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1 Département des Sciences du langage et de la communication Licence Mention Sciences du Langage Option LSF Année universitaire 2016/2017 Diplôme d'Université (DU) LSF Études linguistiques et sociolinguistiques sur la LSF LDS3642C Information La bibliographique qui figure en fin de cours comprend des ouvrages de référence. Il n’est pas nécessaire de vous procurer l’ensemble des ouvrages ou revues mentionnés pour assimiler le cours. Le cours est une approche sommaire de la recherche en LS. Il reprend de façon synthétique, non exhaustive, quelques contributions mentionnées en bibliographie. Des références d’ouvrages, d’articles ou de revues seront ponctuellement implantées au fil du cours. Glossaire des abréviations et typographies particulières rencontrées dans le cours. LO : Langues orales. LS : Langues signées ou langues des Signes. LSF : Langue des Signes Française. ASL : American Sign Language, Langue des Signes Américaine. Nous indiquons que nous parlerons de Signes avec un S majuscule, unité minimale de la Langue des Signes pour qu'il n'y ait pas de confusion avec le signe, s minuscule du signe linguistique. Nous utiliserons un s minuscule pour sourd sauf lorsqu'il s'agira des Sourds de la communauté des Sourds.

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Département des Sciences du langage et de la communication

Licence Mention Sciences du Langage Option LSF Année universitaire 2016/2017

Diplôme d'Université (DU) LSF

Études linguistiques et sociolinguistiques sur la LSF

LDS3642C

Information La bibliographique qui figure en fin de cours comprend des ouvrages de référence. Il n’est

pas nécessaire de vous procurer l’ensemble des ouvrages ou revues mentionnés pour

assimiler le cours. Le cours est une approche sommaire de la recherche en LS. Il reprend

de façon synthétique, non exhaustive, quelques contributions mentionnées en

bibliographie. Des références d’ouvrages, d’articles ou de revues seront ponctuellement

implantées au fil du cours.

Glossaire des abréviations et typographies particulières rencontrées dans le

cours.

LO : Langues orales.

LS : Langues signées ou langues des Signes.

LSF : Langue des Signes Française.

ASL : American Sign Language, Langue des Signes Américaine.

Nous indiquons que nous parlerons de Signes avec un S majuscule, unité minimale de la

Langue des Signes pour qu'il n'y ait pas de confusion avec le signe, s minuscule du signe

linguistique. Nous utiliserons un s minuscule pour sourd sauf lorsqu'il s'agira des Sourds

de la communauté des Sourds.

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L’héritage français du XIX ème siècle.

Les premières études linguistiques des LS sont françaises (1De l’EPEE : 1784, 2BEBIAN : 1817, 3VALADE : 1854, 4LAMBERT LM : 1865) et sont l’œuvre de

pédagogues grammairiens. Les premières recherches, en linguistique contemporaine,

connues et reconnues nous viennent des Etats-Unis au début des années 1960. Cela mérite

sans doute une petite précision d'ordre historique. La LSF, en tant que langue d’éducation,

apparaît en France au milieu du dix-huitième siècle. Elle est pratiquée par les élèves

sourds des Instituts nationaux pour jeunes sourds selon le principe d’une vie scolaire en

internat initié dès le milieu du dix-huitième siècle par l'abbé de l'EPEE. Le système

linguistique des Signes méthodiques, mis en place par l’Abbé de l’EPEE pour sauver des

âmes chrétiennes de l'ignorance divine et pour former de bons ouvriers, visait la

connaissance du français par les élèves sourds. La méthode des Signes méthodiques

consistait, en ce qui concerne l’apprentissage de la langue, à faire correspondre à chaque

unité morphosyntaxique du français une unité signée. Les élèves de l'Institut de Paris ont

opposé aux Signes méthodiques un système linguistique présentant une toute autre syntaxe

que celle du français, une syntaxe propre à une langue signée totalement autonome par

rapport au français écrit et oral.

L’Abbé de L’EPEE recensera les Signes de ses élèves. L’activité dictionnairique se

développera aux XVIIIe et XIXe. L’article de Françoise Bonnal (téléchargeable dans le

lien ci-dessous) illustre l’intérêt des dictionnaires de Signes chez les pédagogues.

http://www.univ-

rouen.fr/dyalang/glottopol/telecharger/numero_7/gpl7_09bonnalverges.pdf

« Les ouvrages qui contiennent des signes sont de natures assez variées. Les uns se présentent comme des dictionnaires : telles sont les œuvres de l’abbé Ferrand, précurseur du genre, vers 1780 (manuscrit publié un siècle plus tard) ; de l’abbé de l’Épée (manuscrit de 1787, publié un siècle plus tard) ; de l’abbé Sicard (1808) ; de l’abbé Jamet

1 DE l’EPPE C-M., 1784, La véritable manière d’instruire les sourds-muets confirmée par une longue expérience, Lyon l’Aîné, Paris. 2 BEBIAN.R.A.A., 1817, Essai sur les sourds-muets et sur le langage naturel, Dentu, Paris. 3 VALADE R., 1854, Etudes sur la lexicologie et la grammaire du langage naturel des signes, Librairie philosophique de Ladrange, Paris. 4 LAMBERT L-M., 1865 , Langage de la physionomie et du geste mis à la portée de tous, suivi d’une méthode courte facile et pratique d’enseignement des sourds-muets illettrés qui sont hors des institutions spéciales, et des élèves arriérés de ces mêmes écoles, Lecoffre J, Paris.

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(manuscrits rédigés entre 1822 et 1860, non publiés) ; du Docteur Blanchet (1850) ; de Joséphine Brouland (« spécimen d’un dictionnaire », publié en 1855) ; de l’abbé Lambert, (1859 et 1865). D’autres prennent le nom d’Iconographie, comme celui des Frères de Saint-Gabriel (circa 1853-1854), qui ne contient aucune image1, ou celui de Pierre Pélissier (1856), qui contient des signes dessinés et complétés par des gloses. Dans de nombreux autres ouvrages, les signes sont à l’état de citations, plus ou moins nombreuses. Cela se borne parfois à une vingtaine de signes (abbé de l’Épée, 1776 ; Desloges, 1779 ; Paulmier, 1820 ; Rambosson, 1853). On peut en trouver une cinquantaine, chez d’autres auteurs (Bébian, 1825 ; Vaïsse, 1854 ; Grosselin et Pélissier, ca 1857, cités par Valade-Gabel, en 1859 ; Clamaron, 1875). On arrive même à deux cents, trois cents et même plus de quatre cents signes, respectivement chez l’abbé de l’Épée, en 1784 (signes « méthodiques2 »), chez Degérando, en 1827 (« signes pour la nomenclature3 »), et chez l’abbé Laveau, en 1868. » (Bonnal-Vergès, 2006, p 161)

Notes de l’auteure 1 Il se pourrait que par « iconographie des signes » les Frères de Saint-Gabriel aient voulu suggérer une écriture qui fait image, une « définition descriptive du signe », comme le disait l’abbé Lambert, en 1859 (Lambert, 1859 : 62). 2 « Les signes méthodiques […] consistent à transformer en quelque sorte les signes en mots, et à les émettre un à un, dans l’ordre de la phrase, avec leurs accidents grammaticaux » (Frères de Saint- Gabriel. Frère Médéric, ca 1903 : 9).

Tout au long du dix-neuvième siècle la LSF est pratiquée par les élèves des grandes

institutions nationales d’éducation des sourds parallèlement et en opposition aux systèmes

hybrides (français/langue des Signes) préconisés par les pédagogues (De l’EPEE,

SICARD). La méthode d’éducation dite française intégrant l’importance d’unités

linguistiques signées pour enseigner aux élèves sourds, est importée aux Etats-Unis en

1816 par Laurent CLERC (ancien élève de l’Institut de Paris). Le modèle d’éducation

français servira à la mise en place des premières écoles pour sourds américaines, la plus

célèbre reste de nos jours celle de Washington (l’Université GALLAUDET, du nom du

pédagogue américain qui vint à Paris et retourna à Washington accompagné de Laurent

CLERC).http://www.gallaudet.edu/

Cet apport français, au-delà de l’amitié franco-américaine qu’il initiera, ne sera pas sans

incidence sur la fixation de l'ASL (American Sign Language). En effet, la LSF et l’ASL

présentent de nombreuses similitudes notamment sur le plan lexical (5Tollu I, 1999).

En 1880, le tristement célèbre Congrès de Milan réunissant des participants hostiles

au développement des langues signées pour l’enseignement des sourds, préconisera la

disparition de la méthode d’éducation par Signes au profit d’une méthode d’éducation

strictement orale. Le Congrès de Milan n’avait aucun mandat exécutif, il a seulement

5 TOLLU I., 1999, Etude comparée des lexiques de la langue des Signes française et de la langue des Signes américaine, Maîtrise de Sciences du langage, Université de Rouen.

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élaboré de nombreuses résolutions, toutes centrées de façon récurrente sur la nécessaire

disparition des langues signées des systèmes éducatifs. Ces résolutions seront retenues par

l’instance ministérielle qui avait alors la charge de l’éducation des sourds en France, à

savoir, le Ministère de l’Intérieur.

Cette application stricto sensus des résolutions de Milan aura entre autres conséquences, la

disparition progressive d’une langue signée, des professeurs sourds dans les écoles

françaises.

La LSF ne disparaîtra pas pour autant de l’espace linguistique français. Ecartée de

l'enseignement en France, elle continuera à être pratiquée dans les associations ou foyers

de Sourds. L’existence actuelle d’une variation lexicale importante de la LSF trouve son

explication dans le maintien par les Sourds d’usages locaux, régionaux au sein de

structures associatives gérées et dirigées par les communautés régionales, urbaines de

Sourds. Une autre conséquence de la mise à l’écart institutionnelle de la langue des Signes

française sera le déni de son statut linguistique de langue. Cette mise aux oubliettes

linguistique et sociale de la LSF durera plus d’un siècle. N’oublions pas qu’il faudra

attendre 1992 pour voir la LSF réhabilitée dans un décret d’application publié au Journal

Officiel de la République Française, décret reconnaissant la LSF comme langue

d’éducation pour les jeunes sourds français.

L'ASL n’a pas subi le même sort, elle a poursuivi son processus de normalisation

linguistique et sociale. La Langue des Signes Américaine a cependant connu des attaques

sérieuses notamment de la part de BELL mieux connu pour ses recherches sur le téléphone

que pour ses responsabilités de président de « l'Association américaine en vue de

promouvoir l'enseignement de la parole aux sourds ». L’association existe toujours sous le

nom : « Alexander Graham Bell Association for the Deaf and Hard of Hearing »

http://www.agbell.org/

Le débat linguistique a pu exister aux Etats-Unis malgré les tentatives de remplacement ou

de dialectisation de l'ASL alors qu'en France la glottopolitique d'état interdisait, niait

l'existence de la LSF. Comment parler en France d'une langue qui n'existe pas ?

Même les locuteurs de la LSF avaient intégré l’infériorité sociolinguistique de ce qu’ils

n’osaient pas appeler une langue mais tout au plus une communication gestuelle, une

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gestualité communicative. L’auto-éradication de la LSF par ses propres locuteurs a sur ce

point parfaitement fonctionné dans ce que KREMNITZ nomme « la haine de soi » ou

« l’auto-odi ».(Cf cours « Sociolinguistique de la LSF, page 43). La LSF a connu, avec

cependant un acharnement tout particulier, ce qu’ont connu les langues régionales en

France lorsque la langue française s'est imposée de façon exclusive en norme

contraignante à l’ensemble des citoyens de l’hexagone.

Le contexte historique des politiques linguistiques différentes aux Etats-Unis et en France

explique en partie que les premières études linguistiques aient pu être américaines. Je

constate ici un juste retour de l’histoire, la LSF importée aux Etats-Unis au début du dix-

neuvième siècle permettra l’émergence de travaux scientifiques, linguistiques en

l’occurrence, qui à leur tour traverseront l’Atlantique dans le sens Etats-Unis France pour

permettre à la LSF de retrouver dans le débat scientifique le statut linguistique qui lui avait

été et qui lui est toujours partiellement dénié dans les contextes glottopolitiques français

passé et présent.

Nous demeurons prudents sur ce que nous avançons, le fait de constater que l'intérêt des

linguistes s'est manifesté plus tôt aux Etats-Unis ne signifie pas que le statut linguistique

de l'ASL soit plus enviable que celui de la LSF.

Nous pourrions même nous interroger par exemple sur la valeur d'échange de l'anglais

dans l'élaboration de l'ASL. L’usage de la dactylologie dans les discours en ASL n’est-elle

pas la marque d’un éloignement des logiques et processus de création lexicale propres aux

LS ? Les tentatives de dialectalisation tentées sur l'ASL n'ont-elles pas réussi à modifier

l’équipement linguistique de l’ASL ?

Le problème de la dialectalisation de la LSF ne s'est pas posé en France puisque la

langue a été non pas officiellement interdite, mais ignorée, écartée du marché linguistique

tout en continuant à exister comme langue véhiculaire au sein de la communauté des

Sourds français. De ce fait nous sommes en présence avec la LSF d'une langue qui a une

structure indépendante de la structure du français. La LSF est considérée, à juste titre,

comme une belle langue, une langue qui a préservé l’intégrité de structures

morphosyntaxiques spécifiques aux LS.

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En 2011, la thèse de Cécilia Hutter, Université de Rouen, intitulée « Études de la variation

linguistiques. Approche sociolinguistique » offre une étude remarquable de la question de

la variation en domaine français. Nous en livrerons des extraits en fin de cours dans la

partie dédiée aux recherches rouennaises.

L’exclusion scientifique des LS.

Dans le cours dédié à l’histoire et au statut de la LSF nous avons indiqué les conditions

historiques de la relégation d’une langue signée (cf Congrès de Milan).

La linguistique moderne fondée sur les travaux de Ferdinand de SAUSSURE a écarté les

Langues des Signes de la définition des langues.

« La langue est un système de signes exprimant des idées et par là comparable à l'écriture, à l'alphabet des sourds-muets, aux rites symboliques, aux formes de politesse, aux signaux militaires, etc... Elle est seulement le plus important de ces systèmes ». (SAUSSURE F de,. 1915, p 33.)

Les LS sont assimilées à des systèmes de transposition dactylologiques de l'alphabet. Cette

acception des LS sanctionne d’une part une méconnaissance totale des langues visuelles-

gestuelles, d’autre part elle correspond à un stéréotype tenace, en effet les dictionnaires

jusqu’à une date récente agrémentaient l'article sourd d’un abécédaire dactylologique.

L’idée reçue que la langue signée ne peut être qu’un simple codage d’une langue orale est

encore largement répandue. La confusion est aussi entretenue par des sourds qui faute de

moyens matériels décents en sont réduits à distribuer des alphabets dactylologiques dans

les restaurants, les trains. Ils sont loin de se douter qu’ils confortent des stéréotypes

dominants bien éloignés de la réalité linguistique de la LSF. La définition fondatrice de la

langue posée par SAUSSURE se fonde sur une analyse fine des langues orales mais

n’envisage pas par méconnaissance la spécificité structurelle des LS. Les études post-

saussuriennes auront en commun d’ignorer l’existence des LS. Mais revenons un instant

sur l’un des principes avancés par SAUSSURE pour définir le signe linguistique, principe

qui écourtera pour un temps toute recherche sur les LS.

Il est assez aisé de vérifier l’existence du lien arbitraire et néanmoins nécessaire entre

signifiant/signifié concernant les LS. Encore que, dans des tentatives peu fructueuses

certains linguistes opposeront une objection à l’arbitrarité en soulignant le caractère

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iconique des LS. Arbitrarité s’opposerait donc à iconicité et destituerait de fait les LS de

leur statut de langue selon la définition canonique de SAUSSURE. L'arbitraire défini par

SAUSSURE exclut la possibilité pour le sujet parlant de faire dépendre de sa volonté

personnelle, le choix de la forme exprimant un signifié ou le choix d'un signifié pour une

forme. L'arbitraire est à mettre en rapport avec l'immotivé. Par exemple l'utilisation de dix

pour exprimer le nombre dont il est signifiant est immotivé mais dixième est motivé par

rapport à dix.

CUXAC6 démontrera que cette opposition iconicité/arbitrarité n’était pas pertinente dans

l’étude des LS.

Mais ce n’est pas sur le seul principe d’arbitrarité défini par SAUSSURE que repose la

mise à l’écart des LS du champ d’investigation de la linguistique. Arrêtons-nous un instant

sur le fait que selon SAUSSURE, le signe linguistique se déroule sur une ligne temporelle.

