des pme et des territoires - etudes-economiques.credit ... · ce type de modèle tranche avec...

76
HORIZONS BANCAIRES NUMÉRO 332 - MARS 2007 REVUE ÉDITÉE PAR CRÉDIT AGRICOLE S.A. DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES C R É D I T A G R I C O L E S . A . D I R E C T I O N D E S É T U D E S É C O N O M I Q U E S NUMÉRO 332 – MARS 2007 Des PME et des territoires Existe-t-il un biais anti-PME dans Bâle II ? Opportunités et risques d’une extension des normes IFRS aux PME Les déterminants d’une concurrence bancaire efficace Le Mittelstand , un modèle en mutation Structure du marché et banque relationnelle : l’exemple de l’Italie Le financement des PME au Royaume-Uni États-Unis : un symbole du rêve américain Afrique subsaharienne : contraintes et perspectives de développement

Upload: buihuong

Post on 12-Sep-2018

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

HO

RI

ZO

NS

B

AN

CA

IR

ES

NU

RO

33

2

-

MA

RS

20

07

R E V U E É D I T É E P A R C R É D I T A G R I C O L E S . A .

D I R E C T I O N D E S É T U D E S É C O N O M I Q U E S

CR

ÉD

IT

AG

RI

CO

LE

S.

A.

D I R E C T I O N D E S É T U D E S É C O N O M I Q U E S

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Des PME et des territoiresExiste-t-il un biais anti-PME dans Bâle II ?

Opportunités et risquesd’une extension des normes IFRS aux PME

Les déterminantsd’une concurrence bancaire efficace

Le Mittelstand, un modèle en mutation

Structure du marché et banque relationnelle :l’exemple de l’Italie

Le financement des PME au Royaume-Uni

États-Unis : un symbole du rêve américain

Afrique subsaharienne :contraintes et perspectives de développement

SO

MM

AI R E

L’essentiel / Executive Summary............................................................................................... 5

Éditorial ............................................................................................................................................................................................ 7JEAN-PAUL BETBÈZECHEF ÉCONOMISTE, DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

LES PME FACE À UN CADRE INSTITUTIONNELCHANGEANT

Existe-t-il un biais anti-PME dans Bâle II ? ........................... 11MICHEL DIETSCH, PROFESSEUR À L’IEP DE STRASBOURG

Opportunités et risques d’une extensiondes normes IFRS aux PME :le point de vue d’un banquier .......................................................................................... 19SYLVIE MARCHALCONSEILLER TECHNIQUE, DIRECTION DES ENTREPRISES, BANQUE DE FRANCE

Les déterminants d’une concurrencebancaire efficace sur le middle market .................................................... 25FLORIAN ROGER, DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

H O R I Z O N S

Des PME et des

Pages 01 a 03 (Som. 332) 13/03/07 16:24 Page 2

B A N C A I R E S – N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

TOUR D’HORIZON DES PME ET DES TERRITOIRES

Le Mittelstand, un modèle en mutation .................................................................... 35FREDERIK DUCROZET, DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

Structure du marché et banque relationnelle :Quels effets sur le rationnementdu crédit aux entreprises en Italie ? .......................................................................................... 43

FABRIZIO GUELPA, BANCA INTESA, RESEARCH DEPT, HEAD OF INDUSTRY AND CREDIT RESEARCH

ET VIRGINIA TIRRI, BANCA INTESA, RESEARCH DEPT, ECONOMIST

Le financement des petites et moyennesentreprises au Royaume-Uni ....................................................................................................................... 51EMMANUELLE ALLENDÉLÉGUÉE ROYAUME-UNI, RÉSEAU DES DÉLÉGATIONS À L’ÉTRANGER, CALYON LONDRES

Les PME aux États-Unis :un symbole du rêve américain ................................................................................................................ 57FLORIAN ROGER, DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.

Le financement des PME en Afrique subsaharienne :contraintes et perspectives de développement ..................................................... 67JULIEN LEFILLEUR, CHARGÉ D’AFFAIRES À L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT

Service aux lecteurs .................................................................................................................................................................... 76

s territoires

Pages 01 a 03 (Som. 332) 13/03/07 16:24 Page 3

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

4

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

J e a n - P a u l B e t b è z e

RÉDACTION EN CHEF

R é m y C o n t a m i n , F l o r i a n R o g e r

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION

V é r o n i q u e C h a m p i o n - F a u r e

SUIVI DU FICHIER

publ ica t ion.eco@credi t -agr icole-sa . f r

CONTACTS

C r é d i t A g r i c o l e S . A .75710 Par is Cedex 15 - Fax : 01 43 23 58 60

Internet : h t tp : / /www.credi t -agr icole . f r / rubr ique : k iosque Eco

CONCEPTION - MISE EN PAGES

B l e u c o m m e u n e O r a n g e

RÉALISATION

C A G

IMPRESSION

C r é d i t A g r i c o l e S . A .

« Cette publication reflète l’opinion du Crédit Agricole à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinionest susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif.Ni l’information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commercialeet ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole ou de l’une de ses filiales.Le Crédit Agricole ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont étéobtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. Le Crédit Agricole ne saurait donc engager sa responsabilité au titre de ladivulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans cette publication. »

Pages 04 (ours) 13/03/07 16:25 Page 4

5

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

L’essentiel

Les petites et moyennes entreprises (PME) sont à l’origine de plus de la moi-tié de la valeur ajoutée et des emplois dans la majorité des pays développés.Elles sont essentielles à la vitalité des économies du fait de ce poids dans leschiffres nationaux et de leur implication dans le tissu productif. Les PME nepeuvent en retour s’extraire de leur environnement local. Celui-ci déterminenotamment leurs conditions de financement. Les PME ont difficilement accèsaux marchés internationaux de capitaux et se financent auprès des banques,selon des pratiques différenciées. Les normes internationales et les restructu-rations bancaires ne suffisent pas à une harmonisation. L’impact de Bâle II sur les PME dépend principalement des méthodes de cal-cul du risque effectivement adoptées par les banques. Par ailleurs, l’extensiondes normes IFRS aux PME n’aurait qu’une incidence limitée car le passage àune comptabilité en juste valeur implique a priori peu de changements pourl’évaluation de la situation financière des PME. Enfin, la consolidationbancaire a des conséquences différentes sur le fonctionnement du middlemarket en fonction des caractéristiques du marché. Les spécificités nationalessont à la fois culturelles et institutionnelles. En Allemagne, le Mittelstand entretient des relations étroites avec lesbanques. Ce tissu de PME familiales, qui a joué un rôle fondamental dans lerenouveau industriel allemand après la Seconde Guerre mondiale, s ’estnotamment développé grâce à un fort endettement. Il doit aujourd’huis’ajuster face à la mondialisation et à la concurrence internationale, maisconserve une structure largement intermédiée. En Italie, les PME se caracté-risent également par de fortes relations avec les banques, et plus celles-ci sontlongues, plus la disponibilité du crédit est importante pour l’entreprise. Ce type de modèle tranche avec l’organisation du financement des PME auRoyaume-Uni. Dans ce pays, les relations banques-PME sont plus ténues. Lesprestations bancaires se font à l’acte, avec une tarification plus élevée maisqui permet en contrepartie de gérer des niveaux de risque plus importants.Aux États-Unis, le financement des PME s’opère de la même manière, maisil est soutenu par un dispositif institutionnel efficace, le Small Business Act.En Afrique subsaharienne, c’est le déficit de dispositifs institutionnels quiconstitue le principal obstacle. Les banques ne peuvent mesurer le risque desPME du fait de trop fortes asymétries d’informations, ce qui limite leurs pos-sibilités de prêts et les empêche de pratiquer une tarification adaptée.

P. 5-6 (Essentiel Summary) 13/03/07 16:26 Page 5

6

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Executive Summary

Small and medium-sized enterprises account for over half the GDP andemployment in most developed countries. SMEs are essential for economicvitality, given their weight in the national economy and their involvement inthe local productive fabric. In return, SMEs cannot remove themselves fromtheir local environment, which determines , inter a l ia , their terms offinancing. SMEs do not have ready access to international capital marketsand turn to banks for financing. Lending practices differ across countries.International standards and banking sector restructuring have not achievedharmonization.The impact of Basel 2 on SMEs depends mainly on the risk calculation meth-ods actually adopted by the banks. The extension of IFRS to SMEs is expectedto have limited implications because the movement to fair-value accountingshould involve a priori few changes for the evaluation of the financial situa-tion of SMEs. Finally, banking sector consolidation has different consequencesfor the operation of the middle market, depending on the characteristics ofthe market in each country. National specificities are both cultural andinstitutional.In Germany, the Mittelstand maintains a close relationship with the banks.The fabric of family-owned SMEs, which played a fundamental role inGermany’s industrial resurgence after the second world war, expanded largelyon the s trength of high funding from banks. Today, i t must adapt toglobalization and international competition, but continues to have a largelyintermediated structure. In Italy, SMEs are also characterized by strong rela-tionships with the banks. The longer the relationship, the greater the creditavailability to the enterprise. This type of model differs from the organization of financing for SMEs in theUnited Kingdom. Relations between banks and SMEs are more tenuous inthe UK. Bank products and services are provided on a per transaction basis,with higher pricing but enabling banks to manage higher levels of risk. SMEsare financed in the same way in the United States, but with support by aneffective institutional framework, the Small Business Act. In SubsaharanAfrica, the lack of an institutional framework is painfully apparent. Stronginformational asymmetries prevent banks from measuring SME-related risks,limiting their lending possibilities and preventing them from pricing properlyfor risk.

P. 5-6 (Essentiel Summary) 13/03/07 16:26 Page 6

7

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

E D I T O R I A L

Chers lecteurs,

Les PME sont essentielles pour la croissance etl’emploi, tout le monde le sait. Les grandes entre-prises peuvent défricher des terrains inconnus dansl’innovation et prendre plus de risques, mais encorefaut-il qu’elles soient suivies par des entreprisesmoyennes et grandes qui vont les escorter et prépa-rer les produits qu’elles vont assembler ensuite dansleurs usines. Les grandes peuvent, et de plus en plusdoivent, être précédées par ces mêmes entreprisespetites et moyennes qui vont explorer, innover,prendre des risques dans l’industrie et dans les ser-vices. Le lien entre PME, grandes entreprises etcroissance est donc essentiel, et le rôle des systèmesbancaires est ici décisif.Face aux simplifications (au moins), et bien sou-vent aux critiques, il semble donc important debien comprendre la façon dont les banques fonc-tionnent avec leurs clients entreprises de taillepetite et moyenne. Que se passe-t-il en général enEurope, et plus particulièrement en Allemagne, enItalie, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans lespays moins développés, sachant que l’on a examinéce qui s’est passé déjà en France dans le précédentnuméro de la revue.Cette présentation, qui compare des situations etdes stratégies, a pour base un deuxième aspect quis’impose à tous. C’est celui des ratios prudentiels

E D I T O R I A L

J E A N - P A U L B E T B È Z E

CHEF ÉCONOMISTE , D IRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES , CRÉDIT AGRICOLE S .A .

/...

Pages 07 a 08 (Edito 332) 13/03/07 16:27 Page 7

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

8

qui s’élaborent à Bâle, et des normes comptablesqui, avec le temps, s’appliqueront partout.Pour soutenir les PME et les aider à croître, ce quefont effectivement les banques, il faut donc mieuxcomprendre les environnements spécifiques danslesquels elles travaillent. Environnements juri-diques, comptables, financiers, et aussi locaux etnationaux.

/...

Pages 07 a 08 (Edito 332) 13/03/07 16:27 Page 8

9

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Les PME face à un cadreinstitutionnel changeant

Les PME sont par définition de petites structures.

Elles sont souvent fragiles

et leur développement dépend largement

de l’environnement institutionnel.

Quelles sont alors les conséquences de Bâle II ?

Quelles peuvent être celles des normes IFRS ?

Comment obtenir un middle market efficace ?

Page 9-10 (OUV I Chapit I) 13/03/07 16:27 Page 9

10

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Page 9-10 (OUV I Chapit I) 13/03/07 16:27 Page 10

11

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Existe-t-il un biaisanti-PME

dans Bâle II ?

L es PME risquent-elles d’être pénalisées par Bâle II ? Dansle nouveau régime de Bâle II, le montant des charges régle-mentaires en fonds propres est déterminé en fonction durisque effectif des emprunteurs et non de façon forfaitairecomme dans le régime antérieur. Le nouveau ratio de capitalrepose sur l’idée que les fonds propres bancaires doivent êtrecohérents avec le niveau de risque estimé. Un risque limitéent ra îne une fa ib le mobi l i s a t ion de fonds propres e t acontrario un risque élevé nécessite des fonds propres plusimportants. Ce changement a soulevé dès l’origine de vivesinquiétudes pour les PME. Elles se sont exprimées avec forceau début des années 2000, quand le Comité de Bâle a rendupubliques ses premières formules du ratio. Les premièressimulations d’impact montraient en effet que leur applica-tion conduisait à des charges en capital élevées, conséquencedu fait que les PME ont, en moyenne, une probabilité dedé f au t (PD) p lu s é l e vée que c e l l e de s en t r ep r i s e s p lu s /...

Les règles de Bâle II f ixent les charges réglementaires en

fonds propres en fonction du risque effectif des emprunteurs

et non de façon forfaitaire comme pour le ratio Cooke. Les

PME se caractérisent, en moyenne, par une probabil ité de

défaut plus élevée que les grandes entreprises. Toutefois,

plus l’entreprise est petite, plus sa corrélation de défaut est

considérée comme faible. L’impact de Bâle II sur le coût et la

disponibilité des crédits aux PME dépend alors de la modifica-

tion des pratiques bancaires et, en particulier, de l’application

effective d’une tarification en fonction du risque. Celle-ci n’a

pas nécessairement d’effet sur l’offre de crédit, notamment

pour les PME risquées, si une tarif ication plus proche du

risque s’accompagne d’un élargissement de l’offre de crédit.

M I C H E L D I E T S C H

PROFESSEUR À L ’ I EP DE STRASBOURG

P. 11 a 18 (Dietsch1) 13/03/07 16:28 Page 11

12

/... grandes. Ces critiques ont conduit le Comité de Bâle à corri-ger l e s formules e t à aba i s se r de façon s ign i f i ca t ive l e scharges en capital requises sur les PME. Ce traitement plus favorable des PME résulte de l’introduc-tion, dans le calcul de la corrélation, de la taille des entre-prises. En effet, ce paramètre entraîne une relation inverseentre la PD et la corrélation(1). Plus l’entreprise est petite,plus la corrélation tend à être faible, puisque la PD tend àcroître à mesure que la taille diminue. Un tel ajustement estfondé sur l’idée que la corrélation entre le risque d’une entre-prise et la conjoncture est d’autant plus faible que l’entrepriseest petite. Cette hypothèse a été remise en cause par plusieursétudes empiriques qui montrent une relation plutôt positiveentre la PD et la sensibilité au risque conjoncturel. Elle anéanmoins été maintenue. En conséquence, le capital régle-mentaire couvrant le risque PME devrait, en moyenne, baissersignificativement par rapport au régime actuel.Si les exigences en fonds propres réglementaires sur les PMEdevraient baisser avec la réforme de Bâle II, le calibrage desformules est tel que les fonds propres réglementaires devraientêtre supérieurs au montant nécessaire , en termes écono-miques, pour couvrir les pertes non attendues. L’impact sur laréforme dépend alors fondamentalement de la sensibilité desbanques aux charges en capital et de leur capacité à mettre enplace une offre de crédit véritablement fonction du risque.

LE CAPITAL RÉGLEMENTAIRE DEVRAIT BAISSER,CONSÉQUENCE DE LA FAIBLESSE RELATIVEDU RISQUE MOYEN DANS LES PMEP our le risque de crédit, les formules de Bâle II figurantdans l’approche par les notations internes (Internal RatingsBased, IRB) sont dérivées d’un modèle asymptotique de risquede crédit à un facteur unique de risque (modèle dit ASFR),sous les hypothèses que le portefeuille est parfaitement diver-sifié et qu’il n’existe qu’un seul facteur de risque (Gordy,2003). Ces formules définissent le capital réglementaire detelle manière que celui-ci couvre 99,9 % des pertes poten-tiel les à horizon d’un an. Ces formules comportent troisvariables principales, dont les deux premières – la probabilitéde défaut, PD, et le taux de perte en cas de défaut, LGD –sont calculées dans l’approche IRB(2) à partir des systèmes de

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

(1) Bâle II définit deux types de crédits aux PME : les crédits relevant de la banquede détail (inférieurs à 1M€) et les crédits corporate sur des entreprises dont lechiffre d’affaires est inférieur à 50 M€. On s’intéresse dans cet article aux seconds.(2) Dans l’approche fondation (IRBF), les banques calculent la PD pour chaqueexposition et la LGD est fixée forfaitairement à 45 %. Dans l’approche avancée(IRBA), elles calculent elles-mêmes également la LGD et la maturité.

P. 11 a 18 (Dietsch1) 13/03/07 16:28 Page 12

13

Exis te - t - i l un biais ant i -PME dans Bâle I I ?M I C H E L D I E T S C H

notation internes des établissements de crédit. La troisièmevariable – la corrélation R – qui mesure la sensibilité desemprunteurs au facteur commun de risque est imposée par leComité de Bâle. Elle ne tient donc pas compte des caractéris-tiques du portefeuille des banques et notamment de sa diver-sification. Le calibrage des formules de Bâle II a été réalisé enfonction des résultats d’études quantitatives d’impact menéesen relation avec la profession bancaire dans tous les paysconcernés par la réforme. La dernière de ces études (QIS5)date de 2005.Pour mesurer l’impact de la réforme sur les charges en capitalliées aux PME, nous avons considéré une population trèsreprésentative de plus de 80 000 PME françaises dont lechiffre d’affaires est compris entre 0,75 et 50 millions d’eu-ros. La qualité de crédit de ces entreprises est mesurée à partirdes notes de risque COFACE Services(3). Pour aller à l’essen-tiel, nos résultats montrent, tout d’abord, que le taux dedéfaut bancaire est environ deux fois supérieur au taux dedéfaut légal, en moyenne. Des calculs complémentaires pré-sentés montrent également que le ratio des deux taux tendplutôt à croître avec la taille des entreprises. Le multiplicateurpermettant de passer du taux de défaut légal au taux de défautbancaire est de l’ordre de 1,6 à 1,7 dans les très petites etpetites PME (respectivement moins de 20 et 50 salariés), del’ordre de 1,9 dans les grandes PME. Cette relation avec lataille s’explique par le fait que la distance qui sépare le défautbancaire du défaut légal est beaucoup plus courte dans lespetites entreprises que dans les moyennes(4).Dans ces conditions, une estimation des charges en capitalréglementaire réalisée sur les données de cette populationrelatives à 2005 – en supposant une LGD forfaitaire à 45 % eten mesurant les dettes à partir de l’encours total des dettesfinancières au bilan – montre que ces charges devraient enmoyenne s’établir à moins de 8 % dans les PME (tableau 1),quelle que soit leur taille. Cette réduction provient de l’effetconjugué de la faiblesse relative de la PD moyenne dans lesPME et de l’ajustement en fonction de la taille sur la corréla-tion. Celui-ci tend bien à lisser les charges réglementairesmoyennes puisque la PD moyenne tend à baisser avec la taille. /...

(3) La probabilité de défaut associée à ces notes est calculée sur le défaut légal(passage en procédure collective). Pour passer aux PD bancaires au sens de Bâle II,nous avons utilisé les résultats de travaux sur la relation entre les deux formes dedéfaut. Voir M. Dietsch, Les relations entre les différentes formes de défaut ,document de travail, septembre 2003. Voir aussi les publications de la Directiondes Entreprises de la Banque de France sur le même sujet.(4) Ces travaux ont permis d’affecter des PD bancaires par note dont le détailfigure sur les graphiques de ce document.

