ainsi que de médiations et d’activités culturelles. Si l’on compare cette période à la précédente (1991/1999)87, une augmentation de 63% de la fréquentation des publics est constatée. À partir de novembre 2003, les salles de collections permanentes ferment à cause de la vétusté des lieux et trois salles sont ouvertes aux publics et présentent des expositions en rotation selon les périodes de montage et de démontage.

86 C’est une sous estimation de la fréquentation. Ne sont pas comprises les activités dont la spécificité du lieu ne permet pas une comptabilisation des entrées, comme les expositions présentées à l’hôpital, les expositions photos présentées sur les grilles du département ou encore les expositions en itinérance.87 Un système de billetterie est mis en place à partir de 1991 qui permet d'avoir un système fiable de comptabilisation des entrées.

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121Pratiques d’évaluation

Les expositions ont attiré entre 20 000 et 80 000 visiteurs (certaines moins de 20 000, expositions présentées sur une très courte durée, d’autres une fréquentation beaucoup plus élevée, comme Lunes, présentées sur une année complète, alors que généralement, la durée de présentation est comprise entre 4 mois et 8 mois). Les variations de la fréquentation des expositions sont liées à la capacité des salles d’accueil (au musée, les salles varient de 250 m² à 1 400 m²) et à la durée de programmation (entre 1 mois et 12 mois). À titre d’exemples, Lunes, a attiré 153 202 visiteurs, Inuit, 86 701 visiteurs, Chefs-d’œuvre, 72 553 visiteurs, Mali Kow, 59 860 visiteurs, Sable, 54 866 visiteurs, Fantaisies de harem, 39 253 visiteurs, A vous de jouer, 38 866 visiteurs, Frontières, 29 153 visiteurs, Au temps des dinosaures, les

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dragons ailés, 24 400 ; Mille et une nuits, 25 000 ; Aborigènes, couleurs du rêve, 22 200 visiteurs, L’eau pour tous, 21 556 visiteurs….

Quant à la fréquentation des médiations et activités culturelles, elle est extrêmement variable. Les variations du nombre de participants s’expliquent par la nature même des médiations. Certaines ont vocation à proposer une approche qualitative, intimiste comme les visites singulières ou le parcours découverte, afin de favoriser l’échange entre l’intervenant, l’objet (une exposition, une œuvre…) et les publics. D’autres dépendent de la capacité d’accueil de l’espace utilisé (projection, conférence). Par exemple, la salle de conférence au musée a une capacité de 100 participants. Enfin, d’autres sont à destination d’un large public, comme par exemple, des médiations à destination du public familial pendant la période des vacances scolaires.

la nature des publics : le musée, un lieu accessible à tous

Mais le rôle des musées est également de rendre le lieu accessible à une diversité de publics. Le succès de fréquentation doit donc également prendre en compte la nature des visiteurs. Parce que le musée n’a pas seulement comme objectif d’attirer un nombre élevé de visiteurs, mais doit également être un lieu accessible à tous, il est nécessaire de connaître les profils des publics. L’enjeu de la composition des publics est de tendre vers la démocratisation culturelle et d’avoir une répartition équilibrée des différents profils (démographiques, sociaux, culturels…). Il faut de plus, intégrer une nouvelle forme de diversité, la diversité culturelle. Certaines variables essentiellement démographiques et sociales ont peu varié et sont relativement proches des caractéristiques de la population nationale ou de la population du département du Rhône.88

Si l’on s’intéresse à la comparaison des profils d’une action à une autre, la diversité de l’offre (thématique, des modes d’approches, des scénographies…) a entraîné une diversification des profils. On note des variations importantes des profils selon les types d’expositions. À titre d’exemple, ces variations peuvent concerner la catégorie professionnelle (la part des enseignants représente 8% pour l’exposition Sable et 24% pour Ni vu, ni connu), le niveau de diplôme (la part de ceux qui déclarent avoir un niveau d’étude obtenu avant le bac est de 3% pour Frontières et de 22% pour A vous de jouer), le type de formation suivi (la part de ceux qui déclarent avoir une formation de « lettres et sciences humaines » représente 17% pour Sable et 40% pour Frontières)… Ce constat peut également être réalisé sur les médiations et activités culturelles avec un enregistrement de variations concernant l’ensemble des variables de profil. À titre d’exemple, la part de « cadres » représente 4% pour les journées thématiques et 23% pour le parcours audio guidé. Certaines actions

88 Une analyse plus détaillée des publics est proposée dans : "Médiations et activités culturelles", volume 2, Du muséum au Musée des Confluences, septembre 2008, pp. 5-19 et "Pratiques d'expositions", volume 3, Du muséum au Musée des Confluences, septembre 2008, pp.137-144.

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123Pratiques d’évaluation

ont été également développées pour attirer des profils peu représentés quantitativement mais qui sont le reflet d’une diversité, comme les structures sociales ou les publics présentant des handicaps… qui contribuent au principe de l’élargissement des publics, à la démocratisation culturelle.

Une autre catégorie de public n’est pas repérable dans les enquêtes menées auprès des publics. Ce sont des profils peu représentés quantitativement mais qui ont une influence importante. On peut citer les réseaux professionnels (écho dans des secteurs professionnels spécialisés, exemple des acteurs du commerce équitable), les professionnels de la culture ou encore le public éloigné du champ culturel, comme des groupes de femmes en cours d’alphabétisation pour l’exposition Fantaisies de harem et nouvelles Shéhérazade, les professionnels d’une thématique, les spécialistes et les experts, le public géographiquement éloigné, mais qui vient spécialement pour une exposition ou encore un public qui fait référence aux institutions partenaires de l’exposition : J’ai été surtout attiré parce que c’était le musée de Neuchâtel (elle vient de Genève) qui, en collaboration avec le musée d’ici, où j’avais vu aussi la collection des Inuit, et je vais voir prochainement le commerce équitable 89.

le succès d’influence : le musée, comme lieu producteur de sens

Le succès d’une programmation ou d’une action culturelle ne se réduit pas uniquement à sa dimension quantitative. Le musée a également vocation à apporter une forme de connaissance, que ce soit à des niveaux de découverte ou de questionnements plus réflexifs. Le succès d’influence doit donc être associé au succès de fréquentation. Le succès d’influence peut être entendu comme l’ensemble des découvertes, des interrogations, des émotions ou des changements produits par ce que le musée a suscité au travers des actions culturelles qu’il propose. Cette influence est difficile à mesurer parce qu’elle relève d’une question beaucoup plus complexe et fait appel aux particularités de chacun dans ses modes d’appropriation. C’est un aspect de l’impact de l’offre culturelle qu’il est difficile d’aborder puisque l’influence peut être multiple. Elle peut entraîner des changements conscients ou non de la part des publics, parce qu’elle peut intervenir bien plus tard après la visite au musée. Une influence classique qui est parfois évoquée est la « révélation » d’une vocation scientifique par exemple.

89 [F ; plus de 65 ans ; Genève ; avt bac]

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Mais il est d’autres types d’influence. Lorsque le musée traite des questions comme celles de la « vache folle », du « commerce équitable », du « harem », du « jeu », ou même du « sable », l’enjeu est d’amener le visiteur sur de nouvelles pistes, sur de nouvelles voies, qui permettront non pas de le conforter dans ce qu’il sait, mais de lui proposer un discours différent qui l’amènera à découvrir ou à s’interroger différemment. Ces thématiques, nouvellement abordées par le musée ont rencontré auprès des publics un écho. Les influences ont été multiples, sur l’image du musée et sur l’installation d’un nouvel « esprit », sur le comportement du visiteur, avec notamment une implication dans sa relation avec le musée et sur sa façon de s’interroger. On peut aussi noter l’influence toute particulière de l’intégration de la photographie comme dispositif muséographique qui a permis d’apporter une dimension humaine et sensible aux contenus.

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125Pratiques d’évaluation

13 - l’influence de l’exposition Chefs-d’œuvre : enchantement, connaissance et réflexion

Vue large expo Chefs d'œuvres © Musée des Confluences.

PrésentationL’exposition Chefs-d’œuvre, trésors et quoi encore présentée du 14 septembre 2001 au 24 mars 2002, sur une surface de 700m² interpelle le visiteur sur la notion de chefs-d’œuvre et du statut de l’objet. Y a-t-il au fond une définition possible du chef-d’œuvre ? N’est-elle pas tout à fait subjective et liée à l’aspect esthétique, affectif, scientifique ou culturel ? Les critères du chef-d’œuvre varient selon les vécus individuels, collectifs, selon les cultures anciennes, contemporaines, européennes ou extra européennes, selon les écoles et les théories.

Méthode Une étude est menée sur la réception de l’exposition auprès des publics de celle-ci. 30 enquêtés ont été interrogés dans le cadre d’entretiens. Les visiteurs interrogés sont des visiteurs intentionnels de l’exposition et des visiteurs de hasard. Préalablement à l’entretien, le ou les visiteurs ont fait l’objet d’un suivi de parcours par l’enquêteur.

Résultatsl’objectif de l’exposition a été atteint dans sa dimension sociale et citoyenneL’exposition Chefs-d’œuvre, trésors et quoi encore… a su construire des parcours de réflexion : promenade de plaisir et de controverses. Les visiteurs en tant que « voyageurs » ont traversé des territoires de réflexion, en posant leur regard sur les objets et en créant de multiples nuances de discours. La plupart des visiteurs n’ont pas regardé les objets avec l’œil « c’est beau, ce n’est pas beau », l’œil culturellement éduqué « à voir » sans se questionner. Ils ont dépassé ce regard en approchant l’objet de façon différente. Ils sont passés au travers la matière, en découvrant dans toute sa force la dimension humaine…

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Commentaires de visiteurs J’ai trouvé que l’exposition est pleine d’actualité, de poésie et de sensibilité… ça, c’est un grand progrès, ça change par rapport à ce que peut être un musée traditionnel (…) je trouve que ça permet de respecter sa sensibilité et je trouve que c’est la force de ce musée de mettre à vif la sensibilité que chacun porte en soi !

On a trouvé assez intéressant la démarche entre l’approche au rez-de-chaussée, avec les différents regards : le regard européen, le regard non européen, ce qu’on fait de tous ces objets…ensuite la partie supérieure, où on reprend ce qu’on dit en bas, c’est-à-dire que ce n’est pas simplement l’objet, mais c’est la fonctionnalité et tout ce qui fait vivre… ça fait référence à ce qui a été dit en bas et ça fait réfléchir à pourquoi il y a des musées, qu’est-ce qu’on fait de ces objets et en quoi ils peuvent servir ? Finalement, à aider à une meilleure communication entre les peuples… alors, au niveau de la conception de l’exposition, de la manière à présenter l’utilisation des technologies modernes, j’ai trouvé ça sensationnel !

J’ai été agréablement surprise, parce qu’on a pas seulement les objets à regarder, ça aide à faire rentrer vraiment dans une réflexion (…)…j’ai bien aimé les panneaux qui cheminent et font réfléchir sur les objets… sur l’objet sacré, l’objet en tant qu’œuvre technique, l’objet qui traverse les générations, l’objet fétiche, l’objet qui rassure…Source : Sur les traces des visiteurs - Analyse discursive sur la réception de l’exposition Chefs-d’œuvre, trésors et quoi encore, T. Beltrame, Rapport de stage, 2001.

n entre Lunes et Frontières : une évolution de l’image du musée

un nouvel esprit d’un lieu : d’un lieu statique vers un lieu dynamique

Le principe de la pluralité, entendu au sens large (thématique, scénogra-phique, disciplinaire…) a généré des conséquences en cascade : une nouvelle façon de s’approprier l’offre culturelle du musée, de nouvelles motivations de visite, un effet d’incitation et un effet de fidélisation, de diversification des profils… Mais il est une autre conséquence, c’est celle de l’installation progressive d’un nouvel esprit du lieu musée. Une des plus-values de la programmation plurielle a été de faire surgir de la part des publics cette attente de l’esprit d’un lieu. Plus que sur la proposition d’une offre thématique, scénographique diversifiée, les publics se sont exprimés sur « l’esprit » même du musée. D’ailleurs, la visite a principalement été vécue dans le cadre de la programmation plurielle en la décontextualisant du lieu « musée d’histoire naturelle ». Cet esprit d’un lieu est nécessaire à la construction de son identité. Comme le souligne Joëlle Le Marec, « les publics ont des attentes à l’égard de l’ institution comme lieu héritant et transmettant des valeurs. Le musée n’est pas

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127Pratiques d’évaluation

considéré comme un simple espace d’offre de produits et services culturels, et la relation au musée ne se résume pas à une fréquentation et des usages de ces produits et services. Le lien au musée a partie liée avec la participation à un collectif historique et repose sur la confiance dans la capacité de l’ institution à s’ancrer dans une temporalité qui n’est pas celle des intérêts locaux à un moment donné. Dans ce contexte, le musée incarne un lien vivant entre savoir, raison, et démocratie »90.

La programmation culturelle en proposant simultanément des expositions à thématiques variées et des scénographies diversifiées, en introduisant de nouveaux dispositifs muséographiques (interactifs, images, son…), différents niveaux de lecture, notamment pour enfant, de nouveaux espaces comme les espaces découvertes qui permettent de manipuler, a permis au musée d’être peu à peu perçu comme un lieu dynamique à l’inverse d’un lieu passif, d’un lieu accessible à l’inverse d’un lieu élitiste.

Un lieu de continuité, qui s’intègre dans son temps Il n’y a pas eu d’effets de surprise massifs par rapport à la mise en place de la programmation plurielle. Au contraire, cette programmation était attendue, notamment sur des questions plus en lien avec la société d’aujourd’hui et sur l’introduction d’une dimension plus participative à partir par exemple de l’interactivité, du ludique. L’introduction de la pluralité scénographique, de la pluralité des objets présentés, de la pluralité disciplinaire s’est faite de façon naturelle. Le musée a été perçu comme un lieu ancré dans son époque, mais certains visiteurs ont souligné aussi le côté « osé » par exemple de traiter de la question du harem, avec l’exposition Fantaisie de harem et nouvelles Schéhérazade ou du thème de la frontière avec l’exposition du même nom. Parce que le musée donne la place à des sujets en lien avec des préoccupations actuelles. Outre l’intégration de l’interactivité comme mode d’approche ou l’introduction de sujets contemporains, l’acquisition de collections récentes comme les photographies contemporaines ou les sculptures Inuit sont également associée à cette dynamique actuelle.

Un lieu producteur de sens, légitime pour traiter des questions de société L’introduction des sujets de société amène progressivement les publics à se questionner sur les enjeux contemporains et positionne le Musée des Confluences comme un lieu producteur de sens comme en témoigne les commentaires de la dernière exposition Frontières : Une belle réflexion sur la notion de frontière et le monde d’aujourd’hui 91. Les publics reconnaissent le musée, comme lieu « acteur de la société » et le créditent d’une légitimité pour traiter des questions contemporaines.

90 Extrait du rapport : La visite de l’exposition Frontières – Muséum de Lyon – Synthèse de l’étude menée auprès des visiteurs de l’exposition – Rapport d’étude - Joëlle Le Marec (dir.), C. Emprin, A. Jacquemot, M. Jarrige, R. Ploestean, laboratoire « Communication, Culture et Société », Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines, Lyon (étude externe), Mai 2007, 49 pages, p.491 [F ; 55/64 ans ; Enseignante]

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14 - la légitimité de traiter des questions contemporaines au musée

© Musée des Confluences.

Présentation Les enjeux contemporains sont intégrés au programme d’évaluation dans le cadre des dossiers de prospective du Musée des Confluences. En effet, les expositions de synthèse et de référence à venir s’articulent autour de trois thématiques « D’où venons-nous? », « Qui sommes-nous ? » et « Que faisons-nous ? ». De ces thèmes découlent un certain nombre d’enjeux : la découverte d’une vie ailleurs, la biodiversité, l’identité personnelle, la mondialisation, le vivre ensemble… Le questionnement de l’institution par rapport à ces publics est le suivant : Quelle est la prise de conscience des enjeux ? Qu’est-ce que l’on retient de ces enjeux ? Quels sont les doutes qui subsistent ?

Méthode Une étude exploratoire a été menée à partir d’entretiens. L’échantillon est composé de 44 individus interrogés. La constitution de l’échantillon répond essentiellement à 2 critères : un critère d’âge (représentation homogène des tranches d’âge) et un critère de lieu. Une partie des enquêtés est « visiteur » du musée, interrogé à la sortie d’expositions traitant de questions contemporaines, et une partie des enquêtés est

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« public potentiel », interrogé à l’extérieur du musée, au Parc de la Tête d’Or (proximité du Muséum) et au parc de Gerland (proximité du futur Musée des Confluences).

Résultatsune formulation des enjeux Les enquêtés sont sensibilisés à la question des enjeux contemporains. Cette sensibilisation est orientée par le cadre de vie, le profil, le domaine d’étude, les origines, les centres d’intérêts ou encore par l’actualité (les entretiens ont été réalisés durant la période précédant le référendum sur la constitution européenne du 29 mai 2005 et l’Europe a été largement citée comme un enjeu). À la question : Pour vous, quels sont les enjeux contemporains ? les enquêtés ont répondu autour de 5 grand axes : l’environnement, le vivre ensemble, le système économique, les sciences et technologies et l’Europe.

- l’environnement : conscience des actions de l’homme sur la nature / enjeu de la survie de l’espèce humaine / réchauffement de la planète / conséquences de la pollution / déchets / ressources naturelles …

- le vivre ensemble : transport / paix / connaissance des autres / éducation / information / individualisme / guerre / santé / travail / transmission du savoir / échanges internationaux / grandes institutions / Orient-Occident / place des artistes / développement des pays pauvres / pays industrialisés, pays du tiers monde / corruption / architecture / urbanisme …

- le système économique : commerce équitable / système de consommation / mondialisation / capitalisme / remise en cause du progrès / échanges économiques / développement durable …

- les sciences et technologie : OGM / clonage / industries pharmaceu-tiques / brevetabilité des produits / découvertes scientifiques…

- l’Europe : place de l’Europe / place de la France / constitution…

les fondements des enjeux contemporains- La transmission d’un patrimoine aux générations futures- La survie de l’espèce humaine- La prise en compte d’une complexité et d’un système global- La préservation de la santé et du cadre de vie - La relation aux autres- Une approche locale, nationale, européenne, internationale

l’implication face aux enjeux - La peur et le pessimisme - Un flottement entre sensibilisation, engagement et désengagement- Une évolution des comportements et des actions concrètement

menées - Un positionnement entre le « je », le «nous » et « les autres »Source : Les attentes et représentations des citoyens face aux enjeux contemporains, C. Allainé, juin 2005.

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Du Muséum au Musée des Confluences130

Un lieu de rencontre avec l’objet L’objet a un effet de réel, il est associé à une valeur d’authenticité qui génère une émotion particulière. L’objet justifie en lui-même une visite au musée, pour un thème, pour une pièce particulière, pour son caractère exceptionnel. Si le musée, lieu de rencontre avec l’objet n’est pas une nouveauté, le passage d’une muséologie d’objets à une muséologie de discours a permis d’introduire pour le visiteur une nouvelle relation avec la collection. D’un côté, on identifie un regard dissocié du discours de l’exposition. L’objet est associé à une dimension intime. Dans ce cas, l’objet renvoie le visiteur à une expérience personnelle en lien avec son vécu. D’un autre côté, on perçoit un regard associé au sens du discours. Dans ce cas, l’objet est directement mis en lien avec un message, il illustre un propos (exemple le squelette d’un dinosaure et la notion de fossilisation ; les sculptures Inuit contemporaines et la découverte de la vie sociale et économique actuelle des Inuit…). Ces deux modes d’appréhension de l’objet tendent à se fondre et ces deux regards se complètent.

15 - regards sur une collection de minéralogie

Expo Lectures minérales © Musée des Confluences.

Présentation Seconde initiative après l’exposition Empreintes (12 mai - 12 juil. 04), Lectures minérales (19 janvier - 29 avril 2007) fait écho à l’exposition Rêves de pierre, présentée au Muséum. Dans le cadre de la Convention du ministère de la Culture et de la Santé : Culture à l’hôpital, ces expositions résultent de la collaboration entre le centre hospitalier St Luc - St Joseph et le Musée des Confluences. L’exposition convoque des regards sur la matière minérale, les superpose et propose ainsi des lectures diverses : celle du scientifique, conjuguée à celle du poète, du photographe ou du plasticien. Au-delà de la réception de l’initiative, de la problématique « culture-hôpital » et des formes de médiation proposées, nous avons souhaité recueillir des éléments sur les rapports des publics à la collection d’objets présentés : les minéraux.

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131Pratiques d’évaluation

Méthode L’étude de réception de l’exposition résulte d’une approche qualitative combinant des observations et des entretiens ciblés auprès des publics en situation d’observation des vitrines. Vingt-sept entretiens ont été réalisés et représentent 52 personnes interrogées dont 37 venues de l’extérieur et 15 en lien direct avec l’hôpital (patients, visiteurs de patients, personnel hospitalier).

Résultatsun rapport intime aux collections de minéralogieÀ la question « que représente la matière minérale pour vous ? » surgissent une multitude de réponses. Dans la grande majorité des cas, la pierre inspire. Parce qu’elle est dure ou vieille, elle inspire l’admiration, la confiance ou la nostalgie ; parce qu’elle est belle, elle inspire le rêve ; parce qu’elle est à l’origine de phénomènes physico-chimiques, elle inspire le corps et l’esprit…

le registre esthétiqueLa découverte des collections rompt avec l’idée du « vulgaire » caillou, de la matière inerte qui ne s’adresserait qu’à des amateurs ou spécialistes. Mises en valeur dans le contexte de l’exposition, les collections créent un effet de surprise permettant un autre regard sur la matière…L’exposition permet aussi une remise en cause de certains stéréotypes… ou la redécouverte des beautés de la Nature. Le registre esthétique est le premier évoqué spontanément par les publics. Unique ou associé à d’autres comme des souvenirs, des pratiques personnelles (collecte, identification des minéraux)… les pierres sont appréciées pour leur beauté et fascinent. La présentation des collections dans des espaces muséographiés (jeux de lumière, fonds de vitrines…) renforce le rapport esthétique à la matière minérale : Je trouve que c’est merveilleux de trouver dans la nature de si belles pierres enfin de conglomérats de… enfin avec des couleurs, des densités, des formes différentes je trouve ça très beau quoi.92

en écho à des pratiques…On retrouve également l’attrait pour un objet spécifique et une manière d’appréhender la matière minérale en écho à des pratiques personnelles et professionnelles comme ce visiteur ayant travaillé dans le « fer » : Ben parce qu’il y a tout un travail euh, un travail qui n’est pas manuel mais qui est le travail de la nature hein, voyez. Et puis celle-ci (fer rubané) parce que… d’abord c’est du fer, comme je travaillais dans le

92 [une mère, un grand-père et 3 enfants]

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Du Muséum au Musée des Confluences132

fer… Bon mais y a surtout la forme, et puis trouver du fer dans cet état là, c’est quand même extraordinaire.93 Ou cet autre visiteur, coloriste : C’est-à-dire que moi je suis coloriste et c’est un travail de couleur aussi et personnellement je trouve que c’est vraiment merveilleux de voir des couleurs qui sont aussi bien... on va dire installées dans un bloc de pierre, c’est, j’trouve que c’est surtout la force de… ces pierres qui m’impressionne.94 Ces pierres exposées renvoient aussi parfois à des pratiques quotidiennes comme celle de cet enfant ramassant systématiquement des cailloux pour les garder dans ses poches !

Des propriétés énergiques de la matière La perception des publics de la matière minérale renvoie de manière récurrente à un paradoxe : matière figée, solide mais aussi vivante, trace de l’activité terrestre… En fait ça fait partie de la nature et… ça fait partie d’un ensemble de choses difficiles à expliquer, mais je pense… qu’il y a une part de vivant dans la pierre, ça peut paraître bizarre mais j’trouve qu’il y a quelque chose qui émane de la pierre.95 Moi je trouve que ça stimule vraiment l’imaginaire donc la roche ça peut prendre plein de formes, plein de textures, plein de couleurs, donc c’est un rapport à l’esthétique. Un rapport aussi, bon je dirais très sensuel, quoi, charnel avec un élément qui peut paraître froid et dur, mais en même temps, dans un paysage, dans une rivière, au soleil, si y a, y a vraiment un contact des sens quoi.96 Source : évaluation de l’exposition Lectures minérales, éléments de réception des publics. N. Candito, J. Ramona, juin 2007.

l’image des expositions dans la presse

Si l'évolution de l'image du musée est visible du côté des publics, elle est également perceptible du côté des médias.La programmation culturelle a fait l’objet de nombreux articles de presse. L’étude « Le traitement des expositions dans la presse (2001-2007) », menée en novembre 2007 répond aux questions suivantes97 : Quelles expositions font l’objet d’une couverture médiatique spécifique ? Quelles dimensions des expositions sont les plus abordées, et par quels types de presse ? Remarque-t-on l’émergence d’un style muséographique propre au Musée

93 [Samedi 14h30, couple]94 [F, professeur d’art plastique]95 [F, infirmière externe, déjeuner]96 [F, étudiante en muséologie et géologie]97 Etude réalisée par Delphine Miège pour le service développement et stratégie, novembre 2007

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133Pratiques d’évaluation

des Confluences ? L’analyse des revues de presse des expositions met en avant un ensemble de dimensions, qui correspondent à l’émergence d’une nouvelle muséographie évoquées comme préfigurant les futures expositions du Musée des Confluences. Parmi ces dimensions, certaines sont plus récurrentes, et notamment : la pluridisciplinarité, la mise en scène et l’interactivité, la singularité du discours, l’adresse à un plus large public, les collections et leur inscription dans le propos des expositions.

