des images qu’on croyait connaÎtre ......2019/09/19 · une fois colorisees, € des images...

Date : Du 19 au 25septembre 2019

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 529227

Page de l'article : p.81-90Journaliste : Xavier Mauduit

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ARENES 0879147500502Tous droits réservés à l'éditeur

UNE FOIS COLORISEES,

DES IMAGES QU’ON CROYAITCONNAÎTRE RETROUVENT TOUTLEUR POUVOIR D’ÉMOTION

C’est une page sombre qui s’éclaire: le profil amaigri du capitaine Dreyfus, qui vient de passer cinq ans au bagne, mais

aussi le rouge d’un galon ou les ors de la République. Les professionnels d’alors rehaussent à l’aquarelle portraits et

cartes postales, mais pas les clichés d’actualité. Il faudra attendre 1935 et les pellicules américaines Kodachrome pour




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LE PAYS A LES

YEUX FIXÉS SUR DREYFUS

Au lycée de Rennes, aménagé

pour un second conseil de guerre,

en 1899. Alfred Dreyfusva bénéficier de « circonstances

atténuantes » et d'une grâce

présidentielle. Le combat pour sa

réhabilitation commence.

que la couleur devienne d’usage courant, mais elle ne s’impose vraiment dans la presse qu’à la fin des années 1970 ,

Logiciels et recherches historiques permettent désormais de reconstituer le nuancier d’une époque. Ainsi est

née «Notre histoire en couleurs», de Xavier Mauduit. Ou comment, en ravivant des images, on ravive un monde.




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Dans ce décor beige et blanc, seules détonnent les couleurs du drapeau fran

çais et d une dive bouteille. Il devait faire exceptionnellement doux ce jour-là

pour que les aventuriers s’attablent dehors et sans gants. Durant l’été austral,

le mercure grimpe péniblement à 10 °C sur ce continent, le plus froid de la

planète. Jean-Baptiste Charcot mène sa première expédition antarctique. Une

aventure de l’extrême puisqu il va délibérément se laisser prendre dans la glace

pour y passer I hiver, obscur et glacial. Dans son journal, il se félicite d’avoir

emporté des vivres de qualité, si importants pour le moral. Aux conserves et

au pain frais s’ajoutent la viande de phoque ou de manchot. «Jusquà nouvel

ordre, les hommes continueront à recevoir leur ration habituelle d’excellent vin. »




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DANS LANTARCTIQUE,À U POUPE DU «FRANÇAIS»,CHAMPAGNE FRAPPÉPOUR L’ÉQUIPAGE DUCOMMANDANT CHARCOTBulles et lecture d'un vieil exemplaire du « Matin » pour

Ernest Gourdon (à g.), géologue, et Paul Pléneau, photographe

de Iexpédition, devant le «Français»,un trois-mâts de 52

mètres, sur l’île Wandel, en 1904.

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La Belle Epoque rue

du Faubourg-Montmartre,à I angle des rues de

la Grange-Batelière (à dr.)

et Geoffroy-Marie,vers 1900. Parmi les voitures

à cheval une nouveauté:

l'automobile.

EGALE A ELLE-MÊMEL'arc de triomphe de l'Etoile

est intact, mais la porte Maillot

est en ruine. En 1870,

les Prussiens ont assiégé la capitale.

DESTRUCTIONS, CHANTIERSET CANOTIERS: LA VILLE LUMIÈRE EST DÉJÀ

C’est à la pelle et

à la pioche qu 'ils creusent

le tunnel de la première

ligne du métro, entrela porte Maillot et le château

de Vincennes. Elle ouvriraà temps pour l’Exposition

universelle en 1900.

Paris martyrisé (par les obus allemands), Paris éventré (pour le métro), mais Paris

enchanté par ce qui restera à jamais la Belle Epoque. En janvier 1871,

les canons Krupp

mis en batterie à Meudon, Saint-Cloud et Boulogne tentent de saper le moral des

Parisiens et de leur rappeler que 350 000 Prussiens bloquent leur ville. A partir de

1898, ce sont les douze tunneliers de l’ingénieur Bienvenüe qui creusent l’essentiel des

16,5 kilomètres de la première ligne du Chemin de fer métropolitain, le métro pour

les intimes, qui fera de brillants débuts dès l’été 1900. Mais ce n’est que dix ans plus

tard que ces élégants promeneurs de la rue du Faubourg-Montmartre pourront enfin

descendre sous terre, aux stations Grands-Boulevards ou Notre-Dame-de-Lorette.




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L’ancêtre du

food truck:

déjeuner sur un

camion, devantune brasserie

parisienne, en 1917.

A l'arrière,la guerre impose

des restrictions

bénignes.

Le «roi de la

montagne», aliasl'Italien Gino

Bartali, dévaleune route pas

encore goudronnée

de la Casse

déserte,lors de l'étape

Digne-Briançondu Tour de

France 1938, qu'il

va gagner.

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LE COUP DE ROUGE,LES FORÇATS DU TOUR, LE

TABLEAU NOIR...TOUT A CHANGÉ ET TOUT

EST PAREIL

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j* Sais ban pour les Animaux''"'; mais n oublie pas Um semblahEcfahl ingrat

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L'école de

Jules Ferry,en 1900: autour

de la maîtresse

et des écoliers,

maximes morales,manuels recouverts

de papier et une

carte montrant

notamment

l'Algérie,département

français

depuis 1848.