P. 11 a 18 (Dietsch1) 13/03/07 16:28 Page 13

14

La venti lat ion des charges par classe de r isque ( f igure 1)montre que celles-ci baissent de façon marquée pour les PMEles moins risquées, celles dont la PD est inférieure ou égale à0,8 %. Or ces PME représentent la grande majorité de lapopulation (figure 2). C’est là sans doute la principale expli-cation de la baisse des exigences réglementaires par rapport aurégime de Bâle I.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

ESTIMATION DU RATIO DE CAPITAL RÉGLEMENTAIREDANS LA POPULATION DES PME FRANÇAISES

CA Nombre d’entreprises PD bancaire Ratio réglementaireen M € moyenne estimée moyen par taille

de 0,75 à 3 48 045 2,07 6,07 %

de 3 à 15 26 749 1,76 5,91 %

de 15 à 50 7032 1,50 6,17 %

ensemble 81 826 1,92 6,03 %

Source : COFACE Services et calculs de l’auteur

tableau 1

/...

ESTIMATION DU RATIO DE CAPITAL RÉGLEMENTAIRE DANS LES PME FRANÇAISES PAR CLASSE DE RISQUE

de 3 à 15de 0,75 à 3

de 15 à 50

0PD=35% PD=15% PD=8% PD=4% PD=2,6% PD=1,4% PD=0,8% PD=0,4% PD=0,02% PD=0,003%

201816141210

8642

Source : COFACE Services et calculs de l’auteur

figu

re 1

RÉPARTITION DES PME DE LA POPULATION ÉTUDIÉE PAR CLASSE DE RISQUE

de 3 à 15de 0,75 à 3

de 15 à 50

0PD=35 % PD=15 % PD=8 % PD=4 % PD=2,6 % PD=1,4 % PD=0,8 % PD=0,4 % PD=0,02 % PD=0,003 %

18 000

16 000

14 000

12 000

10 000

8 000

6 000

4 000

2 000

Source : COFACE Services et calculs de l’auteur

figu

re 2

P. 11 a 18 (Dietsch1) 13/03/07 16:28 Page 14

15

Exis te - t - i l un biais ant i -PME dans Bâle I I ?M I C H E L D I E T S C H

Notons que ces résultats sont cohérents avec ceux d’une simu-lation réalisée par la Commission bancaire sur l’ensemble desprêts bancaires aux PME(5). Selon cette étude, la pondérationmoyenne d’un portefeuille de créances PME atteindrait 71,4 %en approche IRB fondation, et de 67,4 % en approche IRBavancée, contre 100 % dans le régime du ratio Cooke Bâle I.

LE CAPITAL RÉGLEMENTAIRE SURESTIMELE CAPITAL NÉCESSAIRE POUR COUVRIRLES PERTES NON ATTENDUESCependant, les décisions des banques en matière d’octroi decrédit devraient plutôt être fondées sur le montant du capitaléconomique – qui intègre les vraies caractéristiques du risquedes emprunteurs et les effets de diversification de leur propreportefeuille – plutôt que sur le montant du capital réglemen-taire(6). Cette évolution vers une meilleure gestion du risqueet le développement de modèles internes de capital écono-mique est elle-même inscrite dans la logique de Bâle II etcontenue dans les intentions du pilier 2.Dès lors, la question est de savoir si les charges réglementairessont très différentes des charges qui résulteraient de l’applica-tion d’un modèle interne intégrant les corrélations mesuréessur les données de portefeuille plutôt que les corrélationsrésultant des formules de Bâle II. De nombreux travaux empi-riques montrent que les corrélations effectives sont bien infé-r ieures à cel les qui résultent de ces formules (7). Ainsi , leniveau des corrélations mesurées par ces travaux varie entre1 % et 11 % selon le niveau de risque des entreprises, alorsque la corrélation minimum admise par les formules est de8 % pour les expositions PME de la plus petite taille (5 M€)(8).Cet écart crée des différences importantes entre le capitalréglementaire et le capital économique. /...

(5) Voir « Le Traitement des engagements sur les PME dans Bâle II (CP3) », Bulletinde la Commission Bancaire, avril 2004.(6) Le capital réglementaire correspond au capital exigé par les critères de Bâle II.Il diffère du capital économique qui correspond au capital qui doit couvrir lespertes non attendues mesurées – généralement sous forme d’une VAR (Value-At-Risk) – à partir d’un modèle interne de risque de crédit.(7) Ces études utilisent une méthodologie fondée sur le modèle de risque de crédit àun facteur de risque. Voir M. Dietsch et J. Petey, “Should SME exposures be treatedas retail or corporate exposures ? A comparative analysis of default probabilitiesand asset correlations in French and German SMEs”, Journal of Banking andFinance, 2004, K. Duellman et H. Scheule, “Determinants of asset correlations ofGerman corporations and implications for regulatory capital”, Deutsche Bundes-bank, 2003, A. Hamerle, T. Liebig et D. Rösch, “Credit Risk Factor Modelling andthe Basel II IRB Approach”, Deutsche Bundesbank, 2003, et Hamerle, Liebig etRösch, “ Benchmarking Asset Correlations”, Deutsche Bundesbank, 2003.(8) Les ordres de grandeur des corrélations d’actif estimées à partir des données desmarchés d’actions sont cependant proches des valeurs des formules de Bâle II.Celles-ci ont en réalité été calibrées à partir de telles données.

P. 11 a 18 (Dietsch1) 13/03/07 16:28 Page 15

16

/... Ainsi, en admettant des niveaux de corrélation par rating rela-tivement proches des valeurs figurant dans les travaux men-tionnés plus haut(9) – tels que la valeur moyenne pondérée parles encours est égale à 5,2 % dans la population étudiée –, leniveau du capital varie quasiment du simple au double :3,15 % en moyenne pour le capital réglementaire contre6,03 % pour le capital économique, pour une LGD fixée for-faitairement à 45 %. L’écart entre capital économique etréglementaire est i l lustré selon la qualité de crédit sur lafigure 3. Celle-ci montre en particulier que pour les exposi-tions dont la PD moyenne est égale à 0,8 %, qui correspon-dent à la classe de risque la plus nombreuse dans la popula-tion étudiée, le niveau du capital réglementaire est quasimenttrois fois plus élevé que le capital économique.

De plus, la figure 3 montre que la réforme tend aussi à favori-ser les PME les plus risquées. C’est la conséquence de l’ajuste-ment de la corrélation en fonction de la taille. Celui-ci tendnaturellement à réduire les charges sur les entreprises dont laPD est la plus forte, puisqu’il suppose une relation inverseentre la corrélation R et la PD. En raison de cette relationinverse, les charges réglementaires sont plus faibles que cellesqui résulteraient de l’application par les banques d’un modèleinterne calibré sur les valeurs effectivement constatées dansleurs portefeuilles. Les formules réglementaires tendent àcréer une incitation à prêter à des entreprises risquées puisqueles exigences en fonds propres réglementaires sont plus faiblesdès que la PD dépasse un niveau proche de 1,5 % et notam-

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

COMPARAISON DU RATIO DE CAPITAL CALCULÉ AVEC LES CORRÉLATIONS RÉGLEMENTAIRES (R RÉGLEMENTAIRE)ET AVEC LES CORRÉLATIONS ESTIMÉES PAR UN MODÈLE INTERNE (R“INTERNE”) DE CAPITAL ÉCONOMIQUE

15

10

5

0PD=35% PD=15% PD=8% PD=4% PD=2,6% PD=1,4% PD=0,8% PD=0,4% PD=0,02% PD=0,003%

20

25

19,7

16,37 15,813,88

11,398,51

7,26 7,675,07 6,54

3,025,42

1,794,01

0,722,96

0,32 0,051,09

10,84

R RéglementaireR “Interne”

Source : COFACE Services et calculs de l’auteur

figu

re 3

(9) Soit ici, une valeur de R qui varie de 10 % pour la PD la plus élevée à 0,5 %pour la PD la plus faible, ce qui donne une valeur moyenne dans la populationégale à 5,2 %.

P. 11 a 18 (Dietsch1) 13/03/07 16:28 Page 16

17

Exis te - t - i l un biais ant i -PME dans Bâle I I ?M I C H E L D I E T S C H

ment dans la classe de risque caractérisée par une PD égale à4 % qui est une classe où les PME sont assez nombreuses,comme on l’a vu plus haut.En outre, les formules de Bâle II font également varier lescharges en capital en fonction de la valeur des pertes en cas dedéfaut LGD. Ces pertes dépendent du taux de récupération encas de défaut et ce dernier est vraisemblablement plus élevépour les PME que pour les entreprises plus grandes. En effet,la valeur des actifs rapportée au chiffre d’affaires tend à dimi-nuer nettement à mesure que la taille des entreprises diminue.Dans les PME, et notamment dans celles dont le chiffre d’af-faires est inférieur à 15 M€, l’actif est essentiellement com-posé d’actifs circulants et la part des actifs corporels – dont lavaleur marchande peut être réalisée plus rapidement – dansl’actif immobilisé tend à diminuer à mesure que la taille dimi-nue. Ces éléments laissent penser que le taux de récupérationtend, en moyenne, à être plus élevé dans les petites PME.Au total, la réforme entraîne différents effets.Tout d’abord, si les banques déterminent effectivement leuroffre de crédit aux PME en fonction des charges en capital surcette catégorie d’emprunteurs, la surcharge en capital régle-mentaire par rapport au capital économique risque de ralentirl’offre de crédit aux PME. Or les banques sont effectivementsensibles aux variations des contraintes réglementaires encapital, comme le montrent des travaux récents(10). En France,une étude de la Commission bancaire(11) montre qu’une varia-tion du capital réglementaire tend à exercer un impact signifi-catif sur la quantité de crédit au terme d’un an.Ensuite, si les banques répercutent les variations de leur capi-ta l réglementaire , la réforme du rat io de capita l devrai tcontribuer à une plus forte différenciation de la disponibilitéet du prix du crédit selon le risque. Cette différentiationdevrait toucher les emprunteurs les plus risqués, mais elleaura sans doute moins d’impact sur les PME les moins ris-quées. Une question est cependant de savoir quelle est lavaleur relative des primes couvrant les pertes non anticipéespar rapport à celles qui couvrent les pertes moyennes antici-pées et si les banques, en concurrence réelle sur le marché ducrédit, mettront effectivement en application une tarificationfine en fonction du risque.

(10) V. Oung, « Exigences de Capital et Cycles Economiques : une Étude Empiriquesur les Données Françaises », Bulletin de la Commission Bancaire, avril 2003., R.Repullo et J. Suarez, “ Loan Pricing under Basel Capital Requirements ”, Journal ofFinancial Intermediation, 2004, M. Dietsch et D. Garabiol, « Du caractère pro-cyclique du nouveau ratio de capital : une analyse empirique sur données fran-çaises », Banque et Marchés, mars 2004.(11) V. Oung, op. cité.

P. 11 a 18 (Dietsch1) 13/03/07 16:28 Page 17

18

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 11 a 18 (Dietsch1) 13/03/07 16:28 Page 18

19

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Opportunités et risquesd’une extension

des normes IFRS aux PME :le point de vue d’un banquier

L’appl icat ion des normes IFRS à l ’ensemble des PME ne

devrait pas bouleverser les méthodes d’analyse du risque de

crédit, dans la mesure notamment où le concept sous-jacent

de juste valeur(1) demeure en l’état actuel des normes relative-

ment cantonné.

Néanmoins, sur un plan pratique, l’absence d’état comptable

normé en IFRS conduit à penser que le passage des PME aux

nouvelles normes nécessiterait de la part des banques des

efforts d’adaptation relativement importants et onéreux pour

un bénéfice escompté sans doute assez limité.

En outre, la poursuite de l’évolution des IFRS vers plus de

juste valeur pourrait à terme placer les banquiers devant le

choix de réinventer l’analyse financière ou, plus modeste-

ment, de revoir les garanties demandées aux entreprises ainsi

que leur tarification afin de se prémunir contre les éléments

d’incertitudes qui seraient alors reflétés dans les comptes.

S Y L V I E M A R C H A L

CONSE ILLER TECHNIQUE , D IRECTION DES ENTREPRISES , BANQUE DE FRANCE

(1) Le principe de juste valeur consiste à déterminer les valeurs bilancielles à partirdes données les plus pertinentes possibles soit, en général, la valeur de marché ou,en l’absence de marché, les flux de trésorerie prévisionnels.

P. 19 a 24 (Marchal2) 13/03/07 16:29 Page 19

20

/... Depuis l’exercice 2005, les groupes cotés européens présen-tent leurs comptes consolidés selon le référentiel IFRS. LesIFRS sont un ensemble de normes comptables et financièresinspirées des normes anglo-saxonnes et qui ont vocation às’imposer progressivement dans tous les pays afin de réaliserune harmonisation comptable rendue nécessaire du fait de laglobalisation des marchés financiers. Aujourd’hui, beaucoupde pays ont adopté ces normes pour leurs entreprises cotéessur un marché. La question se pose de l ’élargissement duchamp d’appl icat ion des IFRS aux autres entrepr i ses e tnotamment aux PME.En se plaçant dans cette hypothèse(2) de l’extension des IFRSaux PME, nous avons tenté de dresser un panorama desopportunités et des risques qui en découleraient dans la pra-tique d’évaluation du risque de crédit des entreprises.

UNE REMISE EN CAUSE DES SYSTÈMES ACTUELSDE TRAITEMENT DES DONNÉESCOMPTABLES ET FINANCIÈRESEn premier lieu, l’adoption des IFRS pour les PME nécessi-terait une adaptation relativement lourde des systèmes actuelsde col lecte des données. En effet , s i le banquier peut seréjouir d’une exigence accrue d’information, encore faut-ilque cette information puisse être collectée et exploitée sanscoût excessif. Or, en l’état actuel des normes IFRS, l’absenced’état comptable formalisé(3) est un obstacle à la collecte del’information. Cet obstacle pourrait être surmonté à terme parle développement des échanges de données comptables etf inancières sous forme informat i sée mais i l convient dedemeurer prudent dans la mesure où cette solution n’est pasopérationnelle à ce jour.En termes d’exploitation, le problème central que posent lesIFRS est lié à l’existence de deux modèles pour le compte derésultat : un modèle par nature et un modèle par fonction.Outre les problèmes de comparabilité issus de l’utilisation dedeux modèles différents selon les entreprises, le modèle parfonction ne permet pas le calcul de certains indicateurs utili-sés dans l’analyse, comme par exemple le résultat brut d’ex-ploitation.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

(2) Hypothèse pour l’instant assez théorique étant donné les difficultés d’ordre juri-dique et fiscal qui seraient à résoudre avec en ligne de mire une possible décon-nexion entre comptabilité et fiscalité ; étant donné également la résistance d’ungrand nombre de parties prenantes (cf. notes de la CCI, du MEDEF...) à cette évolu-tion.(3) Des modèles facultatifs et particulièrement synthétiques – une dizaine de lignes –des états comptables sont inclus dans les normes IAS 1 et 7.

P. 19 a 24 (Marchal2) 13/03/07 16:29 Page 20

21

Opportuni tés e t r i sques d ’une extension des normes IFRS aux PME :le point de vue d ’un banquier

S Y L V I E M A R C H A L

Par ailleurs, un grand nombre des informations supplémen-taires demandées par les IFRS sont de nature qualitative etnon quantitative. Aussi, la prise en compte de ces informationspourrait s’avérer coûteuse et pose, en outre, un problème dequalification du personnel(4) face à une information qui peuts’avérer très complexe(5). Cela étant, il convient de préciserque, la juste valeur mise à part, la complexité évoquée provientdavantage de la matière que du traitement comptable en lui-même. In fine , la question qui se pose est de savoir si lesefforts pour exploiter l’information supplémentaire fournie parles IFRS sont à la mesure des bénéfices escomptés et, en consé-quence, si l’information est vraiment utile pour l’analyste.

UN APPORT QUI N’APPARAÎT PAS DÉTERMINANTPOUR L’ÉVALUATION DU RISQUE DE CRÉDITL ’extension des normes IFRS à l’ensemble des PME amène às’interroger prioritairement sur les apports qui en sont atten-dus. En effet, si l’argument d’une harmonisation comptableinternationale semble modérément déterminant au niveau desPME, il existe peut-être au niveau des principaux utilisateursdes comptes, au rang desquels les banquiers figurent en bonneposition, des besoins que la comptabilité actuelle ne remplitpas ou de manière peu satisfaisante.Bien que perfectible en regard des besoins de l’analyse finan-cière, la comptabilité française endosse relativement bien lerôle de support à l’évaluation du risque de crédit d’une entre-prise. Dans ce cadre, les apports des normes IFRS se concen-trent pour le banquier sur quelques informations plus précisesconcernant des éléments clés de l’analyse comme les engage-ments de départ en retraite ou la location-financement ainsique sur la réconciliation entre les principes comptables descomptes sociaux et des comptes consolidés.Il est vrai que l’approche en juste valeur par opposition à celleen coût historique, qui constitue la principale différenceconceptuelle entre les normes IFRS et les normes françaises,aboutit à des valorisations dans les comptes en cohérence avecla réalité économique, notamment en cas de forte hausse desprix comme on peut en observer dans l’immobilier. Néan-moins, pour pertinente quelle soit, cette revalorisation dupatrimoine pose un problème au banquier dans la mesure où /...

(4) Tant le personnel en charge du dépouillement et du contrôle de la qualité desbilans que le personnel en charge de l ’analyse de l ’ information comptable etfinancière.(5) Information sur la comptabilisation des instruments financiers, le calcul de lacharge liée aux stocks-options, la valorisation des actifs en l’absence d’un marchéactif, la détermination des engagements de départ en retraite...

P. 19 a 24 (Marchal2) 13/03/07 16:29 Page 21

22

/... elle expose l’entreprise et avec elle ses créanciers à un retour-nement des marchés. L’idéal serait sans doute pour le ban-quier de disposer de l’information sur la juste valeur en com-plément d’un bilan établi sur des bases plus conservatrices.

UN ACCROISSEMENT POTENTIEL DE L’INCERTITUDE POUR LE BANQUIER En l’état actuel des normes IFRS, le recours à la juste valeures t en déf in i t ive de portée re la t ivement l imitée sur toutlorsque l’on se place dans le cadre de la comptabilité desPME. Dans ce contexte, l’application des IFRS aux PME nedevrait pas bouleverser l’activité d’évaluation des risques decrédit effectuée par les banques, à la réserve près, évoquée ci-dessus, de la problématique de collecte en l’absence d’uneprésentation normée des états financiers.Le référentiel IFRS n’est cependant pas stabilisé. Il repose àl’heure actuelle sur un modèle mixte entre coût historique etjuste valeur. Si cette dernière devait être généralisée, la situa-tion du banquier deviendrait assez inconfortable, ce dernier setrouvant confronté à la complexité et surtout à la subjectivitéde la valorisation en l’absence d’un prix de marché(6). Enoutre, la généralisation de la juste valeur induirait une volati-l i t é accrue des ré su l ta t s dans l a mesure où ces dernier sseraient soumis à l’influence des variations de juste valeur et,en conséquence, dépendraient de la fluctuation des marchés.Un changement comptable, pour important qu’il soit, n’in-flue pas sur la situation économique réelle d’une entreprisemais i l peut en modif ier la percept ion. Le passage à unmodèle comptable « entièrement juste valeur » (full fair value)introduirait dans les comptes la fragilité inhérente au travailde valorisation. Face à cet accroissement de l’incertitude, lebanquier pourrait réviser complètement ses modèles d’analysedu risque, mais les voies restent à trouver ; il pourrait plussimplement exiger des emprunteurs des garanties supplémen-taires ou revoir à la hausse sa tarification.