16 - la critique d’expositions dans la presse

PrésentationCette étude répond à une demande de la direction du musée des Confluences de mieux connaître le traitement médiatique des expositions temporaires programmées au Muséum de 2001 à 2007.

MéthodeLes revues de presse des expositions ont été constituées par le biais d’une surveillance média confiée à l’Argus de la presse, avec différents mots clé confiés à chaque nouvelle exposition. Elles concernent la presse écrite uniquement et ne couvrent pas la presse internationale. Le corpus analysé rassemble les 30 revues de presse de 30 expositions du Muséum entre 2000 et 2007 (date de fermeture du Muséum). L’étude a permis de dresser : - une comparaison de la couverture presse des différentes expositions

(classement par nombre d’articles publiés) : Harem apparaît comme l’exposition la plus médiatique

- une typologie des articles en fonction de la nature du contenu : une critique de l’exposition, un descriptif de l’exposition, une brève annonce.

Nous retenons ici ce qui relève de la « critique d’exposition ».

Résultats Des caractères communs à l’ensemble des expositions Les caractères décrits ci-dessous fonctionnent comme des fonda-mentaux muséographiques, plus ou moins présents, accentués et réactivés selon les projets. Davantage qu’un genre d’exposition, ils composent l’image médiatique, multiple et en construction, des expositions du Muséum. Ils définissent les bases d’un style muséo-graphique, propre à développer des projets de natures différentes. L’image des expositions du Muséum dans la presse n’émerge pas avec netteté mais se construit au travers de ces multiples facettes.

- des expositions sur des thèmes variés, souvent inattendus et insolites. Les expositions thématiques (structurées en chapitres) semblent les plus caractéristiques du musée.

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Du Muséum au Musée des Confluences134

- des expositions qui mobilisent différentes approches (scientifique, ethnologique, artistique, géographique, historique, politique, économique etc.) autour d’un même sujet. Dans les articles, les déclinaisons lexicales autour du concept titre d’une exposition (par exemple « la lune convoitée, la lune observée, la lune rêvée etc. ») révèlent cette dimension. l’approche artistique semble fréquemment mobilisée en fin de parcours, au travers de la présentation d’œuvres d’artistes contemporains en relation avec le sujet.

- des expositions qui présentent des objets de statuts variés : œuvres, objets de collections ethnographique, scientifique, artefacts, vidéos, textes écrits ou sonores etc.

- des expositions sur les peuples, les sociétés, sur la vie quotidienne, les traditions et les cultures davantage que sur les objets et les œuvres présentés, qui en sont les témoins. Le recours fréquent au témoignage, à la parole des individus concernés par un sujet (par le biais de vidéos par exemple) est significatif.

- des expositions en prise sur l’actualité, qui abordent des problématiques contemporaines ou soulèvent ce qui fait écho à des questions de société. Le parti assez récurrent de présenter des œuvres d’artistes contemporains en relation avec le sujet à la fin d’une exposition s’inscrit dans cette tendance en permettant un ancrage dans la société actuelle.

- des expositions pédagogiques, didactiques, qui accompagnent les visiteurs par différents moyens et supports à la découverte du pro-pos (textes, vidéos, audio, organisation du parcours, scénographie parfois relais du propos de l’exposition). Et donnent des clés aux visiteurs pour appréhender tel ou tel fait de société (Vache folle, par exemple).

- des expositions qui interrogent, qui se proposent de dépasser les clichés, d’élucider ou de lever le voile sur un sujet, qui questionnent les visiteurs pour les amener à prendre conscience d’une situation ou à s’interroger sur leurs croyances, leur position vis-à-vis d’un sujet. Les formules interrogatives sont très nombreuses dans les articles et témoignent de cette problématisation des sujets.

- des expositions qui font place à l’expérimentation, à la manipulation, qui permettent aux visiteurs de s’approprier des mécanismes par la pratique, qui sollicitent leur participation. Le caractère ludique de dispositifs est fréquemment souligné. Les « espaces découverte » sont bien identifiés à la fin des parcours. Le caractère avant-gardiste de certains dispositifs est diffusé.

- des expositions qui préfigurent une muséographie d’avenir, dynamique, loin des clichés du musée traditionnel rébarbatif, qui abordent des thèmes nouveaux en multipliant les supports et les expériences pour interpeller les visiteurs. Dans ce sens, la dimension internationale de ces expositions est relevée, comme leur itinérance ou leur coproduction avec d’autres structures, qui accentuent cette image novatrice.

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135Pratiques d’évaluation

- des expositions qui immergent souvent les visiteurs dans un univers, qui les invitent au dépaysement, qui les entraînent physiquement et sensiblement dans le propos, au travers de scénographies métaphoriques d’un thème ou immersives.

- Enfin, les expositions peuvent parfois apparaître comme des expositions à propos, à message, engagées. à l’inverse, à d’autres reprises il est souligné qu’elles ne prennent pas parti sur un sujet, donnant aux visiteurs différentes clés pour mieux le penser et le comprendre. Le ton des expositions (sérieux, parfois léger et humoristique pour introduire certains sujets) influence sensiblement leur identité dans la presse, en contribuant à esquisser une image de leur auteur, et par conséquent du musée.

une analyse thématique des articles par exposition : l’exemple de l’exposition Frontières Frontières est l’une des expositions ayant eu le plus grand nombre d’articles de critique. - Une exposition pluridisciplinaire, une conjugaison d’approches - Un recours aux arts plastiques subtil et réussi- Une diversité de supports et de modes de réception- Un projet dense, documenté, parfois difficile- Une exposition en résonance avec l’actualité- Une exposition qui suscite la réflexion- Une scénographie sobre, sensible, efficace et structurante- Une exposition sur le ton du reportage- Une exposition à forte identité, qui anticipe le Musée des

Confluences

Source : Le traitement des expositions du Muséum dans la presse - Analyse de revues de presse, D. Miège dir. N. Candito, étude externe, novembre 2007.

n l’appréciation de la visite au musée

les modes d’appropriation de la programmation plurielle

Un autre aspect de la fréquentation du musée est la manière dont les publics s’approprient le lieu et la programmation culturelle. Les publics viennent-ils pour une exposition en particulier ou pour l’ensemble d’une offre ? En l’espèce, la programmation plurielle a généré trois principales catégories de visite : la visite d’ensemble, la visite sélective et la visite critique. Si certains réalisent l’ensemble des activités proposées : Selon l’âge des visiteurs, il y en avait pour tous les goûts (L’eau… : famille, Japon : esthètes cultivés, Madagascar : voyageurs...)98, d’autres sélectionnent l’offre, en amont de la

98 [[Programmation : L'eau pour tous ; Destination Japon ; Fibre malgache]]

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Du Muséum au Musée des Confluences136

visite ou une fois sur place. Parmi ces publics, certains s’en tiennent à ces premiers choix, d’autres se laissent la possibilité de découvrir les actions culturelles proposées, sans en avoir eu connaissance au préalable : Très bien d’avoir accès à toutes les expositions que j’ai pris plaisir à voir, même si je n’étais venue que pour Madagascar99. Enfin, une troisième catégorie de visiteurs s’exprime sur une exposition en la comparant à une autre : Je suis venu pour Maths et j’ai été déçu, j’en ai profité pour faire un tour aux frontières où j’ai été agréablement surpris100. Certains visiteurs font également référence à des expositions vues dans d’autres lieux. Cette catégorie de visiteurs montre l’émergence d’un public qui développe une culture muséale, témoigne d’une certaine expertise par la mobilisation d’une forme de critique.

De cette répartition, en découle une autre : celle des publics selon leur intention préalable de visite. En effet, de cette façon de choisir, de sélectionner l’offre proposée, les visiteurs sont parfois qualifiés de public intentionnel ou public de hasard101. Cette répartition des publics a de nombreuses conséquences, notamment au niveau des profils, au niveau des pratiques de visite mais aussi au niveau de la réception de l’offre culturelle. Parmi le public intentionnel, on distingue le public de découverte et le public thématique. Celui-ci vient avec comme intention préalable unique, la visite d’une seule exposition. C’est un public habitué du musée qui sélectionne sa visite autour d’une seule thématique ou bien qui vient pour la première fois, attiré par une thématique particulière. Le public de découverte est attiré par deux ou plusieurs expositions ou actions culturelles. Le public de hasard, quant à lui, fréquente une exposition sans en avoir eu l’intention préalable. Il représente entre 10% et 38% des échantillons. Parmi ce public, on distingue les publics qui viennent pour les collections permanentes, le public habitué de la programmation thématique qui vient quel que soit le thème de l’exposition.

99 [Fibre malgache]100 [H, 18 à 24 ans, étudiant « sciences, médecine », nouveau visiteur]101 Cette analyse est réalisée pour les expositions présentées suite à la fermeture des salles de collections permanentes.

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137Pratiques d’évaluation

17 - les publics de l’exposition Frontières

Présentation L’exposition est présentée du 3 octobre 2006 au 4 février 2007, sur une surface de 700 m². Coproduite avec le Centre de Culture Contemporaine de Barcelone, elle présente un ensemble de huit "mondes", associant reportages photographiques et réflexions sur certaines problématiques liées à la question des frontières politiques.

MéthodeLes résultats concernant les profils des publics de l’exposition sont extraits du sondage annuel réalisé du 24 octobre au 12 novembre 2006. L’échantillon est composé de 383 répondants. Conjointement à l’exposition Frontières, sont présentés l’espace découverte Pourquoi les mathématiques ?, l’exposition de valorisation des collections Rêves de pierre et l’exposition photographique Panama.

Résultats l’attirance de nouveaux visiteurs Le renouvellement des visiteurs est important : 38% des répondants déclarent être de « nouveaux visiteurs ». La fourchette du renouvellement de visite sur l’ensemble des sondages est comprise entre 29% et 38% ; 38% est le pourcentage le plus élevé, on le repère pour l’exposition Chefs-d’œuvre, trésors et quoi encore… et l’exposition Frontières.

la répartition des publics selon l’intention préalable de visite La programmation culturelle thématique génère une classification des publics d’une exposition selon le critère des intentions préalables de visite. On distingue le « public thématique », le « public de découverte » et le « public de hasard ». De ce découpage découlent les données de profils, de pratiques de visite et d’appréciation.

© Musée des Confluences

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Public individuelthématique 34% 28% 25% 13% 26% 13% - 34% 21%

Public individuelde découverte - 60% 50% 64% 28% 28% - 64% 36%

Public individuel de hasard - 10% 19% 19% 21% 10% - 21% 11%

Source : sondages

Des profils spécifiques - Un profil très diplômé (73% du public thématique possède un niveau

d’études « au-dessus de bac+3 et grandes écoles »), avec une formation prédominante de « lettres et sciences humaines ».

- Un degré de connaissance important : 10% se déclarent expert, 70% avoir « quelques connaissances ». Pour les sondages précédents, la part de ceux qui déclarent avoir « quelques connaissances » est comprise entre 34% et 55%.

- Un équilibre entre hommes (49%) et femmes (51%); - La tranche d’âge des 24 à 35 ans est très représentée (34%). - L’activité principale est ainsi répartie : 23% de cadres, 22%

d’enseignants, 22% d’étudiants, 19% de professions intermédiaires associées aux employés, 8% dans la catégorie « autre », 5% de retraités.

- Pour les pratiques de visite, public majoritairement accompagné « entre adultes » (76%), avec une durée de visite élevée : 21% des répondants déclarent une durée de visite supérieure à 2 heures. Depuis la réduction des espaces d’exposition (octobre 2002), la part de ceux qui déclarent une visite d’une durée de plus de 2 heures est comprise entre 11% et 15%.

Source : La réception de l’exposition Frontières. Un retour des publics à partir des outils de mesure permanents : statistiques de fréquentation, cahier des visiteurs et sondage annuel, C. Allainé, octobre 2007.

une expérience de visite entre adhésion et nuance

Pour traiter de la question de l’appréciation, l’indicateur « Taux de satisfaction de l’expérience de visite » montre une satisfaction élevée : entre 92% et 98% des répondants des sondages déclarent une expérience de visite « satisfaisante ». Cette forte satisfaction de l’expérience de visite est un constat observé dans d’autres musées. La satisfaction générale de

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139Pratiques d’évaluation

l’expérience de visite traduit une adéquation entre la production culturelle et les moyens associés (confort de visite, niveau d’accessibilité, qualité des objets présentés, capacité des dispositifs muséographiques à transmettre des informations, des émotions …).

la satisfaction de l’expérience de visite au muséum (2000/2006)102

Fourchette basse et fourchette haute Variation

Taux de satisfaction87 92% - 99% 7%

Exceptionnel 2% - 8% 6%

Très satisfaisant 45% - 62% 17%

Assez satisfaisant 29% - 45% 16%

Peu et pas du tout satisfaisant 2% - 8% 6%

Source : sondages

La part de ceux qui déclarent un niveau de satisfaction extrême, c’est-à-dire « exceptionnel» ou « peu et pas du tout satisfaisant » varie peu. Par contre la part de ceux qui déclarent une visite « très satisfaisante » ou « assez satisfaisante » varie et on observe un « basculement » entre ces deux catégories.

Les analyses de la parole des publics associées à celles des indicateurs de satisfaction montrent cette répartition des publics entre le public d’adhésion et le public nuancé. Le public d’adhésion déclare généralement une expérience de visite « exceptionnelle » ou « très satisfaisante », c’est un visiteur qui exprime son appréciation de visite, de façon tout à fait variée. Il peut s’attacher aussi bien à la production culturelle (exposition, objets de collection, médiations, …) qu’aux moyens qui sont associés à cette production (communication, affiche, titre, tarification, aires de repos, accueil…), ou aux deux. Le public nuancé est toujours dans une certaine forme de satisfaction. C’est en général un visiteur qui valide sa visite au musée, c’est-à-dire qui apprécie le musée et une partie de son expérience. Cependant, c’est un visiteur qui émet des réserves dans son parcours de visite. C’est fréquemment un public qui s’exprime sous la forme d’un « oui, mais ». Les réserves exprimées concernent essentiellement la fermeture des salles de collections permanentes et le confort de visite.

L’expérience de visite au musée n’est pas dépendante uniquement du poids d’une exposition ou d’une médiation. La satisfaction de l’expérience de visite est liée à une interdépendance entre un contexte, une production culturelle, des publics et des moyens associés à la programmation comme la tarification, la communication, l’accueil, le confort, l’accessibilité…

102 La « satisfaction » regroupe la part des « exceptionnel », « très satisfaisant » et des « as-sez satisfaisant »

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l’interdépendance entre un contexte, une production culturelle, des publics, et des moyens

L’expérience de visite dépend de l’ensemble des actions menées en direction des publics, qu’elles soient culturelles comme les expositions, les médiations ou non, comme la communication, la tarification ou encore l’accueil des publics. C’est la coordination de l’ensemble de ces actions qui optimise la combinaison entre l’incitation, la fidélisation, la diversification des profils et permet de tendre vers une relation « publics / musée » optimale.

L’influence du contexte Le poids de l’action culturelle est aussi lié aux éléments de contexte. On distingue le contexte interne, (configuration des espaces d’exposition, espace dédié aux activités culturelles, positionnement géographique, en plein centre ville ou périurbain, …) du contexte externe. Par exemple la mise en place d’un plan Vigipirate aura une influence sur la fréquentation des groupes scolaires. Mais le contexte, c’est également l’identité du lieu dans lequel on expose et son environnement social, historique, culturel, géographique… Ainsi, le traitement de certains thèmes n’aura pas la même résonance ni les mêmes modes de réception ou les mêmes questionnements de la part des publics selon qu’il est présenté en milieu rural ou en milieu urbain, dans le nord ou dans le sud, dans un lieu historique ou un lieu contemporain… Il est une autre influence de contexte, c’est la périodicité de l’exposition. En effet, le choix de la période de présentation (été ou hiver, vacances scolaires, ou non) aura une influence sur la composition des publics, avec par exemple une propension plus forte du public accompagné d’enfants à venir pendant les périodes de vacances scolaires.

La production culturelle Chacune des expositions présentées Lunes, Sable, Chefs-d’œuvre, Frontières, à vous de jouer, Inuit, Mali Kow, Fantaisies de harem et nouvelles Schéhérazade … a eu une fonction « pivot » dans le développement des publics, soit de façon quantitative, en contribuant à attirer un nombre conséquent de visiteurs, soit au niveau de la nature même des publics, soit du côté de l’influence. La diversité des thématiques et des scénographies associées a contribué à un renouvellement des publics (30% de nouveaux visiteurs à chaque sondage), à une diversification des profils et à la construction d’une nouvelle image du musée.

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141Pratiques d’évaluation

18 - exposer la création contemporaine autochtone : l’adhésion des publics

Expo Inuit © Musée des Confluences.

Présentation L’exposition Inuit, quand la parole prend forme est présentée du 17 décembre 2002 au 20 juillet 2003. Elle offre sur 750 m2, des clefs pour saisir la vie sociale et économique des Inuit, leur rapport à l’environnement et à la faune, et propose une approche de leur spiritualité.

Méthode L’analyse suivante est proposée à partir d’une lecture transversale des résultats issus du cahier des visiteurs de l’exposition, du sondage réalisé auprès des publics ainsi que des questions ouvertes intégrées au sondage.

Résultats une exposition équilibrée L’exposition Inuit est une exposition équilibrée entre des collections, la présentation des modes de vie, une ouverture sur des questions de la vie d’aujourd’hui et de l’avenir, un niveau de lecture pour les enfants. C’est une exposition « pivot » en terme de développement des publics. Elle a suscité une adhésion auprès des publics à deux titres. D’une part la proposition de sujets autour des « cultures du monde » a révélé une réelle attente des publics. Et d’autre part les choix scénographiques et de contenu ont permis aux visiteurs de découvrir une lecture contemporaine d’un peuple et d’une culture à partir d’une description de leurs conditions de vie, une présentation de l’art inuit actuel, l’ensemble présenté selon différentes approches : esthétique, sensorielle et expérimentale. C’est une exposition qui a permis d’associer la découverte d’objets de collection, la réflexion sur les conditions de vie d’un peuple et la manipulation, avec l’espace découverte.

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l’exposition en chiffres - Une forte fréquentation : 87 000 visiteurs ont visité cette exposition.

La moyenne mensuelle est la plus importante des expositions. De plus, l’exposition est présentée après la fermeture des salles de collections permanentes.

- Un degré d’intérêt porté à l’exposition élevé : 96% des répondants se déclarent « intéressés » par l’exposition, soit quasiment l’unanimité (la part des « assez intéressé » est de 15%).

- Un effet de fidélisation de long terme : l’exposition Inuit est présentée en 2002/2003, et en 2006, lors de la programmation des expositions Frontières, Rêves de pierre, espace découverte Pourquoi les mathématiques ?, 15% des publics déclarent l’exposition Inuit comme une des dernières expositions visitées.

Commentaires de visiteurs L’exposition Inuit m’a paru remarquable, en ce qu’elle propose un équilibre intéressant entre la description des conditions de vie de ces peuples, et la présentation de leur production artistique contemporaine ; j’ai retrouvé une impression de richesse artistique que j’avais déjà rencontrée dans certaines galeries canadiennes.103

L’exposition Inuit est absolument géniale, tant par la beauté des œuvres exposées que par la réflexion à laquelle elle nous incite sur l’être et la vie des hommes.104

Exposition de grande qualité, très bien présentée touchant aux sens de la vue, touché et audition, pour les enfants et les adultes. Les œuvres contemporaines sont magnifiques bravo.105

L’ambiance nous plonge dans la culture. C’est une immersion des sens. C’est le meilleur moyen d’apprendre, c’est mieux que des objets sans vie.106

Source : La réception de l’exposition Inuit, quand la parole prend forme. Un retour des publics à partir des outils de mesure permanents : statistiques de fréquentation, cahier des visiteurs et sondage annuel, C. Allainé, 2003

103 [Cahier des visiteurs]104 [Cahier des visiteurs]105 [Cahier des visiteurs]106 [F, 30 à 39 ans, employée, seule, visiteur régulier]

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143Pratiques d’évaluation

Les politiques culturelles ciblées (médiations, activités culturelles…) ont eu des conséquences importantes sur la diversification des profils et ont contribué à l’augmentation de la satisfaction de l’expérience de visite. De plus, la médiation qu’elle soit réalisée par des intervenants internes ou externes et de par la pluralité des formes proposées - cycle de projections, visites singulières, parcours audio guidé, parcours découverte…- a permis d’intégrer la notion de participation active notamment par l’intermédiaire de la parole, répondant ainsi à une attente de convivialité et de compréhension107 de la part des publics. Au total, 20% des publics ont participé à une médiation : 12% du public individuel et 46% du public en groupe. La médiation est utilisée de différentes manières par les publics : occasion d’échanges, introduction ou clés de compréhension d’une exposition, mode d’apprentissage en lui-même…

Les politiques de moyens Parmi les politiques de moyens qui ont une incidence directe sur les publics, on peut citer la tarification, la communication et l’accueil des publics. Le rôle joué par ces politiques est multiple. Ce sont des politiques correctives ; elles contribuent à corriger un facteur structurel comme la concentration de la fréquentation. À titre d’exemple, la mise en place d’une journée de gratuité a permis de rééquilibrer la fréquentation hebdomadaire, le jeudi devenant quasiment autant fréquenté que le dimanche. Mais ce sont aussi des politiques incitatives, car elles contribuent à attirer les publics. Le développement des outils de communication – affichage, presse, site Internet (la visite au musée par l’intermédiaire d’une prise de connaissance par le site Internet a augmenté de 3% à 19% entre 2002 et 2006) - a contribué à mieux faire connaître les actions menées par le musée et a attiré directement les visiteurs. Les politiques de moyens ont également un fort impact sur l’image de l’institution. En effet, la qualité de ces instruments est le reflet de la qualité de l’institution. Par exemple, l’accueil des publics propose des services, améliore le confort de visite, la signalitique, identifie des points délicats dans l’expérience de visite... C’est un instrument invisible lorsque les visiteurs sont satisfaits mais c’est un obstacle à l’expérience de visite, lorsque l’accueil n’est pas à la hauteur des attentes des publics. D’un élément de confort, le visiteur qualifie ces difficultés comme un frein à l’accès au contenu. Le confort de visite est une dimension nécessaire à la mise en condition de la visite pour l’ensemble des publics. Un accueil qui n’est pas à la hauteur des attentes a un impact sur l’image même du musée. Un autre exemple est le sujet sensible de la tarification avec l’association d’une image d’accessibilité à tous dans le cas d’une mise en place de la gratuité des entrées, même partielle. Les moyens ont également un impact sur l’expérience de visite. A titre d’exemple, la connaissance d’une exposition ou d’une activité culturelle par l’intermédiaire de la presse écrite ou d’un reportage télévisé favorise l’appréhension du contenu ou des orientations

107 Alibert D., Régis Bigot R., Hatchuel G., Aller au musée : un vrai plaisir, mais une attente de convivialité et de pédagogie, CREDOC, consommations et modes de vie, synthèse, N° 195 – juillet 2006

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Du Muséum au Musée des Confluences144

de l’exposition. Le titre et l’affiche d’une exposition jouent également un rôle majeur dans la vie d’une exposition. La formulation, le graphisme, les couleurs, les informations contenues dans l’affiche ont une influence directe sur l’incitation à la visite, sur la composition des publics et sur les attentes de l’exposition en suscitant des représentations préalables.

Ce sont aussi des politiques de diversification des profils et de fidélisation. Ce sont des instruments qui ont également des spécificités propres et qui sont délicats à manipuler. Leur efficacité résulte d’une combinaison de facteurs.

19 - l’impact de l’affiche de l’exposition Sable, secrets et beauté d’un monde minéral

Présentation L’exposition Sable est réalisée en partenariat avec le Muséum d’Histoire naturelle de Neuchâtel. Elle est une invitation au voyage, à travers des collections de sable issues du monde entier, manipulations et observations des grains à la physique singulière, vidéo, en passant par les contes du marchand de sable et les sables mystiques… Elle est présentée au Muséum du 17 février au 15 août 2004.

