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Dossier DOSSIER [ [ [ [ NRP Décembre 2012, n°14 « L’enseignement algérien entre crise et réforme » Mémoire Droit Amendement de la Constitution : la touche Bouteflika Economie Culture/Médias De la possibilité du rêve en Algérie Amine Aït Hadi Le FMI tacle sévèrement les responsables de l’économie algérienne Aïssa Bouziane On m’appelle l’Oriental Flash-Back. les musiciens juifs dans l’Algérie coloniale Hadj Miliani Zouheir Aït Mouhoub

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DossierDOSSIER

[

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NRP Décembre 2012, n°14

« L’enseignement algérien

entre crise et réforme »

Mémoire

DroitAmendement de la Constitution : la touche Bouteflika

Economie

Culture/MédiasDe la possibilité du rêve en Algérie

Amine Aït Hadi

Le FMI tacle sévèrement les responsables de l’économie algérienne

Aïssa Bouziane

On m’appelle l’OrientalFlash-Back. les musiciens juifs dans l’Algérie coloniale

Hadj Miliani

Zouheir Aït Mouhoub

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NRP, Décembre 2012, n°14

Sommaire

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse », créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.

[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéro

Farid BELGOUM, Boucif AOUMEUR, Bernard JANICOT, Hizia LAKEDJA, Fayçal SAHBI, MehdiSOUIAH, Leila TENNCI, Lamia TENNCI, Fouzi BERRIAH, Riadh CHIKHI, Sid Ahmed ABED,

Mokhtar MEFTAH

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 • Courriel: [email protected]

Site web: www.cdesoran.org

DroitAmendement de la Constitution : la touche BouteflikaZouheir Aït Mouhoub, p.9-10

Révision prochaine de la loi sur l’investissement

touristique, p.10

EconomieLe FMI tacle sévèrement les responsables de l’économie

algérienne Aïssa Bouziane , p.11

Développement local : redonner aux maires le pouvoir de créer

des entreprises Noredine Grim ,p.12

Culture/MédiasDe la possibilité du rêve en Algérie Amine Aït Hadi p.13-14

Mourad Merzouki, chorégraphe hors catégories

Séverine Kodjo-Grandvaux, p.14

MémoireFlash-Back. les musiciens juifs dans l’Algérie colonialeHadj Miliani, p.15-16

Rendez-vous avec Frantz Fanon

Salima Ghezali, p.16

Jean-Paul Vesco nouvel évêque d’Oran :

un parcours peu ordinaire Walid Mebarek , p.17

Bibliographie, p.18

Dossier«L’enseignement algérien entre crise et réforme »

Ainsi parle l’université ,Tu n’entreprendras point

Djamel Guerid, p.4-5

L’enseignement de Tamazight en net recul

Sonia Lyes, p.5

L’UNIVERSITÉ : Un vrai problème pour notre économie

Abdelmadjid Bouzidi, p.6-7

Université algérienne : Près de 2 millions de diplômés en 2012

Rachida T, p.7

L’enseignement au Maroc

Reda Allali, p.8

1 milliard de spécialistes en psychologie ne résoudra pas

le problème de la violence en l’absence de dialogue (en Arabe)

p.8

[email protected]

N° 14, Décembre 2012

2Toute l’équipe de la NRP

souhaite à ses lecteurs

une très bonne année 2013

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NRP, Décembre 2012, n°14

Editorial « Ces élèves qu’on élève pour la relève ». Ce

titre d’article lu dans la presse pourrait être le titre

de notre dossier. Misère de l’enseignement, baisse

de niveau, manque de conscience professionnelle: tout cela revient souvent dans la

bouche des parents algériens à propos de l’enseignement.

Depuis 1962, l ’Algérie a connu en matière d’enseignement et de formation des périodes

où les intentions n’ont pas atteint l’apogée souhaitée par la société.

Certes, l’Etat a fourni des efforts et des moyens pour élever la génération de cette

époque, en recrutant des instituteurs et des professeurs du Moyen-Orient. La volonté

s’avérait sérieuse. Les années 70 et le début des années 80 ont bel et bien montré des

progrès notables, car les projets menés par le pouvoir de créer des grandes écoles en

informatique, en électronique,etc., pour accompagner le décollage industriel voulu par

Boumediene, ont entrainé l’émergence d’une élite, minoritaire mais performante, qui a

prouvé son potentiel sur la scène internationale.

Toutefois, l’enseignement dans ses trois cycles à l’ère des ministres Benbouzid et

Haraoubia, est-il en crise ou en réforme ? Cette question n’échappe pas à l’esprit des

algériens, notamment à la communauté pédagogique. L’école dans le pays rencontre

des revendications régulières des profs pour l’augmentation des salaires d’une part, et

des réformes intensives que ce soit dans l’enseignement primaire, secondaire ou dans

le supérieur. Ce climat décourageant joue contre les ambitions des étudiants, et ainsi

induit à entraver le développement du pays, y compris l’économie.

La résolution de ce problème ne dépend pas seulement d’une réforme des programmes,

mais il faut mettre en œuvre des mécanismes pour motiver les gens à se mobiliser afin

de s’en sortir. L’Algérie est capable de franchir cette étape si la prise conscience devient

réelle.

Le dossier qui suit présente un panorama forcément incomplet, mais reflétant assez

bien ce que pensent les gens et ce qu’écrit la presse en Algérie et au Maroc.

« L’enseignement algérienentre crise et réforme »

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Meftah Mokhtar

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NRP, Décembre 2012, n°14

DOSSIER

Djamel Guerid

«Cours, camarade, le vieux mondeest derrière toi.»Graffiti de mai 68

On doit à Pierre Bourdieu la notionde «violence symbolique». Etudiantà l’école, il parle d’imposition.L’action pédagogique est, dit-il,l’imposition arbitraire de contenusarbitraires selon des modalitésarbitraires. C’est cela la violencesymbolique. Gianni Vattimo est unphilosophe italien qui pousse laphilosophie vers des ailleurs. Aussi,organise-t-il une discussion avec deslycéens sur cette interrogation defond : qui décide de ce que nousdevons apprendre ? Cette question,généralement évitée, condense etla violence et l’arbitraire à la base dusystème d’enseignement.

L’HEGEMONIE DE LA CULTURE DUHIFZ

Le problème crucial qui se pose ànotre école est celui de la dominancede la modalité mémorisation dansl’appropriation des connaissances :la mémorisation en tant quetechnique, expression d’uneculture, la culture du hifz. Descartes,nous le savons, a révolutionné lamanière de penser. Son principepremier c’est : je pense, donc je suis.Pour nous, ce serait plutôt : je mesouviens, donc ils sont. Ils, les autres,les anciens, les chefs, les morts…Dans cette culture, la facultéintelligence se trouve mise enjachère ou très peu sollicitée. Or, lalogique serait de préserver cetorgane noble, le cerveau, de ne pasle fatiguer et l’encombrerd’informations et de connaissances.Celles-ci seraient à leur place sur dessupports électroniques qui lespréservent durablement et lesrendent transmissibles etconsultables à tout moment.

Le contre-exemple parfait de cettesituation est symbolisé par deuxpersonnalités devenues mondiales.A 20 ans, M. E. Zuckerberg fondeFacebook, qui dispose aujourd’huide 901 000 000 de membres. Avantlui, et à 20 ans aussi, Bill Gates fondeMicrosoft dont les logiciels fontfonctionner le monde. Sur la cartede l’un et sur la carte de l’autre, setrouve la mention «entrepreneur».Entreprendre c’est créer, imaginer.C’est sortir de tous les cadres, de tousles moules, de tous les schémas etles transcender, s’en libérer ; à sesrisques et périls. Dans l’acted’entreprendre, il y a toujours prisede risque. C’est toujours une

aventure. Mais entreprendre n’estpas un acte personnel volontaire, et,pour se déployer, il a besoin deconditions dont, bien sûr, la libertéd’entreprendre et de penser. EnAlgérie, les obstacles à l’acted’entreprendre sont nombreux,mais deux limitations sontparticulièrement redoutables : latoute puissance de la culture du hifzet la généralisation de l’arbitraire.

C’est à l’école que la culture du hifz,en général, et la technique de lamémorisation, en particulier, sontimposées une fois pour toutes. C’est,par exemple, l’exigence du hifz quiordonne et détermine toutel’organisation pédagogique. C’estelle qui détermine la forme du cours.Celui-ci doit être dicté et ne peut êtreque dicté, parce que, pourmémoriser, les étudiants ont besoind’une matière à mémoriser, àapprendre par cœur. Le corollaire dela modalité «cours dicté» est quel’examen ne peut être querestitution du cours. Ce qui fait ladifférence entre les copies, c’estuniquement d’ordre quantitatif ; elleréside dans la quantité d’éléments(du cours) restitués. Cette culture aévidemment une origine.

Dans la tradition judéo-chrétiennecomme dans la tradition arabo-islamique, c’est l’institutionreligieuse qui est hégémonique. Dece fait, l’éducation apparaît commeune fonction parmi d’autres de lareligion. Par exemple, les universitésdans les deux civilisations sont lacréation de la mosquée et de l’église.

Dans notre histoire, l’éducation est,de part en part, religieuse : elle sefaisait dans les mosquées ; lesmatières religieuses sont exclusivesou centrales et les autres matièressont dites auxiliaires. Quant à lapédagogie, elle privilégie le recoursà la mémoire. Le fondement detoute connaissance est le Coran quidoit être appris par cœur. Par la suite,les sciences religieuses ont suivi ; ontsuivi aussi les sciences profanes. Lesulémas s’ingénièrent à trouver lameilleure manière pour faciliterl’apprentissage par mémorisation. Lasolution fut la mise en vers desciences entières. La forme ourjouza(le poème sur le mètre rajaz) est laplus pratiquée. La plus célèbreourjouza est celle d’Ibn Sina. Elledépasse les 1300 vers.La mémorisation s’impose donccomme le premier et souventl’unique effort de l’étudiant. Ibn

Khaldoun est critique :«Apprendre par cœur, disait-il,ce n’est pas cela l’entraînementscientif ique.» Berque parlemême d’hypertrophie de lamémoire.

L’ARBITRAIRE Généralisé

L’autre grande limitation àl’acte d’entreprendre est lapratique généralisée del’arbitraire. Je ne parle pas icide l’arbitraire du pouvoir, maisde tous ces mini-arbitraires àl’œuvre dans toute la société etqui sont exercés par de petitschefs. Deux exemples quiconcernent l’acted’entreprendre dans larecherche scientifique.

Le premier concerne l’accès àla recherche. En mai 2010, etafin de combler l’énorme retardpris, est lancée une initiative àla fois audacieuse etambitieuse, les Programmesnationaux de recherche (PNR).Et comme il arrive souvent cheznous, on n’a pas réuni lesmoyens de sa politique,l’attractivité matérielle de cetteformule fait qu’un nombreconsidérable de propositionssont déposées, à tel point quel’organisation est vitedébordée. Les chosesprennent alors une tournurequi rappelle la distribution deslogements sociaux : beaucoupd’opacité et pas mal d’abus. Onsert les copains d’abord.

