débits écologiques : la place des modèles d’habitat ...18 du code de l’environnement et...

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Hydroécol. Appl. (2018) Tome 20, pp. 1–27 © EDF, 2018 https://doi.org/10.1051/hydro/2016004 Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée Ecological flows: the role of hydraulic habitat models within an integrated framework. N. Lamouroux 1 , B. Augeard 2 , P. Baran 3 , H. Capra 1 , Y. Le Coarer 4 , V. Girard 5 , V. Gouraud 6 , L. Navarro 7 , O. Prost 4 , P. Sagnes 8 , E. Sauquet 9 , L. Tissot 6 1 IRSTEA, UR MALY, 5 rue de la Doua, CS 70077, 69626 Villeurbanne Cedex, France 2 ONEMA, 5 allée Félix Nadar, 94300 Vincennes, France 3 ECOGEA, 352 avenue Roger Tissandié, 31600 Muret, France 4 IRSTEA, UR HYAX, 3275 route de Cézanne, CS 40061, 13182 Aix-en-Provence Cedex 5, France 5 Asconit-Consultants, Parc Scientifique Tony Garnier, 6-8 espace Henry Vallée, 69366 Lyon cedex 07, France 6 EDF Recherche et Développement, Laboratoire National d’Hydraulique et Environnement, 6 quai Watier, 78401 Chatou Cedex, France 7 Agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse, 2 allée de Lodz, 69007 Lyon, France 8 Onema, pôle écohydraulique, IMFT, Allée du Pr. C. Soula, 31400 Toulouse. 9 IRSTEA, UR HHLY, 5 rue de la Doua, CS 70077, 69626 Villeurbanne Cedex, France Résumé Deux types d’approches techniques complémentaires sont utilisées pour guider l’établissement des débits écologiques, à l’échelle des tronçons de cours d’eau (ex. : débits réservés) comme à l’échelle de bassins versants (ex. : débits objectifs d’étiage). Les approches « hydrologiques » visent à quantifier les altérations de multiples caractéristiques du régime hydrologique et reposent sur l’identification (délicate) de relations empiriques entre altérations hydrologiques et biologiques. Les approches « habitat hydraulique », ciblées sur les débits bas à moyens, couplent des modèles hydrauliques et des modèles biologiques pour traduire certaines modifications hydrologiques en modification de qualité de l’habitat hydraulique pour les organismes. Elles ont parfois apporté des prédictions convaincantes des effets biologiques des modifications de débits d’étiage. Ces deux approches techniques ne fournissent pas directement de valeurs de débits écologiques. Nous formalisons ici une démarche technique de définition des débits écologiques, basée sur la comparaison de scé- narios de gestion et une meilleure combinaison des deux approches. La démarche comprend quatre étapes : (1) la description du contexte hydrologique naturalisé et actuel, des usages actuels et des scénarios de gestion envisagés (2) la description du contexte écologique au sens large, (3) l’identification des métriques pertinentes (hydrologiques et/ou habitats et/ou autres) pour décrire les effets des scénarios (modifications des usages, effets sur le milieu) et (4) la comparaison des scénarios. Cette démarche ne se passe pas d’expertise et doit Article publié par EDP Sciences https://www.hydroecologie.org

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Page 1: Débits écologiques : la place des modèles d’habitat ...18 du Code de l’Environnement et cir-culaires associées ; République fran-çaise, 2011). À l’échelle des bassins

Hydroécol. Appl. (2018) Tome 20, pp. 1–27© EDF, 2018https://doi.org/10.1051/hydro/2016004

https://www.hydroecologie.org

Débits écologiques : la place des modèles d’habitathydraulique dans une démarche intégrée

Ecological flows: the role of hydraulic habitat models withinan integrated framework.

N. Lamouroux1, B. Augeard2, P. Baran3, H. Capra1, Y. Le Coarer4,

V. Girard5, V. Gouraud6, L. Navarro7, O. Prost4, P. Sagnes8, E. Sauquet9,

L. Tissot6

1 IRSTEA, UR MALY, 5 rue de la Doua, CS 70077, 69626 Villeurbanne Cedex, France2 ONEMA, 5 allée Félix Nadar, 94300 Vincennes, France3 ECOGEA, 352 avenue Roger Tissandié, 31600 Muret, France4 IRSTEA, UR HYAX, 3275 route de Cézanne, CS 40061, 13182 Aix-en-Provence Cedex 5, France5 Asconit-Consultants,ParcScientifiqueTonyGarnier,6-8espaceHenryVallée,69366Lyoncedex07,France6 EDF Recherche et Développement, Laboratoire National d’Hydraulique et Environnement, 6 quai Watier,

78401 Chatou Cedex, France7 Agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse, 2 allée de Lodz, 69007 Lyon, France8 Onema, pôle écohydraulique, IMFT, Allée du Pr. C. Soula, 31400 Toulouse.9 IRSTEA, UR HHLY, 5 rue de la Doua, CS 70077, 69626 Villeurbanne Cedex, France

Résumé – Deux types d’approches techniques complémentaires sont utilisées pour guiderl’établissement des débits écologiques, à l’échelle des tronçons de cours d’eau (ex. : débitsréservés) comme à l’échelle de bassins versants (ex. : débits objectifs d’étiage). Lesapproches « hydrologiques » visent à quantifier les altérations de multiples caractéristiquesdu régime hydrologique et reposent sur l’identification (délicate) de relations empiriques entrealtérations hydrologiques et biologiques. Les approches « habitat hydraulique », ciblées surles débits bas à moyens, couplent des modèles hydrauliques et des modèles biologiquespour traduire certaines modifications hydrologiques en modification de qualité de l’habitathydraulique pour les organismes. Elles ont parfois apporté des prédictions convaincantesdes effets biologiques des modifications de débits d’étiage. Ces deux approches techniquesne fournissent pas directement de valeurs de débits écologiques. Nous formalisons ici unedémarche technique de définition des débits écologiques, basée sur la comparaison de scé-narios de gestion et une meilleure combinaison des deux approches. La démarche comprendquatre étapes : (1) la description du contexte hydrologique naturalisé et actuel, des usagesactuels et des scénarios de gestion envisagés (2) la description du contexte écologique ausens large, (3) l’identification des métriques pertinentes (hydrologiques et/ou habitats et/ouautres) pour décrire les effets des scénarios (modifications des usages, effets sur le milieu)et (4) la comparaison des scénarios. Cette démarche ne se passe pas d’expertise et doit

Article publié par EDP Sciences

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2 N. Lamouroux et al.

s’accompagner d’une définition des objectifs partagée par les acteurs ainsi que de retoursd’expérience, aspects non détaillés ici.

Mots-clés – débits environnementaux, débit réservé, prélèvements d'eau, hydroélectricité,microhabitat

Abstract – Two complementary technical approaches are used worldwide to guide the def-inition of e-flows, at the scale of stream reaches and/or stream catchments. Hydrologicalapproaches are based on the description of the alteration of many components of the flowregime; they rely on the (difficult) identification of relationships between flow alteration andbiological alteration. Hydraulic-habitat approaches essentially deal with low to medium flowrates. They combine hydraulic models of reaches with biological models in order to translatesome hydrological changes into habitat changes for aquatic organisms. They sometimes pro-vided convincing predictions of the biological effects of low flow changes. These twoapproaches do not directly provide e-flow values. Here, we formalize a technical frameworkfor defining e-flows, based on the comparison of management scenarios and an improvedcombination of hydrological and habitat approaches. Four steps are involved: (1) the descrip-tion of the natural and current hydrological contexts, current water uses and managementscenarios; (2) the description of the ecological context; (3) the identification of appropriatemetrics (based on hydrology or habitat) to describe the effects of scenarios (changes in wateruses and ecological effects); (4) the comparison of scenarios. Applying this frameworkrequires expertise, well defined objectives shared by stakeholders and appropriate monitor-ing of e-flow implementation.

