couloubaritsis causalité et scientificité dans la métaphysique d’aristote
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un article important sur la notion de cause chez Aristote, par un spécialiste contemporain.TRANSCRIPT
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31/3/2015 Kpoi - Causalit et scientificit dans la Mtaphysique dAristote - Presses universitaires de Lige
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Pressesuniversitairesde LigeKpoi | Edouard Delruelle, Vinciane Pirenne-Delforge
Causalit etscientificit dansla MtaphysiquedAristoteLambros Couloubaritsisp. 213-226
Texte intgral
1. Introduction
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1. Introduction
Comme on le sait, le thme de la causalit est central dans
la Mtaphysique dAristote, ne serait-ce que parce que le
livre A prouve cette notion en fonction de lusage qui a t
fait dans le pass, en vue de montrer quil ny a que quatre
causes. Ds le dbut de son expos, le Stagirite nous
rappelle quil a dj instaur les quatre causes dans son
trait de Physique, ce qui le dispense de sengager dans une
nouvelle tentative de fondation. Il sapplique ensuite
montrer que ses prdcesseurs ont abord lune ou lautre
de ces causes, mais quaucun dentre eux na vraiment
russi circonscrire lensemble des causes1 . Or, comme je
lai montr ailleurs2, linstauration des quatre causes, grce
laquelle sinstitue la scientificit de la physique,
saccomplit bien dans la Physique, au fil dune analyse
aportique o la mthode philosophique (euporie) succde
la dialectique rfutative (diaporie) et tablit
progressivement les causes, rassembles dfinitivement au
livre II, 3, peu avant que la cause efficiente ne trouve son
institution pleine au livre III, au cours de ltude du
mouvement. cette occasion, on dcouvre aussi que la
cause finale, dj thmatise au livre II, 2, se dploie au
cur de tout processus grce au double sens de
lentelecheia, cest--dire lentlchie proprement dite (ou
seconde) et lentlchie qui possde encore de la puissance
(ou premire). Pourtant, lachvement du trait de
Physique, grce aux livres VI VIII, amplifie surtout le rle
de la cause efficiente, mme si lanalyse nous conduit au
seuil dune problmatique qui, travers lmergence dun
Premier mouvant immobile, ouvre une autre possibilit,
celle dune cause finale pour ce qui est ultime. Cest, on le
sait, au livre de la Mtaphysique que cette cause est
dploye dune faon dcisive, grce la clbre
formulation que Dieu meut comme un tre aim. Or, entre
lambigut de Physique VIII et la formulation dfinitive de
Mtaphysique A sinscrit une diffrence subtile entre
physique et mtaphysique. Elle nous permet de supposer
que, dans la Mtaphysique, la question de la causalit,
tablie dans la Physique, devrait jouer un rle qui est
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2. En qute de nouvelles solutions
tablie dans la Physique, devrait jouer un rle qui est
propre la philosophie premire3.
Cest ce rle que je souhaite clairer dans ce travail, en
mappuyant sur une hypothse que jai dj soutenue dans
des communications orales4, mais aussi esquisse dans
dautres tudes5. En ce lieu, je souhaite resituer cette
hypothse dans un contexte plus large, qui est celui des
modes de scientificit quautoriserait la Mtaphysique.
Pour que cette dmarche soit plus claire, je commencerai
par tracer rapidement le contexte dans lequel cette
question sinscrit ; ensuite, janalyserai un autre critre de
scientificit de la philosophie premire, celui
duniversalit ; enfin, je rsumerai lhypothse de la
causalit comme lieu de la scientificit de la philosophie
premire, en retenant uniquement le rle ponctuel de
chacune des quatre causes au fil du trait de
Mtaphysique. Pour conclure, je tenterai dassocier les
critres de causalit et duniversalit, en y intgrant
galement celui de la ncessit, pour faire voir que la
scientificit est bien au centre de la Mtaphysique.
Il va sans dire que les premires considrations sur la
question de la causalit que je viens desquisser ne suffisent
pas couvrir la question des causes dans la Physique et
dans la Mtaphysique, car il reste toujours, en arrire-plan,
une question pralable : pourquoi Aristote recourt-il aux
causes pour tudier ltant en devenir (Physique) et ltant
en tant qutant (Mtaphysique) ? La question me parat
dautant plus pertinente que la science aristotlicienne
aurait pu se contenter de la recherche des dfinitions et des
attributs essentiels ou des attributs propres pour dployer
un savoir scientifique cohrent sur la base des critres de
ncessit et duniversalit.
