des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

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DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS ET DE LA COHESION SOCIALE MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME D’ETAT DE MASSEUR-KINESITHERAPEUTE 2012 Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une stratégie de rééducation pour et avec le patient paraparétique. BERARDI Julie

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Page 1: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTSET DE LA COHESION SOCIALE

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU

DIPLOME D’ETATDE

MASSEUR-KINESITHERAPEUTE2012

Des bilans aux moyens kinésithérapiques:

établir une stratégie de rééducation pour et avec

le patient paraparétique.

BERARDI Julie

Page 2: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

RESUMERESUME

En rencontrant N., j'ai aussi «rencontré» pour la première fois la paraparésie. Alors comment

prendre en charge cette inconnue complexe?

Si la kinésithérapie est singulière à chaque patient, elle suit une ligne directrice. Des bilans

découle un diagnostic kinésithérapique mettant en évidence des objectifs de rééducation. Ces

derniers, théoriques, deviennent concrets après avoir été adaptés au contexte, aux projets et à

l'adhésion du patient.

Ma démarche auprès de N., a été modulée par différentes contraintes: le peu de temps

accordé à la prise en charge, mon manque de connaissances sur sa pathologie, un travail de deuil

non achevé, un relationnel difficile avec le corps, une motivation fluctuante. Il a donc été nécessaire

d'établir un contrat thérapeutique afin d'impliquer la patiente dans sa rééducation et de mettre en

place une stratégie thérapeutique.

Je distinguais trois dominantes. N. avait une atteinte motrice, une atteinte sensitive et,

comme seul objectif, une marche physiologique. J'ai alors choisi trois moyens: la mobilisation car la

kinésithérapie est la «thérapie du mouvement», la stimulation sensitive et un travail d'amélioration

qualitative de la marche. De plus, le manque de temps en séances m'a amené à proposé une

autorééducation.

A la fin du stage, j'ai souhaité approfondir mes connaissances sur la blessure médullaire en

général et explorer d'autres moyens de rééducation pour établir une prise en charge plus complète.

En procédant étape par étape dans un raisonnement en cascade, j'ai d'abord étudié la

neuroplasticité et sa stimulation par l'imagerie motrice. Puis j'ai fait un point sur les complications

de la blessure médullaire et les différents moyens pour les limiter, ce qui m'a amené à retenir la

place importante de l'éducation du patient jeune, autonome et dont la pathologie est chronique.

Mots-clés Blessure médullaire Stratégie thérapeutique Neuroplasticité Complications Education

Page 3: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

SOMMAIRESOMMAIRE

I. INTRODUCTION............................................................................................................................1

II. CAS CLINIQUE.............................................................................................................................3

2.1. Bilans kinésithérapiques......................................................................................................3

2.2. Bilans complémentaires.......................................................................................................8

III. DIAGNOSTIC KINÉSITHÉRAPIQUE......................................................................................10

IV. PRISE EN CHARGE....................................................................................................................11

4.1. Les objectifs de rééducation...............................................................................................11

4.2. Les principes......................................................................................................................11

4.3. Les limitations....................................................................................................................12

4.4. La notion de contrat thérapeutique.....................................................................................14

4.5. La mobilisation..................................................................................................................14

4.6. La stimulation sensitive.....................................................................................................15

4.7. Travail d'amélioration qualitative de la marche.................................................................16

4.8. L'auto-rééducation..............................................................................................................17

V. RÉFLEXION ULTERIEURE........................................................................................................18

5.1. La neuroplasticité...............................................................................................................18

5.2. L'imagerie motrice.............................................................................................................19

5.3. Les complications..............................................................................................................21

5.4. La marche en suspension...................................................................................................23

5.5. Le ré-entraînement à l'effort...............................................................................................24

5.6. La lutte contre l'ostéoporose..............................................................................................26

5.7. L'éducation thérapeutique..................................................................................................28

VI. CONCLUSION...........................................................................................................................30

BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................i

ANNEXES...........................................................................................................................................I

Classification ASIA.....................................................................................................................I

Radiographies rachis...................................................................................................................II

Scanner dorso-lombaire.............................................................................................................IV

Bilan articulaire...........................................................................................................................V

Bilan musculaire........................................................................................................................VI

Score ASIA...............................................................................................................................VII

WISC II....................................................................................................................................VIII

Page 4: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

I. INTRODUCTIONI. INTRODUCTION

Parce que la kinésithérapie n'est pas une science exacte et que chaque prise en charge

est personnalisée, les études de masso-kinésithérapie ne consistent pas en «recettes» apprises par

cœur et applicables de façon standardisée. Ainsi, l'étudiant forge ses connaissances théoriques sur

les bases techniques et sur les pathologies mais surtout il se crée une logique, un raisonnement qui

lui permettront de construire des stratégies de rééducation singulières à chaque patient. Débutant par

un bilan, il pose ensuite son diagnostic kinésithérapique duquel découlera une réflexion pour choisir

des moyens de rééducation adaptés. Ces derniers devront répondre à une sorte de cahier des charges

comprenant des objectifs, des principes, des limites... qui sera ensuite «soumis» à l'avis du patient,

donnant lieu à un contrat thérapeutique, à un projet «négocié».

La prise en charge de N. respecta chacune de ses étapes.

N. est une jeune fille blessée médullaire. Ce terme regroupe deux grands types de

pathologies: la paraplégie et la tétraplégie [1]. La paraplégie est «un déficit des fonctions motrices

et/ou sensitives des segments médullaires thoraciques, lombaires ou sacrés, quels que soient la

cause et le siège de la lésion». Elle associe une atteinte du tronc, des membres inférieurs et des

organes pelviens. La tétraplégie est «un déficit des fonctions motrices et/ou sensitives des segments

médullaires cervicaux secondaire à une lésion des éléments du système nerveux intrarachidien»,

comprenant donc une atteinte des quatre membres, du tronc et des organes pelviens. En France, le

niveau de la lésion médullaire est défini par le premier métamère atteint. La sévérité et l'étendue de

la lésion sont déterminées par une évaluation de muscles clés et de zones sensitives appelée score

ASIA (Annexe I).

N. est, plus précisément, paraparétique. Il est commun de qualifier la paraparésie de

paraplégie incomplète. Or, le suffixe «plégie» définit une paralysie, c'est-à-dire une absence de

motricité tandis que la «parésie» correspond à une perte de force. Il a été alors défini [2] qu'une

paraplégie incomplète correspond à une fonction sensitive sous-lésionnelle préservée alors qu'il

n'existe aucune motricité et qu'une paraparésie comprend une préservation sensitive et motrice sous

lésionnelle.

Les blessures médullaires possèdent deux principales étiologies: traumatique (dans 80% des

cas, par accident de la voie publique ou de sport, chute, lésion par arme) et médicale par tumeur,

(infarctus médullaire, hématome intra- ou extra-médullaire).

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Dans le cas de N., elle est la conséquence d'une défenestration qui a engendré une

compression de la moelle épinière de niveau L1. La patiente a repris la marche quatre mois après le

traumatisme. Trois ans et demi plus tard, elle se déplace désormais avec deux béquilles à l’extérieur.

Actuellement la patiente possède un score ASIA C de niveau moteur L3 et sensitif L4. Sa marche

s’est améliorée au cours des années mais présente de grandes compensations pour pallier les

insuffisances voire paralysies musculaires. Malgré cette amélioration, il demeure de nombreux

déficits.

Ce travail écrit présente l'ensemble de ma démarche, des bilans à la rééducation, ainsi qu'une

réflexion a posteriori, avec du recul et plus de recherches, pour étayer cette rééducation.

La problématique de cet écrit se pose donc ainsi: Comment un étudiant en deuxième année,

face à différentes contraintes (pathologie peu connue, manque de temps et de motivation de la

patiente,...), mobilise ses connaissances et conduit une stratégie de recherche d'informations pour

approfondir son savoir et mettre en place une rééducation adaptée?

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Page 6: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

II. CAS CLINIQUEII. CAS CLINIQUE

N. est une jeune fille de 17ans, née en France et d'origine Malienne. Elle mesure 1m61 pour

58kg, donnant un Indice de Masse Corporelle (IMC) de 22,4 soit une corpulence dite normale.

Depuis septembre, la patiente est prise en charge dans un centre de rééducation rattaché à un

établissement scolaire où elle suit une classe de première économique et sociale. Les heures de

kinésithérapie sont insérées dans son emploi du temps scolaire. Préparant son baccalauréat de

français et de biologie, le temps de sa prise en charge est réduit. De plus, il arrive qu'elle ne se

présente pas en séance faute de motivation ou à cause de retard dans ses révisions.

Interne la semaine, le week-end, elle rentre chez ses parents où habitent aussi deux de ses

sept frères et sœurs. Elle est, en effet, l’avant dernière d’une fratrie de huit enfants. Suite à sa

défenestration relevant d'un contexte familial interculturel difficile, N. bénéficie d'une prise en

charge sociale lui permettant de sortir accompagnée du domicile familial le week-end.

Avant son admission dans cet établissement, N. était dans un hôpital de la région. Son

dossier médical n'ayant pas été transféré, nous ne connaissions pas cette prise en charge antérieure.

Coté loisirs, la patiente a toujours été très sportive. Avant le traumatisme, elle pratiquait le

volley de façon intensive, suivant l’exemple de deux de ses frères, volleyeurs. À la suite de sa

paraplégie, elle a découvert le basket fauteuil et le pratique donc depuis 3ans.

2.1. Bilans kinésithérapiques

Les bilans ont été réalisés à J+3ans et demi de l'accident initial.

Anamnèse

Le soir du 13/09/2007, N. s'est défenestrée du 4ème étage alors qu'elle était chez ses parents.

Les conditions de cette défenestration demeurent floues, différant entre les dires de la patiente et les

dossiers médicaux. Deux hypothèses sont émises: une crise de somnambulisme ou une tentative de

suicide. Le seul point de concordance est une dispute avec les parents avant le traumatisme. A

l'interrogatoire, la patiente insiste sur le fait qu'elle n'était pas suicidaire. Elle parle effectivement

d'une dispute avec ses parents avant de se coucher mais qui n'aurait aucun rapport avec l'accident.

