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Alb. PONCELET, S. I. LA VIE ET LES OEUVRES DE T11IEIt1IY PE FLEURY Extrait des Analecta Boilandiana, tome XXVII • (BIALIOTHÈQUI - BRUXELLES IMPRIMERIE JOSEPH POLLEUNIS 45, Rue Sans-Souci, 45 1908 I Document 1 II J! II II I! III III! 11111 JOlI 1H 0000005548125 - Il

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Alb. PONCELET, S. I.

LA VIE ET LES OEUVRES

DE

T11IEIt1IY PE FLEURY

Extrait des Analecta Boilandiana, tome XXVII

• (BIALIOTHÈQUI-

BRUXELLES

IMPRIMERIE JOSEPH POLLEUNIS

45, Rue Sans-Souci, 45

1908

IDocument

1II J! II II I! III III! 11111 JOlI 1H0000005548125 -

Il

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LA > VIE ET LES OEUVRES

DE

THIERRY DE FLETJIRY

Outre soit nom, Thierry de Fleury a reçu jadis, par suite de jene sais quelles confusions, les qualifications de Thiefry d'Hersfeld etdeThierry de Saint-Alban de Mayence; naguère, feu Ihnimier s'avisaitde l'appeler Thierry d'Amorbach, et c'est sous ce nom que nousl'avons présenté à nos lecteurs .11 nous fqut revenir sur lui une foisencore; nous croyons d'ailleurs et même nous espérons que ce nesera pas la dernière.

Jusqu'à ces tout derniers temps, les historiens et les bibliographesmodernes semblaient ne connaitre qu'un seul ouvrage de Thierry,savoir l'Iiiatio S. Benedicli (= .BHL, 1122), et Potthast, parexemple, n'en signale pas d'antre (1). Wattenbach (2) et après luiM. 6.Scbepss(3) ayant attiré l'attention surun second ouvrage, encore

'inédit., une Expositio in epistolas cai/i.olicas, Dimm1er se servit desdeux pour tracer de la vie, jusqu'alôrs si obscurément connue, dumoine Thierry, une esquisse aux lignes sommaires, il est vrai, maissuffisamment 1&mes (4). Un troisième ouvrage de notre auteur,, laVie tIc S. Firmar)us de Fermo (HIlL. 3001), rencontré lors de lapréparation de la Ilibiiotheca hagiographie,« latine, nous permitbientôt d'ajouter ii cet essai quelques traits nouveaux et certains (5).Depuis, en poursuivant la rédaction de la flibliMheca, nous avonseu l'heureuse surprise de mettre M main sur deux autres écrits sortisde la main de Thierry. Et ce n'est pas- tout. L'un des deux nousFait connaitre quatre récits hagiographiques composés par le même

('I) Bibtiot brou ftLstoiica mcdii aevi 2, p. 1056. -(2) Dentschiands Geschichts-queilen. t. 115, p. 100, noie 3; t. 110, p. 110, note 4. - (3) Neues A rchiv derGeselischa[t far 'Utere deaisciie Geschiohtskunde, t. XIX, p. 221. - (4) ijeber

- Leben

•,,,,i,J

Schrjfien tics Mâuclies Tleeoderic/i (von Amorbaoh). Berlin. 1894, n-4°,38 P.P . PilÉbosOi'iiISGIiE UND J!ISTORI5(:IIE .kIIIIANDLUNGEN DER KNiGL1dHENÀKAniuitE OEil WISSENSCHAFTEN 7.0 REFILIN, 1804). - (5) An(d. Bot!., cxvii!,P. 2-29. I)epiiis que ces pages ont pani, j 'ai Iô assez heureux pour retrouver 'eruanuseri t u en lonileirde » dont i] est question p 25 e notes, lignes 2-3; c'est leVaticanus 7810, duNI" siùcle. La Vie de S. VirmamLs par Thierry se lit f. 54-611.

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6 LA VIE ET LES OEUVRES

auteur, et s'il Faut, après bien des recherches, nous contenter decette simple indication il n'est pas interdit d'espérer q'u'on par-viendra quelque jour à retrouver un ou plusieurs de ces ouvrages.Peut-étre rencontrera-t-on aussi, en inventoriant les collections demanuscrits, un autre tra'i'té, signalé par Trithèrnc et qu'on avaitperdu de vue dans ces derniers temps. -

Ainsi, au lieu d'un seul ouvragé sorti de la plume dé Thierry, envoilà dix. En attendant que de nouvelles découvertes permettent defaire mieux, il semble que ce soit -le moment de dresser, au moinsprovisoirement, son ca/ atogus operum et depréciser, dans la mesuredu possible, les détails biographiques fournis par les op?sculesactuellement retrouvés.

Rappelons sommairement, quitte à y revenir tantôt plus en détail,les grandes lignes de la carriêre de Thierry, telle qu'elle nous étaitconnue. Prêtre et moine de l'abbaye de Fleury ou Saint_Benoît:sur_Loire, il quitte la F'rancd en 1002 et fait le pèlerinage de Rome;de là, il se rend au Mont-Cassin; enfin noirs le retrouvons, au plustard en 4018, dans l'abbaye d'Amorhach, en Basse-Franconie. Les deuxnouveaux opuscules que nous avoiÉ à revendiqu p r pour lui, datent deson séjour à Borne, et l'un d'eux est, sinon le premier qu'il ait écrit,du moins le plus ancien de tous ceux dont le souvenir soit parvenujusqu'à noirs et dont la daté soit certaine. C'est une Vie .du papeS. Martin (BHL. 5596). L'auteur se nomme lui-même et donne, surson travail, les renseignements essentiels dans la Préface (1), qu'ilest nécessaire de transcrire ici en grande partie. Après avoir célébré,en quelques phrases, les louanges de la Borne papale, Thierrycontinue

l-lace pic perpendens atque contemplans permodicumego monachici propositi gerulus necnoh et sacerdotalisordinis baiulus Theodoricus, pro nimio fidelium meorumintuitu, uno servitore comite contenUs, de Galliarumpartibus Romam veni peregrinus; cumque apostolorumlimina per ustrassem et aliquamdiu ibi moras fecissem,coeperunt me canonici Sancti Petri omnimodis, quiasciolum me esse credidelunt, implorare, quatenus proptercaritatem fraternitatis pci-que oboedientian meae pro-fessionis perlegere atque inspicere non pigeret Vitamsancti ac magnifici viri Martini, non illius toto orbimirabilis Turonici, quin illius potins qui secundumelcctioncm Doinini romanae et apostolicae seçli pçntifex

(t) Publiée par MAI, Spieiieçjiva Ronzanwm, t. IV, p. 293-95.

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DE THIERRY DE FLEtJRY

est universalis inthronizatus. Dicebant namque, quod etveritas probat, habere se quaedam gesta illius, sed intantum rusticano stilo praevaricata atque falsata, quaedoctas aures terrerent potius quam mulcerent. 1-luiustamen praevaricationis notam non auctori sed scriptoriadsignabant. Quisoam umquam illitteratus grammaticaeartis expers ad declaranda tanti vin .merita manum mit-tere praesumpsisset? M impetranda autem quae prae-fatus sum nonnisi ab illo sciebam lied ppsse, qui nihilnon potcst et sine quo esse nihil potest. Quapropter acsi in meditullio quodam anxietatis positus opellam dedipromptulo precamine ciere ilium in omnibus. Cumquemuitotiens inertiac pudorem humiliter luis obiecissem,.mepeccatorem, meimperitumacciamans, tandem eorumplis devictus precatibus parere pro posse promisi , dicens» Grave quoque onus et meis praeponderans viribus

invalidis quoquo modo nitor imponere umeris; magis-que censco ruborem confusionis incurrere quam vobis

» non oboedire. En dumtaxat tenore tantum opus aggre-dior, ut, si qua mihi emendatione digna rusticequeprolata occurrerint, litteratoria abigam disciplina;

» quac autemaequa et convenientia, laudabiliten acci-» piam. Huius sane initium opens iuxta sensus dum-taxat veritatem ita se habet...

