dérivation vs flexion - règles

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L1 UE202 Morphologie1 - 1 - ML Knittel, S. Lignon et F Namer

2. RÈGLES MORPHOLOGIQUES FLEXION ET DERIVATION

1. INTRODUCTION Une règle morphologique est une règle qui met en relation deux unités morphologiques : (i) soit deux lexèmes ; on parle alors de morphologie constructionnelle [ou dérivationnelle] (1) TENDRE TENDREMENT Le terme constructionnel s'explique dans la mesure où ce type de règles a pour vocation la construction de nouveaux lexèmes. (ii) soit un lexème et ses mots-formes ; on parle dans ce cas de flexion [ou de morphologie flexionnelle] (2) TENDRE => tendre, tendres On peut également considérer que la morphologie flexionnelle met en relation un grammème et ses mots-formes : (2’) LE => le, la, les mais nous ne nous en occuperons pas ici. 2. TERMINOLOGIE 2.1. Notion de base Le terme base permet de désigner le lexème en tant qu'élément sur lequel s'applique une règle morphologique ; dans les exemples ci-dessus, le lexème TENDRE est utilisé comme base. Après application d'une règle morphologique, on obtient : (i) soit un lexème construit [ou dérivé] : TENDREMENT (ii) soit un mot fléchi (c'est-à-dire un mot-forme) : tendre, tendres 2.2. Procédés de construction En français, il existe quatre types de règles de construction majeurs : (i) Règles d'affixation : • La préfixation se réalise par l'ajout d'un segment (le préfixe) au début de la base : (3) UTILEAdj in- INUTILEAdj • La suffixation se manifeste sous la forme de l'ajout d'un segment (le suffixe) à la fin de la base : (4) TENDRE -ment TENDREMENT (ii) Règle de conversion : La conversion consiste à construire un lexème à partir d'une base, mais ne fait pas intervenir de matériel supplémentaire : (5) IMPERMÉABLEADJ IMPERMÉABLEN (iii) Règle de composition : La composition construit un lexème par combinaison de deux lexèmes-bases : (6) CHOUNom, FLEURNom CHOU-FLEURNom Parmi ces opérations, la conversion et l'affixation sont aussi appelées règles de dérivation ; une règle de dérivation ne fait intervenir qu'une seule base. De ce fait, on oppose traditionnellement la composition, qui fait intervenir plus d'une base, aux autres règles.

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2.3. Règles flexionnelles En français, la formation de mots fléchis (ou mots-formes) ne se réalise que par suffixation : (7) PORTER => portent (8) CHIEN => chiens L'ensemble des mots-formes correspondant à un lexème est appelé paradigme. 2.4. Le domaine de la flexion : règles et réalisations Soit les deux mots-formes choux et clous : (9) a. choux - catégorie : Nom - trait grammatical : [+Pluriel] b. clous - catégorie : Nom - trait grammatical : [+Pluriel] Ces deux termes appartiennent à la même catégorie, et possèdent le même trait grammatical [pluriel]. On observe cependant que les mots-formes ne sont pas obtenus de la même manière à partir du lexème. En effet, la réalisation de chaque pluriel est différente : (10) a. chou-x

b. clou-s Pour rendre compte de ce phénomène, faut donc distinguer la règle morphologique de pluralisation d'un nom, qui s'applique dans les deux cas, et la façon dont ce pluriel se manifeste. En d'autres termes, on peut dire que la même règle morphologique résulte en deux réalisations différentes de ce trait grammatical. (11) CHOU =>-x choux[Plur]