N. dit s'être levée dans la nuit à cause d'une envie d'uriner et s'est alors vue chuter dans le vide. Elle

décrit cet épisode tel un rêve, une action qu'elle aurait fait pensant que ce n'était pas la réalité. Elle

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ne sait pas expliquer pourquoi elle a fait cela. L'assistante sociale nous révèle, qu'en réalité, cet acte

désespéré s'inscrirait dans un contexte familial difficile. La patiente et les médecins dissimuleraient

les conditions de cette défenestration pour la protéger des menaces de son entourage.

Le traumatisme a entraîné une fracture éclatement de la vertèbre L1 avec recul du mur

postérieur et compression importante. La patiente a été opérée le surlendemain, bénéficiant d'une

laminectomie postérieure avec décompression antérieure et arthodèse T11-L2 (Annexes II, III, IV)

qui sera protégée par un corset pendant six mois. Il en a résulté une paraparésie de niveau L1.

Plus de trois ans après le traumatisme, N. a partiellement récupéré.

Antécédents

Il n'existe pas d’antécédents connus, le dossier de la patiente n'ayant pas été transféré à

l'établissement.

Bilan douloureuxSelon la classification de l'International Association for the Study of Pain (IASP), sont retrouvées:

_ des douleurs nociceptives musculo-squelettiques.

Douleurs de types mécaniques lorsqu'elle marche pendant une longue durée: douleurs musculaires

aux épaules dues au béquillage et douleur à la projection cutanée plantaire de la tête des premiers

métatarsiens droit et gauche. Cette dernière est la résultante d'une hyperkératose générée par un

appui préférentiel.

Douleurs aux ischions, séquelles d'escarres cicatrisées, lors de la station assise prolongée.

_ des douleurs neuropathiques sous-lésionnelles: la patiente décrit des douleurs «exceptionnelles»

intenses, irradiantes dans les membres inférieurs et induisant une impotence fonctionnelle majeure.

La patiente ne peut expliquer ni les douleurs, ni leur trajet, leurs conditions d'apparition et de

sédation. Aucun traitement n'est noté dans le dossier médical.

Bilan cutané, trophique, vasculaire

Avant sa prise en charge dans l'établissement, N. présentait une escarre à la face plantaire

des têtes de M1 conséquences d'un hyper-appui et des escarres ischiatiques. Ces escarres sont

aujourd'hui cicatrisées mais des récidives ne sont pas à exclure car des stations prolongées réveillent

des douleurs conséquences de la qualité de peau cicatricielle et d'une mauvaise circulation. La

patiente contrôle et sait gérer ses douleurs et points d'appui cutanés par observation directe ou dans

un miroir.

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Les escarres pédieuses ont laissé place à une hyperkératose plantaire induite par l'hyper-appui. Des

semelles orthopédiques limitent ce phénomène en soulageant la pression sur les têtes de M1.

La cicatrice lombaire est longue de 14cm, non adhérente au palpé-roulé et non douloureuse.

D'un point de vue circulatoire, la patiente se plaint de jambes gonflées le soir.

Bilan morpho statique

Épaules: pas d'antécédents pathologiques, symétriques, non enroulées, non surélevées.

Rachis: le dossier indique que «le montage est stable avec une cyphose d’une dizaine de degrés».

En 2008, il a été discuté d'un temps complémentaire antérieur avec arthrodèse et plaque mais

l'indication chirurgicale n'a finalement pas été posée. Cependant rien n’apparaît cliniquement.

Bassin: la droite passant par les EIAS et celle passant par les EIPS sont horizontales. La mesure de

l'angle Q ne démontre pas d'anté- ni rétroversion significative.

Membres inférieurs: pas de différence de longueur des membres inférieurs. Les genoux sont normo

axés. Les pieds sont creux.

En décubitus, l'attitude spontanée montre des hanches en rotation latérale avec une amplitude plus

importante de 10° à gauche qu'à droite, les pieds sont en supination et tombant, avec un pied gauche

plus tombant que le droit.

En charge, les tendons d'Achille sont obliques en bas et en dehors, donnant un arrière pied en varus.

Bilan articulaireLes amplitudes (Annexe V) sont relativement symétriques, fonctionnelles et attendues

hormis un recurvatum de 5° au genou droit et une importante limitation en dorsiflexion des talo-

crurales majorée avec l'extension de genou.

Bilan musculaireQualitativement, il n'existe pas de spasticité mais:

_ une hypotonie des grands et moyens fessiers, des ischiojambiers et des triceps suraux.

_ une amyotrophie des régions fessières et jambières. Les valeurs périmétriques ne nous permettront

pas de quantifier l'amyotrophie puisque l'atteinte est bilatérale mais en comparant la trophicité des

deux membres inférieurs. Cette comparaison ne donne pas de différences significatives.

_ une hypoextensibilité bilatérale du droit fémoral, plus importante à gauche (30° de différence à la

flexion de genou hanche tendue ou fléchie) qu'à droite (20° de différence entre les deux mesures).

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Le bilan musculaire quantitatif (Annexe VI) révèle un déficit sous-lésionnel généralisé mais

prédominant à gauche. Une paralysie totale est retrouvée en dessous de L4 à droite, L5 à gauche.

Score ASIA Score ASIA C. Niveau sensitif: L4. Niveau moteur: L3. (Annexe VII)

Bilan respiratoireLa capacité vitale est bonne puisqu'étant de 80% de sa norme, évaluée par spirométrie.

Bilan fonctionnel

Contexte de vieLes parents de N. habitent dans un appartement situé au quatrième étage. L'immeuble

possède un ascenseur mais qui tombe régulièrement en panne. N. prend alors les escaliers et ne se

plaint pas de gêne particulière. Dans l'appartement, le déplacement pourrait être possible avec un

fauteuil roulant manuel mais la patiente n'en possède pas, n'en voyant jusque là pas l'utilité.

Aides techniquesChez elle, N. déambule avec une seule béquille portée à gauche exclusivement. En extérieur,

elle en utilise deux, en deux temps alternés. Au lycée, elle se déplace en fauteuil roulant manuel,

prêté par l'établissement, le matin et avec deux béquilles l'après-midi. Le fauteuil ne possède pas de

coussin anti-escarre. L'alternance des aides techniques de déambulation permet de limiter les

douleurs puisque la marche est limitée par la douleur au niveau des têtes de M1 et la station assise

au fauteuil, elle, est limitée par la douleur aux ischions.

Des releveurs sont portés aux deux pieds. La patiente alterne entre releveurs passifs et

releveurs dynamiques Liberté avec une préférence pour ces derniers, plus esthétiques et plus

facilement dissimulables. Des semelles orthopédiques soulagent l’appui sur la tête de M1.

Séquence de redressementLa patiente passe par toutes les positions de la séquence de redressement issue des niveaux

d'évolution motrice, mais avec l'aide de ses membres supérieurs. Les déficits fonctionnels ne sont

présents qu'en station debout: course, sauts, unipodal, marche entre des lignes parallèles espacées de

moins de 20cm sont pas réalisables.

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ÉquilibreN. ne présente aucun déficit à l’échelle de Boubée.

La station debout statique, en bipodal sans appui, n'est pas tenue plus de deux secondes par

perte d’équilibre genoux verrouillés. Cette station est maintenue genoux fléchis à 35° malgré de

faibles oscillations. Elle est alors limitée, après quelques minutes, par la fatigabilité (transpiration,

fibrillation des quadriceps, découragement mental).

La marcheLa littérature prévoit le Walking Index for Spinal Cord Injury (Annexe VIII) mais les

capacités de la patiente lui confèrent le score maximal, sans déficit. La «functional ambulation

classification modified» donne une classe 6: peut marcher seule sur une surface plane, le passage

des escaliers est possible en utilisant une canne ou une rampe, sans aide ni surveillance d'une tierce

personne.

Une étude de la marche sans aide technique révèle: une attaque du pas avec steppage (action

inefficace voire inexistante du tibial antérieur), un amortissement de la mise en charge insuffisant à

gauche, inexistant à droite (déficit/paralysie des ischio-jambiers), une phase d'appui caractérisée par

une boiterie de Duchenne associée à une élévation de l'hémi-bassin controlatéral (déficit majeur du

moyen fessier compensé par une action du carré des Lombes). Le manque d’équilibre induit des pas

inégaux, ainsi on ne peut pas objectiver la longueur et la largeur de ceux-ci. L’angle du pas est de

30° à gauche, 10° à droite.

Les compensations sont nombreuses:

La flexion de genou est aidée à droite et totalement compensée à gauche par le gracile.

L’extension de hanche est compensée par l’action de l’obturateur externe.

L’abduction de hanche est compensée par l’action du sartorius.

Le passage du pas est possible grâce à une élévation de l’hémi-bassin réalisé par le carré des

Lombes.

Au test des 6min de marche, la patiente réalise 208,55m. La valeur théorique calculée en

fonction de son sexe, de son âge, de son poids et de sa taille est de 775,64m. Ainsi le score de N. est

en dessous de la normale puisqu'il est inférieur à 82% de la valeur théorique. Sa fréquence

cardiaque est de 85 battements/min au repos. A la fin de l’effort, elle est de 131 battements/min et

mettra une 1min15s pour revenir à sa valeur de repos.

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Coût énergétiqueLa patiente est rapidement fatigable. Sa transpiration d'apparition rapide indique un coût

énergétique important à l’effort. Le coût énergétique [3] de sa marche est de 387,48 mL O2. kg-1.

km-1 alors que la norme se situe aux alentours de 100 mL O2. kg-1. km-1.

Mesure d'indépendanceLa Spinal Cord Independence Measure donne un score de 90/100.

Les déficits relevés sont: la nécessité d'auto-sondages, un déplacement sur distance moyenne (10 -

100 m) réalisé avec une canne simple, une déambulation à l'extérieur avec deux cannes et la montée

et descente des escaliers nécessitant une rampe ou une canne.

2.2. Bilans complémentaires

Bilan des fonctions supérieuresLa patiente ne présente aucun trouble des fonctions supérieures.