Ctait en partie loption choisie par Platon en se rfrant
au domaine des essences et des intelligibles. Dans le
Philbe, il refuse toute possibilit dune science des tants
en devenir6, bien quil admette la formation darts, comme
la grammaire et la musique, en recourant aux lments
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la grammaire et la musique, en recourant aux lments
(stoicheia)7 . Or, la rponse ce type danalyse minimaliste
est donne par Aristote ds les premires lignes de sa
Physique : il ny a de savoir et de science que lorsquon
connat, non seulement les lments, mais galement les
principes et les causes des tants8. Dans la suite de son
expos, Aristote applique le procd de Platon concernant
les lments sur le devenir, mais en poussant plus avant son
analyse, cest--dire en convertissant les lments en
principes et les principes en causes. Cette double
conversion constitue luvre majeure de la Physique, o la
causalit achve la scientificit de ltant en devenir, donc
galement celle du changement. Cest dire que la question
de la causalit a paru essentielle, aux yeux dAristote, pour
dgager la scientificit de ltant en devenir, que les seuls
critres de ncessit et duniversalit ne sauraient
circonscrire suffisamment.
En plaant ainsi la question de la causalit ct ou au-
del de celle de la ncessit et de luniversalit pour
rendre la scientificit de ltant, Aristote a profondment
boulevers le cours de la pense grecque et litinraire trac
par Socrate et Platon. Il faut toujours se rappeler quavant
ltablissement par lui dune science physique, aucune
tentative navait t faite dans le sens dune recherche de la
causalit comme critre de scientificit pour le devenant et
ltant : tout simplement parce quaucun penseur avant lui
navait russi trouver des critres pour tablir la
scientificit des tants en devenir9.
Ds lors que lon conoit quil ny a vraiment de science
pour Aristote que si lon tablit les causes, on comprend,
non seulement le sens et la porte de lensemble des traits
physiques qui font suite la Physique, et qui ne cessent
de recourir aux causes, mais galement le rle des causes
dans la Mtaphysique : il sagit avant tout de garantir la
scientificit du trait. Bien sr, cela suppose que lon
admette lunit de luvre, mise en doute depuis Jger. Ou,
pour tre plus nuanc, cela implique que lon prenne
comme hypothse de travail que, dans la recherche de
lunit de ce trait, il convient de tenir compte, non
seulement des critres externes (telles les rfrences des
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3. Universalit et scientificit
seulement des critres externes (telles les rfrences des
lments historiques, le style, etc.), mais galement des
critres internes. La causalit peut constituer un tel critre
et donc contribuer renforcer lhypothse de lunit de la
Mtaphysique. Aussi peut-on supposer que la scientificit
de la science recherche 1 0, cest--dire de ce qui sera
qualifi par Aristote de philosophie premire , bien
avant la cration par Andronicos de Rhodes du vocable
mtaphysique , pourrait tre tablie par diffrents
critres, parmi lesquels la causalit jouerait un rle non
ngligeable. Cette perspective na pas encore t
suffisamment exploite, sans doute parce que le
dmantlement du texte de la Mtaphysique depuis Jger,
puis la mise en vidence dun ensemble dapories depuis les
annes soixante, a dcourag les chercheurs, qui nosent
plus proposer dtudes densemble sur la Mtaphysique.
Face cette crise, issue des rserves avances par les tudes
gntiques sur luvre dAristote, il convenaient douvrir de
nouveaux chemins de rflexion1 1 .
Le plus souvent, le critre utilis par les interprtes pour
fonder la scientificit est le critre duniversalit, qui
sappuie sur lide quil ny a de science que de luniversel,
en loccurrence dun seul genre. Le livre E de la
Mtaphysique nous pousse dailleurs dans le sens de
lminence de luniversalit, car il associe la primaut de
la philosophie premire (quAristote identifie en
loccurrence la thologie) son universalit du fait mme
quelle est premire1 2. Comme on le sait, les difficults
souleves par cette proposition, adopte souvent sans autre
forme de procs par les lecteurs dAristote depuis
lAntiquit, en liant luniversel lobjet de la thologie,
Dieu, a conduit Jger distinguer, dans la Mtaphysique,
la thologie qui reprsenterait la premire conception
dAristote, influence par le platonisme, et lontologie
comme seconde conception, suivie de ltude de la
substance en tant quelle reflte sa position ultime. Cela
a pouss certains, notre poque, en vue dassurer
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a pouss certains, notre poque, en vue dassurer
lontologie une place centrale dans la Mtaphysique,
carter le passage litigieux (par exemple W. Leszl1 3), ou
mme refuser lauthenticit de ce livre, (par exemple E.
Martineau1 4). En ralit, la question de luniversalit ne
requiert pas une rponse unique chez Aristote. Rien ne dit
en effet quil faille rapporter ce type duniversalit, propre
la thologie, celle qui est implique par lide quil ny a de
science que de luniversel, et que cest lobjet de la thologie
qui est voqu comme centre de gravit du trait. Cest en
partant de cette hypothse que jai propos, jusquici, trois
approches diffrentes de luniversalit chez Aristote, dont
seule la premire rejoint la position traditionnelle et
concerne la scientificit de la philosophie premire
relativement son objet.