Key words – environmental flows, instream flows, water abstraction, hydroelectricity,microhabitat

1 INTRODUCTION : LA NOTION DEDÉBITS ÉCOLOGIQUES ET LESCONTEXTES RÉGLEMENTAIRES

Les notions de débits « biologiques »,« écologiques » ou « environnemen-taux » (e-flows en anglais) font l’objet demultiples définitions, souvent asso-ciées au contexte réglementaire consi-déré. Dans cet article, nous ne feronspas de différence entre ces termes etadopterons une définition large d’unrégime de « débits écologiques » : cellede la déclaration de Brisbane procla-mée au 10th International River sympo-sium and International EnvironmentalFlows Conference à Brisbane, Australie(http://www.watercentre.org/news/

declaration, 2007). La déclaration décritles débits écologiques comme la« quantité, la saisonnalité et la qualitédes débits nécessaires à la durabilitédes écosystèmes d’eau douce et estua-riens ainsi qu’aux besoins et au bien-êtredes hommes qui dépendent de ces éco-systèmes ». Cette définition large nouspermettra de proposer une démarche dedéfinition des régimes écologiquestransposables à différents cadres régle-mentaires et schémas de gestion.

La question des débits écologiquesconcerne deux échelles spatiales prin-cipales, celle du tronçon de cours d’eau(défini ici comme une longueur de coursd’eau comportant plusieurs séquencesde faciès géomorphologiques de type

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 3

cascade, radier, plat et/ou mouille …) etcelle du réseau hydrographique danssa totalité (bassin versant). À l’échelledes tronçons de cours d’eau, la plupartdes applications relatives aux débitsrelèvent des études d’impacts desouvrages et prises d’eau. En France, laréglementation concernée est principa-lement celle des débits réservés à lais-ser à l’aval des ouvrages construitsdans le lit d’un cours d’eau (article L214-18 du Code de l’Environnement et cir-culaires associées ; République fran-çaise, 2011). À l’échelle des bassinsversants, la question des débits écolo-giques prend une importance crois-sante à l’échelle internationale (Acremanet al., 2014b), du fait (1) du besoin dedéfinir des standards (valeurs pardéfaut) de débits à maintenir dans lescours d’eau en l’absence d’étude plusdétaillées (Poff et al., 2010 ; Snelderet al., 2011) et (2) de réglementationsimpliquant la définition de débits écolo-giques à l’échelle des bassins (exemplede la Directive Cadre Européenne surl’Eau - DCE ; Acreman & Ferguson,2010). Un guide européen est récem-ment paru pour inciter à définir desdébits écologiques dans les bassinsversants (European Commission,2015). En France, c’est en particulier autravers des SDAGE, des SAGE et/oudes projets de gestion quantitative desprélèvements (définitions de débitsobjectifs d’étiage, de volumes préle-vables ; Lang Delus, 2011) qu’apparaîtle besoin de définir des débits écolo-giques dans les bassins (ex. : Flouryet al., 2013 ; Baran et al., 2015).

Dans cet article, nous décrivonssuccinctement les deux types d’ap-proches techniques les plus utiliséesdans le monde pour définir des débits

écologiques, l’approche “hydrologique”et l’approche “habitat hydraulique”, ainsique les éléments scientifiques qui sous-tendent leur bonne utilisation. Nousformalisons ensuite une démarchetechnique générale pour établir cesdébits écologiques, basée sur la com-paraison de scénarios de gestion, appli-cable à l’échelle du tronçon comme àcelle du réseau hydrographique. Sicette démarche concerne essentielle-ment les aspects écohydrologiques,elle permet néanmoins l’intégrationd’aspects socio-économiques qui nesont pas détaillés dans cet article(Pahl-Wostl et al., 2013). Nous reca-drons la place des modèles d’habitathydraulique, aujourd’hui fréquemmentutilisés, dans cette démarche générale.

2 L’APPROCHE « HYDROLOGIQUE »

2.1 Principe

L’approche « hydrologique » consisteà quantifier les altérations du régimehydrologique, ici définies comme desmodifications par rapport à une situa-tion naturelle ou naturalisée (sansinfluence humaine), sur la base des-quelles sont identifiées des limitesd’altération « acceptables » d’un pointde vue écologique. Les premiers déve-loppements de ce type d’approche ontconcerné quelques statistiques de débitparticulièrement concernées par lesusages, comme le débit minimum (débitinstantané à maintenir dans le coursd’eau à l’aval des ouvrages). Lesapproches utilisées aujourd’hui sontbien plus complètes et s’intéressent àl’ensemble des caractéristiques du

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4 N. Lamouroux et al.

régime hydrologique importantes pourles milieux : (1) étiages, crues et varia-tions rapides ; (2) intensité, fréquence,durée et saisonnalité des évènements(Richter et al., 1996, 1997 ; Poff et al.,2010). Différents logiciels sont dispo-nibles pour calculer les altérationshydrologiques liées aux activitéshumaines (ex. : logiciel IHA du NatureConservancy , Richter et al., 1996 ; indi-cateurs d’éclusées, Courret, 2015).L’exemple de la Figure 1 comporte laliste de 33 statistiques de débits journa-liers fréquemment utilisées pour décrireles altérations de régime hydrologique.

2.2 Bases scientifiqueset validations biologiques

L’utilisation d’une approche « hydro-logique » suppose d’identifier des rela-tions quantitatives entre les altérationshydrologiques et leurs effets biolo-giques (relations débits-écologie, “flow-ecology relationships”), à partir des-quelles il faudrait identifier des seuilsd’altération de débits acceptables. LaFigure 1 montre un exemple de relationdébits-écologie, qui relie la couverturevégétale des plaines alluviales à ladurée totale des crues dans l’année.Identifier de telles relations reste déli-cat, ce qui explique la difficulté de miseen œuvre de l’approche hydrologique.Il existe de très nombreuses études decas qui montrent que l’altération denombreux aspects du régime peut avoird’importants effets écologiques (Poffet al., 1997, 2010). Ainsi, de façon glo-bale, l’existence d’effets écologiquesinduits par l’altération des débits nepeut être remise en cause. Néanmoins,les lois quantitatives générales qui

pourraient refléter ces effets sont diffi-ciles à identifier (Murchie et al. 2008,Poff & Zimmerman, 2010, Webb et al.,2015). De nombreuses études s’accor-dent sur des effets écologiques négatifs(indiqués par des métriques d’abon-dance et de diversité) de réductions dedébits d’étiage et de crue de plusieursdizaines de % (Poff & Zimmerman,2010 ; Carlisle et al., 2011 ; Rolls et al.,2012). De même, l’effet négatif descrues pendant les périodes de reproduc-tion ou de post-émergence sur le recru-tement des poissons est bien docu-menté (Capra et al., 2003 ; Cattanéo,2005a, 2005b). Mais plus générale-ment, tous les aspects du régime hydro-logique n’ont pas nécessairement lamême importance dans un contextedonné (Jowett & Biggs, 2006 ; Snelder &Lamouroux, 2010 ; Gido et al., 2013), etles effets écologiques des altérationsde régime peuvent dépendre d’autresaspects environnementaux comme laqualité de l’eau, la morphologie ou lesinteractions biotiques.