CONCLUSIONEn l’état actuel de notre perception des normes IFRS et deleurs effets attendus sur l’analyse financière, une extension del’application systématique des IFRS aux PME doit être exami-née avec une grande prudence. La prise en compte progressived’une partie des règles dans les normes françaises, commel’intégration des financements de crédit bail ou de location

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

(6) En l’absence de marché, la valorisation d’un actif se base sur une actualisationdes flux de trésorerie prévisionnels.

P. 19 a 24 (Marchal2) 13/03/07 16:29 Page 22

23

Opportuni tés e t r i sques d ’une extension des normes IFRS aux PME :le point de vue d ’un banquier

S Y L V I E M A R C H A L

f inanc i è r e dans l e b i l an , peu t f a c i l i t e r l ’ ana ly s e . C ’ e s td’ailleurs la voie de cette intégration progressive qu’a choisiele Conseil National de la Comptabilité. Avant d’aller plusloin, une période de réflexion et d’observation s’impose enl’absence de recul sur la confrontation du référentiel IFRSavec la pratique sur le terrain et étant donné le caractère évo-lutif des IFRS(7). Cette période doit être mise à profit pourinterroger les utilisateurs des comptes sur leurs attentes, pouranalyser l’équilibre coût-bénéfice d’une extension de l’utilisa-tion des normes, pour évaluer les moyens de préserver lesavantages d’une compatibilité aussi aisée que possible entrerègles comptables et fiscales ainsi que pour s’interroger sur laviabilité d’un système comptable qui resterait en partie dual,distinguant les sociétés se finançant sur un marché des autressociétés.

(7) En dépit de la période de stabilité annoncée par l’IASB (organisme chargé del’élaboration des normes IFRS) qui prévoit qu’aucune nouvelle norme ne soitd’application obligatoire avant le 1er janvier 2009, les différents projets en cours dediscussion laissent présager de nouvelles évolutions potentiellement significativesdes IFRS.

P. 19 a 24 (Marchal2) 13/03/07 16:29 Page 23

24

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 19 a 24 (Marchal2) 13/03/07 16:29 Page 24

25

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Les déterminantsd’une concurrence bancaire

efficacesur le middle market

Au cours de la dernière décennie, le paysage bancaire euro-péen a connu d’importantes restructurations, notamment uneconcentration du nombre d’acteurs. L’intensité de ce mouve-ment diffère selon les pays et selon le caractère plus ou moinsintermédié des économies. Lorsque le marché devient oligopo-listique, il nourrit de nombreux débats quant à son efficacité.Il s’agit de savoir si sa concentration ne réduit pas la concur-rence que se livrent les banques. Cette question revêt uneimportance cruciale pour le financement des PME, car ces der- /...

Le degré de concentration n’est pas un critère suffisant pour

juger du niveau de concurrence entre les banques sur le

middle market. Il faut s’intéresser à la contestabilité, tradui-

sant la pression de l’environnement extérieur, et à la fluidité

du marché, déterminant l’émulation ente les compétiteurs à

l’intérieur du marché. La contestabilité est conditionnée par

les modalités d’entrée et par la perméabilité du marché. La

fluidité dépend, quant à elle, des facilités de mobilité de la

demande et de multi-bancarité. Si les critères de fluidité sont

essentiels pour stimuler la concurrence sur le middle market,

leur rôle doit être principalement dissuasif. Ils doivent ainsi

prévenir la constitution d’une rente de la part des banques

sans toutefois altérer la construction de relations longues

entre les banques et les PME. Celles-ci permettent en effet

de réduire les asymétr ies d’ informat ions entre ces deux

acteurs et sont sources d’efficacité économique.

F L O R I A N R O G E R

DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES , CRÉDIT AGRICOLE S .A .

P. 25 a 32 (Roger3) 13/03/07 16:30 Page 25

26

/... nières ont difficilement accès aux marchés des capitaux et sontdirectement dépendantes des banques. Ceci conduit plus large-ment à s’interroger sur les facteurs conditionnant la concur-rence bancaire et l’efficacité économique sur le middle market.

Quel lien entre concentration, concurrence bancaire et effica-cité économique sur le middle market ?De nombreux travaux empiriques du début des années 1990stipulaient l ’existence d’une corrélation posit ive entre leniveau de concentration des banques et leur pouvoir de mar-ché, engendrant une augmentation des taux d’intérêt des cré-dits (Berger et Hannan, 1989), conformément au modèleStructure-Conduct-Performance (SCP). Cet effet pouvaitnéanmoins se trouver atténué lorsque les gains de pouvoir demarché étaient contrebalancés par des gains d’eff icacité ,notamment grâce aux économies d’échelle et de gamme.Dans un article de 1995, Petersen et Rajan remettent plusfondamentalement en cause ce modèle et expliquent qu’unetrop vive concurrence bancaire peut se révéler néfaste aufinancement des PME. Ces dernières se caractérisent souventpar une forte opacité : données en faible quantité, souventintangibles, difficilement accessibles, absence d’audit finan-cier.. . Les banques sont alors confrontées à une situationd’asymétrie d’informations. Elles risquent de subir des phéno-mènes d’antisélection (informations cachées) et d’aléa moral(actions cachées). Face à ces risques, les banques ont deuxpossibilités : soit elles proposent des taux d’intérêt élevés, soitelles adoptent une stratégie relationnelle. Par la seconde solu-tion, en devenant un partenaire régulier de l’entreprise, labanque acquiert davantage de renseignements au fil des rela-tions contractuelles. Elle peut alors mieux appréhender sonrisque et proposer une tarification et des services plus adaptés.Cette stratégie lui permet également de lisser ses revenus dansle temps. Elle peut ainsi prêter plus et à des taux plus faibleslorsque l ’entreprise traverse des phases diff ici les, car el lepourra récolter le fruit de cet investissement par la suite. Si lemarché est trop concurrentiel, une telle répartition intertem-porelle des revenus est impossible pour la banque, car lorsquel’entreprise devient moins opaque et donc plus attractive, eller i sque d’être captée par les concurrents . Une plus forteconcentration du marché bancaire favorise alors la fidélitédans la relation entre les banques et les PME, ce qui se traduitdans le temps par une plus grande efficacité économique ausens de Pareto. A la fois la banque, qui peut mieux maîtrisersa sinistralité, et l’entreprise, qui peut bénéficier de meilleuresconditions financières à long terme, sont gagnantes.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 25 a 32 (Roger3) 13/03/07 16:30 Page 26

27

Les dé terminants d ’une concurrence bancaire e f f icace sur le middle marketF L O R I A N R O G E R

Boot et Thakor (2000) nuancent les conclusions obtenues parPetersen et Rajan. Ils affirment que la concurrence engendreune diminution encore plus forte du surplus bancaire tiré desactivités transactionnelles, que des activités relationnelles. Encas de forte concurrence, les banques cherchent à différencieret à personnaliser leurs produits. Elles privilégient alors lesprêts relationnels. Shaffer (1998) réfute également la relationnégative entre concurrence et quantité de crédit offerte auxPME. Cependant, il explique que si le nombre de prêts accor-dés augmente avec la concurrence et le nombre de banques,l’agressivité concurrentielle et la multiplicité des acteurs aug-mentent la probabilité qu’un mauvais emprunteur obtienneun crédit (du fait de l’imperfection des techniques de scree-ning). C’est la malédiction du vainqueur (winner’s curse). Caoet Shi (2000) indiquent que cec i peut a lor s amener l e sbanques à ut i l i ser moins e f f icacement les techniques descreening et à proposer des taux d’intérêt plus élevés.Ces modèles théoriques conduisent à des conclusions diffé-rentes sur l’impact de la concentration. Face à ces incerti-tudes, nous avons testé l’influence de ce paramètre sur les cré-dits aux entreprises en Europe pour les années 1998-2005.Les pays européens présentent des niveaux de concentrationhétérogènes, selon le niveau de l’intermédiation bancaire,selon la structure du système bancaire (présence de banqueslocales, publiques, mutualistes), selon les réglementationsnationales, etc. (voir graphique 1). De plus, lors de la périoderécente, la consolidation bancaire ne s’est pas opérée à lamême vitesse, ni dans les mêmes proportions. /...

INDICE D’HERFINDAHL (1) POUR L’ACTIF TOTAL DES INSTITUTIONS DE CRÉDITDES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS EN 2005

0,00

Alle

mag

ne

Italie

Luxe

mbo

urg

Roya

ume-

Uni

Espa

gne

Aut

riche

Irlan

de

UE UEM Fran

ce

Suèd

e

Grè

ce

Port

ugal

Pays

-Bas

Belg

ique

Finl

ande

0,500,450,400,350,300,250,200,150,100,05

Source : Banque centrale européenne

grap

hiqu

e 1

(1) Le niveau de concentration peut être apprécié à l’aide de l’indice Herfindahl-Hirschman (HHI), qui correspond à lasomme des carrés des parts de marché de chacun des établissements. Sa valeur est comprise entre 0 et 1, et générale-ment, on considère que lorsque celle-ci est inférieure à 0,1, le marché est peu concentré, lorsque celle-ci est compriseentre 0,1 et 0,18 le marché est modérément concentré et lorsque celle-ci est supérieure à 0,18, le marché est fortementconcentré.

P. 25 a 32 (Roger3) 13/03/07 16:30 Page 27

28

/... Nos résultats suggèrent une relation positive entre le nombrede b anque s e t l a c r o i s s anc e du c r éd i t aux en t r ep r i s e s(voir annexe page 32). Toutefois, si la concentration est signi-ficative dans notre modèle, son coefficient est extrêmementfaible. Ce paramètre semble donc avoir une influence limitéesur un plan macro-économique et son interprétation est fra-gile dans ces conditions.

Les attributs d’un middle market économiquement efficace :une contestabilité effective et une fluidité dissuasive.La faible influence de la concentration obtenue pour les payseuropéens corrobore les résultats de Demirgüç-Kunt, Laevenet Levine (2004). Ces auteurs ont montré, à travers l’étude de1400 banques dans 72 pays, que la réglementation et lesmodalités d’entrée dans le secteur bancaire conditionnentdavantage la compétition entre les banques que le simpledegré de concentration. À l ’ instar de La Porta, Lopez-deSilanes, Shleifer et Vishny (1997), ils affirment que l’environ-nement légal et réglementaire joue alors un rôle essentiel. Ceparamètre détermine notamment la contestabilité des mar-chés . Comme l ’ expl ique Baumol (1982) , un marché es tcontestable, s’il n’existe pas de barrières et de coûts irrécupé-rables prohibitifs à l’entrée et à la sortie. Dans ce cas, la pres-sion des entrants potentiels vient s’ajouter à la compétitiondes producteurs déjà en place, ce qui limite les possibilités derente de ces derniers. La contestabilité permet ainsi de consi-dérer à la fois les intervenants et les postulants au marché. Ence sens, elle est certainement plus pertinente que le simpleniveau de concentration pour juger du niveau de concurrenceprévalant sur un marché. Le degré d’ouverture du marché etsa perméabilité semblent donc déterminants pour une concur-rence avivée par l’environnement extérieur.À l ’ intérieur du marché, les conditions offertes pour unemobilité de la demande sont également capitales pour la com-pétition des acteurs. Lorsque les coûts de sortie sont faibleslors des changements de banques, et que la grille tarifaire estc l a i r e pou r l e s c on sommat eu r s , c e s d e rn i e r s p euven t« arbitrer » les avantages des établissements en termes de tarifset en termes de relation. Ceci peut être renforcé par la multi-bancarité. Les entreprises utilisent alors plusieurs acteurs ban-caires simultanément pour leur financement. Cette solutionpeut leur apporter la possibilité de diversifier leurs sources def inancement, de mutual i ser le r i sque qu’e l les portent etpotentiellement d’obtenir plus de financement. Elle est doncd’autant plus utile que l’entreprise est grande et recherche unfinancement externe important. La multibancarité peut égale-

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 25 a 32 (Roger3) 13/03/07 16:30 Page 28

29

Les dé terminants d ’une concurrence bancaire e f f icace sur le middle marketF L O R I A N R O G E R

ment permettre de profiter des avantages comparatifs d’éta-blissements bancaires spécialisés différemment. Enfin, lesentreprises de qualité moyenne peuvent user de ce procédépour diluer l ’ information et diminuer l ’ investigation desbanques.La mobilité de la demande et la multibancarité jouent ainsiun rôle fondamental pour stimuler la concurrence entre lesbanques sur le marché et peuvent se révéler profitables auxentreprises. Néanmoins, elles peuvent également être sourced’inefficacité économique. En effet, elles diminuent les inves-tissements informationnels que peut réaliser une banque surune entreprise, puisque la banque subit une baisse de sonespérance de gains. De même, celle-ci peut moins aisémentappor te r son sout i en f inanc ie r aux ent repr i s e s lo r s de spériodes délicates, puisqu’une répartition inter-temporelle desrevenus est plus incertaine. La mobilité de la demande et lamultibancarité se révèlent paradoxalement préjudiciables aufonctionnement du middle market, car elles peuvent nuire auxrelations entre les banques et les PME et empêcher la réduc-tion des asymétries d’informations entre ces deux acteurs.Finalement, si leur présence est nécessaire pour éviter qu’unebanque ne tire de rente d’une position de créancier privilégié,leur « réalisation effective » n’est généralement pas souhai-table. La mobilité de la demande et la multibancarité, quicaractérisent la fluidité d’un marché, doivent donc avoir unrôle davantage dissuasif qu’effectif sur le middle market.Pour juger de la concurrence bancaire sur le middle market, lecritère de la concentration n’est pas suffisant. Il faut plutôtétudier la contestabilité et la « fluidité » du marché. Ce der-nier est d’autant plus concurrentiel qu’il est contestable etfluide. La fluidité, conditionnée par les possibilités de mobi-lité de la demande et de multibancarité, doit néanmoins jouerprincipalement un rôle de dissuasion. Il s’agit d’éviter l’exer-cice d’un pouvoir de marché de la part des créanciers, sansaltérer la constitution de relations durables entre les banqueset les PME. Ces dernières sont en effet essentielles pour dimi-nuer les asymétries d’informations sur le middle market etdonc pour accroître son efficacité économique. Commentpeut-on juger l’évolution du middle market français à partirde ces caractéristiques ?

Un middle market français de plus en plus concurrentiel En France, les restructurations bancaires se sont accompa-gnées d’un équilibrage des parts de marché des banques pourle crédit aux entreprises durant les années 1990. Or, lorsqueles parts de marché sont plus homogènes, le marché devient /...

P. 25 a 32 (Roger3) 13/03/07 16:30 Page 29

30

/... normalement plus concurrentiel. La mesure de Rosse-Panzarpermet d’apprécier quantitativement la contestabil ité desmarchés. Elle correspond à la somme des élasticités du revenutotal de la banque par rapport aux prix des inputs. Elle révèlela manière dont réagit une banque face à une variation de sescoûts de production, et ainsi quel est son pouvoir de marché.Sa valeur est comprise entre zéro et un, et plus elle se rap-proche de l’unité, plus le marché est concurrentiel. Pour laFrance, les travaux de Dietsch (2005) montrent que la mesurede Rosse-Panzar est passée de 0,67 en 1993 à 0,78 en 1997.Cet indicateur plaide pour un accroissement de la concur-rence sur le marché.Ne disposant pas de données précises sur l’évolution de lamobilité de la demande, nous avons observé l’évolution de lafluidité du marché à travers l’évolution de la multibancarité.Avec le rééquilibrage des parts de marché des banques sur lemiddle market, les PME ont multiplié le nombre de leurs par-tenaires bancaires durant la seconde moitié des années 1990,pour nouer en moyenne trois relations bancaires chacune à lafin de cette période. En plus de faire jouer la concurrence etd’accroître les sources potentielles de crédit, la multibancaritéa permis aux entreprises de profiter des complémentarités desbanques françaises.Ces dernières se caractérisent par des structures de prêts diffé-renciées. Les banques mutualistes se consacrent plutôt aufinancement de l’investissement tandis que les banques com-merciales privilégient davantage le financement de la trésore-rie des entreprises. Sur la période récente, on constate néan-moins une baisse du taux d’entreprises multibancarisées.Celui-ci a en effet baissé de quatre points entre 2003 et 2005.Le taux moyen de multibancarité n’est plus que de 74 %. Deplus, les entreprises continuant à se financer auprès de plus dedeux banques ont diminué en moyenne le nombre de leurspartenaires bancaires (voir graphique 2).

Cette diminution peut difficilement s’expliquer par des res-trictions dans les possibilités de multibancarité des entre-prises, car aucune disposition récente ne semble aller dans cesens. En revanche, elle est favorisée par la conjugaison de dif-férents facteurs. La liquidité est abondante sur le marché etles entreprises peuvent obtenir plus aisément l’ensemble deleur crédit d’un seul établissement. Les banques offrent unepalette de produits de plus en plus large et peuvent ainsi satis-faire l’ensemble des besoins des entreprises. Ces dernières ontprofité de ces évolutions en arbitrant moins entre les diffé-rentes banques, ce qui indique que le marché est concurren-

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 25 a 32 (Roger3) 13/03/07 16:30 Page 30

31

Les dé terminants d ’une concurrence bancaire e f f icace sur le middle marketF L O R I A N R O G E R

tiel, et, au vu des éléments précédents, qu’il est économique-ment plus efficace.En conclusion, l’augmentation de la contestabilité des mar-chés et la baisse de la multibancarité suggèrent que le middlemarket est devenu plus concurrentiel et économiquement plusefficace en France lors de la période récente. /...