Cette Vie de S. Martin se trouve mentionnée dans la préface d'unautre écrit hagiographique du même auteur, la Passion des 5,5. Try-phon et Respkiius (BHL. 8.340). Mais ici ce n'est pas Thierry qui tientla plume, officiellement du moins., La préface (1) est ou se donnecomme étant d'un prêtre romain, nominé Léon, lequel commence parexpliquer comme quoi il est parfois utile et nécessaire de,retoucher,d'après les lois de la grammaire, d'anciens écrits qui se trouvaient

wdepravala per iiuriant et temeritateni. Celâ dit, il présente mixlecteurs le « médecin » qui va soigner et guérir de la sorte la Passiondes 55. Tnphon et Respicins: -

Est nempe Theodericu file monachus ac sacerdospercgrinus atque diutius viscerum cruciatibus confectus,qui ante raros annos Vitam cemposuit beati Martinipapae iucundius, necnon et alla opuscula in bac urbe

(1) Publiée ibid.. p. 91-93; réimprimée dans N tGN, P. G.. t. V, p. 1 7344. Maireproduit le texte du Vaticanes 1102 Le tin'', tic S. Tryphon y est écrit, dans le titre,sous la Conne Tri/i (gêniti; ritals les lettres sont quelque peu enchevêtrées etMai a lu, par erreur, Rufi. -

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8 LA VIE ET LES OEUVRES

Romana positus conscnpit diiigèntius; qui cuntfratrumrogatu aliquid dignum scriptitasset commndandurn.baud fuco aliquo usus dicendi nec phaiera pretiosorum

• - verborum, sed hurniilimo narrationis gencre, quod Graeci. tanc(vwrnv yocant, ob commune auditorum atque lecto-

• rum commodum subulco prosceutus est stilo. Scripsitquoq uc. ut mùltoruni fatetur auctoritas elegantissimum

• et omni veneratione digniirn de saiictis quadragintamartyribus sermonem. Conipinxit practerea passionembeatorum martyrum Anthimi soeioruitque dus hexa-inetris intersertam versiculis. Memoriam quoque nuper-

• rime haudquaquam vilipendendam eclidit, qualiter caput- eximium martyris Darniani Romanis illatum est saeptu-

lis. His addendum non superfluum videtut quod et rusti-cano crmofie transiationem patefecit sanctorum Christiathietarum Basilidis, Tripodis et Magdalis. Ego quoque

• Leo, quamquam minus idoneus, superna tamen faventeclementia presbyter etsacerdos, memoratum ionachum

•coepi:pro Christo amare ardentius, non ob hoc tantum• quod videbatur sciolus, quin immo quia testimonium

habuit bonuin ah omnibus, quod esset huius saeculi mi- -micus et mundus illi. esset crucifixus. Nameius infirmi-tati assidue compasus hospitio ilium .recepi omniumnostrorum primus eiusque inc interesse disputationibus

• gavisus sum sedulo. Cumque illi compertum foret quodessem etiam cottidianus beati triumphatoris Christi

• Respicii titularius (i) eiusque servitor indefessus. coepit• a me disquirere utrumnam beatus martyr suae passionis

esset insignitus memorica1ibus, an faceulentia ruituraprae manibus mundi historia, omnino chronographisdeficientibus, careret. Cum beatum Christi pugillatoremproprios responderem habere titulos « Veiim s, ait iile,« videre stih probandi gratia. s Qui eum citius primae

• pagellac campos percurreret « Habemus nactam s,inquit, « occasionem'qua de agresti atque insulso pul-

n mento fas noNs sit laceratum facere cibum. Nams amarissimas proiciamus coiocynthidas et mèllifluas

pro illis inseramus herbas, ut, sicut indoeti scriptoresde bono fecerunt maium, sic et nos de maio nitamur

s facere bonum, ipsius fulti Jevamine, sine , quo nihils possumus facere.

—(1) Nous n'avons pas retrouvé jusqu'ici de sanctuaire dédié à Borne fi S. Bespicius.

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DE THIERRY DE FLEU*Y

Que le personnage dont il s'agit clans les deux prélces soit noireThierry de Fleury, on n'en saurait douter.

Le signalement concorde, on ne peut mieux, avec ce que noussavions déjà. C'est un nommé Thierry, prêtre et moine, d'humeurvoyageuse, qui est venu de France à Rome, et a du talent et du goûtpèur les travaux littéraires.

Les dates ne font pas obstacle, bien au contraire. L'auteur de laVie de S. Martin BHL. 5598 est postérieur au 1X6 siècle, puisque,comme nous le verrons, il connait et transcrit la traduction qu'Aha-inse le Bibliothécaire avait faite, vers 875, de divers documentsrelatifs au saint pape (fl.1Jt. 5592-5594; d'autre part, il est au pinstard du XI siècle, car nous possédons encore ait deux manu-scrits de sa T'ita S. Martini datant de cette époque (1).

Mais surtout les ouvrages eux-mêmes ressemblent singulièrement,par toute une série de détails, aux écrits déjà connus de Thierry.Même langue d'abord. Partout oci Thierry ne se contente $s de-transcrire ses sources, on reconnail. aussitôt, entre les cinq opusculesdont le texte a été retrouvé, une parenté remarquable. On le voit,notamment, aux assonances par lesquelles l'auteur termine souvent,quoique pas uniformément du reste, les membres de phrases, defaçon à donner nue impression analogue à celle que produit la proserimée. On le voit aussi à la prédilection qu'il montre pour les mots,sinon tout â fait insolites, du moins peu usités, pour certaineseNpressions recherchées et presque prétentieuses. Par exemple, dansla Vie de S. Martin manu clsrvifkn'a., monacluci propositi gerwlnnecwn et saceniotails ordinis baiulus, rusticavo .çtilo. in. medituliioquodain an.vietatis positus (prol.), ephebus, sophiae motinrtna (2),inî.peditionis inonda (ch. 1), pnuientiae scaipello, diaiecticorutn .stro-,plias (eh. 2», genieuiatim: acciinus (eh. 4),. tendiculis aeternae perdi-tionis (ch. 5)...; dans la Passion des 55. Tryphon et Respiciusgranimatico sale conditos icctores, grctinmaticae diiigentiae cnbro,ab onini mtiorum, iolio, pba.tea pretiosorunt verborum, subulco stilo,nze?nora1n.. . . bond viiipendeiuiam (8), rusticano .çernzone, fac culent inntiticra pae ,nanibii.s inundi historia (4), laceratum cibum (prol.)...

(4) rit s. des archives de Saint-Pierre au Vatican, À. 5, f. 407', ins. des archives (tuLainai, À. 80. f. 9-W:']- (2) hierry use abondamment (les substantifs en -amen,par exemple con flagramen (Illation (le S. itenoit. eh . r); npituta,nen (Vie deS. Firmanu s, eh. '1). oro.vien (ibiiK, pro].), precamen (Vie de S. Macrin, pro].),sjecutan,en, entctuanien (Commentaire sur les épîtres catholiques, prol.; DÛMMLER,t.. e. 29), etc., etc. — (3) Cf. dudum non vihpensus (Vie de S. Firmanus, pro].); etquasi vi!ipensis (Comment. sur les épîtres Canoniques, pro].; l)tiMMLun, t. C. P. 28);et ei.ns inunera. vilipendist.i (iime Commentaire; DÛMNLER, p. 33); vilipendistis(ibid.. p. T,). — (4) Cf. Comment., sur les épîtres canoniques Nostr/s modo fece-

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10 LA VIE ET LES OEUVRES

L'examen du prologue de cette dernière Passion nous a même amenéà nous demander s'il a vraiment été rédigé par celui qui est censé yparler, savoir le prêtre Léon, et non pas plutôt par notre Thierry. Ilest sûr que c'est bien son style, et l'on y retrouve même des expres-sions qu'on avait rencontrées ailleurs sous sa plume

nwnurnenla '(patncm) suqillare (Passion de S. rfrp!o prol.);stuc insugillabuli (Vie de S. Firmanus, pro!.);

?zrn.phiboturn est tiiema sequentis opens (Passion de S. 't'ryphon,prol.); aniphibota oc potius apocnipha (Vie de S. Firmamis, pro!.);

•quod videbattr sciolus (Passion 'de S. Tryphon, pro!.); quia mesciolum esse.crediderun.t (Vie de S. Martin, pro].);

ipsius fulti levantine, sine quo nihil possurnus were (Passion (leS. Tryphon, pro].); divinitotis favente cle;nentia, sine qua nihilfacene valenins (Vie de S. Firmanus, prol.); cf. quant quan. minusidoneus, superna tarnen favente clementia, preshyter... (Vie deS. Martin, prol.).

