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8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
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BIBLIOTH?QUE
D'
HUMANISME
ET
RENAISSANCE
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8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
3/197
Tirage
limit?
? 360
exemplaires
Exemplaire
N?
R?imprim?
avec
l'autorisation
e
la
Librairie
roz
S.A.
et
de
Mademoiselle
E
Droz
par
Librairie roz SA.
Slatkine
Reprints
Swets
Zeitlinger
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8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
4/197
BIBLIOTH?QUE D'
HUMANISME
ET
RENAISSANCE
TRAVAUX
DOCUMENTS
Tome
IX
LIBRAIRIE E.DR02
GEN?VE
1947
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
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LA
R?VISION
DE
LA BIBLE
PAR
ALCUIN
Au seuil de cette contribution ? l'histoire de la Renaissance ca
rolingienne,
on ne
saurait
mieux faire
que
de
reproduire
les
lignes
suivantes
du
R.
P.
J. de Ghellinck:
?Quels
mobiles
inspiraient
Charlemagne
dans
ses
efforts
de
r?surrection intellectuelle?
Ses
pre
mi?res
vis?es
r?formatrices
sont
modestes.
Malgr?
les
pompeuses
expressions
d'Alcuin
et
de
Notker
le
B?gue,
qui parlent
d'une
?nou
velle
Ath?nes?
sup?rieure
?
l'ancienne,
ce
n'est
point
l'id?al
hu
maniste
que
Ton
per?oit
?
l'origine...
Au
d?but,
c'est l'id?al
de
saint
Boniface
qui
pr?side
?
sa
tentative,
comme
il
s'?tait
pr?sent?
?
l'esprit
de
P?pin
le
Bref:
le
renouveau
intellectuel
est
indispensable
pour
la
r?forme
du
clerg?1?
.
Ce
caract?re essentiellement
?cl?rical?
de la Renaissance ca
rolingienne
?
ses
d?buts,
explique
la
pr?occupation
des
textes
bibli
ques
manifest?e
par
Charlemagne
dans
les
instructions
initiales
du
mouvement.
A
cet
?gard,
la
circulaire,
dite
de
litteris
colendis,
adress?e
aux
m?tropolitains,
aux
?v?ques
et
aux
chefs
d'abbayes
entre
780
et
le
29
mai
801
est
tr?s
importante.
Le
roi
y
ordonne
aux
chefs
du
clerg?
r?gulier
et
s?culier,
d'encourager
l'?tude des
lettres
(litterarum studia)
et
d'en
organiser l'enseignement;
le
but,
affir
me-t-il,
est d'assurer
aux
moines
et
aux
clercs
une
exacte
compr?
hension des Ecritures2. La circulaire, dite Epistola generalis, par
laquelle
Charlemagne prescrit
aux
?glises
de
ses
?tats,
sans
dout*
entre
le
19
avril 800
et
le
29
mai
801,
l'emploi
du
nouvel hom?liaire
qu'il
?
fait
composer
par
Paul
Diacre,
refl?te
les m?mes
disposi
tions
3
:
c'est
afin
de
relever
la
condition des
?glises,
que
le roi s'est
attach?
?
encourager
la
pratique
des lettres
(litterarum
officin?m)
1.
Litt?rature latine
au
moyen
?ge,
1,
Paris,
1939,
p.
85.
2.
A.
Boretius,
Capitular?a
Regum
F
rancor um
y
I,
Hanovre,
1883
(MM.
GG.,
in-4?),
n
29. On
a
conserv?,
de
ce
document,
le
texte non dat? de l'exemplaire adress? ? Baugulf, abb? de Fulda de
780 ?
802
;
Charlemagne
y
porte
le
titre
royal,
dont il
n'a
plus
us?
?
partir
du
29
mai
801
(Diplomata Karolinorum,
I,
?d.
E.
Muhl
bacher,
Hanovre,
1906;
MM.
GG.,
in-4).
3.
Ibid.,
?
30. Sur
la
date,
voir
plus
loin,
p. 9,
12-13.
-
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8
F. L.
GANSHOF
et
l'?tude des
?arts
lib?raux?
(ad
pernoscenda
studia
liberaliiim
artium).
Ce
z?le
litt?raire
au
service de
l'Eglise,
avait
pour
but
principal
de
rem?dier ?
l'?tat
de
d?ch?ance
o? ?tait
tomb?
le
texte
des
Livres Saints
par
suite
de
l'ignorance
des
copistes
(librariorum
imperitia).
Enfin,
le texte
essentiel:
la
seconde
partie
du
c.
72
de
YAdmonitio
generalis
au
clerg?,
du 23
mars
789
\
dont la cir
culaire de
780-801
n'est
peut-?tre qu'une
mesure
d'ex?cution.
Apr?s
avoir
donn? l'ordre
aux
chefs
de dioc?ses
et
d'abbayes,
d'organiser
des
?coles
et
apr?s
en
avoir
arr?t? le
programme
g?n?ral,
le
roi
ajoute:
?Et
corrigez
soigneusement
les
livres
catholiques?
?
?
moins
qu'il
faille entendre: ?Et
ayez
des livres
catholiques
bien
corrig?s?
?-
?parceque
souvent
ceux
qui
d?sirent demander
bien
? Dieu
quelque
gr?ce,
la
demandent
mal
par
la
faute
de
livres
non
corrig?s.
Et
ne
permettez
pas
que
vos
jeunes
clercs
corrompent
le
texte
de
ces
livres,
soit
en
les
lisant
?
haute
voix,
soit
en
les
copiant;
et
s'il
y
a
lieu
de
copier
l'Evangile,
le
psau
tier
et le
missel,
que
des hommes faits les
copient
avec
tout
le
soin
voulu2?. On
ne
pourrait
marquer
plus
nettement
le
souci de
procurer
aux
?glises
des
textes
liturgiques
et
bibliques
s?rs;
la
d?nomination
?livres
catholiques?
couvre,
en
effet,
au
moins
les
Evangiles et le psautier, comme l'indique le contexte.
L'extr?me
vari?t? des
textes
bibliques
en
usage
dans la
monar
chie
franque
justifiait
amplement
ce
souci.
L'?tude des
manus
crits
conserv?s
et,
parfois
indirectement,
l'?tude
des manuscrits
dont
ceux-ci
d?rivent,
a
permis
de
d?terminer
l'origine
de
ces
divergences.
On
a
r?ussi ?
distinguer
dans
ces
manuscrits
ce
qui
prove
nait
de
versions
latines
pr?hi?ronymiennes,
de
ce
qui
d?rivait
de.
la
Vulgate,
c'est-?-dire
de la traduction
procur?e
par
saint
J?r?me3
1.
Ibid.,
no
22.
2.
L'?tablissement
du texte
ne
nous
para?t
pas
tout
?
fait
s?r.
Faute d'avoir
pu
proc?der
jusqu'ici
?
une
collation
des
prin
cipaux
manuscrits
(y compris
ceux
de
la collection
d'Ansegise,
I,
68;
Boretius
I,
p.
403)
nous
reproduisons
le
texte de Boretius:
Et
ut
scolae
legentium
puerorum
fiant.
Psalmos,
notas, cantus,
com
potum,
grammaticam
per
singula
monasteria vel
episcopio,
et
libros
catholicos
bene
emendate, quia
saepe,
dum
bene
aliqui
Deum
rogare
cupiunt,
sed
per
inemendatos
libros
male
rogant.
Et
pueros
vestios
non
sinite
eos
vel
legendo
vel
scribendo
corrumpere.
Et si
opus
est
euangelium,
psalterium
et
missale
scribere,
perfectae
aetatis homines
scribant
cum
omni
diligentia.
Plusieurs
mss.
donnent
emendatos
au
lieu
de
emendate.
D'o?
les
deux
possibilit?s
de
traduction
que nou,s
avons
envisag?es.
3.
Nous
usons
du terme
Vulgate
dans
son
acception
actuelle,
qui
remonte
?
la
fin
du
moyen
?ge.
Jusque
l?,
cette d?nomination
s'appliquait
g?n?ralement
aux
?Septante?
et,
le
cas
?ch?ant,
?
leur
traduction
latine.
-
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9
et
l'on
a
pu
mettre
en
lumi?re
la
grande
part
directe et
indirecte
.des
influences
espagnoles
et
irlandaises
dans les
interpolations,
corrections
et
omissions
qui
d?figur?rent
les
textes
sacr?s.
Ce
qu'il
importe
surtout
de
retenir,
c'est
que
les
recueils
bibliques
em
ploy?s
au
VIIIme
si?cle
en
Francia,
contenaient des
textes
alt?r?s
et
mixtes;
m?me
les
manuscrits
import?s
ou
copi?s
par
les mis
sionnaires
anglo-saxons
et
leurs
disciples
pr?sentent
ce
caract?re,
bien
qu'ils
aient
g?n?ralement
la
Vulgate
pour
base
l.