Bilan complémentaire de la sensibilitéThermoalgique: Une diminution de cette sensibilité se retrouve en face postérieure de cuisse et de

jambe, plus marquée à gauche. Au niveau du pied, cette sensibilité est diminuée à droite et

inexistante à gauche.

Statesthésique: diminuée sur la talo-crurale et inexistante au niveau du gros orteil.

Kinesthésique: diminuée sur la talo-crurale et inexistante au niveau du gros orteil.

Pallesthésique: A gauche, il existe une hypoesthésie vibratoire en face postérieure de jambe et au

niveau du pied. A droite, le pied est hyperesthésique.

Baresthésique: hypoesthésie en face postérieure de jambe et au niveau du pied, plus marquée à

gauche.

Bilans des réflexesL'examen médical retrouve une aréflexie complète des membres inférieurs. L’aréflexie est

confirmée lorsque la contraction idiomusculaire est normale, témoignant alors d’une lésion de l’arc

réflexe élémentaire. Le réflexe achilléen ne peut donc être objectivé.

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Bilan vésico-sphinctérienLe dossier médical notifie la notion d’apparition de besoins impérieux suivis par la survenue

de quelques gouttes. La patiente dit avoir une sensibilité seulement lorsque sa vessie est pleine. Elle

réalise 4 auto-sondages par jour, de façon autonome, ce qui demeure un nombre insuffisant.

Il existe une sensibilité au niveau de l’ampoule rectale avec un contrôle sphinctérien

possible mais difficile. Le transit est régulé grâce au Transipeg (un sachet tous les deux jours à la

demande) et géré par des touchers rectaux. Lors d'épisodes de constipation importante, conséquence

d'un manque de mobilité et d'un déficit du système nerveux autonome, il est pratiqué un à deux

lavements Normacol par semaine.

Profil psychologiqueLe dossier médical ne révèle pas d’antécédents dépressifs. Le suivi psychiatrique post-

défenestration a été arrêté rapidement car N. n’en ressentait pas le besoin et assurait ne pas avoir eu

de tendances suicidaires. Une thérapie familiale a été entreprise mais vite délaissée.

En rééducation la patiente apparaît comme une jeune fille souriante, énergique, spontanée ce

qui la rend difficilement canalisable. Malgré son sourire, elle demeure distante, ne parle jamais

d’elle directement et n’est pas d’accord pour se dévêtir ou se laisser toucher pendant les séances.

Cela est sûrement en lien avec sa religion et ses histoires familiales.

Elle demande souvent des exercices plus difficiles que ceux proposés mais ne se présente

pas régulièrement en kinésithérapie.

N. n’admet à aucun moment la possibilité que ses séquelles soient définitives. Dans toute

discussion sur l’avenir, elle coupe court en répondant que «dans deux ans, elle sera valide».

L’acceptation du handicap s’est tout de même améliorée en trois ans puisque avant elle se mettait

régulièrement en danger, ne suivant pas les consignes thérapeutiques. De plus, elle commence à

émettre l’éventualité d’acheter un fauteuil roulant manuel pour le week-end.

Projets de la patienteLes dires de N. demeurent peu fiables de par son déni et le contexte «secret» de sa situation.

Elle n’accepte à aucun moment la possibilité d’être au maximum de sa récupération. Elle

n’envisage aucune adaptation au handicap dans le futur hormis le permis de conduire adapté qu'elle

souhaite passer dans les mois à venir. Elle se voit, quoi qu’il arrive, valide dans deux ans. Il est donc

difficile de parler de l’avenir et de projets adaptés à la pathologie puisqu'elle ne se projette pas.

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III. DIAGNOSTIC KINÉSITHÉRAPIQUEIII. DIAGNOSTIC KINÉSITHÉRAPIQUE

Il y a trois ans et demi, N. s'est défenestrée du quatrième étage. Il en a résulté un

traumatisme médullaire de type compression en L1 qui a été opéré par une laminectomie

postérieure avec décompression antérieure et arthodèse T11-L2.

Depuis, la patiente a considérablement récupéré mais il demeure deux composantes

pathologiques sous-lésionnelles: un déficit musculaire et un sensitif.

Le déficit moteur se traduit par un déficit de fonction qui, à long terme, a induit:

_ des limitations articulaires de la talo-crurale par non-utilisation.

_ une augmentation du coût énergétique d'effort due à la faiblesse musculaire et à la désadaptation

cardiovasculaire.

_ une altération de la circulation de retour conséquence de la parésie/paralysie des muscles des

membres inférieurs (diminution/absence des contractions musculaires), de la non-stimulation de la

semelle de Lejars et de l'altération du système nerveux autonome (veinotonicité). Ce mauvais retour

veineux, couplé à l'hypoesthésie, engrange un réel risque d'escarre.

L'association des déficits musculaires et sensitifs, conduit à une altération de la marche et

donc au recours à des aides techniques (releveurs, béquilles et fauteuil roulant) mais aussi à des

troubles vésico-sphinctériens nécessitant des auto-sondages et lavements évacuateurs répartis dans

le temps.

Toutes ces conséquences ont amené la patiente à bénéficier d'une scolarité adaptée dans

laquelle est incluse une prise en charge pluridisciplinaire (médicale, kinésithérapique et sociale).

Couplé à un contexte familial difficile, le traumatisme et ses conséquences ont placé N. dans

une situation psychologique perturbée avec déni de son handicap et oscillation de sa motivation et

de son adhésion au projet thérapeutique et aux soins. La patiente n'admet pas son handicap et

n'imagine pas son avenir sans être valide. De ce fait, ses projets sont d'améliorer sa marche pour

retrouver son état antérieur au traumatisme.

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IV. PRISE EN CHARGEIV. PRISE EN CHARGE

4.1. Les objectifs de rééducation

Lors de la prise en charge, mes objectifs de rééducation étaient nombreux:

_ Préservation ou récupération des amplitudes articulaires nécessaires à la locomotion.

_ Stimulation et renforcement musculaire sous-lésionnel au maximum des possibilités de

récupération.

_ Stimulation du système sensitif.

_ Entretien du schéma corporel et moteur.

_ Restitution de la fonction: récupérer une marche la plus physiologique possible.

_ Optimisation de la marche: rendre cette marche efficace et moins coûteuse en énergie.

_ Soutien psychologique: entretenir une motivation, écouter, accompagner l'acceptation du

handicap.

Je pourrais résumer cela en un but: optimiser l'utilisation des capacités présentes et

minimiser les conséquences des séquelles.

4.2. Les principes

Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler les principes généraux de la kinésithérapie.

S'appuyant sur des bilans réguliers, la rééducation doit être infradouloureuse, respectueuse de la

fatigabilité des structures et du patient, personnalisée et réalisée dans des installations confortables

et ergonomiques. Un travail respiratoire sera systématiquement associé aux exercices afin d'obtenir

une oxygénation tissulaire suffisante et une diminution du coût énergétique. Les situations de mise

en échec sont à proscrire. Enfin, la rééducation doit favoriser l'autonomie du patient dans les

activités de la vie quotidienne.

En neurologie, l'abord global du patient, les exercices à visée fonctionnelle, la mobilisation

de toutes les capacités ont pour but une autonomie retrouvée ou compensée.

Dans le cas du patient paraparétique, les exercices sont variés afin d'entretenir une

motivation pour une rééducation au long cours. L'auto-rééducation est développée rendant acteur le

bénéficiaire et complétant les séances de kinésithérapie. L'éducation est une partie importante de la

prise en charge, elle est indispensable pour la prévention des différentes complications.

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Lors des séances de N., j’ajoutais à ces principes celui de placer une plaque de gel sous ses

ischions et talons et de ne pas augmenter les attitudes vicieuses lors des différentes positions

(exemple: en procubitus, ses pieds étaient en dehors de la table pour ne pas majorer l'équin).

4.3. Les limites

Durant mon stage, la prise en charge de cette patiente était limitée par de nombreux facteurs:

_ le temps. Étant en première et préparant son baccalauréat, l'emploi du temps de N. était chargé et

laissait peu de place aux soins.

_ la motivation de la patiente. La motivation du patient paraparétique en général est

particulièrement problématique. La récupération de cette population n’admet aucune règle, ni

norme. Chaque cas est singulier de part l’étendue de la récupération, son degré, sa vitesse et son

délai. De plus, l’évolution n’est pas linéaire, pouvant s’arrêter, stagner ou encore être fulgurante.

Le patient se voit ainsi osciller entre motivation, espoir, résignation, acceptation et déni. Ce

phénomène est en lien avec le travail de deuil [4] nécessaire après la survenue d'un handicap à vie.

Passé le stade du choc aux lendemains du traumatisme, ce travail va se dérouler en plusieurs

phases décrites par Elisabeth Kübler Ross [5].

Au premier stade de dénégation, de refus, le pronostic est rejeté. Le mécanisme de défense

est l'imaginaire d'une récupération sans séquelles. Deux attitudes face à la rééducation sont

possibles. Soit le patient demande toujours plus d'exercices pour récupérer au plus vite, soit il ne

participe pas activement à sa rééducation puisqu'il vit dans l'idée qu'il récupérera de toute façon.

Au deuxième stade, la colère, l'agressivité, elles, sont l'expression d'une confrontation à la

réalité. Le patient se sent seul, incompris et ne cesse de se poser la question du «pourquoi moi?».

L'assiduité à la rééducation est souvent altérée, «à quoi bon?».

Le troisième stade est celui de la recherche éperdue d'une guérison en voulant mettre en

œuvre tout ce qu'il semble possible (nouveaux soignants, nouvelles technique, recherches

scientifiques...). A ce stade, le patient reste ancré dans le passé, cherchant encore à retrouver son état

antérieur. La modification de son intégrité corporelle est vécue comme une perte, un manque.

Progressivement, le patient se tourne vers l'avenir et le réinvestit. Des projets sont être

envisagés et adaptés au handicap. Ainsi toutes les aides, techniques ou humaines, sont acceptées

comme des moyens d'améliorer son autonomie et non plus comme des marques de handicap. Le

passé devient une page tournée. Le deuil est alors fait. C'est aussi à ce stade que le patient devient

autonome face à une pathologie acceptée, il se prend en charge.

