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8/18/2019 OpinionsDZ_01-Islam Et Démocratie_MALEK BENNABI
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Islam et démocratie (1/2) Séparément, ces deux concepts Islam et démocratie ne posent aucun problème.
Chacun a son sillage propre dans les événements qui marquent notre époque. Mais,
ensemble ils posent le problème de la liaison implicite qu’on établit entre eux. Qu’est ce
que l’islam ? Qu’est ce que la démocratie ?
A propos de l'Auteur
Malek Bennabi in http://oumma.com/7650/islam-democratie-12
Malek Bennabi est né en 1905, à Tebessa, dans l'est algérien. Il poursuit une scolarité à Constantine au moment oùcommence l'activité du mouvement des Oulémas avec le cheikh Abdelhamid Ben Badis (...)
Séparément, ces deux concepts Islam et démocratie ne posent aucun problème. Chacun a
son sillage propre dans les événements qui marquent notre époque. Mais, ensemble ils
posent le problème de la liaison implicite qu’on établit entre eux. Qu’est ce que l’islam ? qu’est
ce que la démocratie ?
On connaît avec précision la date d’apparition du terme "islam" dans la langue arabe. Il date
certainement de l’ère coranique, puisque le Coran attribue textuellement la formation du terme
"musulman" à l’oracle de l’ancêtre Abraham qui aurait désigné sous cette appellation les futursadeptes de la religion de son descendant Mohammed. Par contre, on connaît moins bien
l’histoire du terme "démocratie" en tant que néologisme de la langue arabe. Il est toutefois
évident qu’il appartient à l’époque moderne puisque l’arabe classique l’ignore jusqu’à Ibn-
Khaldoun. Sa morphologie même atteste qu’il lui est étranger. Mais si on remonte sa
généalogie dans sa langue maternelle (Le Grec), on le trouve mentionné pour la première fois
dans un discours de Périclès aux Athéniens. Du moins si on table d’après Theycidide,
l’historien de l’antiquité grecque. L’Islam et la démocratie désignent, chacun de son côté, trop
de choses à la fois. Il convient de les réduire à leur plus simple expression pour faire le
rapprochement qui peut être fait entre eux après une telle simplification.
Qu’est-ce que la démocratie dans sa plus simple expression ? Un dictionnaire de langue
française indique la signification étymologique du mot. Celui-ci désigne "le pouvoir de la
population". De l’autre côté, qu’est-ce que l’islam dans sa plus simple expression ? Le
prophète lui-même quand la question lui fut posée dans les circonstances qui sont rapportés
dans "un hadith" célèbre mentionné par les plus hautes autorités de la tradition, par Muslim,
Tarmidhi, l’imam Ahmed et par Boukhari. Voici le texte de ce hadith, d’après Abu Houreira. Le
prophète se trouvait un jour avec des gens quand un homme vint à lui et demanda :"qu’est
que l’Islam ?". Le prophète répondit : L’Islam consiste en ce que tu crois en Dieu sans rien lui
associer, que tu pratiques la prière, que tu verses l’aumône légale, et que tu pratiques le jeûne
du Ramadan..." Tels sont, enfin de compte, les deux éléments du problème. Il s’agit de voir si
un rapprochement peut être fait entre eux après cette simplification systématique.
Dans cette simplification simplifiée, il est clair que le terme Islam désigne un ensemble de
"devoir" de l’homme tandis que le terme démocratie un ensemble de "droits". On aboutit
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apparemment à une anti-thèse où un terme semble la négation de l’autre. Il y a donc une
certaine difficulté à rapprocher les deux termes. Cela ne provient pas de leur contenu respectif
mais de la manière de l’exprimer. La signification littérale de la démocratie, c’est à dire celle
qui correspond au sens commun qui est celui d’un simple dictionnaire forcément inspiré de la
tradition démocratique française et d’un néologisme qui fut lui même le produit linguistique de
cette tradition dans la langue arabe. En, fait la tentative de définition de la démocratie,
indépendamment de tout schéma linguistique et de toute liaison à priori entre elle et un
concept quelconque comme l’Islam. Il faut essayer de considérer la démocratie d’après un
schéma anthologique. Pour cela il faut établir le cadre de ses généralités.
Dans un tel cadre, la démocratie doit être considérée à un triple point de vue ; comme
sentiment envers soi, comme sentiment envers autrui, comme ensemble de conditions
sociales et politiques nécessaires pour la formation et l’épanouissement de pareils sentiments
chez l’individu. Il est en effet évident que la démocratie ne peut se réaliser en tant que fait
politique par exemple en tant « que pouvoir des masses », si elle n’est pas imprimée dans
l’individu qui constitue ces masses son "moi", si elle n’est pas d’abord imprimée dans son «
moi » dans les structures de sa personnalité, si elle n’existe pas dans la société comme un
ensemble de convention, d’habitudes, d’usages, de traditions. La démocratie estl’aboutissement d’une culture, le couronnement d’un humanisme, c’est-à-dire d’une certaine
évaluation de l’homme à son échelle personnelle et à l’échelle des autres. La fameuse
déclaration des droits de l’homme et du citoyen par exemple fut le couronnement mystique et
politique de la révolution française. D’ailleurs la réalité intrinsèque du sentiment démocratique,
bien que masquée ci-dessus, quelque peu par des données européennes qui ne sauraient se
répéter dans l’histoire des autres races et des autres peuples, apparaît néanmoins sous cette
enveloppe quand on exprime les faites, non plus en terme d’histoire ou de politique, mais en
termes de psychologies et de sociologie.
Le sentiment démocratique en Europe fut l’aboutissement normal d’un double courant culturel,le résultat d’une libération de l’esprit par la réforme, et de la raison et du goût par la
renaissance. Voilà sa signification historique, c’est-à-dire la signification qui n’est pas
transposable hors de l’histoire européenne. Mais dans tout processus de démocratisation, en
Europe ou hors d’Europe, le sentiment démocratique est une certaine limite psychologique au
dessous de laquelle apparaît le sentiment de l’esclave et au dessus de laquelle apparaît celui
du despote. L’homme libre, le citoyen d’une démocratie est une affirmation entre ces deux
négations. C’est donc la réalité intrinsèque à laquelle on peut référer n’importe quel processus
de démocratisation. Et elle s’insère entre deux autres réalités qui la bordent et constituent en
quelque sorte ses « négatifs », c’est-à-dire la négation du « moi » chez l’esclave et la négation
de « l’autre » chez le despote. L’image psychologique de l’esclave, notamment dans l’homme
qui rit de Victor Hugo, où les conseils que le personnage Ursus donne à Givnyplaine sont des
conseils à un esclave :"il y a , dit-il, en effet, une règle pour les grands, ne rien faire et une
règle pour les petits, ne rien dire. Le pauvre n’a qu’un ami le silence. Il ne doit prononcer
qu’une monosyllabe : Oui. Avouer et consentir c’est tout son droit. Oui, au juge, oui au roi. Les
grands si bon leur semble, nous donnent des coups de bâton, j’en ai reçu, c’est leur
prérogative et ils ne perdent nullement de leur grandeur en nous rompant les os..."
On voit dans cet exemple que pour Ursus, le meilleur parti à prendre c’est de consentir et de
dire oui à tout mais nous voyons combien le "oui" dans sa bouche exprime la "négation" desoi, c’est à dire la négation de fondement même de la démocratie en l’être humain.
Le processus de démocratisation doit donc éliminer toutes ces tendances antidémocratiques,
en réduisant chez l’un les penchants à la servilité, chez l’autre les penchants au despotisme.