d s analyse de cadres et mouvements sociauxjedezel.free.fr/travail/recueil de textes/textes de...

21
1 In: Les formes de l'action collective, Daniel Cefaï et Danny Trom (dir), Paris, Éditions de l'EHESS, 2001 DAVID S NOW ANALYSE DE CADRES ET MOUVEMENTS SOCIAUX La frame perspective, telle qu'elle s'est développée dans le domaine des mouve- ments sociaux (Benford, 1997 ; Benford & Snow, 2000 ; Gamson, 1992 ; Snow, Rocheford, Worden & Benford, 1984; Snow & Benford, 1988, 1992; Tarrow, 1994) focalise son attention sur le « travail de la signification » par où les militants et autres participants aux mouvements sociaux s'engagent. Cette construction du sens concerne aussi d'autres acteurs, comme par exemple ceux qui s'opposent à un mouvement social, les élites ou encore les médias, c'est-à-dire l'ensemble des acteurs liés aux intérêts, aux objectifs et aux défis que relèvent les organisations d'un mouvement social 11 . Contrastant avec l'appréhension traditionnelle des mouvements sociaux comme des porteurs de croyances et de significations préexistantes, classiquement conceptualisées en termes d'idéologies, cette perspective les appréhende comme des « agents signifiants » (signi-fying agents), engagés dans des activités de production, de maintien et de reconduction du sens pour leurs partisans, leurs opposants ou leurs sympathisants. Comme les médias, les autorités locales, l'État, et les représentants d'autres instances de décision, les mouvements sociaux sont impliqués dans ce qui a été appelé une « politique de la signification » (politics of signification) (Hall, 1982). Le verbe « cadrer » est utilisé ici pour conceptualiser ce travail de la signification, qui est une des activités que les adhérents et les dirigeants des mouvements sociaux font de manière continue. Pour reprendre nos propres termes, « ils attribuent du sens, interprètent des événements et des conditions pertinentes, de façon à mobiliser des adhérents et des participants potentiels, à obtenir le soutien des auditoires et à favoriser la démobilisation des adversaires » (Snow & Benford, 1988, p. 198). Les produits de cette activité de cadrage, dans l'arène du mouvement social, sont appelés des « cadres de l'action collective », définis comme « des ensembles de croyances et de significations orientées vers l'action » qui « inspirent et légitiment les activités et les campagnes » des segments organisationnels d'un mouvement social (SMO) (Benford & Snow, 2000 ; Gamson, 1992, p. 7 ; Snow & Benford, 1992). L'abondante littérature consacrée à la mise à l'épreuve empirique de cette perspective dans le domaine des mouvements sociaux a été passée en revue ailleurs et a fait l'objet de bilans critiques (Benford & Snow, 2000). Plutôt que 1 Les organisations d'un mouvement social (SMO) désignent l'ensemble des composantes orga- nisationnelles engagées dans un mouvement social.

Upload: duongquynh

Post on 03-Dec-2018

215 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

1

In: Les formes de l'action collective, Daniel Cefaï et Danny Trom (dir), Paris, Éditions de l'EHESS, 2001

DAVID SNOW

ANALYSE DE CADRES ET MOUVEMENTS SOCIAUX

La frame perspective, telle qu'elle s'est développée dans le domaine des mouve-ments sociaux (Benford, 1997 ; Benford & Snow, 2000 ; Gamson, 1992 ; Snow, Rocheford, Worden & Benford, 1984; Snow & Benford, 1988, 1992; Tarrow, 1994) focalise son attention sur le « travail de la signification » par où les militants et autres participants aux mouvements sociaux s'engagent. Cette construction du sens concerne aussi d'autres acteurs, comme par exemple ceux qui s'opposent à un mouvement social, les élites ou encore les médias, c'est-à-dire l'ensemble des acteurs liés aux intérêts, aux objectifs et aux défis que relèvent les organisations d'un mouvement social11. Contrastant avec l'appréhension traditionnelle des mouvements sociaux comme des porteurs de croyances et de significations préexistantes, classiquement conceptualisées en termes d'idéologies, cette perspective les appréhende comme des « agents signifiants » (signi-fying agents), engagés dans des activités de production, de maintien et de reconduction du sens pour leurs partisans, leurs opposants ou leurs sympathisants. Comme les médias, les autorités locales, l'État, et les représentants d'autres instances de décision, les mouvements sociaux sont impliqués dans ce qui a été appelé une « politique de la signification » (politics of signification) (Hall, 1982). Le verbe « cadrer » est utilisé ici pour conceptualiser ce travail de la signification, qui est une des activités que les adhérents et les dirigeants des mouvements sociaux font de manière continue. Pour reprendre nos propres termes, « ils attribuent du sens, interprètent des événements et des conditions pertinentes, de façon à mobiliser des adhérents et des participants potentiels, à obtenir le soutien des auditoires et à favoriser la démobilisation des adversaires » (Snow & Benford, 1988, p. 198). Les produits de cette activité de cadrage, dans l'arène du mouvement social, sont appelés des « cadres de l'action collective », définis comme « des ensembles de croyances et de significations orientées vers l'action » qui « inspirent et légitiment les activités et les campagnes » des segments organisationnels d'un mouvement social (SMO) (Benford & Snow, 2000 ; Gamson, 1992, p. 7 ; Snow & Benford, 1992).

L'abondante littérature consacrée à la mise à l'épreuve empirique de cette

perspective dans le domaine des mouvements sociaux a été passée en revue ailleurs et a fait l'objet de bilans critiques (Benford & Snow, 2000). Plutôt que

1 Les organisations d'un mouvement social (SMO) désignent l'ensemble des composantes orga-nisationnelles engagées dans un mouvement social.

2

d'en proposer une nouvelle synthèse, je vais ici rendre compte des fondements empiriques et théoriques de la frame perspective, esquisser brièvement ses rapports avec des approches apparentées, que l'on rassemble de manière lâche sous le vocable d'analyse culturelle, et indiquer des manières de rendre les processus de cadrage et les cadres d'action collective accessibles à l'étude empirique.

Plutôt que de partir directement des fondements théoriques et des pierres angulaires de la frame perspective, je procéderai de manière pragmatique et séquentielle, en racontant d'abord comment les problèmes ont été progressivement résolus dans le mouvement même de la recherche empirique. Cette perspective a été développée à travers de nombreux programmes de recherche, à partir de diverses observations empiriques concrètes et de questions qui ne recevaient pas à l'époque de réponses satisfaisantes dans les théories dominantes des mouvements sociaux. Puis j'aborderai la question des liens entre cette perspective et les courants théoriques plus larges à l'intérieur desquels elle trouve son ancrage.

Le problème de l'alignement biographique et expérienciel

L'intérêt pour ce qui sera appelé plus tard un processus de cadrage remonte au début des années soixante-dix, époque où j'ai effectué une enquête ethnogra-phique sur les processus de recrutement et de conversion dans le mouvement bouddhiste Nichiren Shoshu aux Etats-Unis (Snow, 1993). Cette enquête d'une durée de deux ans, conduite selon les méthodes de l'observation participante, m'a amené à m'interroger sur la manière dont des individus qui, à l'origine, n'ont pas ou peu de connaissance de ce mouvement et aucune affinité avec lui, non seulement adoptent ses croyances, mais redéfinissent leur identité dans les termes mêmes de ces dernières. Culturellement étrangers à ce mouvement, ils se rendent aux réunions, ils acceptent d'expérimenter ses rituels, et après plusieurs mois, ils s'approprient ses croyances religieuses, adoptent les pratiques dont elles font partie, et en font le socle de la revitalisation de leur biographie et de la reconfiguration de leur identité. Les modalités de cette conversion sont devenues l'objet d'une curiosité persistante, d'autant plus que les instruments théoriques pour saisir ce genre de processus étaient à l'époque peu satisfaisants.