De plus, le prologue de la Passion (le S. Tryphon se termine parune sorte de dialogue entre Thierr y et celui qui l'a engagé à écrire cetouvrage; or c'est là tout juste un trait qui distingue trois des quatreautres prologues qui nous sont parvenus, ceux de l'iiiatioS. .lienedicti,de la Vila S. Firnzani, de la iito, S. Martini.

Enfin, tout l'ensemble de la Vila S. fifartini et de la Passio55. Tryphonis et 1?espicii répond exactement, à ce que nous pouvonsobserver ailleurs, savoir dans !a VitaS. Finnani, quana à la manièrede travailler du moine Thierry . Pans le prologue de ces trois pièces,il (lit tout le mal qu'.il peut des ouvrages qu'on lui a demândé deremanier et de corriger, il en exagère à plaisir les défauts, et, cepen-dant, pratiquement, il se borne à transcrire littéralement ou peu s'enfaut les documents qu'il avait si fort décriés, quitte à corriger çà etlà quelques fautes, à remplacer un mot ou un bout de phrase par deséquivalents, et à ajouter parfois un paragraphe ou même plusieurspages remplies par des développements d'une absolue banalité. Nousavons sommairement indiqué ('I), quant à la Vila S. Finnani, lesrapports de cet ouvrage de Thierry avecla biographie écrite par un,qrdmrn.aticus nominatissirnus, dont il avait pris sur lui de corrigerles défauts; Je grammaticus, notamment, était verbeux :prolixosennone. Thierry abrégea parfois son modèle, bien qu'il lui soit arrivéaussi de l'allonger. C'est le seul point sur lequel la Vila S. Firniani

lentis temponibus (OÛMIiLEri,p. 15, note 'I); iIlation de S. Benoit Nvpev qvoq»enost,'û que propenwdum faccetentis tenipwibus (DÙMMLER, p. 26, in). (1) Anal.Boit, t. XVIII, p. 26, note.

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DE THIERRY DE FLEURY IX

ne ressemble pas aux deux autres écrits hagiographiques qui nousoccupent: il n'y avait pas lieu de condenser ni la Vie de S. Martin,ni la Passion de S. T.ryphon. A part cela, Thierry a procédé dans lestrois cas absolument . de la même manière.

Prenons la Vie de S. Martin (MIL. 5596). La teneur, du texte queThierry avait à reviser était, parait-il, in tantum rusticano sUiepracvaricaia atqne falsala, quae doctes auves terreront potins qwnnnrulcereni. Ces défauts, iI.est irai, on en rendait responsable non pasl'auteur de l'ouvrage, mais le copiste du manuscrit. Comment, nousdit-on, un illettré peu au courant de la grammaire aurait-ii cil laprésomption de vouloir écrire la vie d'un si grand homme? Or, à encroire Thierry, l'exemplaire était horriblement corrompu; car seulle Tout-Puissant pouvait donner à l'écrivain les forces nécessairespour y remédier. Lui-même, incapable de porter sur ses faiblesépaules un si lourd fardeau, était plongé dans une anxiété profonde.Nous verrons bientôt ce qu'il en faut penser. En somme, tout l'opus-cule peut se répartir en trois séries : quelques paragraphes ont étérédigés par Thierry lui-même; quelques autres sont la transcriptionde la notice consacrée à S. Martin dans le Liber pontificalis ( JUIL.5505); tout le reste est la reproduction des récits sur l'exil et la mortdu pape, tels qu'ils ont été traduits du grec par Anastase le Bibliothé-caire (JuiL. 5593. 5594). Voici le détail.

Vila S. Martini, eh. l-V : Thierry raconte lenfance du pape, sesétudes, son élection, et fait l'éloge de ses vertus. A part deuxdétails, qu'il a pris dans le Liber pontificatis, savoir que Martinétait originaire de Todi et qu'il succéda au pape S. Théodore,tout le reste est parfaitement banal.-

Ch. VI-IX au milieu : Transcription, après quelques'mols de raccord,de la notice du Liber pontificalis. Thierry, corrige çà et làquelques fautes, transpose, omet ou ajoute certains mots; mais,en somme, il transcrit littéralement. Tout au plus insère-t-il, auch. 8, un développement pieux et banal.-

Ch. IX au milieu-ch. XXIII et première phrase du eh. XXIV :Transcrip-tidn de la traduction d'Anastase. depuis la première lettre dupape (MENS, P. L., t. CXXIX, col. 587n : Cum etirem ahceclesia ... ) jusqu'aux deux tiers environ de la Conîmenzoratio(Miarr, t. c., col. 509À). Naturellement partout où, dansl'original, soit le narrateur, soit le pape parlent' à la premièrepersonne, Thierry a pratiqué les modifications nécessaires pourdonner à son remaniement l'allure du récit fait par un tiers. Iciencore, il a corrigé, changé, ajouté, retranché quelques mots;mais, au fond, il transcrit textuellement sa source.-

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12 LA VIE ET LES OEUVRES

Ch. XXIV, XXV, banalités insérées par, Thierry.Ch. XXVI. La parue essentielle est tirée, parfois mot à mot. de la

Cominemm'atio (MIGNE, t. e., 599 n-600 n); le reste est banal.

On voit que l'ouvrage de transcription auquel s'est livré notrehomme, n'était pas si formidable, même pour de faibles mains.L'exemplaire qu'il a si copieusement lransriu était-il, du moins,aussi incorrect que Thierrv veut, bien le dire? Je n'en crois rien. Ilsuffit de mettre en regard son texte et le texte des éditions modernesdes documents qu'il a copiés, pour s'assurer qu'il a dû avoir à sa dis-position lin manuscrit à tout le moins très passable. On le verra rienqu'à ces deux exemples, pris dans les deux sources d'où dérivel'ouvrage de Thierry.

LIBER PONTII'ICALIS

lluius temporibus PaulusConstantinopolitanac urbis cpi-scopus, inflatus superbiac spi-ritu adversus rectum(aLrcctam)sanctae Dei ecclesiac dogma.audacter pracsumpsit paternisdefinitionibus contraire: insu-per studuit ad coperirnentumproprii errons quibusdam sub-reptionibus, ut et cicmcntis-simum pnincipem(al.clernentis-simo principi) suadere tvpumexponere, qui catholicam dog-mam (al. catholicum dogma)distrueret: in quo typo omnesomniuo voces sanctorum pa-trum cum ncfandissimorLlmhereticorum dietionibus ener-vavit. nec unam nec duasVolufltates aut operationcs inChristo domino nostro definiensconfiteri. Qua de te huiusinodipravitatern suam defendens,quod numquam nec a prioribusbereticis praesumptwn cst,ipscinlicite praesumere studuit intantum, ut altare sanctae

TinEgay, ch. vi

T Iorum autern signifer etpraevius quidam extitit PaulusConstantinopolitanae urbis cpi-scopus, qui antiqui serpentissibilo illectus atque superbiacspiritu inflatus adversus rectasanctae eccicsiae dogrnata au-dacter praesumpsit paternisdiiEnitionibus contraire: insu-per studuit ad cooperimentumproprii errons quibusdam su-brcptionibus, ut cicmcntissimojSuaius: dementissirnojprincipisuaderet typum, hoc est mon-bum inventac haenescos, publi-care. quo catholicum dogmadestruereu. in quo typo omnesomnino voces sanctorum pa-trum nefandissimoruryi hacreti-corum dictionibus enervavit,nec unam nec duas voluntatesaut operationes in Christodomino nostro diffiniens confi-tcni. Qua de ne huiusmodi pravi-tatem defendens, quod num-quam nec a pnionibus haereticispiaesumptum est, ipse illicite

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IDE THIERRY IDE 1'LE(J1tY

nostrue sedis, qui erat in domoPlacidiae sacratum in venera-bili oraculo, subvertens deripuit...

praeurnere sftiduit, in tantuinut altare sanctae Romanacecclesiac, quod erat in domoPlacidiae sacratum in venera-bili oratorio, subvertens diri-puent.