100 %10 %

10 %

22 %

36 %

22 %

9 %

9 %

20 %

36 %

26 %

20052003

*chiffres calculés à partir d’un échantillon représentatif de 1 500 entreprises

2 banques 4 banques 5 banques et plus

90 %

80 %

70 %

60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0 %

NOMBRE DE PARTENAIRES BANCAIRES POUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES*

Monobancarisé 3 banques

Source : TNS Sofres

grap

hiqu

e 2

BIBL IOGRAPHIE

• BERGER A., HANNAN T., The price-concentration relationship in banking, Review of Economics and Sta-tistic, 71, 291-299. 1989

•BAUMOL W., Contestable Markets: An Uprising in the Theory of Industrial Structure, American EconomicReview, 2002

•BOOT A., THAKOR A., Can relationship banking survive competition?, The journal of finance, Volume 55n°2, 2000

•CAO M., SHI S. Screening, Bidding, and the Loan Market Tightness., European Finance Review, Volume 5,2001

•DEMIRGÜÇ-KUNT A., LAEVEN L., LEVINE R., Regulations, Market Structure, Institutions, and theCost of Financial Intermediation, Journal of Money, Credit, and Banking, 2004

•DIETSCH M., GOLITIN-BOUBAKARI V., L’évolution des relations banques-entreprises dans les années1990, Bulletin de la Commission bancaire n°27, 2002

•DIETSCH M., Financing small businesses in France, EIB Papers, Volume 8 n°2 p. 91-116, 2003

•DIETSCH M., La place de la concurrence dans l’organisation et le fonctionnement du secteur bancaire,Cour de Cassation, Cycle de conférence Droit, Economie et Justice dans le secteur bancaire, 2005

•LA PORTA, R., LOPEZ-DE-SILANES F., SHLEIFER A., VISHNY R., Legal Determinants of ExternalFinance Journal of Finance 52, 1997

•PETERSEN M., RAJAN R., The Effect of Credit Market Competition on Lending Relationships?, The Quar-terly Journal of Economics, Vol. 110 No. 2, 1995

•SHAFFER S., The winner’s Curse in Banking, The Journal of Financial Intermediation, No. 7, 1998

P. 25 a 32 (Roger3) 13/03/07 16:30 Page 31

32

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

ANNEXE : LES DÉTERMINANTS MACRO-ÉCONOMIQUESDU RAT IO « CRÉDITS AUX ENTREPRISES SUR P IB »

POUR LES PAYS EUROPÉENS SUR LA PÉRIODE 1998-2005

Dans ce travail économétrique, nous étudions les facteurs explicatifs de l’évolution du ratio « crédits aux entre-prises sur PIB ». Nous observons ainsi si la concentration bancaire joue un rôle sur les conditions de créditaccordées aux entreprises. Notre étude porte sur la quantité du crédit et non sur les taux d’intérêt, car ces der-niers diffèrent largement selon les pratiques bancaires des pays européens. Dans certains états, les banquesfixent les conditions en considérant les prestations de manière séparée alors que dans d’autres, il existe des sub-ventions croisées et la tarification s’opère sur une palette de produits.Notre étude porte sur les pays de l’Eurozone et le Royaume-Uni pour la période 1998-2005. Nous travaillonsdonc sur des pays présentant des différences dans les concentrations bancaires en termes de niveaux et d’évo-lution. De plus, ce panel offre l’avantage de porter sur des statistiques homogènes calculées à partir d’unemême source. Cependant, nous avons été contraint, du fait de données détaillées non disponibles, de considé-rer l’ensemble des entreprises et non simplement les PME. Le Luxembourg et l’Irlande ont été retirés de notreéchantillon du fait, pour le premier, de structures financières particulières et pour le second, de valeurs aber-rantes dans les chiffres.Nous avons finalement 11 pays pour 8 années, soit 88 observations. L’estimation a été réalisée à partir desMoindres Carrés Ordinaires (MCO) en tenant compte des effets individuels fixes entre les pays. Ces derniers secaractérisent notamment par des niveaux d’intermédiation bancaire et un recours au crédit différents. L’estima-teur utilisé est alors un estimateur within. Le rejet du test d’Hausman montre que les effets individuels ne peu-vent pas être considérés comme aléatoires. Dans notre spécification, nous avons considéré la variation du ratiocrédits aux entreprises sur PIB en formant sa log-différence. Après avoir testé différentes alternatives dans le choix des variables explicatives, celles que nous avons finale-ment retenues dans notre estimation sont les suivantes :• la croissance réelle du PIB pour traduire l’évolution de l’activité économique (GDP) ;• le ratio dépôt bancaire sur PIB, pour tenir compte des contraintes réglementaires et de la liquidité bancaire(DPT) ;• les taux d’intérêts à deux ans, pour considérer les conditions de financement offertes par les banques sur leséchéances de moyen long terme (qui sont les plus courantes) (T2A) ;• l’indice HICP en glissement annuel pour intégrer l’inflation et ses effets sur la valeur réelle des crédits auxentreprises (HIP) ;• l’indice d’Herfindahl-Hirschman (HHI) pour mesurer la concentration bancaire ;•Une variable constante (CTE)Le test de restriction des coefficients de Wald indique que les variables (T2A) et (HIP) peuvent être regroupées.Nous avons donc finalement considéré les taux d’intérêts réels à deux ans comme variable explicative (T2R) Nous obtenons les résultats suivants dans notre régression :

•Une période d’expansion économique caractérisée par une augmentation de la croissance du PIB se traduitlogiquement par une augmentation des crédits des entreprises.•Lorsque les entreprises disposent de plus de dépôts, elles peuvent prêter davantage car ceci ne dégrade pasleur situation financière et leur permet de respecter les ratios prudentiels.•Les taux d’intérêts réels à deux ans sont corrélés positivement avec la quantité de crédits accordée aux entre-prises, ce qui traduit notamment les facilités de transformation des banques.•L’indice d’Herfindahl-Hirschman est négativement corrélé avec la croissance des crédits aux entreprises. Tou-tefois, le coefficient associé à cette variable est extrêmement faible, ce qui rend le résultat peu robuste. L’inter-prétation de l’influence du niveau de concentration bancaire sur les crédits aux entreprises est alors délicate etsemble limitée sur un plan macro-économique.

Variable Coefficient Std Error T-Stat. Prob.GDP 0,014 0,005 2,89 0,005DPT 0,499 0,098 5,11 0,000T2R 0,014 0,005 2,70 0,009HHI – 0,0001 0,000 – 2,32 0,023CTE – 0,415 0,095 – 4,35 0,000

N 88R2 0,58

P. 25 a 32 (Roger3) 13/03/07 16:30 Page 32

33

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Tour d’horizon des PMEet des territoires

L’organisation du financement des PME

diffère largement selon les pays.

Les dispositions réglementaires et la structure

du système bancaire sont déterminantes.

Nous vous proposons un tour d’horizon

des spécificités nationales

à travers l’Europe, les États-Unis et l’Afrique.

Page 33-34 (OUV II Chapit 2) 13/03/07 17:38 Page 33

34

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Page 33-34 (OUV II Chapit 2) 13/03/07 17:38 Page 34

35

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Le Mittelstand,un modèle en mutation

Aujourd’hui encore, le Mittelstand représente une partie cen-trale du tissu productif et reste le principal employeur outre-Rhin, tous secteurs confondus (plus de 6 millions de salariés,soit 70,8 % de l’emploi total en 2005 selon l’IfM, l’Institutfür Mittelstand). Ces PME sont particulièrement représentéesdans le secteur manufacturier, la construction, le commercede détail ou encore les services aux entreprises. Mais d’unemanière générale, le Mittelstand définit davantage un modèled’organisation qu’un secteur ou un type d’entreprises en par-ticulier. Le mode de financement des PME allemandes, basésur une relation étroite avec les banques, a été largement com-menté, copié, voire envié. Pourtant, ce modèle est partielle-ment remis en question et il est l’objet d’autant de critiqueset d’inquiétudes aujourd’hui que d’éloges par le passé. Laquestion centrale semble être celle de sa difficile adaptationaux nouvelles contraintes imposées par un environnementfinancier profondément transformé.

UN POIDS ÉCONOMIQUE MAJEURHÉRITÉ DE L’HISTOIRELe Mittelstand est indissociable du rattrapage économique del’Allemagne dans la période d’après-guerre. Ces entreprises detaille moyenne, le plus souvent familiales, se sont progressive-ment développées sur tout le territoire, jusqu’à constituer la /...

Le terme de Mit te ls tand ( l i t té ra lement « ent repr ises du

milieu ») est entré dans le langage commun, ce qui n’est pas

négligeable pour un mot de la langue de Goethe. La réputa-

tion des PME allemandes ne semble plus à faire, tant elles

ont contribué à façonner l’ensemble du paysage économique

allemand depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la

phase de reconstruction qui l’a suivie.

F R E D E R I K D U C R O Z E T

DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES , CRÉDIT AGRICOLE S .A .

P. 35 a 42 (Ducrozet4) 13/03/07 16:31 Page 35

36

/... colonne vertébrale de l’économie allemande. En nombre, biensûr, les PME représentent l ’extrême majorité des quelque3,4 millions d’entreprises allemandes assujetties à la TVA (en2004, 99,7 % satisfaisaient aux deux critères européens dedéfinition d’une PME [7] : un chiffre d’affaires annuel infé-rieur à 50 millions d’euros et moins de 500 salariés au total).Rapportée au chiffre d’affaires total généré sur le sol alle-mand, la part des PME tombe sous les 40 %, les grandes mul-tinationales comptant pour les 60 % restant.De petites unités industrielles relativement fragmentées, ellesont rapidement évolué tant en termes de taille que de secteursd’activité. Par comparaison avec ses voisins européens, l’Alle-magne dispose aujourd’hui d’entreprises de taille moyenneplus nombreuses (en 2003, 1,7 % des PME du Mittelstandemployaient au moins 10 salariés, contre 1 % en moyennedans l’UE des 15). C’est le secteur manufacturier et le com-merce de gros qui il lustrent le mieux cette croissance desentreprises de taille intermédiaire à partir des années 1960 et1970, probablement parce que les investissements nécessairessont plus élevés, et donc la taille critique aussi. Actuellement,on estime le pourcentage de PME dans l’industrie et dans lecommerce de gros et de détail à respectivement 20 % et 30 %.

Dans d’autres secteurs, et en particulier dans les services, cesont au contraire les entreprises de taille plus modeste dontl’activité rencontre le plus de succès, parfois sur des nichesbien spécif iques. Ainsi , l ’Al lemagne est connue pour ses« champions nationaux cachés », qui ont réussi à s’imposer surdes segments d’activité parfois très pointus, et qui font face àune concurrence moins grande de la part de grands groupesinternationaux. Enfin, les très petites entreprises (9 salariés et1 million d’euros de chiffre d’affaires au plus) occupent uneplace importante au sein du Mittelstand (90 % du nombred’entreprises environ). Le taux de sociétés unipersonnelles rap-porté au nombre total de salariés était de 10,6 % en 2005(hors secteur agricole), ce qui place l’Allemagne dans la four-chette haute de l’échantillon européen. Logiquement, la struc-ture légale choisie par la majorité des PME allemandes (70 %)est donc celle de la société unipersonnelle qui n’impose pas decontrainte légale particulière. Viennent ensuite les sociétés àresponsabilité limitée (15 %) et les partenariats (12,5 %), uncadre légal particulièrement répandu au sein du Mittelstand.En étant plus proche de leurs fournisseurs et/ou de leursclients, les PME qui concluent ce genre de contrats bénéficientd’une collaboration étroite, de transferts de savoir-faire ouencore d’une relation de sous-traitance privilégiée.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 35 a 42 (Ducrozet4) 13/03/07 16:31 Page 36

37

Le Mittels tand , un modèle en mutat ionF R E D E R I K D U C R O Z E T

UNE POSITION TOUJOURS FAVORABLE, MAISFRAGILE, EN PARTICULIER À L’INTERNATIONALL a Bundesbank a récemment exploité une base de donnéesfinancières couvrant les performances des PME allemandessur la période 1997-2004 [3]. Les experts de la banque cen-trale relèvent que les revenus bruts des PME n’ont crû que de0,3 % par an en moyenne, contre 3,8 % pour les grandesentreprises. Néanmoins, leurs ratios de profitabilité ont évo-lué de façon plus favorable grâce à une réduction sensible deleurs coûts. Une explication fréquemment invoquée, et confir-mée par le rapport de la Bundesbank, tient à l’outsourcing decertains procédés de production pour bénéficier d’une main-d’œuvre à bas coût, mais aussi à l’augmentation du contenuen importations de la production. C’est tout le débat autourde « l’économie de bazar » [11] et une des raisons pour les-quelles l’Allemagne, malgré des salaires nominaux plus élevésque la moyenne européenne, a réussi à améliorer sa compétiti-v i té jusqu’à ( re)devenir l e premier exportateur mondia len 2003.Ces performances des PME sont d’autant plus satisfaisantesqu’elles interviennent dans un contexte globalement moinsporteur, mais e l les sont auss i le ref let de s i tuat ions trèscontrastées entre les secteurs : alors que la construction ou lecommerce de détail étaient davantage touchés par le ralentis-sement économique, d’autres secteurs, comme les services auxentreprises ou l’ingénierie informatique, trouvaient plus faci-lement des débouchés.D’une manière générale, la grande spécialisation des entre-prises allemandes est unanimement considérée comme unatout. En se positionnant sur des segments bien délimités eten mettant l’accent sur la qualité des produits et services pro-posés, les PME ont su développer des relations de confiancetant avec leurs fournisseurs qu’avec leurs clients, tant avec lesgrandes firmes allemandes et étrangères qu’avec les autoritéslocales et régionales. Bref, elles ont progressivement contribuéà instaurer une forme de stabilité dans leur environnementproche qui les caractérise encore aujourd’hui. Enfin, elles ontbénéficié du soutien des pouvoirs publics à travers les mesuressuccessives du ministère des Finances (BMWI). La dernière endate, l’Initiative pour le Mittelstand, prévoit toute une séried’avantages fiscaux et légaux qui viennent s’ajouter aux autresmesures votées par le gouvernement en direction du patronatallemand (baisse de l’impôt sur les sociétés, incitations à lacréation d’entreprises, soutien à l’innovation, etc.).Malgré tous ces avantages concurrentiels, les PME du Mittel-stand sont de plus en plus critiquées aujourd’hui. En particulier, /...

P. 35 a 42 (Ducrozet4) 13/03/07 16:31 Page 37

38

/... ce qui avait fait l’originalité et la force de leur modèle entermes de gestion et de financement semble susciter aujour-d’hui davantage d’inquiétudes.

UNE CERTAINE OPACITÉ DANS LEUR GESTIONET DES PROBLÈMES DE SUCCESSIONLes PME du Mittelstand présentent au moins deux spécifici-tés par rapport à leurs homologues européennes. D’abord, lefait qu’elles sont très nombreuses (près de 70 % de l’ensembledes entreprises allemandes en 2002 selon l’IfM) à avoir étécréées et dirigées par une seule personne ou une seule famille,parfois sur plusieurs générations. De ce point de vue, elles ontparfois la réputation d’entretenir une certaine forme d’opacitédans leur gestion et de refuser toute dilution de leurs droitsde contrôle. Ces derniers appartenant majoritairement auxfondateurs ou à leurs héritiers, le capital social de l’entreprisere s te en généra l f e rmé aux inves t i s seur s ex té r i eur s . Parailleurs, cette forte proportion de PME familiales pose deréels problèmes de succession au moment où une générationd’entrepreneurs toute entière s’apprête à prendre sa retraite,dans un pays qui vieillit plus vite que la moyenne. Selon uneétude datant de 2002 [1], plus de 50 % des dirigeants de PMEenvisageraient encore de transmettre leur entreprise à unmembre de la même famille.

UN FINANCEMENT PARFOIS CONTRAINT,SOUVENT RIGIDELa deuxième caractéristique majeure du Mittelstand est direc-tement liée à la première. Ces PME entretiennent en effet unere la t ion ét ro i te avec le s banques , ou p lutôt à une seulebanque. Elles sont en général associées à une Hausbank, unebanque publique qui se rapproche du modèle théorique debanque-industrie, tout en conservant des pratiques très spéci-fiques. Cette Hausbank établit avec elles une relation de longterme, connaît l’activité de l’entreprise en détail, participeaux comités de direction, lui propose des produits adaptés,anticipe dans le meilleur des cas les difficultés qu’elle pourraitconnaître. La principale raison de cette prépondérance du cré-dit dans le bilan des PME allemandes renvoie à l’indépen-dance des dirigeants. Si ces entreprises familiales se décidaientà émettre massivement des actions sur le marché secondaireou si elles avaient davantage recours au private equity, ellesdevraient par là même renoncer à une partie de leurs droits devote internes, mais aussi assurer une plus grande transparencedans leur gest ion et la publ icat ion de leurs résultats , cequ’elles se sont longtemps refusé à faire.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 35 a 42 (Ducrozet4) 13/03/07 16:31 Page 38

39

Le Mittels tand , un modèle en mutat ionF R E D E R I K D U C R O Z E T

Comme le souligne l’Observatoire des PME européennes [10],le recours croissant à des sources alternatives de financementne change rien au fait que les PME restent dépendantes desbanques et que la majorité d’entre elles sont en relation avecun seul établissement (52 % des micro-entreprises, 33 % desentreprises moyennes en 2002). Un tel état de fait ne peutperdurer à l’heure d’une mise en concurrence accrue des éta-blissements bancaires européens. Par ailleurs, cette solutionparaît défavorable aux PME elles-mêmes, un degré de concur-rence insuffisant entre les banques conduisant en théorie à destaux d’intérêt plus élevés.

LA CONSÉQUENCE DE CE MODE DE FINANCEMENT :UN EQUITY GAP PARTICULIÈREMENT MARQUÉLes entreprises du Mittelstand souffriraient donc d’un equitygap, c’est-à-dire d’un niveau insuffisant de capitaux propres.En Allemagne, le ratio de capital (défini comme le rapport desfonds propres au total des actifs) est positivement corrélé à lataille des entreprises [10].Dans le cas des micro-entreprises, c’est le plus souvent lepatrimoine du dirigeant lui-même qui se substitue au capitalde l ’entreprise. Bien que leur situation soit généralementmoins préoccupante, une grande partie des entreprises detaille moyenne affichent elles aussi des ratios de capital infé-rieurs à 10 % [6], malgré une hausse sensible de la part desfonds propres depuis 10 ans [3].M a i s c e t t e f o r t e s o u s - c a p i t a l i s a t i o n e s t a v a n t t o u t l acontrepartie du niveau élevé de la dette. Ainsi, en 2005, laproport ion de crédits bancaires dans le bi lan des entre-prises allemandes dépassait 65 %, contre près de 40 % enmoyenne aux Etats-Unis et en France. Cette spécificité duMit t e l s t and r end l e s PME a l l emandes par t i cu l i è r ementdépendantes de leurs Hausbanken . Lorsque l ’act iv i té estf lorissante, cette dépendance au crédit bancaire ne posepas de problème particulier, elle permet même de réduireles coûts (la dette étant théoriquement moins chère pourl ’entreprise que l ’émission d’actions) et de bénéficier dedéductions f iscales sur le paiement des intérêts . El le estplus problématique dans une situation conjoncturellementdéfavorable, lorsque les créanciers de l’entreprise sont sus-ceptibles de demander une prime de r i sque plus é levée.Enf in , l a sous - cap i t a l i s a t ion de s PME du Mit t e l s t and ,entraînant mécaniquement un recours excessif à la dette decourt terme, semble être à l’origine d’une grande partie durationnement du crédit auquel certaines d’entre elles fontface [6]. /...

P. 35 a 42 (Ducrozet4) 13/03/07 16:31 Page 39

40

/... QUEL IMPACT SUR LE COMPORTEMENTD’INVESTISSEMENT DES PME DU MITTELSTAND ?L ’accès des PME du Mittelstand au crédit conditionne apriori leur comportement d’investissement. Alors que cettedemande de crédit s’est nettement redressée en 2005 avec leréveil de l’économie allemande, l’offre de crédit n’a pas suivi(cf. graphique 1). Les auteurs d’une étude récente [8] étudientla sensibilité de l’investissement de l’ensemble des entreprisesallemandes aux conditions de liquidité auxquelles elles fontface, et l’impact des relations de long terme avec les banquessur cette élasticité de l’investissement. Ils montrent que si laproximité entre banques et entreprises qui caractérise les PMEallemandes permet effectivement de réduire les contraintes deliquidité (par une réduction de l’asymétrie d’information),une telle relation de proximité n’entraîne pas systématique-ment un niveau d’investissement plus élevé que la moyenne.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

80

60

40

20

0

-20

-40

solde d’opinion

janvier 2003 juillet 2003 janvier 2004 juillet 2004 janvier 2005 juillet 2005 janvier 2006 juillet 2006

ALLEMAGNE : ÉVOLUTION DE L’OFFRE DE CRÉDIT

Mittelstand Total crédit

Source : Buba

grap

hiqu

e 1

40

20

0

-20

-40

-60

-80

solde d’opinion

janvier 2003 juillet 2003 janvier 2004 juillet 2004 janvier 2005 juillet 2005 janvier 2006 juillet 2006

ALLEMAGNE : DEMANDE DE CRÉDIT

MittelstandTotal crédit

Source : Buba

grap

hiqu

e 1

P. 35 a 42 (Ducrozet4) 13/03/07 16:31 Page 40

41

Le Mittels tand , un modèle en mutat ionF R E D E R I K D U C R O Z E T

DES DIFFICULTÉS PASSAGÈRES PLUTÔT QU’UNEREMISE EN CAUSE PLUS PROFONDE DU MODÈLELes PME du Mittelstand, comme les grandes entreprises, fontface à des mutations en profondeur des marchés financiers etdu système bancaire en Allemagne. L’intégration croissantedes marchés européens (marché des biens, du travail, marchésf inanciers) a profondément transformé les condit ions definancement des entreprises, petites et grandes, ainsi que ledegré de concurrence auquel elles sont soumises. Comme lesouligne une étude de Fitch en 2005 [4], il y a un décalageentre le mode de développement du Mittelstand, caractérisépar une grande stabilité du modèle économique, parfois surplusieurs générations au sein d’une même famille, et la rapi-dité avec laquelle ce cadre évolue aujourd’hui, ce qui n’est pasà l’avantage des PME, du moins à court terme.Il semble toutefois que plusieurs points posit i fs soient àmettre au crédit des PME allemandes et permettent de nourrirquelques espoirs quant à l’évolution de leur situation.