Les sciences sociales permettaient certes de les décrire par exemple en termes d'adoption d'un nouveau « point de vue » (Burke, 1965, p. 99), de bouleversement de l'« univers du discours » (Mead, 1962 , p. 89) ou du « système de sens » (Berger, 1963 , p. 61), de « transformation de l'identité » (Shibutani, 1961) ou de « changement de paradigme » cognitif (Jones, 1978). Cependant, si ces concepts désignent ou identifient un processus de transformation, ils ne rendent pas compte du dispositif central au travers duquel ce changement se produit. L'enquête sur le recrutement dans la secte Nichiren Shoshu révélait l'importance des réseaux familiaux, des relations d'amitié et d'interconnaissance (Snow, 1993 ; Snow, Zurcher & Ekland-Olson, 1980) de même que celle des processus de conversion dans l'intensité de la participation au mouvement (Snow, 1993 ; Snow & Phillips, 1980). Plus tard, il est apparu clairement que cette première analyse laissait dans l'ombre un aspect important de l'affiliation, à savoir les processus discursifs qui se déroulent dans le groupe et qui permettent d'aligner les

3

interprétations biographiques des membres sur la perspective du mouvement. L'importance de ces processus discursifs était largement sous-estimée si j'en

juge d'après mes notes de terrain concernant les moments où, en tant que chercheur, j'étais amené à attester publiquement de mon engagement devant d'autres membres du groupe lors de séances collectives de méditation et de prière. Que l'on soit appelé à déclarer publiquement son engagement n'a rien d'étonnant, puisqu'il s'agit là d'une activité routinière du mouvement. Les membres du mouvement connaissaient les raisons de ma présence ; j ' étais néan-moins traité comme un membre du groupe, probablement parce que je participais pleinement à toute la palette des activités du mouvement : méditation individuelle ou collective, réunions, recrutement de nouveaux membres dans la rue. L'incident suivant illustre parfaitement la nature et l'importance des ali-gnements entre les individus et le groupe, que mes collègues et moi-même thé-matiserons peu de temps après comme un « processus d'alignement de cadre » (Snow, Rochford, Worden & Benford, 1986). Appelé par les dirigeants à témoigner de ma foi, je me suis précipité vers le devant de la salle là où les dirigeants étaient assis, à côté de l'autel contenant les rouleaux sacrés que nous venions de réciter pendant quarante minutes. J'ai immédiatement indiqué les raisons de mon engagement dans le mouvement Nichiren Shoshu en soulignant mes intérêts de chercheur et mon statut de doc-torant en sociologie à l'université. J'ai précisé que bien que je participe pleinement aux prières et aux activités du mouvement, j'étais « trop sceptique » pour croire que la prière et la méditation étaient à l'origine d'événements heureux comme la naissance d'une fille en bonne santé quelques mois auparavant. J'ai affirmé que malgré ce scepticisme, je continuerai de prier tant que je serai membre du mouvement. « Après tout », ai-je ajouté, « je n'ai rien à y perdre, peut-être que je tirerai en effet un bénéfice de la prière ».

Dès que je me suis rassis par terre à ma place, un dirigeant a proposé une interprétation de mon intervention en phase avec les intérêts et les visées prosélytes du mouvement. S'adressant aux personnes qu'il jugeait comme des adhérents potentiels, il affirma :

« Voyez, de bonnes choses vous arrivent lorsque vous priez. Vous ne devez pas nécessairement croire dans les pouvoirs de la prière. Dave dit qu'il est trop sceptique pour croire que la prière procure toutes sortes de bienfaits. Mais de bonnes choses lui sont arrivées depuis qu'il a commencé à prier et, avec le temps, il fera le rapport entre la prière et les bienfaits dans sa vie. Donc, comme Dave, il n'est pas nécessaire de croire dans les pouvoirs de la prière. Dès lors, pourquoi ne pas essayer de prier? Vous n'avez rien à y perdre ! »

La relecture de mes notes de terrain et des enregistrements antérieurs ainsi que la poursuite de mon travail d'observation participante dans le mouvement firent apparaître de plus en plus clairement que cet incident particulier n'était pas isolé. En effet, l'alignement (alignment) les unes aux autres des expériences et des biographies des membres, qu'ils soient potentiels et actuels, et leur ajustement (fitting) avec le point de vue du mouvement devenaient saillants et constituaient des traits continus des relations à l'intérieur de la secte. En d'autres termes, une bonne partie des conversations et des activités des membres entre eux, ou des

4

membres et de leurs invités, impliquait cet alignement ou cet ajustement. L'analyse de ces observations avec B. Rochford révélait que cette activité d'alignement était également présente et qu'elle prenait, dans le mouvement Hare Krishna aux États-Unis qu'il étudiait à la même époque2, la forme de traits continus des activités discursives. Un examen plus approfondi de mon matériau d'enquête et la consultation de la littérature sur d'autres mouvements montrèrent toutefois que cette activité d'alignement n'avait pas nécessairement partout les mêmes caractéristiques. Dans certains cas, l'alignement entraînait une transformation relativement dramatique que les personnes ce faisaient de leur biographie ; dans d'autres cas, il provoquait des changements plus subtils dans la compréhension ou l'interprétation de certains aspects de la trajectoire biographique ou de certaines expériences originales; en d'autres cas encore, il élargissait la perspective du mouvement à des événements du monde qui n'étaient pas perçus auparavant comme pertinents, comme étant hors du ressort du mouvement3.

Ces divers éléments d'observation et d'analyse révélaient que les processus de recrutement et de participation dans le domaine des mouvements sociaux étaient bien plus complexes que ne le suggérait la littérature disponible sur la question. Mais on ne disposait pas à l'époque de l'outillage conceptuel permettant de formaliser ces données et de les théoriser. Les processus de recrutement et de participation étaient soit expliqués en termes de caractéristiques psychosociales, comme la dépossession relative, la non-congruence des statuts, la perte d'identité, l'aliénation ou la stigmatisation4, soit attribués à des correspondances idéologiques préfigurées. Parfois, ils étaient tout simplement escamotés, considérés comme non problématiques dans un contexte de montée en puissance de la théorie de la mobilisation des ressources5. Ainsi, la boîte à outils théorique dans le domaine de l'étude des mouvements sociaux n'était-elle pas d'un grand secours si l'on voulait rendre compte de manière adéquate des processus d'alignement observés. Aucun schème théorique n'était disponible pour appréhender et analyser ces processus de manière analytique. Entre 1984 et 1986 nous avons mis en place l'outillage conceptuel que l'on appelle aujourd'hui la frame perspective.