« Le signifiant étant de nature auditive, se déroule dans le temps seul et a les caractéristiques qu'il emprunte au temps; il représente une étendue et cette étendue est mesurable dans une seule dimension, c'est une ligne ».7

Ce principe de linéarité est tout à fait discutable lorsque l’on commence à s’intéresser aux

LS. JAKOBSON8 avait discuté le principe de linéarité, représentant une suite linéaire de

segments concaténés, en remarquant que nombre de langues orales à tons pouvaient

permettre la production concomitante de deux unités de deuxième articulation. Le débat

portant sur la représentation de l’accentuation contribuera à affiner une conception

structuraliste « bilinéaire » de la représentation des accents et des tons qui conduisait à

l’émergence des termes « segmental » et « suprasegmental » : théorie métrique de

LIBERMAN et PRICE9 phonologie à trois dimensions de VERGNAUD et HALLE10. Le

principe d’une phonologie non-linéaire est aujourd’hui acquis pour les chercheurs en LO

et LS. Il suffit pour s’en convaincre de consulter l’importante bibliographie de recherche

sur le sujet dans la littérature scientifique nord-américaine. Les objections récurrentes à

6 CUXAC C., 1996, Fonctions et structures de l’Iconicité des Langues des Signes. Analyse d’un idiolecte parisien de la Langue des Signes Française, Thèse pour le Doctorat d’Etat, Université René Descartes, Paris V, pp54-74. 7 SAUSSURE F., 1916, Cours de linguistique générale, Payot, Lausanne. 8 JAKOBSON R., 1963, Essais de linguistique générale, Les Editions de Minuit, Paris 9 LIBERMAN M and PRICE A., 1977 , On stress and linguistic rhythm in LINGUISTIC INQUIRY, 8, pp.249-336. 10 HALLE M and VERGNAUD J.-R., 1980, Three dimensional phonology in JOURNAL OF LINGUISTIC RESEARCH, 1, pp.83-105.

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l’existence linguistique des LS, portant sur les principes de linéarité et d’arbitrarité, sur la

double articulation, permettent d’esquisser une explication, certes insuffisante, de la mise à

l’écart scientifique des LS que nous pouvons attribuer aux limites et à la prégnance de la

pensée structuraliste dans le développement de la discipline. Cette remarque en amène une

autre formulée en termes de questions : faut-il partir des LO pour décrire les LS ? Faut-il

construire des modèles opérationnels propres à l’étude des LS ? Ces questions sont le lieu

d’une opposition entre chercheurs en linguistique sur le terrain des LS. Il convient d’être

prudent sur ces questions qui ne nourrissent pas une contradiction fertile : partir des

modèles opérationnels pour l’étude des LO afin d’étudier les LS ou concevoir des modèles

spécifiquement opérationnels pour l’étude des LS (permettant éventuellement de revisiter

l’étude des LO). Des propositions de modélisations dynamiques à visée générale

permettent de transcender les clivages théoriques liés à la confrontation des modèles

descriptifs des LS et des LO. Afin d’illustrer les termes de l’opposition théorique entre

linguistes sur le terrain des LS, observons la citation ci-dessous.

« Le premier modèle se fixe comme cadre théorique strict les critères canoniques définitoires des LO pour étudier les LS. Le second modèle questionne les critères définitoires des langues en général et adapte les outils descriptifs à la spécificité spatiale des LS. La confrontation des approches n’a rien d’anecdotique dans la mesure où elle actualise des débats portant sur des principes saussuriens tels que l’arbitrarité, la linéarité du signifiant de nature auditive et la simultanéité du signifiant de nature visuelle. L’hypothèse théorique (correspondant à la deuxième approche) qui consiste à poser l’existence de structures de transferts à visée iconicisatrice est défendue, en France, par CUXAC, en opposition aux études phonologiques ou chérologiques (correspondant à la première approche) menées aux Etats-Unis et au Canada à la suite des travaux de STOKOE. Ces derniers démontrent bien l’existence de niveaux phonologiques repérables dans la composition des unités signées mais s’avèrent limitées à ces stricts niveaux. L’approche française représentée par CUXAC est la seule à autoriser, par l’étude des structures de transferts, la compréhension du fonctionnement syntaxique et morphologique des LS. Notre questionnement s’inscrit du côté de l’hypothèse qui pose l’existence de systèmes dynamiques de gestion spatiale mobilisés en productions linguistiques signées dans ce que CUXAC a initialement catégorisé selon trois ordres d’iconicité avant d’envisager une analyse plus dynamique, non plus portant sur des catégories ou inventaires formels mais sur des "processus d’iconicisation". L’apport récent de la linguistique cognitive dans le domaine des recherches linguistiques sur les LS transcende ces oppositions d’écoles. L’intérêt de la prise en compte des schémas cognitifs est évident dans l’étude des langues signées dans la mesure où ces schémas sont représentés dans l’espace de signation dessinant lors de la réalisation des procès des structures topologiques aspectuelles et modales dans des chronologies de transferts iconiques spatiaux. Les analyses de corpus en LS effectuées, au sein de l’UMR 6065 DYALANG, confirment bien l’importance de ces structures de transferts constitutives de l’architecture syntactico-sémantique des LS. »11

11 SABRIA R., 2004, Recherches sociolinguistiques en langue des Signes. Genèse d’une double médiation dans Actes du colloque international Médiation en langue et en discours, DYALANG, PRESSES DE L’UNIVERSITE DE ROUEN, pp 307-317.

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Plus tard, BENVENISTE12 définira 5 critères dans son analyse du langage humain.

1°/ BENVENISTE reprend le principe de la définition du propre du langage humain de

SAUSSURE. « Il n'y a pas de langage sans voix » p 60.

2°/ Les signes linguistiques qui composent le langage doivent être arbitraires. L'arbitrarité

du signe permet d'inventer des mots selon les besoin de l'information et de la

communication sans contraintes sur le plan de la correspondance entre signifiant et

signifié. Il ne faut pas qu'il y ait de rapport contraignant entre la forme linguistique et la

référence objective.

3°/ Le langage doit être analysable, décomposable en éléments combinables, selon des

règles définies (morphèmes, phonèmes, unités signifiantes).

4°/ Il faut pouvoir dialoguer. Il fait ici référence aux fonctions traditionnelles attribuées au

langage:

* Fonction communicative.

* Fonction informative.

* Fonction conative.

* Fonction expressive.

* Fonction phatique.

* Fonction ludique.

5°/ Le langage doit être doublement articulé

Les phonèmes se combinent pour former des morphèmes ou des lexèmes (unités lexicales)

agencés selon les règles combinatoires de la syntaxe (morphosyntaxe).

C’est sur ce dernier point que vont porter les études des linguistes nord-américains. Il

s’agissait dans les années soixante de démontrer que les LS étaient bien des langues et

qu’elles pouvaient répondre aux exigences du moule structuraliste notamment qu’elles

étaient doublement articulées en unités de première et deuxième articulations.

L'étude la plus connue est celle de STOKOE en 1960 intitulée « Sign language

structure ». STOKOE (1960) a démontré la double articulation du Signe13.

12 BENVENISTE., 1966, Problème de linguistique générale, Gallimard, Paris. 13 Rappel: Signe ou unité significative des LS. A ne pas confondre dans ce cours avec signe (s, minuscule) pour signe linguistique.

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L’étude phonologique de STOKOE

Son étude contrastive s'appuie sur l'observation de la structure de l'ASL et du système

phonologique des langues orales. Il nomme cette étude chérologie. Il développe le concept

de chérème en tant qu'équivalent du phonème.

Le Signe est composé d'unités minimales ou paramètres. Ces unités minimales isolées ne

sont pas significatives. Comme pour la langue orale qui mobilise des classes de phonèmes

(voyelles, consonnes, semi-voyelles...) pour aboutir au monème grammatical ou lexical, le

Signe de la Langue Signée se compose d’unités minimales ou paramètres.

STOKOE (1960) définit trois classes de paramètres ou chérèmes qui entrent dans la

constitution d'un Signe:

DEZ (désignator: la configuration de la main.)

TAB (tabulation: la localisation.)

SIG (signation: le mouvement.)

Un quatrième paramètre: l'orientation de la paume (BATTISON, 1973) et un cinquième:

l'expression du visage (qui reste à l’heure actuelle le lieu d’une investigation linguistique

importante), s'ajoutent aux trois classes de paramètres de STOKOE (1960). STOKOE

montre que si un paramètre change le sens est modifié. Ces paramètres entrent

simultanément dans la constitution des Signes. STOKOE confirme bien le principe de la

double articulation du Signe mais exclut qu'il soit construit de façon linéaire. Les

phonèmes se succèdent par concaténation alors que les paramètres de la constitution du

Signe sont produits simultanément. STOKOE complète son étude du niveau phonologique

de l’ASL par un système de notation. Les trois tableaux qui suivent reprennent les

propositions de notation de l’ASL de STOKOE.

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Les trois tableaux des chérèmes de l’ASL sont extraits de : STOKOE W., 1960, Sign

language structure in STUDIES IN LINGUISTICS, occasional papers 8 (Silver Spring,

MD : Linstok Press), pp 71-73,

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Les travaux de STOKOE seront le point de départ de nombreuses études sur l'ASL. Les

LS connaissent bien le principe de la double articulation, elles vont bénéficier d’un regain

d’intérêt de la part de la communauté scientifique des linguistes. 14WILBUR (1979) fait le point de ces recherches qui vont suivre à l’issue des travaux de

STOKOE :

« sociolinguistique (WOODWARD, 1973, 1979), changements diachroniques

(FRISHBERG, 1976), phonologie (FRIEDMAN, 1976 a,b), syntaxe (LIDDELL, 1977),

emprunts à l'anglais par la dactylologie (BATTISON, 1978), système des pronoms

(KEGL, 1976), gamme complète des sous-systèmes fonctionnant à partir des propriétés

indicatives des gestes et de leur acquisition (HOFFMEISTER, 1978), échanges

communicatifs entre sourds (KLIMA et BELLUGI, 1978, 1979) ». (WILBUR, 1979).

Ces études marquent le regain d’intérêt pour les LS mais elles nous interrogent sur l’aspect

tardif des recherches linguistiques sur les LS. Comment expliquer ce temps perdu?

Comment expliquer la mise à l’écart scientifique, institutionnelle, sociale des LS? Ce

retard flagrant en domaine anglo-saxon l’est encore plus en domaine français puisqu’il

faudra attendre 1979 pour lire un article dans les Etudes de linguistique Appliquée n°36,

article intitulé « Communication visuelle-gestuelle chez les sourds ». L’auteur de l’article,

Christian CUXAC, ne parlait pas alors de LSF. Son travail devait initier la recherche

linguistique sur la LSF dans un contexte institutionnel, social français hostiles à

l’existence même des langues signées. Les études linguistiques en France sont, à l’heure

actuelle, assez peu nombreuses. J’ai fait le choix dans ce cours de m’attarder sur le travail

de CUXAC pour reconnaître et rendre hommage à sa contribution décisive pour les

recherches linguistiques françaises qui devaient suivre.

Etudes linguistiques en France.

14 WILBUR R., 1979, Description linguistique de la langue des signes dans La langue des signes, LANGAGES n°56, Larousse, Paris, pp 13-34.

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CUXAC sera le premier linguiste français qui s'intéressera à l'histoire de la langue et de la

communauté des Sourds de France et à l'étude de la morphologie et de la syntaxe de la

LSF. Il est toutefois impossible de parler des études linguistiques françaises sans rendre un

autre hommage tout aussi appuyé à ceux que l’on n’appelait pas alors des linguistes mais

des grammairiens. Il s’agit de BEBIAN et de VALADE. Rappelons que l'étude de

R.VALADE (1854) peut être considérée comme l’une des premières tentatives de

description de ce que VALADE appelait « le langage naturel15 des signes ». STOKOE

connaissait et reconnaissait l'importance des recherches de VALADE, il a écrit la préface

de la réédition de l'ouvrage de VALADE en 1979 (nous devons cette réédition à YAU

Shun Chiu chercheur à l’EHESS de Paris) :

« First published in 1854, this work of Valade was begun earlier and intented as he says only for the teaching staff of the institute at Bordeaux. What convinced him to revise and issue it was a language situation (not unlike one at present) that lasted long enough so that Lambert in his dictionary of 1865 also attaches great signifiance to it. Valade presents this situation as a dilemna faced by an old friend who was attempting to help the tutor of two deaf brothers in a provincial village. This friend in a letter Valade quotes objects that the works of Degerando and Bebian others had recommended were not much help : He found Degerando too theoretical and Bebian counsels the strategy of letting the deaf pupils make up their own signs, wich the tutor then can investigate. The strategy of letting infants invent their own language without influence from any outside language was tried in ancient times, according to Herodotus ; but until very recent times no one has been able to reproduce the experiment. Valade and his friend would certainly have been interested in the recent research of Goldin-Meadow and Feldman (Sign Language Studies 8 [1975], 225-234), for it studies the gesture language invented by for deaf children, who were not exposed to sign language. But their language, though it seems to satisfy Bebian’s requirements by being natural, would have been of little use to Valade’s friend. The signs these children invented could be understood only in the immediate situation and by the persons with them. Valade’s friend wanted his deaf charges to make their way in their home village and even to enter the institute at Bordeaux ; that is, to communicate with educated deaf persons. Despite his dissatisfaction with sign language theorists, Valade’s correspondent shows an openness to language differences that is all to rare in any age. He writes : « I suppose that this language [of signs used by deaf persons] has, like latin, Greek, and Hebrew, its own particular syntax of constructions that are grammatical in its own terms and without which it cannot be understood. However, we are not familiar with this syntax, we haven’t a clue to these constructions ; how then can we get our pupils to understand them ? » In current terminology, the instruction carried on in the government schools in which Valade, Bebian, Lambert, and others worked, employed a contrived sign language. Begun by Épée, who called his inventions « methodical » signs used by deaf persons without formal instruction, this vocabulary of signs was greatly eenlarged by Sicard and later savants, until it contained the means of translating a great many French words and with them the concepts that they represented. Interestingly this translation was always in the one direction : Sicard’s work in lexicography, like Lambert’s of fifty years later, consists of alphabetical lists of French words followed by directions for producing the sign, or series of signs, needed to translate each word. All this was a splendid

15 Les langues naturelles sont spécifiques à l'espèce humaine, ce sont des instruments de communication, d'expression. Elles répondent aux propriétés universelles propres à tout langage humain. Les langues artificielles sont des constructions particulières créées par l'homme en utilisant les propriétés des langues (morse, codes...) ou des langages (mathématiques...).

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exercise in lexicography and etymology, because it was found early in the process that many French words could be translated into methodical signs by making a single, « simple » sign for each part of which the compound or complex word was composed. Valade commendably sought to bring this language game back to the original players, young deaf children, who possess of course no clue to the whole vocabulary of French, perhaps not to a single word, and who have not even yet acquired a vocabulary of naturel signs – or so it seemed to Valade’s country correspondent. Yau is to be commended also for bringing out this new edition of Valade’s work, because there is a remarkable similarity between the sociolinguistic situation Valade confronted and that confronted by those interested in the welfare and education of deaf people today. Contrived sign systems (no longer termed methodical but buttressed by even more psycholinguistic argumentation than Sicard and later inventors used) are proliferating. Yet shrewd scientific observers like Bergman, Ulfsparre and Ahlren in Sweden find that signed Swedish (i.e. use of signs for words in Swedish syntactical order) carries no understanding via Swedish, because the children have not yet acquired enough Swedish vocabulary and grammar. Adding spoken Swedish to the sign Swedish displays did not help either, because of the children’s hearing loss and because they had too little competence in Swedish to lipread the speakers. Signed Swedish, they found, carries not understanding via visible signs, since the contrived sign language uses signs unlike natural deaf signs in form, manner, and arrangement. On the other hand, teachers of the deaf, and those professing to speak for the hearing parents of deaf children, today are reiterating the complaint of Valade’s correspondent : Il is necessary to give a great deal of time to learning the natural signs of the deaf, but he had only an hour or two each day to give to the task. What Valade has to say about the semantics and syntax of natural sign language may help today’s theorists and those who instruct teachers of the deaf to realize that what seems to be the path of least resistance (for the parent and professional) may not be the best way to help the deaf infant acquire first, language – then French, English, or Swedish, as may be appropriate ». (William C Stokoe dans la préface de Valade, 1854)

Stokoe en signant la préface de la réédition de 1979 de Valade (1854) rendait un hommage non dissimulé à la justesse de l’ouvrage et à l’engagement de l’auteur pour la cause des sourds.