MéthodeL’étude de réception menée auprès des publics de l’exposition s’appuie sur 50 entretiens. Au total, 77 enquêtés ont été interrogés. L’évaluation a pour objectif de mesurer les limites et les apports de l’approche plurielle dans l’exposition Sable. Si aucune question n’a été directement posée autour du titre et de l’affiche de l’exposition, les enquêtés se sont exprimés spontanément sur cette question.

Résultats l’impact de l’affiche en terme d’incitation à la visite L’affiche suscite de nombreux commentaires en terme d’esthétique et d’incitation à la visite. Aucun avis sur l’esthétique de l’affiche n’est demandé directement mais quelques personnes la mentionnent spontanément en des termes positifs tels que : sympa, très séduisante, engage à venir, parlante, jolie, attirante. Les extraits des commentaires suivants sont réalisés par des enquêtés qui ont pris connaissance de l’exposition par l’affiche.

© Musée des Confluences

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145Pratiques d’évaluation

L’affiche c‘est très séduisant… et une affiche pour nous c’est très parlant…C’est comme quand on va au cinéma, y a le titre, y a l’affiche et y a le sujet… Il faut que ça accroche le regard.

Je me disais, il ne faudra pas que je la rate, parce que je trouvais que c’était attirant…je me disais que c’était très vivant.

L’affiche est parlante, elle est jolie, c’est tentant quand on aime la chaleur, le désert »

C’est simplement la présentation, le choix des couleurs, le fait que ce soit assez épuré comme affiche, sable le fond, la couleur, le graphisme.

l’impact de l’affiche en terme de représentations L’affiche a également un impact en terme d’attentes sur le contenu de l’exposition. Les enquêtés qui déclarent avoir vu l’affiche citent les mots inscrits sur l’affiche, lorsqu’on leur demande leurs représentations de l’exposition : dune, plage, désert.

Au départ je pensais que c’était surtout les peuples du désert …

Par les affiches … des photos, des photos de désert, des explications aussi de la formation des dunes, des couleurs de sable.

Je connais bien le désert saharien, c’était donc déjà cela que ça évoquait plus que le sable des plages.

Pour moi c’était plus une interrogation… là sur l’affiche il y avait : marchand, plage… plage non, mais marchand je me suis dit tiens marchand ? Je ne voyais pas bien comment on allait parler de marchand… Oui, oui, j’ai lu tous les mots… Autant désert, plage, dune ça parle, mais bon sang je n’avais pas pensé au marchand de sable.

Source : L’exposition Sable, secrets et beautés d’un monde minéral - Bilan et réception de l’approche plurielle. Document power point, Muséum, évaluation, C. Allainé, N. Candito, janvier 2005.

n les attentes d’un musée de sciences et sociétés à lyon

les résultats d’une étude menée en amont du projet

Une étude des publics a été menée antérieurement à la mise en place de la programmation de préfiguration. C’est une étude exploratoire qui vise à isoler les dimensions émergentes sur les attentes d’un musée de sciences et sociétés. Le parti pris a été d’interroger les publics sur leurs attentes, en masquant le fait que ce lieu s’inscrivait dans la continuité du Muséum ou Musée Guimet pour ne pas risquer de susciter un transfert du dialogue vers la fermeture du bâtiment, rue Boileau. Cependant le lien entre le Muséum et le Musée des Confluences a été rapidement réalisé par les enquêtés, dans

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Du Muséum au Musée des Confluences146

le sens d’une nécessaire évolution de l’institution. Cette étude montre une forte attente du Musée des Confluences, mais avec des exigences sur la forme, sur le contenu et sur l’esprit même du lieu.

Les attentes des publics font ressortir un enjeu majeur, celui des équilibres : - entre la notion de connaissance (plurielle selon les publics) et la notion de

loisir ; - entre l’intérêt pour le local (l’industrie lyonnaise) et l’intérêt pour des sujets

plus larges ;- entre la vocation d’un lieu pérenne, un lieu de repères mais aussi un lieu en

mouvement, associé à la dynamique de la société ;- entre une rupture avec le quotidien, qui doit susciter le rêve, l’émotion …

et une continuité avec le quotidien (prolongement de l’expérience de visite et intégration de façon plus large, par exemple des scolaires et que ce soit un lieu en continu et non pas un lieu occasionnel …) ;

- entre un lieu indispensable mais pas exclusif …

20 - les attentes d’un musée de sciences et sociétés à lyon

Présentation Dans le cadre de la réorientation du Muséum vers le Musée des Confluences, une étude exploratoire sur les attentes des publics d’un musée de sciences et société est menée, en 1999.

MéthodeL’étude est réalisée à partir d’un échantillon de 21 enquêtés. Deux réunions sont organisées, auprès de membres de deux associations distinctes (Millénaire 3 et Rhône Accueil) et 9 enquêtés sont interrogés via le site Internet de Millénaire 3.108 L’animation des discussions est basée sur une trame de questions et de thèmes à aborder, ces orientations restent semi directives afin que puissent éventuellement être exprimés des points de vue dont on ne soupçonnerait pas l’importance.

Résultatsune offre globale… Le terme d’offre globale comprend un ensemble d’éléments, constitutifs des premiers facteurs d’attractivité avec la considération du site en lui-même, un renouvellement de l’offre qui permet de construire un calendrier, des formes de propositions, ainsi que de la notion de loisir. Plus précisément, les enquêtés s’expriment sur :

108 Millénaire 3 - Site de prospective territoriale et centre ressources du grand Lyon.

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147Pratiques d’évaluation

- l’importance d’un cadre, du site- l’intégration de la notion de spectacle et de jeux- le renouvellement de l’offre dans le temps- une référence pour organiser son temps- l’intégration de la visite du musée dans un temps de loisir - l’association entre la notion de renouvellement permanent de l’offre

et celle d’un lieu repère culturel permanent.

un autre rapport à la connaissance… L’existence d’autres médias qui répondent au besoin de connaissance est mentionnée. Le musée doit fonder sa plus-value sur : - la notion de connaissance perçue comme « Comprendre plutôt

qu’apprendre »- un lieu à la fois centre ressources et opérateur de loisir- la notion de loisir dans le rapport à la connaissance- un repositionnement des sciences par rapport à sa vie- la nécessité de clés de compréhension, et pas uniquement des

questions- de traiter de thèmes ancrés dans l’histoire locale (la soie, l’industrie

lyonnaise…)

l’esprit d’un lieu… Les attentes ont finalement mené à une certaine description de l’esprit d’un lieu, d’une image associée à un site. La convivialité, l’association entre rupture et continuité avec ce que l’on vit, … constituent autant d’enjeux pour le Musée des Confluences. - un lieu de rencontre- un effet de réel- un lieu flexible, dynamique, de réseaux- un lieu intense- un lieu entre rupture et continuité avec le quotidien- un lieu indispensable, sans devenir exclusif (qui s’inscrit dans des

réseaux et qui laisse la place aux autres institutions culturelles)- un lieu qui attire les jeunes publics, particulièrement les 15/25 ans

Source : Un grand espace des sciences et sociétés à Lyon ? Enquête exploratoire sur les attentes du grand public, Expo +, novembre 1999.

entre Lunes et Frontières, de nouvelles attentes ?

Si la pluralité de l’offre culturelle proposée pendant la période de préfiguration a répondu à cette attente d’une ouverture du musée vers des questions plus actuelles mais aussi en lien avec l’avenir et qu’elle a confirmé que les attentes révélées en 1999 étaient toujours d’actualité, les retours des publics montrent également de nouvelles attentes.

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Du Muséum au Musée des Confluences148

Le musée, comme lieu d’interactions …Un résultat est majeur pour l’avenir du musée : le visiteur ne vient quasiment jamais seul au musée, seulement environ 10% des répondants des sondages déclarent être « seul ». Lorsque le visiteur vient au musée, il est principalement en groupe (scolaire, centres divers jeunes publics comme les centres aérés…) ou en mini groupe (en famille, avec des amis, entre professionnels…). Ce résultat est un point de départ pour le musée et pousse à élargir nos questions sur le sens de la démarche de la visite au musée. Le visiteur vient au musée pour partager une expérience. Ce constat mis en relation avec d’autres comme par exemple une attente de plus de convivialité, d’une dimension humaine, d’une participation plus active ou encore la validation du principe de l’introduction de regards pluriels ou subjectifs… doit contribuer à cette prise en compte du musée comme un lieu d’interactions multiples.

Un lieu individuel et collectif …C’est un des dilemmes de la programmation plurielle, à la fois rendre accessible à tous et à la fois viser un public spécifique pour un thème donné. Dans les retours des publics on distingue des attentes qui concernent le visiteur dans sa relation personnelle au musée. À titre d’exemple, on peut citer le public familial qui se situe dans une double attente. Certains sont en attente d’actions spécifiques à destination du jeune public. D’autres visiteurs sont en attente d’expositions « pluri lecture » adaptées aux adultes et au jeune public : C’est plutôt bien d’avoir des expos qui sont pas destinées à être mono lecture, soit, être condamnées pour les enfants, ou des trucs trop compliqués pour les grands. Ça c’est plutôt agréable de pouvoir visiter la même expo avec ses enfants et d’avoir, chacun, son niveau de lecture109. Le public familial est en attente de partager un contenu, de pouvoir aborder avec les enfants des questions de société. En parallèle à ces attentes personnalisées on relève également des attentes qui permettent de situer le musée dans une démarche plus collective. Le musée est perçu comme légitime en tant que lieu public et lieu devant s’adresser à tous pour traiter des enjeux contemporains par exemple.

les questions émergentes autour d’un nouveau rapport au musée

Grâce notamment à l’introduction de la pluralité et de nouveaux moyens, le musée a été identifié comme un lieu culturel dynamique, plus en lien avec les préoccupations des publics et de la société d’aujourd’hui. L’engagement du musée à construire une relation avec ses publics dans la durée l’inscrit directement dans une perspective d’avenir.

109 [Entretien dans le cadre du Festival [Label] Bêtes]

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149Pratiques d’évaluation

Dans ce sens, l’espace muséal doit continuer à réfléchir à de nouveaux enjeux, introduire de nouveaux moyens, de nouvelles pratiques. On peut citer à titre d’exemple les enjeux suivants : la diversité culturelle des publics, le champs culturel européen, les nouvelles pratiques des jeunes110, notamment l’usage du numérique111 et le rapport au virtuel, la redéfinition des objets culturels112 ou encore l’intégration de la visite du musée dans un autre rapport au temps (prolongement de l’expérience de visite dans les pratiques quotidiennes) et aux loisirs….

110 A propos de la génération du numérique notamment. Prensky M., Digital natives, digital immigrants, 2001 (www.marcprensky.com)111 Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique (Donnat, 2010) avec l’intensification de l’usage d’Internet par les jeunes générations et les conséquences sur le rapport à la culture. 112 Quand sur le support numérique il est possible de produire, de diffuser en s’émancipant complètement des anciennes instances de labellisation et de légitimation que peuvent être l’École, les institutions culturelles, les majors de disque..., alors le périmètre de définition d’un objet culturel devient poreux. Interview de S. Octobre, chargée d’études au département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) au ministère de la Culture et de la Communication (MCC), http://www.mediapart.fr/club/edition/societe-de-linformation-et democratie/article/050510/dossier-thematique-societe-de-linf

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151Pratiques d’évaluation

Une approche par « action » Étudier la mise en exposition

Évaluer une action en particulier exige de prendre en compte les spécificités liées à la nature même de l’action. Évaluer l’exposition, c’est avant tout prendre en compte la singularité de l’objet que l’on étudie. Et si l’on considère l’exposition comme média de l’espace, on s’intéressera : - à la notion de parcours (mental et topographique), - aux relations entre les différentes unités qui le composent : (objets, textes,

images…),- à la structuration du propos (thématique, chronologique, comparatif…), - au choix de mise en espace (immersif, contemplatif, théâtralisé…).

Face à la diversité de ses formats et de ses modes scénographiques, les dimensions explorées sont autant cognitives, affectives, imaginaires, sociales, esthétiques… La dimension fondamentale de l’exposition n’est pas la spécificité du thème ou la nature des supports qu’elle propose – textes, images, objets – mais bien l’existence d’un espace qui les lie. Ainsi, par rapport à ces particularités, les résultats d’évaluation seront ici traités autour de deux aspects majeurs : la pluralité dans l’exposition et le rapport à l’espace.

n Interroger les modes de réception des expositions

n l’approche plurielle dans l’exposition

n la question de l’énonciateur, du « Qui parle ? »

n la notion de parcours

n la place du corps dans l’exposition

n l’introduction des nouvelles technologies

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Du Muséum au Musée des Confluences152

n Interroger les modes de réception des expositions

évaluer l’exposition, c’est également favoriser un dialogue entre création et réception.

En effet, la pratique d’évaluation, au-delà d’une meilleure connaissance globale des publics des musées, vise à contribuer à alimenter la réflexion sur la création muséale. Parce que la muséographie est un domaine propice pour l’expérimentation et la création de formes de construction du discours culturel, les études de publics peuvent accompagner ces dynamiques en créant les conditions d’une réflexion permanente sur la nature des liens entre la conception muséographique et la réception des visiteurs.La démarche d’évaluation d’une exposition résulte souvent, d’une part, de premières observations menées dans l’exposition, et, d’autre part, de l’analyse des discours d’intention des concepteurs, qui révèle les caractéristiques des partis pris scénographiques. Ces deux approches convergent vers la mise en évidence de caractères majeurs dont on évalue l’influence et la réception auprès des publics. La phase préalable d’une étude de réception d’exposition consiste à mettre en évidence les partis pris des concepteurs de l’exposition en matière de mise en espace du discours, des objets, des œuvres, des dispositifs, des textes, c’est-à-dire en matière de choix muséologiques. Ainsi, une évaluation qualitative des modes de réception d’une exposition par ses différents types de publics vise à identifier les différents modes d’appropriation de l’exposition, à en comprendre les mécanismes et à en mesurer l’impact et le ressenti auprès des visiteurs. Quelle relation les visiteurs entretiennent-ils avec les objets de statuts divers présentés ? Sur quels registres (cognitif, réflexif, esthétique…) se situe-t-elle ? Quelle compréhension élaborent-ils, et à quelles conditions, du discours de l’exposition ? Quels types de réception la présentation semble-t-elle permettre, et pour quels publics ?

Car si ex-poser, c’est toujours pro-poser, visiter une exposition, c’est com-poser, dans les deux sens de ce terme : celui de produire une combinatoire, et celui de s’accommoder. (Véron, Levasseur, 1991, p. 28)

la posture à défendre est celle d’une reconnaissance des spécificités des publics, de leurs modes d’appréhension des contenus, d’une singularité propre à chacun qui ne saurait être additionnée à d’autres pour établir une quelconque moyenne. L’étude de réception d’une exposition vise ainsi à refléter le vécu des visites, dans son expression la plus authentique et d’objectiver et de décrire les effets de l’exposition sur des publics diversifiés. Et l’approche méthodologique variera selon le périmètre de l’objet étudié : l’exposition comme système signifiant dans sa globalité ou un des éléments qui la composent d’un point de vue formel par exemple. Ainsi, on peut s’attacher à saisir l’impact des textes à travers les pratiques de lecture, se focaliser sur l’usage des dispositifs de médiation, s’intéresser à la place et au sens des images (fixes et/ou animées) etc.

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153Pratiques d’évaluation

Par exemple, l’analyse de discours permet de faire apparaître des éléments affichés ou lus dans l’exposition. Le relevé des commentaires les plus significatifs selon qu’ils intègrent ou non des éléments du discours muséologique – ce que P. MacManus (1992) nomme les échos de textes, preuve des points d’accroche ayant retenu l’attention des visiteurs – permet de repérer les marqueurs de l’intégration du discours. Et l’on est surpris de constater à quel point les textes sont lus dans une exposition113. Les visiteurs prêtent attention aux textes : ils lisent et ils écoutent. Mais ils n’utilisent pas tout, ils sélectionnent les textes en fonction de leurs intérêts ou de la personne qui les accompagne. Et la présentation scénographique et typographique joue un rôle important dans la motivation d’attention.

De nombreuses études de réception révèlent l’expertise du visiteur qui mobilise des compétences, un discours construit sur la base d’expériences antérieures, témoigne d’une relative maîtrise des codes du langage scénographique et se questionne sur les intentions, les partis pris. L’exposition placerait le visiteur dans un état particulier d’acuité. Et c’est là un résultat toujours confirmé, qui vient bousculer l’idée que l’on se fait a priori du public.

Les études menées à la cellule évaluation des expositions de la Cité des Sciences et de l’Industrie114 ont révélé clairement un mode de visite bien partagé culturellement : celui d’une situation de communication avec ceux qui ont fait l’exposition à l’intention des publics, plus qu’une relation d’usage de ce qui leur est présenté. Cela traduit une approche communicationnelle des expositions par leurs visiteurs qui se situe à plusieurs niveaux115 : économie comportementale (entrée dans l’exposition et logiques des parcours, pratiques de lecture, pratiques de sociabilité, principe de sélection des éléments, etc.), pratiques interprétative, usages des dispositifs de médiation, interprétation du sens des choix institutionnels, etc.

Plusieurs notions sont ici développées à partir d’analyses transversales d’un ensemble de résultats d’étude : la notion de parcours ; la place du corps ; la question de l’énonciation et l’approche plurielle.

113 Attention ! Les visiteurs lisent vos textes dans les musées, McManus P., La lettre de l’OCIM, 1993, n°25, pp. 11-17114 (entre 1989 et 1997). La cellule Évaluation de la direction des Expositions, Cité des Scien-ces, a été créée en 1989. Elle a développé un ensemble d’études préalables à la conception d’expositions, de tests en cours de projets, et d’études des pratiques des visites et usages de dispositifs de médiation, jusqu’à 1997. Les études ont été principalement réalisées par Joëlle Le Marec, Sophie Deshayes, Clotilde Bréaud.115 Voir notamment : Le Marec (J.). 1998. Repenser la relation du musée à son public pp. 379-396 in La Révolution de la muséologie des sciences/sous la direction de B. Schiele et E. Koster. PUL, Lyon.

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Du Muséum au Musée des Confluences154

n l’approche plurielle dans l’exposition

la pluralité dans les expositions

La pluralité dans les expositions est entendue à différents niveaux : la pluralité des disciplines, des points de vues, des dispositifs muséographiques, des objets, des modes d’approche faisant appel à différentes sollicitations… L’ensemble des expositions présentées n’a pas fait appel de la même façon à cette pluralité. Du côté des publics, la pluralité des dispositifs muséographiques a été perçue de façon positive avec un retour autour des questions d’accessibilité et de l’alternance des stimulations, qui rompt la monotonie. Le visiteur évoque cette appréciation pour lui-même ou pour les personnes qui l’accompagnent, mais cette appréciation est également liée à l’idée que le musée est un lieu accessible pour tous, et que par conséquent, la pluralité des supports répond à la pluralité des modes de fonctionnement de chacun : J’ai bien aimé les explications sur les masques, là, tout le panorama des masques, […] et puis […] toutes les petites parties où on pouvait écouter avec les écouteurs, où on avait le texte en même temps, ce qui fait que chacun pouvait choisir sa manière …, c’est la première fois que je vois ça. D’habitude les gens sont fermés dans leurs écouteurs et puis ceux d’à côté n’en profitent pas. Moi j’aime mieux lire qu’écouter, bon, donc mon mari a pris les écouteurs, et moi j’ai lu !116. Ils associent cette pluralité à la complémentarité, à la possibilité de sélectionner selon son mode d’apprentissage et son degré de familiarité, à la possibilité qu’offre cette pluralité d’une accessibilité pour tous et enfin à une stimulation de divers sens.

Si la pluralité des dispositifs muséographiques ou des objets de collection fait généralement l’unanimité, d’autres formes de pluralité conduisent parfois à un manque de repères. En effet, tous les visiteurs ne s’approprient pas de la même façon la pluralité. Pour ceux qui manquent de repères, part quantitativement peu représentée, c’est généralement une non compréhension du sens global : …il n’y avait aucun lien… tous ces témoignages dont on ne voyait pas l’objet, seulement des photos difficiles à observer, j’ai pas compris quel était le lien ou une difficulté à relier les différentes pistes abordées, en n’identifiant pas toujours le fil conducteur. C’est fréquemment une catégorie de public en attente d’outils d’aide à la visite.

116 [F ; 71 ans ; institutrice ; Ni vu, ni connu]

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155Pratiques d’évaluation

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Du Muséum au Musée des Confluences156

une appropriation de la pluralité selon un mode d’ensemble

Une partie des publics explore l’ensemble des pistes, des approches, des supports proposés. C’est une partie des visiteurs qui adhère entièrement au mode d’approche pluriel. L’appréhension de l’ensemble de l’espace est réalisée avec une sensation de dynamisme, une exploration de différentes pistes : Dans une expo en général, il faut donner l’essentiel et c’est pas nous faire de démonstrations encyclopédiques… alterner la vue et puis les autres sensibilités, parce que lire seulement des grands paragraphes, on se perd un peu… passer d’une photo à une pensée, une réflexion, un petit film, moi j’aime bien ce genre de matériau117. Dans ce cas, le mode d’approche correspond à son propre mode de fonctionnement et le lien entre les différents matériaux proposés sera réalisé « de soi ». De plus, chacun des points de vue, des supports proposés, des disciplines convoquées va permettre d’apporter au visiteur un supplément dans son appréhension du sujet traité : Vraiment très intéressante expo sur le Mali, tout y est raconté, conté, décrit. C’est un vrai plaisir dans ce dédale de salles, les films, reportages, danses rien ne manque pour être documenté et apercevoir l’ensemble de ce beau pays qu’est le Mali avec sa mosaïque de peuples, de langues, sa richesse et sa pauvreté, sa culture, ses objets de collection, ses rites, ses costumes, ses couleurs et sa série de témoignages filmés, merci pour cette grande diversité un monde fait de tous les mondes118. Dans cette catégorie de visiteurs, on repère plus facilement la facilité de créer des liens entre les différentes notions ou disciplines abordées, on retrouve également ceux pour lesquels la diversité des modes d’approche va créer une stimulation. Celle-ci peut être générée par une découverte en permanence réitérée ou des modes d’approche alternés. La notion de rythme se retrouve. C’est également un type de visiteurs qui perçoit l’approche plurielle comme une accessibilité au contenu pour tous les publics. La pluralité permet de découvrir une thématique selon un large spectre : Moi je pense que le maître mot d’une bonne exposition c’est qu’à la limite il faudrait qu’il y ait un thème le plus large possible et ensuite l’attaquer sous tous les angles possibles et imaginables pour que chacun puisse trouver de l’intérêt et peut-être voit d’autres aspects, auxquels il n’est peut-être pas sensible naturellement mais il les découvre de cette manière119. L’approche plurielle permet en outre de concilier ou d’associer plusieurs dimensions. Pour certains, ce sera l’association du ludique et de la connaissance, pour d’autres une association entre l’information et la participation active : Bonne exposition qui sait allier information et participation du public. Elle nous invite à toucher, sentir, écouter, voir… un éveil sensoriel important. Le visiteur devient acteur et assimile mieux les connaissances. Couleurs magnifiques bonnes idées. Très intéressant et presque complet : les différentes ouvertures autour du sable. Merci 120.

117 [Sable]118 [Cahier des visiteurs, Mali Kow- octobre2002]119 [F – Sable]120 [Cahier des visiteurs – Sable, 04]

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157Pratiques d’évaluation

21 - l’exemple d’une dynamique générée par l’alternance des modes d’approche

Expo Sable © Musée des Confluences.

Présentation L’exposition Sable, secrets et beautés d’un monde minéral est réalisée en partenariat avec le Muséum d’Histoire naturelle de Neuchâtel. Elle est une invitation au voyage, à travers collections de sable issues du monde entier, manipulations et observations des grains à la physique singulière, vidéo, en passant par les contes du marchand de sable et les sables mystiques… L’exposition est présentée du 17 février au 15 août 2004.

Méthode50 entretiens ont été menés auprès des publics de l’exposition. Au total, 77 enquêtés ont été interrogés. L’évaluation a pour objectif de mesurer les limites et les apports de l’approche plurielle dans l’exposition Sable.

Résultatsune dynamique générée par l’alternance des modes d’approche Le traitement par l’approche plurielle des sujets d’histoire naturelle a surpris. La succession de pistes soulevées autour du sable, associée à l’alternance des modes d’approche a particulièrement généré des modes d’appropriation multiples et a contribué à générer une forte stimulation avec un intérêt et des sens en permanence sollicités. L’expérimentation par les interactifs, microscopes et l’aspect tactile du sable a été particulièrement soulignée. Selon leur « statut de visite » et leur propre sensibilité, certains visiteurs ont associé la manipulation ou l’interactivité à l’apport de connaissances, d’autres à la diversité disciplinaire, en soulignant l’aspect scientifique, artistique, culturel… Certains visiteurs se sont exprimés sur l’intégration des sciences humaines, en hiérarchisant les différents espaces de l’exposition.