Le mouvement Nimby* à Austin et le séminaire sur Goffman Alors que les efforts conceptuels pour rendre compte des processus d'alignement se poursuivaient, nous effectuions, Léon Anderson et moi-même, une étude sur le

2 . Burke Rochford est professeur de sociologie au Middlebury Collège,Vermont, et l'auteur de Hare

Krishna in America (1985). Ces observations communes et ces analyses convergentes nous conduisirent à explorer de manière plus systématique les relations entre processus d'alignement et recrutement (Snow & Rochford, 1983). 3. 3Ces observations aboutirent à un papier sur le processus d'alignement, le recrutement et la par-ticipation dans les mouvements sociaux, présenté au colloque de l'Université de Michigan en 1984. 4 On trouve une critique de ces approches psychosociologiques dans Zurcher & Snow, 1981, p. 449-454 5 Voir par exemple les commentaires de McCarthy & Zald (1977) sur l'ubiquité et la permanence des revendications dans leur travail inaugural sur la mobilisation des ressources

5

problème de plus en plus pressant des sans-abri6. Dans la première moitié des années quatre-vingt, à Austin, Texas, comme dans la plupart des grandes villes américaines, les sans-abri se sont faits non seulement de plus en plus visibles dans les parcs et les rues, mais ils sont aussi devenus un « problème » majeur pour les municipalités. Notre attention a été attirée en parti culier par les tensions croissantes entre certains quartiers et la municipalité d'Austin, qui tentait d'implanter un nouveau service d'accueil de l'Armée du Salut. Le service d'accueil existant n'était pas seulement trop exigu pour répondre aux besoins pressants en raison de la forte croissance de la population des sans-abri, il était surtout situé sur un terrain dont la propriété était convoitée dans un contexte d'expansion de la métropole et de développement du centre ville. La relocalisation de ce service s'est avérée particulièrement difficile, le projet migrant de voisinage en voisinage, en raison de fortes résistances locales qui constituaient des illustrations frappantes du phénomène Nimby7. Une des caractéristiques centrales de ces mouvements réactifs à Austin était de présenter le quartier et ses résidents, comme menacés par l'implantation de l'Armée du Salut dans le voisinage. Cependant, l'Armée du Salut était identifiée aux valeurs de la charité chrétienne ; il leur fallait dès lors trouver une cible moins estimée. Ce fut la catégorie des sans-abri affluant vers Austin et aboutissant à l'Armée du Salut qui servit d'exutoire. Comme l'affirmait un activiste :

« Les gens croient que l'on ne peut pas combattre l'Armée du Salut parce qu'elle est bonne. Mais on peut donner l'apparence du mal à n'importe quoi. Donc, nous nous concentrons sur les sans-abri de passage et nous insistons sur la menace qu'ils font peser sur les résidents du quartier, en particulier sur les femmes et les enfants. »

C'est en effet ce que firent les activistes locaux, « cadrant » les sans-abri de passage comme des ivrognes, des criminels potentiels et des pervers sexuels, prompts à s'infiltrer dans le quartier, à cambrioler les maisons et à violer les femmes. Dans un cas, des affiches furent collées sur les portes des maisons avec la mention : « Voulez-vous que vos femmes se fassent violer et vos enfants molester ? » Dans un autre cas, des résidents se rassemblèrent devant la mairie avec des pancartes portant l'inscription : « Les vagabonds et les enfants, ça ne se mélange pas ». La menace des sans-abri était supposée peser sur les personnes les plus vulnérables. Un des activistes soulignait combien le quartier menaçait de devenir un endroit inapproprié pour élever des enfants tandis qu'un autre s'indignait en demandant si la municipalité mesurait « l'impact qu'auront ces sans-abri célibataires sur les écoliers, les femmes, les familles ». L'université catholique locale, située à proximité du site potentiel d'implantation, s'est jointe à la protestation, formulant de manière similaire son opposition en termes de danger pour les étudiants : « Nous devons être capables de rassurer le millier de jeunes du campus, mais je ne pense pas que nous le puissions » (Snow & Anderson 1993, p. 97), résumait le président du conseil d'administration de l'université

6 Ce projet aboutit à la publication de Snow & Anderson, 1993 7 Ces mouvements Nimby se sont multipliés aux États-Unis dans les années quatre-vingt lorsque des résidents de quartiers urbains ou suburbains se sont sentis menacés par l'implantation i services sociaux jugés indésirables comme des abris, des foyers, des centres de soin.

6

. * Nimby = « Not In My Backyard ». (NdT. )

Alors que ces mouvements locaux tentaient de mobiliser les citoyens et de persuader les responsables politiques des dangers de l'implantation du service d'accueil dans leur quartier de résidence, l'Armée du Salut et ses partisans pro-cédaient à un contre-cadrage qui consistait tantôt à détourner l'attention du public des sans-abri masculins vers les femmes et les enfants sans abri, tantôt à présenter les sans-abri masculins comme des victimes plutôt que comme des agresseurs potentiels. Ainsi, les réunions d'information et de conciliation dans les locaux de la municipalité étaient-elles le théâtre d'un affrontement de « cadres » entre les activistes locaux et les partisans de l'Armée du Salut.

Dans cette enquête, nous ne disposions pas encore des termes de « cadre » et de « cadrage » comme outils conceptuels pour décrire et analyser les activités de production de sens qui sont au cœur de ce genre de mobilisation8. Le déroulement de l'enquête a coïncidé avec un séminaire autour du travail d'Erving Goffman, que j'ai organisé à l'université du Texas, consacré en particulier à la lecture de Frame Analysis (1974). C'est au cours de ce séminaire qu'il est apparu que le concept de frame pouvait être étendu à l'étude des mouvements sociaux et qu'il offrait une prise conceptuelle sur les processus d'alignement et sur les aspects signifiants, discursifs des interactions, à la fois à l'intérieur des mouvements et entre les mouvements et d'autres acteurs organisés (adversaires, élites, médias, publics, contre-mouvements) et à l'intérieur du champ dans lequel ils s'affrontent. Cette maturation s'est faite en collaboration avec R. Benford et S. Worden, qui y ont trouvé un intérêt immédiat en relation avec leur thèse en cours9. Les fondements de la frame perspective trouvèrent alors leur première expression (Snow, Rochford, Worden & Benford, 1986) ; ils connaîtront rapidement une série de prolongements et de développements10.

Fondements théoriques Mon intérêt pour le concept deframing et pour son opérationnalisation dans la recherche s'est formé de manière inductive plutôt que déductive, c'est-à-dire à partir d'observations empiriques, ancrées dans le travail de terrain. La frame

perspective dans le domaine des mouvements sociaux s'est en effet épanouie dans la conjonction entre ces expériences de recherche et le séminaire de

8 Bien entendu, les concepts d'idéologie et de rhétorique étaient disponibles. Mais leur valeur analytique était faible car tous deux escamotaient le caractère émergent et fortement interac-tionnel de ces luttes discursives 9 La thèse de Benford (1987) portait sur les activités de cadrage dans le mouvement antinucléaire, celle de Worden (1987) sur des conflits de voisinage à Austin abordés dans la perspective de l'interactionnisme symbolique. 10 Deux colloques sur les mouvements sociaux, l'un à Amsterdam en 1986, l'autre à AnnHarbor en 1988, ont été l'occasion d'étendre et d'approfondir cette perspective, en particulier avec R. Benford. Voir Snow & Benford ( 1988, 1992). Voir aussi les prolongements théoriques dans Benford (1993a, 1993b) puis les mises en perspective et les clarifications dans Benford & Snow (2000) et Snow & Benford (2000).