En effet, la premire option prend position dans le dbat
autour de la compatibilit ou non, chez Aristote, dune
science qui ne porte que sur un genre et ltant plurivoque,
cest--dire qui met en jeu plusieurs genres. Il est vrai que
linterprtation traditionnelle a admis un peu rapidement
que lensemble des genres est dune faon ou dune autre
rductible au premier des genres, lousia, auquel ils se
rapportent (pros hen) selon une forme qui est, pour ainsi
dire, soumise inexorablement la synonymie (kathhen).
Nous savons aujourdhui, grce aux travaux de P.
Aubenque, que cette perspective se heurte aux textes qui
confrent un caractre homonymique ltre. Souvent
interprte partir de la conception thomiste de lanalogie
(cest--dire de lanalogie de prdication), trangre la
pense dAristote1 5, la structure pros hen (traduite dune
faon restrictive par les interprtes anglo-saxons par focal
meaning ) ne devrait pas sopposer lhomonymie de
ltant. Or, pour faire voir la pertinence de cette thse, P.
Aubenque a interprt le rapport un terme premier (pros
hen) dune faon tellement homonymique quil carte toute
rduction synonymique lousia1 6, alors quAristote admet
que les genres qui se rapportent (pros hen) ltance se
disent galement dune certaine faon selon la synonymie
(kai tauta tropon tina legonati kath hen)1 7 . Pour clairer
ce dbat, je me suis permis davancer une hypothse
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ce dbat, je me suis permis davancer une hypothse
nouvelle dans mon tude Ltre et lUn chez Aristote 1 8.
Jy ai montr que le Stagirite propose, grce la structure
hnologique du proshen, une forme largie de sa
conception de la science, qui prolonge les donnes des
Analytiques, en rendant possible une science, non plus
seulement limite un seul genre, mais impliquant un
genre premier, compatible avec dautres genres qui sy
rapportent, tout en gardant leur autonomie. Autrement dit,
ce rapport spcial ne rduit pas les genres ltance
(comme dans le cas dune synonymie), mais sauvegarde leur
statut propre. Aussi faut-il comprendre le proshen comme
une structure hnologique (et non seulement smantique,
voire ontologique) qui est rellement intermdiaire entre
lhomonymie et la synonymie, et qui peut tre compatible
avec la scientificit selon le critre duniversalit.
Depuis cette premire approche, jai ajout dautres
donnes pour renforcer mon analyse, mais le plus souvent
en vue de promouvoir limportance du livre I de la
Mtaphysique qui dveloppe lhnologie aristotlicienne1 9.
Parmi ces donnes figure lautre structure clbre, celle de
lunit selon la conscution (hen ephexs), utilise dans le
pass pour rduire le rel dans sa totalit ltance
suprme, Dieu, selon un rapport rducteur. Or, llucidation
de lUn que jai opre, qui envisage lUn comme la mesure
de toutes choses (et non comme une sorte de ralit ou
un tant ), montre que ltance divine peut tre prise
comme mesure de toutes les autres tances dans le genre
qui leur est propre (ltance), tout comme le blanc peut tre
pris comme mesure des autres couleurs dans le genre
couleur, qui appartient au genre qualit20.
Il me semble utile, pour la clart du dbat, de rappeler
quavant de proposer cette conception du pros hen, javais
soutenu, loccasion dune analyse de la diffrence entre
sophia et philosophie21 , que luniversalit attribue par
Aristote au sage (sophos) signifie que la connaissance de
toutes choses requiert une recherche et un processus
ordonn et ordonnant qui se rsume dans le passage du
panta (universel par association et sans ordre) au holon et
au katholou (universel ordonn). Cette Constatation, je lai
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au katholou (universel ordonn). Cette Constatation, je lai
complte ultrieurement en la situant son tour dans le
cadre dune analyse de lUn, puisque le Tout (pan) et la
Totalit (holon) appartiennent au deuxime mode de lUn,
alors que le katholou dborde vers le troisime mode22. En
fait, cette perspective recle de grandes potentialits, car
elle met en jeu toutes les possibilits offertes par les quatre
modes de lUn et du Multiple. Je reviendrai, sur ce point
dans la suite, dans le cadre de la discussion du critre de
causalit. Cest dans ce contexte que doit tre galement
situe la tentative dAristote dappliquer lanalogie pour
unifier sa pense et qui appartient en fait au troisime
mode de lUn, cest--dire luniversel, mais du ct du
multiple. Cela montre que la premire option aussi bien
que la deuxime concernant luniversel appartiennent la
pratique de lUn chez Aristote, en tant que lUn est la
mesure de toutes choses. De l, nous sommes conduits la
troisime option, fort diffrente des deux premires, mais
dont la fcondit me parat indubitable.