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Du Muséum au Musée des Confluences158

Commentaires de visiteurs

Présentation séduisante, attrayante, je m’attendais à quelque chose de monotone, c’est tout le contraire.121

Les différentes approches : techniques, manipulations, explications.122

La diversité des points de vue sur un même thème : scientifique, artistique, culturel .123

Le rapport entre aspect scientifique et artistique, le réel comme point de départ aux rêves et à l’expression.124

La seule chose peut-être qui m’a un petit peu gêné, c’est la référence aux touaregs à propos du sable… c’est bien d’y avoir fait allusion mais je trouve qu’à la limite c’était un peu léger… c’est vrai que je ne me suis pas tellement arrêtée parce que je pense que ça demande une exposition à part entière, c’est un peuple qui est trop riche dans sa culture pour ça.125

Source : L’exposition Sable, secrets et beautés d’un monde minéral. Bilan et réception de l’approche plurielle. Document Power Point, Muséum, évaluation, C. Allainé, N. Candito, janvier 2005.

une appropriation de la pluralité selon un mode sélectif

Une autre catégorie de visiteurs sélectionne ce qu’il a envie de découvrir dans l’exposition suivant son statut de visite ou sa sensibilité. Cette sélection s’opère principalement autour de deux facteurs, soit par le mode de fonctionnement soit par le statut, à titre d’exemple le collectionneur s’attachera plus particulièrement à la collection présentée. Dans l’exposition Sable, des microscopes permettent d’observer plus précisément les collections de sable présentée Étant amateur collectionneur de sable, j’ai bien apprécié cette exposition qui donne envie d’acheter un microscope126. La dimension d’ensemble lui est moins essentielle et il va sélectionner « consciemment » les éléments de visite : Je dirais que peut-être l’alternance de zones de réflexion et de zones de contemplation… on va dire bon, moi la réflexion ça m’intéresse, la contemplation un petit peu moins mais par contre pourquoi pas, il en faut pour tous les goûts…127. Certains visiteurs vont s’attacher à la pluralité des

121 [F, 55/64 ans, personne au foyer, visiteur occasionnel, entre adultes]122 [H, 18/24 ans, étudiant, formation « technique et professionnel », nouveau visiteur, entre adulte]123 [F, 18/24 ans, employé, secteur « culture », visiteur régulier, seul]124 [H, 55/64 ans, nouveau visiteur, entre adulte]125 [Sable]126 [Cahier des visiteurs]127 [H - Sable]

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159Pratiques d’évaluation

points de vues, d’autres à la pluralité des supports muséographiques ou à la pluralité des modes d’approches : interactivité, contemplation, réflexion, expérimentation…. Les associations sont multiples et sont généralement dépendantes de leurs statuts de visite ou de leurs propres sensibilités. Par exemple, pour ce visiteur de l’exposition Sable, c’est l’association entre la dimension physique et la dimension philosophique du sable qui sera mise en avant : Belle exposition qui fait appréhender la dimension physique et philosophique du sable…128. On retrouve largement dans cette catégorie le public avec enfants qui peut réaliser la visite selon une double accessibilité, pour adultes et enfants Point fort : la possibilité de venir en famille voir l’expo, sans que les enfants s’ennuient129.

n la question de l’énonciation : « Qui parle ? »

Le passage de la muséologie d’objets à la muséologie de point de vue, amène à interroger la place de l’énonciateur, dans un contexte récurrent d’expositions de sciences et sociétés mobilisant une pluralité d’auteurs130. Et si on considère les expositions de « discours », la visite est potentiellement une situation de communication avec de nombreux énonciateurs. Il importe alors d’identifier qui parle ? Quelles sont les prises de position en jeu ? Quel est le positionnement institutionnel ?...

Qui parle ? Cette question invite à repenser ce qui se joue entre l’exposition et ses visiteurs notamment au travers de thèmes engagés, parfois sensibles et de questionner la position de l’institution. Jusqu’où le musée de sciences et sociétés (au travers des expositions qu’il programme et conçoit) peut-il affirmer une position ? Comment peut-il l’énoncer ? En quoi les nouvelles pratiques de constitution de comités scientifiques génèrent-elles une écriture et un discours impersonnel ou subjectif ? Quelles sont les stratégies à l’œuvre pour désigner l’auteur ou les signataires du propos ? Au-delà des choix opérés et de ce qui est donné à voir dans une exposition (et qui illustre un point de vue), quelle est finalement la voix du musée ?Le parti pris et le traitement de thèmes convoquant une approche pluri-disciplinaire induisent de nouvelles logiques de discours et posent la question du « qui parle ? » dans l’exposition. Les exemples des expositions thématiques du Musée des Confluences telles que Fantaisies du harem et nouvelles Schéhérazade autour des représentations du harem en Orient et en Occident, L’ombre d’un doute sur le principe de précaution, Sable, secrets

128 [Cahier des visiteurs]129 [F, 35/44 ans, employée, avec des enfants, visiteur occasionnel]130 Une analyse transversale des résultats de différentes expositions temporaires program-mées dans le cadre de la préfiguration du Musée des Confluences. Expositions : Inuit (2002-03) Ombre d’un doute (2003) ; Fantaisies du Harem et nouvelles Schéhérazade (2004) ; Sable (2004) ; Commerce équitable (2005) ; Ni vu ni connu (2006) ; Frontières (2007). Extrait d’un texte à paraître, « L’exposition de sciences et sociétés : de l’adhésion à la critique, quelques postures de publics », Documentation française, coll. Musées-Mondes, Paris, 2010.

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Du Muséum au Musée des Confluences160

et beautés d’un monde minéral, Commerce équitable, Ni vu ni connu sur le camouflage, Frontières sur la géopolitique représentent pour les visiteurs une forme de rupture dans leurs rapports à l’institution musée.

la pluralité des voix dans l’exposition Frontières

Une frontière est ambivalente puisqu’elle sépare ou met en contact, favorisant à la fois la rupture et le passage… L’exposition Frontières, centrée sur les questions géopolitiques, souhaite faire appréhender cette ambiguïté en rendant compte de la réalité du terrain.

Huit mondes de frontières sont ainsi traversés : * Les frontières de l’Europe et la question de ses limites, * les enjeux de migration dans le monde - le cas européen, * les frontières restant fermées - la Corée du Nord et son

«Paradis», * les contentieux territoriaux - le Cachemire, région déchirée, * une frontière en devenir - l’Israël et la Palestine, * les enjeux économiques des frontières issus de la mondialisa-

tion - entre le Mexique et les Etats-Unis, * le monde des peuples sans territoires compacts - les Roms

dispersés en Europe, * les frontières perméables et durcies - l’exil des réfugiés.

Sur huit territoires scénographiques précis, et pour chacun d’eux, se rencontrent et se croisent les regards :

- de deux spécialistes de la géopolitique des frontières, Michel Foucher et Henri Dorion, commissaires scientifiques de l’exposition.

- de six photo-reporters - Patrick Bard, Olivier Coret, Marie Dorigny, Olivier Jobard, Nicolas Righetti, Frédéric Sautereau et de deux photographes plasticiens - Eric Roux-Fontaine et Michel Séméniako,

- de Philippe Rekacewicz, cartographe pour le Monde diplomatique,

- de neuf personnalités invitées à livrer leur point de vue sur des problématiques précises - Olivier Brachet, Marcel Courthiade, Marc Epstein, Gilles Lepesant, Jean-Luc Racine, Jorge Santibáñez Romellón, Eyal Sivan, Elie Barnavi et Catherine Wihtol de Wenden,

- de personnes confrontées à la problématique des frontières politiques qui livrent leur témoignage et leur expérience vécue.

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161Pratiques d’évaluation

Le passage du Muséum au Musée des Confluences a vu le basculement de l’approche de mise en exposition centrée sur un auteur et donc un point de vue – celui du musée ou du conservateur – à celle d’une pluriénonciation où plusieurs signatures cohabitent selon une logique éditoriale. Ces nouvelles orientations muséologiques amènent les visiteurs à prendre conscience des choix et parti pris de mise en exposition. C’est non plus à une seule parole mais à une pluralité de points de vue auxquels ils se trouvent confrontés. Ce sont également parfois des regards qui se complètent, qui ne se confrontent pas, dans un sens disciplinaire, le regard du biologiste, du géopolitique…ou bien par les dimensions qu’ils véhiculent, émotions, connaissance, surprise… Ce type d’approche tend parfois à brouiller les genres que les visiteurs peinent à qualifier. Cet exemple se retrouve principalement sur des expositions qui traitent d’un sujet de société à part entière et cette confusion ou plutôt cette spécificité à distinguer l’ensemble des voix qui s’expriment n’est pas le reflet de la perception de l’ensemble des publics. (f1) à la fois c’est anthropologique, sociologique, artistico… humanistico... ça se contente pas, enfin… disons que l’art c’est le prétexte pour évoquer une étude, enfin une étude, je sais pas, si c’est étude. (f2) Non mais un thème qui fait réfléchir, une évolution sur une population, sur les femmes du Moyen-Orient, du Maghreb.131 Au-delà de ce brouillage des genres – on quitte l’histoire naturelle et/ou l’ethnographie pour traiter de thématiques sciences et sociétés – les résultats d’étude montrent de nouvelles formes de rapports à l’institution, toujours en confiance mais instaurant des postures plus critiques et distanciées. Face à une pluralité de voix, le musée est perçu soit comme l’énonciateur principal qui distribue les paroles, soit il s’efface au profit d’un collectif d’experts scientifiques dont les propos se complètent, se renvoient ou encore se contredisent. Et là c’est le positionnement de l’institution qui est interrogé : la mise en exposition vise-t-elle l’information, la prise de position ? Jusqu’où s’engage-t-elle et au nom de quoi ?

Au sein des multiples énonciateurs présents dans une exposition, on a repéré une autre spécificité liée à la parole du témoin. L’exemple de l’exposition Frontières qui traite d’un thème de société sensible – la géopolitique des frontières – en mobilisant de nombreux énonciateurs : musée, professionnels de la muséologie, chercheurs en sciences humaines et sociales (commissaires et auteurs), photographes (reporters, artistes ou plasticiens), témoins, etc.132 Selon un système énonciatif proche de la logique éditoriale qui donne le ton et distribue les paroles et prises de position, l’exposition développe un propos privilégiant l’image photographique, la cartographie et un traitement de l’information qui « engage » les auteurs.

131 [Harem / F, entre amies, 25/34 ans, profession de l’information et artisan]132 Le Marec J. (dir.), Emprin C., Jacquemot A., Jarrige M., Ploestean R., La visite de l’ex-position Frontières – Muséum de Lyon, Synthèse de l’étude menée auprès des visiteurs de l’exposition, Laboratoire Communication, Culture et Société, ENS Lettres et Sciences hu-maines, Lyon, mai 2007, p. 5.

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Du Muséum au Musée des Confluences162

Le choix du recours au témoignage (de migrants, de photographes, de reporters, du cartographe, de spécialistes) apporte trois types de visions ou regards : « ceux qui font partager leur expérience vécue de la frontière comme «Kingsley», ceux qui font partager leur vision de photographe, et ceux qui font partager leur point de vue savant »133.

Cette cohabitation de regards et points de vue génère des effets de sens et types de rapports spécifiques des publics à l’exposition. Ce qui est senti de façon globale, c’est que l’exposition propose une vision forte : il n’y a pas différence de points de vue, mais différence dans les regards : Ça nous oblige pas à rentrer dans une forme d’idéologie, moi ça m’oblige pas à avoir un point de vue catégorique sur le sujet, ça laisse ouvert à plusieurs interprétations134. Et dans le parcours de l’exposition, la place des témoignages donne une coloration particulière en amenant une rupture de ton, de style qui induit une dimension sensible, subjective et affective au propos. Cela a généré des modes de réception spécifiques où l’expérience de visite a été, pour les uns, renforcée par la force des témoignages et a donné une dimension humaine au propos, et pour les autres, a permis des liens directs avec des expériences vécues135 :J’ai beaucoup aimé les témoignages des personnes. J’ai trouvé ça intéressant d’avoir des témoignages de personnes qui ont vécu l’exil… et savoir qu’elles n’étaient pas toujours très contentes d’être en France136.

Les questions d’énonciation ont également fait émerger des exemples d’énonciateurs jugés non légitimes au musée, parfois rejetés par le public exprimant une difficile adhésion au propos. L’exemple de l’exposition Commerce équitable137 illustre cette problématique d’exposition dont on critique l’intention et le parti pris jugé parfois de « promotionnel ». Si la thématique de l’exposition a été appréciée et perçue comme une sensibilisation et une prise de conscience des enjeux du commerce équitable, les références au label Max Havelaar ont parfois généré une confusion dans le propos… amenant certains visiteurs à qualifier le sujet « d’orienté » :

133 Ibid.134 [Frontières / F, entre amies, étudiantes]135 Le Marec, 2007, op. cit., p. 9.136 [Frontières / F, 28 ans, seule, étudiante]137 Cette exposition, visant à saisir les enjeux contemporains de la société et tenter d’appor-ter des réponses aux interrogations des citoyens, s’inscrit en continuité des expositions déjà réalisées au Muséum pour traiter des questions d’actualité telles que L’ombre d’un doute, Vache folle, Il n’y a plus de saisons. Exposition à visée didactique, elle conjugue la pluridis-ciplinarité en faisant appel à l’économie, l’histoire, la sociologie, l’anthropologie et la littéra-ture tout en favorisant la mise en situation des visiteurs. Elle développe une muséographie diversifiée, sollicitant l’interaction et le jeu.

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163Pratiques d’évaluation

Ce sujet est très orienté. Ce n’est pas ce que je recherche dans un musée138. Excellente idée à condition que l’exposition contienne véritablement des infor-mations et pas seulement des prospectus Max Havelaar139.

Globalement, dans une majorité de cas, les récits d’expérience de visite mettent au jour les attentes de visiteurs qui se questionnent sur les intentions de conception – rarement explicitées mais le plus souvent induites ou implicites – et qui, du coup laissent place à des discussions, remises en cause etc. Pour saisir les intentions et parti pris de conception, une médiation semble dès lors souvent nécessaire.

n la notion de parcours

En prolongement de la réflexion sur l’exposition définie comme un média complexe, faisant appel à une multiplicité de matières signifiantes et de modalités de représentation, intéressons-nous à la question du parcours.

L’exposition nous confronte au paradoxe d’une offre culturelle identique pour tous les visiteurs, qui donne lieu à des modes de comportement et d’appropriation d’une grande diversité. (Véron, Levasseur, 1991, p. 23)

La notion de parcours n’a pas fait l’objet d’une étude spécifique mais il s’agit d’une notion présente dans les discours des visiteurs sur leur expérience de visite. Et s’intéresser à la manière dont les visiteurs organisent leur parcours ne signifie pas se limiter à la trajectoire physique dans un espace mais intégrer aussi le parcours conceptuel. Partant du postulat qu’exposer c’est raconter une histoire, créer un espace médiatique dans lequel le visiteur est coauteur du sens que prennent et donnent les objets, les textes, les dispositifs… la perception de parcours permet d’interroger ce qui se joue dans l’exposition.

Premier point, le parcours est perçu comme un système global intégré incluant le parcours conceptuel et topographique. Ainsi, on a l’exemple du récit de visite d’un parcours qui induit un comportement faisant écho au thème :Aussi étrange que ludique, on serpente à la « lampe torche » dans cette exposition en créant soi-même ses propres traces, trace du serpent entre les colonnes, plusieurs vues, plusieurs symboliques sous cette coupole céleste.140

Des variantes de choix de mise en scène induisent des logiques distinctes et l’identification d’un parcours chronologique, biographique, thématique…

138 [H, Cadre ; militarie ; 25/34 ans]139 [H, Employé, secteur "communication, technologie" ; 25/34 ans] 140 [Cahier visiteurs - Sur les traces du serpent]

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Du Muséum au Musée des Confluences164

Ah, oui, c’est un parcours logique… oui nous on est parti des temps géol… pour arriver aux temps modernes, donc au contraire c’est fabuleux.141

J’ai trouvé que c’était bien fait parce qu’il y avait plusieurs étapes : en premier c’était le camouflage des animaux et ensuite ça allait vers les hommes. Enfin au départ c’était un peu plus de la bio, et après c’était un peu plus notre manière de voir l’identité des humains eux-mêmes, et c’était bien. Moi j’ai bien aimé. Ça faisait une vraie progression, quoi.142

La notion de déambulation et de circulation, plus ou moins contrainte (parcours prescrit/libre) est repérée et attendue des publics. J’ai bien aimé le principe car il n’y avait pas de chemin à suivre, il y avait un parcours. Il ne fallait pas commencer par tout lire pour comprendre ce qu’il y avait après, ça laisse une liberté.143

La temporalité de la visite constitue par ailleurs une dimension essentielle : celle de l’appréhension d’un temps et d’un espace incluant un dispositif d’accueil et d’introduction de la visite. Les résultats d’étude illustrent clairement cette idée d’économie de la visite où il est question de « gérer » son temps. Des informations sur la durée moyenne de visite ou encore celle du visionnement des films et autres dispositifs muséographiques sont souvent importants à délivrer pour permettre au visiteur de se situer et de faire des choix. Le parcours de l’exposition résulte d’un parti pris et d’une scénographie générale où le visiteur évolue à travers l’agencement des espaces, le marquage des environnements muséographiques (décors, ambiance, lumière, ..). La narration de l’expérience de visite restitue la notion de rythme émanant du parcours, avec parfois des moments de rupture qui amènent une respiration. L’alternance de modes d’approche (immersif, contemplatif, explicatif, esthétique, participatif…) contribuant aussi à générer un rythme particulier à la visite. Ça fait partie de l’exposition, il en faut… cette alternance de zones de réflexion et de zones de contemplation…144

Lorsque l’exposition est pensée comme récit, c’est alors l’identification de sa structure narrative, son séquençage en chapitres qui fait l’objet de questionnements de la part du public.

141 Sable Les profils ne sont pas détaillés ici car ils sont extraits d’une analyse transversale pour une intervention au séminaire : De l’idée de parcours à la réception du discours, Pratiques des publics et cultures muséographiques, Intervention à la formation de l’OCIM Comprendre et concevoir les parcours dans une exposition, Musée gallo-romain de Fourvière, Lyon, 13/01/2009142 [Ni vu ni connu]143 [Frontières]144 [Sable]

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165Pratiques d’évaluation

Je trouve que l’on nous amène bien quelque part dans cette exposition, je trouve qu’il y a un cheminement moi, je l’ai ressenti. ça me parle. Vous voyez ce que je veux dire ? Il y a un parcours et je trouve que justement les étapes sont bien identifiées.145

La question de l’intégration des supports de médiation dans le parcours est intéressante à analyser du point de vue des pratiques et de l’expérience des publics. Une posture récurrente identifiée est celle de la recherche des intentions, des choix de conception où l’on confronte son point de vue avec celui, implicite, du concepteur (Qu’est-ce qu’on attend de moi ? Qu’est-ce qu’on veut me dire ?). Les photos du harem prise par le type, après le regard des peintres, le regard des hommes et en plus avec une explication qui ne vient qu’après. Je pense que c’est fait exprès pour que le spectateur soit surpris. Qu’il ne comprenne qu’ensuite. Assez intéressant que les explications ne viennent pas tout de suite car comme ça on s’interroge et ne comprend qu’après.146

De manière globale, l’analyse fine des récits d’expérience de visite, dévoile l’acuité du regard des publics qui voient dans l’exposition, un système complexe mais signifiant. A chaque cabane, c’est différent et pourtant on a toujours le fil conducteur, les cartes.147

Et ne serait-ce dans les passages, on a beaucoup aimé le petit fil frontière… un soin du détail qu’on avait retrouvé dans l’expo Camouflage aussi (…) ça rend l’expo cohérente.148

Une dimension semble peu prise en compte : celle du temps. Par exemple, qu’est-ce qui peut se passer dans l’exposition en deux heures ? Or l’expérience de visite est avant tout un temps, un temps de disponibilité pour interpréter un espace intentionnel.

Ainsi, la question du parcours est une notion opératoire qui fait sens pour le concepteur, le médiateur et le public. Et la connaissance des logiques de visite peut enrichir, voire aussi parfois transformer, les compétences des médiateurs et des concepteurs à partir des analyses qui mettent en évidence les liens et les ruptures entre évaluation, conception et médiation, on peut tenter de comprendre les logiques de réception et les pratiques expographiques en questionnant les séries de traductions opérées par la mise en exposition.

145 [Harem]146 [Harem]147 [Frontières]148 [Frontières]

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Du Muséum au Musée des Confluences166

n la place du corps dans l’exposition

Un questionnement sur l’exposition comme média de l’espace et de la place du corps nous a incité à reprendre des résultats d’étude pour interroger cette notion à partir de l’exemple de deux expositions qui mettent en scène des sujets de société à travers des dispositifs participatifs : d’un côté, une installation interactive dans une exposition dédiée au principe de précaution, et, de l’autre, des espaces d’immersion, d’interpellation ou de déstabilisation dans une exposition consacrée au thème du camouflage. Ces deux expositions se caractérisent par des partis pris muséographiques forts qui impliquent corporellement le public. Dans le cas de L’ombre d’un doute, le dispositif nécessite le déplacement du corps du visiteur pour accéder aux contenus de l’exposition ; dans celui de l’exposition Ni vu ni connu, la scénographie se présente comme la forme transposée du propos.

L’expo est d’abord un lieu et comme tout lieu sa pratique met fondamentalement en jeu le corps : d’une certaine manière, l’ itinéraire d’un individu dans une exposition matérialise, inscrit au sol son itinéraire dans l’ information et la sensation. Trajets, stationnements, évitements sont autant d’ indicateurs physiquement objectivés, donc facilement observables, d’un parcours culturel et d’une progression perceptive. (Véron, Levasseur, 1991, p.15)

L’analyse qui suit résulte d’études de terrain menées avec de jeunes chercheurs en muséologie. Elle illustre non pas le résultat d’une commande selon un rapport commanditaire / prestataire, mais plutôt une forme de coopération entre une institution et un laboratoire de recherche spécialisé dans la question de la réception des publics.

22 - la dimension corporelle dans l’expérience de visite d'une exposition

Présentation - L’ombre d’un doute - Présentée du 03 décembre 2002 au 03 juin 2003, l’installation propose des points de vue multiples et singuliers sur la science, la politique et les médias autour de la question du principe de précaution : un dispositif de regards entièrement généré par l’action individuelle et collective des visiteurs.- Ni vu ni connu - Paraître, apparaître ou disparaître, se montrer, se déguiser ou se cacher… Spontanément associé aux mondes végétal et animal ou à l’univers militaire, avec des fonctions défensives ou offensives, le camouflage imprègne aussi fortement les relations humaines. L’exposition en propose une exploration étendue jusqu’au rêve et à l’invisibilité sociale dans nos sociétés occidentales (surface de 700 m2).

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167Pratiques d’évaluation

Méthode Il s’agit ici d’une analyse transversale de deux études portant sur une installation interactive et une exposition thématique.

Résultats L’étude de deux terrains distincts a fait appel à la même approche qualitative (observations et entretiens post-visite), afin de rendre compte de l’expérience globale de visite. La mise en perspective des résultats laisse émerger des éléments de réflexion autour d’une problématique commune, celle de la mise en jeu du corps dans l’espace tri dimensionnel de l’exposition. Le croisement des intentions de conception et des modes de réception permet de dégager des questionnements relatifs à la spécificité du média exposition comme média de l’espace. Autrement dit, jusqu’à quel point le choix d’une muséographie participative constitue un apport, une limite ou un frein à l’élaboration et à l’interprétation de l’expérience de visite ? L’ébauche d’une typologie des comportements de visite montre comment les déplacements et les postures documentent le processus de construction de sens que poursuivent les visiteurs.

Les deux expositions étudiées illustrent la place de la dimension corporelle dans l’expérience de visite. Dans un cas, l’interaction du visiteur avec l’œuvre esthétique ne semble pas systématiquement contribuer à l’élaboration du contenu du dispositif. Dans l’autre cas, il semble, au contraire, que l’implication corporelle du visiteur suscitée par la muséographie participe de cette construction du sens. Les résultats de ces expériences soulignent un certain nombre de freins (physiques ou symboliques…) quant à l’implication des visiteurs dans des dispositifs de type participatifs, et qui sont, notamment, liés à la spécificité de l’espace public et à la coprésence d’acteurs partageant une expérience collective :Ben je trouve ça très sensuel parce que… il y a des choses cachées, il faut chercher, il faut avoir une sensibilité pour ressentir les choses, et pas tout le monde a ça, c’est un œil artistique aussi, et pas tout le monde a cet œil, ce regard, et là c’est un challenge pour aller encore plus loin je trouve. (…) Et là aussi, on est challengé dans l’espace d’aller plus loin encore, c’est-à-dire qu’on est pas que collé dans l’œuvre mais comme vous me dites, il y a quelque chose sur le plafond… il faut chercher quoi voilà.149

149 [F, 35 ans, art thérapeute - Ni vu ni connu]

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Du Muséum au Musée des Confluences168

C’est, vous voyez… on a une gymnastique corporelle, c’est pire que la souris… Au début, quoi ! On a une gymnastique corporelle qui est trop aléatoire. (…) C’est vachement bien par contre de faire une communication qui réintroduit le corporel. Parce que moi, je suis terrorisé par voir ces communications, enfin ce… Le virtuel. (…) Il y a pas de lien entre le corps et la communication.150

L’analyse des usages et des modes d’appropriation des dispositifs qui sollicitent corporellement les visiteurs révèle, en effet, la difficulté à concilier différents ordres de tensions :

- la tension individuel / collectif dans les rapports aux œuvres et dispositifs où, selon les thématiques, les publics aspirent à plus ou moins d’intimité : être à plusieurs pour discuter mais seul pour choisir, se mouvoir… Le fait d’exposer ses choix au regard des autres se pose de manière d’autant plus forte qu’il est question de sujets de sciences et sociétés (dimension sociale et politique forte). Ceci rend plus complexe l’exposition de soi au travers de choix qui « disent un peu qui ont est ».