7

réflexion sur Goffman. Mais les fondements de cette perspective sont aussi bien dans les travaux qui influencèrent Goffman lui-même, en particulier ceux de William James (1950), d'Alfred Schutz (1962) et de Gregory Bateson (1972). En s'en inspirant, Goffman parvenait, dans F rame Analysis, à dégager une perspective théorique susceptible d'aider à comprendre comment les personnes répondent à la question « Que se passe-t-il ici ? » lorsqu'ils passent d'une situation à une autre. Pour Goffman, les cadres offrent une réponse à cette question, en ce qu'ils permettent d'identifier le genre d'activité en cours11. Les personnes activent un schème d'interprétation qui transforme ce qui « autrement serait une scène dénuée de sens en quelque chose de sensé ». Elles l'utilisent « pour localiser, percevoir, identifier et étiqueter un nombre infini d'occurrences concrètes » (Goffman, 1974, p. 21). En cherchant à identifier des cadres fondamentaux, ces « schèmes de com-préhension disponibles dans notre société », Goffman suggère que les cadres ne sont pas réinventés de toutes pièces chaque fois que l'on passe d'une situation à une autre, mais qu'ils existent en tant qu'élément de la culture d'un individu ou d'un groupe et qu'ils renferment par avance les significations pertinentes pour chaque situation. Comme il l'affirme en réponse aux objections formulées par Denzin et Keller (1981) à rencontre de Frame Analysis, « les cadres sont une partie centrale de la culture et sont institutionnalisés de diverses manières » (Goffman, 1981). Cette affirmation suggère une orientation structuraliste de l'analyse goffmanienne des cadres, et certains n'ont pas hésité à traiter celle-ci comme une approche de part en part structuraliste12. Il me semble cependant que l'on peut repérer dans le travail ethnographique de Goffman de nombreuses ambiguïtés qui plaident pour une lecture plus interprétative et contextuelle des opérations de cadrage. Un travail interprétatif est requis lors de la confrontation à une nouvelle situation ou une nouvelle rencontre. Surtout, il faut décider, même si c'est instantanément, quel cadre appliquer, mais ces cadres primaires sont eux-mêmes soumis à des transformations à travers ce que Goffman appelle des « modalisations » et des « fabrications ». Ces transformations peuvent être éphémères ou pérennes, ce qui semble indiquer que les cadres sont soumis à des « changements historiques » (ibid.) et non pas des entités culturelles statiques. Par ailleurs, il existe des moments et des situations de la vie sociale dans lesquels la pertinence des cadres existants est ouverte au doute, comme par exemple dans des contextes de mobilisation. Ces remarques suggèrent donc que Frame Analysis est également traversé par un courant interprétativiste, constructionniste.

C'est celui-ci qui a retenu notre attention car il procurait le levier conceptuel et théorique recherché afin d'analyser les processus d'alignement et les opérations de cadrage dans les protestations relatives aux sans-abri à Austin ou, pour R. Benford, dans les revendications du mouvement antinucléaire. Cette affinité entre nos observations de terrain et des aspects de Frame Analysis n'est pas une coïncidence, si l'on considère que les activités des membres des mouvements sociaux ont cours dans des situations où la pertinence des cadres culturels existants est devenue

11 Les cadres fonctionnent également de cette manière chez Bateson ( 1972) mais, selon Goffman (1974), il existe un nombre significatif de différences entre les deux approches. 12 Voir en particulier les commentaires de Gonos (1977) sur l'œuvre de Goffman

8

ambiguë, parfois même soumise à conflit et à contestation. C'est précisément dans ces contextes que le travail interprétatif que l'on associe aux cadres d'action collective a le plus de chances de s'épanouir. Après tout, une des fonctions des mouvements sociaux, particulièrement de ceux qui émergent en premier dans un cycle de protestation, est de fournir des cadrages alternatifs à ce qui semblait relever auparavant de l'ordre de la malchance ou de la fatalité, en le transformant en injustice sociale ou en transgression morale qui appelle l'action (Gamson, Fireman & Rytina, 1982 ; Moore 1979 ; Turner, 1969).

Cependant, pointer le genre de contexte qui pouvait requérir une activité collective de cadrage ne signifie pas que celle-ci obéisse à une logique qui échappe à toute contrainte. Bien au contraire, nous prétendons que les cadres de l'action collective, comme les processus dont ils procèdent, sont insérés dans un contexte culturel plus large. C'est par ce biais que la dimension structuraliste de Frame Analysis resurgit dans notre définition des cadres cardinaux (master frames)

qui contraignent les activités de cadrage de mouvements spécifiques dans un cycle de protestation. Us « fonctionnent de manière analogue à un code linguistique » au sens où ils fournissent « une grammaire qui ponctue et connecte syntaxiquement des schèmes ou des événements dans le monde » (Snow& Benford, 1992). Prises ensemble, ces remarques indiquent que la frame perspective, que mes collègues et moi-même avons contribué à définir, contient un élément constructionniste et un élément structuraliste13. Notre priorité était toutefois de procéder aux innovations conceptuelles requises par nos enquêtes de terrain et non pas de préserver l'intégrité de l'œuvre de Goffman. Plus tard, la frame

perspective s'est enrichie ; appliquée et ajustée à d'autres terrains, elle s'est étendue de manière productive et a été reliée à d'autres perspectives théoriques. On trouve un bon exemple de ce type d'hybridation dans l'appel récent en faveur d'un traitement plus discursif des activités de cadrage collectif (Fischer, 1997) qui trouve son inspiration dans l'approche dialogique de M. Bakhtine et de son cercle (Steinberg, 1998,1999). La jrame perspective est ainsi en constante évolution.

Connexions avec l'analyse culturelle

Avec le « tournant culturel » dans les sciences sociales, les défenseurs de l'analyse culturelle se sont intéressés à leur tour à l'étude des mouvements sociaux. La frame perspective leur est apparue comme un accès privilégié au domaine des mouvements sociaux, ce qui s'est traduit par de nombreux appels à collaboration. Mais leur volonté de prendre en compte plus sérieusement la culture s'est aussi accompagnée d'une critique récurrente de la frame perspective (Hart, 1996 ; Kane, 1997 ; Polletta, 1997 ; Steinberg, 1998, 1999 ; Williams & Kubal, 1999). Bien qu'ils adressent de nombreuses questions à cette perspective, la critique qui les rassemble porte sur le fait qu'elle ignore ou minore l'ampleur de l'ancrage des cadres

13 Ces deux aspects de la perspective ont été identifiés et présentés dans Williams & Benford (2000) sous l'expression « les deux faces des cadres de l'action collective ».

9

d'action collective dans des codes culturels et des structures sociales préexistants14.

Il me semble que nos premiers travaux (Snow et al, 1986 ; Snow & Benford, 1988, 1992) n'ont pas tant ignoré le lien entre cadres de l'action collective et contexte culturel plus large qu'été insuffisamment attentifs à la nature de cette relation, en raison de la nature de nos intérêts initiaux. Récemment, avec R. Benford, nous avons insisté sur le fait que les cadres et les processus de cadrage sont contraints par le contexte culturel dans lequel ils s'enracinent (Benford & Snow, 2000). Il convient dès lors de spécifier la teneur de ces contraintes.

Il est toutefois nécessaire de savoir préalablement comment conceptualiser ces codes culturels et ces structures sociales sous-jacents, et comment saisir les traits et les fonctions des cadres en relation avec ces codes et ces structures. Faut-il concevoir ceux-ci comme rigides, relativement inélastiques, selon une vision très déterminante de la culture ? Ou bien leur organisation est-elle plus flexible et leur application plus souple ? Ma réponse, adossée à mon expérience de recherche, est que les codes culturels sont probablement d'une grande variabilité et que la pertinence des cadres de l'action collective est d'autant plus ouverte que ces cadres sont plus flexibles, moins rigides, plus ambigus, face aux situations et aux événements qu'il s'agit d'interpréter. Cet argument peut être illustré en considérant la relation entre, d'un côté, les cadres de l'action collective et les processus de cadrage et, de l'autre, trois concepts fondamentaux d'usage courant dans l'analyse culturelle : les schèmes, les idéologies, les récits.

Cadres et schèmes

Examinons d'abord la relation entre « schèmes » et cadres. Le concept de schème renvoie aux structures du savoir ordinaire ; il est couramment utilisé en psychologie et en anthropologie cognitives, ainsi que dans le domaine de l'in-telligence artificielle. Les schèmes sont définis comme des « structures de savoir » qui consistent en majeure partie en attentes apprises et acquises à propos d'objets par rapport auxquels on s'oriente. Des expressions telles que « schèmes de personnes » (« un savoir organisé portant sur des personnes particulières ou des types de personnes »), « schèmes de rôles » (« un savoir organisé portant sur les comportements attendus d'occupants de positions sociales particulières ») ou « schèmes d'événements » (« un savoir organisé portant sur des séquences d'événements dans des situations familières ») sont couramment usitées (Howard, 1995).