Les phases ne se succèdent pas obligatoirement et des retours en arrière sont possible.

12

Page 16: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Différents facteurs, personnels mais aussi environnementaux, influencent ce travail de deuil.

Dans le cas de N., ces derniers sont nombreux et péjoratifs. Le traumatisme est survenu au moment

de l'adolescence où l'image du corps est importante et le narcissisme classique. De plus, ce travail

ne peut être dissocié de celui de l'entourage. Or sa famille n'accepte pas son handicap, arrivant

même à le lui reprocher ce qui ne permet pas à N. d'envisager des séquelles la stigmatisant

handicapée. Ainsi le réinvestissement dans l'avenir n'est pas encore atteint. Le travail de deuil

oscille entre le déni, la recherche éperdue d'une guérison et le réinvestissement dans l'avenir avec

quelques projets comme le permis automobile adapté et l'achat d'un fauteuil pour son domicile.

De ce fait, durant mes deux mois de prise en charge, le comportement de N. variait entre

assiduité et absence. Il lui semblait impossible de ne pas retrouver son état antérieur valide. Elle

voulait alors tout mettre en œuvre pour progresser, demandant plus d'exercices et refusant les

pauses. Mais face à la faible évolution de son état depuis quelques semaines, il lui arrivait de penser

que le travail réalisé n’avait aucun intérêt ou n’était pas adapté puisqu’il semblait inefficace. Dans

ces moments là, elle ne se présentait plus aux séances.

Dans le cas plus général du paraparétique, le travail de deuil peut être retardé car ces patients

ont généralement l’espoir perpétuel de récupérer leurs capacités car ils savent que leur état n’est pas

jugé définitif et peut s’améliorer dans le temps. De plus, côtoyant d'autres personnes parétiques

dans les centres, ils ont toujours l'exemple de celle qui a eu une récupération quasi-totale. Alors

pourquoi pas eux? Cet espoir a l’aspect positif d’entretenir leur motivation, notamment pour suivre

une rééducation. Mais d’un autre côté, la récupération est souvent longue, ponctuée de stagnation,

sans que l’on puisse déterminer si on est arrivé à ses limites ou s’il s’agit d’un pallier dans

l’évolution. Les progrès sont parfois infimes voir inexistants, décourageant le patient.

Ce travail de deuil doit être intégré à part entière dans la rééducation. Il doit être respecté et

accompagné.

_ le manque de connaissances kinésithérapiques. Mon stage a eu lieu en milieu de deuxième année

alors que je ne connaissais pas la parésie.

Il m'a alors fallu faire des choix et passer un contrat avec N. afin que le peu de temps dont

nous disposions permette de rééduquer les points essentiels du diagnostic.

4.4. La notion de contrat thérapeutique

Le terme «contrat» correspond à un «engagement mutuel précisant les moyens et les

méthodes à employer pour atteindre un but commun convenant aux deux contractants» [6]. Le

contrat thérapeutique consiste en un accord passé entre le patient et le thérapeute afin de définir un

objectif commun de rééducation et les moyens pour le réaliser dans un temps défini. Il reconnaît

13

Page 17: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

aux deux contractants un rôle actif et responsable qui s'engagent à être présents et efficaces lors des

séances.

Au fil de la prise en charge de N., ce contrat a pris une place primordiale du fait du manque

de temps, du large catalogue d'exercices de rééducation de la paraparésie, de son absentéisme par

manque de motivation et surtout du caractère chronique de sa pathologie. En effet, la chronicité de

la paraparésie implique une rééducation à long terme à laquelle la patiente doit adhérer mais aussi

une autogestion qui n'est efficace que si elle en comprend les raisons, buts et méthodes.

L'unique objectif de N. était d'améliorer sa marche, peu importent les moyens.

Mon choix, lui, s'est construit dans le but de répondre au maximum de points du diagnostic

kinésithérapique en un temps limité (deux heures par semaine) et en utilisant des techniques que je

maîtrisais. Cela incluait donc de développer, en parallèle, une auto-rééducation.

Je me suis tournée vers la mobilisation, la stimulation sensitive et un travail de

prioprioception bien qu'au départ ce choix semblait dérisoire à ma patiente. Désireuse d'améliorer sa

déambulation, elle ne voyait aucun intérêt à ces techniques et demandait un renforcement

musculaire intensif couplé à de la marche.

Il a été nécessaire de «négocier» avec la patiente qui adhérait en parole mais pas en acte. Je

lui ai expliqué ce choix en fonction de sa pathologie et de ses capacités. Marchant la majeure partie

du temps, le renforcement musculaire fonctionnel et la réadaptation cardio-vasculaire étaient déjà

quotidiennement réalisés. La mobilisation, la stimulation sensitive et la proprioception permettraient

de répondre aux restes des objectifs de rééducation.

4.5. La mobilisation

J'ai choisi des mobilisations manuelles car elles permettent une réelle adaptation de tous les

paramètres (prise, force, vitesse, amplitude), modulables en fonction du patient ainsi qu'un

accompagnement humain à la prise en charge. Analytiques ou globales, elles peuvent être passives

(mobilisation entièrement réalisée par le thérapeute), actives aidées( mouvement réalisé par le

patient et accompagné par le thérapeute), actives (patient réalise seul le mouvement). Elles

respectent la physiologie articulaire. Elles sont douces et ne forcent pas dans des amplitudes

extrêmes pour ne pas créer de lésions sournoises du fait de l'hypoesthésie.

J'ai privilégié les mobilisations actives aidées voire actives tant que possible pour leur action

musculaire et leur contrôle supraspinal, notamment lors d'une simulation de la marche en

latérocubitus. Ma prise proximale, en berceau, soutenait le poids du membre pour aider le travail du

moyen fessier et aider le grand fessier lors de l'extension de hanche. Ma prise distale reproduisait le

14

Page 18: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

mouvement de la talo-crurale au cours du pas. Cette technique complémentaire aux mobilisations

plus classiques permettait à la patiente de réintégrer un schéma moteur physiologique malgrè une

limitation majeure: la position non fonctionnelle. J'ai aussi réalisé des diagonales inspirées de

Kabbat , chaînes de facilitation neuromotrice, afin de stimuler les muscles faibles par synergie.

Les mobilisations possèdent de nombreux effets [7]:

Articulaires: elles facilitent la nutrition du cartilage par imbibition de liquide synovial et

entretiennent les plans de glissement des éléments capsuloligamentaires.

Musculaires: elles préservent les différents plans de glissement et l'extensibilité des muscles. Elles

renforcent la masse musculaire lorsqu'elles sont actives ou actives aidées.

Circulatoire: la mobilisation de la talo-crurale favorise le retour veineux, prévenant le risque de

phlébite et celle des articulations du pied stimule la semelle veineuse plantaire.

Neurologique: elles stimulent l'ensemble des récepteurs sensitifs intervenant dans le mouvement:

capsuloligamentaires, tendineux, musculaires, cutanés. De plus, elles entretiennent le schéma

corporel ainsi que le schéma moteur. Cet effet est majoré si le patient se concentre sur ses ressentis

et sur le mouvement réalisé. Elles impliquent donc une stimulation de la plasticité neuronale.

Psychologiques: Elles permettent une prise de contact avec le patient et peuvent consister en un

moment de détente s'il se relâche. Elles donnent aussi du temps à la discussion soigné-soignant.

4.6. La stimulation sensitive

J'ai choisi de privilégier la sensibilité pour différentes raisons: un muscle sans sensibilité

perd une grande partie de sa fonction, la sensibilité permet une prévention des complications

cutanées, enfin, le toucher aide à l'intégration et l'acceptation du corps handicapé.

Les différentes sensibilités sont stimulées par des massages superficiels (effleurages,

pressions glissées superficielles) et profonds (pressions glissées profondes, pétrissages, pressions

statiques sur les zones d'appui pédieuses), par des mobilisations, tractions-compressions, étirements.

Elles sont aussi sollicitées dans le travail de reconnaissance de matière et d'objet. Par

exemple, établir une classement de différentes mousses selon leur densité («de la plus dure à la plus

molle») ou encore classer des balles suivant leur diamètre («du plus petit au plus grand)» par un

tâtonnement du pied, yeux fermés. Ces exercices variés, souvent inspirés des techniques Perfetti

puis détournés, font appel à la sensibilité proprioceptive puisqu'il faut évaluer l'angulation de la

cheville ou l'action musculaire pour écraser l'objet. Ce travail de reconnaissance peut solliciter aussi

la sensibilité superficielle par l'utilisation de différentes matières (picots, velours, éponge,...).

15

Page 19: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

La mobilisation passive, yeux fermés, permet aussi un travail proprioceptif. Le thérapeute

place l'articulation dans une position et demande à la patiente de la décrire. Par exemple, je place le

gros orteils en extension ou en flexion, N. doit trouver s'il est «en haut» ou «en bas». Dans ce cas, je

stimule la sensibilité statesthésique. Une sollicitation de la sensibilité kinesthésique, elle, passera

par une mise en mouvement de l'articulation par le rééducateur. La patiente, yeux fermés, devra

déterminer si l'articulation est mobilisée ou non. Dans ce type d'exercices, il est important d'être

précis sur les prises et contre-prises pour ne pas donner d'informations sensitives extérieures.

Pour tous ces exercices, comme pour les massages, il est nécessaire d'être dans un endroit

calme et rassurant pour qu'elle puisse porter son attention uniquement sur ses sensations. De plus,

ils exigent un climat confiance, primordiale pour N. ayant des difficultés à se présenter déshabillée.

4.7. Travail d'amélioration qualitative de la marche

Différents exercices [8] visent à améliorer les paramètres de la marche du blessé médullaire.

La marche nécessite une vigilance musculaire permanente pour adapter ses paramètres à

l'environnement rencontré. Hors l'hypoesthésie couplée à la paralysie/parésie de certains muscles va

induire des déficits de réaction proprioceptive. Il faut alors sur-développer la réactivité de muscles

présents pour pallier aux déficits. Cette rééducation est composée de déstabilisations suivant une

progression dans plusieurs paramètres: de la décharge à la charge, diminution progressive des zones

d'appui et du polygone de sustentation, yeux ouverts à yeux fermés, mise en jeu d'une articulation à

plusieurs articulations, sur plan stable à plan instable.