C'est en jupe que

ces vacancières

découvrent la mer

de Glace en 1919.

Après la Première

Guerre mondiale,quelques femmes

sènLiardissent,mais elles

attendront 1945

pour pouvoir voter.




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L’ÉTOILE JAUNE,LA TACHE INDÉLÉBILE

Même ceux qui ont combattu à Verdun

n’y échappent pas. L’étoile juive vient d'êtreimposée par la huitième ordonnance

allemande. Interdictions professionnelles,

accès réglementés aux magasins et. bientôt,

rafles et déportations.

A Paris, à l’angle des rues du Renard

et de Rivoli, en juin 1942.




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DE NOS JOURS, IL EST NORMAL DE LIRERABELAIS DANS UN FRANÇAIS MODERNISÉ.POURQUOI N’EN SERAIT-IL PAS DE MÊMEAVEC LA PHOTOGRAPHIE?Par Xavier Mauduit*N os ancêtres étaient ivres de

couleurs. Leur quotidienétait composé d’uniformes

étincelants et de robes cha

toyantes, de papiers peints

fleuris et de rues pavoisées.

Les tableaux, les aquarelles, la

littérature nous dévoilent ce passé coloré.Que serait Jean Jaurès sans son drapeau

rouge, les poilus de 1914 sans leur pantalon garance ou le Tour de France sans son

maillot jaune ? Mais les traces que nous

ont laissées les photographes sont bien

souvent en noir et blanc.Les pionniers de la photographie

avaient pourtant pour ambition de repro

duire la réalité le plus fidèlement possible,

même si c’était une réalité choisie, cadrée.Si la technique leur en avait donné la

possibilité, nul doute qu’ils auraient figé

le monde en couleurs. Certains s’y sont

essayés, mais le procédé était insuppor

tablement lent et les résultats décevants,

et surtout fragiles. Dès les premiers temps

de la photographie, dans les années 1840,

il est déjà question de colorisation. L’opé

ration se fait manuellement, avec minutie.

Au cinéma certains s’y essaient, comme

les frères Lumière au début du XXe siècle.

En 1902, « Le voyage dans la Lune », de

Georges Méliès, est mis en couleurs.Il faut attendre les années 1930 pour

que s’offre à tous la possibilité de réali

ser plus facilement des photographies en

couleurs, mais qui ne s'imposent pas avant

les années 1970, et parfois encore, ren

contrent-elles les critiques des puristes.Quand surgissent dans notre mémoire

les images de Mai 68, ce ne sont pas

les taches de rousseur de Daniel Cohn-

Bendit ni le bleu marine des uniformes

des CRS qui nous sautent aux yeux. A

l’inverse, pour la décennie suivante, com

ment imaginer Dalida, Claude François etles années disco en monochrome ou en

sépia ? La télévision en couleurs a rem

porté la bataille.Se poserait désormais le droit moral

de coloriser des photos anciennes... De

nos jours, il est normal de lire Rabelais

se promener derrière les barricades de

la Commune, dans les rues de la Belle

Epoque ou des Années folles. Une pro

menade dans le temps, à la rencontre

de figures magiques. Ce voyage subjec

tif à travers cent trente ans d’Histoire, de

Paris aux colonies, de la ville à la cam

pagne, rend tout leur pouvoir d’émotionaux événements douloureux comme aux

moments de joie. Il nous permet aussi deredécouvrir les évidences d’une vie quoti

dienne enfuie et de nous en étonner. Quelrégal de voir ce qui fut et qui demeure

et d’écouter cette leçon de philosophie :

que lorsqu’ils retrouvent leurs couleurs,nos ancêtres redeviennent étrangement

proches. S’ils nous touchent autant, c’estqu’il suffisait d’un artifice pour que l’on se

rende compte qu’ils sont à la fois si diffé

rents et tellement semblables.

*Historien et producteur du

«Cours de l’histoire» sur France

Culture. « Notre histoire en

couleurs », de Xavier Mauduit,

éd. Les Arènes. Sortie le g octobre.

dans un français modernisé, et personne

n’imagine - comme ce fut longtemps le

cas - mettre une citation latine sans en

donner la traduction: «O tempora, o

mores» (autres temps, autres mœurs)...

Pourquoi faudrait-il que le langage

photographique soit pétrifié, sanctuarisé ?

Certes, le noir et blanc peut être sublime.Il n’est pas question de coloriser des cli

chés volontairement réalisés en noir et

blanc, surtout s’ils l’ont été par choix artis

tique. Ce serait se conduire en iconoclaste.Il s'agit de rendre les couleurs de la vie

au passé alors que la technique nous le

permet. La guerre mise en couleurs par

la série «Apocalypse» est un succès. Laseule obligation : préciser qu’on ne pré

sente pas un document original mais qui

a fait l’objet d’un travail de colorisation.Pourquoi se priver d’un si grand plaisir?

Ces images anciennes titillent à nou

veau notre curiosité : c’est une surprise

de découvrir Napoléon III tel qu’ont

pu le voir ses contemporains, d’assister

à l’inauguration du canal de Suez, de

Drapeau rouge pour

le pacifiste et socialiste Jean Jaurès.Devant 150 000 personnes

au Pré-Saint-Gervais, le 25 mai 1915,

il milite contre la loi portant

le service militaire à trois ans.

des images qu’on croyait connaÎtre ......2019/09/19 · une fois colorisees, € des images...

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