- la tension ludique / cognitif où les dispositifs interactifs participent d’une approche ludique qui parfois prend le pas sur les contenus véhiculés où sont associés spontanément à une catégorie spécifique de publics (les jeunes visiteurs).

Dans les choix de conception muséographique, il importe de penser cette dimension afin que l’expérience de visite ne consiste pas seulement à « apprendre à voir », mais aussi « à être », seul ou avec les autres, dans l’espace muséal.

Source : D. Miège, N. Candito, Expérience de visite et dispositifs participatifs, La Place des publics. De l’usage des études et recherches par les musées. (Dir. J. Eidelman, M. Roustan, B.Goldstein), La documentation française, coll. Musées-Mondes, Paris, 2007, pp.213-222

Les questions relatives au rapport au corps dans l’exposition montrent les apports d’une problématique de l’exposition comme média de l’espace et incitent à l’exploiter dès la phase de conception.

L’exemple d’une expérience de conception d’exposition pour un jeune public En route, petit ours ! proposant une scénographie immersive et sensorielle questionne à un autre niveau la place du corps. L’enfant est invité par le dispositif scénographique à explorer l’espace corporellement (à quatre pattes, en rampant ou allongé), ce qui le fait rentrer dans un univers

150 [H, 53 ans, studieux, en famille, enseignant – L’ombre d’un doute]

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169Pratiques d’évaluation

particulier. L’étude de réception a révélé l’apport de la sollicitation corporelle dans l’expérience de visite (exemple : chausser des « pattes d’ours » au moment de pénétrer dans l’exposition, puis marcher sur les empreintes de « Petit ours » au sol). Les postures jouent un rôle important dans l’exposition : suivant la posture, l’attention est plus ou moins forte ; quand elle est autre que la station debout, le temps passé et l’attention accordée aux différents espaces et objets exposés augmentent. La question qui a émergé est celle de la place et de la posture de l’adulte accompagnant l’enfant, face à des dispositifs non conçus pour lui, ce qui le place en position d’observateur et non d’acteur. Comment faire coexister à la fois le parti pris immersif et les contraintes physiques d’accès des petits et des grands ?

Des expériences de nouvelles formes de médiation, via des emprunts au spectacle vivant ou à l’art contemporain, peuvent également apporter des éléments de réflexion sur la place du corps comme participant de l’œuvre elle-même. Dans les choix de conception muséographique, il importe de penser cette dimension afin que l’expérience de visite ne consiste pas seulement à « apprendre à voir », mais aussi « à être », seul ou avec les autres, dans l’espace muséal.

n l’introduction des nouvelles technologies

Des expérimentations de médiation des contenus introduisant des RFID (Radio Frequency Identification) et des objets communicants dans la scénographie d’expositions et d’ateliers interactifs ont permis de mesurer les effets, apports et limites de ces technologies dans la perspective de leurs éventuelles applications au Musée des Confluences151.

Le principe technique est identique : un objet taggé porté par un utilisateur (individuel ou groupe) mais les finalités distinctes. Dans un cas, la technologie est orientée « visiteur », intégrée à la scénographie permet un enregistrement du suivi des parcours individuels, des interactions du visiteur avec des bornes multimédia et un possible prolongement de visite. Dans le second, la technologie est davantage orientée « objet », favorise les interactions d’un groupe avec des contenus et des jeux collaboratifs qui réinterrogent le rôle du médiateur.

151 - L’exposition temporaire Ni vu ni connu – 2006. La spécificité du scénario repose sur le principe de dissimuler une puce rfid dans une carte donnée au visiteur au début de sa visite, de collecter à son insu (en écho à la thématique du camouflage) des renseignements dans différentes zones du parcours pour les lui révéler en fin de visite et ouvrir le débat sur les caractéristiques de ces technologies. - Les espaces découvertes Objets en transit, 2007 et Papas del Peru, 2008. Ces expériences ont fait l’objet d’un article dont sont ici repris quelques extraits : Candito N., Forest F., Shimells E., L’introduction des RFID dans les musées. Expérimentation de l’intel-ligence ambiante dans les dispositifs de médiation, Les Cahiers du Musée des Confluences, Vol.2 : L’expérimentation, décembre 2008, pp. 85-104

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Ces expériences soulèvent des questions déontologiques qui ont pour enjeux l’évolution du rôle de la médiation du musée et la protection de la vie privée des visiteurs (traçabilité, personnalisation). Concernant le parcours scénographié intégrant des puces RFID, au-delà des aspects techniques et expérimentaux évalués par les partenaires du projet (analyse des parcours, temps de visite, usages d’interactifs), une évaluation a été conduite en vue de saisir le sens de cette expérience du point de vue du visiteur.

La tolérance des visiteurs vis-à-vis du dispositif testé révèle une disposition à coopérer avec le musée soumise à deux conditions : - le besoin d’être informé des finalités de l’expérience pour se positionner

vis-à-vis du développement de ce type d’application : - la connaissance des conditions dans lesquelles l’expérimentation pourrait

se poursuivre.

Dans le cas des espaces découvertes, les puces RFID sont associées à d’autres technologies innovantes, non centrées sur le participant mais sur la construction d’un parcours fluide, ludique, basé sur la manipulation d’objets communicants intégrés à la scénographie. Les participants sont munis d’un objet porteur d’une puce RFID (une météorite / une réplique de pomme de terre), passent par des modules interactifs introduits par des personnages virtuels. Les puces servent à déclencher les audiovisuels et les interactifs et à enregistrer le score de chaque équipe152. Dans une des expériences Papas del Peru, ces technologies étaient complétées par l’utilisation d’une table multitouch afin d’étudier l’adéquation de l’outil à l’ambition de participation conjointe des visiteurs. Ce dispositif technologique s’est avéré intéressant du point de vue de la médiation notamment avec la possibilité de faire évoluer les contenus en fonction des réactions des visiteurs ou de corriger les erreurs. Il n’y a pas eu concurrence mais bien complémentarité entre la technologie et la médiation humaine (pour accueillir, expliquer le dispositif, transmettre des messages complexes, permettre l’échange et la discussion, assurer la sécurité et la maintenance).

Pour les publics – et les jeunes en particulier – le recours à des technologies rfid et aux objets communicants est perçu comme banal. En effet, les visiteurs sont préparés à ces innovations par leur propre expérience des nouvelles technologies dans le cadre privé et professionnel et sont en attente d’innovations de la part du musée.

152 Collaboration avec le centre Erasme d’expérimentation multimédia, service du départe-ment du Rhône. www.erasme.org

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171Pratiques d’évaluation

Le rôle de la médiation repose, par ces outils technologiques, sur la notion de personnalisation. Or telle qu’elle est perçue par les utilisateurs, cette notion est ambivalente, à la fois attractive et redoutable et porte en elle un paradoxe : - l’utilisateur souhaite une personnalisation perçue comme une amélioration

du service qui lui est offert, adapté à ses besoins,- l’utilisateur craint des systèmes de personnalisation qui peuvent devenir

intrusifs pour sa vie privée.

Les scénarios testés donnent un aperçu des contraintes éthiques auxquelles le musée risque de se confronter avec l’évolution de l’offre technologique. Les expériences ont montré l’importance du cadre muséal pour l’acceptabilité des ces technologies utilisées en lien étroit avec le contenu d’une exposition ou des formes de médiation de contenus. Une réflexion sur la plus value de ces outils est à poursuivre et notamment le développement de scénarios collaboratifs constitue un réel enjeu pour les publics qui viennent dans un contexte convivial au musée.

Il importe : - de développer des approches qui ne répondent pas seulement à une

logique techniciste d’optimisation de la performance (temps de visite, adéquation entre contenus et profils supposés…) mais qui proposent des détournements d’usages pour échapper au profil de l’utilisateur,

- de permettre une cohabitation de logiques différentes en laissant une place pour le hasard, l’imprévu, l’errance… autrement dit la liberté de se passer de ces technologies.

Quelques questions relatives à la mise en exposition

Au-delà des quelques notions illustrées plus haut, la réflexion sur l’exposition amène à interroger de façon plus systématique ou approfondie les questions suivantes : - La question des intentions de conception : jusqu’où et comment les énoncer,

de manière plus ou moins implicite, à quel moment précis du parcours de l’exposition et via quel support ? L’expérience montre que bien souvent, elles ne sont pas clairement énoncées ou perceptibles pour les publics et sont, du coup, relayées par la médiation humaine, or elles participent pleinement de la constitution du sens et de la cohérence du discours.

- L’immersion : sans parler de scénographie immersive, il s’agit de poser la question du « sas » d’entrée dans l’exposition comme moment clé de rupture avec l’extérieur, avec l’espace général du musée et/ou avec les autres expositions.

- De s’intéresser au contexte de mise en condition qui permet au visiteur d’être dans un état perceptif particulier.

- La prise en compte de la réalité du contexte de visite le plus fréquent au musée : celui de la convivialité. La majorité des visiteurs visitent le musée en petits groupes (en couple, en famille avec ou sans enfants, entre amis, entre pairs) : ce contexte est à considérer en termes de pratiques

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de sociabilité, d’usages, d’interactions, d’appropriations, de niveaux de discours et de lecture, de modes d’approche etc. Ainsi, par exemple, la relation à l’objet ou à l’expôt ne se situe pas uniquement dans une relation singulière de face à face mais fait désormais l’objet de négociations, de discussions.

- Quelle place donner à la relation adulte / enfant au sein de l’exposition ? Comment s’opère la médiation et la vulgarisation des contenus ?... Cette dimension est à considérer autant du côté des équipes de conception que du côté des études de réception.

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173Pratiques d’évaluation

Le musée nomade Réinventer des pratiques hors les murs

Dès 2000, le Musée des Confluences a exposé hors les murs, dans le cadre du musée nomade, concept de programmation culturelle visant à expérimenter « hors les murs » des approches culturelles plurielles. Différents lieux ont été ainsi investis : des lieux de soins, des lieux de consommation, des lieux culturels ou encore d’autres lieux partenaires … Une logique de partenariat avec une pluralité d’acteurs motive ces projets qui permettent à l’institution de s’ouvrir sur les autres et de s’inscrire dans le territoire. Une autre finalité du musée nomade est d’accompagner le projet du Musée des Confluences dans sa transition « physique » entre l’ancien bâtiment du Muséum d’histoire naturelle qui a accueilli la programmation de préfiguration et le futur bâtiment. Si les enjeux et les spécificités d’exposer hors les murs relèvent d’une même logique, trois études de cas montrent la diversité des impacts selon les lieux investis.

n les enjeux et les spécificités du hors les murs

n étude de cas : une exposition photographique dans la rue

n étude de cas : un événement autour des collections à la chambre de commerce et d’industrie

n étude de cas : un festival « sciences, sociétés » à la Cité scolaire internationale

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n les enjeux et les spécificités du hors les murs

s’exposer hors les murs

Exposer ou programmer hors les murs c’est avant tout s’exposer. Autrement dit, se confronter à de nouveaux lieux, territoires, acteurs, publics, partenaires ; c’est aussi s’adapter à de nouvelles contraintes et donc questionner ses propres pratiques professionnelles. La politique de programmation hors les murs revêt une diversité de formes allant du prêt d’objets, de la location d’expositions itinérantes assurant un rayonnement institutionnel, à des actions de sensibilisation (conférences, ateliers, événements, expositions, médiations) envers ceux qui ne se rendent pas au musée etc. Des outils tels que le site web, constituent également de nouveaux espaces pour faire vivre le musée avant sa réouverture153…

L’offre de programmation culturelle hors les murs répond à la fois à l’objectif de démocratisation culturelle visant à aller au devant des publics et à celui de lisibilité en maintenant des liens avec ses publics pendant la période de transition et de préfiguration. L’objectif de ces actions est de maintenir le lien avec les publics en proposant des temps de rencontres et d’échanges, autour d’événements de présentation des collections, d’expérimentations sur le territoire. Il s’agit ainsi d’investir la ville dans une logique de partenariat.

La volonté d’aller à la rencontre des non publics est parfois mise en avant mais il importe de reconsidérer ce que l’on entend par cette notion que l’on oppose aux publics (dans le sens de visiteur de l’institution). Et de partager les réflexions de P. Ancel et A. Pessin qui défendent l’idée selon laquelle les non-publics ne peuvent être considérés comme des oubliés de la culture, simplement écartés des dispositifs culturels. Observer des reproductions d’un tableau dans la vitrine d’une boutique, découvrir des chefs-d’œuvre comme support publicitaire dans les pages d’un magazine, parler d’un f ilm que l’on n’a pas vu, d’un livre non lu… sont autant de situations de la vie courante par lesquelles la culture « légitime » fait l’objet d’une diffusion, d’une actualisation et d’une appropriation par un public occasionnel, peu impliqué voire involontaire 154.

En termes de modalités, ces projets se distinguent d’une programmation au musée en termes de temporalité, de tarification et d’accessibilité. Les salles ou les espaces où sont exposées les collections ou proposées des médiations ne sont pas configurées comme des salles d’exposition, ce sont parfois des espaces où, lors des périodes de montage / démontage des expositions, le public passe et se pose des questions, ce qui constitue une forme d’accès aux coulisses propice à un temps de médiation. Dans ce

153 Tel fût notamment le projet du Muséum de Toulouse pendant sa période de fermeture pour rénovation.154 P. Ancel, A. Pessin, Les non publics. Les arts en réception, T1, L’Harmattan, Logiques sociales, 2004, pp.11-12

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contexte mouvant où les actions se déploient dans une diversité de lieux et d’identités, comment rendre compte de la fréquentation ? Comment interroger l’image institutionnelle et l’identification du musée ? Comment mesurer la présence de nouveaux publics ou de publics potentiels ?

les études d’évaluation menées dans le cadre du musée nomade

Les études menées dans le cadre de la présentation d’actions culturelles hors les murs, font ressortir un certain nombre de résultats ou tout du moins interrogent des notions communes à l’ensemble de ces actions : - la notion de diversification des publics ;- l’influence du lieu d’accueil ;- la problématique de l’identification ;- l’attente et l’intérêt toujours croissant de la présentation d’objets de

collection du musée ;- la nécessaire adaptation des projets aux contraintes des lieux ;- le changement de pratiques professionnelles (en termes de contenus, de

formes de médiation, de méthodologies d’étude…) ;- la question de la disponibilité des publics pour recevoir une offre culturelle

de lieux non culturels (la rue, lieux de consommation), de contextes non intentionnels (l’hôpital).

adapter la méthodologie au contexte

La situation d’enquête en dehors du contexte et du cadre de l’institution musée invite à repenser les pratiques des acteurs, l’approche méthodologique, et la notion de « public », souvent non intentionnel. Elle constitue en outre une opportunité d’approcher ce que certains dénomment le « non public » des musées, ce qui demande des précautions particulières.

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Une connaissance préalable des lieux est nécessaire pour en connaître les contours, les limites et les contraintes. Qu’il s’agisse d’investir d’autres lieux (non culturels), ou encore l’espace urbain, la démarche et l’outil choisis devront être systématiquement repensés pour éviter toute forme de transposition.

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23 - exposer à l’hôpital : réinterroger les pratiques

Exposition Empreintes © Musée des Confluences.

PrésentationDeux expositions de collections ont été présentées au centre hospitalier St Joseph St Luc, l’une explorant la thématique de l’empreinte à partir d’une diversité d’objets de collections et la seconde, valorisant une collection de minéraux. Le questionnement porte sur la perception de la culture dans un lieu non destiné à cela, le monde médical. Le fait d’exposer des objets des collections de musée à l’hôpital ne pourrait-il pas contribuer à décentrer les identités ? L’exposition permet-elle d’inciter à de nouvelles pratiques d’usages (mobilité intra services) et de rapports humains ?

MéthodeLe protocole d’étude a mêlé deux modalités distinctes : l’observation et l’entretien. Face à la réalité du terrain, les modalités ont été souples et l’entretien initial s’est transformé en recueil de témoignages (forme plus légère) d’une durée variable, en fonction de l’état de santé et de la disponibilité des publics.- 75 entretiens réalisés sous la forme de recueils de témoignages

(Empreintes)- 27 entretiens réalisés - 52 personnes interrogées dont 37 venues de

l’extérieur et 15 en lien direct avec l’hôpital (Lectures minérales)

RésultatsDes publics non intentionnels Par rapport à un musée ou à n’importe quel autre lieu d’exposition, à l’hôpital, le public n’existe pas en tant que groupe cohérent, c’est-à-dire ayant pour intention la visite d’une exposition. Les publics ne sont pas intentionnellement « publics » ; ce sont avant tout des usagers dont le statut diffère selon les raisons de leur présence à l’hôpital : personnel (soignant et non soignant) ; patients, visiteurs de patients ; public extérieur (venu au restaurant, riverain, visiteur du musée…).

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Autre spécificité, celle liée aux précautions d’usage relatives à l’identité des personnes rencontrées au cours de l’enquête. Nous avons opté pour une catégorisation distinguant le personnel « soignant » et « non soignant » sans spécifier davantage les services par mesure de confidentialité. C’est bien parce que c’est un bon divertissement pour les malades, pour ceux qui n’ont pas que des bonnes nouvelles.155

le concept culture à l’hôpital : une initiative novatrice et humanisteLa vision relative de l’exposition qu’avait la majorité des usagers interrogés, engendre un élément de réception positif : la grande majorité des publics, en saluent la démarche, l’initiative, l’idée : C’est très bien, c’est une très bonne initiative, car un hôpital est aussi un lieu de vie, c’est pour ça, c’est très très bien.156 C’est tellement inattendu que ça peut effectivement laisser un souvenir, car on garde toujours une trace de ce qui a surpris ou ému.157

Il émerge trois éléments récurrents de ces témoignages sur le projet : l’importance du lieu, la dimension temporelle, et le pont tendu entre deux mondes habituellement éloignés : musée et hôpital. Les propos sur le rapport au lieu se sont cristallisés autour des notions de morcellement et de neutralité liées à la déambulation très cadrée qui règne à l’intérieur de l’hôpital. Cela ne me dérangerait pas du tout de déambuler dans les étages mais je n’aurais pas cru que cela était permis.158

la dimension temporelle, de même que l’importance des lieux, évoquent à la fois l’idée d’évolution future, de suggestions pour l’avenir et renvoient à la notion du temps à l’hôpital. On y découvre ainsi que l’articulation entre temps de travail et temps de loisir est difficile. La visite dans les rues est très gênante car on gène le passage, l’accès à l’accueil […] vous comprenez, on est en blouse, les gens se demandent ce que l’on fait là à se tourner les pouces.159

le rôle de médiation a été particulièrement important dans l’établis-sement de contacts, de liens, d’échanges autour du projet. « Ce qui m’a étonné c’est de trouver des gens qui m’expliquent les vitrines et me posent des questions dessus160 – La médiation est indispensable car elle donne du

155 [Personnel hospitalier soignant]156 [Patient en chambre]157 [Patiente en chambre]158 [Patiente en chambre]159 [Personnel soignant]160 [Patient en consultation]

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sens à l’exposition.161 – Ils ont avant tout besoin d’oralité, de dire des choses qu’ils n’oseraient pas dire dans le contexte hospitalier. Ce que vous avez fait, c’est déjà beaucoup, une vitrine c’est pas grand chose mais ça apporte un peu d’humanité.162

Conclusion Les conclusions renvoient à deux constats majeurs : le premier lié directement aux spécificités du lieu et à la nécessaire anticipation visant à ajuster et non à transposer une action culturelle d’une institution muséale à un lieu de soin. Le second constat renvoie aux apports de cette expérience qui implique une adaptation à de nouvelles contraintes et permet la rencontre avec une pluralité d’acteurs. Ainsi, le montage et le démontage de l’exposition se sont déroulés en présence des différents usagers et ont généré de nombreux contacts, allant jusqu’à des jeux de devinettes et paris entre les personnels, pour identifier certains objets exposés. Il aurait été pertinent de débuter l’évaluation dès cette phase de montage.

La réédition de l’expérience a permis de prendre en compte les résultats de l’étude pour modifier la proposition d’outils muséographiques et de médiation propres au lieu d’accueil (médiation pour les publics pendant la phase de montage, proposition d’un dispositif de médiation éphémère dans les étages de soin, action en direction du public « non captif », formules de visites proches de l’improvisation en remplacement des visites à heure fixe …).

Sources : - L’évaluation d’un projet expérimental : exposition Empreinte(s) au centre hospitalier Saint-Luc Saint-Joseph. Observations et témoignages des publics : de l’usager au visiteur. Rapport d’évaluation, N. Candito, A.-E. Fiamor, C. Allainé, octobre 2004. - évaluation de l’exposition Lectures minérales présentée au Centre hospitalier Saint-Luc Saint-Joseph - Eléments de réception des publics. N. Candito, J. Ramona, Développement et stratégie, juin 2007.

L’expérience d’une programmation culturelle hors les murs constitue un terrain privilégié d’observation et d’évaluation qui questionne les pratiques. Premièrement, la spécificité du lieu d’exposition, l’hôpital, implique des contraintes particulières et donc une adaptabilité nécessaire au lieu ; ensuite on fait face à la spécificité des publics usagers ; enfin, l’aspect expérimental du projet confère à l’évaluation une dimension de test et de prospective.

161 [Personnel hospitalier - soignant]162 [Personnel bénévole non soignant]

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Du Muséum au Musée des Confluences180

n études de cas : une exposition photographique dans la rue

Présentation de l’exposition photographique Peuples autochtones des Amériques

Dans le cadre d’une réflexion sur les questions autochtones, le Musée des Confluences souhaite donner une visibilité à des situations contemporaines et sensibiliser les publics, grâce à une exposition de photographies intitulée Peuples autochtones des Amériques. Outre son approche « multivocale », à la fois poétique, documentaire et scientifique du sujet, l’originalité de cette exposition réside dans sa tenue au sein de l’espace public urbain. Du 14 mai au 30 août 2009, des photographies, grand format163 de quatre photographes ont été accrochées sur les grilles de l’Hôtel du Département, aux côtés de textes de personnalités autochtones et de scientifiques. Compte

tenu du caractère innovant de cette expérience de rencontre avec des (futurs) publics, une étude auprès des visiteurs de l’exposition a été menée, afin d’en comprendre les mécanismes de réception, d’en saisir les dynamiques d’appropriation – et d’enrichir la connaissance de son image en tant qu’institution164.

Au sujet de la fréquentation d’un tel événement, un repérage initial a permis d’identifier toute la complexité d’une étude quantitative d’un tel projet (exemple du comptage par extrapolation). En effet, compter les passants ne correspond pas au comptage des publics ayant regardé effectivement les photos exposées. Ceux qui semblent « indifférents » peuvent déjà l’avoir vue et inversement, des passants qui s’arrêtent devant les photos peuvent n’y prêter aucune attention (en train de téléphoner, de manger, d’attendre quelqu’un…).

Précisons ici que le contexte urbain a favorisé la construction d’une méthode qui s’adapte aux contraintes du terrain. La méthodologie employée relève

163 Photographies de Pierre de Vallombreuse, Patrick Bard, Antonio José Briceño Linares et Miquel Dewever-Plana.164 Mélanie Roustan, « L’appropriation par les publics de l’exposition photographique urbai-ne Peuples autochtones des Amériques (mai-août 2009) », approche ethnologique, Rapport final, pour le service développement et stratégie, août 2009, 59 pages

Visiteurs de l'exposition "Peuples autochtones des Amériques" © Mélanie Roustan

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181Pratiques d’évaluation

de l’ethnologie et de la sociologie, elle est qualitative et combine techniques formelles et informelles de recueil des données : - entretiens semi directifs, réalisés auprès de visiteurs, venus seuls ou en petits groupes, selon une grille établie en coopération avec les équipes du musée ; - discussions informelles, écoute flottante, observations in situ.La prise de note, le croquis et la prise de photographies (500 clichés réalisés) ont servi de traces à cette démarche et constitué une part du corpus d’analyse.

une influence du lieu dans la redéfinition de la notion de « public » : du passant au visiteur

L’étude de l’appropriation de l’exposition en tant qu’espace urbain amène à interroger la notion même de « publics », tant la frontière apparaît ténue entre passant et visiteur. Le principe même d’une exposition de plein air inscrite dans l’espace urbain consiste en un accès libre, au double sens de gratuité et de non prescription des usages, dans l’espace et dans le temps. Chacun peut « consommer » l’exposition, de près ou de loin, partiellement ou totalement, le jour ou la nuit, sérieusement ou superficiellement… La majorité des personnes évoluant le long des grilles de l’Hôtel du Département, devant les photographies et les panneaux, ne sont pas à proprement parler en train de visiter l’exposition. En d’autres termes, ils ne se sont pas déplacés sur les lieux dans ce but. Pourtant, d’une manière ou d’une autre et à des degrés très différents, ils constituent une grande part des publics de l’exposition.