Les déficits vont aussi induire une altération du contrôle du mouvement. Un mouvement de

qualité est un mouvement dont les paramètres sont maîtrisés. L'apprentissage du contrôle moteur

peut être inspiré des techniques utilisées dans la rééducation de l'hémiplégie. En voici des exemples:

_ N. en décubitus, membres inférieurs en crochet, doit maintenir l'écartement des genoux.

_ en décubitus ou assis, skate sous le pied, elle doit contrôler le démarrage, la vitesse, la direction et

l'arrêt du mouvement de son genou. Cet exercice progresse vers l'utilisation d'un ballon, autorisant

toutes les trajectoires. Du fait de la paralysie et l'hypoesthésie au niveau de la talo-crurale, je

maintenais son pied sur l'objet, de plus j'aidais la flexion du genou droit.

La rééducation à la marche se poursuivra par la répétition de tâches fonctionnelles. Il s'agit

de décomposer le cycle de marche et de travailler une à une les étapes déficientes. La focalisation

sur une tâche et sa répétition met en jeu les principes d'apprentissage et d'automatisation. Par

exemple, N., entre les barres parallèles travaille le passage du pas. Je place un obstacle en face d'un

pied. L'exercice consiste à transférer l'appui sur le membre portant, fléchir le genou puis la hanche

16

Page 20: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

pour passer l'objet, étendre son genou pour aller poser le pied. Du fait du steppage, le travail est

réalisé avec les orthèses tant que les muscles releveurs n'auront pas de réponse motrice.

La marche peut aussi être travaillée en balnéothérapie [9]. L'allègement partiel du corps et

les afférences sensitives créées par l'eau permettent notamment un renforcement musculaire

analytique ou globale et un travail du schéma moteur et du contrôle postural.

4.8. L'auto-rééducation

Afin de répondre à son désir de travail musculaire, je lui ai présenté des exercices qu'elles

pouvaient réaliser en auto-rééducation. L'auto-rééducation consiste en un programme d'exercices

simples pouvant être facilement réalisés par le patient seul. Dans le cas de N., j'ai choisi de ne pas

proposer une grande quantité d'exercices car il est nécessaire que chacun soit correctement réalisé et

donc bien compris. De plus, face à la motivation oscillante de la patiente, il me semblait primordial

qu'elle en réalise peut-être peu mais de façon continue et régulière. Une accumulation d'exercices se

aurait pu se traduire par une sur-charge de travail à certains moments et une inactivité à d'autres.

L'auto-rééducation proposée était constituée de deux exercices à réaliser par série de dix

contractions de 6s suivies de 6s de relâchement, deux fois par jours:

_ renforcement des moyens fessiers pour améliorer la stabilité du bassin et diminuer la boiterie de

Duchenne: en position demi-assis pour minimiser l'action du carré des Lombes, abduction statique

contre une résistance (mur par exemple).

_ renforcement statique du grand fessier: enfoncer le talon dans le lit ou le plan de Bobath.

A ces exercices s'ajoutaient quotidiennement la poursuite de la surveillance cutanée et une

auto-mobilisation de la talo-crurale avec un «lasso» associée à une tentative de mouvement actif.

17

Page 21: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

V. RÉFLEXIV. RÉFLEXI ON ULTÉRIEUREON ULTÉRIEURE

Suite à cette prise en charge, j'ai souhaité explorer d'autres techniques de rééducation du

patient paraparétique afin de construire une stratégie thérapeutique plus complète. Pour cela, j'ai

procédé étape par étape en posant des hypothèses et questions puis en recherchant dans la littérature

des réponses. Nous allons donc traiter, dans cette partie, cette réflexion a posteriori.

Dans un contexte neurologique, et ayant des notions plus avancées sur l'accident vasculaire

cérébral, je pose en premier lieu la question de la plasticité neuronale. La moelle épinière est-elle

douée de plasticité comme le cerveau? Existe-il des modifications dans les zones corticales

correspondant aux territoires corporels lésés? Est-il utile de stimuler les fonctions neuronales

«perdues»?

5.1. La neuroplasticité

Depuis quelques années, des innovations thérapeutiques sont étudiées pour le blessé

médullaire. Un certain nombre, déjà utilisées dans la rééducation d'autres pathologies comme les

accidents vasculaires cérébraux, ont donné des preuves lors d'études mais sont encore peu connues.

En effet, l'émergence du concept de plasticité neuronale a considérablement évolué au fil des

ans. Principalement connue comme une faculté du cerveau, la plasticité consiste en une dynamique

des interactions neuronales en fonction de l’expérience et de l’apprentissage. Cette faculté existe

tout au long de la vie mais son importance diminue avec l’âge.

Des études récentes [10,11] ont identifié une plasticité spinale. La moelle épinière, comme

le cerveau, a la capacité d'intégrer, d'interpréter et de réagir à des afférences sensorielles, même

après blessure. Elle peut donc développer et apprendre des stratégies d'adaptation. Or, cette nouvelle

donnée prend toute son importance dans la locomotion du blessé médullaire. En effet, la marche,

comme la respiration, est gérée sur le mode automatique grâce à un Central Pattern Generator

(CPG) situé dans la moelle épinière cervicale. Ce centre génère une marche stéréotypée, modulée

par une action corticale (donnant début, arrêt, cadence, direction) et par une régulation posturale.

Il existe une plasticité adaptative (réarrangements synaptiques en faveur d'une récupération)

et une non-adaptative (diminution du volume et de l'activation des zones neuronales, mise en place

de schémas anormaux...) [12].

18

Page 22: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Chez le blessé médullaire, la plasticité ne se limite pas à la moelle épinière. Des

changements constitutionnels et structuraux supra-spinaux sont observés, comme la création de

nouvelles voies de contrôle supérieur. En effet, il existe une plasticité cérébrale après lésion

médullaire [13]. Bien qu'intacts, les neurones corticaux des zones sensorimotrices liées à la région

lésée ont une activation réduite alors que ceux des régions environnantes ont une activation accrue

pour compenser les déficits. De plus, l'existence d'afférences supra-spinales pour une locomotion

orientée vers un but ou pour un mouvement volontaire exige aussi une stimulation de la plasticité

cérébrale après une lésion médullaire.

La neuroplasticité serait donc un facteur de récupération après traumatisme médullaire

grâce à différents mécanismes [14].

Un processus de restitution de fonction par «réparation» semble comporter une

réorganisation structurale telle qu'une désafférentation médullaire induit une extension des

territoires spinaux adjacents avec création de nouvelles connections synaptiques ainsi qu'une

réactivité des cellules dénervées.

Un processus de substitution consistant en une prise en charge de la fonction du territoire

lésé par un territoire sain. Trois idées sont émises: une fonction pourrait être prise en charge à

différents niveaux mais il existerait une hiérarchie telle que le niveau supérieur inhibe les niveaux

inférieurs; des neurones pré-existants mais «silencieux» seraient dévoilés pour prendre en charge la

fonction; certains réseaux neuronaux auraient la capacité de prendre en charge plusieurs fonctions.

Enfin, il y aurait un processus de compensation, grâce aux mécanismes d'apprentissage,

contribuant à la récupération de la fonction. La compensation serait faite par une contribution ou

une hyperactivité réactionnelle compensatoire du système nerveux intact et par réactivation de

propriétés embryonnaires disparues chez l'adulte.

La rééducation comportant un entraînement sensitivo-moteur amènerait donc une

réorganisation des systèmes sensoriel et moteur. La plasticité amène les scientifiques et

rééducateurs à viser une récupération et non plus seulement une compensation des déficits. Mais

comment stimuler la plasticité des fonctions altérées voire perdues?

5.2. L'imagerie motrice

L'imagerie motrice est «un état dynamique durant lequel un être humain se représente

mentalement une activité motrice sans l’activité musculaire nécessaire à la production de

mouvement» [15]. Elle peut être réalisée par une évocation mentale du mouvement ou une illusion

19

Page 23: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

virtuelle. Au-delà de l'entretien du schéma moteur, elle possède différents impacts.

L’activation corticale et spinale lors de l’observation ou de l’évocation mentale est

semblable à celle ayant lieu lors de la réalisation du geste. De plus, au-delà du système nerveux

central, on observe une augmentation de l'activité du système neurovégétatif proportionnelle à

l'intensité de l'effort imaginé alors que ce dernier, dit «autonome», est indépendant du contrôle

volontaire. Ainsi, en plus de la stimulation neurale, l'imagerie motrice avant un effort permet une

activation cardio-vasculaire précoce anticipant les demandes énergétiques.

L'imagerie motrice améliore aussi la performance motrice (déjà utilisée dans le sport de haut

niveau) et augmente la force musculaire grâce à des réarrangements neuronaux de la commande

motrice (augmentation de l'excitabilité des zones corticales motrices concernées par le mouvement

imaginé ou vu). Ces effets sont majorés lorsque cette technique est combinée à un entraînement

physique. Elle est donc un complément de la rééducation et non une remplaçante.

Dans le cas du patient paraparétique, elle permet d'augmenter la charge et la fréquence de

travail en shuntant la problématique de la fatigabilité à l'effort. De plus, l’exécution de certains

mouvements peut être impossible de part les déficits provoqués par la lésion. L’imagerie motrice se

présente alors comme une réelle thérapeutique de substitution.

De nombreuses thérapies expérimentales visent un régénération de la moelle épinière or,

lorsqu'elles seront efficaces, il faudra nécessairement que le cortex ait gardé la capacité d'envoyer

des programmes moteurs sains. L'imagerie motrice permettrait d'entretenir cette capacité.

