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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969 I DOCUMENTS SUR LA STRATEGIE DE L'OTAN 1949-1969 Publiés sous la direction de M. Gregory W. Pedlow Chef du Bureau historiographique du Grand quartier général des puissances alliées en Europe avec le concours des Archives centrales du Secrétariat international de l'OTAN

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969 I

DOCUMENTSSUR LA STRATEGIE DE L'OTAN1949-1969

Publiés sous la direction de

M. Gregory W. PedlowChef du Bureau historiographique du Grand quartier général des puissances alliées en Europe

avec le concours des Archives centrales du Secrétariat international de l'OTAN

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Table des matières

1. AVANT-PROPOS p.VII

M. Javier SolanaSecrétaire général de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

2. L'EVOLUTION DE LA STRATEGIE DE L'OTAN, 1949-1969 p.IX

M. Gregory PedlowChef du Bureau historiographique du Grand quartier général des puissances alliées en Europe

3. DOCUMENTS:

MC 3 19.10.1949 p.1Le concept stratégique de la défense de la zone Atlantique Nord (1)

MC 3/1 19.11.1949 p.9Le concept stratégique de la défense de la zone Atlantique Nord (2)

MC 3/2 28.11.1949 p.43Le concept stratégique de la défense de la zone Atlantique Nord

DC 6 29.11.1949 p.53Le concept stratégique de la défense de la zone Atlantique Nord

DC 6/1 1.12.1949 p.63Le concept stratégique de la défense de la zone Atlantique Nord

DC 6/2 16.1.1950 p.75Le concept stratégique de la défense de la zone de l'Atlantique Nord

MC 3/3 28.3.1950 p.81La proposition portugaise d'amendement du paragraphe 8g du concept stratégique (D.C. 6/1)

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MC 3/4 28.3.1950 p.85La proposition française d'amendement à D.C. 6/1 en ce qui concerne certaines lignes de communication

MC 14 28.3.1950 p.95Directive Stratégique pour le Planning Régional de l'Atlantique Nord

DC 13 28.3.1950 (et decision 1.4.1950) p.119Le Plan à Moyen Terme de l'Organisation de l'Atlantique Nord (3)

DC 6/3 1.4.1950 p.213L'objection portugaise relative au paragraphe 8g du concept stratégique (D.C. 6/1)

DC 6/4 24.5.1950 p.217L'objection portugaise relative au paragraphe 8g du concept stratégique (D.C. 6/1)

MC 3/5(Final) 3.12.1952 p.219Le concept stratégique de la défense de la zone de l'Atlantique Nord

MC 14/1(Final) 9.12.1952 p.229La Directive Stratégique

MC 48(Final) 22.11.1954 p.269Le système le plus efficace à adopter pour la force militaire de l'OTAN pendant les prochaines années

MC 48/1(Final) 9.12.1955 p.295Le système le plus efficace à adopter pour la force militaire de l'OTAN pendant les prochaines années - Rapport N˚2

C-M(56)138 (Définitif) 13.12.1956 p.317Directive du Conseil de l'Atlantique Nord aux Autorités Militaires de l'OTAN

MC 14/2 (Révisé)(Décision Finale) 23.5.1957 p.327Concept stratégique général pour la défense de la zone de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

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MC 48/2 (Décision Finale) 23.5.1957 p.371Mesures d'application du concept stratégique

DPC/D(67)23 11.5.1967 p.393Décisions du Comité des Plans de Défense en Session ministérielle

MC 14/3 (Définitif) 16.1.1968 p.407Concept stratégique général pour la défense de la zone de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

MC 48/3(Final) 8.12.1969 p.435Mesures de mise en application du concept stratégique pour la défense de la zone OTAN

(1) Traduction récente par le Service de traduction de l'OTAN.(2) La traduction d'origine a été revue par le Service de traduction de l'OTAN.(3) Traduction récente de la "Décision sur le DC 13" du 1.4.1950 par le Service de traduction de l'OTAN.

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AVANT-PROPOS

La fin de la Guerre froide, symbolisée par la disparition du mur de Berlin en novembre 1989, etles nombreux changements intervenus peu après à l'OTAN, conduisirent, en 1991, l'Organisationà revoir complètement sa stratégie, afin qu'elle ne soit plus axée sur des considérations liées àce contexte de Guerre froide. La transparence devint l'un des aspects essentiels de la nouvelleOTAN de l'après-Guerre froide. Cette nouvelle politique fut illustrée de façon extrêmement clai-re lorsque le nouveau Concept stratégique de l'OTAN, établi en 1991, fut publié sous la formed'un document non classifié.

La nouvelle attitude d'ouverture de l'Organisation, jointe à l'intérêt croissant manifesté à l'égardde l'histoire de l'OTAN pendant la Guerre froide, amena un certain nombre d'historiens et despécialistes des sciences politiques à demander à l'Alliance, en 1992, si elle pouvait déclassifier etcommuniquer plusieurs de ses documents importants sur la stratégie, datant des années 50 et60. Le Conseil de l'Atlantique Nord entama dès lors l'examen de ces demandes, en s'employant,dans le même temps, à mettre au point des politiques et des procédures relatives à la déclassi-fication et à la mise en lecture publique de documents plus anciens de l'OTAN en général, etpas uniquement de ceux qui traitaient de la stratégie de l'Organisation.

Des démarches furent entreprises rapidement pour engager le processus de recensement etd'examen des documents de l'OTAN susceptibles d'être déclassifiés et communiqués, mais leConseil de l'Atlantique Nord reconnut qu'il faudrait un délai considérable avant que tous lesdocuments demandés par les chercheurs soient disponibles dans le cadre de ce processus; c'estla raison pour laquelle il décida, en 1995, de déclassifier tout le dossier des documents plusanciens sur la stratégie de l'Organisation.

Conscient que ces documents sur la stratégie avaient été élaborés dans un contexte internatio-nal sensiblement différent, le Conseil décida, par ailleurs, qu'il fallait inclure en introduction à cedossier un essai exposant l'évolution de la stratégie de l'OTAN au cours des années 50 et 60,de manière à situer les documents dans la perspective historique appropriée. Dans l'essai quisuit, M. Gregory W. Pedlow décrit ce contexte historique.

La publication des documents sur la stratégie de l'OTAN ci-joints témoigne clairement de lavolonté de transparence et d'ouverture de l'Alliance dans le nouvel environnement de sécuritéeuro-atlantique. J'exprime l'espoir que ces documents éclaireront tous les lecteurs quant auxfondements sur lesquels s'est construite la réussite de l'Alliance depuis sa création en 1949.

Octobre 1997

Javier SOLANA

Secrétaire généralde l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

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L’EVOLUTIONDE LA STRATEGIE DE L'OTAN1949-1969

M. Gregory W. PedlowChef du Bureau historiographique du Grand quartier général des puissances alliées en Europe

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969 XI

La signature du Traité de l'Atlantique Nord, àWashington, le 4 avril 1949, fut la premièreétape de l'élaboration d'une stratégie d'en-semble pour la nouvelle Alliance. L'article 3 duTraité appelait les signataires à maintenir etaccroître "leur capacité individuelle et collecti-ve de résistance à une attaque armée", tandisque l'article 5 stipulait "les Parties conviennentqu'une attaque armée contre l'une ou plu-sieurs d'entre elles survenant en Europe ouen Amérique du Nord sera considéréecomme une attaque dirigée contre toutes lesParties" et précisait que dans une telle éven-tualité, chacune d'elles exercerait son droit delégitime défense, individuelle ou collective.L'article 9 marquait ensuite le début du pro-cessus visant à doter l'Alliance d'une structu-re organisationnelle, en établissant le Conseilde l'Atlantique Nord et en le chargeant deconstituer "les organismes subsidiaires quipourraient être nécessaires; en particulierd'établir immédiatement un comité de défen-se, qui recommandera les mesures à prendrepour l'application des articles 3 et 5".

A l'issue du processus de ratification du Traité,en août 1949, le Conseil de l'Atlantique Nord(qui, à l'époque, était composé uniquementdes Ministres des affaires étrangères des paysmembres) entreprit de créer la structure quidevait permettre de mener à bien le proces-sus de planification de la légitime défense col-lective, dont un aspect essentiel serait l'élabo-ration d'un concept stratégique général pourl'Alliance. En septembre 1949, le Conseil créale Comité de défense, composé des Ministresde la défense des pays membres; ce Comitéétait chargé d'élaborer des plans de défenseunifiés pour la zone de l'Atlantique Nord. LeConseil institua également le Comité militaire,qui regroupait les Chefs d'état-major des paysmembres, ainsi qu'un organe exécutif compo-sé de trois pays, baptisé "Groupe permanent",dont la tâche consistait à superviser le pro-cessus de planification militaire en dehors dessessions du Comité militaire (1). L'Alliancen'était pas encore dotée d'une structure decommandement militaire intégrée; elle avaitun système de comités moins structuré, aveccinq "Groupes régionaux de planification"composés de représentants des pays

membres. Le tableau 1 montre la structure del'OTAN telle qu'elle existait à la fin de l'année1949 (2).

Les nouvelles instances de l'OTAN s'attelè-rent immédiatement à l'élaboration d'unestratégie globale pour l'Alliance. L'utilisationd'armes nucléaires pour la défense de la zonede l'Atlantique Nord fut l'un des facteurs cléspris en considération dans ce processus. Acette époque, la plupart des planificateursmilitaires occidentaux estimaient que lepotentiel militaire conventionnel de l'OTANétait largement inférieur à celui de l'Unionsoviétique et de ses satellites d'Europe del'Est. Ce sentiment ainsi que la prééminencedes Etats-Unis dans le domaine nucléaireinfluèrent donc profondément sur l'élabora-tion de la stratégie de l'OTAN.