A la lecture de ce constat, onne manquera pas de feindrel’indignation : ce sont lesexperts qui, en «touteobjectivité et indépendancedécident, en conscience». Tuparles, Haf id ! dis-moi quidésigne l’expert et je te diraiqui va être dedans et qui va êtredehors. D’ailleurs, des expertset néanmoins porteurs deprojets ont été «jetés» par desexperts encore plus expertsqu’eux. La distribution deslogements, elle aussi, a sesgarde-fous et pourtant…Le deuxième exempleconcerne la l iberté derecherche et l’exercice del’arbitraire. C’est une enquêtequi a pour objet les étudiants,ce qu’ils sont devenus, ce qu’ilspensent. L’échantillon prévu

Ainsi parle l’université ,Tu n’entreprendras point

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NRP, Décembre 2012, n°14

DOSSIERest de 650 étudiants de sixdépartements de l’université d’Oran.Tout se passe le plus normalementdu monde sauf en fac de médecineoù la direction dit non. Une lettred’explication et de recours demeuresans réponse.

Pourquoi ce refus ? Parce que, dit ladirection, le questionnaire comportedes questions «déplacées», maissans prendre la peine de les désigner.C’est quoi une question «déplacée»dans une recherche scientifique ?Pourquoi 539 étudiants ont répondusans problème ? D’ailleurs, beaucoupd’entre eux ont dit leur satisfaction :«C’est la première fois qu’on pense ànous, qu’on nous écoute, qu’ons’intéresse à ce que nous pouvonspenser…» Qu’est-ce qui fait que desspécialistes en médecine s’autorisentà s’immiscer dans le travail despécialistes en sociologie et en fin decompte à s’instituer en instance decensure ? C’est de cela qu’il s’agit,puisque l’interdiction de faire passerle questionnaire à la fac de médecinemet par terre toute l’enquête, parceque, sans la médecine, il n’y a plus dereprésentativité possible et les

centaines de questionnairesrecueillis sont destinés au pilon.

Dans ces deux exemples, c’estl’arbitraire pur, et il est d’autant plushideux que ce sont des universitairesqui l’exercent à l’endroit d’autresuniversitaires. Et cet arbitraire estrendu encore plus insupportable dufait, qu’en face, il n’existe aucunrecours.Il reste possible d’emprunter la voiedes exclus du logement social :écrire à toutes les autorités, localesrégionales et nationales, à moinsd’essayer une autoritéinternationale.Un club de foot, le RC Kouba, victimede l’arbitraire des autoritésnationales du football, s’est adresséà une autorité supranationale, letribunal arbitral du sport, et il aobtenu gain de cause (2008). Ilapparaît donc que la culture du hifzconstitue une violence symboliquequi se trouve aux antipodes del’exercice de l’imagination et del’intelligence.Son caractère inhibiteur se renforcepar la pratique de l’arbitraire et tous

L’enseignement de Tamazight en net recul

Instituée grâce au boycott

scolaire de l’année 1994, observé

par les écoliers et lycéens en

Kabylie, l’enseignement de

Tamazight connaît aujourd’hui

une « régression », a relevé, lundi

19 septembre, le secrétaire

général du Haut- Commissariat à

l’amazighité (HCA), Youcef

Merahi. « En 1995, avec

l’introduction de Tamazight dans

le système éducatif du pays, seize

wilayas se sont lancées dans

l’enseignement de cette langue

nationale consacrée par la

Constitution. Aujourd’hui, elle

n’est présente que dans dix,

voire neuf wilayas », a-t-il dit lors

d’un point de presse à Oran, en

marge d’un colloque sur Pierre

Bourdieu. Selon Youcef Merahi,

les élèves qui étudient Tamazight

sont essentiellement localisés en

Kabylie. « Près de 240 000 élèves,

tous cycles confondus, étudient

actuellement Tamazight, dont

90 % sont localisés dans la région

de la Kabylie, précisément à

Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira ». Il a

plaidé pour sa « généralisation et

l’obligation de son

enseignement ». 

 Constitutionnalisée en 2002

après une série de

contestations menées par le

mouvement des Arouchs en

Kabylie, Tamazight ne

bénéficie toujours pas d’un

soutien conséquent de

l’État. Outre le problème de

la formation des

enseignants, elle est l’objet

d’une polémique récurrente

sur le choix des caractères à

adopter pour sa

transcription

le 12 Juin 2012

deux se dressent en Muraillede Chine pour faire barrage àl’acte d’entreprendre et decréer dans le domainescientif ique. Sait-on quedepuis l’ indépendance etjusqu’au début de 2012, notrepays n’a produit que 150

brevets ? En Algérie, le vraichercheur ressemble de plusen plus à Sisyphe. Camus nousinvite à la philosophie : «lI fautimaginer Sisyphe heureux…»Petite

consolation !Pour faire face à l’absurde etvivre l’éternité de son rocher,Sisyphe avait la forcesurhumaine de se hisser au-dessus de ceux qui l’ontcondamné. Mais un chercheuralgérien ? Humain, trophumain, disait Nietzsche…

19 Septembre 2011 

Seize ans après son introduction dans les établissements scolaires

Sonia Lyes

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NRP, Décembre 2012, n°14

DOSSIER

L’UNIVERSITÉ : 

Un vrai problème pour notre économie

Si l’on devait s’en tenir à la seuleéconomie, il n’est pas diff iciled’établir que chez nous, l’école,l’université, la formationprofessionnelle, bref tout le systèmed’éducation-formation constitue deplus en plus un véritable handicap quiobère sérieusement toute ambitionde faire de l’économie algérienneune économie émergente. Lescohortes formées dans chacun despaliers du système sont certes deplus en plus nombreuses, mais ellesne trouvent pas à s’employer etl’économie nationale n’en tire aucunprofit de même d’ailleurs, et c’estencore plus dramatique, que lesjeunes diplômés eux-mêmes. L’école algérienneest comme une immensemachinerie qui fonctionnepour elle-même. Et on peutobserver que les diplômésqui ne trouvent pas às’employer le doivent moinsà un manque d’occasionsd’emploi qu’à l’inadéquationdes formations qui leur ontété dispensées, aux postesde travail disponibles dans lesdifférents secteurs d’activitééconomique revitalisés cesdix dernières années par lescolossales dépensespubliques engagées dans lecadre des plans de relance.Les entrepreneurs, tantnationaux qu’étrangersinstallés chez nous, ne cessent derépéter qu’ils rencontrentd’énormes difficultés à recruter descadres et des agents de maîtrisequalif iés et compétents. A lamédiocrité de la formationdiplomante qui est dispensée dansnos universités, s’ajoute l’absenced’une formation qualif iante.Comment progresser dès lors dansla réduction de la fracturetechnologique et le rattrapage neserait ce que des pays à niveau derevenus similaires, sans ladisponibilité sur le marché du travaild’ingénieurs et de cadres de diversprofils qualifiés, compétents et «upto date» ? Comment développerréellement la recherche-développement et l’innovation donta si besoin notre économie si lesystème d’éducation-formation neproduit pas des diplômes adressés àdes qualifications réelles acquisesaussi, au sein de l’entreprise par defréquents stages (formationalternée) ? Et le système deformation en fonctionnement enAlgérie n’offre pas de cursus en priseréelle avec les problèmes de

l’entreprise quels que soient lessecteurs d’activité : économiques,sociaux (gestion des hôpitaux) ouculturels ? Comment enfin attirer lescapitaux internationaux dans le payssous forme d’investissementsdirects, si les champions mondiauxporteurs de savoir-faire et detechnologie et désirant investir cheznous ne trouvent pas sur le marchédu travail local la main-d’œuvrequalifiée dont ils ont besoin et quiest devenue aujourd’hui le facteurdécisif de compétitivité ? Il faut, eneffet, souligner que c’est moins le

coût de la main-d’œuvre que sonniveau de qualification qui décidentaujourd’hui les investisseursétrangers à choisir tel ou tel autresite d’accueil sur leurs projets. L’Inde,l’Indonésie, la Malaisie, ou mêmeplus près de nous, bien qu’à un degrémoindre, la Tunisie et le Maroc nousl’enseignent chaque jour. Chez nous,la massification de l’enseignementtout à fait acceptable (et mêmerecommandable) pour le premierpalier (primaire) ne doit plus se faireau détriment de la qualité de laformation dispensée dans les cyclessecondaires et surtout supérieurs.L’Etat ne pourra pas continuer àfinancer intégralement comme il lefait actuellement, indistinctement,les trois paliers du système éducatifsans hypothéquer très sérieusementla qualité de la formation dispenséedans chacun d’entre eux.L’enseignement primaire, quidétermine tout le reste, doit obéirau principe de l’égalité des chancespour tous les enfants en âge d’êtrescolarisés et l’Etat doit concentrer icien priorité ses efforts. Mais, le cyclesecondaire et surtout le cycle

supérieur doivent connaîtredes discriminations en fonctiondes performances des élèveset surtout de leur situationsociale. Cette discriminationexiste d’ailleurs déjà entre ceuxqui peuvent payer des coursindividuels supplémentaires etceux qui ne le peuvent pas.Seuls les plus démunisbénéficieront du soutien del’Etat qui devra, par ailleurs,encourager l’ouverture delycées privés pour casser lemonopole étatique de l’école etintroduire des éléments decompétition entre

établissements. Ladécision qui vientd’être prise de créerdes cycles def o r m a t i o nd’excellence eninstituant des classespréparatoires pour lesmeilleurs bacheliers,puis l’accès à degrandes écolesd’excellence pourceux qui réussiront lesconcours d’entrée estune bonne décision. Ilétait grand temps decommencer à sepréoccuper de laformation d’une élitescientifique dans lesdifférentes filières car

c’est de cette manière(suprême banalité !) qu’on dotele pays de la locomotivenécessaire à sa progression. Cesystème de classes prépa et degrandes écoles qui, tout lemonde le sait, ne date pas d’hieret qui a prouvé son efficacitésous d’autres cieux, a hélas ététotalement délaissé chez nouson ne sait pourquoi. Pourtant,Belaïd Abdesselam, suivi pard’autres départementsministériels, avait mis en place,au début des années 70, degrandes écoles pour produireles cadres dont il avait besoinpour son ambitieux projetd’industrialisation. Rappelons-nous : Boumerdès et sesinstituts, l’Ecole des travauxpublics, l’Ecole nationaled’informatique, l’Ecolesupérieure d’électronique, etc.Tout cela a été balayé par on nesait quelle main invisible et nousvoilà revenus à la case dedépart. Le financement de cesgrandes écoles devra mettre àcontribution les futurs

Abdelmadjid Bouzidi

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NRP, Décembre 2012, n°14

DOSSIER

Rachida T

le 16 septembre 2012

Université algérienne : Près de 2 millions de diplômés en 2012L’enseignement supérieur en Algé-rie a connu, cinquante ans après l’in-dépendance, une progres-sion remarquable illustréenotamment par le nombrede diplômés universitaires(1.930.000) enregistrés en2012, contre 63 en 1964.