,
Les
dispositions
du
capitutaire
de
789
ne
pouvaient
rem?dier
?
cette
situation
que
d'une
mani?re
indirecte
et
incompl?te.
Il
n'est
d'ailleurs, pas
certain
qu'elles
aient vis? d'autres textes
bibliques
que
les
Evangiles
et les
Psaumes,
? raison de leur im
portance
pour
la
liturgie.
Le
soin
de
corriger
les
textes
?
ou
de
se
procurer
des
textes
corrig?s
?
?tait
laiss?
aux
chefs
spirituels
des
dioc?ses et des
abbayes;
leur
z?le
et
leurs
lumi?res ?taient
la condition
du
succ?s
et
m?me,
dans
l'hypoth?se
la
plus
favora
ble,
les
mesures
prescrites
ne
permettaient pas
d'esp?rer
l'adop
tion
d'un texte uniforme.
Aussi
Charlemagne
fit-il
entreprendre
par
une
autre
mesure,
la
r?vision
de tous les livres de
la
Bible
en
vue
de
l'adoption
d'un
texte latin correct et unique. Le roi le rappelle lui-m?me dans
YEpistola
generalis,
cit?e
plus
haut:
?C'est
ainsi?,
dit-il,
?que,
Dieu
nous
aidant
en
toutes
choses,
nous avons
d?j?
ant?rieurement
fait
corriger
avec
soin
tous les
livres
de
l'Ancien et du
Nouveau
Testament,
d?grad?s
par
l'ignorance
des
copistes2?.
Cette
t?che,
il
l'avait confi?e
au
principal
de
ses
conseillers
spirituels
et
intellectuels,
Alcuin.
Dans
une
lettre
non
dat?e,
adras
-
s?e
?
Gisla,
abbesse
de
Chelles,
et
s
ur
de
Charles
et
?
Rotrude,
fille
de
celui-ci,
l'illustre
abb?
de
Saint-Martin
de
Tours
assure
qu'il
consacre
tout
son
temps
?? la
correction
de
l'Ancien
et
du
Nouveau
Testament, entreprise
suivant les ordres du
roi3
?.
Une
autre
lettre,
adress?e ?
Charlemagne
lui-m?me et
?galement
non
1.
Il
peut
suffire
de
renvoyer
au
livre
rest?
classique,
de
S.
Berger,
Histoire
de la
Vulgate
pendant
les
premiers
si?cles du
moyen
?ge, Nancy,
1893,
les
trois
premi?res parties,
et
?
H.
Glunz,
Britannien
u.
Bibeltext.
Der
Vulgatatext
der
Evangelien
in seinem
Verh?ltnis
zur
Irisch-Angels?chsischen
Kultur des
Fr?hmittelalters,
Leipzig,
1930,
Chap.
I
et
II,
1.
2. Inter
quae
iam
pridem
universos
veteris
ac
novi
instrumenii
libros,
librariorum
imperitia depravatos,
Deo
nos
in
omnibus adiii
vante,
examussim
correximus.
3.
Alcuini
sive
Albini
epistolae;
?d.
E.
Dummler,
MM.
GG,,
Epistolae,
IV,
Berlin,
1895,
in-4?,
n
195. Totius
forsitan evangelii
expositionem
direxerim
vobis,
si
me
non
occupassei
domni
r?gis
praeceptum
in
emendatione veteris
et
novi
testamenti.
-
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?O
F. L. GANSHOF
dat?e,
nous
apprend
qu'Alcuin
a
men?
sa
t?che
?
bonne
fin: Alcuin
y
annonce
renvoi
au
roi,
?
titre
de
pr?sent,
des Livres Saints
?r?unis
dans
la
saintet?
d'un
seul
corps
tr?s
illustre,
et
soigneuse
ment
corrig?s
1
?.
La
d?signation
d'Alcuin
pour
cette
mission
n'a
rien
de
surpre
nant.
L'?tendue de
sa
culture
?
?
l'?chelle de
la
civilisation
du
temps
?,
l'int?r?t
port?
aux
?tudes
bibliques
par
ses
compatriotes
anglo-saxons2
et
par
lui-m?me8,
joints
au
cr?dit
que
sa
science
et
sa
conscience
lui
valaient
aupr?s
de
Charlemagne4
dictaient
?
celui-ci
son
choix.
Le manuscrit
original
d'Alcuin ne nous a
pas
?t?
conserv?;
mais l'?tude
des
manuscrits
qui
en
sont
d?riv?s
directement
ou
indirectement,
a
permis
de
se
faire
ime
id?e de
ce
texte.
En
tant
qu'Anglo-Saxon,
form? ?
la c?l?bre ?cole
d'York,
et,
dans la
suite,
de chef de
cette
?cole,
Alcuin
a
certainement
utilis? des
manuscrits
venus
d'Angleterre,
en
vue
de
son
travail
de
r?vision5.
L'influence
de textes
?e
type anglais
et
singuli?rement
northumbrien
bas?s
sur
la
Vulgate
hi?ronymienne,
semble avoir ?t?
dominante;
ce
pendant
elle
ne
fut
point
la
seule.
Certains
manuscrits northum
briens
remontaient
eux-m?mes
?
des
manuscrits italiens de
type
mixte et, d'autre part, Alcuin utilisa vraisemblablement des ma
muscrits
continentaux
marqu?s
de
l'influence
irlandaise
et
ayant
subi,
?
travers
celle-ci,
l'action
de
l'ancienne
version
pr?hi?rony
1.
Ibid.,
no
261:
...nihil
dignius pacatissimo
honori
vestro
inveniri
posse,
quam
divinorum
mu?era
librorum,
...
quos,
in
unius
clarissimi
corporis
sanctitatem
conexos
atque
diligenter
emendatos,
vestrae
altissimae
a?ctoritati
...dirigere
curavi.
2.
Berger,
op.
cit.,
p.
34-41;
Glunz,
op.
cit.,
p.
89-114;
W.
Levison,
England
and
the
Continent
in the
eighth
century,
Oxford, 1946, p. 142-143.
3.
M.
Manitius,
Geschichte
der
lateinischen Literatur des
Mittelalters,
I,
Munich,
1911,
p.
287-288;
A. E.
Sch?nbach,
Ueber
einige Evangelienkommentare
des
Mittelalters,
Sitzungsber.
d.
kais.
Akad.
d.
Wissensch,
zu
Wien,
Phil.-Hist.
Kl.,
CXLVI,
1903,
p.
43
78;
P.
Lehmann,
Fuldaer
Studien,
Sitzungsber.
d.
Bayer.
Akad. d.
Wissensch.,
Phil.-Hist.
KL,
1925,
p.
52.
4.
Le
synode
de
Francfort
de
794
(c.
56)
accueillit
Aicuin
dans
sa
communion
et
le fit
participer
au
b?n?fice
de
ses
pri?res,
?
la
requ?te
du
roi
eo
quod
esset vir
in
ecclesiasticis
doctrinis
eruditus
;
Boretius,
Capitular?a
I,
n?
28.
5.
Lettre
d'Alcuin ?
Charlemagne
pour
lui
demander l'autori
sation
de
faire
venir
?
Tours
ses
livres,
rest?s
?
York, Epistolae I,Aie.
epist.,
n?
121,
p.
177,
1. 4 et suiv. Voir aussi Alcuini sive
Albini
carmina,
?d.
E.
Dummler,
MM.
GG.,
Poetae
Latini,
I,
n?
1,
Versus
de
patribus,
regibus
ei
sanctis
Euboricensis
ecclesiae,
v.
1535
et
suiv.
sur
la
biblioth?que
d'York
el
not.
v.
1538
sur
la
litt?
rature
biblique.
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
9/197
LA
R?VISION
DE LA BIBLE
PAR
ALCUIN
11
mienne1. D'autre
part,
on
a
relev?
dans la
recension alcuinienne*
un
certain nombre de
corrections
propres
?
Alcuin, parfois
astsez
hardies,
et
inspir?es, semble-t-il,
par
des
pr?occupations
gramma
ticales,
peut-?tre
aussi
dans
certains
cas
par
sa
m?thode
d'interpr?
tation
des textes
bibliques,
fond?e
sur
l'autorit? des P?res2.
On
admet
g?n?ralement,
que
la
recension alcuinienne
prise
dans
son
ensemble
doit ?tre
consid?r?e
comme
un
texte
se
rattachant
?
la
traduction
de
saint
J?r?me,
c'est-?-dire
comme
un
texte
de
la
Vulgate
?.