En effet, dj lpoque o jai introduit la question de
luniversalit (avant que je ne dcouvre limportance de
lUn), javais bauch, dans la mme tude, un autre sens de
luniversel, en partant de lide que lobjet de la sagesse est
le plus loign relativement nous et aux choses notre
porte. Cette perspective appartient donc la structure de
la double connaissance, centrale dans la mthodologie des
principes chez Aristote, cest--dire le passage de ce qui est
plus connu pour nous ce qui est plus connu en soi23. Or,
pour atteindre cet objet ultime (en loccurrence Dieu), un
cheminement dtermin est requis, quAristote nous
dvoile au livre A, 2, 983a 11-13, lorsquil situe ltude de
Dieu comme objet de la science recherche . Il y dit en
effet que lacquisition de ce qui est ultime doit nous
conduire une connaissance qui se tienne loppos, ou
plus exactement qui tienne la position contraire (eis
tounantion) du point o nous avions commenc les
recherches. Ce texte, qui na pas attir jusquici lattention
quil mrite, nous rvle quentre les premires lignes de la
Mtaphysique o Aristote dclare : tous les hommes
dsirent par nature savoir ; ce qui lindique, cest laffection
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4. Causalit et scientificit
que nous manifestons pour lexprience des sens 24, et le
moment o Dieu est envisag comme une intelligence qui
se manifeste comme pense de la pense (h nosis noses
nosis)25, saccomplit un renversement. Or, le chemin qui
mne ce renversement, et qui commence par les
diffrences propres aux sens, grce auxquelles se
multiplient les connaissances26, et qui arrive jusqu
lintelligence suprme dont lunicit et la simplicit27
manifestent le mode le plus propre de lUn, le continu28,
met en jeu toutes les thmatiques qui composent le trait
de Mtaphysique. Cest la raison pour laquelle jai pos
comme hypothse de travail que luniversalit dont il est
question pour la philosophie premire concerne lensemble
des principes et des donnes quon acquiert sur le chemin
qui mne linstitution de ltude de la premire tance en
acte et immobile, pense de la pense Dieu cest--dire
de linstitution de la thologie. Cela signifie que
luniversalit de la thologie ne concerne pas, comme on le
soutient traditionnellement, son objet, mais le savoir
pralable et universel requis avant datteindre la
connaissance du Divin, connaissance grce laquelle
sinstitue la thologie. Cest en fonction de cette
connaissance, en effet, quAristote peut dgager les
diffrentes caractristiques de Dieu, opposes et diffrentes
de celles qui concernent les tances, aussi bien du monde
sublunaire que celles du monde supra-lunaire.
Cette thse, que jai dj esquisse dans mes travaux
antrieurs, demande bien sr une confirmation par ltude
de lensemble du trait. Aussi lai-je laisse jusquici comme
une hypothse de travail tablir par un travail venir.
Toutefois, je crois que la question de la causalit peut
mener des considrations analogues, ce qui pourrait
consolider la pertinence de cette hypothse.
Comme je lai dj signal, cest surtout dans des
communications orales, non publies, que jai tent
dclairer le rle de la morph aristotlicienne comme cause
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finale et le rle de la cause finale dans la Mtaphysique
dAristote29. Or, cette occasion, jai propos une
hypothse de travail qui tablit la scientificit de la
Mtaphysique par le biais des quatre causes.
Que les quatre causes doivent jouer un rle essentiel dans
linstitution de la scientificit de la philosophie premire,
cela ressort clairement des observations que jai faites au
dbut de mon expos. Je dois nanmoins prciser
maintenant que, dans ce type dinstauration de la
scientificit, les causes doivent tre envisages, non plus
seulement comme les causes dun tant dtermin ce qui
est dj le cas de ltant naturel tudi dans la Physique et
qui exclut Dieu, irrductible aux quatre causes , mais, en
fonction de ce qui se passe lors de linstitution de la
scientificit de la physique, o les causes mergent
progressivement au fil des analyses du devenant, de ce qui
spanouit et de ce qui est m et change. De la mme faon,
dans le cheminement de la Mtaphysique, on peut
supposer lmergence des causes, puisque le but est, dans ce
cas aussi, dtablir la scientificit dune discipline, en
loccurrence celle la philosophie premire. Cela signifie, plus
concrtement, quune fois que la causalit a t confirme
au livre A de la Mtaphysique pour appuyer la thse selon
laquelle la philosophie premire cherche tablir les
premiers principes et les premires causes des tants,
Aristote peut se permettre daffirmer, au livre , que le but
du trait est dtablir une science de ltant en tant qutant
et de ses attributs essentiels, et, au livre E, que ltude dune
tance suprme et immobile conduit une thologie. Une
fois ces pralables annoncs, il peut introduire
progressivement chacune des causes comme un moment
prcis de son argumentation.