En supposant même que Tliierry ait eu sous les yeux un exemplaireoù le texte du Liber pontificalis avait conservé sa rudesse originellePt n'avait pas reçu les corrections grarnmatcales qu'on remarquedans de nombreuses copies anciennes, on se demande s'il fallàitvraiment un secours si extraordinaire du Toul-Pui ssant pour faire lesquatre ou cinq changements qu'il a apporté à son modèle. Laquestion se pose bien davantage encore quand on compare son texteavec celui d'Anastase.

ANASTASE (P. L. CXXIX, 595 c)

Suscipientes ci-go eum carni-fices exuerunt extenius eiuspallium sacendotalis stolae, etscindentes alas tunicae, quaeerat intenius a summo usquedeorsum, cincun)posuQrunt Fer-rea vincula in sanctam eiuscervicem, et per otnne corpuseius trahentes cum vi, nonconcesserunt penitus ci alicubiresidere et aniniam refocillàre,sed a paiatio duxerunt eumpublicantes et dehonetantesper medium civitatis ad praeto-rium, et gladius cqram eu. Eratautcm dolor magnus beato ilIiet inenarrabilis; oppido enifncrat fessus et infirmus, praetantis meommodis futurus re-linqùere animam a pressurapassion-uni et tenuitate cor-poris.

THiERRY, ch xx

Suscipientes ergo cqrnifieesbeatuin episcopum exueruntilluin pallio sacerdotalis stolae,et scindentes alas tunicae dus,quae erat interius a summousque deorsum, circumposue-runt ferrea vincula in sanctameius cervicem, et per oinnecorpus traxerunt eum cum vi;et non conccsserunt ci penitusalicubi residere et animam refo-cillarc. Duxenunt autem illuina palatin, publicantes et deho-nestantesper inedium civitatisusque ad praetonium, et gladiuscorain co. Erat autem virobeato dolor maguius et inenar-rabilis; op.pido enfin erat fessuset infirmus prae tantis incom-modis futurus reddef'e animama pressurà nimiaruin pas sionurnet tenuitate corporis.

Les derniers mots, dans lesquels Anastase décalqué le texte grec aupoint de compromettre, en latin, 1 a correction grammaticale, n'ont

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14 LA VIE ET LES OEUVRES

pas ému Thierry. Et cc n'est pas le seul cas voir, eh. xxi futuruspati per giadium; eh. xxii quomodo non haheret eum suscipere;eh. xxui fecit a.utem athleta Christi Martinws in. codeni Diornedisergastulo octoginta qu.i9rque dies, etc., etc. C'est que, après tout,Thierry s'est contenté de copier rapidement les textes qu'il avait sousles yeux, en corrigeant les fautes les plus évidentes. Nous avonsencore d'autres preuves de ce travail hâtif et qui n'a pas dû, quoiqu'il en dise, lui coter beaucoup de peine. Ainsi, l'auteur de la Coin-menwralio, qui avait accompagné ait un temps le pape Martinet in de ses yeux une partie des faits qu'il raconte, dit quelque part(P. L., CXXIX, 591 A-B) Haec in mente habens ego huniilis etpecca-for fa.muius vestei' quaedant quidem ext crins sollicitudine mullaaddiscens, plurim.orwn auteni pro prie con.!en?.plator factus, indignusniinisterii beatissmmi et pretiosz sacerdotis nostri, ivdicavi litterisrem inisci...Thierry qui transcrit moi à mot ce passage, omet sansdoute les mots indignus... nostri., qui auraient fait de lui un familierdu pape martyr; mais soit a des limites, et il conserve lesmots qui semblent faire de lui un contemporain de S. Martinplurimoru.m proprio con fen7plator factus (eh. xv). Ailleurs, il necomprend visiblement pas ce qu'il lit. L'auteur de la Gornmemoratioavait écrit et navigantibus, sicut scitis, euntibusque. iuxta Avidumin jugulant quae vocatur Naxos (P. L., t,. e., 592 A); et voici ce queThierry fait d'Abydos (Avidum), au ch. xvi et navigantibus quan-tocius euntibus que ovni aviditate in insula quae vocatur Naxos...

Le travail auquel il s'est livré pour arranger, à son goût, la Passiondes SS. Trphon et Respicius n'a pas dû non plus lui demander desefforts bien notables. Ce n'est pas son avis à lui, il est vrai. Commeon lui remettait le texte à remanier, il déclare gravement à la tin duprologue Habenius nactani occasionem, qua de agresti algue insulsopulmento tas nobis sit facere cibum. Nain amavissimasproiciantus colocynthidas et meliifluas pro Wlis inseramfts herbas,ut, sicut indocti scriptores de bmw fecerunt na1um., sic et nos de malonitarnur facere bonum, ipsius fulti levamine, sine quo n lvii possu-mus facere.

Ces scriptores indocti sont évidemment les simpiices scriptoresmentionnés au commencement du prologue, c'est-à-dire les copistesqui avaient contaminé, par des fautes de grammaire, les textes qu'ilstranscrivaient. Il est bien sûr que les opérations culinaires dontThierry parle en termes si pompeux se sont bornées, au maximum,à la correction de ces fautes de transcription. Je dis aitcar je soupçonne que le bonhomme se vante ici encore, et de fait, sontexte concorde si parfaitement avec la teneur desVies plus anciennes

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beatus puer ReChristi divinisis, bd- laudibus,bonus batur a

t'n matit, cabaturEucharia, sua, no

s'

hE 'rHIERRY D} FLEUaY

d'où il a été transcrit, que la quantité de coloquintes dont il adébarrassé le ragoût et le nombre d'herbes fines qu'il y a incorporés.ont assurément très minimes. On s'en convaincra rien qu'à parcourirles deux ou trois passages cités ci-après.

En tête de la Passion des 55. Tryphon et Respicius se lit un pro-logue, dont nous avons transcrit la partie essentielle. La Passionelle-même débute par un paragraphe qui semble avoir ét rédigé parThierry et qui équivaut à peu près, comme étendue, au vingtièmede tout J'ouvrage. C'est un développement assez banal sur ce thème,qu'annoncent les premiers mots Suepe divina consuevit clemen liain (encra adh.u.5 parva que «claie v.berrimo pracrogalivac donc sibiplacita.m tiiu.ffiave in fantiam.... L'auteur cite, à titre d'exemple,Samuel, Salomon, Jérémie, Daniel, et arrive finalement aux deuxsaints Tryphon et Respicius. --

Suit le récit Cum que venerabilis puer..., qui reproduit., avec deminimes changements, les premières pages de lâ Passion Mit. 8330,la plus ancienne, semble-t-il, parmi les légendes latines de nos deuxsaints. Je transcris le commencement, en mettant en regard du textede Thierry (BHL. 8340) non seulement la légende Mit. 8330, maisencore une troisième recension, BUt. 8839, dont il sera bientôtquestion.

8339

slalirn post prolo gum

Igitur duinfan tutusTriphon ingratia yen &use arborifructus, traditus esta matre sua sanctis-sima, nomme Eu-charia, cuidam virereligioso, qui eumdie noctuquc in Deiac Domini Salvatorisamore sapientissi-me roborabat'. FI occum ficret, ut osten-deretDominuscuius

8336 (837)

ipsuin initium

Cum venerabitispicius in.

xercereturcastifica-

nominenutriebatûr a quo-dam sanctoetcatho-licissimo sacerdote,qui eum secundumapostolicam doctri-nam apprime insU-tuit, sine intermis-sione divina magna-lia psallci'c fecit,sicque puerilem de-

8340

Post iflitl.11 In

Curnque venera-buis puer Respitiusin divinis exercere-t<ur> studiis, castifi-

Ka> matremine Eucha-

i-ia,nutriebatura quo-dam sancto et catho-licissimo sacerdote,qui cuir secundumapostolicain divinaminstituit legcm, sinein.termissione divins.magnalia psallere fe-cit, sicque puerilemdevotionemin Christi

m esset

'rohoraret J'aIic. 6076.

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M

LA VIE ET LÉS OEUVRES

8339

menti esset puerille praecipuus, cumdeambularet cumcoaetaneis suis an-forum fere duode-clin, unus ex ipsisserpentino ictu per-cussus venit ad inter-lem. Cumque pa-rentes et propinquianxiando quacre-rent medendi gra-tiam nec inveuirevalerent, coepit cia-mare qui scuhivivusiacebat et diccre...