Le
d?sir
de
Charlemagne
de voir le texte des
Ecritures soi
gneusement
corrig?
se trouvait donc satisfait. Son souci d'ordre et
de
stabilit?,
manifest?
dans
le
domaine
biblique,
comme
dans
le
domaine
liturgique4
et
dans
tous
les
autres,
re?ut,
lui
aussi,
satis
faction. Si l'on
rel?ve,
en
effet,
dans les
productions
du
scripto
rium
de
Tjours,
des
divergences parfois
accentu?es,
celles-ci
ne
portent
g?n?ralement
pas
sur
l'essentiel:
il
y
a
un
texte
alcuinien
et
ce
texte,
fort
r?pandu,
exer?a,
tout
en
subissant de
nouvelles
d?formations,
une
influence d?cisive
sur
les destin?es ult?rieures
de
la
Bible
latine5.
1.
Nous
r?sumons
les conclusions
de
Berger,
op.
cit.,
p.
190
191
et
de
Glunz,
op.
cit.,
p.
127-133,
et
History of
the
Vulgate
in
England from Alcuin
to
Hoger Bacon, Cambridge (Engl.), 1933, p.
29-32.
2.
Dom H.
Quentin,
M?moire
sur
V?tablissement
du
texte de
la
Vulgate.
I.
Octateuque,
Rome
et
Paris,
1922,
p. 288-290;
Glunz,
Britannien,
p.
127,
History,
p.
86-87;
E.
K.
Rand,
A
preliminary
study
of
Alcuin's
Bible,
The
Harvard
Theological
Review,
XXIV,
1931,
p.
383-385;
L.
W.
Jones,
The tett
of
the
Bible
and
the
script
and the
art
of
Tours,
Ibid., XXVII?*
1935,
p.
139-179.
3.
Berger,
op.
cit.,
p.
328-329;
Glunz,
Britannien,
p.
128.
Ceci est
contest?
par
Dom
Quentin,
op.
cit., p.
438-452
et
519,
pour
qt?
les mss.
alcumiens,
comme
ceux
des
autres
familles,
remontent
?
un
arch?type
unique,
diff?rent
du
texte
de
St. J?r?me.
Les
vues
dfc cet
?rudit
n'ont
g?n?ralement
pas
?t?
re?ues
sur ce
point;
cf.
Dom
D.
De
Bruyne,
Notes
sur
la
Bible
de Tours
au
/Xe
si?cle,,
G?ttingische
Gelehrte
Anzeigen,
CXCIII, 1931, p.
352-359.
4.
C'est
?
ce
m?me
souci
que
r?pond
la
mission
confi?e
par
Charlemagne
?
Paul
Diacre,
de
composer
un
nouvel
hom?liaire;
cf.
Epistola
generalis,
Boretius, I,
n
30.
5.
B?rger,
op.
cit., p. 328-329;
Glunz,
History,
p.
2-3.
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
10/197
12
F. L.
GANSHOF
Il
serait
d?s
lors
important
de
situer
avec
quelque
exactitude
le
moment
de
ce
travail
de
r?vision.
Un
premier
t?moignage
nous
est
fourni
par
Vepistola
generalis,
cit?e
plus
haut,
qui
fait
?tat
de
cette
r?vision
comme
d'une
chose
effectu?e.
Cette
circulaire
est
ant?rieure
au
29
mai
801,
puisque.
Charlemagne
y
porte
le
titre
royal
et
elle
est
post?rieure
?
786,
date
o? Paul Diacre
?tait
rentr?
au
Mont-Cassin,
d'o?
il
envoya
son
hom?liaire
?
Charlemagne1.
La
lettre,
elle
aussi
d?j?
cit?e,
d'Alcuin
?
Gisla
et
?
Rotrude,
nous
apporte
une
seconde
donn?e.
L'abb?
de
Saint-Martin
leur
annonce l'envoi d'une
premi?re
partie
de son commentaire sur
l'Evangile
de
saint
Jean
et c'est
pour
s'excuser
de
ne
pas
leur
adresser
encore
l'
uvre
enti?re, qu'il
all?gue
le
caract?re absor
bant
de la
r?vision
de
la
Bible,
dont
Le
roi l'a
charg?.
Il
assure
cependant
que,
d?s
qu'il
en
aura
le
loisir,
il
ach?vera
son
commen
taire
(cum
coeptum
opus
secundum
oportuniiatem
temporis
expie
vero)
et
qu'il
le d?diera ?
ses
correspondantes.
Il
r?sulte
claire
ment
du
contexte
que
cette
lettre
et
la
premi?re
partie
du
com
mentaire
qui
l'accompagnait,
devaient
parvenir
aux
destinatrices
avant
P?ques2.
Une autre lettre d'Alcuin ? Gisla et ? Rotrude permet d'assi
gner
une
date
?
celle
que
nous venons
de
commenter. En
effet,
les
pieuses
amies
d'Alcuin,
lasses
d'attendre,
lui r?clament
la
fin de
son
commentaire
et
le
secours
spirituel
de
ses
messages3.
Enfin,
il
peut
d?f?rer
?
leurs
v ux
et
leur
adresser,
avec
la
fin
du
com
mentaire,
une
?p?tre
d?dicatoire,
le
tout
accompagn?
d'une lettre
d'envoi4.
Vers
la
fin de
celle-ci,
Alcuin
fait
allusion
?
une
s?rie
d'?v?nements
r?cents dont Gisla
et
Rotrude
l'ont
entretenu
dans
une
missive
qui
ne
nous
a
pas
?t?
conserv?e. Ces
?v?nements
datent
tous
des derniers
jours
de
800:
le
couronnement
imp?rial
de
Char
lemagne,
le r?tablissement
de
l'autorit?
du
pape
L?on
III,
Tambas
1.
Boretius, Capitular?a
I,
no
30;
voir
plus
haut,
p.
7-8.
Pour
la
date,
voir Poetae
Latini
I,
Pauli
ei
Pptri
Carmina
n?
XXV,
p.
68
(particuli?rement
v.
7
?
i)),
ainsi
que
la
pr?face
de
D?mmler,
p.
28.
Berger,
op.
cit.,
p.
187, Glunz,
Britannien,
p.
127
et
C.
De
Clercq,
La
l?gislation
religieuse
franque
de
Clovis
?
Charlemagne,
Louvain
et
Paris, 1936, p.
181,
mettent
en
doute
ridentification
de la
r?vision
en
cause
dans
ce
document
avec
celle
d'Alcuin;
mais l'absence
dans
nos
sources,
de
mentions
relatives
?
une
autre
r?vision
de
la
Bible
entreprise
sur
l'ordre
de
Charlemagne,
infirme
cette
objection.2.
Epistolae
IV,
Aie.
epist.,
n
195;
voir
plus haut,
p.
9 et
n.
3. L'allusion
? la
f?te
de
P?ques,
p.
323,
1. 1-4.
3.
Ibid.,
no
196.
Sch?nbach,
op. cit.,
p.
49-51, croit,
mais
sans
bonnes
raisons,
que
cette
lettre
a
?t?
r?dig?e
par
Alcuin lui-m?me.
4.
Ep?tre
d?dicatoire,
Ibid.,
no
213.
Lettre
d'envoi,
Ibid.,
no
214.
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
11/197
LA
R?VISION
DE LA BIBLE PAR
ALCUIN
13
sade du
patriarche
de J?rusalem1. Cette
lettre
d'Alcuin
est
donc
du d?but de
801
et elle
est
ant?rieure
?
P?ques,
c'est-?-dire
au
4
avril,
puisqu'il n'y
est
pas
question
de la
grave
maladie
dont
Alcuin
a
?t? atteint
peu
apr?s
P?ques
de
cette
m?me
ann?e2.
Or,
dans cette lettre de
801,
avant le
4
avril,
Alcuin
rappelle
qu'il
a
envoy?
?
Gisla
et
?
Rotrude,
la
premi?re
partie
de
son com
mentaire,
l'ann?e
pr?c?dente3.
La lettre d'envoi de cette
premi?re
partie
est
donc
de
8004,
avant
le 19
avril,
date
de
P?ques;
et
puisque
?
ce
moment
Alcuin
?tait,
nous
le
savons,
enti?rement
absorb?
par
son
travail
de
r?vision
de
la
Bible,
nous avons
l?,
pour
l'ach?vement de ce
travail,
mi terminus a
quo.
Comme Alcuin avait
annonc?,
dans
cette
lettre,
qu'il
terminerait
son
commentaire
sur
le
Quatri?me
Evangile
d?s
qu'il
en
aurait
le
loisir,
on
peut
admettre
que
la
r?vision
de la
Bible
?tait achev?e
avant
le
4
avril
801,
date
ultime
?
laquelle
la fin
du
commentaire
a
pu
?tre
envoy?e.
Cette
date
nous
fournit donc
un
terminus
ad
quern
plus rapproch?
du
terminus
a
quo, que
le
29
mai
801,
dont
nous
disposions
jusqu'ici.
Nous
pouvons
donc
placer
de
fa?on
provisoire
l'ach?vement
de la
r?vision
de la
Bible
entre
le 19
avril
800
et
le
4
avril
801.