Rémi Valade. Etudes sur la lexicologie et la grammaire du langage naturel des

signes (1854)

Catégories de Signes Valade classe les Signes en trois catégories qui correspondent aux Signes simples,

complexes, circonlocutifs, arbitraires, naturels, quiescents ou actifs. Il reconnaît que son

classement n’est pas exhaustif. Observons la répartition des Signes selon ces trois

catégories

Première catégorie

Valade classe dans cette catégorie les Signes simples, les Signes composés (complexes,

circonlocutifs).

« Un signe simple lorsqu’il consiste en un geste ou en une suite non interrompue de gestes dont aucun n’éveille d’idée déterminée.

Manger, courir, maison, se traduisent par des signes simples

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Un signe est complexe quand il se compose de plusieurs signes simples n’ayant de rapport que dans leur ensemble avec la partie du discours qui les suit ou qui les précède.

Il est circonlocutif quand il développe, à l’aide d’une circonlocution, les diverses parties du sens que la langue parlée renferme dans un seul mot

Les signes de chaise, bûche, tableau sont des signes complexes ;

Ceux de guérir, respectable, voleur sont circonlocutifs.

Les premiers ont de l’analogie avec les mots composés tels que prie-Dieu, porte-mouchettes, garde-malade, etc.

Les seconds constituent de véritables péri-phrases. » (Valade, 1854, pp 30-31).

Deuxième catégorie

Valade classe dans cette catégorie les Signes naturels, arbitraires.

« Les signes sont naturels quand ils ont, avec l’objet de la pensée, un rapport de nature tel qu’il est impossible de se méprendre sur leur signification. Ils ont une valeur qui leur est propre et qu’aucune convention ne peut changer.

Les signes sont arbitraires quand ils n’ont pas de valeur propre et résultent uniquement d’une convention. Ne réveillant par eux-mêmes aucune idée, ils peuvent, sans inconvénient, passer d’une signification à une autre, en d’autres termes, revêtir toutes sortes d’acceptions. Ils sont au langage ce que les caractères de l’alphabet sont à l’algèbre.

Manger, boire, dormir, se réjouir, pleurer, se traduisent, dans le langage mimique, par des signes naturels.

Parce que, quand, nom, etc., par des signes arbitraires. » (Valade, 1854, pp 31-32).

Troisième catégorie

« On distingue facilement, dans les signes, deux éléments principaux, la position des organes 16et leur mouvement. Or ces deux éléments ne sont pas inséparables, et de là deux sortes de signes :

Les signes quiescents, résultant uniquement de la position donnée aux organes ;

Les signes actifs, produits par les organes en mouvement

Les signes Dieu, paresse, croix, loi, cœur, chou, soleil etc., sont de la première sorte ; ceux-ci : porte, poêle, livre, tourner, sauter, sont de la seconde. » (Valade, 1854, p 32).

Après avoir effectué ce premier classement, Valade se pose le problème de la saisie des

observations à visée descriptive. Comment saisir le Signe dans sa dimension spatio-

temporelle ? Notons que cette question est toujours d’actualité malgré les progrès

technologiques notamment dans le domaine de l’informatique et de la numérisation des

données filmées.

16 Les organes envisagés par Valade sont les mains, les doigts, les bras, les yeux, les sourcils, la bouche.

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« Ce qui frappe d’abord dans le signe, c’est l’attitude de celui qui le fait et les mouvements qu’il exécute. L’attitude et l’action sont en effet tout le signe. On s’aperçoit ensuite que ce n’est pas toujours le même organe qui se meut ; que les bras et les mains prennent un grand nombre de positions différentes ; que l’expression physionomique varie à chaque instant. On observe que l’organe en mouvement, particulièrement la main, décrit une grande diversité de lignes ; que le plan dans lequel le mouvement s’exécute est tantôt vertical, tantôt oblique ; que sa position varie beaucoup par rapport au corps ; que les gestes n’ont pas tous le même développement ; qu’il y en a de rapides, de lents, de prolongés, de brefs, etc., » (Valade, 1854, p 41).

Combinatoire et signes

Cette dernière citation est remarquable de justesse, elle rappelle la combinatoire complexe

mobilisée dans la réalisation d’un Signe. Nous retrouvons là les trois paramètres repris par

Stokoe dans son étude phonologique ainsi que d’autres éléments intervenant dans la

réalisation du Signe (expression physionomique, rythme, plans d’exécution des Signes).

Le repérage des paramètres entrant dans la réalisation du Signe s’avère être d’une extrême

richesse puisque Valade désignait sous les termes d’attitude et d’action les éléments

suivants :

« L’organe ou les organes des gestes

La disposition de ces organes

L’expression physionomique ». (Valade, 1854, p 41).

L’action envisagée dans la citation correspondait à :

« La direction qui engendre des lignes droites, brisées, convexes, circulaires, elliptiques, ondulées, etc. ;

Le plan quelquefois vertical, quelquefois horizontal, quelquefois oblique, dans lequel ces lignes sont décrites ;

La distance du corps et la hauteur à laquelle le mouvement s’exécute ;

L’amplitude du geste ;

La durée à laquelle se rattachent les circonstances de vitesse, de lenteur, d’interruption, de ralentissement, etc. » (Valade, 1854, pp 41-42).

Ainsi, 106 ans avant l’étude phonologique ou chérologique de Stokoe nous trouvons dans

l’ouvrage de Valade des indications précieuses sur les unités constitutives du Signe qui

dépassent de loin les trois classes de chérèmes de Stokoe. Il est intéressant de noter que

nombre de ces paramètres ne sont pas encore pleinement décrits dans les études

linguistiques contemporaines sur les LS.

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Les observations syntaxiques de Valade Valade consacre une partie de son ouvrage à la syntaxe de la LSF. Il nous livre une

définition de cette dernière qui devrait ravir les chercheurs actuels travaillant sur

l’iconicité des LS.

« La syntaxe a donc dans le langage mimique une extrême importance. Son objet est d’émettre et de disposer les signes dans l’ordre le plus propre à peindre exactement aux yeux, la scène réelle ou intellectuelle que la mémoire ou l’imaginaire nous retrace » Valade, 1854, p 91.

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Tableau comparatif de la construction mimique et de la construction française,

Valade, 1854, pp 162-163.

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Valade pose que la question de l’ordre syntaxique de la LSF présente des similitudes avec

le latin, le turc et d’autres langues orales, écrites. Il regroupe ses observations à la fin de

son ouvrage qu’il destinait aux pédagogues de l’Institut de Bordeaux. La récapitulation

qu’il opère comporte 25 points que nous reprenons ci-dessous dans leur intégralité :

1. « Le langage des signes n’a ni article, ni pronom, ni participe, ni conjonction, ni verbe substantif, ni voix passive.

2. Il supplée au pronom par le geste indicateur, au passif par l’actif, au verbe substantif par l’apposition. Si l’on veut insister sur l’affirmation, on fait suivre du signe vrai l’énoncé du fait.

3. Il n’a pas de cas et ne fait pas la distinction des genres.

4. Un signe accessoire ou la répétition du même signe détermine le nombre.

5. Le geste indicateur ou la direction du signe verbal caractérise la personne.

6. Le verbe mimique n’a d’inflexion que pour le mode et n’admet que trois temps.

7. Un signe spécial est rarement affecté au sens prépositif ; il résulte la plupart du temps de l’image ou s’absorbe dans le verbe, suivant que son objet est un rapport de situation ou un rapport de direction.

8. Il en est à peu près ainsi de l’adverbe : quand la modification qu’il exprime a rapport à la manière, il s’identifie presque toujours avec le verbe ou le qualificatif.

9. Les éléments du discours mimique, propositions ou signes, ne se disposent pas dans l’ordre où ils s’émettent.

10. L’émission et la disposition ont pour loi l’une et l’autre l’imitation de la nature, l’émission en ce qui concerne la succession des faits, la disposition en ce qui concerne la place que les objets occupent, et le lieu où les actes se sont accomplis.

En d’autres termes, les signes se succèdent dans l’ordre de causalité, ils se disposent de manière à reproduire le tableau de la nature. Les conséquences directes de la loi d’émission sont celles-ci :

11. Les circonstances de temps et de lieu s’énoncent généralement les premières.

12. Les qualificatifs, le signe qui répond à l’adjectif possessif et le geste indicateur, après le substantif auquel ils ont rapport.

13. L’adverbe après le verbe ou l’adjectif qu’il modifie.

14. Le verbe après son sujet et son régime soit direct, soit indirect.

15. Le régime avant le sujet à moins que le verbe ne renferme une idée de cause.

16. La préposition après les deux termes qu’elle met en rapport.

17. L’interjection à l’instant même où a lieu l’impression qu’elle révèle.

18. Le signe sur lequel repose l’interrogation toujours le dernier.

La disposition à son tour exige :

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19. Que les termes de la proposition soient rangés dans cet ordre : le sujet, le verbe, le régime direct, le régime indirect.

20. Que la préposition soit placée entre les deux termes devant le complément.

21. La locution conjonctive ou le signe conventionnel qui la représente, entre les deux propositions qu’elle met en relation.

22. Le signe de la possession, devant l’objet possédé.

23. Le geste indicateur, devant l’objet indiqué.

24. Le signe sur lequel repose l’interrogation, à la place que son objet, s’il était connu, occuperait dans la phrase positive.

25. Je complèterai cette récapitulation en rappelant que la manière de grouper les signes supplée, ou pour mieux dire constitue dans la mimique la syntaxe d’accord et la syntaxe de régime. » Valade, 1854, pp 172-175.

Ces observations lexicales et grammaticales (1854) nous rappellent, à regrets, la rupture, le

retard français dans la dynamique de recherche sur les LS, sur la LSF. La LSF à été

écartée de l’Institution scolaire à la fin du dix-neuvième siècle, cela marquera un coup

d’arrêt brutal pour les études grammaticales et pédagogiques portant sur cette dernière.

Avant de présenter l’étude de CUXAC, signalons l’existence des travaux de MOODY. La

grammaire de MOODY (1983) élaborée essentiellement dans la région parisienne, était la

seule description largement diffusée en France en introduction des dictionnaires d’IVT17

dans leur édition première. Sans enlever de sa qualité, elle était relativement sommaire et il

restait à vérifier dans quelle mesure les indications qu'elle nous donnait étaient valables

(dans son inventaire lexical) pour le reste de la France et de la francophonie. Elle posait le

problème de la normalisation de la LSF et de la prise en compte de la variation

linguistique. Le problème d'une communication signée non-homogène a d'ailleurs été posé

par MARKOWICZ (1980) qui précise que

« les membres de la communauté des sourds se servent entre eux de la Langue des Signes Française (LSF); mais pour communiquer avec des non-membres, ils utilisent un Pidgin Gestuel Français (PGF), une variété linguistique qui combine certains éléments de la LSF et d'autres du français. Ce PGF a une double fonction pour la communauté des sourds: il permet des interactions à l'extérieur de la communauté, tout en maintenant la barrière sociale qui protège son intégrité . La LSF et le PGF font partie du même continuum linguistique qu'on peut schématiser de la manière suivante:

17 IVT (International Visual Theatre). Info. générales : [email protected] Théâtre : [email protected] Stages LSF : [email protected] Site Internet: http://www.ivt.fr

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LSF Français écrit ou parlé

PGF

Toutes les variétés linguistiques représentées dans le schéma de la LSF au français font partie de la communauté des sourds, bien que pour un sourd particulier le PGF s'éloigne ou s'approche du français en fonction de sa connaissance de cette langue. »

Il s'agissait pour MARKOWICZ d'une situation de diglossie « classique » avec ce pidgin

comme variété prestigieuse puisqu'il était utilisé dans les situations formelles (conférences,

télévision) et pour converser avec les non-membres. Le cours de sociolinguistique de la

LSF reprend la définition du concept de diglossie et discute de l’existence d’une diglossie

sourde. Nous retenons ici l'idée de l'existence d'un continuum linguistique qui nous parait

tout à fait pertinente mais nous préférerons parler de réglage des modes pour indiquer qu'il

y a effectivement un déplacement au sein du continuum linguistique. Nous retenons aussi

l’importance de la variation lexicale qui s’explique, en partie, par le fort ancrage culturel

des LS dans les réseaux de sociabilité locaux, régionaux, par la continuité des pratiques

linguistiques locales malgré la disparition institutionnelle consécutive au congrès de

Milan.

L’étude de CUXAC.

CUXAC (1979) reprenant l'étude phonologique de STOKOE posera que la LSF a

« une syntaxe, une morphologie qui lui sont propres, un lexique qui est bien un système de valeurs, c'est-à-dire où le lien signifié/référent est arbitraire, ainsi que le lien entre signifiant/signifié, puisqu'on a montré que les langues des signes, aussi bien aux Etats-Unis qu'en France, sont doublement articulées, donc qu'elles possèdent un système de signifiants autonome; il s'agit bien d'une langue, (la distinction entre plan de l'énoncé/plan de l'énonciation existe, le sourd se parle intérieurement à soi-même en gestes, il se regarde parler devant une glace), et non pas un simple outil pédagogique. ».

CUXAC18 (1979) reprendra la proposition d'unités oppositives les chérèmes (du type

consonne/voyelle) aboutissant à une structure de type monosyllabique le kinème. Il

18 CUXAC C., 1979, "Communication visuelle-gestuelle chez les sourds", dans ETUDES DE LINGUISTIQUE APPLIQUEE, n°36.

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montrera que la LSF est une langue très flexionnelle. Par exemple dans la fonction Sujet

Verbe Objet qu'il préfère appeler Agent Action Patient.

« Les grands enseignent aux petits »

La façon de signer attestée sera

« Grands petits enseignent »

Si l'unité verbale s'oriente vers petits (grands est agent)

Si l'unité verbale s'oriente vers grands (petits est agent)

L'utilisation de l'espace a valeur syntaxique. De nombreux verbes connaissent une flexion

sur le modèle d'enseigner. (demander, présenter, voir, répondre...).

L’approche iconique

Plus tard, CUXAC19 développera longuement le concept d'iconicité qu'il définira dans un

premier temps comme suit :

« On définira l'iconicité comme le continuum d'un rapport entre l'appréhension pratique et perceptive d'expériences réelles et leur transposition dans un système symbolique ».(CUXAC, 1987, p18)

CUXAC note que les récits en LSF se composent d'éléments spécifiques, moins opaques,

plus facilement décodables par les récepteurs du message que ceux des autres activités

langagières. Les sourds de communautés linguistiques différentes abandonnent le lexique

standard de leurs langues respectives lorsqu'ils communiquent entre eux et ont recours à

des structures communes à toutes les langues des signes du monde. L’étude théorique de

l’iconicité des LS a évolué chez CUXAC au fil des ans. Dans un premier temps il

proposait un modèle statique qui proposait de repérer plusieurs niveaux d'iconicité.

Iconicité de premier ordre.

Il rangeait dans l'iconicité de premier ordre tous les éléments linguistiques qui se

substituent au lexique standard et commutent avec des unités nominales de ce dernier

comme par exemple :

Descripteurs.

19 CUXAC C., 1987, "Transitivité en Langue des Signes. Structure de l'iconicité", dans Centre de linguistique, travaux n°1, Université René Descartes, Paris.

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Les descripteurs consistent en une succession d'éléments minimaux concaténés. La

présence des descripteurs correspond dans une activité de récit à des énoncés qui

pourraient être transcrits en français par « c'est un... », « c'est l'histoire de... », « ça se

passe dans, ça se passe à... »

Spécificateurs.

Les spécificateurs de taille ou de forme sont composés simultanément d'une configuration

de la main ou des mains indiquant une forme de base, un mouvement et une orientation.

Le tout indiquant le déplacement de la forme dans l'espace, ou indiquant un emplacement

(endroit du corps ou espace neutre, espace devant le locuteur). Les descripteurs préludent à

deux types de structures fondamentales, les transferts spécialisés dans la construction de la

référence :

Transferts situationnels.

Le locuteur vise à reproduire, de façon iconique, dans l'espace situé devant lui les scènes

en quelque sorte vues de loin et qui figurent un déplacement spatial d'un actant du procès

de l'énoncé par rapport à un locuteur stable. La main dominée représente le locatif.

Exemple:

« Un animé humain tourne au coin de la rue »

La main dominée (gauche si l’on est droitier) est le mur, la main dominante figure l'action

en général le déplacement. On pourrait transcrire par « Il y a un (actant) qui... »

Le regard du locuteur aura une grande importance dans la pertinisation de l'espace et la

construction de la référence.

Transferts personnels.

Ces structures reproduisent, en mettant en jeu tout le corps du locuteur, une ou plusieurs

actions effectués ou subies par un actant du procès de l'énoncé, humain ou animal. Le

narrateur devient la personne, l'animal ou l'objet dont il parle. On pourrait parler de rôle ou

de prise de rôle. La multiplicité des combinaisons possibles des différents paramètres émis

en simultanéité et les possibilités iconiques pourraient aboutir à une multiplication des

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structures or 20CUXAC constate au contraire une homogénéisation des structures

possibles. Pour CUXAC les langues des Signes présentent des caractères communs:

- L'ensemble des phénomènes iconiques de premier ordre.