Les expériences passées de restau-ration du régime hydrologique ontégalement fait l’objet de synthèsesrécentes (Olden et al., 2014 ; Gillepsieet al., 2015). Les succès sont rapportésdans environ la moitié des études decas, mais les mesures de restaurationet les stratégies d’évaluation sont tropvariées pour en déduire des enseigne-ments généraux sur les mesures derestauration les plus efficaces. Ce typede synthèse met en évidence les limitesdes suivis écologiques des opérationsde restauration, qui s’inscrivent rare-ment sur le long-terme et manquent dedescriptions précises des états initiauxdes communautés aquatiques (Bernhardtet al., 2005 ; Souchon et al., 2008). La

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 5

description des états initiaux se basefréquemment sur une seule année(Morandi et al., 2014), ne permettantpas de prendre en compte la variabilité

Duré

Approche « hyCalculs d’indices d’alt

(d’après Richt e

Exemple de 33

Moy_Oct obre Moy_Sept emMoy_Novembre Mini_1_jourMoy_Décembre Mini_3_joursMoy_Janvier Mini_7_joursMoy_Février Mini_30_jourMoy_Mars Mini_90_jourMoy_Avril Maxi_1_jourMoy_Mai Maxi_3_joursMoy_Juin Maxi_7_joursMoy_Juillet Maxi_30_jouMoy_Août Maxi_90_jou

Relations empiriques(d’après W

0

0

50

100

% végét alisat ion alluviale

Fig. 1. Représentation simplifiée de l’approche « hL’approche consiste à quantifier l’altération du régimen utilisant de nombreux descripteurs de l’ensembtudes, durées et saisonnalité des débits extrêmes,empiriques « débits-écologie » sont recherchées, icplaine alluviale.

Fig. 1. Principles of hydrologic approaches used tothe estimation of many characteristics of flow alterarical “flow-ecology” relationships. The example shothe floodplain to the annual flood duration.

inter-annuelle. Cela rend l’étude statis-tique des impacts difficile sauf change-ment drastique du système (Vaudoret al., 2015).

e des crues (nb. jours)

drologique Ȏration hydrologique r et al., 1996)

indicat eurs de débit

bre Nb_Jour_assecIndice_débit _baseDate_minimumDate_maximum

s Nb._périodes_ét iages Durée_périodes_ét iage

Nb._cruesDurée_cruesVit esse_mont ées

rs Vit esse_descent esrs Nb._ inversions

« débits-écologie »ebb et al., 2015)

100 200 300

ydrologique » pour établir des débits écologiques.e de débits par rapport à une situation naturalisée,

le des aspects du régime (débits mensuels, ampli-vitesses de variation …). Par ailleurs, des relationsi entre la durée des crues et la végétalisation de la

define e-flows. Hydrological approaches combinetion (relative to an unregulated situation) with empi-wn here relates the extent of alluvial vegetation in

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2.3 Utilisation

Les premières approches « hydrolo-giques » (Tennant, 1976), basées surune expertise physique et biologiquede cours d’eau Nord-Américains, ontinfluencé la réglementation des débitsréservés en France (débits à maintenirà l’aval des ouvrages). Cette réglemen-tation définit des débits planchers expri-més en pourcentage du débit moyeninterannuel (le module), au-dessusdesquels un régime de débits réservésdoit être défini. Aujourd’hui, parmi lesapproches existantes, la démarcheELOHA (Ecological Limits Of Hydrolog-ical Alteration ; Poff et al., 2010) appa-rait comme la plus aboutie et la plusutilisée pour définir des débits écolo-giques standards à l’échelle des bas-sins. La démarche ELOHA fait partiedes méthodes dites « holistiques »(Linnansaari et al., 2013), qui vont plusloin qu’une approche purement “hydro-logique”, considèrent d’autres aspectscomme les aspects sociaux et peuventintégrer des éléments d’habitat hydrau-lique. Néanmoins, la base techniqued’ELOHA est une approche « hydrolo-gique » détaillée qui comprend une des-cription de l’ensemble des caractéris-tiques hydrologiques naturalisées destronçons de cours d’eau concernés,une typologie de ces régimes hydrolo-giques naturalisés, une estimation deleurs altérations, puis une recherche derelations empiriques débits-écologiepar types de tronçons. Les difficultés demise en œuvre apparaissent le plussouvent à cette dernière étape (Kendyet al., 2012, McManamay et al. 2013),du fait des difficultés de validation bio-logique évoquées dans la section 2.2.

C’est pourquoi les applicationsd’ELOHA ont souvent concerné desétudes de bassins à enjeux forts, richesen données physiques et biologiques(Kendy et al., 2012).

En l’absence de règles quantitativesgénérales, l’approche « hydrologique »implique un degré d’expertise importantpour identifier les limites acceptablesd’altération. Un exemple illustratif estcelui de la définition de débits écolo-giques compatibles avec les objectifsde la DCE au Royaume Uni, qui estissue de concertations entre experts(Acreman & Ferguson, 2010). L’octroide licences de prélèvements d’eau oud’exploitation d’ouvrages (quel qu’ensoit l’usage) considère comme indica-teur d’altération des débits les écartsentre courbes de débits classés influen-cées et naturalisées (EnvironmentalFlow Index ; Environment Agency,2013). Les débits classés concernéssont des quantiles de débit journalier(par exemple Q95 pour les bas débits,le débit journalier dépassé 95 % dutemps). Un écart de plus de 10 % (pourdes quantiles de bas débits dans destronçons sensibles comme les zonesde reproduction du saumon) ou de plusde 30% (pour des quantiles de hautdébit dans des tronçons moins sen-sibles) indique un risque pour l’état éco-logique des cours d’eau. Des volumesprélevables sont estimés dans les bas-sins versants sur la base de ces limitesd’altérations hydrologiques. Néan-moins, la base scientifique de ces seuilsd’altération utilisés au Royaume Uni estfragile, et ces seuils d’experts ne peu-vent être considérés comme des géné-ralités à appliquer strictement dans tousles contextes et à tous les usages.

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 7

3 L’APPROCHE « HABITATHYDRAULIQUE »

3.1 Principe

L’approche « habitat hydraulique »(Fig. 2) utilise des modèles d’habitathydraulique pour traduire certainesmodifications hydrologiques (générale-ment la modification des débits bas àmoyens) en modifications hydrauliques(ex. : modifications de vitesses du cou-rant et de hauteurs d’eau) puis en modi-fication de qualité de l’habitat hydrau-lique pour les organismes (le plussouvent les poissons et les macroinver-tébrés). Elle part du principe que le débitn’est pas le descripteur le plus pertinentde l’habitat des organismes aqua-tiques, qui évoluent dans des champsde vitesses, de hauteurs d’eau, decontraintes exercées sur le fond du lit oud’autres caractéristiques hydrauliquesdu « microhabitat » (échelle spatialeassez fine pour refléter l’environnementinstantané des organismes). La traduc-tion hydraulique des modifications dedébits est donc importante, car unmême débit sera associé à des carac-téristiques hydrauliques très différentesselon les cours d’eau en fonction de leurmorphologie (ex. : pente, substrat, sec-tion en travers). L’approche part égale-ment du principe que les « préférences »des organismes pour leur habitathydraulique dépendent de l’espèce, deson activité et de son stade de dévelop-pement, tout en gardant à l’esprit queles caractéristiques hydrauliques nesont pas suffisantes à elles seulespour décrire l’habitat des organismes(Fig. 3). Ainsi, il est important de quan-tifier la sensibilité aux modifications

hydrauliques des communautés enplace.

Les modèles d’habitat hydrauliquecouplent un modèle hydraulique quidécrit les caractéristiques hydrauliquesdes microhabitats (vitesse, hauteurd’eau…), avec des modèles de préfé-rence des espèces et/ou stades de vieet/ou groupes d’espèces pour cescaractéristiques (Fig. 2). Utilisés le plussouvent à l’échelle des tronçons decours d’eau, ces modèles d’habitat per-mettent de cartographier des valeursd’habitat (souvent normalisées sousforme de scores de préférence variantentre 0 et 1) qui reflètent la qualité del’habitat hydraulique pour les espècesconsidérées (Fig. 2). D’autres variablesphysiques comme le substrat ou la tem-pérature sont parfois intégrées. Unevariation de la valeur d’habitat moyennesur le tronçon ou d’une « surface pon-dérée utile » SPU (produit de la valeurd’habitat et de la surface du tronçon)peut alors synthétiser l’impact d’unevariation de débit sur la qualité de l’habi-tat hydraulique.