Cest ainsi quau livre Z, 3, o il tudie ltance comme
sujet, il pose la cause matrielle dont la prsence est
ncessaire mais non suffisante pour fonder ltance. Cest
travers lanalyse de ltance comme sujet quil rvle
linsuffisance du sujet reprsenter pleinement ltance
parce que le sujet, impliqu dans le devenir, devient le
substrat, la matire de ltance. Or, en tant que substrat, la
matire risque, une fois quon carte tous les attributs,
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matire risque, une fois quon carte tous les attributs,
donc aussi les proprits de ltance, de demeurer un fond
(ou fonds) indtermin, alors que ltance doit tre un tant
dtermin et distinct30. Ensuite, aux chapitres 4 6 du
mme livre, Aristote instaure la spcificit et la quiddit
travers la recherche de ce qui est par soi, cest--dire ce qui
appartient en propre ltance, cest--dire ce qui marque
son essencialit. Cest cet aspect de ltance qui exprime
vraiment ltance et quon a traduit, dans lordre de la
causalit, par lexpression impropre de cause formelle ,
en identifiant eidos et morph, ou en rejetant, dune faon
errone, la morph du ct de la configuration (qui, en
ralit, traduit schma). Selon les donnes de Physique 1,1
II, 1-3, morph exprime lachvement de ltance et
constitue, de ce fait, lorigine de sa fonctionnalit, cest--
dire de sa finalit, tandis que leidos concerne ltance dans
toutes les tapes de son devenir, comme devenant, et
implique donc galement la privation (qui est un eidos
ps31). Cest en tant quelle est telle que la spcificit
exprime la quiddit, cest--dire ce qutait (et est) tre
(to ti n einai) pour ltant32. Aristote affirme que la forme
(morph) est la spcificit (eidos) qui est conforme la
raison dtre de ltant (logos)33. Toujours est-il que
linstauration de la cause matrielle et de la cause conforme
la spcificit qui couvre la premire partie du livre de la
Mtaphysique, suscite une aporie concernant lunit de
ltance.
En effet, le caractre irrductible de la spcificit de
ltance (par exemple table ) la matire qui provient
dune autre tance (par exemple, le bois ) et,
inversement, d la matire la spcificit, qui se sont
imposs depuis la thse selon laquelle le devenant est un,
numriquement, mais double, spcifiquement (cest--dire
la spcificit du substrat et la spcificit de la privation de
ce qui adviendra)34, pousse Aristote au seuil dune impasse.
Il est oblig de promouvoir, malgr lui, une forme de
dualisme quil avait pourtant refuse pour Platon. En dpit
des analyses des chapitres 7 935, la fin du livre Z (chap. 17)
laisse encore laporie ouverte, dans la mesure o la seule
avance est celle qui affirme que la recherche du pourquoi
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avance est celle qui affirme que la recherche du pourquoi
de ltant consiste chercher la spcificit en vertu de
laquelle la matire est dtermine36, comme lorsquon dit
que le bois est (devenu) une table. Par matire , Aristote
entend ici ce quil a tabli en Physique I, 9, 192a 31-32,
savoir quil sagit du sujet (ou substrat) premier (ou
prochain) de chaque chose, do elle advient et qui lui
appartient de faon immanente et non par accident . En
insistant sur la proximit entre ltance et son substrat,
Aristote met en jeu une ambivalence fconde. Dune part, il
russit sauvegarder la diffrence entre le substrat, en tant
quil possde au dpart une spcificit irrductible (par
exemple le bois), mais qui, au fil du devenir, sest laiss
soumettre la spcificit de ce qui advient (par exemple la
table), et, dautre part, il met dj en chemin la possibilit
de rduire la diffrence entre la matire et ce quelle devient
ce qui serait impossible si la matire reprsentait un fond
plus loign, comme les quatre lments, dont la nature est
fort loigne par rapport ltance forme, par exemple la
table de bois. Cela ne nous empche pas de constater que de
mme que les lettres de lalphabet sont dtermines comme
syllabes ou mots37 sans perdre leur caractre propre de
lettres, de mme le bois est dtermin par la spcificit de
la table sans perdre son caractre de bois. Aussi, du fait que
le bois et la table attestent une diffrence quant leur tre
(ou spcificit), le dualisme risque-t-il de subvertir leffort
dAristote de penser ltant dans son unit.