La planification stratégique initiale, 1949-1950

Le premier document sur la stratégie del'OTAN fut "Le concept stratégique de ladéfense de la zone de l'Atlantique Nord". Unavant-projet portant ce titre fut établi par leGroupe permanent le 10 octobre 1949(document SG/1) et diffusé ensuite aux Chefsd'état-major des pays membres de ceGroupe, pour qu'ils fassent part de leursobservations. Après y avoir apporté quelquesmodifications rédactionnelles d'importancemineure, le Groupe permanent soumit ledocument sur le concept stratégique auComité militaire, en tant que MC 3, le 19octobre 1949.(3) Comme le Groupe perma-nent l'indiquait dans sa lettre d'accompagne-ment, le MC 3 était rédigé en des termesgénéraux tenant compte de considérationstant politiques que stratégiques. Le Groupeajoutait qu'à l'avenir, il diffuserait des orienta-tions stratégiques plus détaillées, à caractèrepurement militaire, à l'intention des Groupesrégionaux de planification.

L'objectif principal du MC 3 était de mettresur pied "une puissance militaire adéquateavec la meilleure économie des efforts, desressources et des effectifs". Il importe de noterque même les tout premiers projets de docu-ments sur le concept stratégique de l'OTAN

A A l'époque, il n'existait pasde Comité militaire en ses-sion permanente, et ceComité (Chefs d'état-major)se réunissait très rarement.Par conséquent, le Groupepermanent (qui était compo-sé de représentants militairesde haut niveau de la France,du Royaume Uni et des EtatsUnis, et dont le siège se trou-vait à Washington) avait delarges pouvoirs. Les autresmembres de l'Allianceavaient la faculté d'envoyerdes représentants militairesaccrédités auprès du Groupepermanent, à Washington,mais ceux-ci avaient peu depouvoirs réels. En décembre1950, le statut de ces repré-sentants s'améliora avec laconstitution du Comité desreprésentants militaires sié-geant à titre permanent; ilne s'agissait toutefois pas del'équivalent d'un Comitémilitaire, en session perma-nente, et le Groupe perma-nent resta donc l'organeprépondérant en matière desupervision de la stratégie etdes plans militaires audébut des années 50. Pourune analyse des structuresmilitaires de l'Alliance dansles années 50, voir DouglasL. Bland, The MilitaryCommittee of the NorthAtlantic Alliance : A Study of Structure andStrategy (New York, 1991)pp. 135-155.

2 Doris M. Condit, The Test of War, 1950-1953, History ofthe Office of the Secretary ofDefense, vol. 2 (Washington,1988) p. 313.

3 Les documents soumis auComité militaire et approu-vés par lui sont tous numé-rotés dans la série MC, maisils ne concernent pas tousdes questions stratégiques. Le MC 3 est donc le premierdocument de la série MCexposant le concept straté-gique de l'OTAN. Les docu-ments du Comité de défensesont numérotés dans la sérieDC, tandis que les docu-ments diffusés par le Groupepermanent appartiennent àla série SG. L'avant-projetdu concept stratégique, leSG 1, ne figure pas dans leprésent volume, car il estpratiquement identique auMC 3.

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mentionnaient déjà les armes nucléaires.Ainsi,la section du MC 3 consacrée aux missionsmilitaires permettant la mise à exécution duconcept de la défense indiquait que l'Alliancedevait pouvoir utiliser immédiatement labombe atomique, et que ceci était au premierchef une responsabilité incombant aux Etats-Unis, avec l'assistance des autres nations dansla mesure du possible. Outre la proposition derecourir aux armes nucléaires pour défendrela zone de l'Atlantique Nord, le MC 3 appelaitles pays membres à arrêter et refouler aussitôt que possible les offensives ennemiescontre les puissances couvertes par le Traitéde l'Atlantique Nord, en mettant en oeuvretous les moyens disponibles, y compris lesopérations aériennes, navales, terrestres etpsychologiques, en observant qu'initialement,le "noyau" des forces terrestres devrait êtrefourni par les nations européennes, pendantque les autres procéderaient à la mobilisation.D'autres missions militaires consistaient

notamment à neutraliser les opérationsaériennes ennemies, assurer la sécurité et lamaîtrise des lignes de communication mari-times et aériennes, défendre les principaleszones et bases d'appui qui seraient essen-tielles pour la défense de l'Alliance, et mobili-ser et augmenter le potentiel global des paysalliés, en vue d'opérations offensives ulté-rieures destinées à maintenir la sécurité dansla zone du Traité de l'Atlantique Nord.

A la suite des observations formulées par leComité militaire et par certaines Délégationsnationales, des modifications mineures furentapportées au document, qui fut diffusé, avec lemême titre, sous les cotes MC 3/1, le 19novembre 1949, et MC 3/2, le 28 novembre1949. La section révisée du MC 3/2 concer-nant les missions militaires renforçait la formu-lation du passage sur les armes nucléaires, enstipulant que l'Alliance devait "assurer la pos-sibilité de procéder à des bombardementsstratégiques comportant l'utilisation immédiate

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969

4 Procès-verbal de la 2eréunion du Comité dedéfense, du 1erdécembre 1949, point8.

5 Lord Ismay, OTAN : les cinq premièresannées, 1949-1954(Paris, 1954), page27. En 1951, le Comitéde défense fut absorbépar le Conseil del'Atlantique Nord,dont la compositionne se limita donc plusaux Ministres desaffaires étrangères.

6 Le SG 13/16 n'a pasété réimprimé séparé-ment dans le présentvolume, car l'ensembledu document figuredans la pièce jointe auMC 14.

XIII

de la bombe atomique". A ce stade, cepen-dant, le MC 3/2 n'était pas encore un docu-ment approuvé sur la stratégie de l'OTAN, ladernière étape - celle de l'approbation desMinistres - n'ayant pas été franchie.

Le 29 novembre 1949, le Comité militairetransmettait son concept stratégique auComité de défense, en tant que documentDC 6, toujours avec le même titre "Leconcept stratégique de la défense de la zoneAtlantique Nord". La phrase sur "l'utilisationimmédiate de la bombe atomique" restaitinchangée par rapport au MC 3/2, et lorsquele Comité de défense se réunit pour examinerle DC 6, le 1er décembre 1949, le Ministre dela défense du Danemark fit part des préoccu-pations de son gouvernement devant le faitque le document sur le concept stratégiquecontienne une déclaration aussi explicite surl'utilisation de la bombe atomique. D'autresMinistres de la défense souhaitaient conservercette phrase, et le Comité de défense accep-ta finalement une solution de compromis pro-posée par le Président, le Secrétaire américainà la défense, M. Louis Johnson, qui consistait àsupprimer toute référence à la bombe ato-mique, étant entendu que cette suppressionne reflétait pas un changement de position.Suivant la formulation agréée, l'Alliance devait"assurer la possibilité de procéder à des bom-bardements stratégiques comportant l'utilisa-tion immédiate de tous les moyens et engins,sans exception".(4)

La nouvelle formulation sur les bombarde-ments stratégiques était le seul grand change-ment par rapport au DC 6, et une versionrévisée contenant les modifications apportéespar le Comité de défense fut diffusée sous lacote DC 6/1, le 1er décembre 1949. Le DC6/1 fut donc le premier document sur la stra-tégie de l'OTAN à recevoir l'approbation desMinistres, puisque le Comité de défense secomposait des Ministres de la défense despays de l'OTAN et qu'il préparait la stratégiede l'Alliance suivant les instructions du Conseilde l'Atlantique Nord. Le 6 janvier 1950, à satroisième session, à Washington, le Conseilmarqua son accord sur le nouveau conceptstratégique.(5)

Comme les documents de la série MC 3 dontil était issu, le DC 6/1 soulignait que la contri-bution de chaque pays à la défense devait êtreen rapport avec sa position géographique, sonpotentiel industriel, sa population et ses capa-cités militaires. Le document indiquait égale-ment qu'en développant leur potentiel militai-re en fonction des plans d'ensemble, les Alliésdevaient "tenir compte du fait que le redres-sement et la stabilité économiques consti-tuent des facteurs importants de leur sécuri-té"; ainsi, l'objectif des plans de défense del'OTAN était-il "d'assurer avec succès unedéfense des nations [du Traité de l'AtlantiqueNord] par l'efficacité maximum de leursforces armées, en envisageant une dépenseminimum d'effectifs, d'argent et de matièrespremières".

Le DC 6/1 énonçait un concept stratégiquegénéral pour l'Alliance, mais les Groupesrégionaux de planification avaient besoin dedirectives stratégiques beaucoup plusdétaillées pour établir leurs plans de défenserégionaux; c'est pourquoi, à sa deuxièmeréunion, le 29 novembre 1949, le Comité mili-taire donna pour instructions au Groupe per-manent d'élaborer une "Directive stratégiquepour le planning régional de l'AtlantiqueNord" détaillée et de soumettre ensuite unprojet aux représentants militaires accréditésauprès du Groupe permanent pour que desobservations puissent être demandées auxpays et incorporées dans le document. Unefois les observations des pays incorporéesdans le texte, la Directive stratégique (SG13/16) fut transmise aux Groupes régionauxde planification, le 6 janvier 1950. A la troisiè-me réunion du Comité militaire, le 28 mars1950, la "Directive stratégique pour le plan-ning régional de l'Atlantique Nord" futapprouvée officiellement, le SG 13/16 étantagréé en tant que MC 14.(6)

Le MC 14 fournissait des directives straté-giques supplémentaires destinées à permettreaux Groupes régionaux de planification d'éla-borer des plans de défense détaillés pour faireface aux situations d'urgence jusqu'en juillet1954. Dans sa directive préliminaire à cesGroupes, le Groupe permanent appelait l'at-tention sur le fait que les pays signataires du

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969XIV

Traité de l'Atlantique Nord devaient "éviterd'aborder l'étude de leurs plans dans l'étatd'esprit qui existait à la fin de la deuxièmeguerre mondiale, et qui résultait pour une largepart de l'énorme puissance militaire dont dis-posaient les Alliés à cette époque". Observantqu'il faudrait de nombreuses années pour queles pays de l'OTAN se dotent de forces simi-laires, alors que l'URSS avait "entretenu, sinonaugmenté, ses possibilités techniques, militaireset économiques", le Groupe permanent indi-quait qu'il fallait "insister de façon particulièresur la nécessité de trouver des formules per-mettant de pallier l'infériorité numérique".