Deux autres
lettres
d'Alcuin
vont
nous
permettre
de
pr?ciser
encore. Adress?es ? des destinataires diff?rents, elles ont trait ?
un
m?me
objet.
Nous
avons
d?j?
cit?
plus
haut
le
premi?re
de
ces
lettres,
dans
laquelle
Alcuin
d?clare
?
Charlemagne qu'en
une
circonstance
solennelle,
o? chacun
se
dispose
?
le
combler
de
pr?sents,
il
lui
offre
un
exemplaire soigneusement
corrig?
des
Livres Saints.
Il
le
lui fait
porter
par
un
de
ses
moines,
fid?le
serviteur
du
roi5.
La
seconde
lettre est
destin?e
au
porteur
de la
premi?re,
Natha
na?l,
c'est-?-dire
Fridugise,
moine
et
futur
abb?
de Saint-Martin6.
?Remets?,
lui
dit
Alcuin,
??
monseigneur David,
le
jour
de
No?l5
1.
Litteras
vero,
quas
direxisii
mihi,
benigne
suscepi;
gra
tias
agens
de
exaltatione
excellentissimi
domini mei
David;
et
de
prosperitate
apostolici
viri;
et de
legatione
honesta
sanctae
civitatis,
in
qua
salvator
noster
mundum
suo
sanguine
redemere
dignatus
est.
Sur
le
sens
de
prosp.
apost.
v.,
voir
Ibid.,
nos
216 et 218.
Sur
les
divers
?v?nements,
voir
Annales
Regni
Francorum,
a*s
800
et
801,
1er
texte,
?d.
F.
Kurze,
Hanovre,
1895,
p.
112.
Il
est
?
peine
besoin
de
rappeler
que,
dans
le
jargon
des
beaux
esprits
du
temps,
David,
c'est
Charlemagne.
2.
Epistolae
IV,
Aie.
epist.,
nos
216
et
218.
3.
Scriptamque
citius
remittite
mihi;
simul
et
cum
part?m,
quam
vobis
anno
transacto
direxi.
4.
Cette
date
est
accept?e par Berger, op. cit., p. 189,
Sch?n
bach,
op.
cit.,
p.
53
et
par
Dom
H.
Quentin,
op.
cit.,
p.
267.
5.
Epistolae
IV,
Aie.
epist.
no
261;
voir
plus
haut?
p.
9-10
et
p.
10,
n.
1.
6.
Cette
identit?
para?t
r?sulter
des
lettres
148,
154,
244, 245,
259.
-
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LA
R?VISION
DE
LA
BIBLE PAR
ALCUIN
15
Il
n'est
gu?re possible
de
fixer
chronologiquement
le
d?but
de la
R?vision
de
la
Bible
par
Alcuin,
avec
le m?me
degr?
d'ap
proximation
que
l'ach?vement
de
ce
travail.
Une
entreprise
aussi
consid?rable
a
d?
exiger plusieurs
ann?es
de
labeur. Nous
savons
par
une
lettre
d'Alcuin
?
Charlemagne
qu'?
la
fin de
796
ou
au
d?but
de
797,
il
entreprenait
d'enseigner
?
ses
jeunes
moinee
de
Saint-Martin
de
Tours,
l'Ecriture
Sainte
et
les ?arts
lib?raux? et
qu'il
demandait
au
roi
l'autorisation
de faire venir de
York
les
livres
qu'il
y
avait
laiss?s
l.
On
peut
admettre
que
c'est
post?rieu
rement
? l'envoi
de
cette
lettre et
?
l'arriv?e
de
ses
livres,
qu'Ai
cuin commen?a de
s'appliquer
? revoir les textes
bibliques
pour
les
?mender.
Eu
?gard
?
l'ampleur
de la
t?che,
on
ne
risquera
pas
de
se
tromper
lourdement
en
pla?ant
le
d?but
du travail
de
r?vi
sion,
en
797.
* *
Le fait
qu'Alcuin
prit
des
dispositions
pour
faire
remettre
son
texte r?vis? de la Bible entre les mains de Charlemagne, ? Rome,
le
jour
de
No?l
800,
c'est-?-dire
le
jour
m?me
du couronnement im
p?rial, apporte quelques
lumi?res
sur
ce
grand
?v?nement
et
sur
le r?le
d'Alcuin dans
sa
pr?paration.
Il
ne
nous
para?t
plus
gu?re
possible
de
soutenir
que
le
couronnement
imp?rial
se
fit
sans
l'assentiment
de
Charlemagne2.
Nous
croyons
m?me
qu'il
fut
la
r?alisation
d'un
dessein
royal
et
que
ce
dessein
lui-m?me fut
l'aboutissement
d'un courant
d'id?es,
n?
dans
l'entourage
du
roi3.
Alcuin
eut,
dans
la
formation
de
ce
courant
d'id?es,
une
part
essentielle.
Au cours d'une s?rie de lettres de la fin de 796 ou du d?but
de
797,
et de
798,
nous
le
voyons,
en
effet,
s'adresser
?
Charlema
1.
Epistolae
IV,
Ale.
epist.,
no
121,
p.
176,
I.
32-33,
p.
177,
1.
4 et
suiv.
2.
Voir,
sur
ce
point,
L.
Halphen,
Etudes
critiques
sur
l'his
toire
de
Charlemagne,
Paris,
1921,
chapitre
II
de
la
seconde
partie
.
Le
couronnement
imp?rial
de
l'an
800,
et
surtout l'article d?cisif
de
L.
Levillain,
Le
couronnement
imp?rial
de
Charlemagne,
Revue
d'histoire
de
l'Eglise
de
France,
1932.
3. Sur
ce
courant
d'id?es,
K.
Heldmann,
Das
Kaisertum Karls
des Groszen. Theorien u.
Wirklichkeit,
Weimar,
1928,
p.
47 et suiv.
Cet ?rudit
conteste l'existence
d'une relation
quelconque
entre
le
couronnement
imp?rial
et
ce
courant
d'id?es
;
nous
avons
fait
la
cri
tique
de ces
vues
dans
un
compte-rendu
paru
dans
Le
Moyen Age,
1930, p.
214-218.
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
14/197
16
F. L.
GANSHOF
gne
en
employant
?
propos
de
celui-ci les
termes
?empire?
ou
?imp?rial?.
Le
pouvoir
de
Charles est
?imp?rial?
(ad
decorem
imperialis regni
vestri).
Ses
succ?s
sont
?n?cessaires
?
la
pros
p?rit?
de
l'empire, qui comprend
la
chr?tient?
enti?re?
(cundo
christianitatis
imperio pernecessariam
prosperitaiem)
;
?Dieu
veuille
permettre
?
sa
puissance
de
garder
le
gouvernement
du
tr?s saint
empire?
(sacratissimi
gubernacida
imperil custodire);
?la
mis?ri
corde
divine
a
remis
?
Charles
et
?
ses
fils,
la
t?che
de
r?gir
et
de
gouverner
l'ensemble
de
l'empire
chr?tien?
(per
orbem
chris
tiani
imperli,
quod
divina
pietas
tibi
tiiisque filiis
commisit
regen
tfum
atque
gubernandum1. Chaque
fois, d'ailleurs,
le
?pouvoir
imp?rial?
et
l'exaltation
ou
le
gouvernement
de
?l'empire
chr?tien?
sont
associ?s
explicitement
et
intimement
?
la
d?fense
et
?
l'exal
tation
de
l'Eglise
et de
la
foi
chr?tienne2.
Il est
ais? de
voir
que
nous avons
affaire
ici
?
une
forme
d'?Augustinisme
politique
?3?
et
que
?empire
chr?tien?,
c'est
la
communaut? des
fid?les
sur
terre, gouvern?e,
non
d'apr?s
les
vis?es
orgueilleuses
des
princes4,
mais
conform?ment
?
la
volont? divine:
une
?Cit?
de
Dieu? ter
restre.
Cependant,
?empire?,
dans
l'esprit
des hommes
du
temps^
n'?tait
pas
une
notion
abstraite,
une
notion
g?n?rale,
d?termina
ble: ?empire?, ne pouvait ?tre que l'empire romain, le seul que
l'on
conn?t
et
la
seule
communaut?
universelle
qui
exist?t,
ou
qui
1.
Epistolae
IV,
Ale.
epistolae,
nos
121?
136,
148.
2.
121:
ad
prof
edam
sanctae
Dei
ecclesiae et
ad...;
136:
ad
exalt?t
io
ne
in
sanctae
siine
aecclesiae
et...;
148:
Charlemagne
esi
invit?
?
veiller
?
ce
que
l'h?r?sie
adoptianistc
ne
se
r?pande
pas
per
orbem...
3.
Expression
qui
nous
para?t
tr?s
juste,
due
?
H.
X.