Il est vrai que cette difficult peut tre contourne par une
autre voie, savoir lapproche hnologique, implique en
loccurrence par lexemple des lettres et de la syllabe (qui
sont des parties dun tout). tant des lments immanents
de la syllabe, les lettres ne sidentifient certes pas la
syllabe, mais font nanmoins partie dune structure dont
elles sont, en tant qulments immanents, essentielles pour
lexistence mme de la structure. Comme la structure en
question se soumet lUn selon le deuxime mode (du tout
et des parties38), cest en loccurrence lapproche
hnologique qui contribue nous rapprocher dune solution
de laporie. Mais la suite du texte, savoir le livre H, 1-6,
rvle quAristote ne semble pas encore satisfait de ce type
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rvle quAristote ne semble pas encore satisfait de ce type
de solution, puisquil prfre dfendre lunit de ltant par
deux autres approches successives : la premire introduit la
puissance et lacte, ce qui fait de la matire quelque chose
de non dtermin en acte mais bien en puissance, cest--
dire capable de sactualiser39, tandis que la seconde situe la
spcificit lextrieur de ltance, comme ce qui est
impos par la cause efficiente, qui fait passer ltant en
puissance (la matire) en acte en lui confrant une forme
(morph). En dautres termes, nous assistons, dans ce
nouvel pisode de largumentation dAristote,
lintroduction dune troisime cause, la cause efficiente. Or,
dans cette nouvelle version, lunit de ltance est garantie
par lactualisation dune mme matire, du fait que la
diffrence est dsormais place entre le moteur qui
sactualise en mouvant (cause efficiente) et le mobile (la
matire en puissance) qui sactualise en ce qui est m et
qui se forme. Et cette actualisation fait en quelque sorte
disparatre la spcificit, laquelle se rduit, dans
lactualisation mme (la formation), la diffrence qui
spcifie ltance relativement toute autre tance. Je veux
dire par l que le mme bois peut raliser une table, un lit,
une chaise, etc., tants qui se diffrencient par leur
spcificit mme. Or, la diffrence qui se manifeste au
cours de leurs diverses actualisations simpose par la cause
efficiente. Do il ressort que la cause efficiente, la fois,
garantit lunit dune tance et lui assure sa diffrence
relativement toute autre tance spcifiquement
diffrente.
On comprend ds lors que dans le sillage dune telle
approche, Aristote ait pu introduire galement la question
de la dfinition au terme du livre H, alors quau livre qui
suit, il sapplique surtout lucider les concepts de
puissance et dacte, afin de montrer que lactualisation ne
se limite pas au problme du mouvement (qui implique une
transitivit entre la cause efficiente et le mobile), mais quil
existe aussi un type dactualisation particulier, qui met en
jeu un processus immanent40. Cest ce second type
dactualisation quil confre ltance divine en tant que
pense de la pense. Or, dans la premire partie du livre
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pense de la pense. Or, dans la premire partie du livre
(chap. 1-6), o il met en vidence les trois principes et les
quatre causes pour montrer quon peut les appliquer un
ensemble dtants par analogie, il insiste davantage sur les
trois causes (en dehors de la cause finale qui reste encore en
suspens41) et distingue nettement la cause efficiente des
deux autres, en rappelant que la cause efficiente varie pour
chaque cas42. Cest au cours de cette analyse quAristote se
permet dintroduire Dieu, en affirmant qu en dehors de
ces causes, se situe ce qui, comme premier de tous les
tants, les meut tous 43. Lexplicitation de cette question le
conduit introduire la cause finale, laquelle il consacre
une grande partie de la suite du livre .
Je retiendrai de cette analyse deux tapes. La premire
rvle quil existe une autre origine du mouvement que la
seule cause efficiente ; cest celle que lon rencontre dans le
cas du dsirable et de lintelligible : ils meuvent, dit
Aristote, sans tre mus 44. La seconde poursuit cette ide
en confirmant que la cause finale peut concerner les tants
immobiles45. Cest cette double perspective qui le conduit
dfendre le mouvement produit par le Premier mouvant
immobile comme tant semblable celui dun tre aim.
Or, en dehors du fait quAristote situe aussitt Dieu,
principe auquel sont suspendus le Ciel et la Nature, au
sommet dune vie, en lui confrant les jouissances les plus
leves grce sa pense continue, on dcouvre autour de la
cause finale une terminologie qui met en jeu le bien et la
perfection. Quant la pense, dit-il, qui est par soi, elle
est la pense de ce qui est le plus parfait en soi 46. Et plus
loin : Il faut examiner laquelle parmi les manires que
voici la nature de la Totalit possde le bien et le souverain
bien, cest--dire au sens de quelque chose de spar par soi
ou au sens dordre ou encore les deux manires la fois
comme dans une arme (...). Toutes les choses sont
ordonnes ensemble dune certaine faon, mais non de la
mme manire, comme cest le cas des poissons, des
volatiles, des plantes ; et les choses ne sont pas arranges de
faon telle que lune nait aucun rapport avec les autres,
mais elles ont entre elles quelque relation, car toutes sont
ordonnes relativement une chose une (pros hen) 47 . Par
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5. Conclusion
ordonnes relativement une chose une (pros hen) 47 . Par
cette dernire explicitation, ce texte rvle non seulement
que toutes les choses se rapportent ltance suprme tout
en sauvegardant chacune sa spcificit, mais aussi que ce
rapport met en jeu la cause finale comme exprimant le
Bien. Nous dcouvrons ici nouveau la structure
hnologique du pros hen, mais rapporte cette fois-ci la
totalit des tants pour faire prvaloir la fois la finalit et
lexigence dune autonomie ontologique de chaque tant.