Les objectifs essentiels de la politique dedéfense de l'OTAN, tels qu'ils étaient exposésdans le MC 14, étaient de "convaincre l'URSSque la guerre ne payerait pas et, si la guerresurvenait, d'assurer avec succès la défense" dela zone de l'OTAN. Le MC 14 partait de l'hy-pothèse qu'en cas de guerre, l'Union sovié-tique essayerait de vaincre les forces del'OTAN et d'atteindre la côte atlantique, laMéditerranée et le Proche-Orient. Autrehypothèse fondamentale : "les armes de toutenature, sans exception, pourraient être misesen oeuvre par chaque adversaire". Le MC 14donnait pour instructions aux planificateursmilitaires des Groupes régionaux de planifica-tion d'établir des plans visant à contenir l'en-nemi aussi loin que possible vers l'est enAllemagne, vers l'est et vers le nord en Italie,et "à l'extérieur d'une zone défendable" enEurope du Nord. Le document comportaitégalement des directives détaillées concer-nant le renseignement en vue de la planifica-tion régionale, y compris une évaluation desintentions stratégiques des Soviétiques.

Dès avant l'adoption officielle du MC 14, ledocument source - le SG 13/16 - avait servide base aux plans de défense qu'avaient éta-blis les Groupes régionaux de planificationpendant les premiers mois de 1950. LeGroupe permanent regroupa ensuite cesplans dans le "Plan à moyen terme del'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord",qui fut approuvé par le Comité militaire le 28mars 1950 et transmis au Comité de défenseen tant que DC 13. Le 1er avril 1950, leComité de défense approuva le document.

Etant donné qu'il s'agissait du document leplus détaillé jamais établi par l'OTAN concer-nant la stratégie, le DC 13 comportait enpage de couverture la note suivante: "En rai-son du caractère très secret de ce document,il n'en est fait qu'une diffusion strictementlimitée". Bien que simplement intitulé "Plan àmoyen terme", le DC 13 contenait un trèsgrand nombre de directives stratégiques; enfait, un document ultérieur sur la stratégie, leMC 14/1, indiquait que le DC 13 avait "servide base à l'élaboration de tous les plans stra-tégiques OTAN". La section du DC 13 consa-crée à la politique de défense reprenait lesconcepts stratégiques du DC 6/1 et la directi-ve stratégique du MC 14. Aux termes du DC13, l'objectif stratégique global de l'OTAN, encas de guerre, serait "d'annihiler en URSS etchez ses satellites, au moyen d'une offensivestratégique en Eurasie occidentale, la volontéet la possibilité de faire la guerre". Le docu-ment envisageait quatre phases pour les opé-rations qui se dérouleraient après le déclen-chement des hostilités:

PHASE 1 - "Du jour J à la stabilisation de l'of-fensive soviétique initiale, comprenant ledéclenchement de l'offensive aérienne alliée."

PHASE 2 - "De la stabilisation de l'offensivesoviétique initiale au déclenchement d'opéra-tions offensives alliées de grand style."

PHASE 3 - "Déclenchement d'opérationsoffensives alliées de grand style jusqu'à la capi-tulation de l'URSS."

PHASE 4 - "Réalisation finale des buts deguerre alliés."

DC 13 exposait également un conceptd'opérations pour la phase 1. Les trois régionseuropéennes de l'OTAN étaient considéréescomme "la "couverture" face à l'Est de la zonedu Traité de l'Atlantique Nord". Leur missionessentielle était donc de "retarder et arrêterl'avance ennemie", tâche qu'elles devaientmener à bien en "[arrêtant] l'ennemi le plus àl'Est possible", et "en utilisant au maximumleur mobilité et en menant des opérationsoffensives toutes les fois que l'occasion s'en[présenterait]". Le sabotage et les actions sub-versives étaient considérés comme des

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969 XV

moyens d'imposer des retards supplémen-taires à l'ennemi, et "l'appui maximum [devait]également être apporté aux opérationsd'ordre psychologique qui pourraient êtreentreprises contre l'ennemi". En recourant àl'ensemble de ces moyens, les forces consti-tuant l'élément essentiel de la "couverture"de la zone de l'Atlantique Nord "[gagne-raient] du temps permettant aux renforce-ments d'arriver et à l'accumulation des coupsportés par l'offensive aérienne stratégique defaire sentir ses effets". Quant à la région del'Amérique du Nord, "l'action de base initiale"qui lui incombait était "d'entreprendre uneoffensive aérienne stratégique contre l'enne-mi, dès le déclenchement des hostilités".

Le DC 13 contenait également une estima-tion des forces considérées comme néces-saires pour la mise en oeuvre de ces plansjusqu'à l'échéance de 1954. Outre 2.324navires de guerre de diverses dimensions,allant des cuirassés aux dragueurs de mines,et 3.264 appareils de l'aéronavale, le DC 13préconisait la mise à disposition de 90 divi-sions, au sein des forces terrestres del'OTAN, et de 8.004 aéronefs de combat, ausein des forces aériennes alliées.

L'adoption du DC 13, le 1er avril 1950, prati-quement un an jour pour jour après la signa-ture du Traité de l'Atlantique Nord, marqua lafin du processus initial de formulation de lastratégie de l'OTAN. Cette stratégie étaitexposée dans trois documents de base : leDC 6/1, qui énonçait le concept stratégiquegénéral, le MC 14, qui fournissait des direc-tives stratégiques plus spécifiques en vue del'établissement des plans de défense, et le DC13, qui englobait ces deux aspects ainsi quede très nombreux plans régionaux détaillés. Ilimporte de noter que les éléments clés de lastratégie de l'OTAN, y compris le recours àl'arme atomique pour défendre l'Europe,étaient donc déjà en place avant l'éclatementde la guerre de Corée.

L'évolution de l'OTAN, 1950-1952

Avec le lancement de l'invasion de la Corée duSud par les forces nord-coréennes le 25 juin1950, qui déclencha un conflit dans lequel des

troupes des Etats-Unis et d'autres pays del'OTAN furent bientôt amenées à se battrepour le compte des Nations Unies, se dévelop-pa rapidement la crainte de voir l'Europe occi-dentale, qui compterait également la moitiéd'un pays divisé par une frontière idéologique,devenir la prochaine cible d'une agression com-manditée par les Soviétiques. Conscient que lesystème peu structuré de groupes stratégiquesmis en place par l'OTAN se révélerait inadaptési un tel conflit survenait, le Conseil del'Atlantique Nord approuva, le 26 septembre1950, la création d'une force militaire intégréesous commandement centralisé. Ensuite, le 19décembre de la même année, il demanda lanomination du général Dwight D. Eisenhowercomme premier Commandant suprême desforces alliées en Europe (SACEUR); celui-ci arri-va peu après en Europe pour superviser les tra-vaux du Groupe de planning qui préparait lacréation de son nouveau quartier général, leGrand quartier général des puissances alliéesen Europe (SHAPE). Le 2 avril 1951, le com-mandement du général Eisenhower, leCommandement allié en Europe (CAE), ainsique son nouveau quartier général (le SHAPE),devinrent opérationnels, et ce dernier prit encharge les travaux des trois Groupes régionauxde planification pour l'Europe, qui furent dis-sous. Le Groupe régional de planification del'Océan Atlantique Nord fut remplacé, en 1952,par le Commandement allié de l'Atlantique(dirigé par un deuxième Commandant suprê-me, le SACLANT - Commandant suprême desforces alliées de l'Atlantique); le seul Grouperégional de planification toujours en place, surles cinq qui existaient à l'origine, était le GroupeCanada-Etats-Unis. Cette même année, unetroisième grande zone de commandementOTAN fut créée pour la Manche et les eauxcôtières adjacentes, un Comité de la Manchesupervisant les commandements navals etaériens pour cette zone. Le 18 février 1952, laGrèce et la Turquie devinrent membres del'Alliance. Peu après, à la réunion du Conseil del'Atlantique Nord tenue à Lisbonne du 20 au25 février 1952, l'Alliance améliora sa structureorganisationnelle, en créant le poste deSecrétaire général et en instaurant le Conseilen session permanente. Le tableau 2 montre la

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969XVI

7 Condit, Test of War,1950 1953, pp. 344-347. Pour de plusamples informations surl'évolution de la structu-re de commandementmilitaire de l'OTAN pen-dant les années 50 etsur les différends poli-tiques qu'il fallut sur-monter dans ce proces-sus, voir Gregory W.Pedlow, "The Politics ofNATO Command, 19501962" dans U.S. MilitaryForces in Europe : TheEarly Years, publié sousla direction de SimonW. Duke et WolfgangKrieger (Boulder, 1993),pp. 15-42.

8 La version révisée dudocument ne fut pasdiffusée sous la cote DC6/2, puisque le Comitéde défense, absorbé parle Conseil en 1951,n'existait plus. Tous lesdocuments sur la straté-gie militaire allaient, àpartir de là, porter lacote MC.

structure organisationnelle de l'Alliance aprèsles changements intervenus en 1952.(7)

Pendant que se produisaient ces changementsstructurels, l'Alliance continuait d'affiner sesdocuments sur la stratégie. En mars 1950, lePortugal et la France proposèrent d'apporterquelques modifications mineures au conceptstratégique (respectivement dans les docu-ments MC 3/3 et MC 3/4); celles-ci furentapprouvées par le Comité de défense en tantque DC 6/3 et DC 6/4, publiés respectivementle 1er avril et le 24 mai 1950.A l'automne 1952,le Groupe permanent estima que le conceptstratégique (DC 6/1, du 1er décembre 1949)devait être revu de manière plus approfondiepour tenir compte de l'adhésion des deux nou-veaux pays membres et des importants change-ments organisationnels intervenus au sein del'Alliance depuis la fin de 1950. Ce réexamendéboucha sur le SG 1/7 ("Le concept straté-gique de la défense de la zone du Traité del'Atlantique Nord"), le 6 novembre 1952. Dansce document, il était proposé d'apporter au DC

6/1 un certain nombre de "mises au point dedétail", mais il était indiqué qu'"aucune modifica-tion de fond” n’était nécessaire.