Qu’est-ce qui fait qu’un passant s’arrête devant une image ou s’intéresse à une séquence expographique ? Qu’est-ce qui fait se déplacer un « vrai » visiteur ? C’est le désir de découverte qui apparaît comme le premier moteur de la visite : d’abord pour en savoir plus sur un événement entraperçu et « offert » à la population locale, ensuite pour apprendre et comprendre autour de la thématique des peuples autochtones ; enfin, pour le plaisir esthétique du regard porté sur de belles images. Trois catégories de publics ont été identifiées : les indifférents ; les passants « accrochés » ; les « vrais » visiteurs.

usages : une grande liberté de visite

L’exposition s’inscrit dans l’espace urbain et répond à ses codes plutôt qu’à ceux traditionnellement en cours au musée. Si les visiteurs les plus assidus suivent bien le schéma classique de la déambulation entrecoupée de pauses de lecture, il est notable qu’un vent de liberté souffle sur les comportements de visite pris dans leur globalité (visite de l’exposition en vélo, trottinette…). Se constate également une série de micro transgressions de certains interdits associés au musée, comme celui de ne pas toucher les œuvres (on touche, ou regarde de près le dispositif d’accrochage…), de ne pas boire, manger ni fumer.

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Du Muséum au Musée des Confluences182

Si les publics rencontrés semblent plébisciter le principe du plein air et de l’accrochage urbain, ils délaissent en revanche la question de l’instance organisatrice. Peu leur importe de savoir qui est à l’initiative de cette exposition, et d’ailleurs ils ne le savent pas dans la plupart des cas. D’autre part, l’univers sonore urbain demande un regain de motivation et de concentration nécessaire à la visite « active » d’une exposition intégrée à l’espace de la ville.

Dynamiques de réception

Les textes sont plus ou moins lus, selon le temps passé et le degré d’implication des visiteurs. Ce qui ressort des discours recueillis sur l’articulation entre les modes de représentation employés, c’est le désir de légendes : les publics auraient aimé disposer, pour différentes raisons, d’un cartel lié à chaque image. En effet, le choix de conception d’exposer des séries d’images ponctuées de zones de textes ne correspond pas forcément à la réalité de pratique des parcours de visite qui peuvent parfois débuter en plein milieu d’une série et exigent des déplacements pour accéder au contenu des textes. Il semble important que « tout soit contenu dans tout », c’est-à-dire que le propos global soit perceptible dans les fragments qui le composent.

Le registre dominant est celui de l’émotion, et particulièrement de l’émotion esthétique. La taille des images – grand format – contribue à augmenter leur impact esthétique et émotionnel. Il apparaît également que le choc des images soit à l’origine d’une réflexivité, d’un retour sur soi, qui aboutit à un questionnement éthique et politique.

Cette expérience d’exposition dans la rue amène à questionner les pratiques à la fois du côté de la conception (quelles spécificités par rapport à l’espace muséal ? parcours non prescrit non contraint, choix d’une exposition de « discours »…). Elle permet de réinterroger la notion de public (de rencontrer des publics non assidus des musées et expositions), d’éprouver des usages diversifiés. La situation d’enquête a montré également une place possible pour la médiation (lien entre l’exposition et prolongement vers de contenus sur le site web, rencontres ponctuelles avec des médiateurs sur le site de l’exposition). En termes de choix scénographiques, le rapport texte/image se trouve bousculé par des logiques de parcours très hétérogènes… L’identification complexe des auteurs et de l’institution questionne la stratégie communicationnelle à proposer (un dispositif communicationnel identique pour chaque opération hors les murs ?). Enfin, un partage d’expériences avec d’autres partenaires sur des expériences similaires (grilles du Sénat, Photo Quai) serait à lancer ou à développer pour croiser les résultats et en débattre.

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183Pratiques d’évaluation

n étude de cas : un événement autour des collections à la chambre de commerce et d’industrie

les événements annuels autour des nouvelles acquisitions du musée

Sur la période de transition du Muséum au Musée des Confluences, une partie des nouvelles acquisitions de collections du musée est présentée à la chambre de commerce et d’industrie de Lyon, dans l’emblématique « salle de la corbeille », sous une forme événementielle. En 2009, Un dinosaure en presqu’île présente la récente acquisition d’un dinosaure (Camarasaurus) ainsi qu’une ponte de sauropode (dinosaure herbivore), un reptile marin (mosasaure) et plusieurs ammonites. En 2010, Observer, de l’infime au lointain présente la nouvelle collection de sciences et techniques (ex. robot martien, accélérateur de particules, spoutnik). L’exposition prend la forme d’un parcours ludique et participatif, accessible à tous, où les objets présentés évoquent successivement l’observation de la matière, de la nature, du corps humain et de l’univers.

Ces événements ont drainé une forte fréquentation. Près de 55 000 visiteurs ont été accueillis : 40 000 entrées pour Un dinosaure en presqu’île et 15 000 entrées pour Observer. Leur principal mode de connaissance a été la presse écrite. On peut également noter en terme de fréquentation, qu’un quart des enquêtés de la seconde édition a déjà visité l’exposition Dinosaure.

l’influence du lieu dans l’impact de l’événement

Le lieu a particulièrement retenu l’attention des publics. La chambre de commerce et d’industrie, en tant que lieu central et facile d’accès, a été particulièrement appréciée. Lors des enquêtes ou sur le cahier des visiteurs, les publics ont régulièrement émis des remarques soulignant l’attrait pour un lieu central, la configuration qui valorise les objets, permet une circulation aisée notamment avec les sièges disponibles en périphérie de la salle ou même l’incitation à la visite par rapport au lieu musée. Regardez ça met une ambiance particulière quand même. On rentre dans un lieu… comment dire ? je vais pas dire que c’est magique mais presque.165 L’architecture a été également un facteur de satisfaction : On s’est aussi intéressé au bâtiment, on a regardé le plafond, ça faisait l’occasion… le lieu est magnifique, donc une double connaissance je dirais. Le site, je dirai exceptionnel.

165 [F, entre amis, +50 ans, employée]

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Du Muséum au Musée des Confluences184

24 - l’événementiel autour des collections

Expositions Dinosaure et Observer © Musée des Confluences.

PrésentationDans le cadre de sa programmation hors les murs, le Musée des Confluences expose ses nouvelles acquisitions de collections sous une forme événementielle : Un dinosaure en presqu’île (fév. 2009) et Observer : de l’infime au lointain (fév. 2010). Ces expositions, destinées à tous les publics, en accès libre et gratuit, sont présentées annuellement pendant les vacances scolaires de février, sur une courte période.

MéthodeLes résultats sont issus d’une analyse transversale construite sur le principe de la complémentarité des outils de mesure (cahier des visiteurs, rencontres avec les médiateurs, questionnaires, entretiens et « micro entretiens »). Les « micro entretiens » sont des entretiens courts, rapides, adaptés particulièrement au public familial. Au total, 208 visiteurs ont été directement interrogés par « micro entretiens » ou par questionnaires, pour l’événement Un dinosaure en presqu’île et 600 visiteurs ont laissé des traces de leur expérience de visite par l’intermédiaire du cahier des visiteurs. Pour l’événement Observer, de l’infime au lointain le nombre de répondants est de 295 visiteurs interrogés et 213 ont laissé un commentaire sur le cahier des visiteurs.

Résultatsun public essentiellement familialCes deux expositions ont attiré principalement un public familial accompagné d’enfants (68% Dinosaure ; 51% Observer). Observer a

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185Pratiques d’évaluation

drainé une catégorie de visiteurs dont la motivation et l’intérêt pour le thème ont été liés à leur domaine professionnel. On remarque également sur cet échantillon une certaine hétérogénéité des secteurs d’activité : sciences, éducation, médical/social, services, industrie.

une expérience de visite appréciéeLe taux de satisfaction global de l’expérience de visite est élevé (100%166 et 98%167). Cette satisfaction est liée à l’appropriation d’un ensemble de dispositifs proposés (films, manipulations, médiations…) qui ont permis d’aller au-delà de la simple contemplation d’objets de collection. L’expérimentation d’une nouvelle forme de rencontres avec les publics – présence continue de médiateurs dans la salle d’exposition – a été appréciée des visiteurs. Ces modes d’échanges ont particulièrement contribué à rendre les expositions vivantes et accessibles.

une attente du musée des Confluences Par rapport à l’objectif de lisibilité de la programmation culturelle hors les murs, plus de 80% des enquêtés ont identifié le Musée des Confluences comme l’initiateur du projet. Les publics ont exprimé par ailleurs l’attente de son ouverture. La reconnaissance de l’institution, combinée à l’appréciation de la visite a suscité un fort désir d’une offre culturelle hors les murs Bravo pour cette exposition. Quelle chance de pouvoir admirer de telles acquisitions ! Continuez à exposer hors les murs. Nous vous suivons. De cette programmation, les publics souhaitent à la fois continuer à voir les collections du Musée mais aussi avoir un « avant goût » du contenu du Musée des Confluences.

Commentaires de visiteurs (extrait enquête et cahier des visiteurs)- Excellente idée d’exposer les collections du Musée des Confluences avant

sa construction. Cette exposition est commentée et animée d’une manière « vivante ». Félicitations !168

- Exposition très intéressante passionnante pour les enfants et les parents – expériences interactives, l’accueil, tout est fait pour attirer l’œil et l’esprit.169

Source : « Bilan de fréquentation des événements Un dinosaure en presqu’île et Observer, de l’infime au lointain », C. Allainé, N. Candito, mars 2010.

166 15% « exceptionnel », 68% « très satisfaisant », 17% « assez satisfaisant », 0% « peu et pas satisfaisant » [Dinosaure]167 8% « exceptionnel », 57% « très satisfaisant », 33% « assez satisfaisant », 2% « peu et pas satisfaisant » [Observer]168 Exposition Dinosaure169 Exposition Observer

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Du Muséum au Musée des Confluences186

l’expérimentation de la médiation volante dans un événement hors les murs

Suite à l’expérience de médiation menée à l’hôpital170, il est apparu que par rapport à la disponibilité des publics, la proposition de médiation à heure fixe ne fonctionnait pas et qu’il fallait plutôt être dans un accompagnement de visite plus informel, plus spontané dans la présentation de collections en dehors du musée. De ce résultat a émergé l’expérimentation d’une médiation volante, proposée dans le cadre de l’événement Un dinosaure en presqu’île. Le médiateur, positionné dans l’espace d’exposition, dialogue avec les visiteurs en s’adaptant aux différents publics, en répondant aux questions ou en proposant de commenter certains aspects de l’exposition. Cette forme de médiation a contribué à rendre plus vivante l’exposition : C’est vivant, plutôt que d’avoir que les explications lectures, que les enfants ne lisent pas forcément…171 et a permis également de donner une autonomie à la visite, de proposer une alternative à l’écrit ou encore une interface entre l’adulte et l’enfant.

La médiation volante permet une autonomie de la visiteLes enquêtés ont parfois qualifié la médiation comme une forme permettant une autonomie de la visite : C’est mieux parce que on est un peu autonome172. La forme est particulièrement adaptée au jeune public, en permettant des allers et retours entre les différents dispositifs. La médiation volante est d’ailleurs parfois comparée à la visite guidée, perçue comme plus contraignante.

La parole peut être une alternative à l’écritParfois, la médiation s’est révélée être un complément aux textes pour aborder des questions qui ne figuraient pas dans les autres dispositifs. Mais cela a été également un moyen permettant une alternative à l’écrit. Dans ces cas, la parole est un mode d’approche du contenu de l’exposition en lui-même, qui a contribué à une accessibilité plus importante pour les visiteurs qui ne sont pas familiers des textes, qui ont éprouvé le besoin de préciser des notions déjà abordées ou encore pour ceux qui ne lisent pas, comme c’est le cas du jeune public « non lecteur » ou « débutant ».

Une interface entre l’adulte et l’enfantCette forme de médiation a donc été particulièrement adaptée aux visiteurs accompagnés d’enfants. Ces visiteurs éprouvent parfois une certaine difficulté à expliquer des notions un peu compliquées ou à trouver le vocabulaire adapté : C’est vrai que expliquer avec des mots simples pour les enfants… ça marque173. Les participants soulignent d’ailleurs l’adaptation du

170 Le musée a présenté de nombreuses expositions dans le cadre de la Convention culture à l’hôpital.171 [Profil non renseigné] 172 [H ; - de 18 ans ; élèves ; avec des enfants]173 [F ; 55/64 ans ; retraité ; avec des enfants]

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187Pratiques d’évaluation

vocabulaire aux enfants. Dans ce cas, la fonction « médiateur » est double, médiateur entre le public et le musée, médiateur entre les visiteurs.

La particularité de la médiation volante par rapport à d’autres types de médiation réside dans la construction du discours à partir des demandes du visiteur. C’est le questionnement émis par le public qui devient le fil conducteur de la médiation. Ainsi, cette forme permet de personnaliser l’accès à l’exposition et de favoriser sa découverte. L’impact porte aussi bien sur la forme que sur le contenu. La médiation volante s’est intégrée naturellement à l’exposition. La simplicité de l’échange entre le médiateur et le visiteur a été un vecteur clé dans la relation « publics / musée ». Mais c’est un impact qui a été dépendant d’un thème et d’un type de publics. Si l’impact a été dans son ensemble extrêmement apprécié, la transposition des résultats paraît délicate. En effet, les conséquences évoquées de cette médiation relèvent d’un cadre précis, celui d’une rencontre entre un thème, des publics, un contexte (période de vacances scolaires, événementiel, …). Il reste à conforter ou non ce type de résultats dans d’autres circonstances…

n étude de cas : un festival, sciences et sociétés, à la Cité scolaire internationale

une présentation du festival [Label] Bêtes

Le festival [Label] Bêtes est mis en place dès l’année 2006. Il traite des questions autour des relations « homme, animal ». Pour aborder cette thématique, une large palette d’activités est proposée : projections, conférences, débats, ateliers, spectacles. En 2006, le festival a été présenté au Muséum, puis à la Cité scolaire internationale pour les éditions 2007 et 2008. C’est un rendez-vous annuel qui a également comme orientation d’accompagner le Musée des Confluences dans sa période de transition jusqu’à la construction du nouveau bâtiment à la confluence du Rhône et de la Saône.

La période de présentation du festival a été réduite suite aux premières études qui ont accompagné le projet. En effet, il est apparu que la concentration des activités, dans un temps plus court et des activités multipliées dans la journée, favorisait la fréquentation du festival. Le comptage du nombre des entrées a été réalisé pour chacune des activités proposées. Le festival a été très apprécié par les participants, notamment pour son accessibilité à tous les publics, générée par la variété des activités proposées (dans la forme, et dans le contenu). En terme d’image, le festival a permis au Musée des Confluences de donner une lisibilité du contenu de son offre, du choix de ses orientations.

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Du Muséum au Musée des Confluences188

25 - Initier un public de musée au festival [Label] Bêtes

Festival [Label] Bêtes © Musée des Confluences.

PrésentationLe festival [Label] Bêtes est mis en place dès l’année 2006. Il traite des questions autour des relations « homme, animal » avec l’idée que les rapports entre l’homme et la nature demeure une question fondamentale et que l’homme est une espèce parmi d’autres espèces. Dans ces conditions, quels sont les modes de relations avec le monde animal ? Cette thématique est traitée selon une large palette d’activités : projections, conférences, débats, ateliers, spectacles. En 2006, le festival a été présenté au Muséum, en 2007 et 2008 à la Cité scolaire internationale. Le festival est un rendez-vous annuel qui a également comme orientation d’accompagner le Musée des Confluences dans sa période de transition.

Méthode Dès sa première édition, le festival a fait l’objet d’études de réception. Pour la première édition du festival en 2006, une étude exploratoire a été menée à partir de 24 entretiens (au total 40 individus interrogés). Une enquête par questionnaire a été menée auprès de 178 visiteurs. La représentativité des résultats est assurée par une sollicitation individuelle systématique à la sortie du festival et sur l’ensemble de la période de l’événement. Les résultats sont comparés aux résultats d’une enquête menée pour la précédente édition. L’échantillon, construit de façon identique, est composé de 114 répondants.

Résultatsles publics du festival Présenté au Muséum pour la première édition, le festival a attiré à la fois un public assez familier de l’établissement et un nouveau

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189Pratiques d’évaluation

public, attiré par une nouvelle forme de proposition. L’édition 2007, présentée à la Cité scolaire internationale a attiré un public en lien avec la vocation du lieu : les festivaliers étaient principalement des enseignants et des étudiants, collégiens. Quant à l’édition 2008, les publics sont plus mixtes que pour les éditions précédentes. Cette plus grande mixité est liée à la diversité des motivations de visite : attirance pour le thème du festival, émergence de motivations liées à l’identification de la programmation hors les murs mais aussi attirance pour la diversité des activités proposées au jeune public, enfant et adolescent. Ainsi, la part du public familial a augmenté : 48% de l‘échantillon déclare être venu avec des enfants, pour 29% en 2007. Les catégories les plus représentées sont les employés (24%) et les cadres (19%), en 2007 ce sont les étudiants (30%) et les enseignants (24%). C’est un public moins spécialiste du thème que l’année précédente, les « experts » et les « amateurs » représentent 45% (62% en 2007) et les « curieux », 55% (38% en 2007). De plus, l’indicateur « type de formation initiale » montre que le segment « technique et professionnel » (37%) est le plus représenté, pour l’édition précédente, c’est le segment « sciences, médecine » (43%) qui prédomine.

la satisfaction de l’expérience de visite La satisfaction de l’expérience de visite se caractérise par une « accessibilité pour tous » liée notamment à la pluralité de l’offre. Cette pluralité permet d’avoir une vue d’ensemble sur la thématique de la relation « homme / animal », une accessibilité à un large public (tous les âges, public familial…), de participer ensemble à une activité commune, d’explorer différentes pistes, de réaliser des choix suivant sa propre sensibilité.

Les indicateurs « d’apport de connaissance », de « plaisir » et surtout d' « accessibilité à tous » présentent les taux de satisfaction les plus élevés parmi les indicateurs de satisfaction. Enfin, à la question « Le festival vous a permis de… », 61% des répondants citent « passer un moment agréable », 31% « une occasion d’échanges et de débat », 28% « mieux comprendre les relations « homme / nature » » et 24% « approfondir une question, compléter des informations ».

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Du Muséum au Musée des Confluences190

Quelle est votre satisfaction de l’expérience de visite ?

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taux de satisfaction « expérience de visite » 4% 40% 44% 13%

Apport de connaissance 6% 47% 40% 7%

Accessibilité à tous 10% 53% 28% 8%

Articulation « ludique », « scientifique » 7% 42% 41% 10%

Apport de convivialité 9% 37% 43% 11%

Apport de plaisir 8% 47% 38% 7% Source : enquête du festival - 2008

les commentaires des visiteurs extraits des questions ouvertes des enquêtes de médiationLa venue de personnages dont les spécialités sont diverses. Donc, rencontre de différents points de vue : art, cinéma, socio, ethno, science. Le Festival a piqué ma curiosité et a ouvert des pistes de réflexion. Bravo et merci174.

Beaucoup d’offres diverses très intéressantes. Accessible à tous, même sans connaissances175.

Le grand nombre d’attractions permet de choisir nos principaux pôles d’intérêt176. Cela permet de susciter l’intérêt de plus de personnes mais si on a beaucoup de centres d’intérêts cela, forcément, restreint les choix. Cela contraint également à rester longtemps ou à revenir177.

Source : - Un retour des publics sur le festival [Label] Bêtes pour les trois éditions du festival,

2006, 2007 et 2008. C. Allainé, 2008- Évaluation qualitative de la réception par le public du festival [Label] Bêtes, Édition

2008, Rapport d’analyse, S. Riou, dir. N. Candito et C. Allainé, Service développement et stratégie, novembre 2008.

174 [F, 25 à 34 ans, « curieux »]175 [F, 18 à 24 ans ; étudiante, « curieux »]176 [H ; 55 à 64 ans ; cadre dans le domaine « culture »; « amateur »]177 [F ; 45 à 54 ans ; enseignante, connaissance par réseau, « expert »]

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191Pratiques d’évaluation

Le festival a permis de donner au Musée des Confluences une lisibilité de contenu

Une nouvelle façon de traiter du thème de l’«histoire naturelle » L’identification est un enjeu majeur, au niveau de la prestation (Qui réalise ?) mais aussi au niveau du contenu (Qu’est-ce que le musée propose ?). Les participants ont été particulièrement sensibles à une nouvelle façon d’interroger les thèmes de l’histoire naturelle en proposant une nouvelle approche des relations « homme, animal » créant des liens entre sciences et sociétés. Cela a permis une identification du positionnement du musée.

La première édition du festival, en novembre 2006, est présentée au Muséum, un an avant la fermeture de celui-ci178. Un enquêté, connaisseur du musée d’histoire naturelle associe le festival à cette transition : Je pense que c’est … un peu ce qu’on veut faire dans le futur musée des Confluences … un petit peu le lien avec la société … Donc c’est les musées du XXIème... J’pense que c’est intéressant. Ça dépoussière un petit peu, même si j’aimais bien ce musée, j’aimais bien Bd des Belges mais je pense que ça peut dépoussiérer et ça peut attirer des gens qui ne sont pas forcément fascinés au départ179. Pour l’édition 2008, un certain nombre d’enquêtés se rend au festival par une motivation directement liée au Musée des Confluences : C’était une occasion de venir et puis de voir ce qui était fait aussi par le Musée des Confluences parce que bon c’est un musée qui est en train d’être construit et je pensais pas déjà qu’il y avait des choses qui étaient faites hors les murs180. Mais cette identification du prestataire par une partie des publics a aussi entraîné des attentes, notamment d’expositions : Au début, je croyais que c’était une exposition et sur place on m’a dit que c’était des ateliers...181.

Une identification du contenu et du discours apporté par le Musée des Confluences Une partie des publics associe les sujets abordés par le festival à l’actualité et formule la pluralité disciplinaire et des modes d’approche comme la plus-value du musée, en opposition aux médias. Les enquêtés identifient les thématiques abordées par le festival comme des sujets d’actualité. Certains viennent même au festival pour cela : J’ai choisi deux des manifestations en rapport avec l’actualité,… aller à la conférence sur les sangliers et les loups parce que j’avais entendu beaucoup de gens se prononcer sur ce fait d’actualité, j’avais entendu beaucoup de clichés, beaucoup de préjugés, beaucoup d’opinions définitives et je voulais avoir un point de vue plus approfondi, plus scientifique

178 Le Muséum a accueilli la programmation de préfiguration du Musée des Confluences sur la période 2000 au 1er juillet 2007. Le Musée des Confluences, pendant la période de transi-tion, avant la construction du bâtiment présente sa programmation culturelle hors les murs dans le cadre du musée nomade.179 [H, seul, env. 30 ans].180 [F, 20/30 ans, étudiante]181 [H, 30/40 ans]

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Du Muséum au Musée des Confluences192

sur la question. Et puis alors, je suis allé au débat sur l’enfant sauvage non pas pour voir le film que j’avais déjà vu mais pour entendre parler les spécialistes de cette confrontation entre l’idée du sauvage et l’idée du civilisé qui me parait tout à fait un fait d’actualité aussi. Cette notion d’actualité renvoie les visiteurs aux modes de traitement choisis par le festival, en les mettant en parallèle au mode de traitement des médias. Ils soulignent la plus-value du musée dans la pluralité des modes d’approche, la pluralité disciplinaire ou la pluralité des formes de présentation : Les vidéos, moi je trouve que c’est une autre manière de regarder le monde et on en a bien besoin parce que on est tellement formaté par la pub, les images télé… C’est en recul par rapport à la télé, entre autres, et je trouve justement que des images de ce type là… c’est bien… ça permet de voir autrement182.

le hors les murs ou des pratiques à réinventer

Le hors les murs constitue désormais une pratique récurrente des institutions muséales. Elle est stratégique dans le cadre de fermetures temporaires, préfigurations, rénovations et revêt alors diverses formes et actions qui inscrivent l’institution dans la ville et la rapprochent de ses habitants. Elle l’est également dans le cadre de l’accessibilité à tous et de l’élargissement des profils et amène à développer des partenariats avec des institutions (hôpitaux, prisons…), des acteurs associatifs ou encore des équipements de quartiers sur un territoire qui visent à diversifier la composition sociologique des publics. Ces démarches influent sur les pratiques des institutions en réinterrogeant les modalités de médiation et peuvent contribuer à modifier, à l’extérieur, la perception du musée.