Définis de manière encore plus succincte comme « des attentes à l'égard de personnes, d'objets, de situations dans le monde » (Tannen & Wallat, 1993), les schèmes ont un air de famille frappant avec les cadres, lorsque ces derniers sont compris comme des structures de significations préexistantes qui informent sur ce qui se passe (what is going on). Cependant, comme Tannen & Wallat l'a souligné,

14 D'autres commentaires critiques soulignent que la frame perspective est excessivement volontariste et stratégique, et qu'elle porte trop peu attention au caractère polyphonique des discours. Je ne crois pas que ces critiques soient irrémédiables. L'espace ici est trop restreint pour développer une réponse circonstanciée.

10

les schèmes doivent être distingués des « alignements qui sont négociés dans des interactions particulières » (ibid.), c'est-à-dire précisément des opérations de cadrage. Ainsi peut-on affirmer que les schèmes et les cadres interagissent dans le cours d'une interaction entre au moins deux individus ou groupements d'individus. Dans ces interactions, lorsque les schèmes sont divergents ou contradictoires, le cadre fournit le socle interprétatif qui aligne les schèmes que les participants apportent avec eux dans l'interaction. Ainsi, cadre et schème ne sont pas synonymes : les schèmes sont en relation de détermination mutuelle avec les cadres, ces derniers produisant une réponse interprétative plus ample et une définition plus large de « ce qui se passe ».

Cadres et idéologie

Même si l'on accepte que les cadres fournissent le socle interprétatif qui aligne des schèmes disparates, on peut toujours avancer que la réponse interprétative apportée est enracinée dans une structure culturelle plus ample ou plus profonde, ou procède d'un faisceau d'idées et de croyances intersubjectivement partagées, qui prend la forme d'une idéologie. Si l'on admet que les cadres de l'action collective sont liés d'une manière ou d'une autre à des idéologies préexistantes, cela signifie-t-il que les cadres sont déterminés par une idéologie ou qu'ils en découlent ? La position défendue ici est plutôt dérivative (Snow & Benford, 2000) que déterministe. Nous appréhendons l'idéologie comme un large faisceau, faiblement intégré, de croyances et de valeurs, fonctionnant alors comme terreau culturel et comme ressources pour les processus de cadrage. Ceux-ci se caractérisent alors par l'articulation, c'est-à-dire le panachage, l'amplification, l'accentuation de segments d'idéologies existantes. Les cadres de l'action collective sont donc enracinés, à des degrés divers, dans des idéologies disponibles, sans être déterminés par elles et sans leur être isomorphes. Du point de vue de la frame perspective, les idéologies constituent un stock de ressources culturelles dans lequel on puise en vue de construire les cadres de l'action collective. Elles facilitent et contraignent dans un même mouvement les processus de cadrage. Les cadres de l'action collective peuvent alors être définis comme des ensembles de croyances et de significations émergentes, qui articulent des idéologies de manière innovante et en amplifiant des aspects. On trouve des exemples de tels processus dans le mouvement non violent de Ghandi ou dans le mouvement des droits civiques de Martin Luther King. Ainsi, si l'on se réfère aux principes énoncés par Ghandi dans ses écrits et discours, qui se sont mués en un cadre majeur de mobilisation essaimant dans le monde, on constate qu' ils se présentent comme un assemblage hétéroclite d'idées issues de l'hindouisme, du bouddhisme, du christianisme. Ses biographes ont relevé ce qu'il a puisé dans des traditions différentes, et qu'il a articulé de manière inédite. On trouve chez M. L. King le même genre d'assemblage puisque s'y sont amalgamés des principes du ghandisme, du christianisme, de la constitution américaine. Ils forment un cadre majeur puissant, reformulant la question des « droits » (le cadre majeur des droits civiques) :

« Aucun dirigeant ne s'était exprimé de la manière dont King l'a fait. Avec ce mélange

11

inédit de thèmes chrétiens familiers, de théorie démocratique classique, de philosophie de la non-violence, il a apporté un cadre très attractif et accessible en vue de la lutte. Il convient de noter que la variété de ces thèmes assurait des points de contact idéologiques avec ceux des médias (et du public en général). Des libéraux laïques pouvaient demeurer indifférents à la lecture de la théologie chrétienne de King, mais étaient séduits par ses références à la théorie démocratique. Et ainsi de suite. Pour le dire de manière concise, la variété des thèmes soulevés par King, ainsi que leur résonance réelle, conférait à sa pensée (et au mouvement qu'il allait pour beaucoup symboliser) un pouvoir d'attraction d'une ampleur inégalée. » (Me Adam, 1996.)

Ces exemples montrent empiriquement que les cadres de l'action collective sont partiellement dérivés des idéologies disponibles, au travers d'un processus conjoint d'articulation et d'amplification. Mais ils suggèrent en même temps que l'attractivité des cadres est liée aux traditions et aux modèles culturels. Surtout, les cadres spécifient la manière dont des revendications sont produites, soutenues, voire contestées et altérées. Ils ne renvoient donc pas à des entités cognitives, insérées dans des systèmes d'idées cohérents et clos ; leur essence sociologique réside dans l'interaction sociale située. Dialogiques, ils sont empiriquement observables dans les conversations ordinaires, les débats ou les polémiques qui saturent les activités dans les mouvements sociaux.

Cadres et récits

Une dimension majeure du tournant culturel dans les sciences sociales a été la redécouverte du récit ; on a pris conscience du fait que les personnes racontent des histoires, qu'elles confèrent un sens à leur expérience en configurant des épisodes ou des péripéties dans des narrations. En général, la notion de récit est utilisée pour faire référence à une sorte de « structure culturelle interprétative ». L'organisation séquentielle (l'ordonnancement temporel) et la configuration thématique (la mise en intrigue) d'événements, d'actions et d'expériences actuelles, passées ou imaginaires sont donc les traits caractéristiques du récit (Franzosi, 1998; Maines, 1993; Polletta, 1998). Si la confection de récits constitue une procédure de sens commun pour faire sens de ce qui arrive, il convient de noter que tous les récits n'ont pas la même saillance : certains sont tellement répandus qu'ils en viennent à fonctionner comme des légendes ou des contes populaires qui informent la compréhension, l'interprétation et la narration des événements, des actions et des expériences dans le présent.

Puisque nos « cadres cardinaux » (master frames) - par exemple le langage les droits civiques - assurent ce genre de tâche intégrative et coordinatrice en fonctionnant comme « des algorithmes majeurs qui contraignent les orienta-ions et les activités d'autres mouvements temporellement et écologiquement ssociés » (Snow & Benford, 1992), il convient de se demander si les récits et cadres d'action collective, y compris les cadres cardinaux, ne sont pas des îppellations d'un seul et même phénomène. La réponse est négative. Si ces lotions partagent un air de famille, il semble que la portée des fonctions inter-prétatives des narrations soit plus ample et plus diffuse que celle des cadres d'action collective. Cela ne signifie pas que les cadres d'action collective sont subsumés par les narrations, ou vice versa, mais qu'ils se connectent clairement

12

entre eux de diverses manières. Un de leurs points d'intersection est la manière dont le processus narratif ordonne des événements en un récit cohérent. Ainsi les processus discursifs qualifiés d'« articulation » et d'« amplification » de cadre (Snow et al., 1986) peuvent-ils contribuer à la confection d'un récit cohé-rent, par exemple en liant de manière inédite des événements qui semblaient jusqu'alors déconnectés. Un autre point d'intersection concerne la relation entre les processus de cadrage et leur « résonance culturelle ». Le potentiel mobilisateur des cadres d'action collective dépend de leur degré de résonance avec des récits culturels de plus grande amplitude (Snow & Benford, 1988), donc ce que l'on a appelé leur « fidélité narrative » (Fisher, 1984). On dira, à titre d'hypothèse, que plus le degré de « fidélité narrative » des processus de cadrage sera élevé, plus leur potentiel mobilisateur sera importanti. Un troisième point d'intersection entre cadres et récits concerne les cas où la pertinence des cadres cardinaux se diffuse au-delà du champ d'action d'un mouvement : il en vient à fonctionner comme un genre de récit majeur dans la société, débordant ainsi la seule sphère de l'action collective. Enfin, les cadres et les récits sont imbriqués dans la construction d'identités collectives, chacun fournissant des mécanismes alternatifs qui contribuent au développement, au maintien, à la reproduction et à la transformation des identités collectives (Polletta, 1998 ; Snow & McAdam, 2000).