Or, en situant lordre des choses par ce biais, Aristote
russit inscrire galement dans son projet la question du
bien, lie la cause finale.
Cette perspective est confirme par ltude quAristote nous
propose du Bien dans lthique Nicomaque, o il dit
quen ce qui concerne ltance, le bien cest, par exemple,
Dieu et lIntellect48. Par l nous dcouvrons que lapproche
agathologique complte en quelque sorte les perspectives
ontologique et hnologique de sa pense. Cest l une
question qui dborde les cadres du prsent travail. Je
retiendrai nanmoins de cette perspective que cest du ct
de la cause finale quil faut chercher les fondements de
lagathologie, puisque la fin (te/05) nest pas, selon Aristote,
nimporte quelle fin, mais surtout celle qui saccorde ce
qui est meilleur49. Or, Aristote na pas manqu, ds le dbut
de la Mtaphysique, de souligner que le bien et ce en
vue de quoi appartiennent aux causes, en loccurrence la
cause finale50.
Ainsi donc, en suivant les chemins de lmergence des
diffrentes causes, chemins o ces causes adviennent
successivement jusqu la cause finale, interprte non
seulement en fonction du mouvement et de la pense, mais
galement selon le bien, nous dcouvrons une autre
dimension de linstitution de la scientificit de la
philosophie premire que celles qui concernent
luniversalit. Il reste ds lors, en guise de conclusion de
cette esquisse concernant la scientificit de la philosophie
premire, de tenter de mettre en rapport les deux critres,
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premire, de tenter de mettre en rapport les deux critres,
luniversalit et la causalit, en intgrant aussi le critre de
ncessit, du moins tel quil est avanc au terme du
parcours, propos de Dieu.
En fait, il me semble que llment qui peut rejoindre ces
deux points de vue se trouve au dbut du texte,
lorsquAristote, on la vu, situe lorigine du savoir, non pas
dans une quelconque approche mythique, comme le font
Parmnide et Platon (dans le Mnon), ni dans une cause
efficiente qui risquerait de voiler une origine pralable,
mais bien dans la cause finale, introduite grce au dsir du
savoir et laffection quon ressent dans lactivit sensitive.
Cela signifie que le rel dans sa totalit se manifeste
lhomme comme quelque chose qui demble veille son
merveillement et son tonnement (thaumazein), de sorte
quil se pose comme sil tait quelque chose dimmobile qui
meut lhomme vers lui. Cest partir de ce point de dpart
que se constituent le savoir et les formes du savoir,
quAristote esquisse ds le dbut de son trait jusqu la
formation de la philosophie premire. Le cheminement, qui
part du sensible multiple et en devenir, aboutit loppos
de ce qui se tient lorigine, cest--dire ltance divine
qui est rgie par la ncessit. Le critre de la ncessit est
bien inscrit en cet endroit, dans un passage dterminant o
Aristote affirme que, parmi les formes de ncessit, il
convient den retenir spcialement celle qui suppose que
Dieu ne peut tre autrement quil est et qui simpose par
son caractre absolu51 . Cet oppos est donc non seulement
Dieu, Premier mouvant, mais la fois Dieu, pense de la
pense, auquel mne le penser mme, et Dieu comme
tance parfaite vers laquelle se rapporte (pros hen)
lensemble des tants. Or, ce chemin qui trace luniversalit
du savoir ninstaure sa scientificit que parce quau fil de la
recherche, les causes enracinent leur prsence
incontournable jusquau cur du Divin, dune tance qui
nest pas autrement quelle est, qui est ncessairement ce
quelle est. Cest dire que la scientificit de la Mtaphysique
peut tre tablie, mais condition quon se libre du mythe
selon lequel cette scientificit doit sappuyer sur Dieu
comme objet de la mtaphysique. Les seuls lments en
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Notes
1. Metaph. A, 3, 983a 35 sq.
2. Dans mon livre La Physique dAristote, 2e dition de Lavnement de
la science physique, Bruxelles, 1997 [1980].
3. Sur le rapport entre lunivers et Dieu, voir C. NA TA LI, Cosmo e
divinit. La struttura logica della teologia aristotelica, LAquila, 1974.
4. Les plus importantes, je les ai prsentes Dijon, loccasion de
colloques sur la Mtaphysique organiss par Michel Bastit, en 1995 et
1997. Faute de temps, je nai pas remis les textes pour les Actes.
5. Notamment dans mon Histoire de la philosophie ancienne et
mdivale, Paris, 1998, p. 371-382.