- L'ordre structurel:Localisant/localisé.

déjà là/nouveau

stable/déplaçable

du tout/partie

contenant/contenu

Iconicité de deuxième ordre

Ce type d’iconicité affecte surtout le vocabulaire standard. Concernant les éléments

nominaux, elle est principalement métonymique (la partie iconique saillante vaut pour la

totalité de l’élément représenté). Concernant les verbes, l’iconicité est principalement

métaphorique. Nous retrouvons, par exemple, dans cette catégorie les verbes représentant

l’activité mentale qui sont signées au niveau du crâne : [penser], [imaginer], [rêver],

[savoir]...

Iconicité de troisième ordre 21CUXAC range dans cette catégorie tous les éléments disparates qui ne rentrent pas dans

les deux premiers ordres d’iconicité. Leur seul point commun est que les éléments qui la

composent ne rentrent pas dans une reproduction-simulation de formes dans l’espace.

Voici quelques exemples envisagés par CUXAC 1993 :

« - les hypothèses mentales sont sous-tendues par un regard dirigé vers le haut, légèrement vague et lointain, sans que des signes standards comme [PENSER], [IMAGINER], [CROIRE], [SUPPOSER] soient effectivement réalisés ; - la permanence du point de vue du sujet de l'énonciation se manifeste entre autres par des hochements de tête : « oui oui oui oui, etc. » ou bien « non non non non, etc. » si le contenu du message est négatif ; le pluriel de certains signes (par exemple [personne]) s'effectue en répétant plusieurs fois le signe : - le temps de l'énonciation est fléché de l'arrière du locuteur (passé), vers l'avant (futur ; le temps de l'énoncé est non fléché et coupe perpendiculairement (de gauche à droite ou de droite à gauche) le temps de l'énonciation ;

20 CUXAC C., 1993, Iconicité et Langues des Signes dans, Faits de langue, pp 50-51. 21 CUXAC C., 1993, Iconicité des langues des signes dans Motivation et iconicité, FAITS DE LANGUE n°1, PUF, Paris, pp 47-56.

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- les degrés de proximité extra-linguistiques des rapports de possession. caractérisés par l'aliénabilité de l'objet possédé s'échelonnent selon une proximité structurelle linguistique concomitante entre possesseur et possédé ;;

- un ordre canonique d'apparition des signes : * localisant avant localisé.

* le fond avant la figure en cas de simultanéité d'actions ; - l'opposition verbo-nominale, dans le cas des signes mixtes, est marquée par l'ampleur du mouvement (verbe), la répétition à deux reprises d'un mouvement bref (nom) ; - de nombreuses relations syntaxiques sont indiquées au moyen de l'utilisation de signes sémantiquement « pleins » : [COUPER] (une action en interrompt une autre), [FINI] (marque de l'accompli), [TOUCHER] (relation d'expérience), [RESPONSABLE] OU [TAIRE] (marque agentive), [HABITUDE] (forme fréquentative) ; - les signes ayant obligatoirement une place assignée dans l'espace, celle-ci peut être réutilisée pertinemment, comme mise en mémoire, sans que le signe soit répété, par des pointages anaphoriques. I1 faut encore mentionner des pointages cataphoriques, des pointages sur le signe même (activités métalinguistiques), des pointages locatifs ou actanciels anaphoriques, la référence ayant été précédemment construite par la direction du regard (qui de ce fait a valeur déictique) sur la portion d'espace pointée ultérieurement. Pour la cohésion discursive, ces pointages, d'une très grande fréquence (nous en avons recensé environ 1 200 pour un enregistrement d'une heure), sont d'une importance extrême. Il faut tenir compte en plus de pointages que nous avons qualifiés de « légers » (non-pertinisation d'une portion d'espace, absence de tension de l'index), qui apparaissent soit brièvement avant le signe, soit en même temps que lui pour les signes effectués avec une seule main (la main dominée réalisant le pointage), et dont la valeur signifiée est fort proche du défini français. » CUXAC C, 1993, pp 50-51.

CUXAC pose que les différents paramètres émis en simultanéité sont porteurs de

spécification sémantique. Certains paramètres comme les gestes, la mimique et le regard

portent en plus une hyperspécialisation.

- Les gestes pour la construction du plan de l'énoncé.

- La mimique pour la manifestation du point de vue de l'énonciateur.

- Le regard comme révélateur d'un changement de registre ou d'acte de langage.

L’approche de CUXAC a théoriquement évolué à la croisée des approches fonctionnaliste,

sémantique, cognitive. Le modèle (que nous pouvions qualifier de statique dans la

distinction de trois ordres d’iconicité qui fonctionnaient comme des inventaires

approximatifs) s’est ouvert à l’étude des processus d’iconicisation. Cette ouverture rend le

modèle plus pertinent puisqu’il propose de saisir des dynamiques de transferts en œuvre

dans la construction linguistique signée.

CUXAC garde dans cette dernière proposition l’idée d’une prééminence de structures

fortement iconiques (SGI : Structures de Grande Iconicité) dans le processus cognitif

d’iconicisation. Ces structures sont selon CUXAC repérables dans toutes les LS.

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Schéma des bases communes au LS

Schéma visuel des résolutions similaires propres aux LS - © Cuxac (1996 :736)

Contact +

Contact -

Contact - -

A partir de ce tableau nous pouvons faire l’hypothèse que les LS nationales représentées

dans le schéma ci-dessus comporterait une base commune à toutes les LS (une possibilité

de mobiliser des SGI à visée illustrative) et expliquerait la possibilité de l’existence de LS

nationales liées aux éléments relatifs à l’histoire, à la culture, aux agencements sociaux de

chaque pays. Nous proposons que ce qui pourrait expliciter leur spécialisation en variété

nationale pourrait se représenter dans un axe vertical correspondant à des critères de

sociabilité plus ou moins marqués (comme par exemple, le contact plus ou moins

important avec la communauté sourde représenté ici par des indications horizontales).

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Le processus d’iconicisation se décline en une double visée (bifurcation) soit illustrative ,

soit non illustrative ou catégorisante. Le premier terme de la bifurcation (visée

illustrative) est dynamique, il mobilise les structures de transferts (dont nous avons parlé

plus haut). Le deuxième terme de la bifurcation (visée catégorisante) nous renvoie dans le

versant statique de la proposition. Nous y retrouvons les signes standards, génériques, la

dactylologie.

La bifurcation des visées distingue la visée illustrative (donner à voir tout en disant,

domaine sémiologique du comme çà) et la visée non illustrative ou catégorisante (dire

sans intention de donner à voir).

Nous nous demandons comment considérer la bifurcation dans le cas d’un énoncé en LS

qui panache des signes à visée illustrative et des signes à visée catégorisante : Que faire

des signes classés comme standards ou stabilisés qui se trouvent impliqués dans des

structures de transfert ? La question que nous nous posons ne doit pas nous faire oublier

qu’à l’heure actuelle le modèle sémiogénétique de CUXAC reste de notre point de vue le

seul qui appréhende les structures sémantiques, cognitives (morphologiques et

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30

syntaxiques) dans leur dynamique d’agencement linguistique. Le processus

d’iconicisation, repérable dans toutes les LS permet de dire, de catégoriser le monde. La

figure 1, ci-dessus, montre bien que l’un des termes de la bifurcation, la visée illustrative,

représente pour CUXAC l’élément moteur de la création linguistique dans les LS. Toutes

les structures de transferts se trouvent regroupées sous ce terme de la bifurcation des

visées.

« Toutes les langues permettent de construire des expériences, mais les langues orales ne font que le dire sans le montrer (sauf les cas d’ajouts gestuels : un poisson grand « comme ça », ou d’imitation posturale des personnages, ou d’imitation de voix dans des dialogues rapportés. Il en va tout autrement avec les langues des signes, ou la dimension du « comme ça » en montrant et/ou en imitant (comme si j'étais celui dont je parle, et quelles que soient ses actions) bref, en « donnant à voir » peut toujours être activée. J'ai appelé structures de « grande iconicité » les traces structurales résultant de la mise en jeu d'une visée iconicisatrice, lorsque la dimension intentionnelle du « comme ça » est présente, et ai regroupé fonctionnellement l'ensemble des structures de grande iconicité en opérations dites de « transfert » (Cuxac, 1985). Il s'agit d'opérations cognitives qui permettent de transférer, en les anamorphosant faiblement, des expériences réelles ou imaginaires dans l'univers discursif tridimensionnel appelé « espace de signation » (l'espace de réalisation des messages). Les structures de grande iconicité sont essentiellement attestées lors d'activités ciblées : - en premier lieu, dans le cadre de constructions de références actancielles spécifiques. De ce fait, elles sont massivement présentes dans 1'ensemble des conduites de récit : récits de vie, récits romanesques, récits de films, contes, histoires drôles, etc. - en second lieu, dans le cadre de constructions de références spatiales spécifiques. (localisation et déplacement d'actants par rapport à des repères fixes, relations tout-partie, descriptions de lieux, etc.) et, mais dans une moindre mesure, génériques. 22CUXAC C, 2003, pp 14-15.

Ce sont ces opérations de transferts que nous retrouvons dans la figure 1 (Schéma du

modèle sémiogénétique de CUXAC 2002). Dans le cadre de ce cours nous ne nous

attarderons que sur la définition des principales opérations de transferts reprises par

CUXAC depuis le début de ses recherches sur l’iconicité des LS. Les premières définitions

des opérations de transferts, que nous avons déjà fournies précédemment (correspondent

aux premières définitions avancées par CUXAC dans sa recherche sur les structures de

grande iconicité qui privilégiait l’idée de trois ordres d’iconicité) se trouvent perfectionnés

dans la réflexion théorique sur les processus d’iconicisation. Ces opérations de transfert

replacées dans le schéma nous permettent de comprendre que CUXAC a résolu le

problème de la catégorie « Iconicité de troisième ordre » qui se posait en inventaire non

opérationnel. Nous retrouvons ces opérations de transferts actualisées, en grisé, sur le

22 CUXAC C., 2003, Langue et langage : un apport critique de la langue des signes française dans La langue des signes, statuts linguistiques et institutionnels, LANGUE FRANCAISE n° 137, Larousse, Paris, pp12-31.

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schéma : TT : transfert de taille, TF : transfert de forme, TS : transfert de situation, TP

: transfert personnel , stéréotype TP: transfert personnel stéréotypé, DT : double

transfert.

Nous citerons CUXAC 2003 pour redéfinir ces opérations de transferts.

Transferts de taille (TT) et/ou de forme (TF).

« Ces structures permettent de représenter la taille et/ou la forme, partielle ou de lieux, d'objets, ou encore de personnages. Les gestes qui servent à figurer ces tailles et/ou ces formes dans l'espace de signation se composent : 1) d’une configuration de la main (ou des mains) indiquant une forme de base ; 2) d’un mouvement et d'une orientation de la main (ou des mains) signifiant le déploiement de cette forme dans l'espace ; 3) d’un emplacement de départ du déploiement qui peut être

a) soit un endroit du corps du locuteur, b) soit un espace neutre situé devant lui, c) soit un signe du lexique standard précédemment émis,

d) soit enfin, et c'est le cas le plus fréquent, la main dominée figurant une forme de base à partir de laquelle la forme décrite par la main dominante se déploie, par exemple : une forme tubulaire à partir d'une surface plate, ou une rangée de formes plates et verticales, ou encore un empilement, les unes dans les autres, de formes ,creuses et cylindriques. Voici un bref échantillon des formes auxquelles réfèrent ces configurations : « épais » (plus ou moins), sphérique, hémisphérique, carré, rectangulaire, oblong, tubulaire, vertical, long et plat, long et cylindrique, tordu, crochu, pointu, ras et dru, rayonnant, grillagé, en éventail, plat allongé, comme une petite boule, circulaire, etc. » L'inventaire restreint des configurations de la main peut, pour certaines d'entre elles, s'inscrire dans un continuum (si l'on songe, par exemple, aux différentes configurations de transfert de tailles figurant l'épaisseur). Le mouvement de la ou des mains qui rend compte du déploiement - au sens spatial, non temporel - de la forme dans l'espace (S'amenuisant, se terminant en pointe, sinueuse, plate et de cette taille-là, etc.) est par définition non discret. » CUXAC C, 2003, pp 14-15.

Transfert de situation (TS)

« Le locuteur vise à reproduire iconiquement dans l'espace situé devant lui des scènes qui figurent le déplacement spatial d'un actant par rapport à un locatif stable fonctionnant comme repère. La main dominée représente le locatif structurellement obligatoire, la main dominante figure l'action en cours d'accomplissement. a) L'action L'action effectuée par la main dominante s'inscrit dans un paradigme restreint de configurations ; le mouvement qui représente la nature du déplacement inscrit l'ensemble de la structure de transfert situationnel dans du continu. La configuration de la main dominante varie en fonction de la forme de l'actant qui effectue le déplacement. En voici quelques exemples : - main plate, paume vers le bas : pour une forme plate qui se déplace (par exemple, une voiture) ; - main plate sur la tranche avec un mouvement oscillatoire : pour le déplacement, par exemple, d'un poisson ; - index tendu vers le haut : pour le déplacement, par exemple, d'une personne ; - index et majeur écartés et tendus vers le sol : pour le déplacement, par exemple, une personne (en insistant sur le fait qu'elle marche) ; - index et majeur pliés, écartés, paume vers le sol : pour le déplacement, par exemple, un animal à pattes ;

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- index tendu, paume vers le sol, mouvement oscillatoire: pour le déplacement, par exemple, d'un animal ou d'un objet long et mince ; - pouce et auriculaire tendus et écartés, paume vers le sol : pour le déplacement, par exemple, d'un avion. b) Le locatif Les locatifs, seuls exemples de signes de la LSF à ne pas être inscrits dans un mouvement, consistent en une simple configuration de la main (dominée, en général) représentent un localisant stable. L'inventaire des configurations possibles est restreint et constitue un sous-ensemble des configurations transférant des formes. En voici quelques exemples : - l’index tendu vers le haut, locatif, est une forme verticale (par exemple, une personne debout) par rapport à laquelle une action de déplacement s'exerce; - le poing fermé, pouce replié sur les autres doigts, locatif, est une forme ronde, pouvant faire saillance terminale par rapport à une forme cylindrique, par exemple, tête ; - tous les doigts écartés et légèrement recourbés, locatif, est une forme sphérique. »

Transferts personnels

« Ces structures reproduisent, en mettant en jeu tout le corps du locuteur, une ou plusieurs actions effectuées ou subies par un actant du procès de l'énoncé : humain ou animal le plus fréquemment, mais ce peuvent être aussi des non-animés. Le narrateur « devient », pour ainsi dire, la personne dont il parle, jusqu'à, chez certains locuteurs, lui ressembler physiquement. Pour caractériser ces structures, les sourds utilisent un signe de leur langue signifiant approximativement « rôle » ou « prise de rôle ». À la différence des transferts situationnels, spécialisés dans des déplacements et des rapports de localisation, les transferts personnels sont à même de véhiculer la totalité des procès. L'action, spécifique, n'est envisagée que dans le cours de son accomplissement. Contrairement à de nombreux linguistes qui persistent à ranger ces formes linguistiques dans la pantomime, je maintiens qu'il convient de les intégrer dans les langues des signes pour au moins deux raisons. En premier lieu, des énoncés absurdes mais néanmoins dicibles en français comme « le chocolat mange le garçon » ne peuvent être traduits en LSF par les seuls signes et structures standards en raison de blocages sémantiques (non-animé = non agent) affectant certains verbes du lexique standard. Pour traduire un tel énoncé, le locuteur doit utiliser un transfert personnel et « devenir » le chocolat. De plus, les indices de changement d'actants transférés sont d'une telle finesse économique (fermeture des yeux, modification ultra-rapide de posture), qu'il n'y a aucun motif pour ne pas y voir des éléments linguistiques. (...) »

Stéréotypes de transferts personnels (stéréotype TP)

« La grande iconicité, au-delà des structures minimales que l'on vient de recenser, peut mener à plus de complexité :

- complexité structurale d'abord, avec les doubles transferts, structures combinant transfert situationnel et transfert personnel ;

- complexité interprétative ensuite, comme on pourra le voir avec l'examen des stéréotypes de transfert personnel ; (...)