Arquil
li?re,
qui
a
consacr?,
sous ce
litre,
un
livre
?
la
doctrine
en
ques
tion,Paris,
1934.
4. Comme celles
que
les Libri Carolini attribuent aux
empe
reurs
d'Orient,
Praefatio
et
III,
15,
?d.
H.
Bastgen,
MM.
GG.,
Conci
lia,
II,
Suppl.,
Hanovre et
Leipzig,
1924,
in-4?,
p.
3>
1.
6 et
suiv.,
p.
134,
1.
42-135,
1. 2.
E.
Amann,
L
?poque
carolingienne,
Paris,
1937,
p.
125
(Histoire
de
VEglise,
dirig?e
par
A.
Fliehe
et
V.
Mar
tin, VI)
conjecture
qu'Alcuin
fut le
principal
r?dacteur des
Libri
Carolini.
M.
W.
von
den
Steinen
(Entstehungsgeschichte
der Libri
Carolini;
Quellen
u.
Forschungen
aus
Italienischen
Archiven
u.
Bibliotheken,
XXI,
1929-30,
p.
72
et
Karl der
Grosse
u.
die
Libri
Carolini.
Neues
Archiv
d.
Gesellschaft f. ?ltere
deutsche Geschichts
kunde,
XLIX,
1930,
p.
207
et
279)
consid?re
au
contraire
Theodul
phe,
?v?que
d'Orl?ans,
comme
le r?dacteur
des
Libri.
Les
arguments
invoqu?s par
A.
Allgeier
contre
la
paternit?
d'Alcuin
(Psalmenzitatcu. die
Frage
nach der
Herkunft
d.
Libri,
1926), ont ?t? mis ? n?ant
par
Dom
De
Bruyne,
La
composition
des
Libri
Carolini,
Revue
B?n?dictine,
XLIV,
1932. Il
para?t
en
tout
cas
?tabli
?
Amann et
von
den Steinen sont
d'accord
sur
ce
point
?
qu'Alcuin
r?digea
un
important
m?moire
pr?paratoire
?
la
r?daction
des
Libri.
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
15/197
LA
R?VISION
DE
LA BIBLE
PAR
ALCUIN
17
tout
au
moins surv?c?t
id?alement.
Elle
?tait
distincte
de
l'Eglise,
mais
?troitement
unie
?
elle et
providentiellement
destin?e ?
la
d?fendre1.
Quand
Alcuin
?voque
?empire
chr?tien?,
le
chef de
cet
empire
ne
peut
?tre
pour
lui,
que
le successeur
des Constantin
et
des
Th?odose,
mais
un
successeur
plus
conscient
de
sa
mission
que
les
Basileis de
Byzance.
On sait
que
le
25
avril
799,
le
pape
L?on
III
fut,
?
Rome,
la
Victime
d'un
soul?vement
foment?
par
une
faction
d'aristocrates,
que,
s?rieusement
mis
?
mal,
il
put
?chapper
? la
mort
gr?ce
?
l'intervention
du duc
de
Spol?te
et
que
Charlemagne
le
fit
venir
aupr?s
de lui
jusqu'en
Saxe au cours de l'?t?.
L?,
?
Paderborn,
Charles
examina
le
cas
du
Souverain Pontife
et
celui de
ses
accu
sateurs.
Incapable
d'y
voir
clair,
il
renvoya
le
Pape
?
Rome,
accom
pagn?
de
commissaires
royaux
dont
Arn,
archev?que
de
Salzburg,
ami
d'Alcuin2.
Au
cours
de
cet
?t?
799,
l'attitude d'Alcuin
s'affirme.
Il
impor
tait
?
ses
yeux
de
r?tablir l'autorit?
du
pape
sans
d?lai et
sans
restriction,
et
de
ch?tier
les
r?volt?s. Il
ne
pouvait
?tre
question
d'engager
L?on III
?
r?signer
ses
fonctions,
ni
m?me
de
l'obliger
?
se
justifier.
M?content
de
n'avoir
pas
?t?
appel?
?
Paderborn,
Alcuin s'informait de ce qui avait ?t? d?cid?, insistait aupr?s du roi,
aupr?s
d'Arn,
pour
que
l'on
respect?t
et
d?fend?t
les
pr?rogatives
du
pape3.
Le
th?me
de
?empire
chr?tien?
qui
doit
?tre d?fendu
au
m?me
titre
que
la
foi
et la
justice
revient
dans
ses
lettre^
au
roi4. Cette
d?fense,
il
faut
pour
l'assurer,
que
le
roi
se
rende ?
Rome:
sa
pr?sence
y
est
indispensable5.
1.
C'est
la
conception
de
St.
J?r?me,
de
St.
Ambroise,
de Pru
dence,
d'Orose,
du
pape
St.
L?on le
Grand
et
surtout celle
de
St.
Gr?goire le Grand, dont Alcuin
a
beaucoup pratiqu? les uvres.
Cf.
P.
de
Labriollk,
G.
Bardy,
L.
Br?hier,
G.
de
Plinval,
De
la
mort de
Th?odose
?
l'?lection
de
Gr?goire
le
Grand,
Paris,
1945,
p.
360
(Histoire
de
l'Eglise,
dir.
pr.
Fliehe
et
Martin,
IV)
et
Arquil
li?re,
op.
cit.,
p.
72
et
suiv.,
qui
fait,
?
bon
droit,
remonter ? Gr?
goire
le
Grand,
la
notion
d'?
empire
chr?tien
?.
2. Les
meilleurs r?cits
des
?v?nements
sont,
?
nos
yeux,
ceux
d'A.
Hauck,
Kirchengeschichte
Deutschlands
II,
5me
?d.,
Leipzig,
1935,
p.
99-103
et
d'E.
Caspar,
Das
Papsttum
unter
fr?nkischer
Herrschaft,
Zeitschrift
f.
Kirchengeschichte,
1935,
p.
218-225.
3.
Epistolae
IV,
Ale.
epist.
nos
177-178
(?
Charles), 173,
179
(? Arn).
Voir
aussi
la
lettre
no
181
(?
Adalard,
abb? de
Corbie).
Cf.
Amann,
op.
cit.,
p.
156-157.
4. Lettre
n?
177:
qaatenus per
vestram
prosperitatem
christia
num tueatur
imp?rium,
fides
catholica
defendatur,
iustitiae
regula
omnibus
innotescat
;
voir
aussi
la lettre
n?
202,
sans
doute
de
800
et
relative ?
l'h?r?sie
adoptianiste
:
la
volont?
royale
veluti
armis
imp?rium
christianum
fortiter
dilatare
laboral.
5. Lettres
nos
177,
178.
-
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18
F. L.
GANSHOF
L'une
des
lettres
au
roi,
?crite
d?s
r?ception
des
premi?res
nouvelles relatives
aux
?v?nements
romains,
est
particuli?rement
importante
?
cet
?gard1.
Trois
personnes,
assure
Alcuin,
sont
re
v?tues
de la
plus
haute
autorit? dans
le
monde: le
pape,
l'empe
reur,
le
roi
des
Francs.
On
sait
ce
qui
est
arriv?
au
pape;
il
n'y
a
plus d'empereur
(Constantin
VI,
d?pos?
et
rendu
aveugle
par
ordre
de
sa
m?re Ir?ne
en
797,
allait
mourir des suites de
ce
traitement)
;
le
roi
seul
subsiste
et
il
lui
appartient
de
sauver
l'Eglise.
Le
r?le
qu'Alcuin
lui
assigne,
n'est-il
pas
celui
que
l'apolog?tique
chr?
tienne
r?servait
?
l'empereur?
Charles
songea
?
envoyer
Alcuin ? Rome
aupr?s
du pape.
Alcuin
s'y
refusa; mais,
?
la
pri?re
du
roi,
il
consentit
?
envoyer
quelques-uns
de
ses
moines dans
la
Ville Eternelle.
Ils
y
rest?rent
jusqu'apr?s
le
couronnement
imp?rial.
Parmi
eux,
se
trouvait
Candidus,
homme de
confiance
d'Alcuin
pour
les affaires
romaines2.
L'enqu?te
faite
sur
place
par
les
commissaires
royaux
r?v?la
une
situation
beaucoup
plus
grave
que
tout
ce
que
l'on
pouvait
craindre:
les
accusations
de
parjure
et
d'adult?re
port?es
contre
le
pape
n'?taient
pas
d?nu?es
de
fondement;
ses
adversaires
res
taient
puissants
?
Rome et
la
mission
des
commissaires
royaux
comportait pour eux de r?els dangers; le d?sordre dans l'Eglise
mena?ait
de
s'aggraver
encore3.
La
correspondance
d'Alcuin
r?v?le le
trouble
profond
o?
l'ont
jet?
ces
nouvelles
et,
en
m?me
temps,
sa
volont?,
plus
ferme
que
jamais,
de faire
respecter
l'autorit?
du
Souverain Pontife
4.