L'illusion virtuelle a aussi une effet analgésique. Les douleurs neuropathiques résistent, le

plus souvent, aux traitements médicamenteux. En effet, elles ne sont pas en lien avec un tissu en

souffrance. Les mécanismes exacts de cette douleur demeurent méconnus. Harris, en 1999, a

suggéré qu'une discordance entre les ordres moteurs et les rétroactions sensorielles serait la cause de

ces algies. Ce concept a pour hypothèse que la douleur pathologique est en partie causée par un

désaccord sensorimoteur transmis par le schéma corporel altéré et qu'elle s'associe à des

modifications de l'organisation du cortex somatosensoriel primaire. Harris postule que ces

modifications sont corrigées lorsque la douleur disparaît mais cette idée reste contestée puisqu'il

existe des preuves contraires chez le membre fantôme de l'amputé. Une autre question reste posée,

le désaccord sensorimoteur sous-tend l'idée que le cortex envoie des ordres moteurs aux membres

paralysés mais pour quelles raisons? Peut-être une tendance innée du corps à se mouvoir...

Un essai clinique [16] a ainsi justifié qu'une marche virtuelle pourrait être traitement viable

contre les douleurs neuropathiques. Ces résultats sont en accord avec le concept de Harris: l'illusion

virtuelle pourrait rétablir une adéquation sensorimotrice. Mais, d'autres explications peuvent être

20

Page 24: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

proposées. Melzack et al. ont décrit la douleur telle une alerte lorsqu'un tissu est en danger. L'image

virtuelle donnerait l'illusion inconsciente (les sujets ayant conscience que ce n'était pas la réalité)

d'une normalité corporelle. L'analgésie peut aussi provenir de la distraction créée cette expérience.

Cependant, cette étude n'est vraie que chez le paraplégique bas puisqu'au dessus de T12, elle

augmenterait les douleurs. Cela peut s'expliquer par une différence les douleurs neuropathiques de

la moelle épinière lésée (centrales) et celles de la queue de cheval (périphériques).

Plus que la réalité virtuelle nécessitant un certain matériel, l'évocation mentale du

mouvement s'appliquerait donc à N., réalisée en auto-rééducation, lors des mobilisations ou même,

au mieux, avant une séance pour son effet d'activation cardio-vasculaire précoce.

Au delà des douleurs neurologiques et de la plasticité non-adaptative, la blessure

médullaire possède-t-elle d'autres complications?

5.3. Les complications

La blessure médullaire possède quatre composantes (motrice, sensitive, neurovégétative et

réflexe) dont les retentissements sont nombreux à long terme. Il est important de les connaître et de

les prendre en charge afin de minimiser la mortalité, la morbidité, les réhospitalisations, et donc

améliorer la qualité et l'espérance de vie. Souvent en lien les unes avec les autres, les complications

sont variées.

Cutanées: l'escarre est une des principales complications pourvoyeuses de ré-

hospitalisation. Résultat d'une ischémie prolongée de la peau, elle est d'apparition rapide chez le

blessé médullaire à cause de différents facteurs: peau mal vascularisée, appuis prolongés en station

assise ou couchée, absence de sensibilité privant l'organisme d'un signal de souffrance tissulaire et

macération en cas de fuites urinaires ou anales non contrôlées.

Chez N., l'hyper-appui plantaire sur M1 ainsi que les stations assises prolongées sur un fauteuil ne

possédant pas de coussin anti-escarre ont conduit à des escarres aujourd'hui cicatrisées.

Vésicosphinctériennes et digestives: les complications urologiques sont une des plus

grandes causes de mortalité. Les rétentions urinaires (vessie neurologique, areflexie détrusiorienne,

insensibilité) entraînent des risques de lithiases, d'infections et de dégradation de l'appareil urinaire.

La motricité colo-recto-sigmoïdienne réduite conduit à des constipations fréquentes voire des

fécalomes ou occlusions, majorées par le manque de verticalisation.

La possible béance des sphincters peut provoquer des fuites urinaires ou fécales avec risque de

21

Page 25: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

macération mais surtout un préjudice social majeur.

Douloureuses: d'étiologies multiples: douleurs de non mobilisation, de sur-utilisation des

épaules, d'hyper-appui, neurologiques, dues à la spasticité, à une para-ostéo-arthropathie, à une

syringomyélie.

Orthopédiques: les rétractions musculaires, enraidissement articulaires, para-ostéo-

arthropathies diminuent les amplitudes de mobilité passive voir active.

Osseuses: la lésion conduit à une ostéoporose impliquant un risque de fracture par

traumatisme mineur et de lithiases dues à l'hypercalciurie. Cette complication est majorée lors

d'alitement prolongé pour le traitement d'un escarre par exemple.

Musculaires: le muscle voit ses propriétés modifiées [17]. Qualitativement, il perd de sa

trophicité allant jusqu'à l'atrophie. Anatomiquement, ses composants se modifient avec diminution

des fibres de type 1 (lentes) et augmentation des types 2B (rapidement fatigables). Cela se traduit

fonctionnellement par l'altération de la capacité oxydative, une augmentation du coût énergétique de

la contraction et une faible résistance à la fatigue. Le muscle peut aussi être spastique.

Veineuses: le retour veineux est diminué par la diminution voire l'absence d'activité

musculaire dans les membres inférieurs (effet de pompage), la non stimulation de la semelle de

Lejars et la lésion du système neurovégétatif (troubles de la veinotonicité). Il engrange un risque

d’œdème des membres inférieurs et de phlébite, mais surtout il majore la rapidité d'apparition de

l'escarre car la peau est mal oxygénée. Cette complication est majorée chez N., car elle ne présente

pas de spasticité ni de spasmes améliorant le retour veineux par effet de pompage.

Cardiovasculaires: le risque de maladies cardiovasculaires est fortement augmenté par la

réduction de l'activité physique et donc souvent l'augmentation de masse graisseuse, la modification

de différents facteurs (augmentation des triglycérides et du cholesthérol LDL, hyperglycémie,

diminution des lipoprotéines HDL) et des troubles du système nerveux autonome [18].

La diminution des activités physique conduit aussi à une désadaptation à l'effort et une

augmentation de la fréquence cardiaque de repos. N. ne présente pas d'augmentation significative de

la fréquence de repos (85 battements/min) mais le coût cardiaque et énergétique à l'effort est accru.

Respiratoires: il peut exister un syndrome restrictif fonction de la présence ou non des

muscles inspiratoires et expiratoires. Il peut être majoré par des déformations du rachis (scoliose).

N. ne présente pas de complications respiratoires significatives.

Végétatives: au delà des troubles vésicosphinctériens, l'atteinte du système nerveux

autonomes peut se traduire par des troubles de la thermorégulation et des fonctions génitosexuelles.

De plus, l'hypotension orthostatique et l'hyperréflexie autonome sont fréquentes dans les lésions

22

Page 26: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

supérieures à T6. N. ayant subi un traumatisme «bas» n'est pas sujette à ces différents troubles

hormis l'altération de la fonction génitosexuelle.

Neurologique: la syringomyélie, création d'une cavité remplie de liquide céphalo-rachidien

intra-médullaire, peut augmenter les déficits sensorimoteurs ainsi que la dépendance.

Pathologies d'épaules: la sur-utilisation, à long terme, peut entraîner arthrose et

tendinopathies. N. présente déjà des douleurs sur-utilisation mais elles ne sont que ponctuelles. Il

faudra donc mettre en place une prévention [19]. Elle reposera sur l'acquisition du recentrage actif

de la tête humérale lors du maniement du fauteuil et des transferts, l'athlétisation des membres

supérieurs (notamment des abaisseurs), un ré-équilibrage des rotateurs et de la proprioception.

Fatigue chronique: une conséquence à long terme de la blessure médullaire est l'apparition

d'une fatigue chronique [20]. Exprimée de façon subjective par le patient, elle est objectivée par une

diminution des performances physique dans le temps, notamment l'endurance. Ce phénomène,

majoré à partir de la 15ème année de paralysie, retentit sur la qualité de vie car il peut augmenter la

dépendance. De plus, il semble que cette fatigue soit classiquement associée à l'altération de

capacités cognitives (concentration, attention, mémorisation).

Perte du schéma corporel et moteur.

Répercussions sur la qualité de vie et l'état psychologique: diminution des activités, une

mésestimation de l'image corporelle, une perte d'autonomie et de participation sociale.

Outre la récupération, cette affection de longue durée nécessite donc une prévention et un

traitement des complications afin de maintenir une qualité de vie convenable mais aussi une

espérance de vie approchant celle d'une personne valide. Mais quels moyens peuvent-être mis en

jeu pour limiter ces complication?

5.4. La marche en suspension

J'étudie en priorité les possibilités d'amélioration de la marche. Pourquoi? Évidemment pour

son aspect fonctionnel, d'autonomie mais aussi comme moyen de lutte contre des complications

(lithiases vésicales et rénales, mauvaises circulation de retour, modifications musculaires, recours

aux aides techniques...). Je cherche alors comment restituer sa physiologie. Au delà des techniques

apprises en école de masso-kinésithérapie (proprioception, balnéothérapie, tâche orientée…),

l’entraînement locomoteur sur tapis roulant avec suspension partielle du poids du corps et assistance

manuelle ou robotisée m'apparaît comme un moyen de stimulation de la neuroplasticité mais aussi

23

Page 27: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

d’entraînement musculaire et cardio-respiratoire.

Une étude [21] de cette technique a évalué trois paramètres de la marche (vitesse, endurance

et performance de tâches multiples (timed up and go)) sur des para- et tétraparétiques de score

ASIA C et D, marchant ou non marchant. Cette étude n'inclue que des patients à plus de deux ans

du traumatisme afin d'attribuer les résultats à la rééducation et non à une récupération spontanée.

Les résultats ne montrent pas d'amélioration de la locomotion chez les patients non

ambulatoires alors que les patients déambulant ont augmenté de 50% la vitesse et l'endurance et

amélioré leur performance de tâches multiples. Cette technique, Body Weight-Supported Treadmill

Training (BWSTT), se présente donc comme un moyen prometteur pour l'amélioration de la

marche chez le paraparétique ambulatoire. Au-delà de cet effet, il permet la prévention ou le

traitement de certaines complications secondaires à la lésion médullaire [18].

Le BWSTT, par le travail musculaire global et la verticalisation qu'il impose, diminue le

risque de maladies cardiovasculaires car il entraîne: une diminution du mauvais cholestérol, une

ré-équilibration du ratio LDL-HDL, une augmentation de la tolérance au glucose et de la sensibilité

à l'insuline (minimisation du risque de diabète de type 2), une amélioration de la régulation

cardiaque du système autonome (fréquence cardiaque et pression artérielle) et de la vascularisation

artérielle.