La prise en compte du contexte spécifique à chaque lieu investi demande une adaptabilité des modes de travail, de formes de collaboration, des savoir-faire et contribue à repenser – donc à améliorer – les pratiques professionnelles des acteurs. Une dimension majeure est à intégrer, celle de la dimension du temps (durée de programmation, temps de visite, temps de loisir / de travail…), autant de temporalités distinctes à prendre en compte pour définir les orientations d’un projet. Une autre spécificité est celle de la transaction qui s’opère : le musée sort à la rencontre des publics et non plus, les publics viennent au musée. Le concept même de public diffère puisqu’il est parfois non intentionnel (on repère de nombreuses visites fortuites)183, ce qui pose la question de la disponibilité, de la disposition d’esprit à recevoir l’offre culturelle. Enfin, les lieux partenaires ont chacun une identité propre qui « colore » le projet et rend plus complexe la lisibilité et l’identification du musée.

182 [F, enseignante]183 Sauf lorsque le musée investit d’autres lieux culturels, ayant par définition leurs publics habituels.

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193Pratiques d’évaluation

Conclusion

Ces réflexions issues d’expériences concrètes et de pratiques montrent à la fois la complexité de la démarche d’évaluation appliquée à l’objet culturel et à la dimension symbolique de l’expérience muséale. Cela implique la difficile conciliation de notions antagonistes ou du moins paradoxales (le culturel en conf lit avec l’utile et l’ immédiateté 184, …) qu’il importe néanmoins d’intégrer et de faire coexister. On retiendra ici quelques réflexions et postulats sur ce qui se joue par rapport à la fonction même de l’évaluation, ce qu’elle génère du côté de l’institution musée et enfin, ce qu’elle induit comme forme de relation du côté des publics.

L’évaluation du côté de la méthode L’évaluation est définie comme une démarche flexible qui s’adapte aux contraintes propres à chaque projet et évolue par rapport au contexte mouvant des pratiques des publics, des rapports entre sciences et sociétés, de la place du citoyen dans le partage des savoirs… Elle cherche à penser les outils en termes de complémentarité et non d’exclusion en articulant logiques quantitatives et qualitatives pour restituer la nature des liens établis avec différentes catégories de publics (ceux qui visitent, participent au débat, utilisent les outils…).

Évaluer c’est aussi opérer un rôle de traduction et de médiation – autrement dit, se référer au même lexique et à la même culture (enjeux de désignation des catégories : comment nommer ? comment partager ?) dans une optique de partage. C’est éviter le piège d’une approche uniformisante ou modélisante.

L’évaluation du côté des équipes L’évaluation intégrée aux différents services et fonctions du musée contribue plus largement à la mission d’ « institution apprenante », par les partenariats établis avec le milieu de la recherche, par les changements de pratiques qu’elle induit notamment par la production et la diffusion de résultats d’études et la contribution à la capitalisation de savoir-faire professionnels.

Elle constitue par ailleurs une trace tangible des formes de création éphémères de la programmation culturelle. Ainsi, le rapport d’étude tout comme le catalogue d’exposition s’inscrit dans une durée qui va au-delà de la temporalité même des projets. L’évaluation d’un projet participe

184 Pour reprendre les propos d’Hanna Arendt

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Du Muséum au Musée des Confluences194

de la mémoire d’un évènement qui ne s’achève pas avec la fermeture de l’exposition ou la fin d’un événement, mais qui se prolonge dans des savoir-faire, des réflexions, des réseaux, pour tous ceux qui y ont été associés.

On pourrait tendre vers une capitalisation plus systématique qui rende compte des processus de conception et de réception pour garder une trace des réflexions liées aux expériences muséologiques.Et surtout la fonction d’évaluation et de connaissance des publics permet de réhabiliter la fonction de critique en instaurant un temps de pause, une prise de distance des acteurs pour discuter et débattre des intentions, des résultats. Elle cherche à rendre visible, partager, discuter des expériences muséographiques en interne et avec la communauté muséale (professionnels et chercheurs).

L’évaluation du côté des publicsEnfin, du côté des publics, notre postulat est celui de l’émancipation du visiteur185, de sa reconnaissance comme acteur ayant une place à jouer dans la coproduction des savoirs. Aussi, les méthodologies sont pensées comme des dispositifs de médiation instaurant des liens spécifiques entre l’institution et ses publics.

Développer l’évaluation comme forme de participation c’est permettre à la fois de questionner ce que signifie « être visiteur » tout en considérant le visiteur comme « acteur » et de repenser l’interprétation comme ce qui fait sens lorsque œuvres et publics se rencontrent.

Les études de publics montrent de manière récurrente ce que représente pour les publics l’institution musée et les valeurs qu’elle incarne, notamment par les comparaisons avec d’autres instances médiatiques (plus discréditées).

Elles confirment également la place et le rôle du musée comme espace public qui rend possible une expérience collective de partage du sensible. Les résultats rendent compte de manière récurrente du pacte de confiance implicite mais fragile qu’il importe de maintenir dans le contexte des mutations profondes de la muséologie de société186.

185 Emprunté à Jacques Rancière Le spectateur émancipé, La Fabrique éditions, Paris (2008). Il évoque ainsi l’affirmation de sa capacité à voir ce qu’il voit et de savoir quoi en penser et quoi en faire. 186 La muséologie des réalités, phénomènes et thèmes dont l’étude relève des sciences humaines et sociales (anthropologie, sociologie, histoire etc.).

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195Pratiques d’évaluation

liste des synthèses d'études

1/ De la notion de confort de visite à la notion d’accessibilité p. 28

2/ Introduire des lectures subjectives au musée p. 33

3/ Interroger l’influence d’une muséographie de la sensation p. 48

4/ La perception d’une journée de gratuité au musée p. 51

5/ Combiner l’étude des représentations d’un thème et sa réception p. 62

6/ Une méthodologie d’étude formative des expositions

de synthèse et de référence p. 65

7/ La réception d’une exposition et la mémoire de la visite p. 68

8/ Une typologie des comportements dans une installation interactive p. 87

9/ Combiner des outils de mesure pour saisir l’expérience

du très jeune public p. 95

10/ Le pari d’une enquête en ligne sur le thème de la mort p. 102

11/ Photographier les objets phares de la « grande salle » du Muséum p. 108

12/ Dynamiques d’interactions entre publics et médiateurs p. 113

13/ L’influence de l’exposition Chefs d’œuvre : enchantement,

connaissance et réflexion p. 125

14/ La légitimité de traiter des questions contemporaines au musée p. 128

15/ Regards sur une collection de minéralogie p. 130

16/ La critique d’expositions dans la presse p. 133

17/ Les publics de l’exposition Frontières p. 137

18/ Exposer la création contemporaine autochtone :

l’adhésion des publics p. 141

19/ L’impact de l’affiche de l’exposition Sable, secrets et beauté

d’un monde minéral p. 144

20/ Les attentes d’un musée de sciences et sociétés à Lyon p. 146

21/ L’exemple d’une dynamique générée par l’alternance des modes

d’approche p. 157

22/ La dimension corporelle dans l’expérience de visite p. 166

23/ Exposer à l’hôpital : réinterroger les pratiques p. 177

24/ L’événementiel autour des collections p. 184

25/ Initier un public de musée au festival [Label] Bêtes p. 188

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197Pratiques d’évaluation

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Du Muséum au Musée des Confluences198

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Du Muséum au Musée des Confluences200

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Les parcours de l’interprétation à l’œuvre. Revue OpuS / Sociologie de l’Art (n°13, l’Harmattan, 2008)

Essayer < - > Modifier. Comment améliorer des éléments d’exposition avec l’évaluation formative. Taylor Samuel - traduction de l’américain par Catherine Boucet et Lise Moinard, adaptation et introduction de l’édition française par Daniel Jacobi et Joëlle Le Marec. Dijon: OCIM, 1998, 111 pagesLettre de l’Ocim n°126, Pratiques d’évaluation. Cadres d’Observation. nov.-déc.2009

Dossier « Il n’y a pas de public spécifique » (coord. M-C. Bordeaux), L’Observatoire – n°32, sept. 2007

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Du Muséum au Musée des Confluences202

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203Pratiques d’évaluation

Annexes

1. les principales étapes de la programmation de préfiguration du musée des Confluences - 2000 / 2010

2. liste des évaluations menées sur la période 2000 / 2010

3. exemple de synthèse de résultats d’étude : Fantaisies du Harem et nouvelles Schéhérazade

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Du Muséum au Musée des Confluences204

annexe 1les principales étapes de la programmation de préfiguration du musée des Confluences – 2000 / 2010

2000 Démarrage de la programmation culturelle de préfiguration Mise en place de moyens : rénovation d’une partie du

bâtiment, politique de communication …

Juin 2000 Première exposition destinée à un large public187 Lunes (153 203 visiteurs ; 12,5 mois d’exposition)

Première enquête menée auprès des visiteurs du musée

Octobre 2000 Hors les murs, présentation de l’exposition Prenez le temps, galerie marchande, centre commercial de Saint Genis Laval. Viennent ensuite des expositions, événements, activités culturelles… dans des lieux divers (lieux de soins, lieux de consommation, lieux d’éducation, lieux culturels…).

Novembre 2000 Première exposition qui traite de questions contemporaines Vache folle - Viennent ensuite les expositions Y’a plus de saisons, L’ombre d’un doute, Commerce équitable, L’eau pour tous.

Octobre 2000 Premier espace découverte188 à destination du jeune public L’art des cavernes - Viennent ensuite les espaces découvertes En tous sens, Mystères et compagnie, Mille et une nuits, Pourquoi les mathématiques ?

2001 Modification de la politique tarifaire, intégration d’une journée hebdomadaire de gratuité (le jeudi) et élargissement des horaires d’ouverture du musée.

Janvier 2001 Cartes blanches, Invitations personnelles à cinq photo-graphes - Viennent ensuite les cartes blanches Culture(s) d’ados, Bêtes de mode.

187 Les expositions destinées à un large public sont des expositions thématiques, traitées selon un mode d’approche plurielle. Elles sont présentées sur une surface de 700m², et sont destinées à tous les publics. Elles bénéficient d’une communication locale et nationale. Pour les neuf expositions destinées à un large public, proposées par le musée, la fréquentation est donnée entre parenthèse. 188 Les espaces découvertes traitent d’un sujet selon un mode d’approche interactif, où l’expérimentation est privilégiée. Ce sont des espaces qui s’adressent au public familial.

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205Pratiques d’évaluation

Avril 2001 Premier espace de présentation des acquisitions des collec-tions Passion collection. Viennent ensuite les expositions Les Amérindiens, capteurs de rêves ; Les dragons ailés, au temps des dinosaures ; Aborigènes, les couleurs du rêve ; Dieux de Chine ; Mots et merveilles ; Destination Japon, sur les pas de Guimet et Claudel ; Fibre malgache ; Insectes, je vous aime ; Rêves de pierre.

Septembre 2001 Exposition Chefs d’œuvre, trésors et quoi encore… (72 553 visiteurs ; 6,5 mois d’exposition).

Ouverture du site Internet adresse du site.

Mai 2002 Exposition Mali Kow (59 860 visiteurs ; 5 mois d’exposition).

Novembre 2002 Fermeture de la « grande salle » du Muséum et progressi-vement de l’ensemble des salles de collections permanen-tes. Les espaces d’exposition disponibles aux publics sont réduits. De une à trois expositions sont présentées en si-multané, suivant les périodes de montage et de démontage des expositions. Les surfaces disponibles varient de 150 m² à 1100 m². Modification de la tarification : suppression du plein tarif. Ouverture du Centre de Conservation et d’Étu-des des Collections.

Décembre 2002 Exposition Inuit, quand la parole prend forme (86 701 visiteurs ; 7 mois d’exposition) ;

Installation Jardins divers.

Septembre 2003 Exposition Fantaisies de harem et nouvelles Schéhérazade (39 253 visiteurs ; 3,5 mois d’exposition).

Février 2004 Exposition Sable, secrets et beautés d’un monde minéral (54 866 visiteurs ; 6 mois d’exposition).

Octobre 2004 Exposition A vous de jouer (38 866 visiteurs ; 4,5 mois d’exposition).

Novembre 2005 Exposition Ni vu, ni connu (43 553 visiteurs ; 8 mois d’exposition).

Octobre 2006 Exposition Frontières (29 153 visiteurs ; 4 mois d’exposition).

Novembre 2006 Ouverture de l’exposition En route, petit ours ! destinée au jeune public, 3 à 6 ans.

Mars 2007 Ouverture de l’exposition Musées du XXIe siècle.

1er juillet 2007 Fermeture définitive du Muséum. La programmation du Musée des Confluences continue

hors les murs.

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Du Muséum au Musée des Confluences206

annexe 2liste des évaluations menées au muséummusée des Confluences

La forme des rendus Les résultats d’évaluations sont présentés sous des formes diverses suivant le type de rendu : le rapport d’étude, le rapport de stage, les études extérieures, les bilans.

La méthodologie des études Les outils de mesure sont nombreux : statistiques de fréquentation, statistiques de recettes, logiciel XITI (statistiques du site Internet), entretiens auprès des publics, discussion de groupe, sondage, enquête médiation, enquête par questionnaire, rencontre avec le personnel en lien avec les publics, cahier des visiteurs…

Les domaines d’étude Les résultats d’évaluations s’attachent à mesurer l’impact de la programma-tion culturelle menée au Muséum et hors les murs. Ces résultats s’articulent autour de la fréquentation, des profils, de la réception et de la perception de la programmation, des attentes et des représentations. Les moyens asso-ciés à la programmation culturelle sont également pris en compte : politique tarifaire, site Internet…

2010

Étude exploratoire. Évaluation préalable de l’exposition Désirs d’éternité. S. Riou. (dir. N. Candito) Service développement et stratégie, rapport interne, janvier 2010, 46 p.

Évaluation de l’atelier présenté à la Fête de la science 2009. Réflexion sur les dispositifs de médiation intégrant des nouvelles technologies. V. Jovet, Ad Hoc Médiation & Culture, janvier 2010, 39 p.

Bilan de l'exposition Observer, de l'infime au lointain - Chambre de Commerce de Lyon, Fév. 2010, C. Allainé.

2009

Un dinosaure en presqu’île : une exposition équilibrée entre émotion, connaissance et plaisir… 4 pages, Synthèse des résultats d’évaluation – N°10 – Musée des Confluences, évaluation, décembre 2009. C. Allainé

Un bilan de la programmation de préfiguration du Musée des Confluences, sur la période 2000 à 2007 : l’interdépendance entre un contexte, des publics, une offre culturelle et des moyens. C. Allainé, 14 p.

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207Pratiques d’évaluation

Tourisme muséal. État et prospective de l’offre, des pratiques et des attentes. Étude commandée par le Musée des Confluences au master 2 professionnel. Développement et marketing des territoires et des aménagements touristiques, Lyon 2. P. Voisenet (dir.), septembre 2009, 82 p. + annexes

Un dinosaure en Presqu’île : une exposition équilibrée entre émotion, connaissance et plaisir. C. Allainé, Musée des Confluences, septembre 2009, 40 p.

L’appropriation par les publics de l’exposition urbaine Peuples autochtones des Amériques. Approche ethnologique. M. Roustan en coopération pour l’enquête avec N. Candito, service développement et stratégie, Musée des Confluences, août 2009, 59 p.

Enquête de réception de l’exposition Créations contemporaines aborigènes, collections du Musée des Confluences. (Lyon, 6 mai - 27 juin 2009). Synthèse de l’étude menée auprès des visiteurs de l’exposition. C. Moulinier, dir. de N. Candito, développement et stratégie, Musée des Confluences, juillet 2009

Étude de réception. Sur les traces du serpent 6 nov. – 20 déc. 08, R. Ploestean, coord. N. Candito, service développement et stratégie, Musée des Confluences, janvier 2009, 56 p.

Un retour des publics du festival [Label] Bêtes, sur leur expérience de visite. 4 pages, Synthèse des résultats d’évaluation - N°9 - Musée des Confluences, évaluation, janvier 2009, C. Allainé

2008

Évaluation qualitative de la réception par le public du festival [Label]bêtes, Édition 2008. Rapport d’analyse de S. Riou, dir. N. Candito et C. Allainé, Service développement et stratégie, novembre 2008, 49 p.

Évaluation de l’atelier de préfiguration Papas del Perú. Réflexion sur la transmission des connaissances par le jeu et sur la mise en place d’un fonctionnement collectif. V. Jovet, Association Ad Hoc Médiation & Culture, janvier 2009, 34 p.

Enjeux de la prise en compte des publics en cours de conception d’expositions. Analyse d’un dispositif d’évaluation formative au Musée de Confluences. Mémoire de Master 2. S. Riou sous la direction d’E. Flon, Université d’Avignon pour le service évaluation, N. Candito, septembre 2008, 93 p.

Lectures minérales : une invitation à s’immiscer dans le monde minéral. 4 pages, Synthèse des résultats d’évaluation – N°8 – Musée des Confluences, évaluation, décembre 08 – N. Candito

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Du Muséum au Musée des Confluences208

2007

Évaluation de l’exposition Lectures minérales présentée au centre hospitalier Saint Joseph - Saint Luc du 19 janvier au 29 avril 2007. Éléments de réception des publics, N. Candito et J. Ramona, juin 2007, 53 p.

Évaluation de l’exposition temporaire En route, petit ours présentée au Muséum de Lyon du 14 novembre au 1er juillet 2007. S. Crouzet, Rapport de stage, dir. N. Candito, juillet 2007, 41 p.

L’exposition En route petit ours ou le pari d’une expérience immersive pour les 3-6 ans – 4 pages, la synthèse des résultats d’évaluation – N°7 – Musée des Confluences, évaluation – N. Candito – décembre 2007

L’exposition Ni vu, ni connu - paraître, disparaître, apparaître : les influences d’une muséographie de la sensation sur la réception des publics – 4 pages, la synthèse des résultats d’évaluation – N°6 – Muséum, évaluation – N. Candito – avril 2007

La visite de l’exposition Frontières - Muséum de Lyon - Synthèse de l’étude menée auprès des visiteurs de l’exposition. Rapport d’étude, J. Le Marec (dir.), C. Emprin, A. Jacquemot, M. Jarrige, R. Ploestean, laboratoire « Communication, Culture et Société », École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines - Lyon (étude externe), mai 2007, 49 p.

La conception de l’exposition Frontières, Muséum de Lyon, Synthèse menée auprès de l’équipe de conception - N. Cauchies et J. Le Marec (dir.), laboratoire « Communication, Culture et Société », École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines, Lyon (étude externe), mai 2007, 49 pages

La réception de l’exposition Frontières, exposition présentée au Muséum du 3 octobre 2006 au 4 février 2007 - Un retour des publics à partir des outils de mesure permanentes : statistiques de fréquentation, cahier des visiteurs, sondage annuel. Document Power Point, C. Allainé, octobre 2007, 48 p.

Le Musée des Confluences dans la presse (de septembre 1999 à août 2007), Analyse de revue de presse. D. Miège, étude externe, septembre 2007, 34 p.

Les publics déficients visuels au Muséum de Lyon. Comment la rencontre d’un public déficient visuel éclaire les attentes du public ordinaire. V. Chauvey, étude évaluation, décembre 2007, 72 p.

Les publics déficients visuels au Muséum de Lyon. Comment la rencontre d’un public déficient visuel éclaire les attentes du public ordinaire. V. Chauvey, synthèse, décembre 2007, 22 p.

L’espace découverte Objets en transit. Muséum - Musée des Confluences, Communicares, dir. N. Candito, décembre 2007, 38 p.

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209Pratiques d’évaluation

Le traitement des expositions du Muséum dans la presse – Analyse de revues de presse. D. Miège, étude externe, novembre 2007, 50 p.

2006

Significations d’usage du dispositif RFID dans l’exposition Ni vu, ni connu – paraître, disparaître, apparaître au Muséum, Lyon. Rapport d’étude, N. Candito, Muséum, P. Forest, MSH Alpes, Grenoble, Juin 2006, 44 p.

Évaluation qualitative de l’exposition Ni vu, ni connu – paraître, disparaître, apparaître présentée du 8 novembre au 2 juillet 2006, Muséum, Lyon. Les influences d’une muséographie de la sensation sur la réception des publics : diversité accrue des modes d’appropriation de l’exposition. D. Miège, Laboratoire Culture et Communication, Avignon, Étude externe, Juillet 2006, 79 p.

La connaissance des publics : les résultats du programme d’évaluation 2000-2006. Document Power Point, C. Allainé, novembre 2006, 62 p.

Impliquer des non professionnels dans les musées : quels enjeux ? La mise en place d’un comité des publics au Muséum de Lyon. Rapport de stage, N. Steffen (dir. N. Candito), octobre 2006, 74 p.

Festival [Label] Bêtes, la rencontre homme / animal - Première édition du festival présentée au Muséum du 23 septembre au 1er octobre 2006. Un retour des publics à partir de 24 entretiens menés auprès des participants au festival, service développement et stratégie, Musée des Confluences, C. Allainé

Les parcours découvertes - Évaluation d’une médiation proposée sur l’ensemble des expositions de la programmation culturelle menée au Muséum. Document Power Point, C. Allainé, novembre 2006, 34 p.

2005

Les publics : une réalité à partager - Élargissement, diversification des profils, fidélisation, satisfaction - Document power point (présentation au personnel). C. Allainé, Muséum, évaluation, novembre 2005, 47 p.

La fréquentation des publics des musées de sciences et sociétés : rythmes et répartitions de la fréquentation entre 2000 et 2004 – 4 pages, la synthèse des résultats d’évaluation – N°4 – Muséum, évaluation – C. Allainé -novembre 2005

Le bilan d’une action menée en partenariat : le cycle Confluences de savoirs, cycle 2004/2005. Analyse d’une enquête par questionnaire. Analyse du lien entre Art et Science dans les conférences, Muséum, évaluation, C. Allainé,

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Du Muséum au Musée des Confluences210

N. Candito avec la collaboration de A-E Fiamor, novembre 2005, 24 pages + annexes

Le bilan d’une action menée en partenariat : le cycle Confluences de savoirs – 4 pages, la synthèse des résultats d’évaluation – N°5 – Muséum, cellule évaluation – décembre 2005

L’impact des médiations culturelles menées au Muséum dans le cadre du projet culturel du Musée des Confluences. Une analyse transversale des résultats d’évaluation. Muséum, évaluation, C. Allainé, septembre 2005, Document Power Point, 38 p.

Les recettes de billetterie et de boutique du Muséum. Bilan – Muséum, évaluation. C. Allainé, septembre 2005, 7 p.

L’utilisation des textes expographiques : le langage verbal dans l’exposition. Rapport de stage réalisé au Muséum, cellule évaluation dans le cadre d’un master 2 « Objets d’art, patrimoine, muséologie », A. Bouzom sous la direction d’Arnauld Pierre, Professeur, juin 2005, 96 p.

Les attentes et représentations des citoyens face aux enjeux contemporains. Analyse des résultats issus des entretiens menés auprès des publics du Muséum et en extérieur (parc de la tête d’or et parc de Gerland), Bilan – Muséum, évaluation, C. Allainé, juin 2005, 42 p.

Les textes dans l’exposition - Analyse transversale des résultats d’études menées au Muséum. Bilan – Muséum, évaluation. A. Bouzom (stagiaire à la cellule évaluation), mai 2005, 32 p.

Le public des médiations culturelles – Cycle de médiation : journées thématiques, projections et visites singulières autour des expositions A vous de jouer et Commerce équitable – Analyse des résultats de l’enquête médiation – Bilan – Muséum, évaluation, C. Allainé, avril 2005, 24 p.

Le site Internet du Muséum – Analyse des données issues du logiciel XITI – Bilan – Muséum, évaluation, C. Allainé avec Souchu S., avril 2005, 22 p.

Les publics des musées de sciences et sociétés – Muséum – Domaine de Lacroix-Laval – Musée nomade. Fréquentation, profils et satisfaction de visite – Bilan - Muséum, évaluation, C. Allainé, avril 2005, 27 p.

Les musées et la gratuité des entrées. Synthèse des résultats d’étude sur l’impact de la gratuité des entrées dans les musées - Muséum, évaluation, C. Allainé, mars 2005, 55 p.

La connaissance des publics du Muséum, Fréquentation, profil et modalités de visite, indicateur de satisfaction : confort de visite et services. Document Power Point, Muséum, évaluation, C. Allainé, mars 2005, 27 p.

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211Pratiques d’évaluation

Les publics du domaine de Lacroix-Laval, Résultats du sondage réalisé pendant l’été 2004 autour des activités culturelles associées et expositions Nature et façon et Poupées – Bilan – Muséum, évaluation, C. Allainé, février 2005, 17 p.