Ces
circonstances
angoissantes pr?occupaient
autant
Charle
magne
que
son
conseiller.
A la
diff?rence
de
ce
qui
s'?tait
produit
en
799,
il
eut
en
800
plusieurs
contacts
personnels
avec
Alcuin.
Il
fit,
au
printemps,
un
s?jour
prolong?
aupr?s
de
lui,
? Tours
et
en
juin,
Alcuin
se
rendit ?
Aix-la-Chapelle
et
s?journa
au
Palais
?
l'occasion
d'un
synode.
Moins
de
deux
mois
plus
tard,
dans
les
premiers
jours
d'ao?t, ? l'assembl?e de Mayence, Charlemagne fit
conna?tre
sa
d?cision
d'entreprendre
l'exp?dition
romaine,
dont
il
revint
empereur5.
Il
est
?vident
que
Charlemagne
et
Alcuin
s'entretinrent
des
1.
Lettre
no
174,
1.
17-27.
2.
Lettres
nos
177,
178,
193, 215,
216.
La
qualit?
que
nous
attribuons
?
Candidus,
r?sulte
de
la
lettre
no
184.
3.
Lettres
nos
184,
ao
799
ex.
(? Arn)
et
212,
ao
801
in.
(?
Riculf.
archev.
de
Mayence).
Cf.
Hauck,
op.
cit.,
p.
103;
Caspar,
op.
cit.,
p.
225-226.
4.
Ibid.
5. J.
F.
B?hmer,
Die
Regesten
des
Kaiserreichs
unter
den
Karolingern,
refondu
par
E.
Muhlbacher,
2?^
?d., Innsbruck,
1908,
nos
352
(343)
c
?
357
(348)
a
et
358
a
et
b.
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18/197
20
f. l. ganshof
contribuer
? l'?clat
de
votre
puissance
imp?riale?
(ad
splendorem
imperialis potentiae
vestrae)
et,
plus
loin,
?il
n'y
a
pas
de
doutes
au
sujet
de
ce
que
le
Saint-Esprit
r?alise
par
votre
interm?diaire
pour^
le
salut
de toute
l'Eglise?
(quid
per
vos
in totius
ecclesiae
salutem
Spiritus
sanctus
operetur)
et
enfin,
?il
importe
qu'avec
d'ardentes
pri?res,
tous
les fid?les
souhaitent
que
l'empire
se
d?veloppe
pour
votre
gloire
la
plus
compl?te?
(et
quantis
universorum
fidelium
praecibus
sit
optandum,
ut
in
omnem
gloriam
vestram
extendatur
imp?rium1).
L'emploi
de
pareils
termes dans
une
lettre
qui
devait
?tre remise
?
Charlemagne
le
25 d?cembre
800,
permet,
croyons
nous,
une conclusion
positive.
Ils
s'expliquent
seulement si Alcuin
savait
qu'?
cette date
ou
dans
ses
environs
imm?diats,
le
roi
pren
drait
le titre
imp?rial2.
Et
s'adressant
?
celui
qui
allait
?tre,
en
droit,
le
chef
temporel
de
?empire
chr?tien?,
Alcuin
n'?tait-il
pas
fond? ?
?crire
que
nul
pr?sent
ne
r?pondait
mieux
aux
circons
tances, que
le
texte,
r?vis?
par
lui,
sur
l'ordre
du
futur
empereur,
de
la
parole
m?me de
Dieu3?
Fran?ois
L.
Ganshof.
1.
Epistolae
IV,
A/c.
episL,
?
261,
p.
418,
I.
35-36,
p.
419.
1.
4-6.
2.
E.
Pfeil,
Die
fr?nkische
u.
deutsche
Romidee des
fr?hen
Mittelalters,
Munich,
1929, p.
107
et
siiiv.,
ne
croit
pas
qu'Alcuin
ait
consid?r?
que
le
couronnement
imp?rial
devait
?tre
Paboutissement
de
l'exp?di?on
de
800.
Mais
elle
ne
conna?t
pas
?
et
pour
cause
?
les
arguments
sur
lesquels
nous nous
fondons.
Elle
invoque
?
l'appui
de
ses
vues,
un
po?me
d'Alcuin
qui
peut
se
rapporter
?
l'exp?di
tion de 800
et o?
il
n'est pas question explicitement
du
couronne
ment
imp?rial
(Poetae
1,
Aie,
Carm. n?
XLV).
Nous
croyons que
l'argument
a
silentio
n'est
pas
recevahle
dans
ce cas.
11 l'est
m?me
d'autant
moins,
qu'Alcuin
avait
bien des raisons
de
ne
pas
faire
d'allusion
pr?cise
au
projet
de
couronnement
imp?rial;
la
moindre
n'?tait
pas
le
peu
d'enthousiasme
?prouv?
par
Charlemagne
lui
m?me
pom*
ce
projet.
3.
Le
sujet
de
cet article
a
fait
l'objet
de
recherches
dans
notre s?minaire
d'histoire
du
moyen
?ge,
? l'Universit?
de
Gand
pendant
l'ann?e
acad?mique
1945-1946.
Ont
pris
part
?
ces
travaux
MNc
R.
Longville,
MM.
L.
Danhieux,
K.
Jeuninckx,
A. Koch
et C.
Wijffels,
tous licenci?s
en
philosophie
et
lettres.
M ^ C?cile
Seresia,
docteur
en
philosophie
et
lettres,
a
bien voulu
relire
notre
texte
et
nous
faire
part
d'observations
dont
nous
avons
largement
tir?
parti.
Qu'elle
veuille
agr?er
les assurances de notre extr?me
grati
tude.
Nous
tenons ?
remercier
vivement
les
RR.
PP.
Bollandistes,
?
Bruxelles,
et
les RR.
PP.
B?n?dictins
du
Mont-C?sar,
?
Louvain
qui
nous
ont
obligeamment
autoris?
? consulter
des travaux
que
leurs
biblioth?ques
sont seules
?
poss?der
en
Belgique.
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22
Une
g?n?ration
nouvelle retrouvait
ce
qui
?tait
perdu.
Ce n'?tait
rien moins
qu'une
cit?
et
une
culture.
*
Essayons
de
nous
repr?senter
comment
les
Italiens de
ce
temps
imaginaient
la
cit?
antique.
Demandons-le
aux
humanistes florentins
du
XVme
si?cle,
qui
ont
comme
Leonardo
Bruni,
comme
Poggio
Brac
ciolini, ?crit Thistoire de leur commune. Demandons-le ? Machia
vel,
habitu?,
comme
il le
dit, par
l'observation
des
choses
modernes
et
la
lecture des choses
antiques,
?
rechercher
l'esprit
des lois
sur
lesquelles
se
fondent
les Etats.
C'?tait
la
cit?
libre,
avec ses
magis
trats
?lus,
ses
assembl?es
d?lib?rantes,
ses
institutions
librement
?tablies;
son
arm?e
de
libres
citoyens.
C'?tait
Rome
plut?t qu'Ath?
nes.
Ils lisaient Tite-Live
plut?t
que
Thucydide.
Si Machiavel
avait
?tudi?
quelque
historien
grec,
c'?tait
Polybe,
et,
de
pr?f?rence
ce
livre VI de
ses
Histoires,
o? la
constitution
de
la
R?publique
ro
maine
appara?t
comme
le chef-d'
uvre
de
l'esprit
humain. Les
Florentins
du
Quattrocento
et Machiavel
sont
Romains
et
r?publi
cains.
Les Florentins
rejettent
C?sar
et
sa
dictature;
ils d?testent
l'Empire,
son
despotisme qui
asservissait
le
monde ?
un
Tib?re
ou
?
un
N?ron,
sa
faiblesse
en
face
des
Barbares,
et
la
tradition
malfaisante
qui
survit
dans la d?bilit?
du
Saint-Empire
romain
ger
manique.
La
le?on
politique
de
Dante,
la
th?orie
religieuse
et
hu
maniste
de
la
magistrature
romaine
et
chr?tienne
conf?r?e
par
Dieu
?
l'Empereur
afin
de
r?concilier
les
peuples
dans
une
paix
?ternelle,
propice
au
plein d?veloppement
de toutes
les forces de
l'esprit,
ont
perdu
la
vertu
de
les
?mouvoir.
Ils
sont,
avec
P?trarque,
les
h?ritiers
d'un
autre
id?alisme,
qui transfigure
?
leurs
yeux
la
dure histoire de la Rome consulaire et s?natoriale. Trois si?cles
avant
Montesquieu,
ils
ont,
en
?l?ves
de
Cic?ron
et
de
Tite-Live,
pens?
reconna?tre
dans
la
vertu
le
principe
du
gouvernement
r?
publicain.