8336

votionem in Christicantate firmavit.Cumquc factusessetannorum duodecim,die quadam cumbeato Tniphone ac-que in Christi fideperfecto aliisque CG-

acaulcis suis tudurnexcrcente, unus exipsistactusestmorsuserpentis lia ut peni-ciitaretur usque admortem. Currcnsvero un us de pusillisnuntiavitparen.tibuseius qui percussusfuerat. Curnque ulu-latum non mitai-muni parentes pueniob infortunium cumlacnimis dedissent.bonis quasi tribustransactis, coepitpercussus vocifera-re, dicens...

8340

cantate <firmavit>.Cumque factus essetannoruin duodecim,die quadam cumcoae-vulis suis ludum exer-cens, unum ex ipsistactus morsu serpen-tis ita ut periclitareturusque ad mortern.Currens vero unus depusillis nuntiavit pa-rentibus eius qui per-cussus fuerat. Cuin-que eiulatum nonminimum parentespueri ob infortuniumcurn lacrimis dedis-sent, bonis quasi tri-bustransactis, coepitpercussus vociferani,dicens...

On le voit, autant les textes 8336 et 8339 diffèrent entre eux, quantà la teneur verbale, autant 8336 et 8314) sont semhlables, polir rie pasdire identiques. Ii en est de mème dans la suite, environ jusqu'aupremier quart dit récit. Puis tout change subitement, ill'intérieurmême d'une narration, savoir peu après le commencement du para-graphe ofi l'oii montre S. Trvplton convertissant à la Foi chrétienne lepraeses païen Lucius. Après avoir transcrit les premières phrases dece récit dans BHL. 8336, Thierry, sans transition aucune, poursuitet termine la narration en copiant (depuis Ail /lacc eliant fannilusDoinini ... ) la fin du texte parallèle tel qu'il se lit dans BHL. 8339(1).

(t) Il se peut d'ailleurs que Thierry se soit borné à copier un exemplaire danslequel la combinaison des testes hilL. 8336 et BIIL. 8339 aurait déjà été faite, flansce cas, le tra yait de Thierry aurait été plus matériel encore que 'ions nc le supposons.

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bE ]HLiRHY DE VLEIJRY 17

8339.-8336

Queni cum prac- Egressus auternses intuitus esset praeses dixit Beneprocidit ad pedes venistis. servi Dei.illius. clicens Ne Sancti autem Deiindignent, fanu1us hoc modo responde-Domini quod ves- runt: Deus illurninettros misimus cerne- sensus animae tuaere vultus. Non lice ut cognoscas mi-enim fastu elationis, rabilia deitatis suae.seèl gralia egi diL Dixitquepraeses:Di-lectionis: Ad haec cite, hommes Dei,etiam famulus Do- infantiuni habitu in-mini Gratia, in- duti. sed seniorumquit, aeterni regis, prudentia decorati,qui tibi contulit nos unde hoc menus vo-videre, ipsa cordis bis accident. Adtui oculos illumi- hacc beatus Triphonnuit dignetur, ut ad iespondit Possidetviam veritatis, quae nos Christuspergra-Chiistus est, perve- tiam Spirites sancti,nias, quatenus cac- Lit faciumus homini-lestia gaudia sine bus qui adhuc ion-fine possideas. Gui ge ab illo sunt ma-praeses Credo enim nifestam divinitatisin Domini poten- suae viitutem cuitiam, quoniam' qui- te oportet credere,dem ideo te permi- praeses, ut, ielictasit ad me venir e, ut superstitione idolo-tuis sanetis molli- rum, gaudia sempi-tis lucretur animam ternavaeasadipisei.mtam. Tanturn 2 Praeses dixit : Cre-quaesooaproinead do in Deum omni-Dbminum, ut per te potentem, qui perad eius fidem perve- servos sucs tantanire merear. Tunc mirabilia operatur,expandens manus daemones de oIses-suas beatus Triphon sis corporibus fu-ad Domnum et 3 di- plis, tenebras men-xit : Piasmator ani- tium illuminans Et

8340

Et egressus praesesdixit: I3enevenisti,virDei, Sanctus Triphonrespoudit : Dominusillumine sensus ani-mac tuae ad viden-dummirabiliudeitatissuae. Dixilque prae-ses Die, homo Dci, in-fantis habitu indutus,sed seniorum pruden-lia deeoratus, undehoc munus possides?Ad <haec> etiam 'fa-mulus Domini : Gra-tia[m], inquit, aeterniregis, qui tihi contulitnos videre, ipsa coi-distui ocdlos illuminare£gnetur. ut ad viamveritatis, quae estChristus, pervenias,quatenus caelestiagaudia sine fine pos-sideas. Gui praesesCredoenimin Dominipotentiamn, quemqui-dem ,ideo te permisitad me venire, uttuissanctis monitis lucre-tur - animam meai-n.lantuni, quaeo, orapro me ad Doniinum,ut perte ad eius fidempervenire merear.Tunc expandens ma-nus suas beatus Tri-phon ad Dominum etdixit: Plasmatot' ani-

'sic 1,'aUc.6076;quandoVaflic.JX-qtje add.Vatic,6076.—ow. J'aiic. 6076.ANAL. BOL!., T. xxvu. 2

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tg LA VIE ET LES OEUVRES

8339 8336 8340

marum et corporumDeus... Quid plu-ra, ctedidit inDomi-num lesum Chri-stum praeses cumtota domo sua, etin sancta confessic-nepermansit.

bis dictis baptizatusest ipse et tota farni-lia cius credentes inDeum Salvatorem.

marum et. corporuniDeus... Quid plu-ra, credidit in Domi-num lesum Chri-stum praeses cumtota domo sua, etin sancta ebnfessio-ne permansit.

Désormais et jusqu'au bout, Thierry suit pas à pas et, en somme,mot à mot, la recension MIL. 8339, laquelle est notablement pluslongue ou, pour mieux dire, plus diffuse que la Passion MIL. 8336-37.

Ici donc, comme dans la Vie de S. Martin, comme dans la Vie deS. Firmanus, Thierry se montre toujours je même, réduisant aitminimum son travail de rédaction, Ihisant ii peu près uniquementoeuvre de copiste, tout cii exagérant formidablement et les défunts desdocuments qu'il avait entrepris d'améliorer, et les efïorLs dépenséspar lui pour ce faire. C'est une raison de plus Poli' identifier sanshésitation le moine Thierry, auteur des deux autres pièces, avecThierry de Fleury à qui nous devons la Vie de S. Firm:mus. -

li résulte de làqu'il faut porter encore au compte de Thierry de.Fleury les quatre autres opuscules qui lui sont attribués dans lapréface de la Passion des 55. Tryphon et itespicius; l'exactitude del'attribution ne peut, en effet, Ihire aucun doute, l'auteur de lapréface étant ou Thierry lui-môme (1), ou le prêtre Léon qui avail.hébergé le moine voyageur et avait souvent conversé avec lui.Malheureusement, toutes les recherches quej'ài faites pour retrouverces quatre ouvrages, non seulement â la bibliothèque Vaticane, maisencore dans les autres bibliothèques de Borne et d'ailleurs, n'ont pasabouti jusqu'ici.• Après ce que nous avons dit des procédés littéraires de l'auteur,on ne regrettera sans doute pas excessivement de ne pouvoir lire sousermon sur les quarante martyrs de Sébaste et sa Passion de

'S. Anthirne. En revanche, il a chance que l'on trouve des renseigne-ments intéressants dans les deux autres opuscules, qui pourraientbien ne pas être des remaniements, niais des récits originaux, etqui concernent (les faits d'ailleurs peu connus ou même inconnus latranslation du chef de S. Damien et celle de S. Basilide et de sescompagnons.

(t) Soir ci-dessus, P. W.