Que faut-il conclure quant aux liens qu'entretient laframe perspective avec l'analyse culturelle? Trois remarques permettent de résumer en conclusion la position ici défendue. Premièrement, les cadres de l'action collective ne sont pas déterminés par des codes culturels préexistants - que ceux-ci soient conçus en termes de modèles, de schèmes, d'idéologies ou de récits - mais ils en sont partiellement dérivés. Deuxièmement, les cadres et les processus de cadrage qui les engendrent contribuent à la reproduction et à la transformation des codes culturels qui pourtant les contraignent. Enfin, la relation entre, d'une part, les cadres et les processus de cadrage et, d'autre part, leur contexte culturel élargi, est dynamique et interactive.

Orientations de la recherche et ses défis

Les enjeux empiriques de ces clarifications conceptuelles sont multiples. La question centrale qui se pose est de savoir comment saisir empiriquement les cadres de l'action collective et les processus de cadrage. La réponse dépend pour partie de la problématique qui retient l'attention du chercheur. Ainsi peut-on s'intéresser au lien entre le développement des cadres de l'action collective ou leurs effets sur diverses activités des mouvements sociaux, qu'il s'agisse du recrutement, de la mobilisation, de leurs résultats ou de leurs réalisations. Peu importe si ces effets sont importants. La question d'identification et de la loca-lisation des cadres se pose avec force ainsi que celle de leur déploiement et de leur impact. Jusqu'à présent, les recherches se sont focalisées essentiellement sur la première question ; elles ont repéré empiriquement des cadres et des cadres cardinaux et spécifié leur fonction dans le développement d'un mouvement. Dans le cas du mouvement écologique, par exemple, plusieurs cadres ont été identifiés,

13

dont un « cadre de justice environnementale » (Çapek, 1993), un « cadre de sortie de la technologie » (Gamson, 1992), un « cadre de la préservation » (Diani, 1995), un « cadre du paysage » (Trom, 1999). Par ailleurs, plusieurs de ces travaux spécifient les fonctions de pronostic, de diagnostic, et de justification ou de motivation (rationale) liées au processus de cadrage (Wilson, 1973 ; Benford & Snow, 2000). La fonction de diagnostic comprend les opérations visant à trouver des causes, à attribuer des responsabilités, à blâmer des coupables, à identifier des victimes dans une situation problématique. La fonction de pronostic recouvre la formulation d'une solution possible et son articulation sur la situation problématique, ainsi que les stratégies d'action qui vont en découler. Le cadrage motivationnel renvoie à la production des raisons de l'engagement dans l'action et à la sélection de vocabulaires de motifs appropriés (Benford, 1993b). Ces recherches montrent que les cadres de l'action collective sont connectés à la production de mobilisations, de revendications et de protestations. Ces enquêtes sont menées à l'aide de méthodes de collecte de données inspirées de l'analyse thématique ou de l'herméneutique textuelle, de l'observation ethnographique, souvent participante, sur des sites de mobilisation (Benford, 1993a; Çapek, 1993 ; Gamson, 1992), de l'analyse documentaire et de l'exploitation d'archives (Babb, 1996 ; Clemens, 1996 ; Gerhard &Rucht, 1992; Voss, 1996). Ces travaux sont toutefois demeurés silencieux sur les processus au travers desquels les cadres se développent. Étant donné que l'activité de cadrer est une sorte de travail interprétatif qui se fait dans le cours d'interactions entre diverses configurations d'acteurs, la compréhension de la transformation des cadres implique une analyse serrée des discours des mouvements et des contre-mouvements, en particulier de leurs dirigeants ou de leurs membres significatifs (Fine, 1995 ; Fisher, 1997 ; Johnston, 1995 ; Steinberg, 1998, 1999). Un pan entier de la recherche dans ce domaine s'est ainsi attelé à analyser les processus discursifs qui précèdent le passage à l'écrit et qui sous-tendent la formation des identités collectives et des causes publiques. Trop nombreux pour être tous cités, on mentionnera ici le travail de W. Gamson (1992) sur la manière dont les participants à des « groupes centrés » entrent dans des argumentations et des controverses autour de questions sociales et politiques (affirmative action, énergie nucléaire, risque industriel, conflit israélo-arabe). Bien que les groupes centrés soient des contextes suscités artificiellement par le dispositif d'enquête, l'étude de Gamson montre qu'ils constituent un instrument utile pour accéder empiriquement aux processus discursifs au travers desquels des enjeux publics sont cadrés. L'étude de M. W. Steinberg (1999) sur les « répertoires de discours » des fileurs de coton anglais au xixe siècle montre que les cadres « sont des produits relationnels de désaccords entre contestataires et détenteurs du pouvoir », et sont enracinés dans un terrain culturel dynamique et conflictuel, des « champs discursifs » (ibid.). Cependant, si cette interprétation « dialogique » semble bien documentée par des données textuelles, l'analyse de Steinberg butte sur l'obstacle que rencontre toute analyse historique, rendant cette approche partielle et incomplète : les archives et autres textes (journaux, pamphlets et minutes, documents administratifs, policiers et judiciaires) sont eux-mêmes les produits de

14

séries complexes d'activités de cadrage. L'analyse fait donc l'impasse sur les activités dialogiques et scripturaires qui elles-mêmes engendrent des textes.

Nous avons tenté récemment de saisir empiriquement ces processus de cadrage « au ras du sol » en examinant la manière dont les processus discursifs appelés « amplification » et « articulation » de cadres ont contribué àl' élaboration, à la diffusion et au maintien de cinq cadres enchevêtrés dans un groupe d'extrême-droite en Arizona (Snow & Miller, 2000). Les données collectées se composent de 38066 lignes de notes de terrain et d'enregistrements audio de conversations, de discours et de discussions qui ont eu lieu dans le contexte de réunions hebdomadaires. L'analyse vise à identifier d'abord les thèmes (enjeu, acteur, activité, événement) évoqués dans la discussion (au total, 114 thèmes), puis à repérer selon quelles combinaisons ils sont amplifiés et articulés dans des cadres. Les thèmes et les cadres sont alors mesurés en fonction de la place qu'ils occupent dans le discours (définie comme le volume total des paroles enregistrées sur la période d'observation) et relativement les uns aux autres ; ils sont aussi analysés en relation avec les performances de trois séries d'acteurs/locuteurs (leaders, personnes invitées, membres actifs). Les résultats de l'analyse suggèrent que le nœud du processus de cadrage se situe dans les processus conjoints d'articulation et d'amplification plutôt que dans l'unicité des thèmes eux-mêmes. Les groupes restreints des dirigeants jouent un rôle central dans ces processus. La manière dont ces thématiques sont reliées entre elles et dont elles sont soupesées confère aux cadres leur singularité. De plus, il est hautement significatif que les cadres d'action collective du groupe émergent de façon continue dans le cours des réunions : ces cadres sont des entités dynamiques, indissociables des opérations de leur configuration, plutôt que des entités statiques et réifiées. Le coût en temps d'une telle enquête est toutefois très élevé, car elle nécessite non seulement de procéder à une observation ethnographique de longue haleine mais aussi d'accéder aux discours constitutifs du processus de cadrage et de les reconstruire.