Un ensemble de structures formellement semblables aux transferts personnels est constituée de gestes, de postures et de mimiques stéréotypiques culturels inspirés par l’observation de la vie quotidienne, la bande dessinée, le dessin animé, le cinéma, l'art pictural, la statuaire ; ainsi, se gratter la tête signifie la perplexité de l'actant, prendre son menton dans sa main, l'intensité de sa pensée, se frotter les mains, son contentement, lever ses bras au ciel, son impuissance, etc. Un exemple illustrera l'une des finalités de ces expressions : le narrateur, voulant représenter, en transfert personnel, la perplexité dubitative du personnage transféré, effectue une mimique

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correspondant à cette image en même temps qu'il se mord l'extrémité de l'index. Cela permet de diversifier, de sous-stratifier, de manière plus subtile et plus complexe, des états d’esprit très voisins (perplexité dubitative, perplexité songeuse, intense perplexité, doute, incertitude, hésitation lors d'une réflexion, etc.).

Parmi les stéréotypes de transfert personnel, on distingue deux grandes catégories : ceux dont on vient de parler, qui suggèrent un état physique ou mental du personnage transféré et qui ont pour origine des images fortement culturalisées, et ceux qui s'inscrivent dans des dialogues rapportés (transférés), basés sur la reprise d’attitudes stéréotypées (postures, mimiques, gestes plus ou moins conventionnalisés... ) attestées lors d'interactions dialogiques réelles dans le monde des entendants ou dans le monde des sourds. » (...)

DT : Double transfert

« Il s'agit de structures complexes combinant un transfert situationnel et un transfert personnel.

Le principe gouvernant les mouvements du regard du locuteur est identique à celui des transferts personnels : le regard est celui du personnage transféré. Cependant, par leur complexité, les structures de double transfert présentent une dissociation gestes, corps, regard, tout à fait intéressante.

Un premier type de double transfert permet de représenter une action effectuée en transfert personnel par rapport à un locatif stable, indépendant du corps du personnage transféré, et figuré par une partie du corps du locuteur (en général la main dominée). Par exemple, le personnage transféré, main dominante en saisie de forme mince (une clé contextualisée) ouvre une portière (main dominée plate sur la tranche) de voiture...

Un second type de double transfert a plus d'affinités avec les transferts situationnels, puisqu'il s'agit de représenter des actions de déplacements : par exemple, un actant se déplace par rapport au corps du personnage transféré fonctionnant comme repère et, dans ce cas-là, la main dominante en configuration d'action de transfert situationnel indique la nature du déplacement. » CUXAC C, 2003, p 19.

L’approche de CUXAC nous semble, à l’heure actuelle, la plus intéressante pour saisir les

structures et logiques sémantiques en LS. Nous signalons ci-dessous des recherches

doctorales qui empruntent l’approche de l’iconicité de CUXAC :

RISLER A., 2000, La langue des signes, langue iconique, Thèse de Doctorat, Université

de Toulouse – Le Mirail.

SALLANDRE M-A., 2003, Les unités du discours en Langue des Signes Française.

Tentative de catégorisation dans le cadre d’une grammaire de l’iconicité, Thèse de

Doctorat, Université Paris8 – Saint-Denis.

FUSELIER-SOUZA I., 2004, Sémiogenèse des langues des signes. Etude de langues des

signes primaires (LSP) pratiquées par des sourds brésiliens, Thèse de Doctorat, Université

Paris8 – Saint-Denis.

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Recherches linguistiques rouennaises

Les travaux de recherches rouennais sur la LSF sont sociolinguistiques. En début de cours,

nous faisions référence à l’étude sociolinguistique de la variation lexicale en LSF menée

par Cécilia Hutter en 2011 dans le cadre de sa thèse de Doctorat.

Cette thèse rouennaise intitulée « Études de la variation linguistiques. Approche

sociolinguistique » offre une étude remarquable de la question de la variation en domaine

français.

Nous vous livrons ci-dessous des extraits de la conclusion de la thèse de (Cécilia Hutter,

2011, pp 575-579).

« Concernant la reconnaissance, nous avons repéré des critères linguistiques et sociaux par lesquels les signes et façons de signer sont caractérisés, évalués. Qu'est ce qui fait que l'on reconnaît un signe ? Qu'est ce qui fait qu'un signe est « Pi Sourd » ? Qu'est-ce qui caractérise un « vieux signe » ? Qu'est ce qui permet de connoter un signe « vieux » ou « vieux signe » ? Les deux acceptions ne se confondent pas dans leurs emplois. Le « vieux signe » a traversé le temps qui, comme tous les usagers des langues ne le savent pas et ne le mesurent pas, est tout au relatif. Le signe figurant dans le dictionnaire des Frères de Saint-Gabriel partage avec le signe du grand-père le privilège d'être un « vieux signe ». Le « signe vieux » peut se comprendre dans un « signer vieux ». Le « signer jeune » des adolescents sourds d'aujourd'hui serait-il soumis de façon inéluctable à l’irrésistible outrage du temps? Le passage en désuétude a été analysé pour les LV, les LS n'y échappent pas dans notre analyse. La variation générationnelle fonctionne bien d'autant que la LSF est une langue de contact qui se transmet de génération en génération depuis des siècles. La langue véhicule les signes de son histoire, signes qui constituent un héritage, un patrimoine linguistique, culturel. La question de la transmission pour l'éducation des jeunes Sourds occupe une place centrale dans l'histoire des LS. Les signes en vigueur dans les établissements scolaires ont été repris puis transmis par des promotions d'élèves. La variation locale se reconnaît pour une école. On reconnaît les signes de Saint-Jacques, d'Asnières, de Chambéry, de Poitiers, de Rouen. La variation locale touche l'extérieur des écoles à l'échelle d'une ville mais au-delà d'une région. Des signes ont été identifiés comme « signes d'entendants », mais les principales caractéristiques pointées dans les productions langagières signées des entendants concernent l'expression corporelle. Ce rappel de l'hexis corporelle appelle un deuxième niveau d'analyse de la variation dans la compréhension des critères d'évaluation. La spécificité corporelle est associée à la spécificité linguistique dans la mobilisation de structures de grande iconicité. Le signe, marqué du sceau de l'iconicité, est affecté d'une marque d'authenticité qui le différencie du « signe entendant ». Un signe est « Pi sourd » par opposition à un signe qui ne l'est pas. Le signe iconique est doublé d'une inclusion de fait à la communauté « Pi ». Le signe n'échappe pas à des logiques de réalisation économique dans la gestion optimale du moindre effort et du respect de l'anatomie articulaire. La gestion spatiale, l'aisance, le rythme complètent la compréhension de ce qui fait le signe inscrit dans une stylistique gestuelle, corporelle marquée d'appartenance endogroupale. Nous avons noté que des activités langagières permettaient de moduler la réalisation iconique des signes selon le contexte énonciatif (conférence, théâtre, poésie, humour, conte) ou selon les compétences supposées en LSF de l'interlocuteur. Le registre iconique est investi au maximum avec des enfants, des apprenants de LSF, des personnes qui ne connaissent pas la langue des signes. Ce qui est intéressant, c'est que ce mouvement d'une base commune vers une hyper spécialisation ne fige pas la langue dans un standard (au sens non illustratif) mais génère de la variation sans entraver l'intercompréhension entre les locuteurs de la LSF. Des témoignages anciennement datés rappelaient ce point lors d'échanges possibles entre Sourds de nationalités

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différentes. L'ensemble des critères d'évaluation rappelés dans la reconnaissance (générationnelle, locale, régionale) et la compréhension (iconicité, styles) sont mis en perspective dans un troisième niveau d'analyse, l'explicitation de la variation dans sa dimension sociale. La conjonction de ces strates d'analyse de la variation éclaire l'existence de parcours de vie, de trajectoires individuelles, collectives (familiales, éducatives, sociales). Les luttes, les revendications, les enjeux scolaires, sociaux liés à l'existence de la LSF ont changé. Le dispositif législatif, les termes de la prise en compte éducative, sociale de la surdité ont changé. La langue porte la trace de ces changements dans la rencontre linguistique des générations. Avec la baisse de fréquentation des foyers de sourds, l'augmentation du nombre d'enfants qui suivent leur scolarité en intégration, la diminution des contacts entre les générations, les occasions d'échanger, de partager, de transmettre « peau » se raréfient. Les réseaux de sociabilité se sont modifiés : les jeunes aujourd'hui sont pour beaucoup scolarisés en intégration. Ceux qui sont inscrits dans des établissements pour enfants sourds ont un accès facilité à la langue des signes par rapport à ce qu'ont connu les sourds âgés pendant l'interdiction de la LSF. En dehors de l'école, les nouvelles technologies ont apporté, essentiellement aux jeunes sourds, les moyens de communication, de rencontres, tissant sur la toile un nouveau réseau de sociabilité « non peau », « virtuel ». Ce point sera repris plus bas lorsque nous évoquerons les enjeux de la variation en LSF. Le modèle de C. Cuxac nous a été utile pour comprendre les références nombreuses à l'iconicité dans notre corpus. Il nous a permis aussi de prendre notre distance de chercheuse dans l'analyse des témoignages qui plaçaient l'iconicité du signe en critère principal de reconnaissance ou qui évoquaient l'importance du caractère mimique dans l'expression signée. Ce qui est jugé iconique ou mimique n'est pas situé dans un cadre théorique précis dans les discours métalinguistiques analysés. Le schéma de C. Cuxac (1996) indiquant une base commune aux LS dans les structures de grande iconicité montre bien un mouvement de spécialisation (essentiellement lexical) des LS marquant les LS nationales, communautaires. Le mouvement vertical allant de la base commune des SGI au sommet du schéma correspond, selon nous, à une fréquence des activités linguistiques, culturelles, sociales inter groupales. Le schéma pourrait s'enrichir d'indicateurs sur l'axe vertical partant de la base qui aurait comme indicateur [contact - - -] et le sommet [contact + ++]. Pouvons-nous parler ici de registres d'iconicité qui permettraient d'adapter la communication signée aux prérequis en LSF des interlocuteurs, à l'expérience partagée de valeurs et réalités ? La variation apparaît essentielle au maintien des échanges et au devenir de la langue. La variabilité de la LSF lui permet précisément de s'adapter aux changements sociaux, politiques, culturels. La variation se révèle donc centrale, nécessaire à l'existence et à la survie de cette langue minoritaire et minorée. Elle est la marque de la vitalité d'une langue qui élargit son espace social, qui enrichit son équipement linguistique. Elle fait partie intégrante de la relation qui s'établit dans l'interaction entre des personnes porteuses d'une histoire singulière, particulière. Chacun des participants à l'interaction se dit en discours. Son discours est habité. La variation concerne la relation à l'autre, dans ses ressemblances et ses différences, dans ce qui rassemble et ce qui éloigne, dans ce qui unit et dans ce qui divise. Elle prend sens pour les acteurs sociaux dans leurs implications sociales, dans leurs appartenances communautaires, dans leurs interactions diverses. C'est bien parce que l'activité langagière tient une place primordiale dans les relations, dans la construction identitaire, que ce que nous disons et la façon dont nous le disons nous situe dans l'espace social, dans un mouvement permanent entre ancrage communautaire et trajectoire personnelle. Et parce que la langue est variable, riche, flexible et évolutive, elle offre aux locuteurs des possibilités multiples à la fois pour se dire soi-même et pour rencontrer l'autre. La communication ne se réduit pas au transfert d'un message d'un locuteur à l'autre mais elle engage à la rencontre des personnes avec leur histoire, leur identité, leurs appartenances sociales. Dans cet échange, la langue n'est pas un simple outil; au-delà du contenu du message, elle fournit des indices multiples sur la personne, son origine géographique, ses inscriptions sociales, son parcours, et la situe ainsi par rapport à l'interlocuteur. Les indices en discours font sens socialement parce qu'ils sont liés aux usages des groupes et des communautés, organisés dans l'espace social. La relation entre l'individuel et le collectif se révèle complexe puisque les groupes sont toujours composés d'individus divers dont les rapports s'organisent selon des dynamiques de

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divergence et de convergence. Cet aspect mouvant, évolutif est contrebalancé par des facteurs de stabilité qui permettent au groupe de fonctionner : les normes, la régulation confèrent aux productions langagières des membres d'un groupe une cohérence. C'est dans ce rapport dialectique entre le stable et le variable que la variation existe. Le risque est grand de ne prendre en compte que les particularités, ou à l'inverse que le commun, cela reviendrait à figer ce qui dans la l'évolution de la langue est en perpétuelle dynamique. Notre corpus nous a renseignée sur l'expression de trajectoires hétérogènes en socialisation langagière. Le choix d'un terrain parcouru par des points de vue variés, des signes différemment habités ne pouvait pas rendre une image homogène de la variation en LSF. Nous sommes allée sur le terrain, recueillir une parole vivante, une parole qui circule, et qui donne à voir le point de vue des usagers de la langue, premiers acteurs et concernés par la question de la variation en LSF. Les discours métalinguistiques que nous souhaitions recueillir se sont révélés pétris par les représentations des langues, les enjeux sociaux, identitaires, culturels, politiques vécus au quotidien dans l'expérience, les rencontres, à la croisée de discours dialogiques où les locuteurs individuels et collectifs se confondent. L'analyse de ces discours a nécessité une mise à distance, afin de nous permettre de situer la parole du terrain dans la réflexion générale sur la variation. La mise à distance a été nécessaire au niveau de nos propres représentations sur la LSF, les sourds. (…) La variation en LSF n'est pas sans lien avec les politiques éducatives successives mises en place depuis la fin du XIXème siècle. La relégation linguistique et sociale que nous avons évoquée dans la partie théorique explique en partie le développement d'une variation locale, régionale. La variation porte le poids d'une confrontation linguistique, d'une relation inégale entre sourds et entendants, d'un conflit linguistique avec le français. Dans ce contexte chargé, la place et le rôle des locuteurs de LSF entendants interroge. Leur légitimité est mise en cause dans les processus de création lexicale et de normalisation. La communauté sourde a permis à la LSF de surmonter les aléas de l'histoire, s'est mobilisé pour la défense, la reconnaissance de la LSF. Avec les récentes prises de position en faveur du développement de l'enseignement de/en LSF se pose la question des modalités de la diffusion sociale et scolaire de cette langue. La prise en charge affichée par le Ministère de l’Éducation Nationale de l'enseignement de/en LSF fait craindre que la langue n'échappe aux Sourds. Quelle sera la langue enseignée dans les établissements dirigés par des entendants ? Quelle sera la place de la variation dans cet enseignement ? Quels sont les enjeux de la prise en compte ou non de la variation dans l'enseignement ? Nous avons consacré une partie de notre réflexion initiale à ce qui s'est joué entre le français et les langues régionales pour comprendre le processus qui a conduit à l'imposition d'une variété linguistique au détriment des autres. Nous nous demandons si la situation actuelle de la LSF ne présente pas une certaine analogie dans la mesure où le patrimoine linguistique, fruit d'une variation importante en LSF, était le grand absent du débat portant sur la diffusion scolaire de la LSF. La question de la norme se pose presque exclusivement en évocation des enjeux de l'enseignement de la LSF. Nous pensions qu'elle serait plus prégnante dans les discours des locuteurs sourds, mais elle n'a été explicitement soulevée que par deux locuteurs très engagés dans la défense de la LSF. Les positionnements opposés de ces deux locuteurs révèle des enjeux multiples liés à la variation en LSF et à sa normalisation. Entre une normalisation perçue comme nécessaire pour la reconnaissance de la langue, et le respect, la valorisation des spécificités linguistiques, l'avenir de la langue se joue aussi dans les représentations. La diversité est défendue comme richesse indiquant que la variation n'est pas un sujet de préoccupation contrairement à la crainte que la LSF ne soit réduite par les entendants à un ensemble normé de signes standards. De ces deux points de vue, il ressort le souci de faire valoir la communauté sourde à travers sa langue, que ce soit en se conformant aux attentes sociales (celle des autres, les entendants, les institutions), ou en revendiquant ses particularités. » (HUTTER C, 2011, pp 575-579)

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L’extrait de la thèse de Cécilia Hutter confirme ces choix historique, théorique et

méthodologique rouennais pour une recherche sociolinguistique de la LSF effectuée pour

partie sur des corpus filmés a conduit à l’émergence d’une tendance mineure, à Rouen, la

recherche en langue.

« L’affinement des techniques de transcription de la LS ou des techniques informatisées d’analyse de l’image nous a finalement initié ‘a sacris’ à une prise en compte des structures et des formes avant d’envisager une analyse des discours dans une mise en rapport avec les agencements sociaux qui ont conditionné leur émergence. Cette expérience de sociolinguistes soumis à l’épreuve de l’interprétation sémantique dans le passage des langues nous positionne dans un réseau complexe de médiations théoriques et méthodologiques à l’intérieur des Sciences du langage ». (23SABRIA R, 2004, p 307)

Cette ouverture aux faits de langue de la recherche sociolinguistique rouennaise en LS

reste assez classique, dans le domaine des recherches en linguistique sociale.