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DE THIERRY DE FLEURY 19

Il reste, en outre, au moins encore un ouvrage à retrouver. Sonexistence ne nous est révélée, il est vrai, que par un témoin tardif etsouvent peu sûr; mais dans le cas présent, il semble bien qu'on peuts'en rapporter A lui avec confiance. Trithè,ne mentionne notre Thierrydans plusieurs doses ouvrages. A quatre endroits, il l'ait son éloge etsignale quelques-unes de ses oeuvres; mais, chose curieuse, chaquefois il lui attribue des qualifications différentes. Dans son Catalegusiti'ustvivm vn'orum Gernmiiam suis inqeniis illwstrantium (1), quidate de 11191, il Lsisail de Thierry un moine de Saint-Mban deMayence.

Theodoricus monachus coenobii Sancti Albani mar-tyt'is apud Moguntiam, ordinis divi patris l3enedieti, virin divin.is scripturis studiosus et eruditus et in saecula-ribus littei'is egregic doctus, philosophus et poeta clarissi-mus, ingenio subtilis et ciarus eloquio, fertur quaedampraeclara scripsisse opuscula, quibus memoriam suicommc.ndavit: E quibus extant subiccta Ad Richardumabbatern Fuldcnsem de vita et miraculis sanctissimipatris 13encdicti liber t; de ti'anslatione quoqueeius inGalliam' ad eundem liber I ; cpistolarum ad diversesliber I. Carmina quoquc multa et varia edidit, sed etaliacomplura, quae ad manus nostras adhuc minimevenerunt. Claruit sub Hennco imperatore secundo, regeaulem huius nominis tertio, anno Domini M.XL.

Bientôt, à ce qu'il semble, Tt'ithime se convainquit que le philo-sophe Thierry, moine â Saint-Alban, ne pouvait ôtre identifié avecl'auteur des ouvrages cités dans la notice ci-dessus (2). Voici donc

('I) Iohannis Tritltcmii... opera histo,'ica, cd. M. Fiwnsnus (I?rancofurti, 1601),pars 1, p. 13!. ' - (2) Dc fait, tans son grand C/h'onicon Ilirsaupiense, qui date de1511, Trith&rne mentionne le philosophe Thierry, moine à Saint-Alban, mais il luiattribue une toute autre série d'opuscules (Joannis Trithewii... tomus I Annatiumllirsan.giensiutn. 1600. p. 127) Ris etiam t.emporibus [an. 085] cIa ru it in hzunanisTheodoricus monachns et scholasticus coenobii Sancti Albani nartyris propeMoqnntian. vit' tani in d.ivinis scripturis qua,n in saectsluri philosophiez doctis-

qui scripsit inter cetora ingclffl sui âpus ula : in Gantica cdntitorumIibi'nni ununi; in evanqetium secundum loannem commentarios elegantes tom-posait; succes,çiones qnoque et pesta praesuhsm Moguntinensium usqese ad suatempora bravi et utili cornpendio continuant. On trouvera une notice semblabledans la première rédaction de la chronique, écrite par Trithèrne en 1503; soir l'édi-tion des oeuvres (te Trit.hème par Fretter, t. 11 (1601), p. 30. Dans les deurrédactions, 'rrithème, sans se rétracter formellement, u cependant corrigé ettransformé, d'après (le nouveaux renseignements, ce qu'il avait écrit précédeni-ment.

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20- LA VIE Et T.E ŒUVRE

comment il remania 'cette notice au eh. 342 du Liber de ecciesiasticisscriptoriints (1), écrit en 1492.

Thepdoricus monachus ordinis s. Benedicti, nationeTeutonicus, vir in divinis scripturis eruditus et in secu-laribus litteris nobiliter doctus, ingenio subtilis et claruseloquio. Fertur non spernendac lectionis quaedam opu-scula scripsisse, de quibus ad meam notitiam paucapervenerunt. Legi tantumad Richaidum abbaterfi Fui-d en sem

De vita S. Benedicti lib. J. « Cum caelestium sacramen ,»De transatione corpôris eiusdern lib. I « Cmii diu gens

Longo.Epistolarum ad diversoslib. T.Alia quoque tafn metro quam prosa plura composuit.

quae ad nos non venerunt. -C1arui sub Hcnrico 1-ege tertio, anno Dornini MXL.

Peu après, i',-itliAme répél.ait, avec quelques modifications, cettemême notice, dans son De vi-ris illustribus Ordin.is S. Ilenedieti,]ivre il, eh 86 (2). Thierry n'était plus un simple « moine allemandsans domicile; on lui donnait, Pieu sait pour quelles raisons, l'abbayed'il ersfeld comme lieu de séjour.

Theodoricus inonachus Fldrsfeldensis, nation,e Teuto-nicus, vir doctus et eipquens, ingenio subtilis, lcctionedivinarum scripturarum dives, scripsit ad Richaidumabbatem Fuldensem de vita et laudibus sancti l3enedictilibrutn unum: de translationc ciusdem iii Floriacumlibrum unum; de locis Terrae Sanctae librwn unum, utalia plura, quac vide.rc non rnerui. Claruit anno Dominimillesimo tricesinlo.

Que le moine Th icrry dont Tril.hème parle dans ces 1,-ois chapitressoit celui-là nième qui écrivit l'ilioiio S. flertedicti et les autresouvrages que nous savons, on n'en peut dotiler. Aussi bien l'on vragequ'il cite en premier lieu sous ] p titre, d'ailleurs inexact, De vila etmivaculis S. lienedictz, De vita S. Jienedicti on De rua et tau4ibusS. Jlenedzcti est précisément. l'lUatie S. Beucdieii, dédiée de liit

(.1) Opera. cd. Frelier, pars ],P. 26&.67 1. A. FÀnn,CIIJS, Bibtiotheca «ccicsiashca(Hamburgi. 1i28, pars III, p. 87. - (2) bannis T,-itheniii. . . opera pia et spi;-i-tuaUa. cd. I l3usÀrus (Moguntiac, 1605), p....Le P. W. A. Neunjanu a signalé cepassage dans la Theokuç1ische Qvartatsckrift, I. L (Tiibingen, 1868), P. 320.

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DE THIERRY DE FLEURY 21

l'abbé Richard, et dont les premiers uiotssont, â' une minimevariante près, ceux qu'a transcrits Trithème UI cneicsliurg sacra-mentorurn... Mais que croire des autres écrits que Trithême luiattribue ici? Il est sûr que la Translation de S. Benou qui commencepar les mots Cnm dut gens.tangobai'donin? ... '( BIffA. 1117) n'estpas de lui. La raison qu'on donnait jadis pour lui refuser la pater-nité de l'opuscule; savoir que ce dernier est en réalité soit d'Adrevald,soit d'Âdilhert de Fleurv, pour être décisive au point de vuelogique,n'est pas, il est vrai, en fait, absolument convaincante., Car on nesait pas ail juste qui n rédigé la Translation. Ce n'est pas Adrevald,sans doute; c'est peut-être, probablement même, Adalbert; maisenfln on n'a pas les éléments nécessaires pour arriver à une conclu-sion certaine et positive. Il est du moins sûr que l'auteur de laTranslation n'est pas le Thierry qui écrivit l'JllaIio. Car celui-ciquitta la France seulement en 1002, séjourna plusieurs années enltalie'et n'entra, que l'on sache, en relations avec l'abbé Richard quevers l'année 1010. Or la Translation date d'une époque antérieure,comme on peut s'en convaincre ne fût-ce que par le fait qu'on enconserve plusieurs exemplaires transcrits encore au r siècle (1).Toutefois il se pourrait, malgré tout, que Trithèn\e n'eût pas' toutâ lit tort. Supposons un moment que l'abbé Richard ait demandéà Thierry de raconter la translation. Celui-ci aurait mis S en tête deson ouvrage une lettre-préface, par laquelle 'Prithème aurait ciiconnaissance du fait que la translation a été dédiée par ThierrS tRichard. Quant au récit lui-même, Thierr y , dont nous connaissonsles procédés, aurait pu faire ici comme ailleurs et se contenter detranscrire à peu près littéralement la Translation préexistante, cellequi commence Cum diii gens .La-ngobctrdorum. Trithême qui, - onle voit par ce qu'il a fait pour l'IllaIio, - donne comme incipit lespremiers mots non pas de la lettre-préface, mais du récit même,aurait donc correctement signalé tin ouvrage (le Thierq commençantpar Cnnz clin gens... Il se pourrait en conséquence, comme nous ledisions plus haut, qu'il n'ait pas tout â fait tort. D'autre part l'hypo-thèse d'une confusion reste toujours ouverte, et il n'est pas permis dèrien affirmer au sujet de la Translation. Il faut en dire autant desautres ouvrages que Trithème attribue à Thierry (lettres, poésies,traité sur la Terre Sainte); il se rient qu'il les ait écrits, et il n'estpas inutile d'en prendre note, pour le cas où on les retrouverait un

(flCf. O. HoLnEn-EGcEB, dans MG.. Sr. t. XV, p. 480, note'; aux trois inanuscrit.sutilisés par M. 11.-E., et dont tin est du commencement 'du X siècle, on pourraiten ajouter d'autres anténeurs au X!, par exérnple Paris, Ii. N. lat. 530ft Et 127eet 5342, L 1.