Il lutte contre l'atrophie musculaire et contre la sur-quantité des fibres 2b au détriment des

fibres 2a et 1, augmentant ainsi la capacité oxydative. Il améliore donc force et fonction.

Améliorant la fonction et donc l'indépendance, il peut être bénéfique pour la qualité de vie

et l'état psychologique du patient. De plus, il peut être un moyen de lutte contre les douleurs.

Cependant il n'a pas d'effet sur l'augmentation de la masse graisseuse et l'ostéoporose.

Le BWSTT peut donc être un facteur de récupération et de prévention/lutte contre des

complications. Totalement adapté pour N., il aurait l'avantage d'être une thérapie motivante, lui

donnant la sensation de travailler au maximum de ses possibilités et lui apportant ponctuellement un

bien-être moral en simulant ce qu'elle désirait: «retrouver une marche normale». Il ne faut

cependant pas négliger deux inconvénients majeurs de cette technique: son coût (plus de 200 000

euros pour un Lokomat®) et son temps d'installation. Dans le cas de N., l'installation ne

nécessiterait qu'un seul thérapeute car elle possède la station debout mais pour un patient ne

déambulant qu'en fauteuil roulant, il faudrait au moins deux personnes assistées d'un lève-personne.

5.5. Le ré-entraînement à l'effort

La plainte formulée de fatigue chronique [20] pourrait être expliquée par le fait qu'un geste

fonctionnel nécessite une énergie plus importante pour compenser la faiblesse musculaire et un

24

Page 28: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

contrôle volontaire focalisé majoré. De plus, cette importante activité corticale doit produire une

contraction musculaire plus forte alors qu'elle se heurte à une quantité de fibres corticospinales et de

neurones moteurs diminuée. A cette fatigue «centrale» s'ajoute la fatigabilité musculaire accrue, la

sur-utilisation des muscles sains et la survenue de complications (infections urinaires, escarres...) .

Ce symptôme s'inscrit dans un «cercle vicieux». Causé par différents facteurs (manque

d'activité physique, prise de poids, désadaptation cardio-respiratoire à l'effort, modifications

musculaires, métaboliques...), il les majore à son tour (le patient est fatigué donc diminue ses

activités donc se déconditionne et est sujet à la surcharge pondérale...).

Le principal moyen de lutte demeure le reconditionnement cardio-respiratoire par

sollicitation des muscles sains en endurance. Le maintien des acquis devrait être envisagé grâce à la

pratique d'un sport adapté, activité plus ludique à long terme qu'une rééducation.

Des revues de littérature [17,22] ont étudié les effets du ré-entraînement à l'effort chez une

population blessée médullaire en général (tous types de niveaux et de gravité), dans un état stable,

au plus tôt un an après le traumatisme. Il faut d'abord souligner qu'il n'existe pas de contre-

indications à l’entraînement intensif à condition de prendre des précautions pour les troubles

associés à la lésion médullaire (troubles de la thermorégulation, du système nerveux autonomes,

sensitifs et parfois cardiovasculaires). Divers protocoles sont proposés, variables en fonction:

_ du matériel: le plus souvent avec un ergomètre à bras mais aussi avec un fauteuil roulant, marche

sur tapis roulant, natation. Les réponses aux exercices semblent similaires mais chaque activité

trouve ses bénéfices dans les gestes réalisés qui sont plus ou moins fonctionnels.

_ de la durée et fréquence, mais le plus efficace serait réalisé trente minutes, trois fois par semaine

pendant au moins huit semaines.

_ de l'intensité et type d'effort (continu ou en créneaux avec périodes de récupération active

intégrées). La fréquence minimale est de 70% de la Fcmax pour être efficace. Le travail en créneaux

semble plus efficace d'un point de vue métabolique et plus fonctionnel puisque les activités

quotidiennes sont discontinues et d'intensité variable.

Globalement, on observe une amélioration de la capacité physique mais plus précisément, il

existe des améliorations centrales et périphériques. Les adaptions périphériques sont bien établies.

Au niveau cardio-respiratoire, un entraînement continu et de longue durée permet une

augmentation des capacités fonctionnelles (mesurées par la VO2max) et de l'endurance, une

diminution de la fréquence cardiaque à l'effort, une amélioration des fonctions respiratoires

(amélioration des muscles inspirateurs accessoires et du rendement donc diminution du coût

énergétique de la ventilation, augmentation de la réserve ventilatoire).

25

Page 29: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Au niveau musculaire, il induit une amélioration de la force, de la puissance maximale et de

la puissance instantanée, mais aussi une amélioration de l'oxydation mitochondriale

intramusculaire. Qualitativement, il lutte contre l'atrophie en augmentant la masse musculaire.

Le ré-entraînement à l'effort diminue le risque de maladies cardiovasculaires puisqu'il

induit une augmentation du cholestérol HDL et une diminution du cholestérol LDL.

D'un point de vue énergétique, il augmente les réserves donc il permet la pratique

progressivement intensive d'activités physiques. Cela peut être un facteur d'amélioration de qualité

de vie, notamment chez les patients sportifs comme N. Il est aussi important de noter le bien-être

psychologique qu'une amélioration de la marche ou la pratique d'un sport peut apporter. De plus, il

réduit le temps d’exécution de tâches fonctionnelles donc optimise le rendement mécanique.

Les adaptations centrales sont discutables car peu étudiées. Il semblerait que le volume

d'éjection systolique augmente mais dans des proportions plus faibles que chez un sujet sain du fait

des troubles sympathiques et de la vasoconstriction sous-lésionnelle. Une adaptation centrales

neurologique est néanmoins établie: la plasticité neuronale.

N. sportive, aurait sûrement tiré bénéfice de ce ré-entraînement et aurait sans doute été

motivée par cette technique intensive. Un protocole sur ergomètre à bras ou fauteuil roulant

semblerait le plus adapté tant que la marche demeure trop coûteuse en énergie. A long terme et en

progression, il pourrait être réalisé sur tapis roulant pour entretenir la motivation, renforcer les

membres inférieurs et devenir plus fonctionnel.

5.6. La lutte contre l'ostéoporose

La Haute Autorité de Santé définie l'ostéoporose comme «une maladie diffuse du squelette

caractérisée par une faible masse osseuse et une détérioration de la micro-architecture du tissu

osseux, responsables d’une fragilité osseuse» [23]. Complication des lésions médullaires, elle pose

un réel problème de par le risque important de fractures par traumatisme mineur qu'elle implique

mais aussi le risque de lithiases vésicales et rénales dues à l'hypercalciurie. Le risque fracturaire est

très délétère dans cette population car le risque de chute est augmenté, le traumatisme a le plus

souvent lieu chez des personnes jeunes or l'acquisition du capital osseux se termine au début de la

vie adulte [24] et la consolidation est affaiblie par la diminution/absence de contraintes sur l'os.

L'ostéoporose de la population générale s'explique par différents facteurs [21,25,26] dont une

diminution des contraintes biomécaniques de traction-compression sur l'os (immobilisation,

moindre mise en charge, action musculaire minorée), la quantité et l'action de certaines substances

(hormone parathyroïde, calcitonine, vitamine D activée, ostéoprotégérine,...), la modification

26

Page 30: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

structurale et neuro-vasculaire du collagène. Ils induisent un déséquilibre tel que la résorption

osseuse (activité ostéoclastique) est supérieure à la formation d'os (activité ostéoblastique).

Elle est majorée chez la femme et par différents facteurs de risque: inactivité physique,

vieillissement, pic de masse osseuse diminué (traumatisme durant la jeunesse), ménopause,

carences protéiniques et vitamino-calciques, médicaments (corticoïdes), antécédents familiaux...

N. présente donc une grande prédisposition à l'ostéoporose.

Chez le blessé médullaire, la déminéralisation osseuse est exclusivement sous-lésionnelle

[27]. Elle est rapide et importante (30% selon Dauty et al.) en période aigue post-traumatique (6 à

18mois), principalement du fait de l'alitement et de la latence avant la rééducation active. Au delà

de cette période, elle diminue mais reste chronique. Son étendue est fonction du niveau lésionnel

alors que son intensité est sensiblement invariable (la déminéralisation osseuse est équivalente dans

les membres inférieurs des tétraplégiques et paraplégiques). Elle ne semble pas non plus être

fonction de la gravité de la lésion (pas de différence significative au niveau la déminéralisation entre

blessés médullaires complets et incomplets) [28].

Comment expliquer la déminéralisation osseuse du blessé médullaire en phase chronique?

L'hypothèse la plus souvent avancée est l'absence de contraintes mécaniques sur l'os. Or il

est démontré que la verticalisation, passive ou active avec l'aide d'orthèse, n'a pas d'effet sur le

capital osseux, quelques soient sa durée et sa fréquence. L'action musculaire ne semble pas non plus

en cause puisque la spasticité n'a pas d'effet protecteur et des patients ayant pratiquement une

motricité normale voient tout de même leur masse osseuse diminuer la première année. Enfin des

blessés médullaires ASIA D, marchants, avaient une masse osseuse inférieure à celles de patients

non neurologiques alités sur de longues périodes. Il est tout de même important de signaler que la

verticalisation précoce en phase aiguë semble diminuer le phénomène initial sans compter ses

nombreux autres intérêts (posture, aide au drainage vésico-sphinctérien et à la ventilation, lutte

contre le risque de phlébite). De plus, la contrainte augmente le capital osseux des zones saines

(membres supérieurs des paraplégiques). Enfin, l'électrothérapie [29] peut avoir un effet en sous-

lésionnel à condition qu'elle soit très importante (1,5 fois le poids du corps sur le tibia).

Mais d'après Minaire et al. et Chantraine et al. les contraintes mécaniques sont un facteur

mineur de ce phénomène. Le principal facteur serait la lésion du système neurovégétatif,

notamment sympathique. Elle conduirait à des stases vasculaires par ouverture de shunt

intraveineux dans l'os. Ces stases sanguines diminueraient les apports nutritifs et les échanges

gazeux, provoquant la transformation des cellules mésenchymateuses en cellules ostéoclastiques.