Étude qualitative sur la perception de la gratuité. Rapport d’évaluation, J. Le Marec, K. Scherbina, École normale supérieure Lettres et Sciences Humaines, Laboratoire de recherche « Communication, Culture et Société », février 2005, 31 p.

Événement Arbres d’hiver et divers recyclages au domaine de Lacroix-Laval. Analyse des commentaires du sondage et analyse du cahier des visiteurs Muséum, évaluation, N. Candito, février 2005, 8 p. La réception de l’exposition Commerce équitable présentée au Muséum et le traitement des enjeux contemporains au musée. Analyse des commentaires issus du sondage – Bilan – Muséum, évaluation, C. Allainé, N. Candito, février 2005, 14 p.

L’exposition Sable, secrets et beautés d’un monde minéral. Bilan et réception de l’approche plurielle. Document Power Point, Muséum, évaluation, C. Allainé, N. Candito, janvier 2005, 63 p.

2004

L’évaluation d’un projet expérimental : exposition Empreinte(s) au centre hospitalier Saint Luc, Saint Joseph, observations et témoignages des publics : de l’usager au visiteur. Rapport d’évaluation, N. Candito avec A-E. Fiamor, C. Allainé, octobre 2004, 45 p.

L’évaluation d’un projet expérimental : exposition Empreinte(s) au centre hospitalier Saint Luc – Saint Joseph, observations et témoignages des publics : de l’usager au visiteur – 4 pages, la synthèse des résultats d’évaluation – N°3 – octobre 2004

Les publics et les activités du Muséum. Fréquentation, satisfaction et réception. Document Power Point (présentation au personnel du 20/09/04), C. Allainé, septembre 2004, 20 p.

Représentation et perception, Exposition Fantaisies du harem et nouvelles Schéhérazade. Rapport d’étude, N. Candito N., A.-E. Fiamor, Muséum, évaluation, mars 2004, 46 p.

Fantaisies du Harem et nouvelles Schéhérazade, Les représentations, perceptions de l’exposition et l’impact de nouveaux outils de médiation – 4 pages, la synthèse des résultats d’évaluation – N°2 – Muséum, évaluation – mars 2004

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Du Muséum au Musée des Confluences212

2003

L’ombre d’un doute : récit d’une expérience singulière, Installation interactive de Thierry Fournier, Récits d’une expérience singulière. Rapport d’étude, N. Candito., M. Gauchet, Muséum, évaluation, juillet 2003, 57 p.

L’ombre d’un doute : récit d’une expérience singulière - Installation interactive de Thierry Fournier – 4 pages, la synthèse des résultats d’évaluation – N°1 – Muséum, évaluation – N. Candito – juillet 2003

La connaissance des publics 2000/2001/2002. Document Power Point, Muséum, évaluation, juin 2003, 16 p.

Enquête. Test d’un dispositif de médiation : l’audio guide dans l’exposition Inuit, juillet 2003 (étude exploratoire), 12 p.

2002

Musée des cultures du monde : le point de vue des communautés culturelles. Rapport d’évaluation, N. Candito, Muséum, décembre 2002, 21 p.

Commentaire des visiteurs sur l’exposition Y’a plus de saisons. Analyse du lexique. Rapport d’évaluation, E. Bordon, février 2002

Du Muséum au Musée des cultures du monde, Pratiques, attentes et imaginaires associés. Rapport d’évaluation, N. Candito, avec M. Gauchet, septembre 2002, 52 p.

Résultats de l’enquête menée autour du dossier gourmand V comme vanille. Rapport de stage (Document PowerPoint), Domaine de Lacroix-Laval, TH. Hani, mars 2002, 17 p.

Etude préalable à l’exposition de référence du centre d’interprétations de la nature de Lacroix-Laval. Enjeux et perceptions du thème, pistes de réflexions et suggestions - Volet 1 : le public spécialiste, Rapport de stage, T.H. Hani, DESS Muséologie, été 2002, 45 p.

2001

Les objets phares de la grande salle du Muséum, Muséum, C. Allainé, avril 2001, 10 p.

Évaluation test. Acquisition de connaissances sujet d’actualité Vache folle, C. Allainé, février 2001

Sur les traces des visiteurs - Analyse discursive sur la réception de l’exposition « Chefs-d’œuvre, trésors et quoi encore », T. Beltrame, rapport de stage, 2001, 25 p.

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213Pratiques d’évaluation

Étude préalable à l’exposition permanente du musée des cultures du monde. Le public du projet : partenaires de l’action sociale, témoins des enjeux interculturels, acteurs de la construction identitaire, Étude extérieure ENS-LSH, J. Le Marec., M. Dubost, décembre 2001, 40 p.

2000

Lunes, Enquête qualitative. Centre de recherche sur la culture et les Musées, Université de Bourgogne, rapport d’étude, B. Mazeirat, 2000, 53 p.

Exposition « Temps », rapport d’évaluation (Document Power Point), Muséum, C. Allainé, novembre 2000, 14 p.

1999

Un grand espace des sciences et sociétés à Lyon ? Enquête exploratoire sur les attentes du grand public, Expo +, novembre 1999, 26 p.

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Du Muséum au Musée des Confluences214

annexe 3exemple de synthèse d’étudela connaissance des publics - synthèse des résultats d’évaluationC. allainé, n. Candito – mars 2004

Fantaisies du Harem et nouvelles Schéhérazade : les représentations, perceptions de l’exposition et l’impact de nouveaux outils de médiation…

Nous présentons ici le rapport synthétique d’études menées auprès des publics de l’exposition Fantaisies du harem et Nouvelles Schéhérazade présentée au Muséum d’histoire naturelle à Lyon du 23 septembre 03 au 04 janvier 2004. Sur cette même période était présentée une exposition Mille et une nuits à destination d’un public familial. La fréquentation totale sur la période de l’exposition a été de 39 353 visiteurs soit une moyenne mensuelle de 11 244 entrées, ce qui correspond à la fréquentation moyenne habituelle des expositions majeures du Muséum. La programmation de l’exposition en résonance avec la Biennale d’art contemporain de Lyon a attiré essentiellement des visiteurs individuels, soit 90%.

L’inspiratrice de cette exposition est la sociologue marocaine Fatema Mernissi, auteur du livre Le Harem et l’Occident. L’exposition a été créée par le CCCB de Barcelone189, pour être ensuite adaptée au Muséum d’histoire naturelle.

Trois études ont été réalisées autour de cette exposition afin de connaître d’une part, les représentations et perceptions du public et d’autre part les apports de la participation à deux nouveaux outils de médiation : le parcours audio guidé et le cycle des visites singulières. Le cycle des visites singulières est composé d’interventions artistiques autour de l’exposition sous forme de spectacles vivants. Il s’agit d’une expérimentation d’une nouvelle forme de médiation.

Les intentions de conception L’exposition propose à travers un double regard pictural symbolisé par le Harem, deux conceptions différentes de la femme, en Orient et en Occident. Fantaisies du harem présente le courant des peintres orientalistes qui dépeint l’imaginaire appliqué à la conception féminine en Occident tandis que le personnage de Schéhérazade est érigé en icône d’une conception

189 Centre de cultura contemporània de Barcelona

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215Pratiques d’évaluation

féminine orientale. En complément de cette mise en regard, les travaux de plusieurs artistes contemporaines, originaires du nouvel Orient ou d’Afrique du Nord contribuent à modifier notre perception du rôle et du statut des femmes dans ces zones géographiques. La partie des Nouvelles Schéhérazade propose des visions symboliques de la condition féminine inscrite dans une réalité contemporaine. Le harem est ici symbole de l’œil masculin, semblable en Orient et en Occident bien que s’inscrivant dans deux conceptions opposées. F. Mernissi illustre cette idée par le fait : que les musulmans semblent éprouver un sentiment de puissance virile à voiler leurs femmes, et les occidentaux à les dévoiler. Cette vision est donc un support à penser l’homme, et culturellement à penser l’autre. C’est par-là tout autant l’exposition d’un discours, que l’exposition d’œuvres picturales.Un cheminement linéaire chronologique et thématique induit un clivage entre deux temporalités, l’une historique et l’autre contemporaine, évoquant ainsi que la première rêvait la femme, contrairement à la seconde qui la replace dans la réalité sociale.

La réception de l’exposition

L’évaluation menée auprès des publics a cherché à mettre en relief l’aspect discursif d’une thématique suggestive. Elle a été réalisée en deux temps, afin de saisir préalablement les attentes et a posteriori la réception du visiteur. 90 entretiens ont été menés (43 entretiens préalables et 47 post-visite). A travers une étude empirique, nous avons cherché à savoir comment le visiteur qualifiait la mise en rapport d’œuvres d’art avec un discours sous-jacent, quelle perception avait-il de ce discours et que lui évoquait-il en terme d’émotions, de connaissances … ?

L’impact du titre et de l’affichePar rapport au caractère énigmatique du titre et de l’affiche, on remarque que les attentes sont axées vers l’ouverture et le désir de découverte face à l’évocation d’un « harem » souvent rêvé, inconnu, inspirant le mystère. Les aspirations se focalisent autour de l’art, les toiles de maître annoncées et autour d’un versant plus ethnographique, désir de « visiter un harem fictif ». Mais quelle que soit la posture d’attente, c’est le sentiment de surprise et de découverte qui l’emporte dans la réception. La réception fut caractérisée par l’abondance des propos, leur sérieux et une acceptation totale au jeu de l’entretien190.La suggestion comme invitation à la réflexionL’analyse du discours dévoile une réception positive du cheminement discursif de l’exposition. Au-delà des questions elles-mêmes, on note un fort degré de récurrences spontanées illustrant un questionnement collectif. Bien que suggéré, le double regard et le message sur la condition féminine fut largement partagé par l’ensemble du public interrogé Hymne à la femme et

190 Précisons en effet qu’aucune personne interpellée n’a refusé l’entretien.

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Du Muséum au Musée des Confluences216

qu’il faut aller voir, à une conquête aussi, à une reconquête d’une féminité qui existe en Orient et en Occident mais pas expliqués de la même manière, enfermement d’un côté, libération de l’autre, mais, laquelle est la plus libre ? 191. La conception de l’exposition a comme intention de ne pas enfermer le visiteur dans une relation didactique à l’exposition. Ce qui eut parfois pour effet de créer un « manque » de médiation, mais aussi de susciter le questionnement. En effet, comme il ne suit aucune piste pré tracée, le visiteur s’interroge et modélise lui-même son avis sur les questions soulevées dans l’exposition.

La réflexivité entre Orient et OccidentL’évaluation a montré que le visiteur allait au-delà d’un rapport d’ordre esthétique dans son cheminement, qu’il dépasse le stade d’une contemplation artistique. Cela grâce au discours induit par l’exposition qui porte sur la réflexivité entre Orient et Occident c’est-à-dire la mise en relation d’un parallèle entre deux visions symboliques de l’enfermement : enfermement explicite et jugé pour l’Orient et enfermement implicite et nié pour l’Occident. L’exemple le plus fréquent à ce propos est l’image de la féminité en Occident enfermée dans une « taille 38 » et faisant « vendre des voitures »192. Ce sont plus que des impressions que l’on peut avoir après une expo parce que ça appelle beaucoup, ça donne envie de se documenter, de lire. J’ai beaucoup aimé … le tableau de Ingres qui est décalé quoi, et ça me fait penser à un reportage que j’ai vu sur les femmes iraniennes à qui l’on posait la question et on leur disait : "une idéologie du voile etc. tout ce que cela représente" et qui répondaient "et l’idéologie du corps nu de la femme en Occident" est-ce que l’on peut faire le parallèle aussi, ce corps nu qui sert à vendre … 193.

Réflexivité ou la mise en évidence de liens, d’analogies entre deux systèmes de pensées qui pourraient, notamment à travers la vision de la femme, se concevoir comme opposés. D’une réflexion sur le corps comme « un élément actif du conditionnement social et culturel »194, on arrive à une réflexion sur l’altérité, sur sa capacité à porter un jugement sur autrui : Les Arabes disaient que les femmes étaient très libres donc ils les

191 [F : 45/54 ans - en couple - enseignante] 192 13 personnes sur 31 qui ont perçu le « double regard » répondent en ce sens.193 [F : entre amies - 45/54 ans - paramédical]194 Duvignaud, Khaznadar, (dir.) 1998 - Le corps tabou, Internationale de l’imaginaire - nouvelle série n°8, Babel, Maison des cultures du Monde n°303, p.56

Photo © Patrick Ageneau, Muséum d’Histoire naturelle

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217Pratiques d’évaluation

enfermaient, elles étaient vecteurs de connaissance et que la connaissance ça pouvait risquer de pervertir la rationalité de l’homme. L’occidental, lui, a toujours vu la femme comme objet de consommation (…) C’est le regard occidental qu’il nous faut changer195.

De l’émotion au questionnementL’exposition semble nous demander : dans quelle conception vous reconnaissez-vous ? Comment vous représentez-vous la femme et par-là comment vous imaginez-vous vous-même ? Cette dimension appelant l’émotion, la réflexion, la découverte est perceptible dans le discours des visiteurs interrogés. Plusieurs aspects sont remarquables à ce propos, mais tous découlent d’un sentiment commun : la surprise. Ainsi, même lorsque certaines attentes d’une exposition d’art ou d’ethnologie n’ont pas été tout à fait comblées, en aucun cas elles ne laissèrent la place dans la réception au sentiment de déception. Cela par l’étonnement qu’ont produit certaines œuvres et la mise en question que suscitaient leurs liens les unes par rapport aux autres. On notera en ce sens une charge émotive plus forte pour la partie des « Nouvelles Schéhérazade », dont les œuvres les plus souvent citées sont Les photos du harem du sultan Qajar, Femmes avec ustensiles de cuisine, Baiser d’Allison.

Enfin, l’évocation de la discipline nous permet d’étayer ce propos. En effet, pour certains « Fantaisies du Harem et nouvelles Shéhérazade » s’apparente à une exposition d’art, mais pour la majorité du public interrogé, elle est « pluridisciplinaire », difficilement définissable, mais toujours en rapport avec une réflexion sur la société. J’ai utilisé le terme pluridisciplinaire, je pense que l’exposition a réussi dans une large mesure à faire entrer en compte différentes expressions autour du thème196.

La formulation d’un jugement critiqueLa formulation d’un jugement critique s’explique par la variable de l’intériorité, autrement dit de la proximité et de l’attachement qui « conduit » et oriente le jugement. Cette intériorité est liée à trois éléments : l’intériorité artistique, celle de l’origine et celle de la pratique de visite (compétence muséale). Dans le premier cas, la perception de l’exposition est d’ordre esthétique et intimement liée avec la culture artistique du visiteur. Dans le second, les visiteurs adoptent une posture critique et s’autorisent à remettre en cause voire même à dénoncer une vision trop occidentale ou reformuler le message inhérent à la thématique (il s’agit moins d’une exposition sur le harem que sur la condition féminine). Ben, ce n’est même plus une extrapolation sur le Moyen-Orient, parce que c’est fait en Angleterre (…) les photos d’iraniennes là, ces artistes sont tous en Occident, ce sont des occidentaux. Le message, c’est quand même les deux visions l’Occident et l’Orient, les miniatures, les orientalistes, on nous a bien expliqué ça197.

195 [H : 25/34 ans - en groupe - étudiant]196 [H : 45/54 ans - en famille avec enfants - cadre supérieur]197 [F : + 65 ans - avec son fils 25-34 ans - ont vécu dans des pays du Moyen-Orient - retraitée]

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Du Muséum au Musée des Confluences218

Enfin, pour les visiteurs familiers des musées, l’exposition Harem fait l’objet d’une lecture comparée en lien avec d’autres expériences de visite (l’Institut du Monde arabe cité plusieurs fois).

Le parti pris et l’actualitéL’analyse des récits de visite laisse entrevoir le désir exprimé par certains visiteurs d’avoir une connaissance explicite du parti pris de l’exposition. En effet, une exposition thématique comme Harem est le résultat d’un ensemble de choix opérés à partir de la réflexion d’un auteur dont on a traduit et adapté les textes. Quelques visiteurs y ont été sensibles et leurs propos évoquent un auteur, une personne, un point de vue singulier et non l’institution dans sa dimension collective. D’autre part, l’importance de la résonance entre un thème donné et son inscription dans l’actualité a été soulevée à plusieurs reprises. Résonance qui va jusqu’à un questionnement ethnologique sur l’altérité. Le visiteur inscrit spontanément la thématique dans le contexte social, économique ou culturel de l’actualité et en vient même à croire, que la conception et la période choisie pour l’exposition ne sont pas anodines dans leur rapport avec l’actualité (évocation du Ramadan, débat sur le voile etc.). L’exposition, en jouant sur les stéréotypes, contribue à une meilleure connaissance réciproque entre les hommes issus de systèmes de pensée qui répondent à des logiques différentes. Les résultats de cette évaluation positionnent le musée comme lieu d’interactions, outil d’interprétation qui propose un dialogue, une rencontre entre deux cultures…

L’impact des outils de médiation

21% des visiteurs ont assisté à une animation ou une activité culturelle en lien avec l’exposition, soit 8206 participants. Parmi ces animations deux nouveaux outils sont proposés aux publics, le parcours audio guidé (1 055 participants) sur l’ensemble de la période de l’exposition et 13 visites singulières (480 participants) sur réservation. Les interrogations de la cellule évaluation portent sur l’impact de ces outils en terme de profils de public, des apports de l’intervention artistique dans une exposition et des usages de l’audio guide198.

Le profil des utilisateursLe cycle des visites singulières a pour objectif d’expérimenter de nouvelles formes de médiation, de diversifier et sensibiliser de nouveaux publics. Le cycle propose un regard différent sur le thème de l’exposition, sur le rapport à l’espace et aux œuvres ; il s’articule autour de quatre regards : artistique, plastique, dansé, et littéraire.

198 Enquête sous forme de questionnaires administrés en fin de visite avec un retour de 111 répondants pour les visites singulières et de 79 répondants pour l’audio guide. Le cycle des visites singulières a fait également l’objet d’observations.

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219Pratiques d’évaluation

Le parcours audio guidé s’adresse à tous les publics et propose un parcours découverte des collections présentées.Le profil des répondants fait apparaître des caractéristiques différentes suivant l’outil utilisé, du point de vue socio-démographique. On peut noter plus particulièrement une différence dans le profil des activités principales. Les principales catégories représentées par les répondants du cycle des visites singulières sont les professions des arts et de la culture ; 14% des répondants ont connu l’activité par le réseau de l’intervenant, ainsi que des enseignants et des étudiants ; l’orientalisme étant au programme du CAPES. Les répondants du parcours audio guidé se répartissent principalement autour des catégories cadres et employés.

Tableau des caractéristiques des répondants :

Visites singulières Parcours audio guidé

modalités de visite

Nouveaux visiteurs 30% 46%

Pas de connaissances particulières du thème 20% 33%

Seul 32% 16%

Accompagné d’enfant 3% 22%

Profil socio-démographique

Activités principales Prof. Art. 26% Enseignants 16% Employé 21%

Etudiant 14% Cadre 23%

Formation Arts, sc.humaines, lettres, et langues 57%

Scientifique, droit, éco., social 39%

taux de satisfaction

Exceptionnel 13% 1%

Très satisfait 68% 42%

Assez satisfait 16% 54%

Peu et pas satisfait 3% 3%

Source : enquête, médiations

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Du Muséum au Musée des Confluences220

Les apports du cycle des visites singulièresL’aspect exceptionnel de la participation au cycle des visites singulières199 se rapporte au parcours littéraire, une lecture mise en scène par une comédienne et au parcours dansé, spectacle qui mélange conte, musique et danse. L’analyse de la carte factorielle permet de constater que les différents modes d’approche ont suscité des apports complémentaires.Le parcours dansé (dimanche après-midi) attire un public occasionnel et apporte une forte dimension de plaisir et d’émotion. Le regard littéraire (samedi 11h) attire un nouveau public et suscite un fort effet de surprise et d’émotions. Le regard d’artiste proposé en milieu de semaine est en lien avec les publics réguliers de l’institution. Le regard plastique proposé le samedi matin a entraîné un effet de fidélité. Cette visite a entraîné un regard contrasté, certains répondants soulignent « Le choix d’une perspective de lecture de l’exposition ; le commentaire particulièrement intéressant qui ne se contentait pas d’explications purement techniques ou historiques », d’autres perçoivent cette approche comme une visite conférence. Dans l’ensemble, les participants soulignent la qualité des intervenants, leur interprétation des œuvres et l’exploitation de l’espace. La notion de l’échange avec l’intervenant est par ailleurs sollicité. Cet aspect est souligné dans l’intervention de la photographe avec laquelle le public a eu un temps de rencontre après la présentation de ses œuvres dans l’exposition. Les points à améliorer concernent principalement le confort de la visite : la qualité acoustique, l’absence de sièges, l’affluence et enfin une demande sur une plus grande diffusion de ces activités. 83% des répondants s’expriment sur les points forts de leur participation. Et on peut articuler la plus value du cycle autour de quatre dimensions. Le sentiment de rendre vivant le musée : Il faudrait que beaucoup de musées organisent des « visites singulières » pour rendre vivantes les expositions et donner, ainsi, envie aux gens de venir plus souvent 200, d’apporter un autre regard : Autre regard, nouvelles sensations, c’est un plus à une visite seule… 201, de susciter de l’émotion émotions, visite qui sort de l’ordinaire, découverte de textes, envie d’approfondir le sujet …202 et apporter de l’originalité au travers des liens proposés entre œuvres, textes et spectacle vivant : Le croisement des genres, danse, conte, tableaux…203.

La participation au parcours audio guidéEn ce qui concerne les modalités de fonctionnement, c’est un outil payant (1,5 euros) en version française et anglaise, proposé par le personnel d’accueil. Sa distribution est réalisée au vestiaire en échange d’une pièce d’identité, les informations nécessaires à son utilisation sont communiquées à ce moment là. L’identification des œuvres de l’exposition se présente sous la forme d’une

199 13% des répondants qualifient leur participation d’« exceptionnelle ».200 [H, 55/64 ans, professeur d’université, visite seul]201 [F, 18/24 ans, étudiante, visite entre adulte]202 [F, 25/34 ans, profession intermédiaire, visite entre adulte]203 [F, 25/34 ans, profession intermédiaire, visite seul]

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221Pratiques d’évaluation

pastille numérotée. Sur ce point, 41% des répondants émettent des critiques sur la non lisibilité « repérage des numéros, beaucoup trop petit ». En ce qui concerne le contenu du parcours, l’audio guide propose un commentaire d’œuvres, d’environ 1 heure. Une voix d’homme commente 20 œuvres sélectionnées et une voix de femme lit 29 textes affichés dans l’exposition, quelques dialogues sont également énoncés. 53% des répondants soulignent leur satisfaction pour la clarté des commentaires. Par contre la redondance des commentaires des textes affichés est notée. Les points de vue sur la perception de l’outil sont variés. Ces constats se rapprochent de ceux établis par Sophie Deshayes204. L’audio guide est considéré comme un outil apportant autonomie et souplesse à la visite, un complément d’information «… explications détaillées et approfondies », une clé de lecture d’œuvres sinon peu accessibles « sans l’audio guide, éléments inaccessibles si on ne connaît pas le sujet ».

204 S. Deshayes, Une nouvelle génération d’audioguide, La lettre de l’OCIM, n°92, mars, avril 2004

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Auteurs : Nathalie Candito - Corinne Allainé

Illustratrice : Rose Poupelain

Directeur de la publication : Michel Côté

Responsable éditoriale : Chantal Schlecht

Relecture : Catherine Girard

Conception graphique : Alpha

N° ISBN : 2-918263-08-1

Achevé d’imprimer : septembre 2010

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Pratiques d’évaluation Une approche réflexive

et opérationnelle

de la connaissance des publics

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Le Musée des Confluences a fait le choix d’intégrer une démarche d’évaluation et de connaissance des publics. Cette nouvelle fonction répond à une double évolution : celle d’un repositionnement des visiteurs comme « acteur » du projet et celle d’une plus grande transparence des actions du musée. Si l’évaluation s’impose de plus en plus dans les institutions muséales, elle est « visible » pour les différents interlocuteurs au travers des constats qu’elle apporte ou des réflexions qu’elle suscite, elle est le fruit d’une construction de long terme, parfois complexe et jamais totalement acquise.

Ce sixième ouvrage de la collection du Muséum au Musée des Confluences s’inscrit dans un travail de réflexion et de restitution engagé par les différentes équipes du musée. Ce volume aborde à la fois l’évaluation comme une démarche opérationnelle qui permet d’apporter des réajustements et une démarche réflexive qui interroge nos pratiques, tant d’un point de vue méthodologique que des résultats.

Septembre 2010

Pratiques d’évaluation Une approche réflexive et opérationnelle de la connaissance des publics

Du Muséum au Musée des

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ISBN : 2-918263-08-1

Prix : 10 e