« (…) notre objet premier est l’étude sociolinguistique de la LSF mais nous sommes convaincus que l’analyse des discours individuels et/ou collectifs produits par les locuteurs sourds passe par une compréhension préalable des caractéristiques structurelles, sémantiques de la LSF ». ». (SABRIA R, 2004, p307)

Je rappelais dans ce même article que nombre de concepts en sociolinguistique dont celui

de variation24 s’étaient enrichis des analyses en diachronie et synchronie de variables

phonologiques, syntaxiques, lexicales des communautés linguistiques étudiées. Cette

ouverture récente aux recherches en langue est aussi encouragée par l’arrivée dans le

groupe de recherche d’étudiants sourds motivés par des études portant sur des points de

description de leur langue. Nous pouvons fonder l’hypothèse que leur regard non exotique,

de l’intérieur, stimulera et enrichira nos travaux. J’ajoute, que travaillant sur une langue

que je décris comme minorée, il y a une forme de cohérence à accueillir favorablement les

études descriptives qui contribuent elles aussi à repousser du domaine linguistique les

effets de la minoration. C’est en ce sens que je pose que les diverses approches ne sont pas

en concurrence dans un domaine de recherche où la multiplication des travaux participera

à l’œuvre collective de relégation des lieux communs, des stéréotypes, des inexactitudes

dont la LSF a été copieusement l’objet. Je ne souhaite pas voir s’actualiser le débat qui a

23 SABRIA R., 2004, Recherches sociolinguistiques en langues des Signes. Genèse d’une double médiation dans Les médiations langagières, vol 1, DYALANG, Presses de l’Université de Rouen, pp 307-317. 24 LABOV W., 1966, The social stratification of english in New York city, Center for applied linguistics, Washington.

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agité la discipline, deux décennies durant (70/90), sur la question des rapports entre

linguistique et sociolinguistique. Ma position actuelle sur la question, dans le champ de la

recherche en LS, est qu’il y a diligence à envisager la nécessité de développer des études

linguistiques et sociolinguistiques qui se définiraient non pas par la différence de leurs

approches mais par leur complémentarité à faire avancer l’état des connaissances

scientifiques sur les LS et leurs locuteurs. Les chercheurs en Sciences du Langage qui

partagent mon terrain savent que cette position ne relève pas d’une forme d’œcuménisme.

Nous signalons plus bas (page suivante) des travaux de recherche présentés à l’Université

de Rouen. Ils constituent l’amorce de la complémentarité des approches pour ouvrir les

perspectives d’applications de la recherche dans le domaine social.

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Auteur(e)s, années, intitulés

Syntaxe BODET V., 1996, Le statut de la mimique faciale dans l’interaction en LSF.

BODET V., 1998Le statut de la mimique faciale dans l’interaction en LSF. Tentative de démarcation des éléments linguistiques et

non-verbaux.

GRISLIS E., 1999, Les signes du temps : de la pensée au geste, une approche de la cognition en LSF au travers de l’étude de la

temporalité.

GRISLIS E., 2000, Le langage et la structuration des processus cognitifs.

JAMIN V., 1999, Questions et interrogations en LSF. Les questions dites rhétoriques.

JAMIN V., 2003, Etude syntaxique de la question rhétorique.

MEDIN N., 2003, Typologie des procès en LSF. Analyse descriptive des énoncés en LSF lors d’activités narratives.

Sémantique TURC S., 1997, Le parcours du sens en situation d’interprétation de la LSF au français.

Lexicologie TOLLU I., 1999, Etude comparée des lexiques de la LSF et de l’ASL.

GUENET N., 1998, La métaphore dans les sèmes en LSF : Typologie, poétique et réception.

Phonologie TOLLU I., 2000, L’intonation en LSF.

Prosodie COMMENCHAL J., 2003, Prosodie dans les contes en LSF.

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Nous indiquons mais ne développons pas ici ces travaux qui d’une part restent parcellaires

et d’autre part nécessitent d’être solidement confirmés par d’autres travaux. Nous

indiquons que de l’ensemble une direction de recherches se dégage pour les années à

venir. Elle porte sur l’étude de la temporalité en LSF et correspond à une opération en

cours au sein du laboratoire DYALANG avec la collaboration de Laurent GOSSELIN25

qui est un chercheur confirmé sur les questions de temps et d’aspect.

Recherches linguistiques et positionnement éthique du chercheur en LS

Nous souhaitons conclure ce cours en nous arrêtant un instant sur quelques considérations

qui habitent le groupe de recherches linguistiques en LSF de l’Université de Rouen. Elles

sont relatives à notre positionnement, notre rapport au terrain de recherche que nous

privilégions. L’Université de Rouen a été la première université française a avoir mis en

place dès 1994 une filière d’enseignement linguistique avec option LSF. Des cursus

d’enseignement et de recherches sont depuis proposés aux étudiants de la licence au

doctorat. Un Master professionnel « Interprétariat en LS » est proposé à la rentrée

universitaire 2012/2013 (une promotion avait été préalablement ouverte de 2006 à 2008).

Les travaux de recherches du laboratoire de Rouen se situent dans le champ de la

sociolinguistique. Les problématiques de recherches privilégiées sont : la politique

linguistique et la LSF, l’acquisition de la LSF, la socialisation langagière, la normalisation

linguistique, technologies nouvelles et LSF. Quel que soit le type d’étude envisagée, les

chercheurs rouennais réfléchissent au positionnement éthique qui les lie à leur terrain de

recherche en affinant au fil des années un code déontologique de la recherche en LS. Les

quelques lignes qui vont suivre sont dédiées à ce point. Elles sont extraites d’un article26

au rapport complexe qu’entretient le chercheur avec un terrain difficile parcouru de

clivages, d’affirmations et de revendications identitaires paradoxales. Dès qu’il est

question de surdité, de handicap ou plus largement de différences, les positionnements

25 GOSSELIN L., 2001, Relations temporelles et modales dans le conditionnel journalistique, dans Le conditionnel en français, Université de Metz, Klincksieck, Paris, pp.45-66. GOSSELIN L., 1996, Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l’aspect, Duculot, Louvain-la-Neuve. 26 MADRAY-LESIGNE F, SABRIA R., 1996 , Questionnement social et handicap : une différence difficile à dire dans Le questionnement social, CAHIERS DE LINGUISTIQUE SOCIALE, Université de Rouen, pp 267-272.

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individuels et collectifs sont questionnés. Les articles qui suivront ce premier article

illustreront les réflexions sociolinguistiques rouennaises sur la LSF et ses locuteurs.

Article 1

Questionnement social et handicap : une différence difficile à dire

SABRIA Richard, MADRAY-LESIGNE Françoise, 1996, “ Questionnement social et

handicap : une différence difficile à dire ” dans RICHARD-ZAPELLA (Dir),

Questionnement social, URA 1164 CNRS, Université de Rouen, pp 267-272.

Parmi les terrains très divers susceptibles de donner matière à un questionnement

social, certains sont passablement encombrés alors que d'autres restent en friche. En

analysant la parole des aveugles et des sourds, leurs représentations discursives du monde

et leurs productions d'identité, nous avons choisi d'explorer l'un de ces terrains laissés en

friche, en Europe du moins, jusqu'à ces toutes dernières années. Défricher n'est jamais

chose facile, mais associer à un terrain l'épithète « difficile » constitue déjà pour nous

l'objet d'un questionnement théorique. Pourquoi appliquer aux handicapés physiques cette

catégorisation? Ne peut-on considérer que toute enquête de terrain se heurte à des

difficultés d'approche, de délimitation de champ, de recueil de données voire de

problématisation de l'objet de recherche. On aura compris que pour nous cela n'est pas si

simple. Enquêter sur les représentations linguistiques des aveugles et des sourds, c'est

enquêter sur une déviance, sur une déficience visible inscrite dans le corps des enquêtés et

perturbant le fonctionnement habituel de la communication verbale : ne pas voir à qui l'on

parle ou ne pas entendre ce qui est oralement dit affecte assurément les protagonistes d'une

interaction verbale. Les ajustements nécessaires pour neutraliser cette gêne ne vont pas de

soi.

E. Goffman (1963) a remarquablement montré qu'il s'agit là d'une forme de stigmate

impossible à cacher et socialement discrédité. On aborde ainsi un sujet quelque peu tabou

dans la mesure où il s'agit d'une matière qui interpelle le chercheur sain de corps et

d'esprit, conforme à l'idéal cartésien qui nous est si cher. Son investigation lui fait toucher

du doigt les menaces qui pourraient peser sur son intégrité physique comme sur son

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identité personnelle et sociale. Deux discours font écho à ce risque : " oh les pauvres ! vs

grand dieu ! si ça m'arrivait!" Mieux vaut en somme chercher ailleurs...

Nous ne présenterons pas ici d'analyses de corpus, mais les considérations qui vont

suivre mettent en rapport les thèses goffmaniennes avec notre double expérience de

terrain: une enquête sur les aveugles et la ville conduite par Françoise Madray- Lesigne

dans le cadre du programme CNRS PIR-VILLES et le recueil d'un récit de vie sous forme

d'entretiens semi-directifs filmés soumis à un long et délicat protocole d'enquête et

effectués par Richard Sabria dans le cadre de sa thèse, "Paroles de sourd".

Dire son stigmate.

Le stigmate physique renvoie à un certain type de relations en interaction verbale

entre le porteur du stigmate, l'enquêté dans le cas qui nous occupe et les stéréotypes

sociaux que lui renvoie son interlocuteur-enquêteur. On ne peut cacher bien longtemps que

l'on est sourd ou aveugle et cette marque visible fait de celui qui la porte un individu

discrédité. La sanction sociale d'un manque oppose aux gens dits normaux des déviants.

Ces derniers sont définis, en termes de stéréotype, comme des individus "pas tout à fait

humains"(E.Goffman:1963). Cette représentation entraîne pour les discrédités "toute sortes

de discriminations réduisant efficacement même si c'est souvent inconsciemment les

chances" de la personne ainsi traitée (Goffman:1963). La discrimination est repérable en

discours dans l'opération de dénomination des aveugles et des sourds. Les termes utilisés,

comme l'attestent les dictionnaires, connotent dans leurs emplois figurés et finissent par

dénoter: bêtise, brutalité, mauvaise volonté et communication impossible pour les sourds,

manque de discernement, démesure, confusion d'esprit et déraison pour les aveugles. On

glisse ainsi tout naturellement, si l'on peut dire, du handicap physique au handicap mental.

Ce processus, analysé par R. Sabria en ce qui concerne les sourds fonctionne selon le

même mécanisme en ce qui concerne les aveugles, dans un mouvement d'expansion du

stigmate.

Le processus d'élargissement du discrédit provoqué par ce type de stigmate

physique a des effets inattendus : certains opèrent une généralisation du handicap pour

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aboutir à une représentation globale d'inaptitude perceptuelle. On élève la voix pour parler

à un aveugle comme s'il était sourd ou on le soulève pour l'aider à franchir un obstacle

comme s'il était tétraplégique. Par compensation sans doute, on prête habituellement aux

aveugles comme aux sourds des aptitudes particulières: don pour la musique, divination,

sixième sens pour les aveugles, mémoire visuelle exceptionnelle pour les sourds, dons qui

ne laissent pas d'inquiéter, par leur étrangeté même. Face à cette image que la société lui

renvoie, le stigmatisé peut tenir un contre-discours, fait de valorisation du manque et de

revendication identitaire. Mais le plus souvent, cette confrontation à une normalité et à une

normalisation inaccessibles provoque une haine de soi (self-hate) qui rappelle le

fonctionnement de l'auto-odi décrit par Nynioles à propos des discours épilinguistiques

tenus par les usagers de langues minoritaires. Fait remarquable, comme dans le cas du

fonctionnement diglossique, les deux attitudes peuvent fort bien coexister.

Quelle que soit l'image que la société a du sourd ou de l'aveugle et quelle que soit

l'image que ces derniers se font de la société, il se constitue de fait deux communautés qui

sont contraintes par la vie sociale à avoir des contacts mixtes. Ces contacts sont à la fois

nécessaires et hautement problématiques, ce dont les normaux ne se doutent pas. Or, la

quasi-totalité des chercheurs appartient à la catégorie des normaux. Une des originalités de

notre recherche est d'intégrer, dans sa conception même, la dimension de mixité dans les

contacts intercommunautaires, puisque F. Madray-Lesigne est aveugle et que R. Sabria

n'est pas sourd. Mais dans cette entreprise, nous ne sommes, et c'est bien regrettable, que

l'exception qui confirme la règle.

Le face à face de la communauté dominante des normaux et des communautés très

minoritaires des aveugles et des sourds a des incidences fortes sur le fonctionnement de la

dialectique du même et de l'autre en discours. Le discrédité est rendu vulnérable dans la

mesure où sa présence parmi les normaux expose sans protection les blessures inscrites

dans son corps. D'où la mise en place de stratégies de barrières langagières, barrières du

non-dit, barrières d'agressivité, barrières de l'exhibition d'un contre-discours. Devant ces

barrières, les normaux adoptent en interaction verbale trois attitudes possibles:

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1/ La mélioration de l’interlocuteur : les propos tenus ou les questions posées

laissent entendre qu'il est extraordinaire au sens positif du terme. On lui assigne ainsi un

rôle de héros dont il se passerait souvent volontiers. Le normal se protège ainsi de l'image

dévalorisée qu'il connaît et redoute.

2/ La péjoration : on renvoie alors à l'interlocuteur en termes d'évidence la

dévalorisation du stéréotype communément admise et on l'invite à y adhérer. Les

expressions de pitié et de surprotection participent de cette seconde attitude. Ici encore le

normal se protège en invitant l'autre à lui confirmer une supériorité génétique génératrice

de supériorité sociale.

3/ La dépersonnalisation : elle consiste à traiter son interlocuteur en non-personne,

c'est-à-dire, au sens propre, à parler à sa place pour lui expliquer qui il est, quels sont ses

besoins et quelles sont ses possibilités. Le normal éclaire l'aveugle et prête sa parole au

sourd.

Pour éviter ces trois types d'écueil, aveugles et sourds ont, eux aussi, leurs

stratégies. Ils cherchent, par exemple, à se donner pour interlocuteurs des autres

compréhensifs qu'ils peuvent trouver du côté de leurs mêmes communautaires et/ou du

côté des autres initiés, c'est-à-dire des normaux qui, après un long stage probatoire, sont

identifiés comme non dangereux et donc fiables. Ces normaux-là, n'hésitons pas à le

reconnaître avec Goffman, sont des marginaux dans la mesure où ils ont pris de la distance

avec les stéréotypes sociaux dominants. De ce fait, les initiés ont à gérer la distance qu'ils

ont choisi d'établir entre eux et le reste de la communauté des normaux. Du point de vue

de son image sociale, il n'est pas neutre d'avoir pour mari, pour femme ou pour amis des

aveugles ou des sourds. A la stigmatophobie des normaux répond la stigmatophilie des

initiés.

Dans sa recherche de mêmes communautaires et/ou d'autres compréhensifs, le sourd

et l'aveugle sont soumis à une ambivalence d'appréciation sur leur stigmate. Elle entraîne

deux attitudes: la première consiste à dissimuler son manque: on fait comme si... Et cela

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peut aller du gommage momentané à l'atténuation systématique. A l'opposé se situe la

divulgation-exhibition des effets du manque. Selon les moments on revendique ou l'on

rejette ses mêmes communautaires. Mais l'ambivalence atteint aussi sa propre personne.

On en trouve une excellente illustration dans l'humour littéraire ou théâtral des aveugles et

des sourds qui est fait d'une ironie bien particulière.

Face à la complexité de ces relations intercommunautaires quelle sera la stratégie du

chercheur, sociolinguiste, sociologue ou psychologue ? Quel type de discours un

enquêteur est-il en mesure de recueillir ? Le discours du discrédit ? Un contre-discours ?

ou la dialectique instable et souvent douloureuse qui s'instaure entre ces deux discours,

entre enquêteur et enquêté ? Il est d'autant plus facile pour l'observateur de se tromper sur

le type de données qu'il recueille que la déficience physique est socialement sanctionnée

comme handicap. Devant cette difficulté, le chercheur peut occuper trois positions :

1/ Il peut, évidemment, ignorer tout ce qui précède et sous couleur d'objectivité

scientifique questionner son interlocuteur en se posant comme un autre entièrement

extérieur à lui, comme un étranger qui enquête sur la mise en mots d'une représentation du

monde qui lui est totalement inconnue. Ce faisant, il est au risque de recueillir, sans jeu de

mots, un dialogue de sourds, C'est-à-dire l'exact reflet du stéréotype à partir duquel il

parle.