Les
humanistes
d?veloppent,
en
un
latin
facile,
des
consid?rations
oratoires
sur
les vertus des
citoyens
et
des
magis
trats,
des
soldats
et
des
g?n?raux
romains.
Machiavel
lui-m?me
ne
se
d?fend
pas
toujours
contre
une
historiographie
l?gendaire.
Le
triomphe
de
la
force
romaine leur
appara?t
comme
une victoire
de
l'esprit,
et
la
juste
supr?matie
du
plus
grand
des
peu
ples.
Ces
souvenirs
de
puissance,
qui
s'accordent
avec
l'annonce
virgilienne
de
l'Empire
sans
limite
et
sans
terme,
promis
?
Rome
par
le
destin,
soutiennent dans l'Italie du
Nord,
aupr?s
des Sforza
de
Milan,
des Este
de
Ferrare*
?m
Gonzague
de
Mantoue,
ce
m?me
enthousiasme
romain
dans
d'autres
?coles,
moins
li?es
que
la
flo
rentine
aux
traditions
r?publicaines,
et
pr?tes
? d?fendre
l'
uvre
-
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22/197
24
A.
RENAUDET
des choses
divines
et humaines.
Mais
c'?tait dans la
mystique
n?o
platonicienne
que
leur
d?sir
de
comprendre
et leur besoin chr?tien
de
vie
int?rieure
reconnaissaient
volontiers
la
plus
sublime cr?ation,
de
l'humanisme
antique.
Ils
ne
n?gligeaient
pourtant
pas
certaines
formes
plus
sobres
et
plus
modestes
de
penser,
et
moins confiantes
dans
les
puissances
secr?tes
de
l'?me.
L'?clectisme cic?ronien
gar
dait le
charme
d'une doctrine
de
bonne
compagnie.
Les
esprits
curieux avant tout
de
savoir
positif,
?taient
attir?s
par
le
d?termi
nisme
sto?que
et
l'atomisme
d'Epicure
et
de
Lucr?ce;
et la
d?cou
verte
des
gloses
d'Alexandre
d'Aphrodise
rendait
?
l'averro?sme
padouan
un Aristo te
qui
ne s'accordait
plus
avec
l'Evangile.
Ainsi
l'humanisme
antique
se
r?v?lait dans
sa
richesse
et
sa
diversit?;
il
?tait
une
science;
il
?tait
une
vie.
Il
conseillait
?
l'in
dividu
d'accomplir
en
lui-m?me
le
type
le
plus parfait
de
l'homme,
et
par
l?
de
vivre
en
harmonie
avec
Dieu.
Il
accordait
ces
pr?ceptes
avec
le
respect
des lois de
la
cit?
et de la
religion
de
la
cit?;
il
limitait les
droits
de
l'individu
par
les
devoirs du
citoyen.
P?
trarque
avait
aim?,
en
po?te,
et
en
artiste,
cet
id?al de
discipline
civique
et
de
grandeur
humaine
o?
devait
se
r?sumer
toute
la
re
ligion
de
Machiavel.
L'humanisme
antique
avait nourri une litt?rature dont les mo
dernes
reconnaissaient
la
supr?matie.
Rome semblait
enseigner
plus
que
la Gr?ce. Sans
doute,
depuis
la
fin
du
XVme
si?cle,
Aide
Manuce,
en
d'admirables
caract?res,
avec
une
science
et
une exac
titude
plus
admirables
encore, multipliait
les
?ditions des
po?tes,
des
orateurs,
des
historiens
de l'Hellade.
Mais,
pour
les
hommes
de
la
Renaissance
italienne,
le
latin
classique
est
une
seconde
langue,
plus
profond?ment
italienne,
dirait-on,
que
le moderne toscan.
Ils
conservent
le culte
presque
surperstitieux
de
Cic?ron,
ma?tre
de
l'expression
parfaite,
habile ?
r?sumer
en
beau
langage
la
philoso
phie et la morale, le droit et la politique; ils lisent les grands
historiens,
Salluste,
Tite-Live.
Tacite,
?vocateurs
g?niaux
de
tous
les
drames du
pass?
romain.
Horace
et
Lucain,
familiers
?
Dante,,
continuent
d'enseigner
la
morale de
l'honn?te
homme
ou
?thique
volontaire
et
tendue des sto?ciens. Autant
et
plus
encore
que
le
Moyen
Age,
la Renaissance
italienne aime
Virgile,
car
toute
l'an
tiquit?
romaine,
ses
croyances
et
ses
mythes
et la
grandeur
de
ses
destins revivent dans
?En?ide;
le labeur
quotidien
d'une Italie
agreste,
m?re
des bl?s et
des
hommes,
anime les
G?orgiques;
les
plaines
et les
collines
et
les
monts
de
la Haute Italie
encadrent
de leur
splendeur
aust?re les
sc?nes
pastorales
des
Eglogues;
Virgile
a donn? ?
quelques
traits
ineffa?ables
de l'?me italienne
une
expression
?ternelle;
et
son
attente anxieuse d'un
monde
r?
g?n?r?
s'accorde
avec
le
besoin
profond
d'ime
famille
humaine
qui,
depuis
Dante
et
P?trarque,
des franciscains
spirituels
? Cola di
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
23/197
LE
PROBL?ME
HISTORIQUE
DE
LA
RENAISSANCE ITALIENNE
25
Rienzo
et
?
Machiavel,
a
v?cu
dans
le
deuil
des
choses
mortes et
l'impatience
de
leur
r?surrection.
L'art
cr??
par
l'humanisme
antique
n'?tait
pas
moins
fertile
en
in?puisables
le?ons.
La
Gr?ce,
dans
ce
domaine, reprenait
ses
droits.
Sans
doute,
les
hommes
du
XVI
e
si?cle
distinguaient
mal les
?ges
et
les
?coles, mais,
en
1496,
l'Apollon
du
Belv?d?re,
fra?chement
exhum?
des
jardins
pontificaux,
?blouissait
pour
la
vie
le
jeune
Michel-Ange.
Tandis
que
des
fouilles
heureuses
tiraient
'du sol
de
l'Italie
quelques
antiques
dont la
splendeur imposait
aux
plus
simples
une
v?n?ration
sacr?e,
le
bas-relief
romain continuait
d'enseigner
sa
discipline vigoureuse
et
grave.
Le
temple
grec
n'?tait
connu
que
par
les
uvres
des
imitateurs
romains
ou
les
monuments
lointains de
la
Grande Gr?ce
et de
Sicile;
mais
?
la
coupole
du
Panth?on
d'Agrippa,
aux
vo?tes
de
la
basilique
de
Constantin,
une
architecture
triomphait qui,
fond?e
sur
la
g?om?trie
et le
calcul,
atteignait
?
une
grandeur
surhumaine
par
le
seul
?quilibre
des
masses.
*
Les
hommes
du
XVIme
si?cle
retrouvaient maintenant
ce
qui
?tait
perdu.
Certes,
le
m?rite
ne
leur
en
appartenait
pas
tout
en
tier,
et
cette renaissance ?tait
l'aboutissement
d'une lente
?volution
qui prenait
sa source
au
c
ur
du
Moyen
Age.
La
longue
patience
du
g?nie
national
avait
disciplin?
l'effort
qui
permettait
?
l'Italie?
de retrouver
son bien
et
ses
dieux.
Dans
l'ordre
politique,
le
Moyen
Age
s'?tait
lentement d?truit
lui-m?me.
La
doctrine
imp?riale
ne
pouvait
survivre
? la d?cadence
de
l'Empire.
Henri
VII,
appel?
par
Dante,
avait
en
vain
assi?g?
Florence, Louis de Bavi?re n'avait pu qu'ouvrir un schisme sans
avenir,
Charles
IV,
appel?
par
P?trarque,
avait
par
deux
fois,
offert
? l'Italie
le
spectacle
d'une
faiblesse
qu?mandeuse.
La
fonction
im
p?riale,
dont
les
r?publiques
et les
seigneuries
n'admettent
plus
l'essence
divine et
le r?le
universel,
ne
conf?re
aucun
prestige
?
la
pauvre
majest?
de
Fr?d?ric
III et
de
Maximilien.
Nul
ne
peut
en
core
pr?voir
l'accablante
accumulation
d'h?ritages
qui
permettra
bient?t ?
Charles-Quint
de
revendiquer,
pour
la
maison
d'Autriche,
une
monarchie
universelle.
D?sormais,
en
tout
pays,
la
politique
ne
conna?t
d'autre
objet
que
la
fondation
et le
maintien
de
l'Etat,
d'autre
m?thode
que
l'emploi
de
la force
conduite
par
l'exp?rience,
le
calcul
et
la
raison.
La M?diterran?e
reste, jusqu'?
la fin
du
XVme
si?cle,
le
centre
du
monde,
et
l'Italie
commande
le
centre de
la
M?diterran?e.