Un autre pan de la recherche s'est attelé à analyser les conséquences et les implications des cadres sur le recrutement de personnels, la mobilisation de res-sources, l'identification d'organisations collectives et l'efficacité en termes d'objectifs. Ces travaux appréhendent les cadres comme des variables indépen-dantes et focalisent l'attention sur leurs effets. Concernant les opportunités politiques, W. Gamson et D. Meyer (1996) ont ainsi soutenu que l'amplitude avec laquelle celles-ci facilitent ou contraignent les activités des mouvements sociaux dépend de la manière dont ces activités sont cadrées par les acteurs du mouvement et par d'autres acteurs avec lesquels ils sont en relation ; les identités personnelles et collectives à l'œuvre dans les mouvements sociaux sont directement liées aux processus de cadrage (Hunt, Benford & Snow, 1994 ; Snow & McAdam, 2000). Toutefois, ces remarques tiennent plutôt de spéculations théoriques et reposent souvent plus sur des anecdotes que sur des investigations systématiques.

On trouve une étude plus systématique des effets du cadrage dans l'enquête sur l'impact local de quinze mouvement sociaux de sans-abri, actifs dans huit villes américaines dans les années quatre-vingt (Cress & Snow, 2000). En empruntant

15

aux techniques de l'analyse qualitative comparative (Ragin, 1987), l'observation ethnographique a permis de rendre compte du poids relatif des variables organisationnelles, tactiques, politiques et celles relatives au cadrage, de la manière dont elles interagissent et se combinent dans la réalisation des objectifs des mouvements sociaux. Les objectifs de ces quinze mouvements sociaux de sans-abri sont au nombre de quatre : définition de la réalité, accumulation de ressources, reconnaissance de droits et réparation de dommages. Parmi les quatre séries de variables examinées, les cadres diagnostiques et pronostiques sont opérants dans tous les processus d'action. La variable « viabilité organisationnelle » est sans doute capitale, mais l'étude montre l'importance de la variable « opérations de cadrage ». Une telle enquête montre que les cadres peuvent être conçus comme des variables et qu'il est possible d'en évaluer les effets sur les activités des mouvements sociaux.

Au terme de ces considérations une conclusion en deux temps, relative à la manière d'étudier empiriquement les cadres d'action collective et les processus de cadrage, s'impose. Ces cadres peuvent être saisis par les mêmes méthodes et procédures que tout autre phénomène social (analyse de contenu, approche herméneutique, analyse de discours, observation ethnographique). Toutefois, la réponse à cette question dépend de manière ultime de ce qui retient l'attention du chercheur: l'identification et la localisation des cadres, leur production ou leur développement, soit les facteurs qui facilitent ou contraignent ces processus, leurs implications et leurs conséquences en termes d'efficacité d'un mouvement social.

Conclusion

Ces dernières années ont connu une prolifération des recherches inspirées de la frame perspective appliquée aux mouvements sociaux, au point qu'une revue de ces travaux a été proposé dans une livraison récente de VAnnual Review of Sociology (Benford & Snow, 2000). Toutefois, les fondements de cette pers-pective, ses liens avec l'analyse culturelle et ses implications méthodologiques pour la conduite des recherches ont été peu discutés. Cet article visait à combler cette lacune. Il est une invitation à poursuivre la réflexion théorique sur les mouvements sociaux, à l'enrichir conceptuellement, à la rendre plus sophistiquée et à la monnayer en investigations empiriques.

(Traduit de l'anglais par Danny Trom.)

16

Bibliographie

Babb S. 1996 « A true American System of finance: frame résonance in the U.S. Labor

Movement, 1866 to 1886», American Sociological Review, 61, p. 1033-1052.

Bateson G. 1972 « A theory of play and phantasy », in Id., Steps to an Ecology ofMind, New York,

Ballantine Books.

Benford R. D. 1987 Framing Activity, Meaning, and Social Movement Participation : The Nuclear

Disarmament Movement, Austin, University of Texas, thèse de Ph D, multigr. 1993a « Frame disputes within the nuclear disarmament movement », Social Forces,

71, p. 677-701. 1993b « You could be the hundredth monkey : collective action frames and vocabular- ies of motive within the nuclear disarmament movement », Sociological Quarterly, 34, p. 195-216. 1997 « An insider's critique of the social movement framing perspective »,

Sociological Inquiry, 67, p. 409-430.

Benford R. D. & Snow D. A. 2000 « Framing processes and social movements : an overview and assessment »,

Annual Review of Sociology, 26, p. 611-639.

Berger P. L. 1963 Invitation to Sociology : A Humanistic Perspective, Garden City, Doubleday-

Anchor. Burke K. 1965 Permanence and Change, Indianapolis, Bobbs-Merrill.

Çapek S. M. j 993 « The "environmental justice" frame : a conceptual discussion and application »,

Social Problems, 40, p. 5-24.

Clemens E. A. 1996 « Organizational form as frame : collective identity and political strategy in the

American Labor Movement », in D. McAdam, J. D. McCarthy & M. ZalJ (eds), Comparative Perspectives on Social Movements : Political Opportunities,

Mobilizing Structures, and Cultural Framings, Cambridge-New York, Cambridge University Press, p. 205-226.

Cress D. M. & Snow D. A. 2000 « The outcomes of homeless mobilization : the influence of organization, dis- ruption, political médiation, and framing », American Journal of Sociology, 105,p. 1063-1104. #r • y.- Denzin N. K. & Keller C. M. 1981 « Frame analysis reconsidered ». Contemporary Sociology, 10, p. 52-60.

Diani M.

17

1995 Green Networks : A Structural Analysis ofthe Italian Environmental Movement,

Edimbourg, Edinburgh University Press. 1996 « Linking mobilization frames and political opportunities : insights from régional

populism in Italy », American Sociological Review, 61, p. 1053-1069.

Fine G. A. 1995 « Public narration and group culture: discerning discourse in social movements », in

H. Johnston & B. Klandermans (eds), Social Movements ana-Culture, Minneapolis, University of California Press, p.127-143.

Fisher K. 1997 « Locating frames in the discursive universe », Sociological Research Oriline> 2

(3), <www.socresonline.org.uk/2/3/4.html>.

Fisher W. R. 1984 « Narration as a human communication paradigm : the case of public moral

argument », Communication Monographs, 51, p. 1-23.

Franzosi R. 1998 « Narrative analysis - or why (and how) sociologists should be interested irative »,

Animal Review of Sociology, 24, p. 517-554.

Gamson W. A. 1992 Talking Politics, Cambridge-New York, Cambridge University Press. les K. R. 78 « Paradigm shifts and identity theory : alternation as a form of identity management »,

in H. Mol (éd.), Identity and Religion, Beverly Hills, Sage, p. 59-82.

Kane A. E. 1997 « Theorizing meaning construction in social movements : symbolic structures and interprétation during the Irish Land war, 1879-1882 », Sociological Theory, 15, p. 249-276.

McAdam D. 1996 « The framing function of movement tactics : stratégie dramaturgy in the

American civil rights movement », in D. McAdam, J. D. McCarthy & M. N. Zald (eds), Comparative Perspectives on Social Movements : Political

Opportunities, Mobilizing Structures, and Cultural Framings, Cambridge/New York, Cambridge University Press, p. 338-355.