Un taux de renouvellement importantLe Mittelstand bénéficie d’un taux de renouvellement impor-tant, à la faveur d’une stabilisation du nombre de faillitesdepuis 1995 et d’une accélération récente du taux de créationsd’entreprises (plus d’un million sur la période 2004-2005).

De nouvelles formes de gouvernancesDe nouvelles pratiques de gestion vont s’imposer au Mittelstand,de façon plus ou moins rapide. L’économie sociale de marché « àl’allemande » cède progressivement le pas à de nouvelles formesde gouvernance, inspirées des expériences à l’étranger ou induitespar l’évolution du cadre réglementaire. Dans ce contexte, lesPME pourraient s’imposer davantage de transparence, mais aussimodifier leurs rapports aux banques et leur accès aux marchésfinanciers. Le recours au private equity pourrait ainsi être géné-ralisé dans les années à venir, en particulier lors des opérationsde transmission des entreprises familiales.

La diffusion de sources de financement alternativesParallèlement, de nouveaux modes de financement montenten puissance, en commençant par les entreprises de taillemoyenne. Sur des marchés secondaires, les prêts syndiqués oules dérivés de crédit deviennent ainsi plus facilement acces-sibles aux PME. À ce titre, les certificats de crédit bilatérauxappelés Schuldscheine ont rencontré un vif succès depuistrois ans auprès des PME, grâce à la possibilité qu’ils offrentde syndiquer les prêts entre plusieurs créanciers. /...

P. 35 a 42 (Ducrozet4) 13/03/07 16:31 Page 41

42

/... Une concurrence bancaire accrueEnfin, le système bancaire allemand, parmi les moins concen-trés en Europe, devrait selon toute vraisemblance subir destransformations en profondeur dans les années à venir. Lesbanques publiques en particulier, favorisées jusqu’en 2005 pardes garanties de l’État allemand et des conditions de finance-ment biaisées, vont faire face à davantage de concurrence dela part des banques commerciales. Après une phase de transi-tion, un degré de concurrence accru entre les banques pour-rait bénéficier au Mittelstand.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

B IBL IOGRAPHIE SÉLECTIVE

[1] CESAG (2002), Rapport d’étude de l’Observatoire des Entreprises moyennesen Europe, Strasbourg.

[2] Creditreform (2006), Wirtschaftslage und Finanzierung im Mittelstand.

[3] Deutsche Bundesbank (2006), The economic situation of SMEs in Ger-many since 1997, Monthly Report, December 2006.

[4] Fitch (2005), Who will finance the Mittelstand?, Fitchratings, April 2005.

[5] Hansmann K.W., Höck M., Ringle C.M. (2003), Finanzierung Mittelstand2003, Working paper n° 11.

[6] Hommel U., Schneider H. (2003), Financing the German Mittelstand, EIBpapers.

[7] Institut für Mittelstandsforschung (2003), SMEs in Germany, Facts andfigures 2004.

[8] Korczak A., Bohl M.T. (2004), Is the close bank-firm relationship indeedbeneficial in Germany?, University Viadrina Frankfurt.

[9] Mayrhofer U., Urban S. (2003), Le Mittelstand allemand : des forces quis’épuisent ?, Bulletin économique du CIRAC.

[10] Observatoire des PME européennes (2003), L’accès au financementpour les PME, n° 2.

[11] Sinn H.W. (2006), The Pathological Export Boom and the Bazaar Effect -How to Solve the German Puzzle?, CESifo, NBER.

P. 35 a 42 (Ducrozet4) 13/03/07 16:31 Page 42

43

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Structures du marchéet banque relationnelle :

quels effets sur le rationnementdu crédit en Italie ?(1)

L’HYPOTHÈSE DE RATIONNEMENT DU CRÉDIT

D urant les phases de récession du cycle économique, lescraintes d’une crise de liquidité ou de rationnement du créditgagnent la communauté des affaires, bien que ces préoccupa-tions ne soient pas toujours fondées et ne reposent pas tou-jours sur des preuves statistiques de rationnement du crédit àun niveau plus agrégé. À titre d’exemple, la presse financières’est fait l’écho en 2003 de préoccupations concernant un telrationnement du crédit dans l’économie italienne, alors queles statistiques officielles du secteur bancaire italien sem-blaient suggérer l’absence de rationnement au niveau macro-économique, même durant le fléchissement de l’économie :« Tout comme les cinq années précédentes, en 2003, la croissancedes prêts octroyés par les banques en Italie a nettement dépassécelle de la zone euro et les conditions de crédit sont restées expan-sionnistes » (Banque d’Italie, Bulletin économique, mars 2004). /...

Empiriquement, les entreprises ital iennes semblent moins

contraintes financièrement lorsqu’elles établissent des rela-

tions longues avec des partenaires bancaires. Les banques

peuvent également davantage s’impliquer dans une relation

lorsqu’elles subissent moins de pressions concurrentielles.

F A B R I Z I O G U E L P A

BANCA INTESA , RESEARCH DEPT , HEAD OF INDUSTRY AND CREDIT RESEARCH

V I R G I N I A T I R R I

BANCA INTESA , RESEARCH DEPT , ECONOMIST

(1) Cet article est la synthèse d’une version longue publiée en anglais et disponiblesur notre site internet.

P. 43 a 50 (Guelpa5) 13/03/07 16:32 Page 43

44

/... Néanmoin s , en pé r i ode de r ep l i é conomique , c e r t a in semprunteurs risquent davantage de se voir refuser un crédit sileur niveau de solvabilité a été réévalué par les banques etqu’ils ne répondent plus aux conditions minimales d’em-prunt. Toutefois, ce type de resserrement est une réponserationnelle au changement de situation de l’emprunteur et nesignifie pas pour autant qu’il y a rationnement du crédit. Unrefus de crédit à des emprunteurs solvables est préoccupantcar il affecte le niveau général de l’activité économique, tandisqu’un resserrement introduit en réaction à la diminution de lacapacité de remboursement des emprunteurs est une décisioncommerciale rationnelle, signe d’un système bancaire stable eten bonne santé. Si la banque a connaissance de nouvelles don-nées (défavorables) sur la solvabilité de la société emprun-teuse, elle peut ajuster son comportement vis-à-vis de cettedernière et resserrer les contraintes financières qu’elle luiimpose en réduisant ses lignes de crédit, en mettant fin auxprêts individuels, en demandant des garanties supplémentairespour discipliner la gestion de la société et/ou en augmentantla prime de risque.Un corpus important de recherches théoriques et empiriquessuggère que les conditions et le cadre institutionnel du mar-ché peuvent soit exacerber soit alléger les contraintes du cré-dit. La position des banques sur le marché influence l’offretotale de crédit d’équilibre : une augmentation de leur pou-voir de marché devrait être associée à un comportement nonconcurrentiel (c’est-à-dire des taux plus élevés et un resserre-ment de l’offre de crédit).Toutefois, des données récentes semblent démontrer que laconcentration née de la consolidation bancaire pourrait amé-liorer l’efficacité globale du secteur bancaire, avec des tauxd’intérêt plus intéressants et un éventail plus large de produitsfinanciers pour les clients. Une position dominante sur lemarché peut entraîner un investissement accru pour acquérirdes informations spécifiques sur les emprunteurs du secteurprivé et donc une offre de crédit plus importante. Anticipantl’extraction d’une rente future, les banques vont en effet sefaire une concurrence plus agressive. De ce fait, l’effet netexercé par la puissance commerciale de la banque sur la dispo-nibilité du crédit semble ambigu. Dans cet article, nous abordons les déterminants du resserre-ment du crédit en Italie, en mettant l’accent sur les effets du« relationnel bancaire » et du pouvoir de marché de la banque.Nous testons pour cela trois hypothèses. Le relationnel bancairediminue-t-il le risque pour une société de se voir restreindrel’accès au crédit ? (H1) La probabilité pour les sociétés de se voir

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 43 a 50 (Guelpa5) 13/03/07 16:32 Page 44

45

Structures du marché et banque relationnelle : quels effets sur le rationnement du crédit en Italie ?F A B R I Z I O G U E L P A E T V I R G I N I A T I R R I

restreindre l’accès au crédit diminue-t-elle avec le pouvoir demarché des banques locales ? (H2) Un relationnel bancairesolide diminue-t-il le risque pour une société de se voir res-treindre l’accès au crédit davantage sur des marchés bancairesconcentrés que sur des marchés bancaires concurrentiels ? (H3)

PRINCIPAUX RÉSULTATS EMPIRIQUESLes résultats présentés en annexe montrent que les variablesde risque portent le signe prévu et sont statistiquement etéconomiquement significatives : la probabilité de contraintesde crédit augmente à la fois avec le score de crédit de lasociété et avec le score delta et diminue avec la liquidité desactifs (régression logistique I). Néanmoins, l’effet imputable àla taille est surprenant : les sociétés de plus grande taille ris-quent davantage de voir leur crédit restreint, avec une contri-bution marginale de la taille toutefois négative. Les résultatsne changent pas même si l’on prend en compte différentesvaleurs de substitution pour la taille (comme les ventes) oupour la spéci f icat ion du modèle (var iables exprimées enniveau ou en logarithmes). Plusieurs arguments expliquent cesrésultats. Tout d’abord, depuis 2001, les prêts accordés auxgrandes entreprises ont augmenté plus lentement que ceuxconsentis aux PME. Ensuite, d’après des études récentes surles emprunts, les sept plus gros groupes bancaires italiens ontété très prudents vis-à-vis des grandes entreprises (Rapportannuel 2004 de la Banque d’Italie). Par ailleurs, il se pourraitque les banques fassent plus attention à la gestion des prêtsimportants accordés aux grandes entreprises et à la renégocia-tion des termes des contrats – lorsqu’elles reçoivent des ren-seignements défavorables sur la firme emprunteuse – car ellescourent davantage de risques en cas de défaut de paiement. L’importance statistique de la taille de l’entreprise n’est pasaffectée par l’ajout de l’âge de la firme comme variable decontrôle, étant donné que ces deux variables explicatives sontcorrélées positivement (mais faiblement). Les estimationsf igurant dans la colonne I conf irment que l ’âge es t unevariable de contrôle importante au plan statistique, bien quele signe prévu pour le coefficient ne soit encore une fois pascelui attendu. Cela pourrait s’expliquer par le fait que si l’âgereflète la réputation dont jouit une société auprès du public etreflète les informations communiquées au marché dans sonensemble, son impact sur les termes d’un contrat bancaire(privé) diminue avec le temps. En d’autres termes, l’âge estpertinent pour une banque si la société est nouvelle ou toutejeune, mais n’affecte pas les relations de crédit de manièresignificative si la société est ancienne et bien établie. /...

P. 43 a 50 (Guelpa5) 13/03/07 16:32 Page 45

46

/... Les variables destinées à contrôler l’effet de la localisationgéographique sont cohérentes avec les données fournies par lesecteur bancaire italien : les sociétés situées dans les régionsdu Nord et du Centre du pays risquent moins de se voirimposer des restrictions de crédit, tout comme les sociétésmanufacturières. La variable qui établit si la société est situéedans une région industrielle n’est jamais significative, mêmesi le signe du paramètre est comme prévu négatif. En fait, lenombre des sociétés de notre échantillon situées dans unerégion industrielle est très faible. Par ailleurs, ces sociétés sontmieux à même d’avoir de bonnes relations de crédit avec lesbanques locales dont la force sur un marché géographiquepourra i t ne pas ê t re cor rec tement captée par l e s s eu le smesures du nombre des établissements de crédit ou par la dis-tribution de la répartition de la dette bancaire. En d’autrestermes, le signe négatif attribué à cette variable de proximitéavec une région industrielle pourrait bien être imputable aurôle de lissage des conditions d’emprunt joué par les informa-tions dites soft dont disposent les banques locales. Néan-moins, étant donné que nous n’avons accès qu’aux conditionsd’emprunt « moyennes » proposées par le système bancaire, ilne nous est pas possible de démêler l’effet du relationnel ban-caire avec des banques locales de celui du relationnel avec lesgrandes banques nationales.Pour en venir au coeur de notre analyse, les variables relation-nelles sont statistiquement significatives et les coefficientsassociés ont les s ignes prévus. Le modèle I comprend lavariable continue du nombre de banques alors que pour lemodèle II, la force des relations est mesurée par la distribu-tion de la dette d’une entreprise entre ses créanciers. Dans lesdeux cas, les résultats sont cohérents avec l’hypothèse H1 :toutes choses égales par ailleurs, les sociétés qui ont un rela-tionnel bancaire plus fort – soit parce qu’elles n’empruntentqu’auprès d’un petit nombre d’institutions, soit parce que larépartition du crédit tiré est moins bien distribuée entre leurscréanciers – ont une probabilité moindre de voir leur créditrestreint. Les coefficients sont porteurs du signe prévu et sontextrêmement significatifs au plan statistique, bien que leureffet marginal soit très faible. Pour vérifier la robustesse desrésultats, nous testons également une spécification de modèledifférente en remplaçant l’asymétrie du crédit bancaire tirépar celle du crédit accordé. Le paramètre correspondant à cedernier est positif mais n’est significatif ni statistiquement niéconomiquement(2). Il semblerait que ce qui ait réellement

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

(2) Donnée ne figurant pas dans les tableaux.

P. 43 a 50 (Guelpa5) 13/03/07 16:32 Page 46

47

Structures du marché et banque relationnelle : quels effets sur le rationnement du crédit en Italie ?F A B R I Z I O G U E L P A E T V I R G I N I A T I R R I

une influence sur la probabilité d’un resserrement du créditsoit la concentration de la part des emprunts tirés et non larépartition des lignes de crédit accordées.La pertinence des variables relationnelles est confirmée plusavant par les estimations du modèle III, dans lequel la forcedu relationnel est mesurée à la fois par le nombre de banqueset par la concentration des emprunts donnée par la propor-tion des prêts tirés d’un prêteur. Une variable d’interactionest également incluse. Tout comme dans le modèle I, la pro-babilité d’un resserrement du crédit est reliée positivement aunombre de banques et négativement à la concentration desemprunts, mais le terme d’interaction est doté d’un signepositif significatif. Dans cette spécification, l’effet marginalde chaque variable indépendante doit être estimé en prenantles autres en compte.Pour en venir au test de l’hypothèse H2, le degré de concen-tration des marchés bancaires locaux est également porteur dusigne prévu : sur les marchés plus concentrés, les sociétés ris-quent nettement moins de se voir restreindre l’accès au crédit.Après avoir contrôlé les mesures observables de la solvabilitéet la force du relationnel bancaire, la probabilité pour unesociété de se voir restreindre l’accès au crédit diminue avec lepouvoir de marché des banques, conformément au modèle dePetersen et Rajan (1995). Ce que l’on appelle « l’effet infor-mationnel du pouvoir de marché » semble contrebalancer l’ef-fet négatif du comportement non-concurrentiel sur les mar-chés banca i re s l e s p lus concentré s . En conc lus ion, pr i sensemble, les résultats des estimations logistiques corroborentles hypothèses H1 et H2.Dans le cadre de l’hypothèse H3, les relations sont plus utilesaux entreprises sur les marchés les plus concentrés que sur lesmarchés compétitifs, ou encore, le relationnel bancaire dimi-nue davantage la probabilité de restriction sur les marchésbancaires concentrés que sur les marchés bancaires compéti-tifs. Pour tester cette hypothèse, nous construisons deux nou-velles variables d’interaction entre l’indice de concentrationdu marché et les deux mesures de relationnel(3). Nous remar-quons qu’un relationnel bancaire intense semble profiterdavantage aux sociétés implantées sur des marchés bancairesconcentrés plutôt que sur des marchés bancaires concurren-tiels. Ces résultats sont cohérents avec l’hypothèse H3.L’analyse d’une base de données longitudinale élargie dessociétés italiennes vient étayer l’hypothèse selon laquelle les /...

(3) La méthode et les résultats sont décrits en détails dans l’article de F. Guelpa etV. Tirri, disponible sur notre site internet.

P. 43 a 50 (Guelpa5) 13/03/07 16:32 Page 47

48

/... sociétés ayant des relations plus étroites avec leurs banques(mesurées par le nombre de banques auprès desquelles lessociétés empruntent ou par la concentration de la répartitionde la dette bancaire) ont une probabilité estimée nettementmoindre de voir leur crédit rationné. Les mesures de rationne-ment reflètent effectivement le risque posé par la société et leschangements dans son profil de risque. Les résultats sontsignificatifs à la fois au plan statistique et au plan économiqueet i ls s ’avèrent robustes aux différentes spécifications desvariables et des modèles. En outre et toutes choses égales parailleurs, la probabilité d’un resserrement du crédit est plusfaible sur les marchés les plus concentrés et elle augmenteavec le nombre de banques. Dans l’ensemble, les premièresdonnées vont dans le sens de l’hypothèse selon laquelle unrelationnel bancaire solide semble plus bénéfique aux sociétéssituées sur des marchés bancaires concentrés que sur des mar-chés bancaires plus fragmentés.

ANNEXE : LE MODÈLE ET SES RÉSULTATSLa variable expliquée est la probabilité pour une firme d’êtrerationnée dans sa demande d’emprunt. Le score delta est unevariable indicatrice, valant 1 si le score du risque de crédit dela firme augmente d’une année à l’autre (c’est-à-dire si lerisque de défaillance de la firme augmente) et 0 sinon.Les variables explicatives sont constituées des caractéristiquesdes entreprises (taille, âge, poids du crédit bancaire dans l’en-dettement total...), de données mesurant l’intensité de la rela-tion bancaire (nombre de banques, distribution de la dettedes entreprises entre leurs créanciers, concentration des créan-ciers[4]...), d’un indicateur de pouvoir de marché (indice Her-findahl) et enfin de variables de contrôle (localisation géogra-phique et secteur d’activité des entreprises).

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

(4) La concentration de la dette de la firme est mesurée par la part de la dettecontractée auprès du créancier le plus important.

P. 43 a 50 (Guelpa5) 13/03/07 16:32 Page 48

49

Structures du marché et banque relationnelle : quels effets sur le rationnement du crédit en Italie ?F A B R I Z I O G U E L P A E T V I R G I N I A T I R R I

TABLE V - CREDIT TIGHTENING,LENDING RELATIONSHIPS AND MARKET COMPETITION

This table reports the results of the random-effect logistic regression analysis. The dependent variable is theprobability of a sample firm being credit tightened. ‘DELTA SCORE’ is a dummy variable equal 1 if the firm creditrisk score increases y/y (i.e., if the firms riskiness increases). Borrowing concentration is measured by thefraction of bank debt borrowed from one current lender.