Le secteur de l’enseigne-ment supérieur «s’est sensi-blement développé en ma-tière d’encadrement et demoyens matériels ces der-nières années» soutient lesous directeur du développe-ment et de la prospective auministère de l’enseigne-ment supérieur et de la re-cherche scientif ique, M.Abdehakim Djebrani. Il pré-cise dans un entretien àL’APS que 77% des étudiantsont achevé leur cursus uni-versitaire à la fin des années 1990tandis que le nombre d’étudiants ins-crits en graduation à la fin des années1990 a triplé (1.090.000 étudiants) etque celui des étudiants inscrits enpost-graduation s’élève à plus de64.000. Le nombre global des ensei-gnants se situe actuellement à plusde 44.400 tous grades confondusdont 15% de haut rang. En l’espacede 50 ans, l’Algérie a réussi à dépas-ser toutes les prévisions en matièrede réalisation des structures péda-gogiques. Après les nombreuses dif-ficultés et le manque de moyens, lesplaces pédagogiques ont atteintaujourd’hui près de 1.100.000 pou-vant accueillir plus de 1.320.000 étu-diants, 70% de ces capacités d’accueil

ayant été réalisées depuis la fin desannées 1990. L’université algériennequi ne comptait qu’un seul établis-sement universitaire en 1962, a tota-lisé à la f in des années 1990 plus de50 universités implantées dans 30wilaya avec une capacité d’accueilglobale de 356.000 places pédago-giques. Le secteur disposeaujourd’hui de 90 établissementsuniversitaires qui couvrent 47 wilayasdans l’attente de la réception du cen-tre universitaire d’Illizi, la veille de laprochaine rentrée universitaire, se-lon la même source. Le domaine desoeuvres universitaires a connu lemême développement. Le nombredes résidences universitaires estpassé de 11 en 1971 à 103 dans les an-

nées 1990 avec une capacitéd’accueil de quelque 163.000

lits. Ce nombre s’élèveaujourd’hui à 388 rési-dences en mesure d’of-frir une capacité d’ac-cueil totale de plus de562.000 lits. Le nombred’étudiants boursiers apar ailleurs évolué de13.346 durant l’année1971-1972 à 335.772 en1998-1999 pour attein-dre plus de 804.000 du-rant l’année universi-taire 2011-2012. Toutesces données découlentdes programmes d’in-vestissement consacréspar l’Etat à l’enseigne-ment supérieur a égale-ment souligné M.Djebrani citant, entreautres, le plan quin-

quennal 2005-2009 qui a permisau secteur de «renforcer ses ca-pacités d’accueil et de se doteren équipements didactiques etd’enseignement nécessaires».Ce plan a également permis lacréation de 21 nouveaux pôlesuniversitaires répartis à traversle territoire national et la miseen place de structures de sou-tien pédagogique de manièreà améliorer le cadre de vie del’étudiant que ce soit dans l’en-ceinte universitaire ou dans lesrésidence universitaires», a-t-ilajouté.

utilisateurs de ces cadres hautementqualifiés : entreprises nationales etétrangères, institutions publiques, Etatet collectivités locales, chacun en ce quile concerne. Ici aussi, ce système desgrandes écoles doit être ouvert ausecteur privé. Mais un secteur privénovateur, efficace, «professionnel » etnon pas à l’image de nos établissementsd’enseignement privé qui ontactuellement «pignon sur rue» et dontles «sortants» grossissent aussi, pour leurpart, les rangs des chômeurs ! Il faut aussirappeler que le pays qui est allé le plusloin dans le système des grandes écoles(et qui en est f ier depuis bienlongtemps), la France a rattachél’essentiel de ces écoles aux ministèrestechniques et notamment le ministèrede l’Industrie, tant leurs finalités étaientbien précises et bien ciblées. De même,et en complément à ces écoles, ont étémises en place des «corporateuniversities» f inancées par lesorganisations patronales et produisantdes top managers dont leurs entreprisesont besoin (Paris, Lyon, Toulouse,Chamberry, Grenoble…). Pour que notresystème ne soit pas bancal et ne restepas englué dans «la philosophiegénérale» qui marque notre

enseignement supérieur, il fautpoursuivre et approfondir la réflexion surcette bonne initiative et la compléterdans le cadre d’une réforme globale denotre système de formation supérieure.ll faut arrêter d’être superficiel, de secontenter de réformes ponctuelles quirestent sans effet sur les objectifs ciblés.Il nous faut des actions à la mesure desambitions légitimes de notre pays et dela faim de sciences et de savoir de notreformidable jeunesse. Et quoi qu’enpensent les cassandres, tout cela est ànotre portée. Il est d’autre part entenduque ces grandes écoles dont lespremières (au nombre de dix) ontouvert leurs portes mais qui ne semblentpas, hélas, satisfaire les attentes desétudiants qui ont pu y accéder pour êtreefficaces et atteindre leur objectif quiest, faut-il le rappeler, de produire desformations d’excellence, exigent descapacités avérées de gestion nonseulement pédagogiques mais aussiadministratives. Ce qui, encore une fois,est de l’avis des étudiants eux-mêmesloin d’être le cas. La question que seposent les Algériens, de plus en plusnombreux à être rongés par le doute surleurs propres capacités, est celle de savoirsi nous serons capables d’atteindre les

standards internationauxqu’exigent ce genred’établissements ? On peut noteren tout cas que c’est bien dans lecontexte algérien, avec unencadrement algérien, deséquipes pédagogiquesalgériennes, des programmesd’enseignement conçus par desprofesseurs algériens que leshautes écoles d’ingénieurs et detechnologues relevant duministère de la Défense nationale(ENITA, Ecole supérieure deRouiba, école de Tafraoui… pourne citer que celles-ci),fonctionnement selon lesstandards internationaux etdispensent des formations de hautniveau qui n’ont rien à envier àcelles assurées par les grandesécoles des pays du Nord. Pourquoidonc ce que nos militaires ont sufaire ne pourrait-il pas l’être parnos gestionnaires et pédagogues«civils», bien sûr dans leur stylepropre. 

le 20 Aout 2012

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NRP, Décembre 2012, n°14

DOSSIER

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L’enseignement au Maroc

« Zakaria Boualem a l’impression

que nous disposons d’un nombre

important de mythomanes dans

notre belle société. Regardez

autour de vous, il y a une certaine

tendance à se surestimer. Ça doit

venir de l’enfance, se dit le

Guercifi, qui a progressé de huit

mètres depuis le début de cette

chronique. Prenons un enfant

anglais, par exemple. A l’école, on

va lui proposer de faire un spec-

tacle de théâtre ou de jouer dans

un groupe de musique, et quel

que soit son talent, il sera ap-

plaudi. On lui proposera de faire

du sport et, dans tous les cas, il

trouvera une équipe qui ac-

cueillera ses exploits, une com-

munauté où il sera glorifié, une

équipe dont il sera le Messi. En

classe, on lui demande d’exprimer

ses idées, ses goûts, on l’écoute

et parfois même on le félicite. S’il

a du mal à s’exprimer en public,

on l’encourage… Bref, son ego

sera irrigué. Zakaria Boualem n’a

vécu aucune des scènes précé-

dentes. Aucun individu ou groupe

d’individus n’ont jamais jugé utile

de le mettre en valeur, c’est

comme ça que ça se passe chez

nous. Le résultat, c’est que lors-

qu’on lui demande enfin de s’ex-

primer, il en profite pour squat-

ter une page pendant dix ans sans

la moindre retenue, il se

prend pour un philosophe…

Le gamin marocain, dont

l’ego n’est jamais glorifié, n’a

d’autre solution que celle de

se glorifier tout seul, il finit

par s’inventer une réalité

dont il est le héros. On a tous

besoin d’un minimum d’es-

time de soi et notre pays

nous en offre bien peu. Com-

primé, privé d’irrigation, son

ego explose au mauvais mo-

ment. » Extrait de la chroni-

que de Zakaria Boualem :

« Zakaria Boualem philoso-

phe dans les embouteilla-

ges »

Reda Allali

Extrait de la chronique de Zakaria

Boualem : « Zakaria Boualem

philosophe dans les embouteillages

n° 542

le 08 Novembre 2012

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Amendement de la Constitution :

la touche Bouteflika

Dans le sillage du Printemps arabe et lorsd’un discours prononcé en catastrophele 15 avril 2011, le président Bouteflika,contraint, promet des réformespolitiques profondes et une réforme dela Constitution. Celle-ci sera soumise auParlement issu des législatives du 10 maidernier puis, s’il le faut, à un référendumpopulaire. Un projet auquel le présidentBouteflika tient depuis son intronisationà la tête de l’Etat en 1999. Selon lesobservateurs, les assauts répétés duPrésident contre la Loi fondamentaleont pour  seule finalité de se tailler untexte sur mesre. L’exercice du pouvoir,selon lui, n’étant pas compatible avec laConstitution de 1996 héritée de l’èreZeroual. Sa nostalgie du parti uniquesemble motiver son désaveu desConstitutions précédentes. Nul texte netrouve grâce à ses yeux, à l’exception dela Constitution de 1963, rédigée par lesmilitaires de l’armée des frontières, cequi justifie aujourd’hui ses tentations du«pouvoir absolu». Bouteflika rejette les«modèles démocratiques occidentauximportés» qui, selon lui, ne conviennentpas aux sociétés «tiers-mondistes» carcela nécessite une «pratique de longuedate et un enracinement culturel».Bouteflika n’hésite pas à citer la MagnaCarta (la grande charte britannique de1215). En termes plus simples : lesAlgériens ne sont pas encore mûrs pouraccéder à la démocratie. Lors de l’unede ses interventions diffusées par latélévision d’Etat, Bouteflika livre le fondde sa pensée devant un parterred’étudiants ; il désavoue le multipartismeproclamé par la Constitution de 1989 parun syllogisme d’une légèretédéconcertante. Sa fameuse théorie de«Hadj Moussa, Moussa Hadj» énonce quetous les courants politiques (au pluriel)constituent les «deux» revers de lamême médaille. Décodé par lesspécialistes de la crypto-sémantiquebouteflikienne, cela renvoie à sa doctrinedu parti unique et, par extension, à laprimauté de la réalité politique sur letexte fondamental. Ce qui inspirelargement, aujourd’hui, la philosophie duprojet du président de la refonte de laConstitution.