Les modèles d’habitat disponiblessont nombreux (Dunbar et al., 2012 ;Linnansaari et al., 2013). La plupartreposent sur un modèle hydrauliquenumérique (aujourd’hui souvent bidi-mensionnel) qui résout les équationsde conservation de la masse et del’énergie sur un tronçon de coursd’eau (par exemple : logiciel Phabsim,Bovee, 1982 ; River2D, Ghanem et al.,1996 ; en France : Evha, Ginot, 1998).Ces modèles nécessitent des donnéesde topographie du lit en trois dimen-sions et une calibration hydrauliqueexperte. D’autres modèles extrapolentdes mesures hydrauliques faites à

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8 N. Lamouroux et al.

3-4 débits de calage (par exemple enFrance : Lammi, Sabaton et al., 1995).

Des modèles d’habitat statistiques(par différence avec les modèlesd’habitat numériques) reposent sur unemodélisation directe des distributionsstatistiques des variables hydrauliquesponctuelles dans les tronçons de coursd’eau (histogrammes des vitesses, des

Approche « habPréférences biologiques

(microhabitats)Couplag

Vitesses

Modèle hyddu tron

Profond

0 1 20

1

Vitesse0 1

Profondeur

Den

sité

re

lativ

e

0

1

Fig. 2. Représentation simplifiée de l’approche « hgiques. L’approche se base sur l’existence de « prétéristiques hydrauliques de leur microhabitat. Cesvariations de densité relative (par rapport au maximmodèle d’habitat hydraulique couple un modèle hmodèles de préférence. Le modèle hydraulique perprofondeurs à différents débits. Les modèles de précartes de valeurs d’habitat (généralement un scoredérées. Lorsque le débit varie, les variations de vautile SPU) quantifient les effets biologiques potentie

Fig. 2. Principles of hydraulic-habitat approaches ubased on observed “preferences” of aquatic speciestats. Hydraulic-habitat models link a hydraulic momodels. The hydraulic model is used to map, e.g.rates. Preference models translate this informationbetween 0 and 1). When discharge changes, variato quantify the potential biological effects of dischar

hauteurs d’eau, des forces ponctuelles ;ex. : logiciel Stathab ; Girard et al.,2014a) ou des valeurs d’habitat du tron-çon (logiciel Estimhab ; Lamouroux &Capra, 2002 ; Lamouroux & Souchon,2002). Les modèles statistiques ne per-mettent pas une cartographie desvaleurs d’habitat, et ne s’appliquent pasdans des morphologies fortement

itat hydraulique »

e de modèles : hydraulique + préférences

Valeurs d’habitat

Valeur d’habitat ou SPU du tronçon

Débit

raulique çon

Préférences biologiques

Habitat hydraulique

eurs

0 1 20

1

Vitesse0 1

Profondeur

Den

sité

re

lativ

e

0

1

abitat hydraulique » pour établir des débits écolo-férences» des espèces aquatiques pour les carac-préférences correspondent les plus souvent à desum de densité) observées entre microhabitats. Unydraulique d’un tronçon de cours d’eau avec desmet de cartographier (par exemple) des vitesses etférence traduisent cette information hydraulique ende préférence entre 0 et 1) pour les espèces consi-leur d’habitat moyenne du tronçon (ou de surfacels des variations de débit.

sed to define e-flows. Hydraulic-habitat models arefor the hydraulic characteristics of their microhabi-

del of a stream reach with biological preference, velocities and water depths at various discharge

into habitat values (generally, preference scorestions of the reach-averaged habitat value are usedge variations.

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 9

altérées (ex. : par chenalisation, reca-librage). En revanche, ils sont plussimples à mettre en œuvre que lesmodèles numériques, car leursvariables d’entrée principales sont lescaractéristiques moyennes des tron-çons de cours d’eau (débit, largeur,hauteur, taille granulométrique dusubstrat) mesurées à deux débits dis-tincts. Ainsi, lorsqu’une cartographiedes valeurs d’habitat n’est pas néces-saire, ils facilitent grandement la modé-lisation de l’habitat hydraulique. Ils per-mettent également des applications

Fig. 3. Illustration de l’habitat physique quotidien enlisent des combinaisons de variables physiques (vabris, température …) qui peuvent varier suivant lemodèles de préférence sont une simplification de c

Fig. 3. The physical habitat of organisms in rivers (fbinations of several physical variables (e.g. flow velcover, temperature) that vary with life stages and bisimplifications of these individual behaviors.

multi-sites et des simulations surl’ensemble du réseau hydrographiqued’un bassin versant (ex. : Snelder et al.,2011).

3.2 Bases scientifiqueset validations biologiques

L’existence de préférences hydrau-liques des poissons et des invertébrésd’eau courante à l’échelle du micro-habitat fait l’objet d’une littérature

rivière (d’après Thévenet, 1998). Les individus uti-itesses du courant, force, hauteur d’eau, substrat,ur activité et au cours de leur développement. Leses comportements individuels.

rom Thévenet, 1998). Aquatic organisms use com-ocities, shear stresses, water depth, substrate size,ological activities. Hydraulic preference models are

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10 N. Lamouroux et al.

abondante. Ces préférences résultentde processus multiples comme lesbesoins physiologiques, les interac-tions entre individus, ou les compromisentre ressources trophiques, capacitéde nage et résistance au courant. Lespréférences sont nécessairement unevision moyenne simplifiée des compor-tements individuels, qui varient en fonc-tion de l’espèce, du stade de dévelop-pement, de la taille et de la fonctionvitale réalisée (alimentation, repos,reproduction ; cf. Fig. 3). Les préfé-rences d’un taxon peuvent égalementvarier entre cours d’eau, par exemplelorsqu’une mauvaise qualité chimiquedu cours d’eau amène le taxon à recher-cher des habitats plus courants et plusoxygénés (Lancaster&Downes,2010).

Les préférences de très nombreuxtaxons aquatiques pour leur microhabi-tat hydraulique ont été maintenant com-parées entre de nombreux cours d’eauet à différentes saisons (Lamourouxet al., 1999, 2013 ; Girard et al. 2014b).Ces comparaisons ont montré que lamajorité des modèles de préférencesont des relations non linéaires quireflètent de très fortes variations dedensité d’individus en fonction del’hydraulique. Elles ont également mon-tré qu’un modèle de préférence setransfère d’une rivière à l’autre dans~60 % des cas, degré de transférabilitémoyen qui varie fortement entre taxonset entre cours d’eau (Fig. 4). Néan-moins, ce degré de transférabilité justi-fie de réaliser des simulations d’habitatsur un cours d’eau en utilisant desmodèles de préférence construits surd’autres cours d’eau. De la mêmefaçon, ceci justifie des modélisationsd’habitat hydraulique étendues àl’échelle des bassins versants.

Lors des recherches de relationsquantitatives générales entre modifica-tions hydrologiques et modificationsbiologiques (cf. Sect. 2.2), les modèlesd’habitat ont apporté des éléments devalidation convaincants concernantl’impact des débits d’étiage sur lespopulations. Des différences d’habitatdans l’espace, entre sites situés àl’amont et à l’aval des barrages, expli-quent une part importante des diffé-rences biologiques entre ces sites(Baran et al., 1995). Les modèlesd’habitat ont par ailleurs été utiliséspour prédire, dans le temps, les effetsbiologiques de restauration de débits(Jowett & Biggs, 2006 ; Sabaton et al.,2008 ; Bradford et al., 2011 ; Lamourouxet al. 2015). Lorsque les modificationshydrauliques liés à la restauration desdébits étaient fortes (c’est le cas detronçons du Rhône où des débits mini-maux ont été multipliés par des facteursde 5 à 10 ; Lamouroux & Olivier, 2015 ;Mérigoux et al., 2015), les modèlesont permis de prédire avec précisiondes modifications d’abondance desespèces (poissons et invertébrés) oude structure de communauté (ex. : pro-portions de groupes d’espèces multi-pliées par 2 ou 3). Les exemples duRhône (Fig. 5) sont convaincants (plusparticulièrement pour les poissons)car ils concernent de nombreusesespèces et sont basés sur des modèlesconstruits avant restauration, pour laplupart sur des sites indépendants dessites restaurés. De façon cohérente,lorsque les changements d’habitat sontplus modérés (c’était souvent le cas lorsde l’expérience dite de la cellule « débitsréservés » concernant la truite com-mune ; Sabaton et al., 2008), les résul-tats sont moins tranchés.