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22 LA VIE ET LES ŒUVRES

jour. Mais dans l'état présent de nos connaissances, il est sage de s'entenir à cette simple possibilité.

Par contre, il semble qu'on doive se montrer' moins hésitantvis-à-vis d'un ouvrage, non encore cité, que Trithème, dans un autreendroit de la Chronique d'llirschau, met ait de Thierry..Àprésavoir parlé, ad an. 989, de l3ernward, évêquede Wuribourg(990-995),il continue (1)

• Claruit bis temporibus Theodoricus monachus Floria-censis, vir tain divinis scripturis quam in saccularibuslitteris egregie doctus, qui scripsit 'inter cetera ingeniisui opuscula duos libellos de consuetudinibus et statutismonastcrii Fioriacensis ad praenorninatum Bernwardumepiscopum; cujus opens prologus tale habet exordium.« Domino sancto ac patni in Christo allectis-simo episcoporum insigni l3ernwardo fraterTheodericus F1oacensis asyli coenobita per-exiguns De reliquis, si qua scripsit, nihil ad notitiamnostrae ,lectionis pervertit.

L'indiction fournie dans ces lignes mérite d'autant plus confianceque Trithème se borne à y transcrire un document; il n'a pas nièmereconnu, dans le- Thierry dont il avait sous les yeux un ouvrage, lemoine dont il s'était occupé jadis et qu'il avait placé tantôt àMayence, tantôt à Hersfeld. L'identification cependants'impose. NotreThierry, qui partit de Fleury pour Borne en 1002, avait fait professionà Fleury et il nous apprend lui-même, en rapportant dans le prologuede l'Iilatio S. Benedicti des paroles de l'abbé Richard, qu'il avaitvécu plusieurs années en France, c'est-à-dire sans doute à Fleurymême. Il avait été en rapport avec l'empereur Othon IIi, qui mouruten 1002. Plus tard, nous le retrouvons séjournantà Arnorbach, dansle diocèse de Wurzbourg. Est-il vraisemblable qu'il se soit trouvéparmi les moines de Fleury, à la même date, deux écrivains nomméstous deux Thierry et tous deux en relation avec l'Allemagne? Aitsurplus, dans les deux lignes qu'a transcrites Trithême, les motsallectissinius (supposé qu'il n'y ait pas là une faute de lectuie) etasyli ne sont pas pour nous étonner sous lit du Thierry, dontnous connaissons le faible pour les vocables peu ordinaires. Le prélatà qui Thierry dédia cet ouvrage, est simplement appelé, dans lepassage transcrit par Trithème; « l'évêque Bernward , sans dési-gnation de siège. .11 serait bien désirable qu'on retrouvât le texte

(J) bannis TrithemiL.. lomus 1 Anna1iurn Hirsat&gicnsiurn, p. 134.

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complet, sinon du traité lui-même, du moins de la préface; on verraitsi, en identifiant avec Bernward de Wurzbourg le prélat h qui Thierrys'adresse, Trithème n'a fait que reproduire les données du docu-ment ou s'il a recouru à quelque conjecture. L'identification estcertes plausible, non seulement par-ce que 'fritlième qui passa àWurzbourg ses dernières années, celles Llà méme durant lesquelles ilrédigea sa grande Chronique d'Flirschau, a facilement pu trouverdans cette ville mi ouvrage (lui aurait été dédié à un évêque dulieu, mais encore parce que nous savons que Thierry n certaine-ment cii des relations avec le diocèse de Wurzbourg et qu'il y a mêmevécu. Il est vrai que sa présence enAllemagne ne nous est formel-lerneni. attestée (111e vers 1010, c'est-à-dire plusieurs années aprèsla mort de Bernward de Wurxhourg. Aussi a-t-on songé à voirdans l'évêque dont il s'agit S Bernward d'J-lildesheim (998-102).« Si l'on a plus d'égard aux temps qu'a la situation des lieux , écriyaiiDoin Rivet (1), « cette dernière opinion mériterait la préférence».Il faut avouer cependant qu'aucun autre indice ne parle en sa faveur.Nous aurons bientôt à revenir sur ce point, en cherchant - ce quinous reste à faire - ce que l'enemble, provisoirement reconstitué,.des oeuvres de Thierry , fournit de données hiographiquessurle moineVoyageur.

La première question qui s'est posée, et qu'il faut examiner ànouveau, concerne In patrie de Thirry. Bisons tout. de suite que lecas n'est pas lotit à fait clair. Trithènie Fait de Thierry un allemand,natione Toulonicus; mais, jusqu'à plus ample inlbrmé, on fera sage-ment. en ne voyant là qu'une conjecture, appuyée, semble-t-il, sur ceseul fait que les ouvrages de Thierry signalés par Tiithême dans lesnotices où il affirme l'origine germanique de l'écrivain, sont dédiésà un pr(lat allemand, Richard, abbé d'Amorbach. Conjecture aussi,et conjecl.ure retirée après coup par Trithème lui-méme, celle qui ledésigne comme moine de Saint-Mbun (le Mayence (2); conjectureencore, celle qui, sur la seule autorité dc rrritlièine l'a fait longtempsappeler moine d'Flersfeld (3); conjecture, certainement mal fondée,celle qui iu amené Pierre diacre à le compter parmi les moines duMont-Cassin (4) Thierry lui-même nous apprend qu'il a séjournésans doute dans l'illustre abbaye, mais simplement en passant etcomme hôte (5); conjecture enfin, celle (lui a changé une Fois de plusl'état civil (le Thierry, quand, par une innovation peut-étre malheu-

(I) .Hist. tilt. de la Fiance, t. VII, p. 2O9. —(2) Voir ci-dessus, i 19, note 2.-(3) Cette alfi,,uation, qui ' le repose sur rien, se Ià encore dans les DeutschtanlsGeSChiC1ILWIUIIC» de, \Vuuenliacli, L. p Mis. - (4) Voir Anal. Boit., t. XVIII,p. 24. - (5) Ibid.., p. 25.

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re'ase, Dihnrnler, et nous après lui, l'avons nommé Thierry d'Amer-'bach. Certes, il a séjourné tin certain temps dans l'abba ye franco-menue; toutefois rien ne dit que, là encore, il ait été autre chosequ'un simple hôte, vivant, comme moine bénédictin, sous l'obédiencede l'abbé Richard, mais restant malgré cela membre du monastèredans lequel il avait l'ait voeu de siabilité, moine de Fleury. Lui-mêmedans la préface d'un ouvrage dont il écrivit les dernières lignes àÀmorbach même, s'est désigné par ces mots quu/ai Theodorù'us,F1oriaiensis eoenobii uwuachus et sacerdos ( 1), et nulle part, dans lasuie, il n'indique que sa situation canonique dans l'ordre se soitmodifiée.

Mais il n'y avait pas que des F'rançais qui vinssent embrasser àFleury la vie monastique, et précisément â la fin du X' siècle larenommée de l'école de 'abbaye y attirait de nombreux étrangers (2).Je citerai notamment Bern ou Bei'non, qui était moine de Fleiiryencore en 999, passa de là dans l'abbaye de Prûm et devint enfinabbé de Reichenau (S).