2/ Le chercheur est en position d'initié, condition minimale nécessaire selon nous

pour recueillir, dans ce type de situation, des données sociolinguistiquement significatives

et exploitables. Il lui faudra alors être attentif aux pièges de la connivence.

3/ Il appartient aux mêmes communautaires, il est donc lui-même aveugle ou sourd.

Il s'agit presque aujourd'hui d'une hypothèse d'école mais dans une perspective d'avenir il

est bon d'en envisager les effets. Dans ce cas les interlocuteurs seront d'emblée sur la

même longueur d'ondes comme lorsqu'un linguiste analyse sa langue maternelle. Mais ce

n'est pas à dire que cette compréhension mutuelle soit sans écueil dans ses exhibitions

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comme dans ses censures. Car les destinataires de la recherche sont, en tout état de cause,

les autres.

Déontologie de l'enquête.

Nous avons jusqu'ici posé un parallélisme entre le statut des aveugles et des sourds

face à la dialectique du même et de l'autre infléchie par la présence de ce type de stigmate.

Il est temps d'introduire une différenciation forte qui a conduit à des structurations

différentes de ces deux communautés. Cette différence peut se mesurer dans l'écart dessiné

par deux formulations révélatrices. Au "monde des aveugles" répond et s'oppose le

"peuple des sourds". Quand on explore le monde des aveugles, si enquêteurs et enquêtés

n'usent pas des mêmes mots pour exprimer ce dire difficile, ils disposent au moins de la

même langue pour communiquer. Quand on observe le peuple des sourds, il faut

emprunter le passage obligé d'une autre langue, la LSF, dont le statut même est le lieu

actuel de la fracture identitaire entre sourds et entendants. Pour les aveugles, les voyants

sont des étrangers qui fascinent et repoussent, pour les sourds, les entendants peuvent

avoir un statut d'ennemi dont il faut se défendre à tout prix pour survivre en tant que

communauté ayant une langue et une culture spécifiques. Dans les deux cas le dévoilement

de l'identité sociale de l'enquêté est dangereux et douloureux dès qu'il rencontre la non

compréhension de l'autre.

Si nous rapportons ces remarques à la triple distinction que nous avons effectuée à

propos du possible positionnement des chercheurs, nous pouvons maintenant évaluer

risques et enjeux de l'interaction verbale à recueillir puis à analyser. Pour l'enquêteur

étranger, le risque est celui du reflet dans le miroir de ses certitudes. Pour l'enquêté, le

risque est d'être au bout du compte traité en non-personne. Et dans la mesure où ce

traitement lui est familier, il établira les barrières de défense maximale contre l'intrusion,

sur le peu de terre qui lui reste, du voyeur qui l'observe.

L'enquêteur initié, pour sa part, est au risque d'être pris au piège de son désir

d'identification à l'autre qu'il interroge. Il souhaite en général accéder à l'impossible statut

Page 47: Département des Sciences du langage et de la communication

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de même, tout en restant autre. Le réglage de la distance nécessaire, tant dans le recueil

des données que dans leur interprétation, doit être pour lui un objet constant d'attention. Il

s'agit en somme de n'en dire ni trop ni trop peu. Pour reprendre les termes de Propp, il est

confronté à une "épreuve", une "tâche difficile". Il est aussi au risque d'aller trop loin dans

la mise à nu des spécifications de la différence sur laquelle il enquête, au risque en somme

d'une intervention indiscrète sur les terres les plus intimes de l'autre. Le chercheur aveugle

ou sourd, quant à lui, échappe d'autant moins aux risques de l'initié qu'il en sait plus,

expérientiellement, sur les effets du stigmate dans la relation normaux/stigmatisés. Le

réglage de la distance est tout aussi délicat pour lui et peut-être plus même dans la mesure

où sa recherche touche, au-delà des corpus analysés, à une mise en cause de sa propre

représentation du monde et de la façon dont, avec des mots, il a construit son identité

sociale.

Quel que soit le cas de figure, dans des enquêtes de ce genre l'enjeu pour l'enquêté et

parfois même pour l'enquêteur est existentiel, Ce qui suppose une attention toute

particulière aux problèmes de déontologie. Nous choisirons pour illustrer ce point

d'analyser plus en détail les problèmes posés, par exemple, par une enquête semi-directive

sous forme d'entretien entre un enquêté sourd et un chercheur entendant. Deux éléments

sont à prendre en compte. Tout d'abord le passage obligé par une langue, la LSF qui est,

rappelons-le, le lieu d'un conflit linguistique opposant sourds et entendants sur le statut

linguistique et l'espace socio-culturel accordé à cette langue. La LSF est actuellement, au-

delà du conflit linguistique, le lieu de la fracture identitaire soumise à la pesée sociale du

handicap. Le deuxième élément à prendre en compte est l'histoire de la LSF et de ses

locuteurs qui permet de comprendre pourquoi et comment nous avons affaire à une

communauté linguistique et culturelle fermée sur elle-même. Les membres de la

communauté des sourds se sont constitués, en réaction à l'exclusion linguistique, culturelle

et sociale dont ils ont été victimes, en groupe minoritaire s'auto-excluant de l'organisation

linguistique et sociale française. Le corpus de R. Sabria comporte des discours de sourds

envisageant de ne se marier qu'entre sourds et d'avoir des enfants sourds ; des discours qui

préconisent une organisation du travail fondée sur le principe d'entreprises de sourds avec

Page 48: Département des Sciences du langage et de la communication

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exclusivement des employés sourds ou encore des écoles avec des élèves sourds et des

professeurs sourds.

Ces discours construisant un monde de sourds pour le peuple des sourds se signent

et s'écrivent en réaction au discours officiel qui, au nom de la nécessaire intégration des

sourds dans l'école et sur le marché de l'emploi, a refusé de reconnaître jusqu'à une date

récente l'existence et l'importance de la LSF dans l'élaboration linguistique et identitaire du

locuteur sourd. S'intégrer pour un sourd, selon les entendants, c'est prendre acte de sa

différence avant de tout mettre en œuvre pour la gommer. Certes le sourd n'entend pas,

mais qu'à cela ne tienne, il peut et doit parler, lire et écrire cette langue qu'il n'entend pas.

S'intégrer, c'est par exemple rejoindre une classe d'entendants et capter les informations

des professeurs, les remarques des élèves qui, comme on sait, sont pour la quasi-totalité

orales. Comment s'étonner de l'échec scolaire puis social des enfants sourds ? Comment

s'étonner que les sourds envisagent des écoles avec des professeurs sourds qui

dispenseraient leurs cours en LSF? Il s'agit pour eux de la revendication existentielle d'un

désir de communiquer, de se construire dans l'échange linguistique.

Pour recueillir du discours, l'enquêteur entendant est donc confronté à une autre

langue, la LSF, et à un terrain fortement clivé où les initiatives de ses mêmes, les

entendants, sont pour des raisons historiques suspectes aux yeux de l'autre qu'est son

interlocuteur sourd : nous faisons ici référence aux expérimentations médicales tentées sur

les sourds ou aux projets d'éducation/intégration/exclusion. Il est de plus confronté à un

autre type de difficulté: cette langue est non seulement minoritaire mais structurellement

différente des langues orales. C'est une langue visuelle-gestuelle. Les corpus sont donc

filmés. Comment analyser une langue qui se dit dans l’espace ? Les enquêtes effectuées

sur une langue orale peuvent être transcrites à l'écrit, ce qui pose déjà de délicats

problèmes méthodologiques et théoriques, mais comment intégrer dans l'analyse une

dimension spatio-visuelle et surtout comment penser le passage en transcription d'une

langue dont le message est émis en simultanéité à une langue dont le message est linéaire,

comme le français par exemple ? La transcription est en fait une traduction, soumise aux

déplacements de sens inhérents à cette forme de transposition.

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Autre problème infiniment plus délicat à résoudre : le corpus filmé révèle l'image de

l'enquêté, comment préserver son anonymat ? Lorsqu’il a déposé sa thèse R. Sabria a dû

faire jouer la clause de confidentialité pour que le corpus filmé ne soit pas consultable, et

ceci à la demande expresse de son interlocuteur qui, sans l'assurance de cet anonymat,

aurait refusé son témoignage. La dernière difficulté majeure est liée au fait que l'enquêteur

entendant est un autre communautaire. Pour pouvoir recueillir du discours, il doit être

connu et reconnu non seulement par son interlocuteur mais par la communauté à laquelle il

appartient, il ferait sinon figure de traître.

Nous voudrions souligner enfin que, dans ce type d'enquête, Le statut d'initié est

long à conquérir et crée des obligations. Nous citerons seulement les plus importantes à

nos yeux : ne pas dépasser les limites de la confiance dont on fait l'objet, en tant

qu'enquêteur, et respecter le non-dit de son interlocuteur ; garder face à lui sa liberté de

chercheur ; ne le traiter ni avant ni pendant ni après l'enquête comme un objet d'étude mais

comme un sujet à part entière. Autrement dit ne pas mesurer l'aune de cette relation à

l'aune d'une thèse.

Peut-être trouvera-t-on que nous nous posons trop de questions préliminaires et qu'il

n'est pas utile d'être si précautionneux pour entreprendre et pour réussir. La seule réponse

que nous puissions faire à cette objection nous est dictée à la fois par notre pratique de

terrain et, pour l'un d'entre nous, par une connaissance de l'intérieur du terrain à analyser.

Mais nous voudrions, en guise de conclusion, essayer d'éviter une méprise. Ces préalables

méthodologiques ne nous mettent nullement à l'abri des effets discursifs du stéréotype

dans les discours que nous recueillons. Ils nous permettent seulement de les repérer et, au

gré de la dynamique de l'interaction verbale, de les dépasser parfois.

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Article 2

Recherches sociolinguistiques. Genèse d’une double médiation

A présent nous proposons un article qui analyse, avec l’accord de l’auteure, le poème de

Chantal LIENEL intitulé FLEUR.

SABRIA R., 2004, Recherches sociolinguistiques. Genèse d’une double médiation dans

actes du colloque international La Médiation. Marquages en langue et en discours.

DYALANG, Presses de l'Université de Rouen.

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Recherches sociolinguistiques en langue des Signes Genèse d’une double médiation

Les recherches sociolinguistiques engagées depuis 1994 sur les langues des Signes,

désormais LS, au sein du laboratoire de recherches linguistiques de l’Université de Rouen

ont abordé l’étude du rapport homme langue et société en privilégiant les problématiques

liées d’une part à la socialisation langagière en première instance (la famille) et en

deuxième instance (l’école), d’autre part à la politique linguistique (place d’une langue, la

LSF et d’une communauté minoritaire, les locuteurs de la LSF, dans l’espace linguistique

français, institutionnellement monolingue depuis la fin du XIXème siècle). Cet ancrage

disciplinaire en sociolinguistique s’est toujours doublé d’une réflexion méthodologique

portant sur le recueil et l’analyse de corpus filmés en LS : éthique et déontologie du recueil

et de l’utilisation de l’image des informateurs sourds, types de transcription pour le

passage d’une langue visuelle-gestuelle à une langue auditivo-orale. L’affinement des

techniques de transcription de la LS ou des techniques informatisées d’analyse de l’image

nous a finalement initié a sacris à une prise en compte des structures et des formes avant

d’envisager une analyse des discours dans une mise en rapport avec les agencements

sociaux qui ont conditionné leur émergence. Cette expérience de sociolinguistes soumis à

l’épreuve de l’interprétation sémantique dans le passage des langues nous positionne dans

un réseau complexe de médiations théoriques et méthodologiques à l’intérieur des

Sciences du langage. Il sera question dans cet article d’un premier type de médiation que

nous qualifions d’intra-disciplinaire et qui consiste en l’ajustement nécessaire entre étude

de la langue (LSF) et étude du discours (en LSF). Le passage des canaux (du visuel à

l’oral) en analyse contextuelle déterminent les termes d’un deuxième type de médiation,

que nous qualifierons d’inter-codique, conditionné par la matérialité, la canalité des

langues en présence. En résumé, notre objet premier est l’étude sociolinguistique de la

LSF mais nous sommes convaincus que l’analyse des discours individuels et/ou collectifs

produits par les locuteurs sourds passe par une compréhension préalable des

caractéristiques structurelles, sémantiques de la LSF.

Les termes d’une médiation intra disciplinaire confèrent à notre démarche un ancrage

théorique et méthodologique (corpus vidéo, traitement de l’image) empruntant d’une part à

une linguistique de la langue et d’autre part à une linguistique du discours. Relativisons

Page 52: Département des Sciences du langage et de la communication

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toutefois cette acception de la démarche sociolinguistique qui accorde une place de choix à

la compréhension des faits de langue. Il ne s’agit pas d’une position intermédiaire mais

d’un rappel des études initiales de la linguistique sociale. Le concept de variation ne s’est-

il pas renforcé des analyses en diachronie et synchronie de variables phonologiques,

syntaxiques, lexicales observables dans les communautés linguistiques étudiées ?

A l’heure actuelle, la résolution de problèmes de linguistique générale portant sur les LS

s’inscrit dans un clivage des approches théoriques et méthodologiques. Nous trouvons en

aval de la définition d’une sociolinguistique qui ne néglige pas les apports d’une

linguistique de la langue l’affrontement de deux modèles d’analyses formelles des langues

signées. Le premier modèle se fixe comme cadre théorique strict les critères canoniques

définitoires des LO pour étudier les LS. Le second modèle questionne ces critères

généraux et adapte les outils descriptifs à la spécificité iconique, spatiale des LS. La

confrontation des approches n’a rien d’anecdotique dans la mesure où elle actualise des

débats portant sur certains principes Saussuriens tels que l’arbitrarité (LO) vs iconicité

(LS), la linéarité du signifiant de nature auditive (LO) vs la simultanéité du signifiant de

nature visuelle (LS). L’hypothèse théorique (correspondant à la deuxième approche) qui

consiste à poser l’existence de structures de transferts à visée iconicisatrice est défendue,

en France, par CUXAC, en opposition aux études phonologiques ou chérologiques

(correspondant à la première approche) menées aux Etats-Unis et au Canada à la suite des

travaux de STOKOE. Ces dernières démontrent bien l’existence de niveaux phonologiques

repérables dans la composition des unités signées mais s’avèrent limitées à ces stricts

niveaux. L’approche française représentée par CUXAC autorise, par l’étude des structures

de transferts, une compréhension satisfaisante des fonctionnements syntaxique et

morphologique des LS. Notre questionnement s’inscrit du côté de l’hypothèse qui pose

l’existence de systèmes dynamiques de gestion spatiale mobilisés en productions

linguistiques signées dans ce que CUXAC a initialement catégorisé selon trois ordres

d’iconicité avant d’envisager une analyse plus dynamique, non plus portant sur des

catégories ou inventaires formels mais sur des « processus d’iconicisation ». L’apport

récent de la linguistique cognitive dans le domaine des recherches linguistiques sur les LS

transcende ces oppositions d’écoles. L’intérêt de la prise en compte des schémas cognitifs

est évident dans l’étude des langues signées dans la mesure où ces schémas sont

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représentés dans l’espace de signation dessinant lors de la réalisation des procès des

structures topologiques aspectuelles et modales dans des chronologies de transferts

iconiques spatiaux. Les analyses de corpus en LS effectuées, au sein de l’UMR 6065

DYALANG, confirment bien l’importance de ces structures de transferts à visée

iconicisatrice, constitutives de l’architecture syntactico-sémantique des LS.

Le deuxième type de médiation auquel nous faisions référence correspond au passage d’un

code gestuel à un code oral et/ou scriptural. Nous faisons ici référence à l’opération de

passage, d’interprétation en français écrit de discours produits en LSF et ce en vue de leur

analyse sociolinguistique. Outre les problèmes théoriques classiques de la traduction nous

avons à résoudre les problèmes méthodologiques liés au recueil, au traitement de l’image

et de leur passage en français écrit. Nous avons là encore deux choix possibles dans la

résolution de ces problèmes. Le premier consiste à effectuer une transcription en français

écrit du discours en LSF puis d’en effectuer l’analyse. Le second choix consiste à ne

travailler que le corpus visuel en repérant le plus d’éléments possibles relatifs à des

structures (syntaxiques, morphologiques), des constructions sémantiques (temporelles,

aspectuelles, modales), à valider ou invalider. Le passage à l’écrit n’intervient alors qu’en

dernière instance dans la phase explicative décomposée en analyse de la langue pour une

analyse du discours. Observons le poème intitulé « La fleur », interprété par Chantal

LIENEL. Par l’étude de ce poème nous interrogeons plus largement la culture sourde, les

valeurs communautaires symboliques, idéologiques véhiculées dans un genre particulier

de discours en LSF. Nous visons l’étude du marquage en discours de l’un des éléments du

triptyque (langue, identité, culture) sur lequel s’appuie la communauté sourde française

depuis une trentaine d’années pour revendiquer la reconnaissance de son existence

linguistique et sociale. Le poème est construit sur une analogie entre la vie de la fleur et

l’existence de la communauté des sourds, de la culture sourde (cf Tableaux I et II). La

fragilité, la fraîcheur, la beauté inscrivent l’analogie dans une continuité positive par

opposition à l’indélicatesse du monde environnant qui représente une continuité négative.