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 11

Contrainte au fond (hémisphère FST)

ln (1

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s.dm

-2)

0 10 20 0 10 20 0 10 20

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OLS_04 OLS_08 OLS_12

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WIC_04 WIC_08 WIC_12

0

2

4

6

0

2

4

6

0

2

4

6

Fig. 4. Densité d’une larve d’éphémère (Baetis rhodani) en fonction de la contrainte de cisaillement surle lit du cours d’eau (numéro d’hémisphère FST de Statzner & Müller, 1989) dans des échantillons(chaque point correspond à un échantillon par Surbers) recueillis lors de 15 campagnes (rivière × date)réalisées dans 5 rivières allemandes à différentes dates. La ligne épaisse correspond à un modèle depréférence moyen entre campagnes, la ligne mince est un modèle spécifique à chaque campagne. Lesétiquettes de chaque campagne combinent un code de cours d’eau (ex. : « PRI » ) et le mois d’échan-tillonnage (ex. : « 04 » , « 08 » ) (d’après Lamouroux et al. 2010).

Fig. 4. Density of Baetis rhodani as a function of bed shear stress (FST hemisphere number; Statzner& Müller, 1989) in Surber samples collected during 15 surveys (river × date) made in five rivers. Thethick line is an average model across surveys. Thin lines are survey-specific models. Labels of surveyscombine a river code (e.g. “PRI”) and the sampling month (e.g. “04”, “08”) (from Lamouroux et al.,2010).

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12 N. Lamouroux et al.

3.3 Utilisation

Les modèles “d’habitat hydraulique”sont, avec les approches « hydrolo-giques », les outils les plus utilisés dans

-1.5

-0.5

0

0.5

1

-1

RuRGoG

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-1.5 -1

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-0.2

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-0.2 -0.1

Fig. 5. Effets de l’augmentation de débits minimaobservations vs. prédictions par des modèles d’habçon court-circuité du Rhône à Pierre-Bénite, où le ddant ~300 jours par an ; le débit minimum a étécorrespondent à différentes espèces de poissons e& Olivier (2015), Mérigoux et al. (2015).

Fig. 5. Effects of flow restoration (minimum flow inctaxa: observations vs. predictions from hydraulic haulated river where minimum flow is frequent (~300correspond to different fish and invertebrate taxa.(2015).

le monde pour définir des débits écolo-giques à l’échelle des tronçons de coursd’eau (Tharme, 2003). Néanmoins, ilsont été critiqués depuis leur originejusqu’à nos jours (Lamouroux et al.

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-0.5 0 0.5 1

ts de densité prédits chelle log)

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BASPBFUS

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CHSP

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GASP

HCONHEXO

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MISP

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SIMU

0 0.1 0.2

ux sur les densités de poissons et d’invertébrés :itat hydrauliques. Ces exemples concernent le tron-ébit est proche du débit minimal réglementaire pen-multiplié par 10 après restauration. Les étiquettest différents taxons invertébrés. D’après Lamouroux

reases) on densities of fish and macroinvertebratebitat models. These tests were made in a large reg-days per year) and was increased 10-fold. LabelsFrom Lamouroux & Olivier (2015), Mérigoux et al.

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 13

2010 ; Lancaster & Downes 2010) pourêtre soit trop simplistes par rapport à lacomplexité de l’utilisation de l’habitat,soit trop complexes par rapport à uneapproche purement “hydrologique”.Les tests récents de transférabilité despréférences biologiques (cf. Sect. 3.2 ;Lamouroux et al., 2013) précisent leslimites de validité des modèles hydrau-liques d’habitat et devraient réduire lechamp de polémique. En France, lesmodèles d’habitat basés sur une modé-lisation hydraulique (Evha, http://www.irstea.fr/dynam) ou simplifiée(Lammi, http://innovation.edf.com) ontété les plus utilisés dans les années1980 à 2000. Aujourd’hui, les méthodesd’habitat statistiques (notamment lemodèle Estimhab, http://www.irstea.fr/dynam) sont les plus fréquemment uti-lisées. Des modèles statistiques demême type sont utilisés outre-mer(Saraeva & Hardy, 2009 ; Snelder et al.,2011 ; Wilding et al., 2014).

La simplicité des variables d’entréedes modèles d’habitat statistiques faci-lite les applications sur plusieurs sites àl’échelle des bassins (exemple desétudes « volumes prélevables » du bas-sin Rhône-Méditerranée-Corse ; Flouryet al., 2013). Des applications généra-lisées sur l’ensemble des tronçons d’unbassin sont également possibles, carles variables d’entrée peuvent êtreextrapolées spatialement (Lamouroux,2008). Des simulations d’altérationd’habitat généralisées apparaissentdonc à l’échelle des bassins versants(Snelder et al., 2011 ; Miguel et al.,2016). Néanmoins, ces applicationsgénéralisées reposent sur des extrapo-lations spatiales et sont associées àune forte incertitude. En conséquence,elles fournissent des éléments de

cadrage à l’échelle des bassins (pour lacomparaison de scénarios de gestion etle repérage de zones particulièrementimpactées) mais ne remplacent pas lesétudes d’impact à l’échelle des tron-çons de cours d’eau (Miguel et al.,2016).

4 DEUX APPROCHES ÀCOMBINER AVEC DE L’EXPERTISE

La complémentarité des approches« hydrologique » et « habitat hydrau-lique », et en particulier de leurs valida-tions scientifiques, confirme que cesdeux approches techniques gagnent àêtre combinées pour définir des débitsécologiques. L’approche « hydrolo-gique » est nécessaire pour identifierl’ensemble des modifications hydrolo-giques qui peuvent affecter les commu-nautés biologiques. L’approche « habi-tat hydraulique » est plus ciblée sur lesdébits bas à moyens, et permet de tra-duire certaines modifications hydrolo-giques en modifications d’habitat, pluspertinentes car mieux reliées auxréponses biologiques par des valida-tions de terrain. Le besoin de combinerces deux types d’approche est large-ment reconnu dans la littérature inter-nationale. Par exemple, l’apport poten-tiel des modèles d’habitat statistiques àl’échelle des bassins est mentionnédans les descriptions des approches“hydrologiques” les plus complètes(Poff et al., 2010 ; Wilding et al., 2014).En retour, les guides de modèlesd’habitat rappellent l’importance d’inté-grer la démarche dans une approcheplus globale incluant une descriptiondes altérations hydrologiques et ducontexte environnemental au sens

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14 N. Lamouroux et al.

large (Souchon et al., 2003). Le guideEuropéen récent sur les débits écolo-giques (European Commission, 2015),la législation française récente relativeaux débits réservés (RépubliqueFrançaise, 2011) et les guides régio-naux (Floury et al., 2013 ; Baran et al.,2015) vont également dans le sensd’une combinaison des approches.

Malgré ce large consensus, lesapproches « hydrologique » ont tropsouvent été utilisées pour défendrel’idée d’un régime naturel « enminiature », dont toutes les caractéris-tiques (intensité, fréquence et duréedes évènements …) seraient propor-tionnelles à celles du régime naturalisé.Aujourd’hui, les plus ardents défen-seurs du régime naturel reviennent surcette vision (Richter, 2010 ; Acremanet al., 2014a), peu réaliste d’un point devue opérationnel et peu justifiée parl’état des connaissances sur les rela-tions débits-écologie (Jowett & Biggs,2006). On retiendra néanmoins, dans ladémarche de définition des débitsécologiques, l’importance majeure dedécrire l’ensemble des altérationshydrologiques jugées importantes pourles peuplements en place.