CLOU =>-s clous[Plur] Pour CHOU et CLOU, la même règle s’applique : c’est la règle de pluralisation. Pour CHOU, la réalisation de cette règle, c’est l’ajout d’un x Pour CLOU, la réalisation de cette règle, c’est l’ajout d’un s. Nous sommes donc conduits à distinguer les règles et les réalisations de ces règles. Une même règle peut aboutir à diverses réalisations. 3. RÔLES DE LA MORPHOLOGIE CONSTRUCTIONNELLE ET DE LA MORPHOLOGIE FLEXIONNELLE 3.1. Les informations manipulées par les règles flexionnelles ne sont pas sémantiques L’apparition d’un affixe flexionnel donné sur un item donné ne fait jamais apparaître de changement de sens ou de catégorie. (12) a. JAUNE => -s jaunes[Plur] Adjectif Adjectif b. CHANTER => -ent chantent[Ind ; Pst;3°;Plur] Verbe Verbe En fait, les informations fournies par les affixes flexionnels sont d’ordre grammatical ou syntaxique car elles sont dictées par la mise en contexte du mot forme : elles apparaissent

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lors de la mise en rapport du mot-forme avec les autres mots-formes de la phrase. Ainsi, l’adjectif va varier en genre / nombre car il est mis en rapport avec un nom qui a un certain genre et un certain nombre : il s’agit du phénomène d’accord : (13) a. un pull bleu / *bleus / *bleue / *bleues b. une veste bleue / *bleus / *bleu / *bleues c. des gants bleus / *bleue / *bleu / *bleues La morphologie flexionnelle doit donc être associée au domaine de la syntaxe (règle de combinaison des mots et groupes de mots entre eux) et de la grammaire (règles régissant le fonctionnement de la langue). Variation contextuelle (mot-forme) : Les traits grammaticaux sont dépendants du contexte phrastique ou discursif : temps et mode du verbe, accord sujet verbe, accord déterminant nom, et adjectif – nom dans le GN. Flexion inhérente (lexème) : Les traits flexionnels qui ne subissent aucune variation, quel que soit le contexte d’apparition du mot-forme. En français, le genre des noms est une information inhérente. 3.2. Les règles constructionnelles servent à former des lexèmes nouveaux. Un lexème construit se distingue de sa base par le fait qu’il a une valeur sémantique différente, et faisant intervenir celle de la base. Accessoirement, deux lexèmes peuvent également se distinguer par leur catégorie. L'ensemble des lexèmes, construits et non-construits, constitue le lexique. 4. PROPRIÉTÉS DES RÈGLES CONSTRUCTIONNELLES 4.1. Que fait une règle de construction de lexèmes ? 4.1.1 Aspect sémantique Les règles constructionnelles agissent prioritairement sur le sens : contrairement à la flexion, une règle constructionnelle crée un lexème dont le sens présente une variation, même minimale, par rapport au sens du lexème-base. (14) UTILEAdj in- INUTILEAdj [non utile] Cette variation sémantique apparaît clairement en contexte : (15) : travailler est utile ≠ travailler est inutile (16) PLUMENom -age PLUMAGENom [ensemble des plumes] Le sens morphologique d’un lexème construit par dérivation ou composition se définit toujours par rapport au sens de sa base. Une même règle constructionnelle donne à voir le même rapport de sens entre chaque dérivé et base des couples de lexèmes qu’elle met en relation : PLUME/PLUMAGE, BRANCHE/BRANCHAGE, FEUILLE/FEUILLAGE, CORDE/CORDAGE, OUTIL/OUTILLAGE… Nage = « ensemble des N »