Commission informelle

Seize mois sont déjà passés et le contenudu texte de la nouvelle Constitution quidevait être présenté aux parlementaireslors de la session actuelle n’est toujourspas connu. La commission chargée de lapréparation du projet de révision de laConstitution, promise par le présidentBouteflika en mai 2011, n’est pas encoreinstallée. Dans les faits et selon nos

sources, le «brouillon» du texte de lanouvelle Loi fondamentale du pays «estpresque terminé, il reste quelquesdétails à régler. Les axes principauxautour desquels s’articulera la futureConstitution sont déjà définis», révèleune source à la Présidence. Unecommission «préparatoire» travailledepuis quelque mois sur le projet dansun secret total.Le rapport transmis par la commissionBensalah au président Bouteflika évoquepleinement un soutien pour un régimeprésidentiel, même si «la Présidencen’est pas tout à fait satisfaite desrésultats, d’autant que l’opposition nes’est pas impliquée dans le processus deconsultation. Je peux vous assurer qu’onétait attentif à toutes déclarationsémanant notamment du RCD et du FFSou d’autres personnalités qui ont refuséde participer aux consultations», confieun haut responsable du gouvernement.Abdelkader Bensalah, président du Sénat,Boualem Bessayah, ancien président duConseil constitutionnel et sonremplaçant à ce poste, Tayeb Belaïz, l’ex-président de l’APN Abdelaziz Ziari, leconseiller militaire de la Présidence, legénéral Touati et quelques conseillers dela Présidence ainsi que desconstitutionnalistes feraient partie decette commission, toujours selon lesmêmes sources. Une commission quisera élargie «bientôt aux membres dugouvernement».Abdelaziz Belkhadem, qui siégeait danscette commission avant son lâchage parle Président, ne serait plus dans laconfidence. Et pour cause : «Belkhademest trop bavard, son implication directedans le projet de la nouvelle Constitutionpourrait lui être bénéfique, lui qui s’estproclamé candidat à l’électionprésidentielle avant l’heure. Il pourraitbrouiller le projet avant qu’il ne soitrendu public», explique le hautresponsable du gouvernement. AhmedOuyahia, l’autre personnalité forte durégime, serait lui aussi écarté du jeu. «Sonindécision à se prononcer clairement surles fondamentaux de la prochaineConstitution lui a été fatale, ajouté à sacandidature avant l’heure pour 2014 !»,conf ie la même source. Certainesindiscrétions nous livrent les principauxamendements à l’étude.                                                                                     

Ce qu’on prévoit-Régime «hyper-présidentiel»

Les résultats des dernières législativesauront été déterminants dans le choixpar le président de la République de lanature du régime. «Sa déception futgrande : la campagne n’a pas suscité

l’engouement voulu ni l’adhésion dupeuple. La qualité du discours et le profildes prétendants à la députationconfirment l’idée entretenue depuislongtemps par le Président selonlaquelle le Parlement ne peut, dans lesconditions actuelles, prendre en chargeles affaires de l’Etat», confie un conseillerà la Présidence. Ainsi, celui qui ne veutpas être un «quart de président» opteraitdonc définitivement pour un régimehyper-présidentiel largement inspiré dela «logique gaullienne» qui prône laprimauté institutionnelle du Président.En pratique, cela se traduit parl’accaparement par le président de laRépublique de tous les pouvoirs, avec laprérogative d’intervenir directementpar référendum pour trancher lesquestions nationales. Pour lesconnaisseurs, le président Bouteflikaapplique déjà cette règle depuis sondeuxième mandat.

-Un vice-Président ?

Dans certains régimes, le vice-Présidentest soit élu comme colistier comme auxEtats-Unis, soit élu spécifiquement pource poste, ou bien nommé par le Présidentune fois élu. C’est cette dernière optionqui aurait été retenue à l’étude. «Cetteoption est liée à une autre piste detravail : la suppression de la Chambrehaute du Parlement», selon un prochede la commission «informelle». Dans laConstitution actuelle, le président duConseil de la nation est le deuxièmehomme de l’Etat et, en cas de vacancede la Présidence, c’est à lui de gérerl’intérim du chef de l’Etat durant 60 jours.L’option du vice-Président répondégalement, selon nos sources, à«l’urgence de trouver une formule pourgarantir la pérennité de l’Etat jusqu’à lafin de la mandature du Président élu».«Cela éviterait l’organisation d’électionsanticipées, permettrait la poursuite del’exécution du programme dugouvernement et enfin éviterait lessituations d’exception ou d’urgence»,argue notre source, qui ajoute : «Le vice-Président, dépourvu de pouvoir ensituation normale, récupérera lesprérogatives présidentielles etassumerait pleinement son rôle en casde vacance du poste de Président.»

-Septennat

«Cinq années au sommet de l’Etat nepermettent pas au Président d’allerjusqu’au bout de son programme. Laréalisation de certains projetsnécessitent du temps, le présidentBouteflika ne l’a jamais caché, ce qui l’a

Annoncé depuis avril 2011, l’amendement de la Constitution reste ajourné. Mais quelques pistes sont déjà dégagées par lacommission chargée des «retouches». Des réformes inspirées, pour le moment, des volontés du président Bouteflika. En

attendant la mouture finale.

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d’ailleurs poussé à se représenter pourun troisième mandat», justifie notresource. Si le septennat n’est plus demode, pour les tenants du pouvoir et lesrédacteurs du premier brouillon de lanouvelle Constitution, cela peutavantager le chef de l’Etat : «Le Présidentdisposerait du temps nécessaire pours’affirmer et exercer le pouvoir sanscontrainte de temps, pour exécuter lesprojets gouvernementaux sans êtredébordé par les délais de la f in demandature marquée plus par une logiqueélectoraliste. En cas d’échec, l’électeurpourrait ainsi faire son appréciation etfaire le bon choix», révèle un militairehaut gradé. Le but inavoué serait enréalité la pérennité du système et lastabilité politique. En quelque sorte, unsursis accordé pour les tenants dupouvoir de choisir toutes les optionspossibles durant ce laps de temps.

-Retour aux deux mandats

Le retour à la limitation des mandatsprésidentiels serait inéluctable etirréversible. «Le choix porté sur leseptennat n’est pas fortuit, celadonnerait au Président le temps pourconvaincre l’opinion et remplir sa missionloin des pressions. Un cumul de deuxmandats, soit 14 ans d’exercice, estsuffisant à un Président pour remplir satâche.»

-Plus de Sénat ?

Même si la suppression de la Chambrehaute du Parlement n’est pas tranchée,

les clans aux pouvoirs optent en majoritépour cette option. «Le rôle du Conseil dela nation n’est pas clairement défini dansla Constitution actuelle.» Si le Conseil dela nation est maintenu, son présidentsera également nommé officiellement«vice-président». «Les prérogatives, encas de vacance du poste de chef de l’Etat,lui seront transmises d’office, et ce,jusqu’à la fin de la mandature et nondurant la période d’intérim de 60 jours»,explique notre source. Des divergencessur le futur du Sénat compromettentl’avancée du projet. «C’est au Présidentque reviendra la dernière décision»,tranche notre source.

-Premier ministre

Le coordinateur du gouvernement, àsavoir le Premier ministre, gardera lemême statut révisé en novembre2008,notamment l’exécution duprogramme présidentiel, avec laprérogative que le Président lui délèguepour réunir le Conseil du gouvernementsans sa présence. Le Premier ministrelégifère après l’approbation duPrésident.

-Parité hommes-femmes

Si la Constitution révisée en novembre2008, dans son article 31 bis, parle de lapromotion de la femme en politique enaugmentant ses chances d’accès auxpostes de responsabilité, la nouvelleConstitution prévoirait un amendementstipulant clairement l’égalité de lafemme avec son collègue homme à tous

le 02 Novembre 2012

les échelons, y compris les hautesfonctions de l’Etat.

-Pas d’officialisation de tamazight

Bouteflika, qui claironnait lors de sonfameux premier meeting de Tizi Ouzouqu’il trouverait une solution à la questionamazighe «en une semaine», semblerevenir, dix ans après, sur son serment !Selon notre source, la question del’officialisation de la langue amazighen’est pas à l’ordre du jour. Et pour cause :«Cette question est tributaire du travail,qui s’éternise, des différentescommissions chargées de lastandardisation et de la promotion decette langue nationale. On n’arrivetoujours pas à trouver un consensusautour de sa transcription, lettres arabesou latines… De toute manière,l’amendement de son officialisationpourrait intervenir plus tard, pourl’instant ce n’est pas faisable», avance leconseiller à la Présidence. Un argumentpas nouveau.

Révision prochaine de la loi sur l’investissement touristiqueLe secrétaire d’Etat auprès du ministredu Tourisme et de l’artisanat chargéduTourisme, Mohamed Amine Hadj Saïd,a annoncé dimanche à Mascara la révision«prochainement» de la loi 03-03 portantsur l’investissement touristique.

Lors d’une rencontre avec les opérateurséconomiques, M. Hadj Saïd a indiqué quecette loi impose l’aménagement dessites d’extension touristique (ZET)comme condition à l’octroi de licencesd’investissement, tout en signalant queseulement 22 sur 205 ZET en Algérie ontété aménagés. «Un grand nombre deprojets proposés par les investisseursdemeurent dans les tiroirs, ce quinécessite une révision de la loi», a-t-ilaffirmé.

Le secrétaire d’Etat chargé du tourismea ajouté, en réponse à des questionsd’opérateurs et de responsablesd’agences de tourisme et de voyages,que la hausse des prix et la détériorationdes prestations que déplorent certains,sont dues au «faible nombred’établissements touristiques ethôteliers, notamment dans les wilayascôtières, ce qui impose d’ouvrir le champde la concurrence et encourager lesinvestisseurs à réaliser davantage

d’infrastructures pour fournir demeilleurs services.»

M. Hadj Saïd a exhorté les opérateurs dusecteur du tourisme à améliorer lesprestations et à rénover leurs hôtels pouréviter leur «disparition du marché» dansles années à venir, qui verront laréception de 763 établissementshôteliers de haute gamme offrant 86.000lits, ainsi que 63 établissements hôtelierspublics dont huit stations thermales, pourun coût de 70 milliards de DA alloués parl’Etat pour leur réaménagement et leurmodernisation.

Le même responsable a égalementannoncé, lors d’une visite à un ensemblede sites touristiques historiques, lasignature prochaine d’un accord entreson ministère et le ministère de laJeunesse et des sports pour organiser desvisites au profit des jeunes à travers lescircuits historiques en coursd’élaboration.

M. Hadj Saïd a instruit, par ailleurs, ledirecteur général de l’entreprise degestion touristique de Tlemcen de lastation thermale de Bouhanifia qu’il avisitée, d’accélérer la prise en charge duprojet de réaménagement de la stationpour un coût de 1,25 milliard de DA.

Ce projet a été retardé en raison de«l’anfractuosité des offres» proposéespar les entreprises de réalisation, selonles explications fournies par le directeurgénéral.

Le secrétaire d’Etat chargé du tourismea inspecté le projet de réalisation dunouveau siège de la Direction dutourisme et de l’artisanat (50 millions dedinars) et les travaux de réalisation d’unhôtel 3 étoiles au chef-lieu de wilaya quicomprend 110 chambres et plusieurssuites, une piscine et une salle des fêtes.Sa réception est attendue pour le moisde juin prochain.