Les modèles d’habitat ont trop sou-vent été utilisés pour trouver des“chiffres magiques” (débit minimum bio-logique ou autre valeur réglementaire)issus de la lecture des courbes habitat-débit, ce qu’ils ne fournissent pas direc-tement. Il est donc important de mieuxformaliser la démarche d’utilisation desmodèles d’habitat, en la basant sur lesvalidations biologiques existantes(Sect. 3.2). En particulier, on retiendraque les validations de modèles d’habi-tat ont essentiellement mis en évi-dence des liens entre modifications

d’habitat et effets biologiques. Ladémarche que nous proposons se basedonc sur l’analyse des différencesd’habitat entre scénarios de gestionalternatifs.

La complexité des régimes hydrolo-giques, de leur altération par lesusages, la diversité des milieux phy-siques et des réponses biologiquesassociées font qu’il n’y a pas de recettemiracle (presse-bouton) pour identifierles débits écologiques. Dans cettesituation, la démarche de mise enœuvre des approches « hydrologique »et « habitat hydraulique » devra êtreassociée à une expertise à différentesétapes : identification des caractéris-tiques importantes du régime hydrolo-gique, identification des groupes biolo-giques et espèces à considérer,analyse multicritères des impacts descénarios de gestion sur les milieux etles usages. En conséquence, l’inter-vention d’experts formés et l’intégrationdes différentes parties prenantes dansla démarche sont fondamentales.

5 UNE DÉMARCHE INTÉGRÉECONSENSUELLE, EN QUATREÉTAPES

Nous formalisons ici une démarchede comparaison technique de scéna-rios de gestion, qui vise à améliorerl’utilisation des outils disponibles pourla définition des débits écologiques(Fig. 6). Cette démarche fait appel àl’expertise, et doit s’accompagnerd’une définition des objectifs partagéspar les acteurs ainsi que de retoursd’expérience, aspects non détaillés ici.La démarche que nous proposonsemprunte des éléments d’approches

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 15

dites « holistiques » (approches DRIFT,King et al., 2003 ; ELOHA, Poff et al.,2010). Néanmoins, notre démarche seveut plus simple que les approches

1) Contexte hydrologique etscénarios

Chroniques de débits, débits classés et/ou sta�s�ques de débit, naturalisés ou altérés par les usages actuels ou envisagés (scénarios)

2) Contexte écologique généralDescrip�on du contexte biologique (communautés, leur histoire, leur statut …) etdu contexte environnemental (qualité d’eau, thermie, connec�vité … )

3) Iden�fica�on de métriques pour décrire les effetsscénarios (modifica�ons des usages, effets sur le

Au vu des étapes précédentes, l’expert iden�fie les mépour décrire :* les modifica�ons hydrologiques (amplitudes, duréessaisonnalité …) importantes pour les objec�fs écologiqcertaines seront traduites en modifica�ons d’habitat h* les modifica�on des usages (disponibilité de la resso

4) Comparaison mul�critères des scénariosde ges�on

Une décision de régime écologique est prise en comparant les varia�ons de métriques entre scénarios

0.04

0.2

1

5

25

Jan Mar M

Qm3/s

Chron

MétNb

SPU

SPU

Q m…

Fig. 6. Une démarche consensuelle en quatre étapdémarche est illustrée par un exemple fictif. Le con(1) peut être décrit par des chroniques de débits ou(2), des métriques sont définies pour décrire les moL’exemple donné retient la fréquence de décolmatQ80 et Q95), qui seront traduites en qualité d’hmétriques et les effets sur les usages (ici le débit utdécision (4).

Fig. 6. A consensual approach in four steps for gexample. The unregulated, current and future hydcharge series and duration curves. After consideridentified for describing changes in water uses andretained indicate the frequency of a “flushing dischatiles), which will be translated into habitat suitablethe effect on water uses (here, the available discha

holistiques existantes, dont la mise enœuvre est souvent complexe et/oulourde. Nous visons une démarcheapplicable à la majorité des situations

des milieu)triques

, ues ; ydrauliqueurce …)

Q95Q80

« décolmatage »

0.04

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1

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0 100 200 300Nb de jours (dépassement)

Qm3/s

Débits classés

ai Jui Sep Nov 0 100 200 300Nb de jours (dépassement)Date

Débits classésiques

« actuel »

« naturel »

« scénario »

rique Naturel Actuel Scenario 1jour décolmatage 55 8 15

Q95 chabot 158 m2 -21% -6%

Q80 chabot 203 m2 -38% -27%

oyen u�lisé 0 1.09 m3/s 0.88 m3/s

es pour l’établissement des débits écologiques. Latexte hydrologique naturel, actuel et sous scénariodes débits classés. Au vu du contexte écologique

difications d’usage et de milieu entre scenarios (3).age du lit et les valeurs des bas débits (quantilesabitat (SPU, surface utile pour le chabot). Cesilisé) sont comparés entre scénarios pour guider la

uiding e-flows definition, illustrated using a fictiverological scenarios (1) are here described by dis-ing the general ecological context (2), metrics are

ecological effects (3). In the example, the metricsrge” and the level of low flows (Q95 and Q80 quan-areas (SPU for a fish species). These metrics andrge) are compared across scenarios (4).

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16 N. Lamouroux et al.

opérationnelles et cohérente avec leséléments de validation biologique desapproches « hydrologique » et « habitathydraulique ».

5.1 Étape 1) Contexte hydrologiquenaturalisé et actuel, usageset scénarios de gestion

Trop d’études ciblant la définition dedébits écologiques se lancent dans desdiscussions de détail sans descriptionsuffisante de l’hydrologie actuelle etnaturalisée (c’est-à-dire reconstituéesans influence des aménagements etprélèvements). Il est fréquent (voiresystématique si l’on travaille à l’échelledes bassins) d’avoir à extrapoler lescaractéristiques du régime à partir destations de jaugeage. Pour cela il existeplusieurs bases de données hydrolo-giques extrapolées (ex. : débits moyenset débits d’étiage naturalisés de Riffardet al., 2011 ; débits classés naturalisésde Sauquet et Catalogne, 2011, Pellaet al., 2012). Une grande variété demodèles hydrologiques de bassins(Andréassian et al., 2006 ; Singh &Frevert, 2006) ainsi que différentesméthodes de régionalisation (Blöschlet al., 2013) permettent égalementdes extrapolations hydrologiques. Il estutile de caractériser le fonctionnementhydrologique du bassin, notamment enmatière d’alimentation en eau à l’étiage.Les extrapolations spatiales de statis-tiques de débits peuvent être assortiesd’une incertitude forte, notamment entête de bassin (Sauquet, 2006 ;Lamouroux et al., 2014). Il est doncimportant de quantifier l’incertitude desextrapolations hydrologiques. Dansde nombreux cas, un équipement

hydrométrique des sites ou des jau-geages complémentaires (Catalogneet al., 2014) peuvent s’avérer néces-saire avant de mettre en œuvre unemodélisation des aspects écologiques.

La description des usages actuelsou envisagés est importante dès cetteétape, d’une part pour reconstituerl’hydrologie naturalisée et d’autre partpour identifier les caractéristiques durégime altérées par les usages. Parexemple, une prise d’eau hydroélec-trique générera, le plus souvent, desdébits minimum de durée bien plus lon-gue qu’une prise d’eau d’irrigation. Desurcroît, les ouvrages hydroélectriquessont parfois arrêtés l’été, ce qui est rarepour l’irrigation. Ainsi, les caractéris-tiques choisies pour décrire les débits etleurs modifications dépendront desusages actuels et envisagés. Naturelle-ment, les étapes suivantes de ladémarche (descriptions du contexteécologique, du cycle de vie desespèces, quantification des effets …)amèneront probablement à repenser etadapter les scénarios. Ainsi, les étapesde la démarche proposées ici pourrontfaire l’objet d’itérations successives.