Dependent variable Prob. (Tightening = 1)

I II IIIIndependent variables Coeff. z-score P-value dy/dx Coeff. z-score P-value dy/dx Coeff. z-score P-value dy/dx

Constant – 15,69 – 14,41 0,000 – – 15,24 – 13,82 0,000 – – 15,92 – 14,52 0,000 –

Firm-specific characteristics

Log (Total assets) 2,28 10,98 0,000 0,127 2,18 10,42 0,000 0,122 2,35 11,25 0,000 0,133

Log (Total assets)^2 – 0,10 – 9,76 0,000 – 0,005 – 0,09 – 8,87 0,000 – 0,005 – 0,10 – 10,06 0,000 – 0,006

Log (AGE) 0,13 1,44 0,150 0,007 0,13 1,42 0,155 0,007 0,13 1,41 0,158 0,007

Log (AGE)^2 – 0,03 – 1,57 0,117 – 0,002 – 0,03 – 1,55 0,120 – 0,002 -0,03 – 1,57 0,117 – 0,002

Bank debt /Total financial debt 0,80 7,54 0,000 0,045 0,80 7,45 0,000 0,045 0,72 6,66 0,000 0,041

Asset liquidity – 1,20 – 9,84 0,000 – 0,067 – 1,16 – 9,38 0,000 – 0,065 – 1,20 – 9,77 0,000 – 0,068

Credit score 0,00 3,07 0,002 0,000 0,00 3,43 0,001 0,000 0,00 3,16 0,002 0,000

Delta score 0,32 7,15 0,000 0,018 0,32 7,07 0,000 0,018 0,32 7,10 0,000 0,019

Lending relationship

Number of banks 0,02 6,39 0,000 0,001 0,02 3,84 0,000 0,001

Debt skewness (drawn debt) – 0,78 – 3,43 0,001 0,044

Borrowing concentration – 0,01 – 2,50 0,012 0,000

Number of banks * Borrowingconcentration 0,00 4,67 0,000 0,000

Credit market concentration

Herfindahl index – 0,84 – 1,86 0,062 – 0,047 – 0,94 – 2,06 0,040 0,053 – 0,85 – 1,88 0,060 – 0,048

Other control variables

DV_district – 0,06 – 0,54 0,589 – 0,003 – 0,07 – 0,62 0,532 – 0,004 – 0,07 – 0,69 0,49 0,00

North – 0,17 – 2,73 0,006 – 0,010 – 0,15 – 2,42 0,016 – 0,009 – 0,17 – 2,84 0,005 – 0,010

Centre – 0,14 – 1,81 0,070 – 0,007 – 0,11 – 1,39 0,162 – 0,006 – 0,14 – 1,78 0,075 – 0,007

DV_Manufacturing – 0,07 – 1,38 0,167 – 0,004 – 0,07 – 1,40 0,162 – 0,004 – 0,06 – 1,23 0,218 – 0,004

Obs 36 638 36 072 36 072

Wald chi2(15) 707,33 657,74 712,46

Prob > chi2 0,000 0,000 0,000

rho 0,08 0,09 0,08

Likelihood-ratio test of rho=0 30,79 33,76 28,52

Prob > chibar2 0,000 0,000 0,000

LES PRINCIPAUX RÉSULTATS DU MODÈLE LOGISTIQUETESTÉ SONT RASSEMBLÉS DANS LE TABLEAU SUIVANT

P. 43 a 50 (Guelpa5) 13/03/07 16:32 Page 49

50

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 43 a 50 (Guelpa5) 13/03/07 16:32 Page 50

51

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Le financementdes petites

et moyennes entreprisesau Royaume-Uni

UNE DÉMOGRAPHIE DES ENTREPRISES ET DES PRODUITS FINANCIERS RELATIVEMENTSIMILAIRE À LA FRANCE...

Un marché de petites entreprisesLe marché britannique compte 4,3 millions d’entreprises selonles dernières statistiques de 2005. Il est essentiellement constituéde petites entreprises – c’est d’ailleurs une caractéristique qu’ilpartage avec le marché français : 99 % des entreprises emploientmoins de 50 personnes (avec une forte proportion d’entreprisesunipersonnelles)(1), 0,6 % emploient de 50 à 250 personnes(27 000 entreprises) et on ne recense que 6 000 entreprises deplus de 250 employés. 40 % des petites et moyennes entreprisesont un chiffre d’affaires inférieur à 75 000 euros. Dans son ensemble, le secteur des petites et moyennes entre-prises de moins de 250 salariés contribue pour 58 % aux /...

Le créd i t aux PME est p lus cher au Royaume-Un i qu ’en

France, avec des marges maintenues à une moyenne de 2 %.

Malgré ce coût élevé et une structure de marché bancaire

oligopolistique, la majorité des chefs d’entreprises britan-

n iques se déclarent sat isfa i ts de leur re lat ion avec leur

banque : la relation banque-entreprise outre-Manche pré-

sente ainsi des caractéristiques surprenantes.

E M M A N U E L L E A L L E N

DÉLÉGUÉE ROYAUME -UNI , RÉSEAU DES DÉLÉGATIONS À L ’ÉTRANGER ,CALYON LONDRES

(1 ) Source : Na t i ona l S ta t i s t i c s GB - Depar tmen t o f T rade and Indus t r y ,August 31, 2006.

P.51 a 56 (Allen6) 13/03/07 16:33 Page 51

52

/... emplois du secteur privé au Royaume-Uni (22 millions depersonnes). Les petites entreprises (moins de 50 salariés)représentent à elles seules 46 % des emplois.Les 3 150 000 PME implantées en Angleterre (les régions del’Ecosse et du Pays de Galles ne rassemblent chacune que 5 %des entreprises) sont géographiquement très concentrées àLondres (38 %) et dans la région riche et dense du Sud-Est del’Angleterre.

Des méthodes de financement comparablesdes deux côtés de la MancheLa première source de financement des PME britanniques estle découvert bancaire. Selon une étude commandée par laBanque d’Angleterre à l’université de Warwick en 2004(2),environ 2 millions d’entreprises, soit près 50 % de la totalité,y ont recours. Les encours estimés sont de l’ordre de 12 mil-liards de livres sterling.L’apport de fonds personnels est également très utilisé, sur-tout par les entreprises de petite taille (un tiers des PME,selon une enquête menée en 2004 par l’Institute of Directors,équivalent du Medef, auprès de 500 entreprises membres).27 % des PME (900 000 entreprises) ont ensuite recours auleasing, utilisé essentiellement pour le financement de véhi-cules automobiles (à 72 %). Les encours de leasing ne repré-sentent toutefois que 2 milliards de livres sterling.Les crédits à échéance déterminée sont utilisés par 24 % desPME (encours de 64 milliards de livres sterling) et servent àfinancer des locaux (28 %), le fonds de roulement (16 %), unvéhicule automobile (15 %) et enfin des équipements (9 %).7,6 milliards de livres sterling de prêts bonifiés ou garantisont été accordés à des PME au Royaume-Uni en 2004, pour80 % à des entreprises de moins de 10 employés (6 % desPME y ont recours, ce qui représente 100 000 entreprises).Leurs sources sont essentiellement régionales (20 %), aide à lacréation d’entreprise (« Entreprise Grant », 12 %) et « BusinessSupport Scheme » (7 %). Le secteur agricole ne représente que 11 % des prêts bonifiés(reflétant la moindre contribution de ce secteur dans l’écono-mie britannique).Enfin, 100 000 entreprises utilisent régulièrement l’affacturageou l’escompte de factures, pratiques couramment répandues au

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

(2) Finance for small and medium-sized enterprises : a report on the 2004 UK sur-vey of SME Finances, by Dr Stuart Fraser, Warwick Business School, University ofWarwick.

P.51 a 56 (Allen6) 13/03/07 16:33 Page 52

53

Le f inancement des pe t i te s e t moyennes entrepr i ses au Royaume-UniE M M A N U E L L E A L L E N

Royaume-Uni (marché annuel de 8 milliards de livres, c’est eneffet le premier marché européen pour les PME après l’Italie).Le marché du financement en private equity est quant à lui lepremier marché européen (le deuxième marché mondial aprèsles États-Unis) : 6,8 milliards de livres ont ainsi été investisdans 1 300 entreprises britanniques en 2005(3).Les conclusions du rapport Cruickshank de mars 2000 sem-blent être toujours d’actualité : d’une manière générale, lesPME britanniques ont accès de manière satisfaisante au finan-cement par la dette – c’est bien la partie sur laquelle son auteurse montre le moins sévère avec les banques. Les deux faiblessesessentielles du marché portent sur une source insuffisante decapital investissement à petite échelle, et des marchés actionsencore insuffisamment ouverts aux petites entreprises.

... MAIS DES DIFFÉRENCES MARQUÉESDANS LES PRATIQUES BANCAIRESAu-delà des similarités apparentes de marché et de méthodesde financement, il existe en matière de relation banque-entre-prise au Royaume-Uni des différences notables avec la France.

Un suivi client différent de la part des banquesSi les grandes entreprises font l’objet d’un suivi rapproché parun chargé d’affaires expérimenté gérant un portefeuille detaille réduite (une trentaine de clients – nous sommes là assezproches des pratiques françaises), les petites entreprises enrevanche sont fort souvent gérées à distance par des centrestéléphoniques. Ces derniers, souvent délocalisés (parfois vers des destinationslointaines comme l’Inde ou la Malaisie) traitent des porte-feuilles pouvant compter jusqu’à 600 entreprises par agent(pour les plus petites entreprises).De 2000 à 2003, certains grands acteurs bancaires avaientmême généralisé le traitement par des centres d’appels à l’en-semble de leur clientèle PME : la nouvelle offre proposait auclient un abonnement coûtant jusqu’à 50 livres sterling parmois pour le privilège d’avoir un interlocuteur nommé dans labanque. Par défaut, l’entreprise était orientée vers une rela-tion à distance – gratuite – mais totalement anonyme.L’expérience s ’est révélée malheureuse pour ces banques(image de marque dégradée et perte brutale de parts de mar-ché), et fut remise en cause quelques années plus tard devantl’insatisfaction grandissante des PME britanniques vis-à-vis dece mode de relation trop impersonnel. /...

(3) Source : British Venture Capital Association.

P.51 a 56 (Allen6) 13/03/07 16:33 Page 53

54

/... À l’inverse, certains établissements bancaires ont adopté unestratégie visant à réaffecter des spécialistes de la relationentreprises dans le réseau d’agences, au contact des clients.Certaines banques en font même le message central de leurcampagne de communication, pour mieux se démarquer deleurs concurrents ayant recours à des prestations délocalisées(rappelons qu’au Royaume-Uni la publicité comparative estautorisée).

Une demande de garanties systématiqueLes banques n’hésitent pas à exiger des garanties sur l’en-semble des actifs de l’entreprise, y compris pour des engage-ments à court terme de petit montant.Le type de garantie utilisé permet en effet de déterminer lepérimètre de la sûreté en jeu : il s’agit soit d’une fixed charge,équivalent de l’hypothèque sur des biens immobiliers, soitd’une garantie sur un groupe d’actifs (stock, machines, véhi-cules) dont l’entreprise continue à disposer et qu’elle peutcéder, c’est la floating charge.Il est courant que la garantie de la banque, matérialisée parune fixed and floating charge (la combinaison des deux formesde sureté réelle), excède 100 % des concours accordés.Les entreprises de création récente (moins de 5 ans) qui nedisposent pas de suffisamment d’actifs à donner en garantie,peuvent bénéficier d’un fonds du gouvernement cautionnant75 % d’un prêt bancaire, jusqu’à hauteur de 250 000 livressterling. La commission d’engagement à régler à l’agence gou-vernementale s’élève à 2 % du capital emprunté.Le Small Firms Loan Guarantee Scheme est une initiative dumin i s t è r e du Commerc e e t d e l ’ I ndu s t r i e b r i t ann ique(Department of Trade and Industry) destinée aux entreprisesdont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 5,6 millions de livressterling.Ce programme, développé en partenariat avec les principalesbanques de la place, a porté en 2004 sur 6 000 prêts pour untotal de 400 millions de livres sterling.

Une multibancarisation moins répandueLa multibancarisation des entreprises est nettement moins cou-rante au Royaume-Uni qu’elle ne l’est aujourd’hui en France. Selon l ’étude de l ’université de Warwick, 59 % des PMEbritanniques déclarent n’avoir qu’une seule banque et moinsd’une entreprise sur dix utilise les services de trois banques ou plus.Le modèle courant de l’entreprise française, avec un pool ban-caire de 3 ou 4 banques, est un sujet d’étonnement pour les

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P.51 a 56 (Allen6) 13/03/07 16:33 Page 54

55

Le f inancement des pe t i te s e t moyennes entrepr i ses au Royaume-UniE M M A N U E L L E A L L E N

chefs d’entreprise britanniques, et l’est de la même manièrepour les banques d’outre-Manche.Malgré l a réputat ion de moindre qua l i té de se rv ice desbanques britanniques, 65 % des chefs d’entreprise en Grande-Bretagne se déclarent pourtant satisfaits de leur banque et44 % n’ont pas changé de banque depuis plus de 10 ans.Le partage du risque entre les banques sur les PME est doncrare au Royaume-Uni. Le banquier britannique considèrequ’il possède une vision plus globale de son client, et parconséquent qu’il obtient une meilleure maîtrise du risque, s’ilest le seul banquier de l’entreprise à détenir tous les engage-ments – phénomène qui décourage la multibancarisation.

UNE STRUCTURE BANCAIRE TOUJOURSOLIGOPOLISTIQUE SUR LE SEGMENT DES PME

Quatre banques se partagent toujours 80 % du marché...Le rappor t Cru ickshank conc lua i t qu ’au vu de l a fo r t econcentration des services financiers sur le marché des PMEau Royaume-Uni, qualif iée de « monopole complexe », laconcurrence méritait d’être st imulée. Malgré l ’arrivée deHBOS (résultat de la fusion de Halifax et Bank of Scotland),les quatre plus grandes banques britanniques se partagent tou-jours 80 % du marché des PME.Les deux premiers établissements bancaires, Royal Bank ofScotland NatWest (27 % de part de marché) et Barclays(23 %) détiennent à eux seuls la moitié du marché.HSBC et Lloyds TSB suivent avec respectivement 15 et 12 %de parts de marché.

... ce qui ne nuit pas à la satisfaction des clients...L’enquête(4) de l’Institute of Directors indique que seulement5 % des chefs d’entreprises ne sont pas sat is faits de leurbanque.Le taux de transfert vers la concurrence est bas (estimé à 2 %),les entreprises britanniques étant plus susceptibles de changerde banque pour une raison de qualité de service que de tarifi-cation. En effet, les fourchettes de prix des banques britan-niques sont très proches et la tarification représente moins unlevier de négociation qu’en France.À la suite du rapport Cruickshank, les banques ont dû mettreen place des procédures simplifiées permettant aux clients dechanger de banque plus facilement, avec des délais de réponse /...

(4) Institute of Directors (2004), Bank Finance, Policy Paper by Richard Wilson,Business Policy Executive.

P.51 a 56 (Allen6) 13/03/07 16:33 Page 55

56

/... maximum déterminés. L’usage du taux effectif global (AnnualPercentage Rate) s’est généralisé, dans un souci d’afficher uneplus grande transparence dans le calcul des taux d’intérêt enmatière de crédit.La Commission de la concurrence a de même imposé auxbanques soit de rémunérer les dépôts des PME (les comptesdes particuliers sont eux rémunérés depuis plus de 15 ans),soit d’offrir la gratuité de service. Depuis l e 1 er j anvier 2003, 80 % des nouveaux comptesouverts par les entreprises sont ainsi rémunérés.

... malgré un coût du crédit élevé !Les marges sur les crédits aux PME sont largement supé-rieures pour les banques britanniques par rapport à cellesconstatées pour le marché français. Elles sont en effet com-prises entre 0,9 et 2,9 % pour les entreprises réalisant unchiffre d’affaires supérieur à 2 millions de livres sterling etpeuvent atteindre 3,4 % pour les plus petites entreprises.Ce niveau de marge vient s’ajouter à un taux de base de laBanque d’Angleterre dépassant dorénavant la barre des 5 %(5,25% depuis la troisième augmentation successive des der-niers six mois). Le crédit reste donc assez cher pour les PMEbritanniques.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P.51 a 56 (Allen6) 13/03/07 16:33 Page 56

57

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Les PME aux États-Unis :un symbole

du rêve américain

L es États-Unis sont souvent cités comme modèle pour lacréation et le développement des entreprises. La Banque mon-diale, dans son étude « Doing Business 2006 », place ce pays entroisième position. Selon cette institution, les États-Unis pré-sentent un certain nombre d’avantages comparatifs dans cedomaine des affaires (cf. tableau 1 page 58). Ces avantagess’articulent autour de deux axes : la flexibilité de la structurede son économie (marché du travail, exécution des contrats,facilité à créer une entreprise) et l’efficacité de son système definancement (accès au crédit, protection des investisseurs). Detels résultats sont favorisés par un dispositif institutionnelcomplet, le Small Business Act.

UNE ÉCONOMIE FLEXIBLEET TOURNÉE VERS L’INNOVATIONUn excédent d’entreprises unipersonnelleset moyennes par rapport à la FranceAux États-Unis, les PME sont définies par la Small BusinessAdministration (SBA) à partir de trois types de critères :• l’indépendance, tant pour la détention du capital que pourla gestion ; /...

Créer une entreprise avec quelques associés pour en faire une

des plus puissantes du monde, c’est l’histoire de Microsoft,

c’est également l’expression du rêve américain. L’Etat a alors

fait du soutien à la croissance des PME une priorité. Il s’agit

de protéger l’une des valeurs fondamentales de son capita-

lisme, quitte à rogner sur sa philosophie libérale. Cet interven-

tionnisme, combiné à une structure économique flexible et à

un système de financement adapté, se révèle particulièrement

propice au développement des petites entreprises.

F L O R I A N R O G E R

DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES , CRÉDIT AGRICOLE S .A .

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 57

58

• l’absence de position dominante dans le secteur d’activité ;• la taille : une PME doit comporter moins de 500 salariés(1 500 pour l’industrie manufacturière) et un chiffre d’affairesannuel n’excédant pas 5 millions de dollars pour les services,13,5 millions de dollars pour le commerce et 17 millions dedollars pour la construction.En se basant sur cette définition, la SBA dénombre plus de25 millions de PME aux États-Unis, ce qui représente 99,9 %de la population des entreprises. Environ 75 % des PME sont

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

LES FACIL ITÉS À FAIRE DES AFFAIRES AUX ETATS-UNIS

Les 30 pays en tête du classement pour la facilité à faire des affaires1. Nouvelle Zélande 11. Irlande 21. Malaisie

2. Singapour 12. Islande 22. Puerto Rico

3. États-Unis 13. Finlande 23. Ile Maurice

4. Canada 14. Suède 24. Pays-Bas

5. Norvège 15. Lithuanie 25. Chili

6. Australie 16. Estonie 26. Lettonie

7. Hong Kong, Chine 17. Suisse 27. Corée

8. Danemark 18. Belgique 28. Afrique du Sud

9. Royaume-Uni 19. Allemagne 29. Israël

10. Japon 20. Thaïlande 30. Espagne

Note : Le classement ci-dessus est fondé sur des données de janvier 2005 représentéesdans les tableaux par pays. La mesure de la facilité des affaires est la moyenne du classe-ment de chaque pays selon 10 critères relatifs à la réglementation des sociétés et de laprotection des droits de la propriété mesurés dans Doing Business en 2006. Le classe-ment de cette année n’est pas comparable à celui de l’année passée, car trois nouveauxgroupes d’indicateurs ont été inclus dans le calcul : l’obtention de licences, le paiementdes taxes et le commerce transfrontalier. Voir les notes statistiques pour plus de détails.

tableau 1a

tabl

eau

1

Source : Base de données Doing Business

Facilité de... 2006 classement 2005 classement Variationdans le classement

Doing Business 3 3 0

Créer une entreprise 3 3 0

Gérer les permis administratifs 22 18 – 4

Embaucher 1 1 0

Enregistrer une propriété 10 10 0

Accès au crédit 7 7 0

Protéger les investisseurs 5 5 0

Payer les taxes 62 55 – 7

Le commerce international 11 10 – 1

Exécution des contrats 6 4 – 2

Faillite 16 16 0

Remarque : les classements de 2005 ont été recalculés afin de refléter les changements méthodologiqueseffectués en 2006 et suite à l’ajout de 20 nouveaux pays.

tableau 1b

/...