M. Hadj Saïd a également visité la zaouiade Sidi Mohieddine, dans la commune deGuetna, berceau de l’Emir Abdelkader etsa Smala, dans la commune de Sidi Kada,outre la mosquée «Sidi Hassan», qui a vula deuxième allégeance du fondateur del’Etat algérien moderne, ainsi que le siègedu commandement et la «Mahkama» del’Emir à Mascara.

Zouheir Aït Mouhoub

le 05 Novembre

2012

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[ECONOMIE]Le FMI tacle sévèrement

les responsables de l’économie algérienneLes prévisions économiques de M. Karim Djoudi pour 2013 sont trop optimistes. C’est ce qui ressort desdéclarations du chef de la mission économique qui a séjourné en Algérie depuis le 29 octobre. M. Zeid

Zidane estime également que l’Algérie a «le potentiel» pour faire 6 à 7% de croissance, et aller ensuite àune croissance à deux chiffres.

Le FMI a sévèrement taclé M. KarimDjoudi. Alors que le ministre desf inances prévoit, pour 2013, unecroissance de 5% et une inflation à2.5%, le FMI a établi des prévisionstrès divergentes. Il prévoit unecroissance nettement moins élevée,à 3.4%, et, à l’inverse, une inflationbeaucoup plus importante, à 5%.Le décalage est important. Commentl’expliquer, alors que le FMI utilisedes données qui lui sont fournies parle ministère des finances ? Mystère,même s’il semble évident que leministère des finances fait dire auxchiffres de qui l’arrange plutôt quece qu’ils devraient signif ier. Ilsuff irait d’ailleurs d’écouter deséconomistes non « embedded »pour découvrir la réalité de‘économie algérienne.Du reste, le chef de la mission du FMIn’est pas un expert venu de Finlandeou de la lointaine Australie. Il s’agitde M Zeid Zidane, anciengouverneur de la banque centralede Mauritanie et ancien ministredans son pays. En prenantsimplement de la distance avec leschiffres, il a pu dénouer les fils d’uneéconomie qui ne sait où elle en est.Mais le FMI n’a pas taclé le seul KarimDjoudi. C’est en fait toutel’organisation de l’économiealgérienne qui est remise en cause.Certes, M. Zidane a poliment admisque l’économie algérienne reposesur des éléments solides. Lesréserves de change, qui devraientatteindre 194 milliards de dollars à lafin de l’année, ce qui représente 160fois la dette extérieure ou 1.7 fois lamasse monétaire, offrent uneassurance au pays. Il a même qualifiéle taux de croissance de 2.5% de« solide », ce qui est contestable. Il aaussi reconnu que le chiffre duchômage a évolué, à 10%,particulièrement chez les jeunesdiplômés, qui s’est amélioré dequatre points, même si le chômagedes femmes reste élevé, à 17%.Le chef de la mission du FMI aégalement insisté sur la marge dontdispose l’Algérie pour améliorer sesperformances économiques, unefaçon évidente de reconnaitre que,dans de nombreux secteurs, il estdifficile de faire pire que ce que faitl’Algérie. Ainsi, a-t-il dit que lacroissance en 2013 sera « solide »,mais au lieu de 3.4%, elle devrait êtrede 6 à 7%. Il a même déclaré qu’avecson potentiel, l’Algérie devrait avoir

une croissance à deux chiffres. Unedéclaration aussi humiliante que celleinvalidant les prévisions tropoptimistes du ministère algérien desfinances.Il a aussi révélé qu’en avril dernier,l’inflation avait atteint un pic de 11%en glissement annuel, ce qui n’ajamais été dit par le ministère desfinances. 

Le bon sens

 Dans la même veine, le chef de lamission du FMI a rappelé les recettespour permettre à l’économiealgérienne de décoller. Quecontiennent-elles comme mesuressecrètes susceptibles de provoquerun miracle? Aucune. Il s’agit demesures simples, dictées par le bonsens. En premier lieu, accroitrel’efficacité de l’investissement etfaciliter la création d’entreprises.« Les procédures administrativesdoivent être simplifiées », selon leFMI.Autre évidence qu’il a rappelée :l’Algérie importe pour 45 milliards dedollars de marchandises. Il fautinvestir, et s’organiser de  manière àproduire pour éviter cesimportations, et essayerprogressivement d’exporter. Ce quis’appelle « reconquérir le marchéalgérien ». Encore faut-il être enmesure de créer des entreprisespour le faire.Il a aussi énuméré un certain nombrede mesures techniques, qui partenttoutes d’un constat de défaillance del’économie algérienne. L’épargnen’est pas mobilisée au service de lacréation de richesses, a-t-il relevé. Lemarché boursier représente « 0.1%de la profondeur f inancière, unniveau très très bas, quand d’autrespays similaires en sont autour de 50%,a-t-il dit.Il faut aussi mettre en place unepolitique du taux de changedestinée à favoriser la production.Autrement dit, avoir une parité dudinar qui décourage l’importation.Ce qui signifie prendre un risquepolitique en dévaluant le dinar. C’estdéjà un terrain plus délicat, car legouvernement algérien est disposéà tout, sauf à prendre des mesuresqui risquent de déboucher sur uneagitation sociale.

Mais au-delà de toutes ces mesures,c’est le bon sens prôné par M. ZeidZidane qui frappe. Ce qu’il apréconisé, c’est de « regarder ce quimarche, et l’améliorer, et regarderce qui ne marche pas, pour lecorriger ».

Aïssa Bouziane

le 13 Novembre 2012

Les graphes sont tirés de

Jeune Afrique N° 2705

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[ECONOMIE]Développement local :

redonner aux maires le pouvoir de créer des entreprises

Prés de 1400 entreprises publiques locales (EPL) avaient fait l’objet de dissolutions au début des années 1990 etavec elles disparaissaient environ 200 000 postes de travail, notamment dans les communes les plus déshéritées

où elles étaient les seules et uniques pourvoyeuses d’emplois.

Avec elles, disparaissaient également de précieuxmoyens de réalisation pour de nombreuses com-munes enclavées et pauvres pour lesquelles ces en-treprises de proximité constituaient de véritablesbouées de sauvetage, notamment lorsque survien-nent des calamités naturelles.Ces entreprises dis-soutes en raison de leur déstructuration financièreont laissé dans un total désarroi les communes quine trouvaient subitement plus d’outils de réalisa-tion pour concrétiser leurs programmes de déve-loppement et soulager quelque peu le chômage quiles affectait. Environ 300 entreprises publiques lo-cales ont tout de même pu être sauvées de cettevague de dissolutions, grâce à une mesure gouver-nementale prise en 1994, consistant à accorder àces entités un statut d’entreprise publique écono-mique (EPE) ouvrant droit à des traitements éco-nomiques et financiers (assainissement financier etrecapitalisation) à même de leur éviter la faillite.

Ces entreprises qui avaient échappé in extremis à ladissolution ont ainsi pu poursuivre leurs activités et,pour certaines, se développer de manière très satis-faisante. Si la dissolution des 1400 entreprises publi-ques locales pouvaient se justifier par la déstructu-ration irrémédiable de leurs comptes, ce qui ne l’estpas, par contre c’est l’interdiction faite aux autori-tés concernées (APC, wilaya) de créer de nouvellessociétés à même de prendre le relais de celles qu’onavait de dissoutes. L’occasion était pourtant propiceà ce genre d’initiative. Les milliers d’actifs (terrains,immeubles, engins, matériaux et matériels divers)laissés par les EPL dissoutes pouvaient en effet ser-vir à capitaliser de nouvelles entreprises qui reste-raient au service du développement économique etsocial des communes concernées.

Des centaines de milliers d’emplois auraient pu êtreainsi offerts, notamment aux jeunes, des localitésrongées par le chômage et la réalisation des planscommunaux de développement assurée d’être cor-rectement prise en charge par ces nouvelles entre-prises. La création de ces entreprises publiques lo-cales devrait évidemment éviter de se faire au détri-ment des sociétés privées, auxquelles l’égalité d’ac-cès aux marchés publics doit être garantie au moyend’une concurrence transparente et loyale. Il pour-rait par ailleurs être sérieusement envisagé, et la lé-gislation algérienne le permet aujourd’hui, d’asso-cier le privé au capital des entreprises publiques lo-cales et réciproquement. Si elle venait à se concréti-ser, la coopération entre les entreprises des deuxsecteurs ne pourrait, à l’évidence, être que bénéfi-que pour l’économie des communes concernées.

Autonomie de gestion et injonctionsadministratives

L’intention de redonner aux walis et Assembléespopulaires locales le pouvoir de créer des unitéséconomiques a certes été évoquée à l’occasion del’élaboration du nouveau Code communal, mais onne trouve nulle part dans les nouveaux textes unedisposition claire allant dans ce sens. La création debanques locales ouvertes aux capitaux des collecti-vités territoriales que la législation algérienne rendaujourd’hui possible, constitue pourtant une excel-lente occasion pour ce type d’initiative. Les unitéséconomiques locales nouvellement constituéestrouveraient dans ces banques les appuis financiersnécessaires et l’expertise requise en matière d’éla-boration et de suivi de leurs business plans.

Les dérives managériales des années 80 pourraientêtre ainsi évitées. Si la création de nouvelles entre-prises publiques locales qui ont l’avantage de pou-voir être rapidement présentes dans les zones lesplus reculées du pays où elles joueraient le précieuxrôle d’entreprises de proximité, l’attention doit toutde même être attirée sur la nécessité la bonne etune réelle autonomie de gestion à leurs dirigeants.Si tel ne serait pas le cas, ces nouvelles unités éco-nomiques seront inévitablement exposées aux in-jonctions administratives qui avaient, on s’en sou-vient, ruiné durant les années 70 et 80 les EPL quiferont quelques années plus tard l’objet de disso-lution. A l’évidence, les mêmes causes produirontles mêmes effets.

Noredine Grim

le 05 Novembre 2012

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[CULTURE/MÉDIAS]

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Amine Aït Hadi

De la possibilité du rêve en AlgérieSa création nous invite encore à plonger dans un voyage intérieur où l’angélisme se mêle à la fratrie de

ce que recèle la terre de plus indicible

Décédée il y a 14 ans, elle aurait eu,en ce mois de novembre 2012, 81 ans.Cette artiste-peintre, BayaMahieddine, de son vrai nom FatmaHaddad, qualifiée de tous les nomsde fleurs et même d’un espace, s’enest allée discrètement le 9 novem-bre 1998. Une artiste qui s’est faitconnaître grâce à son génie et sasensibilité artistiques.

Des oeuvres d’un caractère libre etspontané ainsi qu’une inspirationabondante et ce dès son jeune âge.Représentante emblématique del’art naïf africain, et de l’«Art brut»selon l’expression utilisée par lepoète surréaliste André Breton pourdésigner la nature de ses oeuvres.Avec ses effarantes créa-tions, Baya a figuré parmi lesplus grands: Aksouh,Guermaz, Issiakhem,Khadda Mesli, des artistes dela «génération de 1930» quiont été les fondateurs del’art algérien moderne. Sonstyle, le naïf, a marqué lemonde des arts plastiquesaussi bien en Algérie quedans le monde.