L’analogie trouve ses limites dans une rupture temporelle dichotomique : la fleur

éphémère vs la communauté sourde éternelle, la fleur coupée meurt vs la communauté

sourde attaquée, divisée se regroupe pour renaître, pour durer. Le poème éclaire un pan de

la mémoire collective des sourds français oubliés des politiques linguistiques successives

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dans leurs affirmations et revendications identitaires, linguistiques et culturelles exprimée

en LSF.

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Interprétation du poète

F.L.E.U.R Pauvre fleur fanée,

Si belle, si rose,

si épanouie. Pauvre fleur fanée, Epanouie trop vite,

Trop touchée, Trop vite cueillie,

Fallait la laisser avec les siens. C’est une fleur si fragile. Attention à notre culture. Fragile comme la fleur.

Ensemble, consolidons le lien, Forgeons notre labeur, Gravissons l’échelle,

Ne nous écroulons pas. Nous ne sommes pas comme des fleurs,

Qu’on coupe pour en faire Un bouquet harmonieux, C’est joli à voir, mais...

Ça ne dure pas. F.LE.U.R. Mais nous

Nous continuons jusqu’à ce que Naissance s’ensuive

Transcription [Signes]

(Le poète pivote, main gauche tendue) (dactylologie) [F] [L] [E] [U]

[R] (tombe) [pauvre] [fleur] [se fane]

[toi] [couleur] [belle] [toi] [rose]

[toi] [épanouie]

[pauvre] [fleur] [se fane] [toi] [épanouie] [trop] [vite]

[touche] [touche] [touche] [touche] [coupe] [coupe]

[il faut] [laisser] [avec] [fleurs] (Le poète pivote) [fleur] [fragile]

[attention] [nous] [culture] [fragile] [comme] [fleur]

[venez] (3 fois + pivot) [suons] [progressons]

[tombons]

[nous] [non] [comme] [fleur] [coupe] (6 fois en pivotant)

[rassemble] [bouquet] [tout] [couleur] [belle] [voir] [mais] [vie] [non] [progresse]

(Le poète pivote, main gauche tendue) (La fleur pousse) [F] [L] [E] [U]

[R] (tombe) [mais] [nous]

[progressons] [fleurissons] [refleurissons] [épanouissons]

Page 56: Département des Sciences du langage et de la communication

56

Le tableau II qui représente la transcription des Signes est agrémenté de quelques

indications (Le poète pivote, main gauche tendue, la fleur pousse). Ces indications restent

précieuses mais largement insuffisantes pour saisir le sens du poème. Commence alors un

travail de saisie de toutes les indications spatiales mobilisées dans la succession des procès

linguistiques. Cette phase qui s’avère impossible à transcrire s’effectue lors d’un travail fin

sur l’image. C’est là que nous constatons l’importance des structures de transferts

auxquelles nous faisions référence plus avant. A titre illustratif nous en indiquerons trois

qui correspondent à leur ordre d’occurrence dans le poème (transferts I, II, III) et non à

une typologie de structures de transferts.

Figure 1

Transfert I (Le poète pivote, main gauche tendue)

Bras tendu, main tendue paume orientée vers le bas. Le regard est vague. Par cette position associée à une rotation sur elle-même le poète s’adresse au public. Ce mouvement sans activation du regard a une vocation phatique

Page 57: Département des Sciences du langage et de la communication

57

Figure 2 Transfert I

(Le poète pivote, main gauche tendue) A la fin de la rotation le regard se porte sur la main. On peut parler de déictisation de l'espace par le regard. Le revers de la main est affecté d’un locatif et d’un substantif que l’on pourrait rendre par « sur cette partie du sol », « sur cette portion de terre ». Ce type de transfert pertinise et restreint une portion d’espace sans référence anaphorique.

Figure 3

Transfert II Bourgeon

Le bourgeon (préparation du [F]) sort de terre (main gauche plate tendue).

Figure 4 Transfert II

[F] Croissance et éclosion du bourgeon, apparition des pétales.

Figure 5

Transfert II [L]

Plein épanouissement de la fleur.

Figure 6 Transfert II

[E] La fleur se fane, perte des pétales.

Page 58: Département des Sciences du langage et de la communication

58

Figure 7

Transfert II [U]

Il ne reste que la tige

Figure 8 Transfert II

[R] La tige se tord [U]⇒[R] puis tombe.

Il s'agit là d'une série de transferts sur configuration manuelle. Ces transferts portent sur

une succession d’unités non significatives, à savoir les lettres de l'alphabet manuel (F, L,

E, U, R) qui sont successivement investies d'un signifié et qui deviennent signifiants en

LSF. La succession et concaténation des 5 éléments signés (figures 3, 4, 5, 6, 7 8) produit

simultanément dans une traduction française, le substantif « fleur », et dans une

construction spécifique en LSF « le cycle de vie d’une fleur de sa naissance à sa mort ».

Ce procédé n'est pas sans nous rappeler le sonnet des voyelles de Rimbaud.

Alphabet dactylologique LSF Fig4 [F] Croissance et apparition du bourgeon Fig 5 [L] Epanouissement des pétales Fig 6 [E] La fleur se fane et perd ses pétales Fig 7 [U] Reste la tige droite Fig 8 [R] La tige se tord et choit. La fleur est morte

Figure 9 Rupture

[Fleur] [Chute] La tige est à terre. L’index gauche pointe brièvement la tige. Ce pointage de l’index (main gauche) est un marqueur d’accomplissement. La fleur est définitivement morte

Figure 10 Continuité

[Culture sourde] [Progression] La culture sourde s’inscrit dans la durée. L’index (main droite) part du sol et s’élève vers le ciel. Ce mouvement correspond à la réalisation d’un duratif, d’un marqueur d’inaccomplissement.

Ce marquage temporel en opposition (continuité/rupture) permet le passage analogique

de la fleur à la culture sourde. Les saillances iconiques caractéristiques du cycle de la

fleur, les tensions, les rythmes, les amplitudes vont constituer un paradigme commun à la

fleur et à la culture sourde.

Page 59: Département des Sciences du langage et de la communication

59

Figure 11

Transfert III Reprise du duratif (fig 10) main droite. Préparation main gauche du signe [naissance]

Figure 12 Transfert III

Maintien du duratif (fig 11 et 12) main droite associé au signe [naissance] main gauche. L’association correspond à la renaissance perpétuelle de la culture sourde qui a surmonté les aléas de l’histoire.

Figure 13

Transfert III [Fleurissons]

Le signe sera réitéré [Refleurissons]

Figure 14 Transfert III

[Epanouissons]

Le poète nous rappelle par cette construction analogique que la culture sourde vient de

la nuit des temps, qu’elle est belle, fragile, délicate mais surtout inscrite dans la longévité

et le renouvellement.

Nous voyons à travers ces exemples l’intérêt qu’il y aurait pour les chercheurs en LS à

cultiver une démarche réflexive dans les sens tracés par une double médiation dont nous

n’avons qu’esquissé les termes. En effet, comment étudier une langue minoritaire (LSF),

le poids des idéologies, des institutions sur son histoire, son existence, son devenir en

négligeant l’apport indéniable d’une linguistique non spécifiquement sociale pour une

meilleure interprétation et compréhension des énoncés et des faits de polysémie qui les

parcourent ? L’inverse est aussi vrai, quel serait le degré de validité des tentatives de

description, de modélisations qui ne se fonderaient que sur des lignes de postulats

maintenant parallèles les frontières de la langue et de la parole.

Page 60: Département des Sciences du langage et de la communication

60

Article 3

Distance dans l'enseignement et enseignement à distance d'une langue visuelle-

gestuelle. Le cas de la langue des signes française

Une réflexion sur l’enseignement de la LSF publiée dans la revue Distances et savoirs,

2010/3 (Vol. 8) intitulée « La distance dans l'enseignement des langues, frein ou levier ? »,

est consultable en ligne et téléchargeable en format *pdf sous le lien suivant :

https://www.cairn.info/revue-distances-et-savoirs-2010-3.htm

Régine Delamotte et Richard Sabria proposent un article intitulé « Distance dans

l'enseignement et enseignement à distance d'une langue visuelle-gestuelle. Le cas de la

langue des signes française » Les auteurs émettent des réserves sur la diffusion d’une

langue visuelle gestuelle à distance. Nous livrons un extrait de leur conclusion :

« La question de l’enseignement à distance de la LSF est donc pour nous, aujourd’hui, une question de recherche, dont on ne peut faire l’économie, avant de constituer en l’état une véritable ingénierie de l’enseignement. Il s’agit à la fois de dépasser les limites de la technique, les nécessités de la médiation interhumaine en interrogeant leurs articulations. La question est encore à l’étude avec comme piste de travail une combinaison de moyens techniques et humains, autrement dit, du matériel d’enseignement à distance, mais aussi des contacts par des rencontres Sans oublier le devoir, la nécessité pour la recherche d’interroger les acteurs de cette aventure : les apprenants et les enseignants (Sourds et Entendants). Cet aspect est en cours, nous y travaillons avec nos professeurs de LSF. Il guidera les propositions que nous pourrons faire pour, au-delà des multiples visages de la distance, donner la possibilité à des personnes entendantes de devenir des acteurs bilingues, bimodaux, biculturels, des passeurs entre deux communautés.(Delamotte R, Sabria R, 2010, pp 425-445). »

Page 61: Département des Sciences du langage et de la communication

61

Exemples de sujets d’examen proposés lors de sessions précédentes.

Sujet 1

Commentez la citation, ci-dessous

On partira de l’hypothèse qu’une bifurcation, déjà amorcée dans les langues des micro

communautés de sourds, s’est parachevée dans les langues des signes à histoire

institutionnelle longue, selon que cette iconicisation première va se mettre au service

d’une visée iconicisatrice ou non. (…) Ce que j’appelle visée iconicisatrice, si l’on prend

le cas de figure le plus simple d’une expérience passée réelle, correspond à des séquences

équivalant à : « voilà, ça s’est passé comme ça » – et que l’on montre en disant ; « c’était

dans une pièce qui est comme ça » – et que l’on montre en la décrivant, « où un

personnage fait comme ça… » – et que l’on montre en l’imitant (…)

Toutes les langues permettent de reconstruire des expériences, mais les langues orales ne

font que le dire (sauf les cas d’ajouts gestuels : un poisson grand « comme ça »,

d’imitation posturale de personnages, ou d’imitation de voix dans des dialogues

rapportés), sans le montrer. Il en va tout autrement avec les langues des signes, où la

dimension du comme ça en montrant et/ou en imitant (comme si j’étais celui dont je parle,

et quelles que soient ses actions) bref, en donnant à voir peut toujours être activée. (…)

J’ai appelé structures de grande iconicité les traces structurales résultant de la mise en

jeu d’une visée iconicisatrice, lorsque la dimension intentionnelle du comme ça est

présente, et regroupe fonctionnellement l’ensemble des structures de grande iconicité en

opérations dites de transfert (Cuxac, 1985). Il s’agit d’opérations cognitives qui

permettent de transférer, en les anamorphosant faiblement, des expériences réelles ou

imaginaires dans l’univers discursif tridimensionnel appelé espace de signation (l’espace

de réalisation des messages).

Cuxac C, 2001, Les langues des signes : analyseurs de la faculté de langage dans Les

Langues des signes : une perspective sémiogénétique, AILE 15, pp.11-36

Page 62: Département des Sciences du langage et de la communication

62

Sujet 2

Commentez la citation, ci-dessous :

« Une forte majorité du lexique de la LSF présente des caractéristiques iconiques. On

faitl’hypothèse que l’évolution signifiante de ce lexique est limitée par le jeu d’une

contraintede maintien d’iconicité et d’une contrainte de compatibilité iconique. Ce

phénomène ne permet donc pas d’assimiler théoriquement les unités sublexicales de la

LSF à des équivalents de phonèmes. La compositionnalité lexicale relève en fait d’une très

dense organisation morphémique qui donne lieu à une analyse morphophonétique où

l’iconicité s’avère être une donnée structurante. »

CUXAC C, 2000, Compositionnalité sublexicale morphémique iconique en langue des

signes française dans Recherches linguistiques de Vincennes n°29 , pp. 55-72.

Sujet 3

Présentez l’étude phonologique de l’ASL (American Signe Language) de STOKOE W.

Quelle est l’importance de cette étude dans les recherches linguistiques en langues des Signes ?

Page 63: Département des Sciences du langage et de la communication

63

Sujet 4

Commentez la citation, ci-dessous

On partira de l’hypothèse qu’une bifurcation, déjà amorcée dans les langues des micro-communautés de sourds, s’est parachevée dans les langues des signes à histoire institutionnelle longue, selon que cette iconicisation première va se mettre au service d’une visée iconicisatrice ou non. (…)

Ce que j’appelle visée iconicisatrice, si l’on prend le cas de figure le plus simple d’une expérience passée réelle, correspond à des séquences équivalant à : « voilà, ça s’est passé comme ça » – et que l’on montre en disant ; « c’était dans une pièce qui est comme ça » – et que l’on montre en la décrivant, « où un personnage fait comme ça… » – et que l’on montre en l’imitant (…)

Toutes les langues permettent de reconstruire des expériences, mais les langues orales ne font que le dire (sauf les cas d’ajouts gestuels : un poisson grand « comme ça », d’imitation posturale de personnages, ou d’imitation de voix dans des dialogues rapportés), sans le montrer. Il en va tout autrement avec les langues des signes, où la dimension du comme ça en montrant et/ou en imitant (comme si j’étais celui dont je parle, et quelles que soient ses actions) bref, en donnant à voir peut toujours être activée. (…)

J’ai appelé structures de grande iconicité les traces structurales résultant de la mise en jeu d’une visée iconicisatrice, lorsque la dimension intentionnelle du comme ça est présente, et regroupe fonctionnellement l’ensemble des structures de grande iconicité en opérations dites de transfert (Cuxac, 1985). Il s’agit d’opérations cognitives qui permettent de transférer, en les anamorphosant faiblement, des expériences réelles ou imaginaires dans l’univers discursif tridimensionnel appelé espace de signation (l’espace de réalisation des messages).

Cuxac C, 2001, Les langues des signes : analyseurs de la faculté de langage dans Les Langues des signes : une perspective sémiogénétique, AILE 15, pp.11-36

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Table des Matières

Table des matières

ÉTUDES LINGUISTIQUES ET SOCIOLINGUISTIQUES SUR LA LSF ....................................................................... 1

INFORMATION ................................................................................................................................................. 1

Glossaire des abréviations et typographies particulières rencontrées dans le cours. .................................. 1

L’ HERITAGE FRANÇAIS DU XIX EME SIECLE. ..................................................................................................... 2

L’ EXCLUSION SCIENTIFIQUE DES LS. .............................................................................................................. 6

L’ ETUDE PHONOLOGIQUE DE STOKOE ........................................................................................................ 10

ETUDES LINGUISTIQUES EN FRANCE. ............................................................................................................ 14

Rémi Valade. Etudes sur la lexicologie et la grammaire du langage naturel des signes (1854) ................ 16

L’étude de CUXAC. ..................................................................................................................................... 23

Recherches linguistiques rouennaises ......................................................................................................... 34

Recherches linguistiques et positionnement éthique du chercheur en LS ................................................... 40

Questionnement social et handicap : une différence difficile à dire ........................................................... 41

Recherches sociolinguistiques. Genèse d’une double médiation ................................................................ 50

RECHERCHES SOCIOLINGUISTIQUES EN LANGUE DES SIGNES ................................................. 51

Distance dans l'enseignement et enseignement à distance d'une langue visuelle-gestuelle. Le cas de la

langue des signes française ......................................................................................................................... 60

EXEMPLES DE SUJETS D’EXAMEN PROPOSES LORS DE SESSIONS PRECEDENTES. ............................................ 61

Sujet 1 .......................................................................................................................................................... 61

Sujet 2 .......................................................................................................................................................... 62

Sujet 3 .......................................................................................................................................................... 62

Sujet 4 .......................................................................................................................................................... 63

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 64

TABLE DES MATIERES .................................................................................................................................. 72