Autant que possible, la descriptionhydrologique devra concerner tous lesaspects du régime qui peuvent avoirdes effets écologiques (étiages, crueset variations rapides des débits; inten-sité, fréquence, durée et saisonnalitédes évènements ; courbes de tarisse-ment). Parmi les nombreuses variablespermettant de décrire les régimeshydrologiques, les chroniques de débitsjournaliers et les courbes de débitsclassés sont particulièrement utilesdès lors qu’elles sont disponibles. Surl’exemple fictif de la Figure 6, elles per-mettent d’identifier les caractéristiques

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 17

hydrologiques les plus altérées (danscet exemple, les débits bas à moyens,les débits de hautes eaux). Ces descrip-tions peuvent être déclinées pour desannées sèches ou « moyennes », etpeuvent être résumées par des statis-tiques annuelles ou interannuellescomme les VCN (débits minimaux surN jours consécutifs) ou des débits decrue d’une fréquence donnée. Lesmoyennes mensuelles peuvent égale-ment être utiles mais n’ont pas toujoursde sens physique dans les cas où lesvariations infra-mensuelles sont fortes(exemple des DOM ou des cours d’eaude montagne). Pour certains usagescomme la gestion en éclusées hydroé-lectriques, il sera important d’utiliserdes descriptifs des variations infra-jour-nalières (Courret, 2015). Enfin, dans lescours d’eau naturellement intermit-tents, la quantification des assecs dansl’espace et dans le temps est un préa-lable à l’analyse (Snelder et al., 2013 ;Pelte et al., 2014).

Lorsque les débits journaliers sontdisponibles, il existe des supports logi-ciels associés aux approches « hydro-logiques » pour caractériser les altéra-tions hydrologiques (exemples desindicateurs d’altération hydrologique dela Figure 1, logiciel IHA, Richter et al.,1996 ; d’autres sont recensés parRinaldi et al., 2013). Ces logiciels ontl’avantage de quantifier les altérations,bien qu’ils fournissent de très nom-breuses statistiques dont le lien avecl’écologie n’est pas toujours garanti.Ces approches ne font pas l’objet desupport logiciel en français à l’heureactuelle. La pratique française consisteplutôt à identifier par l’expertise lescaractéristiques hydrologiques princi-palement influencées par les ouvrages

et dont les effets écologiques sont jugésimportants.

Pour les applications à l’échelle desbassins versants, la démarche ELOHArecommande à cette étape de réaliserune typologie de cours d’eau en fonc-tion de leur hydrologie et leur morpho-logie (ex. : pente ou géologie). De tellesclassifications (ex. : Snelder et al.,2009) peuvent être utiles pour aborderle problème de gestion et identifier dessites représentatifs sur lesquels lamodélisation des impacts sera affinée.Dans notre démarche, nous ne don-nons pas de directive particulière poursimplifier le problème à l’échelle desbassins versants, pour deux raisons.Tout d’abord, suivant les objectifs degestion, une typologie des tronçons dubassin pourra se baser sur différentscritères : altérations hydrologiquesmais aussi enjeux écologiques, enjeuxde conservation, représentativité descours d’eau, enjeux socio-écono-miques… Ainsi la réalisation éventuelled’une typologie doit rester aussi flexibleque possible. Ensuite, les débits jour-naliers ne sont pas toujours disponiblesde façon distribuée sur l’ensemble destronçons du bassin, rendant l’approcheparfois délicate à mettre en œuvre.

5.2 Étape 2) Le contexte écologiquegénéral

Une description générale ducontexte biologique et environnementalau sens large est nécessaire pour iden-tifier l’ensemble des enjeux, pourdécrire des facteurs qui peuvent intera-gir avec l’habitat physique et/ou appa-raître plus limitants, et pour mieux peserle risque que représentent des altéra-tions hydrologiques ou d’habitat.

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18 N. Lamouroux et al.

La description du contexte biolo-gique comprend entre autres la liste desespèces en place (poissons, macroin-vertébrés, écrevisses, autres) dans lepérimètre de l’étude et autour, leur his-toire récente et à plus long terme, leurstatut de protection et les enjeux deconservation, leur caractère invasif, lesinteractions biotiques majeures, le rem-poissonnement. Les cycles de vie desespèces pourront être décrits afind’identifier les stades de développe-ment et les saisons les plus sensibles,pendant lesquels une attention particu-lière devra être donnée aux altérationshydrologiques.

La description du contexte environ-nemental couvre notamment desaspects physico-chimiques, thermiqueset hydromorphologiques (Gouraud et al.,2008). Par exemple, l’impact négatifd’une réduction des débits d’étiage peutêtre renforcé par la concentration depolluants et un réchauffement impor-tant. Les altérations des échanges avecla nappe peuvent altérer les habitats dereproduction et modifier les conditionsthermiques. Les altérations de connec-tivité longitudinale peuvent empêcher laprésence d’une espèce, sa recolonisa-tion à partir du voisinage, et nuire à sondéveloppement quelle que soit lanature de l’habitat hydraulique. Lesdéséquilibres sédimentaires à l’échelledu bassin peuvent modifier la diversitédes habitats au sein des tronçons.L’artificialisation du chenal peut aug-menter l’impact négatif des hautsdébits, pendant lesquels l’accès auxrefuges (sous-berges, végétation rivu-laire, affluents) serait important. L’alté-ration des frayères et les accès auxzones de reproduction, dont la prise encompte par les modèles d’habitat est

très partielle, peuvent s’avérer limitantspour les populations. À l’inverse, desapports d’affluents et des résurgencespeuvent permettre une reconstitutionrapide du débit le long du tronçonimpacté et limiter les altérationsd’échanges avec la nappe. Plus géné-ralement, la configuration du site et leslongueurs impactées sont des compo-santes à prendre en compte.

À cette étape il est utile de s’appuyersur des études locales et les expertslocaux (ex. : agents de l’Onema, anima-teurs de bassin versant, de SAGE …).Des éléments de contexte sont égale-ment disponibles à l’échelle nationale,comme les états des lieux établis par lescomités de bassin pour la DCE, lesdocuments d’objectifs Natura 2000,l’Atlas du risque d’altération hydromor-phologique Syrah (Valette et al., 2012),la base de données physiques duréseau hydrographique théorique(RHT) (Pella et al., 2012) ou des typo-logies d’ouvrages (Fahrner, 2010).Pour les études à l’échelle des bassins,cette étape de description du contexteécologique est particulièrement impor-tante pour préciser les enjeux de ges-tion et/ou pour choisir des sites repré-sentatifs du bassin sur lesquels laréflexion sur les débits écologiquespourra être plus poussée (Floury et al.,2013).

5.3 Étape 3) Identificationdes métriques pertinentes pourdécrire les effets des scénarios(modifications des usages, effetssur le milieu)

Identifier les métriques pertinentespour représenter les modifications

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 19

d’usage et de milieu est l’étape la plusdélicate, car elle fait appel à une exper-tise importante (Acreman & Ferguson,2010). Au vu des altérations hydrolo-giques actuelles et envisagées(étape 1), du contexte écologiquegénéral (étape 2), il s’agit d’identifier lesmétriques pertinentes pour comparerles situations naturalisées, actuelles, etdifférents scénarios de gestion. En cequi concerne les usages, on se tourneranaturellement vers les gains/pertes entermes de disponibilité de la ressource(exemple : nombre de jours associés àune restriction d’usage) et les coûtséconomiques associés aux différentsscénarios. En ce qui concerne les effetssur le milieu, il s’agit de caractériser lesmodifications hydrologiques majeures,éventuellement saisonnalisées, entermes d’intensité mais aussi de durée(de crue, d’étiage ...), qui peuventinfluencer le fonctionnement écolo-gique du système. Certaines de cesmodifications pourront être traduites entermes hydrauliques ou en modifica-tions d’habitat pour les espèces etstades considérés (en particulier pourles débits bas à moyens). C’est donc àcette étape que l’approche combinedes modifications hydrologiques et desmodifications d’habitat hydraulique.