Les amendements proposés pour le DC 6/1furent acceptés par le Comité des représentantsmilitaires, en tant que MC 3/5, et approuvésensuite par le Conseil de l'Atlantique Nord, le 3décembre 1952.(8) Le MC 3/5(final), intitulé "Leconcept stratégique de la défense de la zone del'Atlantique Nord", devint alors le documentofficiel sur le concept stratégique de l'OTAN, enremplacement du DC 6/1 et du SG 1/7.(9) Dansl'ensemble, la formulation du MC 3/5 était assezsemblable à celle du DC 6/1. Ainsi, aux termesde la section sur les mesures militaires, les plansde défense de l'OTAN devaient toujours "assu-rer [à l'Alliance] la possibilité de procéder rapi-dement à des bombardements stratégiquescomportant l'utilisation de tous les engins, sansexception".

Comme le concept stratégique, la directivestratégique devait être révisée pour refléter

SECRETARIATINTERNATIONAL

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969

9 Bien qu'il figure parmiles documents remplacéspar le MC 3/5(final), leSG 1/7 n'a jamais été, àproprement parler, undocument sur la straté-gie, il s'agit simplementd'une proposition demodifications au DC 6/1.

J NSC 162/2, BasicNational Security Policy,30 octobre 1953, dansForeign Relations of theUnited States [documentappelé ci après FRUS],1952 1954, vol. 2,National Security Affairs,pp. 585-586, 593. Pourde plus amples informa-tions sur l'évolution de lapolitique nucléaire amé-ricaine sous l'administra-tion Eisenhower, voirDavid Alan Rosenberg,"The Origins of Overkill :Nuclear Weapons andAmerican Strategy, 19451960", InternationalSecurity, vol. 7, n˚4 (prin-temps 1983), pp. 3-71.

K Robert Wampler, NATOStrategic Planning andNuclear Weapons,Nuclear History ProgramOccasional Paper 6(College Park, Maryland,1990), p. 9; Lawrence S.Kaplan, NATO and theUnited States : TheEnduring Alliance(Boston, 1988), p. 60.

XVII

l'adhésion de nouveaux pays et les nouvellesstructures organisationnelles de l'Alliance. Enoutre, les évaluations du renseignementavaient subi des modifications, et la période deplanification avait été étendue jusqu'à 1956. LeGroupe permanent décida donc de procéderà une vaste révision du MC 14 et d'y inclure,par la même occasion, la plupart des informa-tions qui figuraient auparavant dans le DC 13.Le 9 décembre 1952, le Comité militaireapprouva le MC 14/1 ("Directive straté-gique"), qui remplaçait à la fois le MC 14 et leDC 13. Le MC 14/1 fut ensuite approuvé parle Conseil réuni en session ministérielle, àParis, du 15 au 18 décembre 1952.

Le MC 14/1 était beaucoup plus détaillé que leMC 14, car il comprenait de nombreux sujetsprécédemment traités dans le DC 13, notam-ment des hypothèses, des estimations sur lescapacités ennemies, et des lignes d'action. Auxtermes du MC 14/1, le but stratégique d'en-semble de l'Alliance était "d'assurer la défensede la zone OTAN et de détruire la volonté etles moyens de faire la guerre de l'URSS et deses Satellites, initialement au moyen d'uneoffensive aérienne à mener en même tempsque les opérations aériennes, terrestres etnavales". Les attaques aériennes stratégiquesdes Alliés devaient être menées avec "tous lestypes d'armes". Le MC 14/1 examinait égale-ment les conséquences que les "armes de des-truction massive" pourraient avoir sur lesobjectifs de forces de l'OTAN et concluait que"les forces OTAN de type classique existantes[étaient] encore loin de satisfaire aux besoins,et qu'il ne saurait donc être permis aucunralentissement de leur expansion prévue" pen-dant la période 1953-54.Toutefois, "pour 1954-56, une plus grande disponibilité en armes dece genre, jointe à une augmentation des possi-bilités de lancement et de transport sur lesobjectifs, [pourrait] alors nécessiter une nou-velle évaluation des besoins requis pourdéfendre avec succès la zone OTAN".

La nouvelle doctrine stratégique/la nouvelle approche, 1953-1954

A sa réunion de février 1952 à Lisbonne, leConseil de l'Atlantique Nord avait fixé desobjectifs de forces très ambitieux - pour 1954,

l'OTAN devait pouvoir disposer au total de96 divisions après 90 jours de mobilisation,dont près de la moitié devait être prête dès ledéclenchement d'hostilités - mais la réalisationde ces objectifs se révéla financièrement etpolitiquement impossible pour les membresde l'Alliance. Même la nouvelle administrationaméricaine du président Eisenhower se mit àrechercher des moyens d'accroître l'efficacitémilitaire dans les limites d'un budget de ladéfense qui n'augmenterait vraisemblable-ment plus de manière substantielle, et lesarmes nucléaires, compte tenu de leur dispo-nibilité croissante, parurent offrir une plusgrande rentabilité. En 1953, les Etats-Unisréorientèrent donc leur politique de défenseet adoptèrent la "nouvelle doctrine straté-gique" ("New Look"), qui mettait davantagel'accent sur l'emploi des armes nucléaires.Cette nouvelle politique fut exposée dans leNSC 162/2, du 30 octobre 1953, qui stipulaitqu'en cas d'hostilités, les Etats-Unis considére-raient les armes nucléaires comme étant sus-ceptibles d'être utilisées au même titre qued'autres armes. Le NSC 162/2 soulignait parailleurs l'importance des armes nucléairespour la défense de l'Europe et indiquait que leprincipal facteur de dissuasion était la déter-mination manifeste des Etats-Unis d'utiliserleur capacité atomique et leur puissance dereprésailles massives en cas d'attaque contrel'Europe occidentale.(10)

Parallèlement, les autorités militaires del'OTAN essayaient de résoudre la question del'intégration des armes nucléaires dans la stra-tégie de l'Alliance. Le 10 juillet 1953, leSACEUR, général Matthew B. Ridgway, soumitau Groupe permanent un rapport sur l'esti-mation des besoins concernant les forcespour 1956; pour la première fois, l'inclusiondes armes nucléaires dans la stratégie del'OTAN était examinée de façon approfondie.Le rapport Ridgway suscita des controverses,car il concluait que l'emploi d'armes nucléairesnécessiterait une augmentation, et non unediminution, des niveaux de forces, en raisondu nombre élevé de victimes auquel on pou-vait s'attendre.(11)

Peu après la publication de ce rapport, legénéral Alfred Gruenther succédait à

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969

L Conseil de l'AtlantiqueNord, C-M(53)166(définitif),"Résolution sur l'exa-men annuel 1954 et lesproblèmes connexes",du 15 décembre 1953.

M Déclaration duSecrétaire d'Etat auxMinistres du Conseil del'Atlantique Nordréunis en séance res-treinte, Paris, 23 avril1954, dans FRUS,1952-1953, vol. 5,Western EuropeanSecurity, pp. 511-512.

N Robert J. Watson, TheJoint Chiefs of Staff andNational Policy, 19531954; History of theJoint Chiefs of Staff, 5(Washington, 1986),pp. 304-306, 311-313,316-317; Wampler,NATO StrategicPlanning, pp. 11-16;John S. Duffield, Power Rules : The Evolution ofNATO's ConventionalForce Posture(Stanford, 1995) pp. 85-87.

XVIII

Matthew B. Ridgway au poste de SACEUR etdemandait qu'une nouvelle étude soit menéesur l'intégration des armes nucléaires dans lastratégie de l'OTAN. En août 1953, il mit doncen place, au SHAPE, un groupe chargé d'étu-dier une "nouvelle approche" de la question.Alors que les études sur cette nouvelleapproche étaient toujours en cours, le Conseilde l'Atlantique Nord demanda aux autoritésmilitaires de l'OTAN, le 10 décembre 1953,de procéder à une réévaluation du potentielmilitaire dont l'Alliance aurait besoin du milieuà la fin des années 50.(12)

A cette époque, les Etats-Unis - avec le sou-tien d'un certain nombre d'Alliés européens -demandaient l'intégration complète desarmes nucléaires dans la stratégie de l'OTAN.Le 23 avril 1954, le Secrétaire d'Etat améri-cain, M. John Foster Dulles, prononça, devantle Conseil de l'Atlantique Nord, une allocutionspéciale dans laquelle il insistait sur l'impor-tante disparité numérique existant entre lesforces conventionnelles de l'OTAN et lesforces du bloc soviétique et demandait que lapolitique agréée de l'OTAN soit d'employerdes armes nucléaires comme des armesconventionnelles contre les moyens militairesde l'ennemi quand et où il serait avantageuxde le faire.(13)

A l'été 1954, le SHAPE avait terminé ses tra-vaux sur la "nouvelle approche", et il soumitau Groupe permanent deux études impor-tantes : le "Plan des possibilités du Com-mandement allié en Europe en 1957", établipar le SACEUR, et un document sur "Le sys-tème le plus efficace à adopter pour la forcemilitaire de l'OTAN pendant les prochainesannées". Le Groupe permanent combina cetteétude avec des contributions des autresCommandants de l'OTAN afin d'établir unprojet de rapport, qui devint finalement unnouveau document d'importance majeure surla stratégie de l'OTAN, le MC 48.(14)

Le Comité militaire, temporairement absorbé,à l'automne 1954, par l'abandon du projet deCommunauté européenne de défense et lesnégociations ultérieures qui conduisirent àl'admission de la République fédéraled'Allemagne dans l'Alliance, approuva le 22

novembre 1954 le MC 48, "Le système le plusefficace à adopter pour la force militaire del'OTAN pendant les prochaines années". Cedocument était beaucoup plus général que nele laissait supposer son titre, puisqu'il s'agissaitd'une véritable directive stratégique intérimai-re, dans l'attente d'un réexamen du MC 14/1,et qu'il contenait donc de nombreuxconcepts et hypothèses qui furent ensuiterepris le MC 14/2. A la différence des précé-dents documents sur la stratégie, qui n'évo-quaient les armes nucléaires qu'en termes voi-lés, en utilisant la formule "tous les engins sansexception", le MC 48 abordait explicitementl'emploi de ces armes. Le nouveau documentindiquait que "l'avènement des systèmesd'armes atomiques [changerait] totalementles conditions de la guerre moderne" et qu'enconséquence, "dans l'avenir, tel qu'on [pouvait]le prévoir, "la supériorité en armes atomiqueset en possibilités de les lancer [serait] le fac-teur le plus important pour une guerremajeure".