McCarthy J. D. & Zald M. N. 1977 « Resource mobilization and social movements : a partial theory », American Journal ofSociology, 82, p. 1212-1241. Maines D. R. . 1993 « Narrative's moment and sociology's phenomena : toward a narrative soci- ology », Sociological Quarterly, 34, p. 17-38.

Mead G. H. 1962 Mind, Self, andSociety, éd. parC. Morris, Chicago, University of Chicago Press.

Moore B. . 1979 Injustice : The Social Bases of Obédience and Revolt, White Plains, Sharpe.

18

Polletta F. 1997 « Culture and its discontents : récent theorizing on the cultural dimensions of

protest », Sociological Inquiry, 67, p. 431 -450. 1998 « "It was like a fever..." Narrative and identity in social protest », Social Problems,

45, p. 137-159.

Ragin C. ;> 1987 The Comparative Method, Berkeley, University of California Près.

Rochford E. B. 1985 Hare Krishna inAmerica, New Brunswick, Rutgers University Press.

Schutz A. 1962 « On multiple realities », Philosophy and Phenomenological Research, 5, p. 533-576:

Shibutani T. 1961 Society and Personality, Englewood Cliffs, Prentice-Hall. Gamson W. A., Fireman B. & Rytina S. 1982 Encounters with Unjust Authority, Homewood, Dorsey.

Gamson W. A. & Meyer D. S. 1996 « The framing of political opportunity » in D. McAdam, J. D. McCarthy & M. Zald

(eds), Comparative Perspectives on Social Movements : Political Opportunities,

Mobilizing Structures, and Cultural Framings, Cambridge-New York, Cambridge University Press, p. 275-290.

Gerhards J. & Rucht D. 1992 « Mesomobilization : organizing and framing in two protest çampaigns in West

Germany », American Journal ofSociology, 98, p. 555-595. I ' 'J'..t;;"V''i"j,i;S.J ' 1 Goffman E. 1974 Frame Analysis, New York, Harper. 1981 « A reply to Denzin and Keller », Contemporary Sociology, 10, p. 60-68.

Gonos G. 1977 « "Situation" versus "Frame" : the "interactionist" and the "structuralist" analysis of

everyday life », American Sociological Review, 42, p. 854-867.

HallS. 1982 « The rediscovery of ideology : return of the repressed in média studies », in

M. Gurevitch, T. Bennett, J. Curon & J. Woolacott (eds), Culture, Society, and the Media, New York, Methuen, p. 56-90.

HartS. 1996 « The cultural dimension of social movements : a theoretical reassessment and literature review », Sociology of Religion, 57, p. 87-100.

Howard J. 1995 « Social cognition », in K. S. Cook, G. A. Fine & J. S. House (eds), Sociological

Perspectives on Social Psychology, Boston, Allyn & Bacon, p. 90-117.

Hunt S. A., Benford R. D. & Snow D. A.

19

1994 « Identity fields : framing processes and the social construction of movement identities », in E. Larana, H. Johnston & J. Gusfield (eds), New Social

Movements : From Ideology to Identity, Philadelphie, Temple University Press, p. 185-208.

James W. 1950 Principles of Psychology, New York, Dover Publications, vol. 2.

'UiHîli V'-.! i '.. - ?>"< ' ! Johnston H. 1995 « A methodology for frame analysis : from discourse to cognitive schemata », in

H. Johnston & B. Klandermans (eds), Social Movements and Culture,

Minneapolis, University of California Press, p. 217-246. 1999 « The talk and back talk of collective action : a dialogic analy sis of répertoires of

discourse among nineteenth-century English cotton-spinners », American Journal

of Sociology, 105, p. 736-780.

Tannen D. & Wallat C. 1993 « Interactive frames and knowledge schémas in interaction : examples from a

médical examination/interview », in D. Tannen (éd.), Framing in Discourse,

New York, Oxford University Press, p. 57-76.

Tarrow S. 1994 Power in Movemenî: Social Movements, Collective Action and Politics,

Cambridge-New York, Cambridge University Press.

Trom D. 1999 « De la réfutation de l'effet Nimby considérée comme une pratique militante.

Note pour une approche pragmatique de l'activité revendicative », Revue fran çaise de science politique, 49 ( 1 ), p. 31 -50.

Turner R. H. 1969 « The thème of contemporary social movements », British Journal of Sociology, 20,

p. 390-405.

Voss K. 1996 « The collapse of a social movement : the interplay of mobilizing structures,

framing, and political opportunities in the Knights of Labor », in D. McAdam, J. D. McCarthy & M. Zald (eds), Comparative Perspectives on Social

Movements : Political Opportunities, Mobilizing Structures, and Cultural

Framings, Cambridge-New York, Cambridge University Press, p. 227-258.

Williams R. & Benford R. D. 2000 « Two faces of collective action frames: a theoretical considération », Current

Perspectives in Social Theory, 20, p. 127-151.

Williams R. & Kubal T. J. 1999 « Movement frames and the cultural environment : résonance, failure, and the boundaries of the legitimate », Research in Social Movements, Conflicts, and Change, 21, p. 225-248.

Wilson J. 1973 Introduction to Social Movements, New York, Basic Books.

Worden S. K. 1997 Bums, Barrios, and Baptists : An Interactionist Inquiiy into the Pieties of Place,

20

Austin, University of Texas, thèse de Ph D, multigr.

Zurcher L. A. & Snow D. A. 1981 «Collective (eds), Social p. 447-482. Snow D. A. 1993 Shakubuku : A Study of the Nichiren Shoshu Buddhist Movement in America, 1960-

1975, New York, Garland Publishing.

Snow D. A. & Anderson L. 1993 Down on their Luck : A Study ofHomeless Street People, Berkeley, University of

California Press.

Snow D. A. & Benford R. D. 1988 « Ideology, frame résonance, and participant mobilization », in B. Klandermans, H. Kriesi & S. Tarrow, From Structure to Action : Comparing Social Movement Research across Cultures, Greenwich, JAI Press, p. 197-217 (« International

Social Movement Research » 1 ). 1992 « Master frames and cycles of protest », in A. D. Morris & C. McClurg Mueller (eds), Frontiers in Social Movement Theory, New Haven, Yale University Press,

p. 133-155. 2000 « Clarifying the relationship between framing and ideology : comment on Oliver and Johnston », Mobilization : An International Journal, 5, p. 55-60. Snow D. A. & McAdam D. 2000 « Identity work processes in the context of social movements : clarifying the

identity/movement nexus », in S. Stryker, T. J. Owens & R. W. White (eds). Self, Identity, and Social Movements, Minneapolis. University of Minnesota Press, p. 41-67.

Snow D. A. & Miller J. 2000 « An empirical examination of frame articulation and amplification », ms.

Snow D. A. & Phillips C. L. 1980 « The Lofland/Stark conversion model: a critical reassessment », Social

Problems, 27, p. 430-447. \\ m,:m '; ,:>a::.iav :

Snow D. A. & Rochford E. B. 1983 « Structural availability, the alignment process and movement recruitment », com-

munication au congrès annuel de l'American Sociological Association, Détroit.

Snow D. A., Rochford E. B., Worden S. K. & Benford R. D. 1986 « Frame alignment processes, micromobilization, and movement participation »,

American Sociological Review, 51, p. 464-481.

Snow D. A., Zurcher L. A. & Ekland-Olson S. 1980 « Social networks and social movements : a microstructural approach to differ-ential

recruitment », American Sociological Review, 45, p. 787-801.

Steinberg M. W. 1998 « Tilting the frame : considérations on collective framing from a discursive

ehavior: social movements », in M. Rosenberg & R. H. Turner Psychology : Sociological Perspectives, New York, Basic Books,

21

tum », Theory and Society, 27, p. 845-872. i Pour une synthèse de travaux qui documentent empiriquement cette hypothèse, voir Benford & Snow (2000).