Dans l’exemple fictif de la Figure 6,il est intéressant de retenir desmétriques qui reflètent les altérationsdes débits de hautes eaux et des débitsbas à moyens, car les autres aspects durégime (débits extrêmes) sont moinsaltérés. Pour les débits de hautes eaux,une évaluation d’un débit permettant ledécolmatage du substrat permet parexemple d’évaluer le nombre de joursde décolmatage par an. Pour décrire lesdébits bas à moyens, le Q95 et le Q80

peuvent être choisis. On peut utiliser unmodèle d’habitat pour estimer les sur-faces favorables aux espèces en placeà ces débits, pour les différents scéna-rios. Concernant les usages, on peutpar exemple s’intéresser au débitmoyen utilisé. Ainsi, de multiples choixde métriques sont possibles à cetteétape (ex. : travail sur les courbes dedébits classés ou les VCN, travail surdes courbes d’habitat classées), ren-dant irréaliste une solution « presse-bouton » et incontournable un recoursà l’expertise.

Le contexte écologique décrit àl’étape 2 influe sur l’étape 3 de plusieursfaçons. Il permet d’une part d’identifierles espèces, stades de développementou groupes d’espèces pour lesquelsdes simulations d’habitat sont utiles. Ilpermet d’autre part de hiérarchiserl’importance que l’on donnera aux diffé-rentes métriques (ex: prise en compted’interactions entre pollutions et étiagerenforçant les impacts écologiques ;existence de données historiquessignalant une altération limitante dansla situation actuelle). De même, lesenjeux et objectifs écologiques, qu’ilssoient réglementaires ou patrimoniaux,participent également à définir et hiérar-chiser les métriques retenues.

5.4 Étape 4) Comparaisonmulticritères des scénariosde gestion

Vient ensuite l’heure du bilan multi-critères, au cours duquel les modifica-tions de métriques (modifications desusages, effets sur le milieu) sont com-parées entre scénarios. C’est sur cettebase que l’expert propose un régime de

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débits répondant aux objectifs fixés.Dans notre exemple fictif de la Figure 6,le scénario de gestion envisagé est unscénario intermédiaire entre la situationactuelle et la situation naturalisée. Pource scénario, les pertes d’habitat au Q80pour le chabot (pris comme exempled’espèce considérée) relatives à lasituation naturalisée seraient ramenéesà 27 %, tandis que la situation actuellereprésente une perte d’habitat relativede 38 % ; le débit moyen utilisé seraitréduit de 19 % par rapport à la situationactuelle. Au vu des objectifs et de l’étatdes populations aquatiques, une déci-sion éclairée et concertée pourra êtreprise.

Le référentiel de base pour lescalculs d’altérations peut être une situa-tion naturalisée, la situation actuelle ouune autre, en fonction des objectifs àatteindre. Dans cette démarche, leretour à une situation naturalisée n’estpas systématiquement à rechercher(voir Poff & Matthews, 2013). Néan-moins, les situations naturalisées etactuelles sont le plus souvent desrepères importants pour décrire lesconditions physiques qui ont structuréles communautés en place et réfléchirsur les altérations hydrologiques dansune démarche de comparaison descénarios.

6 CONCLUSIONS : RÔLE ACTUELET FUTUR DES MODÉLESD’HABITAT

Nous avons formalisé une dé-marche technique de définition desdébits écologiques, basée sur la com-paraison de scénarios de gestion etune meilleure combinaison des ap-proches « hydrologique » et « habitat

hydraulique ». Les modèles d’habitat nefournissent donc pas seuls des valeursde débits écologiques mais contribuentà les choisir. Au sein de la démarche gé-nérale de comparaison de scénarios degestion, ils traduisent une partie desmodifications de débits en modifica-tions d’habitat, dont le lien avec la ré-ponse biologique est mieux validé. Lesmodèles permettent de trouver descompromis intéressants entre préser-vation/restauration des milieux etusages de l’eau, car une modificationde débit peut se traduire en modificationd’habitat plus ou moins importante sui-vant la morphologie du cours d’eau etles espèces concernées. Néanmoins,l’application de modèles d’habitat a uncoût. Leur degré de mobilisation aug-mente donc généralement avec 1) lesenjeux écologiques, 2) le degré d’alté-ration hydrologique, et 3) l’échelled’étude (utilisation plus fréquente àl’échelle des tronçons).

La démarche proposée ici estnécessairement schématique, et doitêtre adaptée en fonction des enjeux etdes moyens. Elle peut être enrichiepar l’intégration d’aspects supplémen-taires, hydrologiques ou socio-écono-miques. Elle peut être complétée parune organisation de la négociationentre acteurs (identification des objec-tifs, discussion autour d’un tableaumulticritères ; King et al., 2003 ; Poff &Matthews, 2013). De même, si lapratique française cible souvent lamodélisation de l’habitat des poissons,la démarche est ouverte à d’autresgroupes biologiques qui sont tradition-nellement moins étudiés (macroinver-tébrés, végétation aquatique et rive-raine, amphibiens, oiseaux ; Fig. 1 etFig. 5).

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Débits écologiques : la place des modèles d’habitat hydraulique dans une démarche intégrée 21

Le panel de modèles d’habitat quifont aujourd’hui l’objet d’un supportlogiciel en France (Evha, Lammi,Estimhab) évoluera. En particulier, lemodèle numérique Evha ne fait plusl’objet de suivi et ne permet pas demodélisation numérique bidimension-nelle (2D) des écoulements. Or, lesmodélisations 2D sont particulièrementutiles dans certaines situations commela prédiction des effets de restaurationsphysiques, les études comportemen-tales ou la modélisation des impactsdes éclusées (Capra et al., 2011 ; Haueret al., 2014). Plusieurs pistes sont envi-sagées pour faire évoluer le panel demodèles d’habitat disponibles. Une pre-mière piste consiste à développer desinterfaces de modélisation de l’habitatmodulaires et évolutives pour permettre(1) de combiner au mieux différentstypes de modèles hydrauliques et bio-logiques disponibles, (2) d’intégrer faci-lement de nouveaux modèles. Ceci per-mettrait notamment de mettre en œuvreles modèles hydrauliques les plus à jouret/ou compatibles avec la pratique opé-rationnelle française, en intégrant desmodèles 2D. Une seconde pisteconsiste à poursuivre les études despréférences hydrauliques des orga-nismes, de leurs déterminants et deleurs variations, afin d’améliorer la per-tinence biologique des modèles d’habi-tat et mieux préciser leurs limites. Ilserait utile d’élargir les groupes biolo-giques pris en compte et de développerdes modèles adaptés aux situationscomplexes (exemple des éclusées).

Plus généralement, la démarcheglobale formalisée ici doit être considé-rée comme évolutive, car elle s’appuiesur des validations de terrain reliant lesmodifications d’hydrologie et d’habitat

aux modifications biologiques. Amélio-rer notre connaissance des lienshydrologie-habitats-biologie reste laprincipale voie d’amélioration de ladémarche. Cela nécessite des retoursd’expérience des opérations de mise enœuvre de débits écologiques coordon-nés et organisés sur le long terme(Lamouroux et al., 2015) et comprenantune description des états avant opéra-tion faite sur plusieurs années. Cecinécessite également de poursuivre lesétudes des liens entre l’habitat phy-sique et la dynamique des populations(Capra et al., 2003 ; Shenton et al.,2012). Préciser la démarche à l’échelledes bassins versants nécessitera éga-lement de progresser sur la quantifica-tion des altérations hydrologiques àlarge échelle, aujourd’hui associée à defortes incertitudes. Enfin, la multiplica-tion d’études concernant la gestionquantitative à l’échelle des bassins etimpliquant l’utilisation de modèlesd’habitat devrait permettre de mieuxcerner l’apport des modèles d’habitat àcette échelle.

REMERCIEMENTS

Merci à Francis Gayou, Rémi Oudin,Stéphane Stroffek et DominiqueOmbredane pour leurs commentairessur le manuscrit.

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