27

Page 31: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Cela expliquerait pourquoi les zones métaphyso-épiphysaires des os longs, hautement vascularisées,

constituent le siège préférentiel des fractures chez le blessé médullaire.

Il existerait aussi des facteurs cellulaires (neuromédiateurs transmis par les nerfs sensitifs à

l'os) et hormonaux (leptine, adiponectine, insuline, hormone de croissance GH, hyperparathyroïdie,

...) jouant un rôle dans le phénomène ostéoporotique du blessé médullaire [30].

Il faudrait donc orienter le patient vers un médecin pour un traitement pharmacologique. Le

kinésithérapeute peut tout de même éduquer le patient à un régime alimentaire adapté.

L'électrothérapie semble avoir un effet bénéfique mais elle est trop ciblée pour le grand nombre de

muscles paralysés et l'importance de la contrainte ayant un action induirait un risque d'hypertrophie.

Pour d'autres complications, l'éducation semble primordiale dans la prévention. Une

affection chronique implique une rééducation à vie pouvant être délaissée (faute de temps, ...). Il est

essentiel qu'en dehors du contexte de soin, le patient soit acteur de sa prise en charge.

5.7. L'éducation

L’éducation thérapeutique naît de l'hypothèse «qu’une personne progressant dans ses

connaissances sur sa maladie et sa prise en charge augmentera sa capacité d’auto-soins et son

observance thérapeutique» [31] et gérera donc au mieux sa vie avec une pathologie chronique.

Depuis 2007, la Haute Autorité de Santé met l'accent sur celle-ci dans un but d'amélioration

de qualité de vie de personnes atteintes d'affection de longue durée et de diminution du coût de la

prise en charge de ces pathologies (réduction de la morbidité et des hospitalisations).

L'amélioration de la prise en charge d'une blessure médullaire et donc l'allongement de

l'espérance de vie a induit une hausse de la morbidité. Le pourcentage de ré-hospitalisations liées

aux complications varie entre 15 et 25% par an. Hors le coût financier, l'hospitalisation entraîne une

désadaptation à l'effort mais aussi une rupture avec la vie socioprofessionnelle. Les principales

complications mises en cause sont cutanées, urinaires, osseuses et respiratoires.

Pour mettre en place une éducation thérapeutique, il est nécessaire de faire au préalable un

bilan éducatif. Il peut avoir deux dimensions: l'évaluation de ce que fait le patient par rapport à ce

que lui a été prescrit ou celle de l'autonomie des choix et des réalisations dans sa prise en charge. La

mise en place de l'éducation doit prendre en compte ce bilan mais aussi les complications de la

pathologie et les besoins rencontrés chez la population blessée médullaire.

Des études [31] montrent que le principal besoin exprimé par les patients est un besoin

28

Page 32: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

d'information sur les essais thérapeutiques, le vieillissement et les possibilités rééducatives dont

éducatives. Les besoins éducatifs se portent sur les troubles vésico-sphinctériens, cutanés,

musculaires et la pratique d'une activité physique. Ces besoins évoluent en fonction du délai post-

traumatique. Les premières années, les questions se poseront entre autre sur la sexualité, le sport et

la condition sociale (aides humaines, techniques, financières, possibilités professionnelles), c'est-à-

dire sur le «maintenant». En vieillissant, les interrogations du présent résolues et le handicap

accepté, le souci se portera sur les complications à long terme de la blessure pour minimiser les

conséquences parfois mortelles. Il n’apparaît pas certaines thèmes importants comme les troubles

cardiovasculaires ou osseux dans les besoins exprimés alors que ce sont de réelles complications. Il

est donc nécessaire de les expliquer afin que le patient en ait conscience et les prenne en charge.

L'hygiène corporelle et de vie: l'état cutané et des ongles est quotidiennement surveillé. La

peau bénéficie d'une aération suffisante. Les escarres sont prévenues par des changements de

positions réguliers (toutes les dix minutes au fauteuil par des push-up, toutes les trois heures au lit),

des massages réguliers des zones d'appui et des tissus (vêtements, draps) ne présentant pas de plis.

La prévention des pathologies d'épaule en dehors des séances est notamment obtenue grâce au

recentrage actif de la tête humérale dans la glène lors des push-up.

Des mesures diététiques visent une alimentation équilibrée évitant la prise de poids et prévenant le

risque de pathologie cardiovasculaire, non pourvoyeuse de constipation, favorisant l'évacuation des

selles (aliments riches en fibres, pruneaux, jus d'orange, ...), riche en apports calciques et de

vitamine D. L'hydratation est suffisante.

Une activité physique est nécessaire, associée à un travail ventilatoire améliorant l'oxygénation des

tissus. N. doit donc être encouragée à poursuivre le handi-sport.

Le retour veineux peut être amélioré par une déclive nocturne mais il faudra être prudent

lors du lever du fait du risque d'hypotension orthostatique.

Le positionnement correct au fauteuil et entretien: fauteuil et coussin sont adaptés aux

besoins et entretenus (coussin anti-escarre pour N., nettoyé régulièrement, gonflement des grandes

roues et roulement des petites pour ne pas augmenter le coût énergétique de la propulsion,...).

Les urines sont surveillées et évacuées dans de bonnes conditions: N. devra réaliser

quotidiennement cinq à six sondages pour assurer une vidange complète et sécurisée. Ils sont

précédés d'un lavage de main efficace. L'apparition de douleurs, de fièvre, de mictions anormales

est surveillée. L'évacuation des selles est quotidienne, réalisée à heure fixe.

La spasticité est combattue (prévention des épines irritatives).

29

Page 33: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

VI. CONCLUSIONVI. CONCLUSION

La prise en charge de N. oscillait entre espoir de récupération et préparation de l'avenir

adapté à la situation de handicap.

Différentes techniques permettent d'améliorer les performances mais dans le cas d'une

affection de longue durée en phase chronique, le maintien d'un état de santé optimal et durable me

semble aujourd'hui être la priorité. Or tant que N. n'aura pas fait son travail de deuil et n'acceptera

pas son «nouveau corps», il semble irréaliste qu'elle apprenne à vivre autrement et avec son

handicap.

La masso-kinésithérapie, incluse dans une équipe pluridisciplinaire, est essentielle dans la

prise en charge de la paraparésie mais son aspect ponctuel ne lui confère qu'une action au second

plan. De plus, la chronicité de la pathologie peut parfois amener le patient à délaisser un temps

voire abandonner le traitement. Le blessé médullaire jeune et autonome doit donc être l'acteur

principal des soins au quotidien. Ainsi l'éducation est le point primordial que je retiens pour une

telle stratégie thérapeutique.

Ce travail m'a apporté une connaissance plus approfondie de la blessure médullaire mais

aussi une prise de recul par rapport à mon rôle de masseur-kinésithérapeute trop centré sur les

séances. J'ai appris à me tourner vers le quotidien de la patiente afin de transférer les acquis en

séances dans sa vie «hors-soin», de lui apprendre à vivre autrement et de pérenniser sa prise en

charge.

30

Page 34: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

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iii

Page 37: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

ANNEXESANNEXES

Echelle de déficience ASIA (IMOP 1994)

A: complète . Aucune fonction motrice ni sensitive n'est préservée au niveau des segments

sacrés.

B: incomplète . La fonction sensitive, mais non la fonction motrice, est préservée en dessous

du niveau neurologique, en incluant les segments sacrés S4-S5.

C: incomplète . La fonction motrice est préservée en dessous du niveau neurologique et plus

de la moitié des muscles-clefs en dessous de ce niveau ont une cotation musculaire

inférieure à 3.

D: incomplète . La fonction motrice est préservée en dessous du niveau neurologique et au

moins la moitié des muscles-clefs en dessous de ce niveau ont une cotation musculaire

supérieure ou égale à 3.

E: normale . Les fonctions motrices et sensitives sont normales.

Annexe I

I

Page 38: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Radiographie du rachis de profil (J+3ans)

Annexe II

II

Page 39: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Radiographie du rachis de face (J+3ans)

Annexe III

III

Page 40: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Scanner dorso-lombaire (J+2ans)

Annexe IV

IV

Page 41: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Bilan articulaireJ+ 3ans et demi

HANCHE Gauche Droite Flexion, genou fléchi 125° 130°Flexion, genou tendu 125° 130°Extension, genou tendu 20° 15°Abduction 35° 40°Adduction 25° 25°Rotation latérale 35° 35°Rotation médiale 30° 30°

GENOU Gauche DroiteFlexion, hanche fléchie 140° 140°Flexion, hanche tendue 110° 120°Extension 0° 5°Rotation latérale 20° 20°Rotation médiale 20° 20°

TALO-CRURALE Gauche DroiteDorsi-flexion, genou fléchi 10° 10°Dorsi-flexion, genou tendu 5° 5°Flexion plantaire 40° 40°

PIED Gauche DroitSouple Souple

MP HALLUX Gauche droitExtension 45° 45°

Annexe V

V

Page 42: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Bilan musculaireJ+ 3ans et demi

Evaluation en sus-lésionnel: BREAK- TESTAucun déficit

Evaluation du niveau lésionnel: TESTINGMuscle Gauche Droite

Iliopsoas 4 5Sartorius 5 5

Evaluation en sous-lésionnel: HELD ET PIERROT DESEILLIGNYMuscle Gauche Droite

TFL 2 2Moyen fessier 2 2Petit fessier 4 4Pelvi-trochantériens 4 4Adducteurs 5 5Grand fessier 3 2Quadriceps 5 4Ischiojambiers 4 0Tibial antérieur 2 0Long extenseur de l’hallux 0 0Extenseurs des orteils 0 0Court fibulaire 0 0Long fibulaire 0 0Triceps sural 0 0Tibial postérieur 0 0Fléchisseurs des orteils et de

l’hallux

0 0

Annexe VI

VI

Page 43: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

Score ASIA

J+ 3ans et demi

Annexe VII

VII

Page 44: Des bilans aux moyens kinésithérapiques: établir une

WISC II

Annexe VIII

VIII