Des oeuvres fantastiques

On est tenté de dire que lestableaux de la reine Bayasortent tout droit d’unechanson psychédélique desJefferson Airplane, maisbien plus qu’une comparaison hâ-tive, les oeuvres de Baya proposenttout un univers féerique. Un aspectinédit dans une Algérie acérée, écra-sée par le poids du réalisme sinistreet anguleux, quand même il est aussiurgent de se doter de la force de sesrêves. La reine au rameau d or nousfera penser à la beauté des songes,à l’image des récits à caractère fan-tastique sous la plume ingénieuse deMohammed Dib «Cours sur la rivesauvage» ou «le sommeil d’Eve».Mais quel mystérieux destin que ce-lui de cette enfant prodigue dont legeste a pu capturer des traces duparadis? Grâce à ses personnages etses objets ramifiés jusqu’aux jardinsdu ciel. Une façon de dire la possibi-lité d’une douceur inouïe au coeurd’une époque noire et désastreuseet dans laquelle, l’artiste a refuséaimablement le confort matériel qui

lui a été proposé. La princesse quicôtoyait les différentes fleurs et lesoiseaux de tout acabit avait déjà undon hors normes qui la protégeaitsans doute, et un intérêt prononcépour le monde invisible. Ailleurs, oùelle quêtait parcimonieusement desbouts précieux d’étranges secrets.Des paysages envoûtants et tout undialogue d’arabesques et d’orne-ments, résolument inachevés. Lemonde fabuleux de Baya est-il pourautant paisible? Il ne s’obstine pas dumoins à ravir. Il n’est d’ailleurs pas àce point dégagé de tout soupçon dedouleur ou de conflits intimes. Sespeintures cependant, apparaissentcomme un lieu de rendez-vous où setrament des fables, des ramifications

et des arborescences, où s’entremê-lent, oiseaux sombres, colibris, pe-tits moineaux, grives brunes, huppesou rolliers d’Afrique. Des bêtes issuesdu jardin d’Eden, rendu possible àtravers ses doigts de fées. D’autresespèces enchanteressesimprègneront son oeuvre, princesseet flore exotique, femmes-fleurs,poissons compotiers et calices, desfruits abondants et des poissons in-distincts tout pétillants. De nom-breux instruments de musique aussi,violons, cithares et mandoles, luths,lyres et harpes réunis dans un mêmefoisonnement, évoquant sourde-ment, une certaine influence del’homme et du musicien qui a partagésa vie. Autant d’éléments et de cou-leurs criardes dans ses gouaches,avec du rose indien, du bleu tur-quoise, des émeraudes et violets, quise confondent dans son espace pic-

tural. Des couleurs vives extirpéesde ses rêves et tout un imaginairecaptivant par les modulations et lesmouvements qu’il procure. Un attraitsauvage et primitif semble hanter lagenèse de son oeuvre et de son ima-ginaire caractérisant une mêmequête d’harmonie embryonnaire. Untrait épuré et asymétrique cernesans hésitation les silhouettes et lescoiffes de ses «Hautes Dames»,parmi lesquelles gisent les figures dela Mère énigmatique. Baya construitune demeure close, légère, exclusi-vement féminine, tout à la fois re-cluse et souveraine. Une oeuvre uni-que dans la mesure où ses figures etsymboles ne semblent pas tenird’une culture propre à son environ-

nement social. Sa créationnous invite encore à plongerdans un voyage intérieur oùl’angélisme se mêle à la fra-trie de ce que recèle la terrede plus indicible. Baya estdans ce sens, une artiste plas-ticienne intrigante au lan-gage éthéré et authentique.Un monde fantastique dontelle est seule à connaîtrel’endroit, et qui sera un souf-fle, même fragile, porteurd’une sérénité incroyableavec une discrétion totaledans l’approche. Ainsi, sonoeuvre, aussi précoce soit-elle, rencontre intérêt et no-toriété.

Une ineffable présence dans lemonde

Baya Mahieddine naît en 1931 à BordjEl Kiffan, et devient Baya à Alger àl’âge de 11 ans quand elle sera adop-tée par Marguerite Caminat à partird’une rencontre fortuite à la fermede Simone la soeur où travaillait lagrand-mère maternelle de l’orphe-line. Le début d’une grande affectionet de l’affirmation d’un art qui seracatalogué de naïf. Dès son jeuneâge, elle fait la couverture du maga-zine Vogue. Elle réalise à Vallauris dessculptures en céramique dans l’ate-lier Madoura où elle côtoie Picasso.Une oeuvre et une artiste qui ont étécélébrées par maintes plumes inter-nationales de la littérature et de lapresse, des grands noms de la pein-ture et de la sculpture tels que le re-gretté Tahar Djaout qui dira à son

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[CULTURE/MÉDIAS]

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propos, qu’elle est la soeur deSchéhérazade. «Le regard fleure»selon Assia Djebar, «La reine» selonle poète surréaliste André Breton.

Soutenue par Jean Sénac et son ex-position «Peintres algériens», RachidBoudjedra, Paul Balta, Jean deMaisonseul, Henri Kréa, EdmondeCharles-Roux, Georges Braque,Khadda... la consacrent et lui vouenttoute une admiration. Elle estaujourd’hui présente dans des collec-tions publiques prestigieuses, notam-ment du Musée national des beaux-arts d’Alger avec «Femme au pal-mier», du musée des Arts décoratifs,de l’Institut du Monde arabe, duMusée de l’Art brut de Lausanne ouencore du fnac (Fonds national d’artcontemporain), au Mali, au Maghreb,dans le Monde arabe, en Europe, auJapon, à Cuba, aux USA.

Des témoignages de grand respectcontinuent d’affluer sur ses oeuvres,une grande exposition lui sera pro-bablement consacrée au Mama l’an-née prochaine, mais il aurait falluimaginer plus d’ouvrages et d’atten-tion à son parcours, en attendant, ilétait primordial de rallumer les bou-gies pour se rappeler son être ingénuet son parcours grandiose. Un hom-mage à son inspiration féconde quis’écoule lentement dans un paradisqu’on imagine tout aussi charmant etpétulant. Ineffable, Fatma HaddadAlias Baya Mahieddine laisse derrièreelle un regard empli d’énigme et detendresse.

le 11 Novembre 2012

Mourad Merzouki, chorégraphe hors catégories

Ce chorégraphe français d’origine algérienne, venu au hip-hop par la

boxe et le cirque, aime à marier les disciplines comme les cultures.

A priori, il n’y a rien de plus éloigné de lalégèreté de la danse que la violence dela boxe. A priori... Rien de communégalement entre la musique classique deRavel, de Schubert ou de Verdi et lerugueux hip-hop. A priori... Mais lespréjugés sont faits pour être bousculéset, à ce petit jeu-là, Mourad Merzoukiest un expert qui a l’art de marier lescontrastes avec poésie et élégance. During à la scène, il n’y a qu’un pas pourl’esthète qui aime provoquer desrencontres inattendues. Dans Boxe Boxe,le chorégraphe se nourrit des deuxunivers qui l’ont façonné dès l’enfance.Né à Lyon en 1973 de parents kabyles(Algérie), l’actuel directeur du Centrechorégraphique national (CCN) deCréteil, près de Paris, a commencé lenoble art à l’âge de raison. Face àl’académie d’arts martiaux où son pèrel’a inscrit se trouve une école de cirqueoù il s’aventure en cachette. À la fin desannées 1980, la déferlante hip-hop luiouvre de nouveaux horizons et luipermet de concilier les inconciliables.

Avec son ami Kader Attou (aujourd’hui directeur du CCN deLa Rochelle), il fonde sa premièrecompagnie, Accrorap, en 1989. Tousdeux fils d’immigrés et banlieusards, ilss’efforcent de déconstruire l’imagequ’une société française bien-pensanteleur renvoie. Pour autant, MouradMerzouki ne renie ni son histoire ni cellede ses parents. « Quand on a 15-16 ans,on ne sait pas très bien ce qui, en nous,vient de l’héritage culturel que nosparents nous ont légué. Même si jepassais toutes mes vacances en Kabylieet que je parlais kabyle à la maison, je mesentais ­pleinement français. L’Algérie,ce n’était pas chez moi. Il y avait unebarrière culturelle qui m’empêchait dele croire. »« Inconsciemment, dans mes spectacles,

reconnaît-il néanmoinsaujourd’hui, j’ai souventutil isé des musiquesarabo-andalouses. Sansarrière-pensée. Cela n’ajamais relevé d’uner e v e n d i c a t i o ncommunautaire. C’estjuste que j’ai grandiavec. »Dans les années 1990, sadouble nationalité franco-algérienne l’expose aurisque de devoiraccomplir son servicemilitaire dans un pays quis’enfonce dans l’horreur.À partir de sa majorité,

Mourad Merzouki ne foulera plus le solnatal de ses parents une décenniedurant. Dans les années 1990, sa doublenationalité franco-algérienne l’expose aurisque de devoir accomplir son service

militaire dans un pays qui s’enfonce dansl’horreur. C’est grâce à la danse qu’il yretournera, en 2001, pour donner Récital,à Alger. « Je revenais avec un regardd’adulte et j’ai vu l’Algérie différemment.Pour la première fois, je m’y suis senticomme à la maison », se souvient celuiqui, entre-temps, a bousculé les codes duhip-hop en l’ouvrant au contemporain etau classique.« Je pars toujours de la gestuelle et duvocabulaire hip-hop, explique-t-il, mais jene m’enferme pas dedans. C’est unedanse jeune, qui ne demande qu’àévoluer, à être confrontée à d’autresformes artistiques, à d’autres cultures. »Subtil mélange d’influences diverses, leurart séduit assez rapidement lesdirecteurs de théâtre, et, à force dedétermination, les deux compèresparviennent à sortir le hip-hop de la ruepour le hisser sur les plus hautes scènes*.« En même temps, je voulais fairedécouvrir d’autres arts et d’autrescultures à ceux qui, comme moi, viennentde banlieue »…En seize ans, la compagnie Käfig (« cage »en allemand et en arabe), qu’il a crééeen 1996, a donné plus de 2200 représentations devant plus de1 million de spectateurs dans 61 pays.Inventives, acrobatiques, délicates,pleines d’humour, ses chorégraphiesparlent au plus grand nombre à traversune poésie qu’il reconnaît avoir héritéede l’univers du cirque…Sa dernière création, Yo Gee Ti, créée àTaipei avec des danseurs taïwanais, a faitl’ouverture en septembre de la Biennalede Lyon, la plus importante manifestationde danse contemporaine en Europe. Etauparavant, en juin dernier, celle dufestival Montpellier Danse, dont il étaitl’artiste associé. Une reconnaissance quirassure son père, « réticent au début »,avoue celui qui a été nommé chevalierde la Légion d’honneur en juillet. « Quandil a compris que le hip-hop était quelquechose de sérieux pour moi et qu’il a vules premiers articles qui m’étaientconsacrés, mon père a commencé àaccepter mon choix. Même s’il est fierde mon parcours aujourd’hui, il ne dirapas pour autant à ses amis que je suisdanseur. Juste que je fais des spectacles »,s’amuse-t-il, philosophe.