Le MC 48 indiquait enfin que "les forces del'OTAN [devaient] avant tout être des forcesexistantes" ayant des "possibilités atomiquesintégrées". Tout en prévoyant qu'un futurconflit majeur en Europe débuterait par uneattaque surprise des Soviétiques et implique-rait des échanges nucléaires massifs, le MC 48ne limitait pas l'emploi des armes nucléairespar l'OTAN à des frappes de représaillesaprès une première utilisation de telles armespar les Soviétiques. Ainsi, il demandait que lesautorités militaires de l'OTAN soient autori-sées à "établir des plans et à faire des prépa-rations, en se basant sur l'hypothèse suivantlaquelle les armes atomiques et thermonu-cléaires [seraient] utilisées pour la défense dèsle début d'une guerre". Le MC 48 faisait valoirqu'au cas où il existerait "une possibilité loin-taine d'après laquelle les Soviets pourraients'efforcer de profiter de leur grande supério-rité en forces aéroterrestres pour envahirl'Europe sans employer les armes atomiques","l'OTAN serait incapable d'empêcher l'enva-hissement rapide de l'Europe, à moins de seservir immédiatement de ses armes ato-miques, stratégiques et tactiques". Il est doncplus approprié d'associer le concept de

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969 XIX

O Pour une évaluation duchangement d'orienta-tion majeur de la stra-tégie de l'OTAN quirésulta de l'approbationdu MC 48, voir MarcTrachtenberg, "La for-mation du système dedéfense occidentale : lesEtats-Unis, la France etle MC 48", dans LaFrance et l'OTAN,1949-1996 publié sousla direction de MauriceVaisse (Paris, 1996),pp. 115-126.

P Service del'Information del'OTAN, Textes descommuniqués finalsdes sessions ministé-rielles du Conseil del'Atlantique Nord, duComité des plans dedéfense et du Groupedes plans nucléaires1949-1974 (Bruxelles,pas de date), p. 91.

Q Conseil de l'AtlantiqueNord, C-M(54)118(définitif),"Résolution sur l'exa-men annuel 1955 etles problèmesconnexes", 17décembre 1954.

"représailles massives", généralement associé àun document ultérieur sur la stratégie del'OTAN, le MC 14/2, au MC 48 et à sesrecommandations préconisant l'utilisationmassive d'armes nucléaires pour défendrel'Europe contre un agression.(15)

Le 17 décembre 1954, le Conseil del'Atlantique Nord en session ministérielleadopta le MC 48, marquant ainsi l'approbationau niveau politique d'une planification de ladéfense de la zone de l'OTAN qui prévoyait lerecours à l'arme nucléaire. Toutefois, dans lecommuniqué final, les Ministres soulignaientque "cette approbation [n'impliquait] pasdélégation de la responsabilité qui incombeaux gouvernements de prendre les décisionsrelatives à la mise en oeuvre de plans en casde conflit armé".(16)

Débats sur la stratégie, 1955-1957

Devant une évolution aussi rapide de la tech-nologie et de la planification militaires, leConseil chargea le Comité militaire, endécembre 1954, de "poursuivre l'examen,conformément au concept stratégique adop-té, et dans la limite des ressources qu'il [était]possible d'escompter, du système le plus effi-cace à adopter pour la force militaire del'OTAN pendant les prochaines années", etégalement d'"indiquer aux gouvernementsmembres comment de quelle manière lesprogrammes de défense nationaux[devraient] être affectés par la nouvelle défini-tion du système de force militaire, résultant dudocument MC 48".(17) En suite à cette deman-de, le Comité militaire diffusa le MC 48/1 inti-tulé "Le système le plus efficace à adopterpour la force militaire de l'OTAN pendant lesprochaines années - Rapport n˚2", le 26 sep-tembre 1955. Le Comité des représentantsmilitaires, agissant au nom du Comité militaire,approuva ce rapport le 14 novembre 1955, etl'approbation finale du document par leComité militaire lui-même, après l'incorpora-tion d'un amendement, intervint le 9décembre de la même année.

Comme l'indiquait la deuxième partie dutitre, "Rapport n˚2", le MC 48/1 ne remplaçaitpas le MC 48, mais fournissait simplement un

complément d'information. Ainsi, il confirmaitla stratégie décrite dans le MC 48 concernantla défense de l'avant, mais ajoutait qu'en rai-son de retards dans la contribution militairede l'Allemagne, cette stratégie ne pourraitêtre mise en oeuvre effectivement avant lami-1959 au plus tôt. Le MC 48/1 décrivaitl'état d'avancement de la planification militairede l'OTAN et des dispositions préparatoiresrelatives aux concepts énoncés dans le MC48, et préconisait d'autres améliorations prio-ritaires, comme, la mise en place de systèmesadéquats de "préavis d'attaque", de systèmesd'alerte modernes et d'une défense aérienneappropriée.

Même si la décision essentielle de s'orientervers une utilisation importante de l'armenucléaire pour la défense de la zone del'OTAN avait déjà été prise avec l'approbationdu MC 48 et du MC 48/1, il restait à harmo-niser ces nouveaux documents avec lesanciens documents sur la stratégie toujoursen vigueur (MC 3/5 et MC 14/1, datés tous lesdeux de 1952). C'est ainsi qu'au cours de l'été1956, le Groupe permanent et le Comité mili-taire commencèrent à travailler sur deuxnouveaux projets (MC 14/2 et MC 48/2) afinde créer un ensemble cohérent de docu-ments sur la stratégie.

Au départ, il était simplement prévu de revoirles anciens documents afin qu'ils soient en har-monie avec les concepts exposés dans le MC48 et le MC 48/1, mais, très vite, des idées nou-velles firent évoluer ce processus; la France,notamment, demanda que soient incluses dansle MC 14/2 des sections traitant des répercus-sions sur l'Alliance des activités politiques etéconomiques de l'Union soviétique en dehorsde la zone de l'OTAN. Les événements exté-rieurs à cette zone prirent une ampleur enco-re plus grande à l'automne 1956, lorsque leRoyaume-Uni et la France tentèrent dereprendre à l'Egypte le contrôle du canal deSuez, initiative qui suscita une vive oppositiondes Etats-Unis. L'URSS, voyant les Occidentauxdésunis et absorbés par l'affaire du Proche-Orient, en profita pour envoyer des troupes etdes chars en Hongrie afin d'y réprimer la ten-tative d'instauration d'une forme de socialismeplus démocratique, anéantissant du même

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969

R Wampler, NATOStrategic Planning, pp.35-38; Duffield, PowerRules, pp. 121-128.

S Conseil de l'AtlantiqueNord, C-M(55)113(révisé),"Elaboration des plansde défense de l'OTAN".Note du Secrétairegénéral, du 8décembre 1955.

T Wampler, NATOStrategic Planning, pp. 36-37.

Pendant cette période,les forces militaires del'OTAN déployées enavant constituaient ceque l'on appelait "lebouclier", tandis quela force de bombar-diers stratégiques desEtats Unis était consi-dérée comme "le glai-ve" de l'OTAN.

XX

coup les espoirs occidentaux d'améliorationdes relations avec les Soviétiques.(18)

Tandis que les autorités militaires de l'OTANtravaillaient à l'élaboration d'un nouveaudocument sur la stratégie, les pays membresadressaient une mise en garde et estimaientque "la sécurité de l'Alliance ne [pouvait] êtreassurée par les seuls moyens militaires". LeSecrétaire général, Lord Ismay, prit acte decette préoccupation dans une note au Conseildatée du 8 décembre 1955, où il observaitégalement que, de l'avis général, "il [serait] deplus en plus difficile d'obtenir l'appui de l'opi-nion pour les dépenses de défense actuelle-ment prévues si les gouvernements [n'étaient]pas en mesure d'indiquer plus clairement lesraisons pour lesquelles cet argent [était]demandé". Dans cette note, Lord Ismay indi-quait par ailleurs que les gouvernements s'in-quiétaient du fait que "des dépenses trèsimportantes [seraient] nécessaires pour queles objectifs fondamentaux de notre stratégiepuissent être atteints", et il préconisait donc"d'évaluer les incidences de la nouvelle doctri-ne d'une manière plus détaillée qu'on [avait]pu le faire jusqu'ici".(19)

Le pays le plus convaincu de la nécessité de réa-liser des économies dans les dépenses dedéfense, le Royaume-Uni, commença à fairepression pour que le Conseil de l'AtlantiqueNord diffuse des orientations politiques quiamèneraient les autorités militaires de l'OTAN àréduire les besoins concernant les forces, encomptant presque totalement sur les armesnucléaires pour défendre l'Europe. (20) D'autrespays ne souhaitaient toutefois pas aller aussi loin,et la "directive politique" qui résulta des débats,le 13 décembre 1956, se caractérisait par unegrande souplesse. Le C-M(56)138, "Directive duConseil de l'Atlantique Nord aux autorités mili-taires de l'OTAN", préconisait un examen desplans de défense de l'OTAN "pour déterminercomment, dans la limite des ressources qui[seraient] vraisemblablement disponibles, l'effortde défense de l'Alliance et celui de chacun deses membres [pourraient] permettre le mieuxde donner aux forces la structure la plus effica-ce". Le document comportait deux parties, uneanalyse des intentions Soviétiques et la directiveproprement dite, dans laquelle il était indiqué

que l'Alliance devait maintenir des forces suffi-santes pour "entretenir la confiance dans l'effica-cité militaire de l'organisation défensive del'OTAN et contribuer ainsi à décourager l'agres-sion", et qu'elle devait également pouvoir faireéchouer une agression armée "conformémentau concept de la 'Stratégie de l'Avant', encomptant sur l'utilisation des armes nucléairesdès le début". Malgré cette déclaration, la direc-tive politique n'appuyait pas l'idée d'une straté-gie "de la sonnette d'alarme" pour l'OTAN. Ellestipulait que les forces du "bouclier" allié (21)

devaient pouvoir faire face aux infiltrations,incursions ou actions locales hostiles "sans avoirnécessairement recours aux armes nucléaires".L'importance accordée aux événements horszone se reflétait dans cette déclaration : "Bienque les plans de défense de l'OTAN soient limi-tés à la défense de la zone du Traité, il est néces-saire de tenir compte des dangers qui pourrontse présenter pour l'OTAN en raison d'événe-ments extérieurs à cette zone".