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 58

59

Les PME aux États -Unis : un symbole du rêve américainF L O R I A N R O G E R

des entreprises unipersonnelles, ce qui confère une structurebeaucoup plus écrasée à la « pyramide des tailles » des États-Unis par rapport à celle de la France (cf. graphique n°1).Cette forte présence d’entreprises unipersonnelles s’expliquepar les nombreux services de proximité qu’offre l’économieaméricaine.

En considérant le nombre d’entreprises par rapport à la den-sité de la population, les travaux du Commissariat général duPlan (2005) montraient une autre spécificité démographiquepar rapport à la France : les États-Unis bénéficient d’une pro-portion d’entreprises de taille moyenne beaucoup plus impor-tante. Ce pays parvient à faire grandir ses petites entreprises(cf. graphique 2). Il réussit même, plus que les autres, à lesfaire devenir de grandes firmes mondiales. Parmi les 1 000premières entreprises mondiales figurent 296 entreprises amé-ricaines dont l’origine a pu être reconstituée : 64 d’entre elles

PYRAMIDE DES TAILLES D’ENTREPRISES, 2003

20-49

10-19

1-9

0

100,0 80,0 60,0 40,0 20,0 0,0 20,0 40,0 60,0 80,0

50-249

>249

75,59 55,2

15,88 37,3

2,63

0,28 0,21

0,79 1,0

1,66

3,8

2,4

FranceÉtats-Unis

Sources : SBA, INSEE

grap

hiqu

e 1

ÉCART ENTRE LE NOMBRE D'ENTREPRISES FRANÇAISES ET AMÉRICAINESSELON LA TAILLE DES ENTREPRISES

-20 %

-40 %

-60 %

0 %

20 %

40 %

60 % En % du nombre d’habitants

Note : Les chiffres français sont retraités pour être alignés sur la méthodologie américaine ; un groupe de plusieurs entreprises affillées à une maison mère compte pour une unité.

1à 4

5à 9

10à 19

20à 49

50à 99

100à 499

500à 999

1 000à 1 499

1 500 à 24 999

2 500et plus

Sources : SBA, INSEE et calculs CGP

grap

hiqu

e 2

/...

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 59

60

ont été créées ex nihilo depuis 1980. Seules neuf entrepriseseuropéennes sur 175 sont dans ce cas (Picart, 2004).Ce développement des entreprises américaines se répercutebien entendu dans la croissance économique et dans leschiffres de l’emploi. Les PME contribuent ainsi à plus de50 % de la production du secteur privé et sont à l’origine de60 à 80 % des créations nettes d’emplois depuis 10 ans. Detelles performances ont notamment été obtenues par la flexi-bilité du marché du travail et par un positionnement desPME très favorable à l’innovation.La Banque mondiale cite les conditions d’embauche comme leprincipal avantage comparatif des États-Unis dans les facilitésà faire des affaires. Dans un pays où la culture entrepreneu-riale est forte, la flexibilité du marché du travail permet des’adapter aux fluctuations conjoncturelles et les entreprisespeuvent ainsi ajuster leur structure productive aux évolutionsdu marché. Comme l’ indiquent J-P. Betbèze et C. Saint-Etienne (2006), les PME américaines rencontrent égalementmoins d’effets de seuil lorsqu’elles augmentent leurs effectifsque les PME des pays comme la France. Ceci permet de lisserleur croissance et d’éviter que cette dernière ne devienne unparcours de sauts d’obstacles.

Des PME positionnées vers des marchés porteursLa réussite des PME américaines s’explique également par unposi t ionnement vers des marchés porteurs . J -P. Betbèze(2005), en comparant les entreprises européennes et améri-ca ines , montre que ce s dern iè re s r éa l i s ent un e f for t deRecherche et Développement plus important, et que l’écartest d’autant plus conséquent pour les PME(1). L’orientationdes PME américaines vers l’innovation leur permet ainsi debénéficier des techniques productives les plus efficaces et deconquérir de nouveaux marchés. De plus, ce positionnementles protège d’une concurrence frontale face à des acteurs troppuissants. Sur les marchés traditionnels, de grandes entre-prises implantées depuis longtemps sont souvent dominanteset limitent les possibilités de croissance des nouveaux arri-vants, car elles bénéficient d’effets de réputation et parfoismême d’économies d’échelles ou de réseaux. Les « marchés denouvelles technologies » n’ont pas cet inconvénient. S’ils sontgénéralement plus risqués, ils offrent en contrepartie davan-tage d’opportunités de croissance aux petites entreprises. Ceciconstitue certainement une explication de la dynamique des

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

/...

(1) Les PME déposent 13 à 14 fois plus de brevets que les grandes entreprises selonla CGPME.

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 60

61

Les PME aux États -Unis : un symbole du rêve américainF L O R I A N R O G E R

PME américaines : un fort taux de renouvellement(2), maisune croissance importante pour nombreuses d’entre elles.

La flexibilité du marché du travail et le positionnement desPME américaines (vers les services de proximité et vers l’inno-vation) sont déterminants dans leurs performances. Néan-moins, ces dernières sont également dues au système de finan-cement. Il offre aux entreprises à la fois de larges possibilitésde crédit et de financement en fonds propres.

LE FINANCEMENT DES PME AMÉRICAINES :DE LA DETTE ET DES INVESTISSEMENTSEN FONDS PROPRES CONSÉQUENTS

Un middle market fragmenté et concurrentielLa réglementation a façonné le middle market américain. LeMac Fadden Act (qui empêchait une banque installée dans unÉtat américain d’exercer dans un autre État) et le Glass Stea-gall Act (qui empêchait les banques commerciales d’exercerdes activités de banques d’investissement) ont conduit à unfractionnement du système bancaire. Leur suppression, res-pectivement en 1994 et en 1999, a certes permis l’émergencede grandes banques nationales, mais il subsiste une multitudede petites banques locales. Cette structure de marché se révèleadaptée au financement des PME, car les banques peuvent sepositionner efficacement sur des stratégies à l’acte ou sur desstratégies relationnelles selon leurs caractéristiques (voir Lesstratégies sur le middle market, Horizons Bancaires n°331). /...

R & D DES ENTREPRISES EN % DU PIB, 2002

0,5

0,4

0,2

0,1

0,3

0,0Fabrication de TIC Secteur

pharmaceutiqueMatériels de

transportServices Autres secteurs

manufacturiersAutres secteurs non

manufacturiers

0,6

0,7

États-UnisUnion européenne

Sources : CAE, rapport n° 53

grap

hiqu

e 3

(2) Avec notamment des créations d’entreprises à hauteur de 10 % par an, dontdeux tiers ont une durée de vie de deux ans et 50 % ont une durée de vie de quatreans (source : CGPME, 2006).

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 61

62

/... De plus, la politique monétaire expansionniste menée par laFederal Reserve entre 2001 et 2005 et le maintien de tauxlongs à un niveau relativement faible après cette période ontpermis aux PME américaines de bénéficier de conditions definancement favorables au cours des dernières années. Commel’indique le rapport annuel 2006 de la SBA sur l’économie desPME, la liquidité présente sur le marché et l’évolution modé-rée du coût du crédit ont contribué au développement desPME. Si les taux d’intérêt pratiqués par les banques sontsupérieurs à ceux d’un pays comme la France, ils s’inscriventdans un système de tarification différent, avec moins de sub-ventions croisées et vraisemblablement un moindre rationne-ment quantitatif du crédit. Le parallélisme entre l’évolutiondes taux directeurs et des taux bancaires proposés aux entre-prises (cf. graphique n° 4) indique que les banques ont réper-cuté aux entreprises les conditions de refinancement sur lapériode 2000-2005. Elles n’ont donc pas exercé un pouvoir demarché, ce qui suggère la présence d’une vive concurrence.

Des investissements en fonds propres conséquentsPour se financer, particulièrement sur les activités risquées,les PME peuvent également compter sur des investissementsen fonds propres. Les États-Unis se caractérisent par un fortdéveloppement du capital risque et des Capital Angels (cf. gra-phique n° 5), ce qui permet le financement des PME lors despremières phases de croissance. Puis, lorsque les entreprisesdeviennent plus grandes, elles peuvent bénéficier de marchésf inanciers profonds . Ces f inancements mass i f s en fondspropres constituent un atout pour le développement desPME. Ils permettent que les entreprises soient suivies par dif-férents types d’investisseurs. Ils autorisent également un par-

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

10987

4321

65

0

%

janvier2000

juillet2000

janvier2001

juillet2001

janvier2002

juillet2002

janvier2003

juillet2003

janvier2004

juillet2004

janvier2005

juillet2005

octobre2005

AAA Corporate Bond Rates

Prime Rates

Treasury Bill Rates

ÉVOLUTION DES TAUX D’INTÉRÊTS, 2000-2005

Sources : Board of Governors of the Federal Reserve System, Federal Reserve Bulletin, various issues

grap

hiqu

e 4

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 62

63

Les PME aux États -Unis : un symbole du rêve américainF L O R I A N R O G E R

tage du risque pour les banques, qui peuvent alors prêterdavantage.

Le développement des investissements en fonds propres dansles PME a été favorisé par l’intervention de l’État, à travers leSmall Business Act. Ce dernier a également joué un rôle cru-cial dans de nombreux autres domaines.

LE SMALL BUSINESS ACT : UN DISPOSITIFINSTITUTIONNEL COMPLET ET EFFICACEDès 1953, le Congrès américain a institué un Small BusinessAct pour promouvoir la création et la croissance des PME. Ilstipule ainsi que « Le gouvernement doit aider, conseiller et pro-téger dans toute la mesure du possible les intérêts de la petiteentreprise, afin de préserver l’esprit de libre concurrence, d’assu-rer qu’une proportion équitable des marchés publics soit passéeavec les petites entreprises, et de maintenir en la renforçant l’éco-nomie de la nation dans son ensemble. » La Small BusinessAdministration (SBA) a été chargée de l’application de cetteloi . Les mult iples a ides proposées s ’art iculent autour decinq grands axes :

Une « discrimination positive »pour l’accès aux marchés publicsLes PME bénéf ic ient d ’un accès pr iv i l ég ié aux marchéspublics. Lorsque ces derniers sont inférieurs à 100 000 $, lesPME ont un accès dédié, et lorsque le montant est supérieur,une part leur est réservée. Les administrations ont chacune unobjectif chiffré pour la proportion de marchés publics passéeavec les PME. À un niveau agrégé, le quota doit atteindre23 %. Les PME dont la direction est assurée par une femme,un ancien combattant, une personne provenant d’une ethnie /...

LE NOMBRE DE VENTURE CAPITALITS EN EUROPE ET AUX ÉTATS-UNIS

0Royaume-UniEuropeÉtats-Unis Allemagne France Suède Italie

1991 1995 2000

Belgique Espagne Norvège

800

700

600

500

400

300

200

100

Source : CAE Rapport n°53

grap

hiqu

e 5

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 63

64

/... minoritaire, ou qui sont situées dans des zones géographiquesdéfavorisées, profitent de parts supplémentaires pour l’attri-bution des marchés publics.En plus de cette aide directe aux PME, la SBA veille à ce queles grandes entreprises, qui participent à des marchés publics,proposent leurs contrats de sous-traitance à des PME. Cemode d’action indirecte permet finalement que les PME inter-viennent sur plus de trente pour cent des marchés publics.

Une aide pour diminuer le poids des contraintesadministratives, juridiques et fiscalesUn organisme, appelé Office of Advocacy, a été créé en 1976pour aider les PME dans les procédures administratives. Savocation est de veil ler à ce que les dispositions légales etréglementaires ne constituent pas un fardeau pour le dévelop-pement des PME.

Une assistance pour faciliterles procédures techniques et l’innovation La SBA a initié divers programmes pour favoriser l’innovationdes PME et pour les aider à exporter. Les deux initiatives sui-vantes peuvent notamment être citées.Le SBIR (Small Busines s Innovation Research) , adopté en1983, octroie aux PME un pourcentage des fonds fédéraux deR&D afin qu’elles puissent développer des travaux de R&Ddont le coût peut se révéler trop lourd. Le STTR (Small Business Technology Transfer) adopté en 1994,favorise les partenariats public/privé pour permettre les jointventures entre les PME et les instituts de recherche nationaux.

Un soutien financier par garanties et créditsLe soutien financier aux PME revêt différentes formes. • Un système de garanties sur les prêts. Les crédits inférieurs à2 M $ peuvent bénéficier d’une couverture allant de 75 à85 % selon leur montant. La SBA apporte également unegarantie pour les « SBAExpress ». Il s’agit de prêts de faiblevaleur (inférieure à 350 000 $) consentis par un prêteur agréépar la SBA et qui doivent pouvoir être attribués aux PMEsous un délai de 36 heures.• Un programme de prêts. Par l’intermédiaire de sociétés dedéveloppement, la SBA intervient dans le financement desinfrastructures des PME. Elle aide également les entreprisess ituées dans les zones défavorisées en leur accordant desmicrocrédits. Ces prêts à taux faibles sont distribués via desintermédiaires financiers. Le montant maximal des prêts nepeut excéder 35 000 $.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 64

65

Les PME aux États -Unis : un symbole du rêve américainF L O R I A N R O G E R

Un plan d’intervention en fonds propresDes sociétés d’investissement, appelées Small Business Invest-ment Companies (SBIC), apportent leur concours aux fondspropres des PME. Elles agissent généralement par une prise departicipation minoritaire. Elles peuvent également financerles PME par des crédits de long terme et les aider dans leurmanagement.La SBA intervient donc dans de nombreux domaines. Ellerend annuellement des comptes au président des États-Unissur son action et des objectifs lui sont fixés. Fin 2008, lesPME ayant bénéficié d’un appui de la SBA, devront avoir unedurée de vie supérieure à la moyenne nationale, devront avoircréé un nombre d’emplois supérieur au taux moyen nationalde création d’emplois et devront avoir réalisé un chiffre d’af-faires supérieur au taux moyen national de croissance duchiffre d’affaires. Depuis sa création, la SBA a déjà obtenu de nombreux résul-tats. Elle a permis d’aider près de 20 millions d’entreprises.Sur la période 1991-2000, environ 435 000 entreprises ontnotamment bénéficié de prêts pour une valeur supérieure à94 Mds $ et les PME ont largement eu accès aux marchéspublics. En 2004, les parts de marchés publics effectivementoctroyées à des PME se sont élevées à 31,5 %, ce qui représen-tait plus de 100 Mds $. Au-delà de ces chiffres, il apparaîtclairement que les domaines d’intervention de la SBA coïnci-dent avec les déterminants de la réussite des PME améri-caines, ce qui suggère une action particulièrement efficace.

BIBL IOGRAPHIE

BANQUE MONDIALE, Doing Business in 2006, Doing Business, 2006.

BETBEZE J.-P., La R&D en France, Rapport du Conseil d’Analyse Economique, n°53, 2005.

BETBEZE J.-P., SAINT-ETIENNE C., Une stratégie PME pour la France, Rapport du Conseil d’AnalyseEconomique, n°61, 2006

CGPME, La SBA, accélérateur de croissance pour les TPE-PME : fantasme ou réalité ?, 2006.

DELOITTE FINANCE, Le « Small Business Act » et l’accès aux marchés publics, 2006.

OCDE, Le financement des PME et des entrepreneurs, Synthèse OCDE, 2007.

PASSET O., DU TERTRE R., Promouvoir un environnement financier favorable au développement de l’en-treprise, Commissariat général du Plan, 2005.

PICART C. Le renouvellement du tissu productif, Economie et Statistique, n°341, 2004.

SMALL BUSINESS ADMINISTRATION, The Small Economy for Data Year 2005, A Report to the President,2006.

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 65

66

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 57 a 66 (ROGER7) 13/03/07 16:33 Page 66

67

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

Le financement des PMEen Afrique subsaharienne :contraintes et perspectives

de développement

CONTRAINTES DE FINANCEMENT : PREMIER FREIN AU DÉVELOPPEMENT DESENTREPRISES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

B ien qu’il soit difficile de disposer de statistiques fiables surle segment des PME en Afrique, on estime que ces entreprisescontribuent à plus de la moitié du PIB et de l’emploi (Africa-practice, 2005). Malgré leur poids dans les économies localeset en dépit de leur rôle moteur en termes de développementéconomique, les PME ont un accès très limité au marché desfinancements, particulièrement en Afrique subsaharienne(ASS). D’une part, le taux de pénétration bancaire en ASS esttrès faible – les crédits au secteur privé représentent seule- /...

Le marché du financement des PME est pratiquement inexis-

tant en Afrique subsaharienne. Dans un contexte de forte

asymétrie d’ information(1), le r isque pressenti est en effet

dissuasif pour les banques. De plus, la faiblesse des mon-

tants mis en jeu associée à des coûts de transaction élevés

impl ique des coûts f ixes proport ionnel lement trop impor-

tants. Le développement de systèmes financiers plus adap-

tés, permettant de réduire à la fois l’asymétrie d’information

et les coûts de transaction, devrait permettre de faci l iter

l’accès au crédit pour les PME. L’application des principes

de la microfinance au financement des PME est par exemple

une voie prometteuse.

J U L I E N L E F I L L E U R

CHARGÉ D ’AFFA IRES À L ’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT

(1) L’opérateur économique, en l’occurrence la PME, dispose d’informations aux-quelles la banque n’a pas accès.

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 67

68

/... ment 15 % du PIB d’ASS (Kauffmann, 2005)(2). D’autre part,ce sont principalement les grandes entreprises, souvent étran-gères, qui bénéficient de la majorité des financements. Selon plusieurs études (Africapractice, 2005 ; FMI, 04/52 ;Aryeetey, 1998), les difficultés d’accès aux financements sontle premier obstacle au développement des PME d’ASS, assezloin devant les problèmes de corruption, de déficience desinfrastructures ou bien de fiscalités abusives. Ces études esti-men t que 80 à 90 % de s PME d ’ASS conna i s s en t d e scontraintes de financement importantes. Privées d’accès aufinancement externe, les PME couvrent le plus souvent latotalité de leurs besoins par des ressources personnelles (Afri-capractice, 2005 ; Aryeetey, 1998). L’objectif de cet article estdouble. Il s’agit de donner quelques éléments permettant decomprendre pourquoi les banques ne sont pas en mesure derépondre aux besoins des PME, puis d’envisager les perspec-tives d’amélioration.

LE POIDS DES ASYMÉTRIES D’INFORMATIONENTRE PRÊTEURS ET EMPRUNTEURSLa frilosité des banques à l’égard des PME s’explique princi-palement par la forte asymétrie d’information qui existe entreentrepreneurs et banquiers. Plusieurs facteurs, spécifiques aucontexte d’ASS, en sont à l’origine. Tout d’abord, comme sou-ligné par l’OCDE (Kauffmann, 2005) et par le FMI (06/321),l’absence de normes comptables – ou au contraire le niveauexcessif de l’information comptable exigée dans le cas de lazone Franc CFA par les normes OHADA(3) – ainsi que l’insuf-fisance de cabinets comptables indépendants, compétents etcrédibles, ont un impact sur la qualité de l’information finan-cière transmise aux banques. De plus, les entrepreneurs peu-vent avoir un intérêt à diffuser une information financière trèsrestreinte, voire erronée, afin d’échapper à la fiscalité. Cettesituation est largement observée en Afrique centrale où lesPME ont même une forte propension à passer dans le secteurinformel pour échapper au harcèlement fiscal (FMI 06/322,cf. tableau A1 en annexe). Enfin, il n’existe souvent aucunoutil permettant aux banques de connaître les comportementsde paiement de leurs nouveaux cl ients . Les centrales desrisques ou centrales des incidents de paiement sont soit inexis-tantes soit inopérantes. Dans ce contexte, la communicationinformelle entre la banque et l’entrepreneur doit permettre de

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

(2) Hors Afrique du Sud. Le ratio serait de 27 % en Asie du Sud et 109 % dans lespays à haut revenus (Banque Mondiale, 2006).(3) Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 68

69

Le financement des PME en Afrique subsaharienne : contraintes et perspectives de développementJ U L I E N L E F I L L E U R

pallier la déficience des canaux classiques de communication.La réputation de l’entrepreneur et sa proximité au banquiersont des éléments au moins aussi importants que la qualité desétats financiers communiqués à la banque. À cet égard, lesbanques à capitaux locaux, beaucoup mieux intégrées dans letissu économique local et plus à l’aise avec les pratiques dupays, ont souvent un net avantage comparatif par rapport auxbanques à capitaux étrangers. De fait, les premières contri-buent bien davantage au financement des PME. Cependant,elles sont largement minoritaires puisqu’elles représentent enmoyenne moins de 30 % du marché (cf. tableau A1).