* Mourad Merzouki est actuellement entournée mondiale avec cinq spectacles :Boxe Boxe, Correria Agwa, Käfig Brasil,Récital, Yo Gee Ti.

Je pars toujours de la gestuelle duhip-hop, mais je ne m’enferme pas

dedans». © Bruno Levy pour J.A.

Séverine Kodjo-Grandvaux

le 26 Octobre 2012

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[MÉMOIRE]Flash-Back. les musiciens juifs dans l’Algérie coloniale

«On m’appelle l’Oriental»Entre le milieu du XIXe siècle et celui du XXe siècle, beaucoup d’artistes et d’entrepreneurs culturels juifs marquent le

paysage culturel en Algérie.

Entre le milieu du XIXe siècle et celui du XXe siècle, beau-coup d’artistes juifs marquent le paysage culturel en Al-gérie. Ils fondent un espace culturel pluriel ou se profi-lent à la fois le substrat local et les nouvelles perspecti-ves de création culturelle qui agitent le monde.Aujourd’hui, alors que la communauté juive a disparu del’espace social algérien, certaines personnalités, tellesYafil, Lili Bonniche, Lili Labassi, font partie de la mémoireculturelle en Algérie. En 1861, quand Alexandrechristanowitsch cherche à découvrir les interprètes dela musique arabo-andalouse à Alger, il rencontre quel-ques musiciens juifs et musulmans. Certains grands mé-lomanes juifs sont considérés parmi les meilleurs inter-prètes de cette musique au cours de la seconde moitiédu XIXe siècle. Yossef Eni-Bel Kharraïa, Maqchiech, oumaalem Ben Farrachou eurent, par exemple, une in-fluence décisive dans sa conservation. A la même épo-que, Feydeau, en visite à Alger, rend compte du carac-tère métissé desartistes qui pro-duisent la musiquesavante... La pré-sence de ces der-niers est souventattestée, commeà Mascara, durantla période del ’ E m i rAbdelkader, ainsiqu’en témoigneDaumas en1 8 3 8 … D e u xchanteurs popu-laires juifs tuni-siens marquentdurablement laconscience culturelle des musulmans maghrébins dansl’entre-deux guerres : Habiba Messika, venue chanter àAlger en 1923, et Cheikh El Afrit. Leurs disques consti-tueront, avec ceux de Mohamed Abdelouahab et OumKeltoum, le levain de la chanson de langue arabe. Laproximité artistique et la similarité des registres esthéti-ques se traduisent parfois par des actes de solidarité.Ainsi, à Tlemcen, les frères Dib Ghaouti et Mohamed vien-dront en aide aux musiciens juifs Touati et Maqchich lorsdes violences anti-juives de 1881. Il faut signaler que desmusiciens juifs tlemcéniens participent aux orchestresmusulmans : Liahou benyoucef, Liahou El Ankri, NouchiChloumou, Makhlouf Rouche, dit « Bettaira », BrahamEd-der’ai, Makhlouf Ayache, etc. A Mostaganem, ElieTeboul, Meyer Reboah, Issac Benghozi sont parmi lesmusiciens juifs qui participent aux cérémonies culturel-les hébraïques ainsi qu’aux activités profanes ou ils fontcause commune avec les mélomanes musulmans. Danssa qacida sur les « gens de Mostaganem », AbdelkaderBentobdji, un des plus grands poètes mystiques contem-porain de Mostaganem, se plaint de ses coreligionnairesqui encensent Meyer et Jacob, considérés comme devéritables cheikhs…En 1905, quand Jules Rouanet pré-sente au groupe des savants réunis à Alger les meilleursinterprètes de musique arabe, deux des plus importantsmusiciens juifs de l’époque y figurent : Mouzino et LahoSerror. Une des plus emblématiques femmes artistes

juives fut Marie Soussan. Associée à l’émergence duthéâtre algérien, à partir des années 1930, elle fut la pre-mière femme « arabe » de ce théâtre…Elle forma surscène, avec Rachid Ksentini un des couples les plus cé-lèbres de l’entre- deux guerres. Interprète de chansonsde variétés, elle a enregistré plus d’une vingtaine de 78tours. Il faut rappeler l’importance d’une Soltana Daoud,dite Reinette l’Oranaise, de Sarriza Cohen, d’AliceFitoussi ou de Line Monty qui excellaient aussi bien dansle hawzi que les compositions modernes…Beaucoup demusiciens, en s’installant en France, transportent aveceux les pratiques de leur terroir. On y compte Joseph,dit Yossef ou bâ Yossef Fhal, cordonnier à Khenchela,joueur de violon et de derbouka, Simon, dit Salim Hallali,sa mère Chelbya, Elie Moyal, dit Lili Labassi, Blond-Blond,Raymond Leyris…Edmond Nathan Yafil fut le principalconseiller des firmes qui entreprennent des campagnesd’enregistrement…C’est le cas de Léon Marchodé

Sasportes quifonde, en 1930, àAlger, la compa-g n i ealgériaphone…EdmondNathan Yaf il, ditYaf il Ibn Shbab,né en 1874 à la Cas-bah d’Alger, pu-blie de 1904 à 1927,en notation musi-cale occidentale,l’essentiel du pa-trimoine musicalealgérois dans unecollection de 29fascicules. Fonda-teur de la première

école de musique arabe algéroise en 1909, puis de lapremière association musicale El Moutribia, il est louépar les algériens musulmans…Le chef d’orchestreMessaoud El Medioni, surnommé Saoud El Wahrani te-nait également un café dans le quartier juif d’Oran (Derb)ou il recevait des artistes musulmans comme les cheikhsHammada ou Madani. Jules Rouanet cite les noms deBraham El Ouarani, les frères Amsili, David Davila et Neph-tali Sebaoun parmi les meilleurs musiciens arabo-anda-lou à Oran, au début du XXe siècle. Saoud animait lesprincipaux orchestres. Avec le compositeur José Huer-tas, ils transposent une vingtaine de mélodies. Il a re-groupé autour de lui des disciples. Il émigra vers 1937 àParis. Arrêté à Marseille, il fut déporté avec son fils, âgéde 13ans, vers le camp d’extermination de Sobibor en1943. Une autre figure de l’Oranie musicale des années1930 est représentée par Maalem Zouzou, pseudonymede Joseph Guenoun…Citons également Lil iLabassi…Blond Blond (Albert Rouimi), imitateur réputéde Maurice Chevalier portera jusqu’après l’indépen-dance, dans ses tournées en France, cette culture mixtede musique savante et de chansons légères. Ailleurs, àConstantine, la vie musicale a été longtemps dominéepar la figure tutélaire et tragique de Cheikh RaymondLeyris. Il regroupa les meilleurs instrumentistes, parmilesquels son fidèle accompagnateur, Sylvain Ghenassia,père d’Enrico Macias. Toujours dans cette ville, citons

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[MÉMOIRE]

Juillet 2012

Hadj Miliani

le 10 Novembre 2012

Bentari Nathan, Maurice Draï, Elbaz Bellara, NaccacheAlexandre, dit Juda et Simone Allouche-Tammar. Il fautévoquer pour Alger, Edmond Atlan, Line Monty, Lili Bon-niche, Luc Chekri et René Pérez, ainsi que José De Suza,Alias Youcef Hagège à qui on doit le fameux On m’ap-pelle l’oriental…Après la crue de l’oued Ain Sefra quidévasta Mostaganem le 26 novembre 1927, Elie Tebboulenregistre chez Colombia à Paris la « chanson des sinis-trés de l’Oranie »…Enfin, en France, le cabaret sera l’undes espaces privilégiés de ces artistes. Salim Halali y faitl’essentiel de sa carrière. Blond-Blond fit les beaux joursdes cabarets Soleil d’Algérie et El Djazaïr. Maurice El

Médioni travailla au Cabaret Le Poussin bleu. Du cafémauresque au cabaret oriental de la métropole coloniale,la transition est vite faite entre une chanson marquéepar le patrimoine arabo-andalou et celle qui alterne airsfestifs, élégies amoureuses et complaintes d’esseulés.Rapidement, un répertoire se constitue.

Rendez-vous avec Frantz FanonPeu de livres auront autant marqué une génération d’intellectuels que « Les Damnés de la terre », avec la célèbre préface de

Jean-Paul Sartre glorifiant la violence de l’opprimé, en 1961. La pensée de Frantz Fanon, dont l’expérience de psychiatre engagéfut décisive, mérite cependant d’être revisitée à la lumière des indépendances et de la terrible guerre civile qui a ravagé l’Algé-

rie dans les années 1990.

Ecrire quelques mots sur le cinquan-tenaire de la mort de Frantz Fanon,peu avant de célébrer celui de l’in-dépendance, que chacun attend depied ferme. Quelques mots n’y suf-firont pas. Il y faudrait une part ac-ceptable de contradiction suscepti-ble de rendre palpables des êtres.Dans cette contrainte réside déjà unpeu de la violence dont on va tantparler à propos de Fanon. Car c’estd’abord « contraint » que le discoursdu révolté entre sur une scène mon-diale préalablement aseptisée par lediscours sur les guerres « zéromort ». Dans un drone, fanon n’a passa place. Et dans les montagnesafghanes ou dans les sables du sa-hel, ce n’est pas lui qui se trompe.C’est la violence qui a tout pris,comme l’écrivait Mouloud Mammeridans sa « lettre à Jérôme », en no-vembre 1956. Comment cerner lefanon qui nous trouble, le Fanon dela colère radicale contre l’oppres-sion, quand cette dernière est deve-nue massive lors de la « sale guerre »des années 1990 ? Une guerre qui n’apas cessé de s’inscrire dans le sillagede la domination coloniale…Est-ilpossible d’inviter Fanon à lire avecnous aujourd’hui la manière dont laviolence rebondit d’un camp à l’autreen les explosant littéralement ? Fa-non est-il mort seulement trop jeune,mais de plus à une date ou le regardse détourne trop vite vers d’autresévènements ? Ou peut-être est-ce le

contraire. En se tenant aussi près deces deux dates, fanon accomplit-il àson corps défendant un geste decolère didactique qui force l’esprit àlire les mots et l’histoire avec leurpoids spécifique de violences en cas-cade ? Ces hommes que l’on massa-cre en silence et à qui l’on ne rendraun hommage timide que cinquanteans plus tard…Ces hommes pou-vaient-ils se libérer autrement quepar et dans la violence ?...Mais il y alà également matière à(ré)apprendre sur les mécanismesde la domination, qui, bien au-delàde la colonisation, marque les rap-ports entre les hommes. La violencelibératrice, Fanon le montre biendans son analyse des élites nationa-les, ne peut s’accomplir sans la dé-colonisation. Un territoire resté enjachère que la globalisation compli-que, déplace et fragmente en seg-ments antagoniques. La langue elle-même devient champ de bataille in-terne et externe…Et ces faisceauxde luttes qui se croisent, s’affrontentet se fécondent donnent lieu à unetopographie nouvelle ou la penséede Fanon ne peut plus se saisir dansun sens littéral. Elle peut intégrer lacontradiction quand elle réussit àquitter le champ de la justificationpour devenir ferment de la dignité,aptitude audépassement…Dépassement de lafureur, de la douleur, de la folie, dusuicide et du silence. La psychiatriepostindépendance et, surtout, pos-térieure à la « sale guerre » des an-nées 1990, attend encore son Fanon.Lire les textes de Fanon psychiatrependant la guerre d’Algérie et regar-der la folie éclater en dépressions,en suicides de protestation, en vio-lences multiples contre soi et contreles autres, cinquante ans plus tard,ne va pas de soi. Car en parallèleexiste un espace de normalité algé-rienne qui peut parfaitement s’insé-rer dans la normalité du monde. Maispeut-être est-ce là le véritable objetdu scandale, celui par lequel la co-