En diffusant le C-M(56)138, le Conseil del'Atlantique Nord formulait pour la premièrefois une directive politique aussi détaillée à l'in-tention des autorités militaires de l'OTAN, et leGroupe permanent tint compte immédiate-ment de la nouvelle directive dans les travauxen cours sur la révision de la stratégie del'OTAN. Il en résulta deux nouveaux documentssur la stratégie : le MC 14/2 (le nouveau"Concept stratégique") et le MC 48/2 ("Mesuresd'application du concept stratégique"), quifurent approuvés par le Comité militaire, en avril1957, pour soumission au Conseil.

Le MC 14/2, "Concept stratégique généralpour la défense de la zone de l'OTAN", met-tait fortement l'accent sur l'utilisation desarmes nucléaires pour la défense de la zonede l'OTAN. La section du document consa-crée au concept stratégique stipulait :

"Notre principal objectif est de prévenir laguerre en créant un déterrent efficace àl'agression. Les principaux éléments du déter-rent sont l'existence de forces nucléaires adé-quates et d'autres forces toujours prêtes, ainsique notre détermination manifeste de menerdes opérations de représailles contre toutagresseur, avec toutes les forces à notre dis-

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969 XXI

Compte tenu de cettegrande souplesse quelaissaient le MC 14/2et le MC 48/2, uneétude récente a utilisé,pour qualifier la nou-velle stratégie del'OTAN, les termes de"Ripostes différenciées"ou de "Riposte graduéeI". Béatrice Heuser,NATO, Britain, Franceand the FRG : NuclearStrategies and Forcesfor Europe, 1949-2000

(Londres, 1997), p. 40.

Conseil de l'AtlantiqueNord, C-R(57)30, II,du 9 mai 1957.

position qui seraient nécessaires à la défensede l'OTAN, y compris les armes nucléaires.

En nous préparant à une guerre générale, aucas où celle-ci nous serait imposée :

(a) Nous devons nous assurer d'abord la pos-sibilité de mener instantanément unecontre-offensive nucléaire dévastatriceavec tous les moyens disponibles, et déve-lopper notre aptitude à absorber le chocinitial et à y survivre.

(b) Concurremment et en étroite relationavec la réalisation de cet objectif, nousdevons développer notre aptitude à utili-ser nos forces terrestres, maritimes etaériennes pour la défense des territoireset des zones maritimes de l'OTAN, aussiloin à l'avant que possible, afin de préser-ver l'intégrité de la zone OTAN, en pré-voyant l'emploi des armes nucléaires dèsle début des hostilités.".

Bien que l'on considère souvent le MC 14/2comme un document qui énonçait une stra-tégie de "représailles massives" dans le cadrede laquelle les forces conventionnelles del'OTAN serviraient simplement de "sonnetted'alarme" avant le recours aux forces dereprésailles nucléaires de l'OTAN, le texte lais-sait en fait une certaine souplesse pour faireface à des "infiltrations, des incursions ou desactions locales hostiles". Conformément à ladirective politique, le MC 14/2 indiquait queles forces conventionnelles devaient êtrecapables de faire face à des éventualités demoindre gravité "sans avoir forcément recoursaux armes nucléaires".(22)

Le document qui allait de pair avec le MC14/2, le MC 48/2 ("Mesures d'application duconcept stratégique"), énonçait les mesuresmilitaires requises pour mettre en applicationla nouvelle stratégie. Il indiquait qu'il existaitdeux types de forces de l'OTAN : les "forcesde représailles nucléaires" et les "forces dubouclier", qui auraient pour mission de"défendre les zones maritimes et les terri-toires de l'OTAN, aussi loin à l'avant que pos-sible afin de maintenir l'intégrité de la zoneOTAN, en comptant sur l'utilisation de leursarmes nucléaires dès le début".

Ce nouveau document, bien qu'axé essentiel-lement sur la guerre nucléaire, comportait -comme le MC 14/2 - un élément de souples-se, puisqu'il stipulait que l'OTAN devait êtrecapable de "faire face dans la zone OTAN à dessituations militaires limitées que l'agresseurpourrait créer en espérant réaliser des gainssans provoquer de guerre générale avecl'OTAN". Dans une telle éventualité, les forcesde l'OTAN devaient être en mesure "d'agirrapidement pour restaurer et maintenir lasécurité de la zone OTAN, sans avoir nécessai-rement recours aux armes nucléaires". Lanotion de guerre limitée était toutefois excluede cette approche souple, puisque le MC 48/2reprenait une déclaration contenue dans leMC 14/2 : "Si les Soviets sont impliqués dansune action locale hostile et cherchent à élargirun tel incident ou à le prolonger, une telle situa-tion exigera l'utilisation de toutes les armes etde toutes les forces à la disposition de l'OTAN,puisqu'en aucun cas il n'est question d'unconcept de guerre limitée avec les Soviets".

Les deux nouveaux documents sur la straté-gie reçurent l'approbation du Conseil le 9 mai1957, après avoir été longuement débattus. Lepoint le plus controversé fut la déclarationqu'ils contenaient sur le fait qu'"en aucun casil n'[était] question d'un concept OTAN deguerre limitée avec les Soviets", déclarationjugée trop restrictive par le Représentant per-manent des Pays-Bas. Ce dernier marqua fina-lement son accord sur le document, aprèsavoir indiqué que sa Délégation considérait lestermes de cette déclaration comme "tropcatégoriques" et qu'elle se réservait le droitde demander une révision du document si lesétudes menées par le SACEUR montraientque celle-ci était nécessaire.(23) Le Conseildécida, dans le cadre de cette solution decompromis, "qu'en communiquant aux autori-tés militaires l'approbation par le Conseil desdeux documents en question, il [conviendrait]de leur transmettre le texte du procès-verbal"du débat sur ce sujet. Le MC 14/2 et le MC48/2 remplacèrent, ensemble, les quatredocuments sur la stratégie qui étaient envigueur jusque-là : le MC 3/5, le MC 14/1, leMC 48 et le MC 48/1 [le tableau n˚3 retracel'évolution des documents sur la stratégie de

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l'OTAN]. Les deux nouveaux documentsfurent diffusés sous leur forme définitive le 23mai 1957.

Perte progressive des illusionsconcernant le concept de "représailles massives", 1957-1962

Lorsque l'OTAN avait commencé à comptersur les armes nucléaires stratégiques améri-caines pour assurer la défense de l'Europe, lesEtats-Unis n'étaient pas menacés par lesarmes nucléaires, l'Union soviétique ne pos-sédant pas de systèmes de lancement d'uneportée suffisante pour atteindre leur territoi-re. Néanmoins, leur sentiment d'invulnérabili-té, déjà ébranlé à la suite du déploiement, aumilieu des années 50, des bombardiers àréaction soviétiques à long rayon d'action, dis-parut totalement lorsque, en octobre 1957,l'URSS réussit à mettre sur orbite le premiersatellite artificiel, Spoutnik. Si une fusée pou-vait propulser un satellite dans l'espace, ellepouvait tout aussi bien lancer des armesnucléaires contre les Etats-Unis. En mêmetemps qu'ils obtenaient d'autres succès dansle domaine spatial au cours des deux annéessuivantes, les Soviétiques s'enorgueillissaientde progrès comparables dans la mise au pointd'un missile balistique intercontinental, etbientôt naquit la crainte de voir l'Union sovié-tique prendre l'avantage dans ce secteur (onparlait, en 1960, du "fossé" dans le domainedes missiles).

La montée de la menace nucléaire soviétique,telle qu'elle était perçue à l'époque, suscita,chez les Alliés européens, la crainte que lesEtats-Unis ne soient pas prêts à utiliser leursarmes nucléaires pour défendre le VieuxContinent dans toutes les circonstances.Partout en Europe, les gouvernants commen-cèrent à se demander si le Président de laRépublique française, Charles de Gaulle,n'avait pas raison de croire qu'aucunPrésident américain n'échangerait Chicagocontre Lyon.(24)

Les inquiétudes quant à l'efficacité de la stra-tégie de l'OTAN fondée sur les armesnucléaires commencèrent à grandir à la fin de1958, lorsque le dirigeant soviétique de

l'époque, M. Nikita Khrouchtchev, déclenchala seconde crise de Berlin en exigeant desAlliés occidentaux qu'ils abandonnent leurposition à Berlin-Ouest. Cette crise, quidevait se poursuivre sporadiquement jusqu'àla fin de 1962, conduisit les pays occidentauxà s'interroger sur la façon de riposter auxmenaces soviétiques sans aller jusqu'à uneattaque généralisée. Une guerre thermonu-cléaire globale ne semblait pas la solution laplus appropriée pour répondre à une initiati-ve soviétique limitée, comme le blocage desroutes d'accès à Berlin-Ouest; ainsi, au débutde 1959, la France, le Royaume-Uni et lesEtats-Unis constituèrent un groupe tripartitede planification, dont le nom de code était"LIVE OAK", qui élabora une série de plans decirconstance prévoyant des niveaux de forcescroissants pour faire face à d'éventuelles ini-tiatives soviétiques.(25)

Au milieu de la seconde crise de Berlin, enjanvier 1961, la nouvelle administration duprésident John F. Kennedy s'installait àWashington. Le Président craignait biendavantage un conflit limité qu'une attaquenucléaire soviétique généralisée, et s'inquié-tait aussi de ce qu'une guerre puisse êtredéclenchée par accident ou erreur de calcul;il demanda donc aux membres de sonCabinet de réévaluer la stratégie de défensedes Etats-Unis. Le 20 avril 1961, le Conseilnational de sécurité diffusait une directived'orientation secrète (National SecurityAction Memorandum NSAM 40) exposant lapolitique des Etats-Unis à l'égard de l'OTAN.Dans sa section consacrée aux questions mili-taires, cette directive indiquait que les Etats-Unis devaient demander instamment àl'OTAN de veiller à ce que ses programmespour la région européenne accordent la pre-mière priorité aux mesures à prendre pourse préparer aux éventualités les plus pro-bables, c'est-à-dire les situations n'allant pasjusqu'à une attaque nucléaire ou à uneattaque non nucléaire massive.Ainsi, l'Alliancedevait continuer à se préparer pour faire faceà une telle menace généralisée sans pourautant priver les programmes relatifs authéâtre non nucléaire des ressources néces-saires pour faire face aux menaces moinsimportantes. Aux termes du document