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ATTENTION : Glose d’un lexème construit : doit être en conformité avec la catégorie grammaticale de celui-ci (il doit être possible de remplacer, dans un contexte phrastique, le lexème construit par sa glose, et conserver la grammaticalité de départ). 4.1.2. Aspect catégoriel Dans la mesure où elles agissent sur le sens, les règles constructionnelles créent des lexèmes dont la catégorie peut être différente de celle des lexèmes-bases : (17) RAPIDEAdj -ment RAPIDEMENTAdv [de manière rapide] (18) PLANNom -ifi PLANIFIERVerbe [organiser, régler selon un plan] (19) BALAYERVerbe -age BALAYAGENom [action de balayer] (20) POUSSIÈRENom dé- DÉPOUSSIÉRERVerbe [ôter la poussière] Ceci indique que toute règle constructionnelle sélectionne le type de bases sur laquelle elle opère et exerce des contraintes sémantiques et catégorielles sur le lexème qu'elle construit. 4.1.2. Aspect formel Une règle se manifeste formellement par une marque, par exemple un suffixe, un préfixe. Cette marque s’applique au radical de la base, c’est-à-dire la forme phonologique du lexème : (21) DANSERVerbe -age DANSEURNom /dãs/ /dãsœʀ/ Remarque : le radical d’un verbe régulier est la séquence phonique la plus longue partagée par toutes les formes conjuguées. Par conséquent : - le radical d’un verbe comme DANSER est /dãs/ (cf ex (21)), - le radical d’un verbe comme FINIR est /fini/ - alors que le radical d’un verbe comme COURIR est /kuR/. Le cas des verbes non réguliers sera examiné plus tard. 4.2. À quoi s’applique une règle de construction de lexèmes ? Une règle constructionnelle s’applique à un lexème (la base). Ce lexème peut-être une unité non construite : un lexème simple (PLANNom > PLANIFIERVerbe). Mais la règle peut s'appliquer à un lexème construit, qu'elle va employer comme lexème-base : (21) a. ALPHABETNom -ique ALPHABÉTIQUEAdjectif -ique est un suffixe adjectival : il réalise une des règles de formation des adjectifs à partir de bases nominales.

b. ALPHABETIQUEAdj -ment ALPHABÉTIQUEMENTAdv -ment un suffixe adverbial : il réalise une des règles de formation des adverbes ; dans cet exemple, il s'applique sur un adjectif lui-même construit. (22) a. BOIS Nom dé- DÉBOISER Verbe

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dé- est un préfixe verbal : il réalise une règle de formation des verbes, à partir notamment, de bases nominales (« DÉBOISER qqc » : « priver qqc du/des bois »).

b. DÉBOISER Verbe -age DÉBOISEMENT Nom -ment est un suffixe nominal : il réalise une règle de formation des noms à partir de bases verbales (« le DÉBOISEMENT » : « l’action de déboiser », et s'applique ici sur une base construite. Remarque : attention, -ment de DÉBOISEMENT n’a rien à voir avec -ment de ALPHABÉTIQUEMENT !!! 3. RÉCAPITULATION (i) Une langue se compose (entre autres) : - d’un lexique : ensemble des lexèmes que l’individu locuteur de la langue connaît ou est capable de comprendre sans les avoir jamais vus auparavant, et qu'il est capable d’utiliser. - d’une grammaire : règles de fonctionnement qui permettent d’assembler de manière organisée et cohérente les différents mots-formes. (ii) Places de la morphologie flexionnelle et de la morphologie constructionnelle - Puisqu’elle permet de composer des lexèmes nouveaux, la morphologie constructionnelle contribue à la construction du lexique. - Puisqu’elle intervient lorsque s’instaurent des rapports entre les mots-formes, la morphologie flexionnelle relève de la syntaxe. Étant des formes différentes d’un même lexème, les éléments formés par flexion partagent avec celui-ci leur catégorie et leur sens. Deux formes fléchies d’un même lexème ne diffèrent l’une de l’autre que par les traits grammaticaux.

EXERCICES

EXERCICE 1 : (i) Quelle est la (ou les) catégorie(s) grammaticale(s) des mots-formes suivants ? Comment sont-ils formés ? Relevez les phénomènes de construction et de flexion. (ii) Faites toute remarque que vous jugerez nécessaire. En particulier, signaler les cas de flexion inhérente, relever les cas éventuels de variation du radical des lexèmes intervenant dans la formation des séquences ci-dessous. Représenter vos réponses sous forme de tableau, suivant l’exemple ci-dessous : Mot forme/traits L1 : Lexème

correspondant/cat/trait inhérent

Règle de construction L2> L1

L2 : Lexème base, sens construit de L1

redisons/mode=ind, tps=pst,per=1, nb=pl

REDIRE, V préfixation en re-V V

DIRE, V, Redire = « dire à nouveau »

enterrer largement grande regardons atterrir incapable plumage skieur rugissement griffures douceur farineuses écrivais