LA PRISE DE GARANTIE NE RÉDUIT PAS LE RISQUEDans ce contexte de forte asymétrie d’information, la prisede garanties devrait permettre d’atténuer le risque encourupar la banque. Néanmoins, les sûretés réelles ont en généralune très faible valeur de réalisation : les actifs corporels (horsterrains) ont une valeur marchande quasi nulle car l’étroitessedes marchés fait qu’ils trouvent difficilement des acheteurstandis que les terrains (quand les titres fonciers existent) oubaux (quand ils ont fait l’objet d’un contrat dûment enregis-tré) ne peuvent être généralement cédés sans l ’obtentiond’agréments de la part des autorités publiques, ce qui est dansla plupart des cas long et difficile. La présence d’un collatéralapparaît donc souvent comme une condition nécessaire à l’oc-troi d’un prêt (Africapractice, 2005), ce qui exclut une majo-rité d’entrepreneurs ne disposant pas de ressources suffisantes.Dans tous les cas, la complexité et les délais des procéduresd’enregistrement des sûretés et des procédures de recouvre-ment, notamment par rapport aux montants mis en jeu, ainsique la faiblesse des systèmes judiciaires et l’incertitude surl’issue des procédures de recouvrement, font que la prise degarantie n’apparaît pas être un bon moyen pour la banqued’atténuer le risque (FMI 06/321).

Cette forte asymétrie d’information, qui ne peut pas êtrecompensée par une sécurisation satisfaisante des crédits, adeux implications importantes. Tout d’abord, elle augmenteles coûts de transaction, ce qui entraîne un problème de ren-dements d’échelle étant donné les faibles montants en jeu.Ensuite, elle conduit à une évaluation incertaine des risques,qui se traduit souvent par leur surévaluation par les banquesétrangères , nature l lement rét icentes à f inancer le s PMElocales. Ces deux implications transparaissent bien si dans laformation de la marge financière des banques opérant enASS : la décomposition des spreads de taux d’intérêt de ces /...

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 69

70

/... banques montre que le coût du risque est en réalité une com-posante mineure de la marge, alors que les coûts d’exploita-tion en constituent la moitié (cf. encadré 1). Cette surévalua-t i on d e s r i s que s a s s o c i é e aux su r coû t s opé r a t i onne l squ’implique le crédit aux PME conduit les banques à éviterces contreparties ou bien à proposer des taux très élevés, géné-ralement supérieurs à 15 %. Face à de tels taux, peu de PMEsont capables d’être suffisamment rentables pour se permettrede s’endetter auprès des banques.

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

DÉCOMPOSIT ION DE LA MARGE F INANCIÈREDES BANQUES D ’AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Le tableau 1 donne la décomposition de la marge financière des banques sur cinq pays d’ASS et cinq pays médi-terranéens. Les résultats de Sacerdoti (2005) et de Cihák et Podpiera (2005) montrent que ces résultats sur lescinq pays d’ASS peuvent être généralisés à l’ensemble de l’ASS(1).

DÉCOMPOSITION DE LA MARGE FINANCIÈRE DES BANQUES SUR CINQ PAYSD’AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET CINQ PAYS MÉDITERRANÉENS, 2002

(en % des actifs) Sénégal Kenya Ouganda Tanzanie Cap Vert Maroc Tunisie Portugal Grèce Italie

Spread d’intérêt 9,2 14,9 19,5 11,4 9,6 4,8 3,7 1,9 2,7 1,8

+ autres revenus op. 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,9 0,0 1,4 1,0 1,4

= marge financière 9,2 14,9 19,5 11,4 9,6 5,7 3,7 3,3 3,7 3,2

– réserves 0,0 0,3 0,4 0,1 1,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0

–provisionspour douteux 1,8 2,5 2,1 2,1 1 1,2 0,7 0,5 0,5

– coûts opérationnels 3,4 5,6 9,0 7,5 5,8 3,1 2,3 1,9 2,3 1,9

–autres coûts 1,6

= bénéficesavant impôts 2,4 6,5 8,0 1,7 1,8 1,4 0,7 0,9 1,4 0,8

tabl

eau

1

encadré 1

Source : C ihák et Podpiera (2005)

Ce tableau montre que le coût du risque est finalement relativement limité pour les banques d’ASS puisqu’il nereprésente que 15 % de la marge (à comparer à 18 % pour les pays méditerranéens) et que ce sont les coûts opé-rationnels – 49 % de la marge (à comparer à 59 %) – et les bénéfices – 29 % de la marge (à comparer à 27 %) –qui expliquent la grande majorité de la marge. Le poids du coût du risque dans la marge est donc moindre dansles pays d’ASS que dans les pays méditerranéens, à l’inverse du poids des bénéfices. Une analyse plus finemenée pour le Kenya montre que les banques commerciales à capitaux étrangers ont un niveau de marge finan-cière sensiblement supérieur à celui des banques commerciales à capitaux locaux, ce qui s’explique par desbénéfices et des coûts opérationnels plus importants. Le tableau A1 en annexe montre que les banques d’ASSont des niveaux de rentabilité élevés – 28 % de ROE en moyenne sur les pays de l’échantillon(2) – ce qui est vrai-semblablement dû au manque de concurrence sur ces marchés (Cihák et Podpiera, 2005). Enfin, il est intéres-sant de noter que l’activité de gestion d’actifs étant peu développée en ASS, la quasi-totalité des revenus pro-vient de l’activité d’intermédiation, ce qui explique qu’un niveau élevé des taux soit nécessaire pour compenserl’absence de revenus d’investissements de portefeuille. En conclusion, la part du coût du risque dans la margefinancière n’apparaît pas particulièrement importante dans les banques d’ASS et le niveau élevé des taux s’ex-plique davantage par des coûts opérationnels et une exigence de rentabilité élevés, dans un contexte où lesrevenus proviennent en quasi-totalité de l’activité d’intermédiation(3).

(1) Selon Cihák et Podpiera (2005), le spread moyen sur l’ensemble de l’ASS est de 11,5 (contre 4,5 pour les pays OCDE).(2) Pour comparaison, la moyenne sur le Chili, Brésil, Mexique, Pérou et Costa Rica est de 15% et de 18% sur la Roumanie, Hongrie etPologne selon les mêmes sources. (3) Pour aller plus loin, Cihák et Podpiera (2005) montrent économétriquement que le taux de créances douteuses des banques n’aaucun pouvoir explicatif sur le niveau des spreads, contrairement à la variable de coûts opérationnels.

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 70

71

Le financement des PME en Afrique subsaharienne : contraintes et perspectives de développementJ U L I E N L E F I L L E U R

QUELLES PERSPECTIVES D’AMÉLIORATION ? Rôle des autorités de contrôle et de régulationTout d’abord, des cadres réglementaires inadaptés au contexted’ASS peuvent être un obstacle important au financement desPME. La réglementation en zone CEMAC(4) offre plusieursexemples caractéristiques (FMI 06/321). Le droit OHADAimpose par exemple des normes comptables tellement exi-geantes aux PME d’Afrique centrale que celles-ci, n’ayant pasles moyens de les respecter, sont encouragées à rester dans lesecteur informel, ce qui les exclut des financements bancaires.Toujours en Afrique centrale, où les ressources de moyen longterme sont rares, les contraintes réglementaires de transforma-tion particulièrement conservatrices (alors que les dépôts sontstables) imposées aux banques limitent fortement leurs enga-gements. Cette réglementation a pour effet d’encourager lesbanques à utiliser leur faible capacité de financement à moyenet long terme sur quelques grosses contreparties, délaissantainsi les investissements des PME. De même, l’imposition enzone CEMAC d’un taux prêteur maximum trop bas (15 %) estun obstacle direct à l’intervention des banques sur le segmentdes PME, ressenti alors comme trop risqué pour la rémunéra-tion proposée. Ces quelques exemples, qui pourraient être lar-gement complétés, montrent qu’un ajustement du cadre régle-mentaire au contexte local pourrait avoir des effets positifs surle financement des PME.En outre, une amélioration des systèmes judiciaires, souventpeu fiables et lents, de la circulation de l’information finan-cière, par la création notamment de centrales des incidents depaiements, et un assainissement des pratiques des autoritésf i s ca l e s – autant d ’ a spec t s dépendant s de s autor i t é s decontrôle et de régulation – encourageraient l’intervention desbanques sur les PME (FMI 06/321).

Encourager le développement de systèmes financiers plus adaptésL’amélioration de l’accès des PME au marché des finance-ments passe inévitablement par une réduction de l’asymétried’information entre intermédiaires financiers et PME. Unesolution consiste à encourager le développement de banquescommerciales de tailles plus modestes (comme au Kenya) oude banques rurales (Ghana), idéalement à capitaux locaux,afin de réduire la distance économique et géographique entrebanques et PME (Kauffmann, 2005). Pour les banques tradi- /...

(4) Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique centrale.

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 71

72

/... tionnelles, souvent à capitaux étrangers, qui souhaitent appro-cher les PME, le développement d’unités de crédit aux PMEest de plus en plus répandu. Dans certains cas, comme auNigéria, ces unités peuvent même être communes à plusieursbanques. Pour accompagner le développement rapide de cesstructures en AFF, les bailleurs de fonds mettent en place desprogrammes d’assistance technique visant à renforcer les capa-cités des banques dans l ’exercice du métier de crédit auxPME. Spécialisées sur les PME, ces unités peuvent répondrede manière plus adaptée à leurs besoins et même dans certainscas dispenser à leur tour une assistance technique aux entre-preneurs. Une pratique également de plus en plus adoptée parles banques commerciales traditionnelles pour se rapprocherdes PME consiste à collaborer avec certaines institutionsayant a priori une meilleure connaissance de ces contreparties,comme les ONG, les prestataires de services non financiers,les institutions de microfinance, les sociétés de crédit bail oules fédérations de PME. La collaboration est bénéfique pourles deux parties : ces institutions ont de faibles capacités definancement faute de ressources mais une bonne connaissancedes petits entrepreneurs et une grande expérience du travailde proximité, ce qui fait défaut aux banques qui disposent enrevanche de ressources.L’exemple des institutions de microfinance mérite une atten-tion particulière. Le succès de la microfinance, tout commecelui des pratiques tontinières particulièrement développéesen Afrique centrale (FMI 06/322), tient en grande partie auxmécanismes de pression sociale entre membres d’un mêmegroupe qui permettent d’obtenir d’excellents taux de rem-boursement. La viabilité des institutions de microfinance s’ex-plique également par la relation de proximité entre emprun-teurs et prêteurs ainsi que par la fiabilité des mécanismes degarant ie basés sur la so l idar i té e t l ’ interdépendance desmembres. La limite principale des institutions de microfi-nance, outre une réglementation souvent insuffisante, résidedans leur incapacité à mobiliser des ressources suffisantes, cequi limite donc leurs volumes d’intervention, et les canton-nent aux prêts personnels et aux micro-entreprises. Devant lesuccès des institutions de microfinance, certaines banquesd’Arique subsaharienne commencent à appliquer les principesde la microfinance au financement des PME en encourageantle développement de grappes d’entreprises qui alimentent unfonds de garantie permettant à la banque de couvrir ses prêts.La menace d’exclusion du réseau est alors suffisamment fortepour faciliter l’exécution des contrats par les emprunteurs.Les interactions répétées avec l’établissement financier ainsi

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 72

73

Le financement des PME en Afrique subsaharienne : contraintes et perspectives de développementJ U L I E N L E F I L L E U R

que les effets de réputation au sein de la grappe renforcent laconfiance entre les entreprises et les établissements financiers,ce qui facilite l’accès au crédit à des taux d’intérêt moins éle-vés . Bien qu’encore peu répandues (5), les inst i tut ions demicrofinance connaissent un succès rapide, qui laisse présagerd’un grand potentiel pour ces pratiques appliquées aux PME(Kauffmann, 2005). Ces différents mécanismes de crédit sontautant de solutions pour réduire l’asymétrie d’informationentre prêteurs et emprunteurs.

Des mécanismes de garantie plus fiablesUne solution pour réduire l’aversion des banques aux PMEconsiste également à développer des mécanismes de garantieplus fiables et permettant aux prêteurs de ne pas être dépen-dants d’administrations judiciaires souvent défaillantes. Danscette optique, de nombreux fonds de garantie « indépendants »dédiés aux PME se sont développés au cours des années 1990.Ces fonds ont permis de répondre à un rée l beso in desbanques, ce qui s’est traduit par un accroissement de leursengagements sur les PME. Malheureusement, nombre de cesfonds, souffrant de mauvaise gestion, ont fait faillite (Kauff-mann, 2005). Il est également possible de contourner le pro-blème de la faiblesse de l’environnement juridique et judi-c ia i re en ayant recours à des produits de crédi t adaptéscomme le crédit bail (le prêteur reste propriétaire du bienfinancé), largement utilisé en Afrique centrale, le crédit stoc-kage (l’emprunt est garanti par la production stockée), utiliséau Kenya et en Zambie, ou l’affacturage. Ces types de créditspermettent de réaliser facilement les sûretés puisqu’ils nécessi-tent un recours limité aux procédures judiciaires. Ces pro-duits rencontrent néanmoins plusieurs obstacles à leur déve-loppement. Tout d’abord, la législation qui s’y rapporte estbien souvent incomplète voire inexistante et les incitationsfiscales (notamment pour le crédit bail) insuffisantes. Parailleurs, ces produits requièrent des moyens techniques ethumains plus importants que les crédits classiques qui sontcoûteux pour des banques ayant déjà des coefficients d’exploi-tation élevés. Les sociétés de crédit bail d’Afrique centraleproposent en effet des taux d’intérêt hors marché, ce qui estnéanmoins compensé par une meilleure réactivité et une plusgrande adaptation aux besoins du client que dans le cas desbanques classiques. /...

(5) Ces pratiques existent au Nigéria, Kenya, Tanzanie, Zimbabwe et se dévelop-pent au Gabon et au Cameroun.

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 73

74

/...

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

B IBL IOGRAPHIE

Africapractice, 2005. Access to Finance: Profiles of African SMEs, Document detravail préparé pour Jetro London.

Aryeetey, E., 1998. Informal Finance for Private Sector Development in Africa,Banque Africaine de Développement, Economic Research Papers 41.

Banque Mondiale, 2006. Making Finance Work for Africa, A preview of theWorld Bank Report to be published in late 2006.

Bureau International du Travail, 2002. Women and Men in the InformalEconomy: A Statistical Picture, Bureau International du travail, Genève.

Cihák, M., Podpiera, R., 2005. Bank Behavior in Developing Countries : Evi-dence from East Africa, FMI, Document de travail 05/129.

Fonds Monétaire International, Country reports 02/98 (Gabon), 03/396(Ghana), 06/305 (Madagascar), 04/52 (Mozambique), 05/309 (Rwanda), 01/189(Sénégal), 05/126 (Sénégal), 03/241 (Tanzanie), 03/70 (UEMOA), 06/321 (CEMAC),06/322 (CEMAC).

Kauffmann, C., 2005. Le financement des PME en Afrique, OCDE, Repères n°7.

Sacerdoti, E., 2005. Access to Bank Credit in Sub-Saharan Africa: Key Issues andReform Strategies, FMI, Document de travail 05/166.

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 74

75

Le financement des PME en Afrique subsaharienne : contraintes et perspectives de développementJ U L I E N L E F I L L E U R

ANNEXEActifs bancairesdétenus par des Taux d’intérêt ROE moyens Crédits octroyés Contribution dubanques privées réels moyens (%) des banques (%) au secteur privé secteur informellocales (% actifs (en % du PIB) au PIB (%)

bancaires totaux)Angola 28 5Bénin 9 11 14 43

Botswana 0 10 18Burkina Faso 44 14 2 36

Burundi 11 44Cameroun 18 28 10 42Cap Vert 10 20

Républiquecentrafricaine 20

Tchad 4 5 45Comores 8

RDC 31 2Congo 10 4

Côte d’Ivoire 5 12 4 13 30Guinée

équatoriale 29Ethiopie – 2 29 23Gabon 24 10 31 10Gambie 4 19Ghana 34 58 11 58Guinée 10

Guinée Bissau 0 30Kenya 60 5 23 20 25

Lesotho 0 10Liberia 16

Madagascar 0 10 46 8Malawi 23

Mali 11 11 18 42Mauritanie 11

Maurice 76 14Mozambique 0 8 22 3 39

Namibie 30 8 22Niger 27 15 5 54

Nigéria 91 – 1 15Rwanda 93 24 10

Sao Tomeet Principe 20

Sénégal 21 12 22 21 41Sierra Leone 5

Soudan 84Swaziland 0 6Tanzanie 38 10 18 7 43

Togo 32 13 55Ouganda 18 14 33 6Zambie 28 9 41 6 24

Zimbabwe 31 – 16Moyenne 30 11 28 10 41

Données en majorité postérieures à 2001. Sources : World Development Indicators, Banque Mondiale, 2006 ; International Financial Statistics, FMI ; FMI 03/70 ; West African Banking Commission, Rapport annuel 2002 ;Sacerdoti (2005) et Bureau International du Travail (2002).

tabl

eau

A1

P. 67 a 76 (Lefilleur8) 13/03/07 16:34 Page 75

76

N U M É R O 3 3 2 – M A R S 2 0 0 7

N U M É R O S D I S P O N I B L E S S U R N O T R E S I T E I N T E R N E T :

Internet : http://www.credit-agricole.fr/ rubrique : kiosque Eco

Horizons Bancaires appartient à la famille Éclairages

323 Dynamiques chinoises

324 La consolidation bancaire en Europe

325 À nos marques !

326 Agriculture et ruralité dans les pays en développement

327 Banque de financement et d’investissement : modèles et développements

328 Face aux risques extrêmes : banques et assurances

329 Conformité : pourquoi et comment

330 Les services à la personne

331 Le Financement des PME en France

A B O N N E M E N T À L A V E R S I O N É L E C T R O N I Q U E

D ’ H O R I Z O N S B A N C A I R E S

❑ M. ❑ Mme ❑ Mlle Nom : __________________________________ Prénom : ________________________

Société : ___________________________________ Fonction : __________________________________________________________

Adresse : ___________________________________________________________________________________________________________

Code postal : _________________ Ville : _____________________________________________________________________________

Téléphone : ________________________________________________ Mél :_________________________________________________

R É P O N S E À R E N V O Y E R P A R

Mél : [email protected] ou fax : 01 43 23 24 68 ou

Courrier : Crédit Agricole S.A., Direction des Études ÉconomiquesHorizons Bancaires abonnement électronique, ECO/IO91-93, bd Pasteur, 75015 Paris cedex 15

Service aux lec teurs

P 76 (Ser. lect. 332) 13/03/07 16:35 Page 76