Moine de Fleury ne veut donc pas dire nécessairement Vraiiçais.Y a-t-il d'antres raisons pour établir que « j)jed cric ou Thiery, quo» plusieurs écrivains ('ont Al leinan, était cei'ta ii cm ent F'rariçois iii'» nation si (4)? D'après Dom Rivet (5), quelques. traits (lit «lel'Iilatio S. Benedieti suffisent à le faire constate!' « sans répliqueVoici les trois motifs développés par Rivet

P « Richard, abbé d'A niei'hac. h, p! l'avoi I engagé à I 'ciii reprei nI 113

» [cet ouvrage, savoir I'! houe I et que l'auteur y l'oit parler, rega rdoit» Biedcr'ic non seulement comme étranger par rapport à la Germanie,» où il écrivoil, mais aussi comme lié en France «JVr /1/k tuisqueIl Gahlis, lui dit-il eu parlant des talents que Dieu lui avoit donnés,s avec profusion, à lin et auN autres F'r'ain:ois, pour relever sa gloire

par leurs écrits. si - l)immler (6), qui regarde Thierry tommeétant allemand de naissance, opine que Dom liivet a mal compris lesmots 111k luis que GoUis, lesquels feraient simplement allusion à laprélï'renre que Thierr'v marquait pour les l"rancais. Geuc dernièreinterprétation n'est certes pas i mia't'r P Lhle il semble cependantqu'elle cad te moins aisément avec I.' contexte. I !a bbé I 'A mo rbaest, en effet, supposé parler à 'Fis iirry cii ces fermes (juare yron irissceniatibus n os ira n u est ru r u w que insn1irnt toi,' nnpuden 1er

(I) Cf. ci-dessus, p.Tlreodtq'icvs Floi'iact'nsis usjili coenob,tu. -- () Cf.RIVET, Hist. ÉlU, de ta Fronce, I, VI, P. 5,51 ; cf. t. VII. p ' M. -- (31 hotu ltive.iaprès avoir constaté que, de, son temps, « presque Ions les bibliographes uioderr,esle font Allemand Ife nation, opine néalinroi'rs que. • il y u beaucoup d'apparenceque Bernon était né l"rauçois , (ilisi, tilt,, t, VII, Il.37'r78i. C'est peut-être beau-coup dire, -- () Ibid., t. VII p. 29.5. -- (5) Ibid. '- (6) Op. cil.. p. 3, tinte 3.

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,erbosanilo ileluitis Poteus est enim Deus et u o h i $ ritiqua sifflelaudi non incongrue disi il tare, qui tibi tuisque Galtis tant iargi/tuedignatus est pluere.

2° e E)iederie avoir même lei 1h en l'ra nec avant que d'eu sortir,qui piures a/na/ Gatios senu.isti annos, et avait passé la puis grandepartie de sa vie à Fleuri, où il s'émit consacré à Dieu sous la règlede S. Itenoit. » - Le texte original, rétabli par, Diimmler (1) d'après

les manuscrits, porte cueinisti au lieu de senui.çti, ce qui est un peudifférent. Air on peut dire tout aussi bien, si pas mieux, àtiti qu'à un Français piure.s apud Gailos coemisti onnos, etnous venons (le rappeler que Fleury n'abritait pas seulement desindigènes.

:30 « Ajoutons à ces traits déjà décisifs, l'éloge pompeux que notres auteur fait de la Fiance, en la représentant comme le païs le plus» fertile du monde, le plus zélé pour la culture des sciences, le plus

soigneux de conserver l'exactitude de la discipline monastique,» enfin le plus riche après Home en reliques des saints. s — C'est là1111 argument de quelque valeur, mais qu'on oserait (lilfjrilementregarder comme décisif. Lin moine étranger, qui aurait vécu d'heu-reuses années en France, rie lèrait-il pas volontiers l'éloge (lit nobleet beau pays oit il a trouve mie large hospitalité?

En somme, le cas n'est pap clair et nous ne voyons pas qu'on puissese prononcer avec quelque assurance pour l'une ou pour l'autre desdeux opinons J'avoue qu'il me paiviil difficile d'admettre queEh i er rv, après avoir lait profession à Fleury et y avoir vécu Lin certaintemps, attrait quitté Fleurv et la France pourmla première lois en 1002,lors de soir à Boule. Car 011 s'expliqtterai I. difficilement alorset les relations qu'il avait entretenues, assure-t-il (2), avec l'empereur()Ihoiu III (t 1(102), et comment il lui vint à l'idée de dédier un (le SCS

(iii vrages à t'évèqtie Dciii vard (le \Vu rzbouirg (t t105). Mais on petitimaginer, ii supposaul même que Th ierry fut d'origine Française,plus d'unie explication qui rende compte de ses rapports avec laGermanie avant 100t). Il a pu quitter momentanément Fleury pont-remplirquelquemission littéraire on religieuse et visiter l'Allemagne,notamment lit diocèse de \Vtirzhourg, vers lequel nous le voyonsretourner juIns tard, après son voyage en I ta] ie. Comme nous savonsqu'il appartint quelque temps au clergé séculier avant de se lhirenioiiie. il a put aussi séjourner cri Allemagne antérieurement à sonentrée à Fleun . Qui nous dira, vu la pénurie de renseignements netset positi k dans laquelle nous testons malgré tout, qui nous diralaquelle de es h ypothèses, voire telles autres qu'on pourrait encore

(I) Voir ibid., p. 4, note O. - () CL Anal. Bot!., t. XVIII, P. 5.

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faire, répond le mieux àl'ensemble des faits connus? Tout bien cOnsi-.déni, il faut, je crois, terminer cette discussion par 'in non liqvel.

En attendant que la découverte de tel ou tel des ouvrages de Thierryqui n'ont pas encore été retrouvés, Uournisse de quoi préciser certainsMails, il y a tien de l'estimer ce que les dernièresrecherches permettent de fixer, avecplus ou moins de certitude, a.sujet de la vie et de l'activité littéraire du moine voyageur.

La Vie, d'abord.

Avant 10092, il a fait partie clii clergvi séculier.Il est devenu moine de Fleury.Il est entré en relations, probablement avec l3ernward,

évèque de Wurzhourg (t 995). certainement avec lesmoines du iMont-Cassin (1) et nième, s'il faut l'encroire, avec l'empereur Othon Ill.

En 1002, il part pour Borne accompagné d'un servileur.Il séjourne à Home quelques années.

De là il se rend ail où il ne semble pas étreresté bien longtemps.

Entre 1010 environ et 1018, on le retrouve dans l'abba ye d'Amor-bach.

Ces dates, combinées avec les données contenues dans les préfacesde ses écrits, nous permettent de dresser provisoirement, par ordrechronologique, le catalogue de ses oeuvres.Avant 995 ('1): '1° Libelli (1w) (le consuetudinibus et slatubs ,nonasteri

Floriacensis, écrits à Fleury (?) et dédiés à Bern-ward (évêque de Wurzbo(irg?).

ApMs 1002 92' Vie de S. Martin .1 pape (= .BHL. 5596);8° Sermon sur les quarante martyrs de Séhaste;4° Passion (le S. Anthinie et de ses compagnons, en

prose entremèlée (Je vers;5 Récit de la translation du chef de S. Jiarnien à Home;6° Récit de la translation de S. liasilide et de ses

compagnons. -Les ouvrages 20-6' ont été écrits à Rou le avant, le

n°7, dans la 'prélhce duquel ils seul cilés, et qui aété composé quelques années après le n' 2.

Vers 10Œ5 70 Passion des 55. Tryphou . ci Hespicius (= JUIL.8840), -écrite à Home.

(1) CL Anal-Bail., r XVIII, P.95.

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Apts le précédent

A une date incerlaine

8° Vie de S. Firmanus, abbé du diocèse deFerino (= 131111,. 3001), commencée auMont-Cassin; le dernier paragraphe ouépilogue a élé écrit ii Amorhach.

Ilia.iio S. Benedicti (= BEL. 1122), dédiéà Richard ahhé d'Amorhach,

10° Expositio in epistola g cathoiieas, dédiéeau même abbé Richard, peut-être depuisqu'il avait, cri 1018, pris le gouverne-ment de l'abbaye de Fulda.

It Récit de La translation rie S. l3enoit Ç?),dédiéaurnèmeRichard,ahhéde111idaÇ

12° De lotis ternie soneiae liber (?);13° .Epistolarum. cd dù;ersos liber (?);'14° des poésies (?).

- A. P.

Vers; 1010 clavant 1018:

Après '1018 Ç)

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