J. Michael Legge,Theater NuclearWeapons and the NATOStrategy of FlexibleResponse (SantaMonica, 1983), p. 9.

Bien que les archivesdu groupe LIVE OAKresteront classifiées jus-qu'en l'an 2005,comme convenu par lesquatre puissancesconcernées [laRépublique fédéraled'Allemagne a rejoint legroupe LIVE OAK en1961], on trouve denombreux détailsconcernant la planifi-cation alliée relative àla seconde crise deBerlin dans des docu-ments nationaux quiont été déclassifiés, enparticulier auRoyaume-Uni et auxEtats-Unis. VoirGregory W. Pedlow,"Allied CrisisManagement forBerlin: the LIVE OAKOrganization, 1959-1963" dansInternational Cold WarMilitary Records andHistory : Proceedingsof the InternationalConference on ColdWar Military Recordsand History Held inWashington D.C. 21-26mars 1994, publié sousla direction deWilliam W. Epley(Washington, 1966),pp. 87-116.

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Policy Directive, NATOand the Atlantic Nations,20 avril 1961, dans FRUS,1961 1863, vol. 13, WestEurope and Canada, p.285. Pour une analysedétaillée de l'élaborationdes politiques de l'admi-nistration Kennedy dansle domaine de la stratégienucléaire, voir Jane E.Stromseth, The Origins ofFlexible Response : NATO'SDebate over Strategy in the1960s (Londres, 1988), pp.26-41; Johannes Steinhoffet Reiner Pommerin,Strategiewechsel :Bundesrepublik undNuklearstrategie in derÄra Adenauer-Kennedy(Baden-Baden, 1992), pp. 72-81.

Pedlow, "LIVE OAK", pp. 102-103; Sean M.Maloney, "Notfallplanungfür Berlin : Vorläufer derFlexible Response, 1958-1963," Militärgeschichte,Jahrgang 7, Heft 1(1992), pp. 9-13.

NSAM 40, les Etats-Unis devaient essayer defaire appliquer cette nouvelle politique àl'OTAN par une interprétation constructi-ve de la doctrine existante; il ne fallait, dès lorsélaborer une nouvelle doctrine que si c'étaitle seul moyen de mobiliser les énergies et lesressources au niveau européen et que si unaccord intervenait sur une révision.(26)

Quelques mois plus tard, on enregistrait unenette aggravation de la tension concernant lasituation à Berlin, en particulier après laconstruction du Mur, en août. Reconnaissantque les plans de circonstance du Groupe tri-partite LIVE OAK risquaient de ne pas per-mettre de faire face à une escalade sérieusede la crise résultant d'un blocus soviétique deBerlin-Ouest, l'OTAN établit aussi une sériede plans de circonstance pour Berlin (BER-CON), prévoyant des niveaux de forcesencore plus importants que ceux des plansdu Groupe tripartite, avec des opérationsterrestres faisant intervenir entre une et

quatre divisions. Ces plans de circonstancecontenaient également des optionsnucléaires, telles que l'utilisation d'un petitnombre d'armes nucléaires de faible puissan-ce, pour montrer la détermination desOccidentaux. S'agissant de la crise de Berlin,du moins, la "riposte graduée" était déjà uneréalité en 1962.(27)

Au moment même où la crise de Berlin com-mençait à s'atténuer, une nouvelle crise inter-nationale, due cette fois à la mise en place demissiles balistiques soviétiques à moyenneportée à Cuba, éclatait en octobre 1962. LesEtats-Unis virent dans l'heureux dénouementde cette crise un argument de plus en faveurd'une révision de la stratégie de l'OTAN et,par la suite, s'adressant au Conseil del'Atlantique Nord, le Secrétaire américain à ladéfense, M. Robert McNamara, déclarait que,lors de la crise des missiles cubains, "les forcesqui [avaient] joué le rôle déterminant [avaientété] des forces non nucléaires. Non que les

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969

Discours prononcé parle Secrétaire à ladéfense, M.McNamara, à laréunion ministérielledu Conseil del'Atlantique Nordtenue à Paris le 14décembre 1962 (FRUS,1961-1963, vol. 8,National SecurityPolicy, pp. 440, 445-446.)

Service de l'informa-tion de l'OTAN, OTAN- Communiqués finals,1949-1974, p. 145.

Steinhoff et Pommerin,Strategiewechsel, pp.92-93.

Allocution duSecrétaire à la défense,M. McNamara, devantles Ministres duConseil de l'AtlantiqueNord réunis à Athènes,le 5 mai 1962, dansFRUS, 1961-1963, vol.8, National Securitypolicy, pp. 278, 280-281.

Paul Buteux, ThePolitics of NuclearConsultation in NATO,1965-1980(Cambridge, 1983),pp. 102-103; Steinhoffet Pommerin,Strategiewechsel, pp.100-102; CircularTelegram from theDepartment of State,du 9 mai 1962, dansFRUS, 1961-1963,West Europe andCanada, pp. 389-393.

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forces nucléaires n'[eussent] pas compté,mais elles [étaient] restées à l'arrière-plan. Lesforces non nucléaires [avaient] ainsi été notreglaive, et les forces nucléaires notre bouclier".Notant qu'il était beaucoup plus probable devoir les Soviétiques "[...] harceler, [...], tâter leterrain, [...] exploiter les points faibles et [...]s'efforcer de diviser" que de les voir lancer"une attaque nucléaire [ou même] uneattaque [...] en force contre l'Europe occi-dentale avec des moyens classiques", M.McNamara préconisait pour l'OTAN "uneposition plus forte en matière d'armes nonnucléaires".(28)

Premiers débats de l'OTANconcernant un changement de stratégie

En réaction à la pression croissante exercéepar les Etats-Unis pour que l'OTAN modifiesa stratégie militaire, les Ministres del'Alliance, réunis à Oslo du 8 au 10 mai 1961,invitèrent "le Conseil permanent à pour-suivre, en étroite coopération avec les autori-tés militaires, les études sur la situation mili-taire de l'Alliance sous tous ses aspects, envue d'accroître sa force de défense et de dis-suasion".(29) Le débat sur la stratégie nucléairese poursuivit à la réunion ministérielle duConseil de l'Atlantique Nord de décembre1961, lorsque le Secrétaire américain à ladéfense, M. McNamara, évoqua la nécessitéd'une stratégie de "riposte graduée", sansqu'un consensus se dégage.(30)

La question de la stratégie nucléaire figuraégalement à l'ordre du jour lors de la réunionministérielle d'Athènes de mai 1962 et, unefois de plus, M. McNamara plaida fermementen faveur d'un assouplissement de la stratégienucléaire de l'OTAN, adressant une mise engarde en ces termes : "Notre grande supério-rité nucléaire en cas de guerre généralisée nerésout pas tous les problèmes que posentpour nous la dissuasion et les opérations mili-taires n'impliquant pas une attaque directegénérale". Il ajoutait que les armes tactiquesde l'OTAN contribuaient à dissuader lesSoviétiques d'utiliser les premiers de tellesarmes, mais que "l'OTAN ne [pouvait] plusespérer échapper à des représailles nucléaires

au cas où elle emploierait ces armes la pre-mière. Même un échange nucléaire localpourrait avoir pour l'Europe des consé-quences extrêmement douloureuses à envi-sager". Notant également que "les événe-ments récents relatifs à Berlin [fourniraient]éventuellement des preuves pertinentes del'utilité d'une action limitée mais décisive", M.McNamara préconisa de nouveau le déploie-ment d'un dispositif non nucléaire fort "auxfrontières des territoires et des populationsen cause".(31)

A cette réunion d'Athènes, le Secrétairegénéral, M. Stikker, présenta son rapport spé-cial sur la politique de défense de l'OTAN (C-M(62)48, du 17 avril 1962), qui était axésur la question du contrôle politique desarmes nucléaires. Le rapport recommandaitla tenue de consultations sur l'utilisationd'armes nucléaires en fonction des circons-tances, le recours à de telles armes étant pourainsi dire automatique dans le cas d'uneattaque nucléaire soviétique mais subordon-né à des consultations, selon le temps dispo-nible, dans le cas d'une attaque massive avecdes forces conventionnelles. Dans les deuxcas, la riposte nucléaire de l'OTAN aurait "uneampleur [...] dictée par les circonstances".Tousles pays, sauf la France, qui ne souhaitait pasvoir l'OTAN s'écarter de la politique desreprésailles massives, approuvèrent ce rap-port, qui devint la "Directive d'Athènes", aprèsque le Secrétaire général eut trouvé une for-mule de compromis sur les conditions d'ap-plication de la directive qui soit acceptablepour la France.(32)

En septembre 1962, le Secrétaire général, M.Dirk Stikker, fit diffuser un document sur lapolitique de défense de l'OTAN (NDP/62/10,du 3 septembre 1962), demandant quereprenne rapidement au Conseil le débat surles questions de défense dans l'OTAN, etnotamment le déploiement de missiles balis-tiques à moyenne portée dans les pays del'OTAN, la possibilité de constituer une forcenucléaire de l'Alliance, et les propositions desEtats-Unis concernant l'assouplissement de lastratégie nucléaire de l'OTAN. Dans ce docu-ment, le Secrétaire général exprimait sa pré-occupation devant le fait que "le caractère

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Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969

Bureau des archivespubliques duRoyaume-Uni, DEFE4/147, COS(62),Comité des Chefsd'état-major, 60eréunion, 2 octobre1962, procès-verbal n˚2, et document jointJP(62)114(F), NATODefence Policy, "TheStikker Paper", 28 sep-tembre 1962.