lère et la violence arrivent ? Et sic’était cette facilité déconcertantequ’ont les gens ordinaires à vivre auxcôtés des horreurs infligées auxautres qui fait basculer dans la fu-reur ? Pourquoi faudrait-il attendrequ’un Fanon, engagé volontaire con-tre le nazisme, contre le colonia-lisme, quand les plus nombreux sontrestés au chaud, psychiatre vivant auplus près de l’anéantissement moralet physique de ses patients, formuleun cri moins radical contre la domi-nation ? Pourquoi attendre de Fanon,qui a pris tous les risques, qu’il fassepreuve de la prudence des sages ?Côté géographie, son trajet va de laMartinique à l’Algérie en passant parla France pour s’achever dans unhôpital américain, avant qu’il re-vienne se faire enterrer en Algérie.N’est-ce pas là un périple qui rensei-gne sur l’histoire au long cours, dontles hommes comme Fanon aurontincarné avec le plus de passion ? Del’héritage laissé par l’esclavage à lalutte contre la colonisation en pas-sant par le combat contre le nazisme,pour mourir dans un pays encoremarqué par le racisme et finir dansune terre qui aura vus’accomplir…Vie et mort de Fanonauront été placées sous le signe del’engagement radical de l’homme.Chez Fanon, l’homme, c’est celui quisouffre…Rendre hommage à Fanon,c’est peut-être reprendre le thèmede la violence là ou il commence, s’in-cruste, louvoie et déguise la domi-nation en civilisation…A la fois tropproche de nos questionnements surhier et de nos silences suraujourd’hui, fanon, si l’on n’y prendgarde, peut vite redevenir d’unebrulante actualité. Car parfois la co-lère est tout ce qui reste à une hu-manité à laquelle on a, sinon tout, dumoins trop pris.

Salima Ghezali

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Jean-Paul Vesco nouvel évêque d’Oran :

un parcours peu ordinaireLe dominicain, Jean-Paul Vesco, vient d’être désigné par le pape Benoît XVI à Rome comme nouvel évêque

d’Oran. Il succède à Alphonse Goerger.

Le parcours du Lyonnais Jean-Paul Vesco est toutsauf ordinaire. Devenu évêque du diocèse d’Oransamedi dernier, le frère dominicain, prêtre depuis2001, est arrivé à la vie religieuse par le plus granddes hasards, si on ne considère pas la Providence,l’une des notions les mieux partagées par leschrétiens. Né le 10 mars 1962 à Caluire, dans la trèsproche banlieue lyonnaise, il fit ses études au lycéemariste, mais il se destinait à une vie profanekk danslaquelle il commença une carrière prometteuse.Après de sérieuses études en droit à Lyon III, maisaussi un DESS de fiscalité, ainsi que l’Ecole desofficiers de réserve de Saumur, il entre dans uncabinet d’avocats de Paris, situé au faubourg Saint-Honoré, en face du couvent des Dominicains.Avocat pendant sept ans, il change de destinée après1994 pour une vie religieuse. Il entame son noviciatdans l’Ordre des dominicains. D’abord moine, il estordonné prêtre en 2001, à presque 40 ans. Aprèsavoir étudié en Israël, à l’Institut pontifical d’étudedu judaïsme, puis à l’Ecole biblique de Jérusalem,c’est vers le monde arabe qu’il se destine. Arrivédans le diocèse d’Oran en 2002, au couventdominicain de Tlemcen (quatre personnes entrecette ville et Alger), il est rapidement devenudélégué du diocèse oranais pour la préparation del’Assemblée interdiocésaine d’Algérie (AIDA).Déjà aux dires de ses proches, il est remarqué parles évêques d’Algérie (Alger, Constantine, Oran,Laghouat et Ghardaïa). En 2005, il devient vicairegénéral du diocèse d’Oran, et depuis 2007,économe. Le 16 octobre 2007, il est élu supérieur dela communauté de Tlemcen.Pour s’imprégner du monde musulman, il passe unan lors de son arrivée en Algérie, en 2002, à BéniAbbès, dans la maison de l’ermitage de Charles deFoucauld, personnage qui continue de marquer leschrétiens en Algérie et de par le monde par sadimension spirituelle de fraternité qu’il a apportéeà sa vocation religieuse. Plus tard, au cours de seshuit premières années passées en Algérie, il crée desrencontres annuelles d’étudiants subsahariens àTlemcen. Econome et vicaire (numéro 2 du diocèse),il participe aussi à la cathédrale d’Oran en novembre2010.

«Le témoignage d’une présence en amitié»La roue tourne de nouveau, puisqu’il est élu commeprovincial de France au début 2011. Le jour de sonélection par ses frères, le 28 décembre 2010, il setrouvait en Algérie. Il quitte ainsi l’Algérie en unmoment fort, alors que les révoltes arabesgrondaient et que la rue algérienne, en février 2011rejoignait, timidement le mouvement. A cette

époque, il disait : «J’ai appris mon élection alors quej’étais à Alger. Du jour au lendemain, il a fallu quitterle pays, sans une affaire ni un au revoir. Jem’attendais à passer ma vie en Algérie : notre raisond’être dans ce pays, c’est de nous enraciner, et enun coup de téléphone, il fallait d’une certainemanière couper toutes ses racines.»Avant cette propulsion inattendue comme «patron»des dominicains, il pensait partir de nouveau dansle monde arabe, au Caire, pour parfaire son arabe.Elu pour quatre ans, il aurait dû patienter ceslongues années avant de retrouver ses ailes, maisle pape a raccourci son mandat à deux ansseulement, tenant compte peut-être de sa volontéde s’ancrer en Algérie. Jean-Paul Vesco succède àun autre Français, originaire de Sarreguemines,Alphonse Georger, qui a atteint la limite d’âge. Lui-même avait pris ses fonctions après la mort, dansun attentat d’un dominicain, Pierre Claverie, en août1996, alors que Jean-Paul Vesco faisait ses premierspas dans l’Eglise. Pour le nouvel évêque, l’Eglised’Algérie est «le témoignage d’une présence enamitié, non prosélyte, c’est le témoignage d’un Dieuaimant pour tous les hommes».Se disant renforcé dans sa foi dans un mondemusulman, il explique son bonheur d’être dans unesociété où «la question de l’existence de Dieu ne sepose pas. Il est partout, jusque dans les formules depolitesse». A 50 ans, l’âge de l’Algérie indépendante,il est maintenant sûr de se poser pour quelquesannées. Un évêque ne change pas de nominationaisément. Il aura le temps de s’assurer de lapertinence de sa vision des choses, et de son choixde l’Algérie. 

Walid Mebarek

Le 04 Décembre 2012

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[BIBLIOGRAPHIE]

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[FILMS]

Harraga bluesNouveau long métrage de Moussa

Haddad

Le film raconte l’histoire de deux jeunes amis, Rayan(Ramdan Zakaria) et Zino (Karim Hamzaoui) qui rêventde quitter l’Algérie pour vivre ailleurs. Ils projettent, cha-cun selon ses moyens, de prendre l’embarcation qui vales mener clandestinement vers les côtes européennes.La thématique n’est pas nouvelle mais Moussa Haddad,qui reprend le travail cinématographique après treizeannées d’absence, a voulu élargir la perspective sans

donner de leçon de morale

Les désorientés de Amin MaaloufEditions Grasset

Dans Les désorientés, je

m'inspire très largement dema propre jeunesse. Je l'aipassée avec des amis quicroyaient en un mondemeilleur. Et même si aucundes personnages de ce livrene correspond à une per-sonne réelle, aucun n'estentièrement imaginaire.J'ai puisé dans mes rêves,dans mes fantasmes, dansmes remords, autant que

dans mes souvenirs.Les protagonistes du roman avaient été inséparablesdans leur jeunesse, puis ils s'étaient dispersés, brouillés,

perdus de vue. Ils se retrouvent à l'occasion de la mort de l'undeux. Les uns n'ont jamais voulu quitter leur pays natal, d'autresont émigré vers les Etats-Unis, le Brésil ou la France. Et les voiesqu'ils ont suivies les ont menés dans les directions les plus diver-ses. Qu'ont encore en commun l'hôtelière libertine, l'entrepre-neur qui a fait fortune, ou le moine qui s'est retiré du mondepour se consacrer à la méditation ? Quelques réminiscencespartagées, et une nostalgie incurable pour le monde d'avant

Ce jour làCollectif Editions Chihab

Ce jour-là / Malek Alloula, Maïssa Bey,Denise Brahimi, Alice Cherki, HélèneCixous, Abdelkader Djemai ,Nabile Farès, Mohammed Kacimi,Arezki Metref, Badr'Eddine Mili, Ra-chid Mokhtari, Nourredine Saadi Boualem Sensal, Leïla Sebbar, HabibTengour, Mourad Yelles, Amin Zaoui... Sur un projet de Nourredine Saadi, sont réunis ici dans un recueilcollectif, des textes inédits d’écri-vains sur le thème du cinquantenairede l'indépendance de l'Algérie – écrits et récits de création, doncdistincts de tout traité à caractère historique ou de toute relation journalistique – textes par lesquels chacun évo-que ici librement et littérairement ce qu’a représenté .pour lui, dans sa vie, ses émotions, son imaginaire, ce 5 Juillet1962

Maghreb Machrek N° 212

Tribus, Tribalisme Et Transition(S) Dans

Le Monde Arabo-Musulman

Editions Choiseul

Parfums d’AlgerNouveau film de Rachid Benhadj

Karima (jouée par la comédienne italienne MonicaGuerritore) est une photographe algérienne connueinstallée à Paris. Elle rentre à Alger vingt ans après à lademande de sa mère (Chafia Boudraa) pour retrouverun pays défiguré par les violences. Son frère Mourad(Adel Djafri) est devenu chef terroriste, après unembrigadement en Afghanistan. Lorsqu’il estemprisonné, Karima va tenter de le libérer avec l’aide deson oncle (Ahmed Benaissa). Mais, Karima est toujourspourchassée par le fantôme de son père (Sidi AhmedAgoumi). Un père violent qui a fait vivre l’enfer à ses

enfants.