D?s
que
l'?conomie
de
l'Occident
cessa d'?tre
exclusivement
agricole
et
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
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26
A.
RENAUDET
rurale,
les
ma?tres des
?changes
maritimes devaient
attirer ?
eux
la
richesse
et
conqu?rir
la
puissance.
Du
capitalisme
commercial
et
des
?changes
commerciaux
naissait
le
capitalisme
industriel;
tes
r?publiques
commer?antes
de
G?nes,
de
Pise,
de
Venise,
la
r?
publique
industrielle
de
Florence
atteignaient
?
un
degr?
d'opu
lence
ignor?
depuis
le
monde
antique.
Une
nouvelle
r?partition
de
ila
richesse entra?nait
une
nouvelle
r?partition
de
l'autorit?
so
ciale
et
politique.
Le
bourgeois,
occup?
de
n?goce
et
de
fabrication,
compta
bient?t
plus
en
Italie
que
le
noble,
propri?taire
foncier.
La
f?odalit?
recula
vers
les
r?gimes
d'?conomie
retardataire.
?Ou
appelle
gentilshommes,
devait
?crire
un
jour
Machiavel,
ceux
qui
vivent
dans l'oisivet?
et
l'abondance
des
produits
de la
terre,
sans
avoir
besoin
de
penser
?
la
culture,
ni
d'exercer
aucune
profession
;
particuli?rement dangereux
lorsqu'ils
commandent
des ch?teaux
forts
et
ont des
sujets qui
leur
ob?issent...
Une
telle
engeance
est
l'ennemie de
tout
r?gime
civil.
?
Ainsi,
la naissance
et le
progr?s
des
r?publiques,
des libres
communes
dont
quelques
familles
prin
ci?res,
dans
l'Italie
du
Nord,
avaient, par
la
force
ou
la
ruse,
bien
t?t
occup?
l'h?ritage,
appara?t
comme
la
cr?ation
d'une
histoire
dont
une
?conomie
d?j?
moderne avait
conduit
l'?volution.
Mais le souvenir accablant de sa
grandeur
romaine ne
permet
pas
? cette
Italie
moderne
de
bien
comprendre
l'originalit?
de
ce
monde
naissant.
Avec
un
m?lange
d'humilit?
et
d'orgueil,
elle
n'assigne
d'autre
but
et
d'autre
r?compense
?
son
plu|s
vigoureux
effort et ?
ses
plus
belles
r?ussites
que
d'?galer
le
pass?
romain.
Le
chroniqueur
Giovanni
Villani, qui,
dans
un
haut
sentiment
de
fiert?
civique, entreprend
d'?crire
l'histoire
de
Florence,
s'applique
?
d?montrer
qu'elle
est et
reste
fille
et
cr?ature
de Rome. Dans
les
fastes
de
leur
cit?,
les
humanistes florentins
veulent
retrouver
ce
qui,
d?figur?
par
des
si?cles
barbares,
survit
ou
rena?t de
la
no
blesse antique. Gomme le vieux chroniqueur, ils savent que leur
commune
est
fille
de
la
r?publique
romaine,
que
leurs
institutions
maintiennent
les
libert?s des
temps
consulaires et s?natoriaux.
Ils
affirment
qu'?
Florence
appartient l'h?ritage
de
Rome
et
de
sa
grandeur.
Lorsque
leur
r?cit, trop
habilement
imit?
de
Tite-Live,
drape
?
la
mani?re
antique
les
hommes
et
les
partis,
cette r?duc
tion
de
l'histoire
florentine
au
type
romain est
moinjs
un
artifice
litt?raire
qu'une
m?thode
d'interpr?tation,
d'o?
ils attendent
le
sens
profond
de
leur
histoire
et
de
leur
destin.
Venise
ne
pense
gu?re
autrement. Dans
les
r?publiques
italiennes,
la
cr?ation
d'un
type
d?j?
moderne de
gouvernement
appara?t
en
vertu
d'une tradition
qui la diminue ? la fois et qui
l'exalte,
comme une r?surrection
de
l'antiquit?.
Pareillement,
les
seigneurs
qui,
dans l'Italie du
nord,
cr?ent
des
monarchies
autoritaires,
souvent
dures
et
cruelles
aux
hommes,
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28
A. ENAU ET
taient
?
l'essai
une
forme
nouvelle,
?trang?re
? l'Occident
f?odal,
de
gouvernement
centralis?,
absolu, parfois ?clair?,
?
laquelle
?tait
r?serv?
un
long
avenir
dans le
monde
moderne. Le
Saint-Si?ge
lui
m?me,
politique
et
guerrier
sous
Jules
II,
lettr?,
artiste
et
toujours
politique
sous
L?on
X,
riche
des
tributs
des
Eglises
nationales
et
des
ressources
de
ses
domaines
agrandis
et
pacifi?s,
soutenu
par
la
force
italienne
et
internationale
de
la
Banque
florentine,
concen
trait,
dans
la
magnificence
moderne
de
la Rome
pontificale,
toute
la
vigueur
de
cette
papaut?
nouvelle,
qui
allait
traverser les d?sas
tres de
la
R?forme et
imposer
?
la
catholicit?
moderne
l'esprit
du concile de Trente.
*
*
*
A
ces
r?publiques,
?
ces
Etats
princiers
qui
cr?aient
un
monde
moderne
avec
l'illusion
de
ressusciter
l'antique,
il
manquait
un
?l?
ment
de
force
et
de
coh?sion
que
le
monde
antique
avait
poss?d?
jusqu'aux
invasions
barbares.
La
force militaire leur
manquait
depuis
les
temps
o?
les
citoyens,
qui
jadis
recrutaient
des
milices
capables
de tenir en
respect
les
empereurs
souabes,
avaient confi?
la
d?fense
des
communes
?
des
armes
mercenaires,
et
depuis
que
la
m?fiance des
princes
et
de Venise
elle-m?me,
d?sarmant
les
popu
lations,
n'avait
plus
compt?
que
sur
le
d?vouement
incertain
des
capitaines
d'aventures.
On
rencontrait,
sans
doute,
dans
les
sei
gneuries
et les
r?publiques
d'Italie,
le
sentiment d'une
sup?riorit?
sur
les
peuples
conquis
et
gouvern?s
par
Rome,
soumis
au
magis
t?re
catholique
de
Rome et
qui,
pour
la
science
du
gouvernement
et
la
culture de
l'esprit,
semblaient
?
peine
sortis
de la
barbarie
go
thique.
Mais,
divis?s
par
des
rivalit?s
commerciales
et
par
des
querelles de prestige, par le besoin d ?largir des domaines toujours
trop
?troits,
elles
n'avaient
jamais
pu
reconstituer
l'unit?
que
Rome
jadis imposait
par
la
force
des
armes
et
maintint
par
la
force
des
lois. A
l'int?rieur
des
Etats,
les luttes des
classes
et
des
partis
en
tretenaient
des
haines et
des rancunes
pr?tes
?
solliciter
l'interven
tion d'un
puissant
voisin,
l'intervention
de
l'?tranger
qui,
au-del?
des
Alpes,
attendait
l'heure de
descendre
dans les
plus
belles
plaines
du
monde.
Machiavel
a
pu
dire
que
Charles
VIII
courut
toute
l'Italie
jusqu'? Naples,
sans autre
peine que
de
marquer
les
logis
?
la
craie.
En
quelques
lignes
am?res
et
m?prisantes,
il
d?
nonce aux
derni?res
pages
de
VArl
de
la
guerre,
la vie
paresseuse
des
princes
italiens,
leur
vanit?,
leur indiff?rence ? tout
appel
de
l'honneur:
?Les
malheureux,
poursuit-il,
ne
s'apercevaient
pas
qu'ils
se
pr?paraient
?
devenir
la
proie
de
quiconque
viendrait
les
assaillir.?
De
l?
naquirent,
en
1494,
les
grandes
?pouvantes,
les
-
8/9/2019 Bibliotheque d'Humanisme Et Renaissance Tome Ix - 1947
27/197
LE
PROBL?ME
HISTORIQUE
DE
LA
RENAISSANCE ITALIENNE
29
fuites
?perdues,
les
d?sastres
surhumains. Les trois
plus
puissants
Etats
de
l'Italie
furent,
?
plusieurs
reprises,
saccag?s
et
ruin?s;
les
autres
persistent
dans les m?mes
erreurs
et
vivent
dans
le
m?me
d?sordre.
Le
secr?taire florentin voit
se
former
en
Europe
les
monarchies
modernes.
Il envie ? la
France et ?
l'Espagne
leur unit?.
Il
a
vu
la
r?publique
florentine,
restaur?e
au
passage
de
Charles
VIII,
qua
tre
ans
puritaine
sous
Savonarole,
h?sitante
et
d?bile
sous
Piero
Soderini,
d?truite
par
les
Espagnols
qui
ont
rappel?
les
M?dic&a