Steinhoff et Pommerin,Strategiewechsel, pp.100-102;

Duffield, Power Rules,p. 171; Stromseth,Origins of FlexibleResponse, pp. 53-54.

Pour une analyserécente des relationsentre la France etl'OTAN pendant cettepériode, voir FredericBozo, La France etl'OTAN : De la guerrefroide au nouvel ordreeuropéen (Paris,1991), pp. 65-91. Voirégalement Michael M.Harrison, TheReluctant Ally : Franceand Atlantic Security(Baltimore, 1981).

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inévitable de la spiralisation en cas de guerrenucléaire étant souvent tenu pour acquis,l'idée s'[était] répandue qu'il n'y [avait] plusde moyen terme entre la défense au moyendes armements classiques et la guerrenucléaire totale".(33) Son appel en faveur d'uneplus grande souplesse ne fut pas soutenu parplusieurs pays de l'OTAN, et la question futprovisoirement mise de côté en raison de lagravité des événements liés à la crise des mis-siles cubains.

Peu après, au début de 1963, M. Stikker lançaune grande étude des plans de forces del'OTAN, afin d'établir un lien entre la straté-gie, les besoins en matière de forces et lesressources pouvant être fournies par les paysmembres. Pour pouvoir fixer les orientationsstratégiques voulues, le Conseil del'Atlantique Nord chargea le Comité militairede préparer une "Analyse de la situation mili-taire quant à ses incidences sur l'OTAN jus-qu'en 1970". Achevé en septembre 1963, cedocument, le MC 100/1 (Projet), préconisaitune souplesse beaucoup plus grande dans lastratégie de l'Alliance. Il prévoyait trois étapesde défense : une tentative d'endiguement del'agression au moyen d'armes convention-nelles, une escalade rapide aboutissant à l'uti-lisation d'armes nucléaires tactiques dans cer-taines circonstances, et une utilisation straté-gique progressive des armes nucléaires.(34)

Le MC 100/1 (Projet), critiquant la stratégiede la riposte instantanée et appelant à unassouplissement des réactions de l'OTANface à l'agression (avec notamment la possibi-lité d'une guerre nucléaire tactique limitée),était tellement éloigné de la stratégie desreprésailles massives qu'il n'y avait aucunepossibilité que la France accepte ce docu-ment, même avec des réserves. Plusieursautres pays s'étant par ailleurs montrés réti-cents devant certains des concepts radicauxqu'il exposait, les travaux furent interrompusà l'automne 1963, de même que l'ensemblede l'étude de plans de forces de l'OTAN.(35) Laquestion de la révision de la stratégie del'OTAN se retrouva alors progressivement àl'arrière-plan; il n'y avait apparemment aucunespoir de surmonter l'opposition de la Franceà un changement de stratégie. En outre, le

président Kennedy avait été assassiné ennovembre 1963, et l'administration de sonsuccesseur, Lyndon B. Johnson, fut bientôt deplus en plus absorbée par l'implication crois-sante des forces armées américaines en Asiedu Sud-Est. La question de la révision de lastratégie de l'OTAN ne devait plus évoluerjusqu'à l'annonce, par le gouvernement fran-çais, de son retrait de la structure militaireintégrée de l'OTAN, en mars 1966.(36)

Progrès rapides des travaux surune nouvelle stratégie, 1966-1967

Le retrait de la France de la structure de com-mandement militaire intégrée de l'OTANentraîna une série de changements organisa-tionnels au sein de l'Alliance. La décision deconfier la responsabilité de toutes les affairesde défense auxquelles la France ne participaitpas au Comité des plans de défense (DPC),qui avait été créé à l'origine, en 1963, poursuperviser la planification des forces del'OTAN fut un élément primordial pour ledéveloppement ultérieur de la stratégie del'Alliance. Le DPC était tout simplement leConseil de l'Atlantique Nord se réunissantsans la France sur des questions de défense(c'est-à-dire à 14, et non à 15). Le principalopposant à une stratégie plus souple n'étantplus présent, le processus d'élaboration d'unenouvelle stratégie devait s'accélérer. Le 7octobre 1966, le Comité militaire en sessioninformelle réévaluait la menace à laquellel'OTAN était confrontée et réexaminait lesobjectifs stratégiques alliés région par région. Ilrecommandait alors l'introduction d'une cer-taine souplesse laissant aux Alliés le choixentre plusieurs options pour faire face à diffé-rentes éventualités. Cette recommandationfut ensuite débattue à la réunion des 12 et 13décembre 1966 du Comité militaire en ses-sion des Chefs d'état-major, qui demanda quesoit élaboré un nouveau projet de documentdestiné à remplacer le MC 14/2.

L'accord politique concernant une nouvellestratégie intervint le 9 mai 1967, date à laquel-le le DPC en session ministérielle publia sesdirectives à l'intention des autorités militairesde l'OTAN. Ce document (DPC/D(67)23,

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"Décisions prises à la réunion du Comité desplans de défense en session ministérielle", du11 mai 1967) déclarait que "Le concept stra-tégique général de l'OTAN [devait] être révi-sé pour permettre une plus grande souplesseet prévoir le recours, selon le cas, à une ouplusieurs des actions militaires envisagées :défense directe, escalade délibérée et ripostenucléaire générale, pour mettre ainsi l'ennemidevant une menace indubitable d'escalade, enriposte à toute agression de niveau inférieur àune attaque nucléaire de grande envergure".Ainsi, l'élément clé de la nouvelle stratégie del'OTAN qui se mettait en place en 1967n'était pas seulement la souplesse, qui carac-térisait déjà dans une certaine mesure desdocuments antérieurs sur la stratégie del'OTAN, mais la notion d'"escalade", dont ledéveloppement allait se poursuivre dans lesnouveaux documents sur la stratégie, le MC14/3 et le MC 48/3.(37)

Le nouveau projet de concept stratégique(MC 14/3) mettait l'accent sur le besoin desouplesse : "Le concept de dissuasion del'Alliance est fondé sur une souplesse quiempêchera l'agresseur éventuel de prévoiravec une certitude suffisante la réaction spéci-fique de l'OTAN à l'agression, souplesse quil'amènera à conclure à un degré de risqueinacceptable, quelle que soit la nature de sonattaque". Le MC 14/3 énumérait ensuite troistypes de réactions militaires à une agressioncontre l'OTAN. La "défense directe" auraitpour objectif de "vaincre l'agression au niveauauquel l'ennemi choisit de se battre". L'"escala-de délibérée" comportait une série d'autrespossibilités pour "contrer l'agression en élevant[...], tout en les contrôlant là où c'est possible,l'ampleur et l'intensité des combats", "la mena-ce d'une riposte nucléaire [devenant] progres-sivement plus imminente". Parmi les exemplescités figuraient "l'élargissement ou l'intensifica-tion d'un engagement non nucléaire, peut-êtrepar ouverture d'un autre front ou par déclen-chement d'actions en mer, en réaction à uneagression de faible intensité", "l'emploi d'armesnucléaires à titre démonstratif" et "desattaques nucléaires sélectives sur des objectifsd'interdiction". La "riposte militaire ultime" pré-vue par le MC 14/3 était la "riposte nucléaire

générale", également considérée comme le"moyen de dissuasion ultime".

Le 16 septembre 1967, le Comité militaire ensession des Chefs d'état-major approuvait leprojet de MC 14/3 ("Concept stratégiquegénéral pour la défense de la zone del'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord")et le diffusait en tant que Décision militaire, le22 septembre 1967. Le 12 décembre, le DPCen session ministérielle adoptait le MC 14/3,dont la version finale fut diffusée le 16 janvier1968. Le DPC notait que la nouvelle stratégiedevait traduire le fond et l'intention des direc-tives ministérielles du 9 mai 1967 et, qu'en casde problème d'interprétation, ces directivesdevaient prévaloir.

Le document qui allait de pair avec le MC14/3 était le MC 48/3 ("Mesures de mise enapplication du concept stratégique pour ladéfense de la zone OTAN"). Il contenait, outreun résumé des éléments principaux du MC14/3, une liste des mesures requises pourassurer la défense de l'OTAN, notammentl'amélioration du renseignement et de ladétection lointaine, l'action coordonnée rapi-de au cours de la période de préavis, l'amé-lioration de l'état de préparation, de la sou-plesse et de l'aptitude offensive, l'améliorationde la défense aérienne, la création de forcesde réaction immédiate et de renfort, la mobi-lisation et l'élargissement de forces et le sou-tien logistique. Le document analysait ensuitedes considérations stratégiques sur les diffé-rentes régions géographiques de l'OTAN. Le6 mai 1969, le Comité militaire approuvait leMC 48/3 en tant que Décision militaire et letransmettait au Secrétaire général afin qu'il lesoumette au DPC. Le 4 décembre 1969, leDPC en session ministérielle adopta le MC48/3, et celui-ci fut diffusé sous sa forme fina-le le 8 décembre 1969.

En raison de la souplesse inhérente à la nou-velle doctrine de la "riposte graduée" (auniveau de la stratégie comme à celui de l'in-terprétation), les deux documents de baseconcernant cette doctrine - le MC 14/3 et leMC 48/3 - resteront en vigueur beaucoupplus longtemps que tous les documents anté-rieurs sur la stratégie de l'OTAN. Ce n'est que

Documents sur la stratégie de l'OTAN 1949-1969

Dans son étude récente sur la stratégiede l'OTAN, BéatriceHeuser utilise, à pro-pos du MC 14/3, laformule "stratégie d'es-calade graduée", carles termes plus souventutilisés de "riposte gra-duée" s'appliquentaussi bien auxconceptions anté-rieures en matière destratégie, y compris leMC 14/2. Heuser,Nuclear Strategies andForces, p. 53.

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lorsque la fin de la guerre froide modifia com-plètement à la fois le visage de l'Europe etl'ensemble de la situation militaire que cesdeux documents furent remplacés, à la fin de1991, par la nouvelle stratégie de l'OTAN,dont la nature beaucoup moins axée sur laconfrontation fut symbolisée par le fait que lenouveau concept stratégique de l'Alliance futpublié en tant que document non classifié.

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