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EXERCICE 2 : Quels sont les traits flexionnels inhérents qui caractérisent les noms ? les traits grammaticaux qui caractérisent les mots formes nominaux ? Même question avec les lexèmes et mots formes adjectivaux ? Même question avec les lexèmes et mots formes verbaux ? Pour chaque lexème adjectival ci-dessous, donner la liste des mots-formes qui lui correspond : Y a-t-il variation en nombre et/ou genre à l’oral ? à l’écrit ? Vous répondrez sous forme de tableau, en suivant l’exemple ci-dessous : Adj Type de

réalisation Masc Singulier

Fem Singulier

Masc Pluriel

Feminin Pluriel

Modèle

noir Oral Ecrit

nwaʁ noir

nwaʁ noire

nwaʁ noirs

nwaʁ noires

1111 1234

FIN, CALME, GRIS, ADJECTIVAL, JOLI, VIEUX, BESTIAL, LAVABLE, GRAND, FOU, SEC, GRAND, LONG, BON, PLAN, PLEIN Conclusion : combien de classes de flexion identifiez vous chez les adjectifs du français, si on tient compte à la fois de l’écrit et e l’oral ? Même question avec les noms : VACHE, BOIS, CHEVAL, CHOU, ŒUF, TRAVAIL, CASSEROLE, PRIX, VEAU, ŒIL, BOEUF Même question avec les verbes (1er groupe, présent de l’indicatif) : DANSER, MANGER, APPELER, APPUYER, GELER, AIMER, GRINCER, Conclusion : combien de classes de flexion identifiez vous chez les adjectifs ? Même question avec les noms : vache, prix, cheval, chou, œuf, travail, Même question avec les verbes (1er groupe, présent de l’indicatif) : danser, manger, appeler, appuyer, EXERCICE 3 : Observez les lexèmes des colonnes 2, 4 et 6. Que pouvez-vous dire du genre des noms obtenus par préfixation (colonne 2) et suffixation (colonne 4 et colonne 6) Le genre dépend-il de la règle morphologique ? du genre de la base ? 1 2 3 4 BASE PREFIXÉ BASE SUFFIXÉ (une) SCÈNE (une) AVANT-SCÈNE (une) PLUME (un) PLUMAGE (un) TOIT (un) AVANT-TOIT (une) GRILLE (un) GRILLAGE (un) VÊTEMENT (un) SURVÊTEMENT (un) RAYON (un) RAYONNAGE (une) ENCHÈRE (une) SURENCHÈRE (un) VOLT (un) VOLTAGE

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5 6 BASE SUFFIXÉ (un) ROSIER (une) ROSERAIE (une) CANNE (une) CANNAIE (une) FOUGÈRE (une) FOUGERAIE (un) HÊTRE (une) HÊTRAIE EXERCICE 4 : Supposons que les lexèmes SCHTROUMPF et SCHTROUMPFER existent. On ne sait pas ce qu’ils veulent dire, mais on sait que le premier est soit un nom, soit un adjectif, et que le second est un verbe. Proposez une définition des lexèmes ci-dessous, tous construits sur la base de SCHTROUMPF ou de SCHTROUMPFER en vous fondant sur leur construction morphologique. Vous vous aiderez de la variation de sens et de forme observée en général avec d’autres lexèmes (attestés, eux) construits apparemment de la même façon. Par exemple, vous vous rendez compte que SCHTROUMPFABLEAdj possède la même structure morphologique (il est suffixé par /abl/ ) et appartient à la même catégorie ‘Adj’, que : LAVABLEAdj (« que l’on peut LAVER »), DOMPTABLEAdj (« que l’on peut DOMPTER »), EXCUSABLEAdj (« que l’on peut EXCUSER »). Donc : SCHTROUMPFABLEAdj : « que l'on peut SCHTROUMPFERVerbe » (Attention : Contrairement à l’exemple ci-dessus, la base n'est pas toujours un verbe !!!) HYPERSCHTROUMPFAdj SCHTROUMPFIERNom, mas SCHTROUMPFAIREAdj ARRIÈRE-SCHTROUMPFNom SCHTROUMPFEURNom, fem PORTE-SCHTROUMPFNom mas SCHTROUMPFISERVerbe