6. Phil. 59a-c.
7. Ibid., I4d-l6a. Cf. La Physique dAristote, op. cit. (n. 2), p. 93 sq.
8. Phys. I, 1, 184a 10-16.
9. Cela ne veut pas dire quon nait jamais parl de cause avant lui,
puisque Platon fait dj tat dune double cause (ncessaire et finale)
dans le Phdon et situe la cause efficiente comme un lment danalyse
dans le Philbe. Mais jamais Platon ne sest engag dans la voie dune
thmatisation de la causalit comme le fera Aristote.
10. Expression dAristote amplifie par P. AUBENQUE, dans Le problme
de ltre chez Aristote, Paris, 19723 [1962], au point de soutenir quune
science de ltant en tant qutant dans la Mtaphysique est
incompatible avec les prmisses de la science selon les Analytiques.
11. Cest dans ce contexte que javais entrepris ma dissertation
doctorale consacre Ltre et le changement chez Aristote. Essai sur
la possibilit dun systme mtaphysique aristotlicien (1975), mais
que je nai pas publie, car lampleur de la question mavait laiss
comme objet de la mtaphysique. Les seuls lments en
faveur de cette dernire thse sont le fait que Dieu est
considr comme un tant ncessaire et comme cause
finale. Mais ces lments sont laboutissement dun long
cheminement qui met en jeu linstitution mme dune
thologie. La scientificit na ds lors de rapport avec Dieu
quen tant que celui-ci est ltre ultime et suprme, ltance
parfaite, laquelle on accde, non pas immdiatement,
mais au terme dune longue recherche qui concerne les
lments, les principes et les causes de toutes choses, et qui
atteste, par ses multiples chemins, luniversalit du savoir
fond sur la prsence successive de chacune des quatre
causes.
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que je nai pas publie, car lampleur de la question mavait laiss
insatisfait quant aux rsultats auxquels jtais arriv lpoque.
Aujourdhui, je crois que mes recherches sur lhnologie aristotlicienne
ont ouvert de nouvelles perspectives qui approchent dune solution de la
question de la scientificit de la philosophie premire. La prsente
tude, dans le cadre des mlanges offerts mon collgue et ami Andr
Motte, tente de faire le point sur la question.
12. Metaph. E, 1, 1026a 18 sq.
13. Dans son livre Aristotles Conception of Ontology, Padoue, 1975.
Voir mon compte rendu dans AC, 46 (1977), p. 246-248.
14. E. MA RTINEA U, De linauthenticit du livre E de la Mtaphysique
dAristote, in Confrence, 5 (1997), p. 443-509.
15. Comme la montr P. AUBENQUE, Les origines de la doctrine de
lanalogie de ltre. Sur lhistoire dun contresens, in Les tudes
philosophiques (1978), p. 3-12.
16. Cf. AUBENQUE, ibid., ainsi que E. BERTI, LUnit del Sapere in
Aristotele, Padoue, 1965 et W. LESZL, Logic and Metaphysics in
Aristotle, Padoue, 1970.
17. Metaph. , 2, 1002b 14-15.
18. Ltre et lUn chez Aristote, in Revue de philosophie ancienne, 1
(1983), p. 49-98 et 143-195.
19. Le statut de lUn dans la Mtaphysique, in RPhL, 90 (1992), p. 497-
522 ; Les fondements hnologiques de la Mtaphysique, in Th.
PENTZOPOULOU VA LA LA , S. DIMOPOULOS (ds), Aristotle. On Metaphysics,
Thessaloniki, 1999, p. 83-93.
20. Aristote dit en effet : Que lUn soit donc, dans chaque genre, une
certaine nature, sans quil soit la nature en soi daucun dentre eux, cela
est manifeste ; mais, de mme que, dans les couleurs, il faut rechercher
ce qui est lUn en soi, savoir une couleur, de mme il faut le rechercher
aussi dans les tances, et prendre une tance pour constituer lUn en
soi (Metaph. I, 2, 1054a9-13). En fait, cette tance nest autre que
Dieu, mesure, non plus de toutes choses (comme chez Platon, mais
seulement dans lordre des tances. Cf. mon livre Aux origines de la
philosophie europenne, op. cit, p. 22-24.
21. Voir mon tude Sophia et Philosophia chez Aristote, in Annales de
lInstitut de Philosophie de lU.L.B. (1978), p. 7-38.
22. Je rappelle que ce troisime mode est bien luniversel, et plus
spcialement la spcificit, tandis que le premier mode de lUn est
constitu par le continu, et le quatrime par ce qui est numriquement
un. Sur toute cette question, voir mon livre La Physique dAristote, op.
cit. (n. 2), surtout la Conclusion.
23. Voir, en plus de mon livre La Physique dAristote, op. cit. (n. 2),
chap. II : Aux origines de la philosophie europenne, Bruxelles, 20003
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chap. II : Aux origines de la philosophie europenne, Bruxelles, 20003
[1992], p. 413-456.
24. Metaph. A, 1, 980a 22-23.
25. Ibid. , 9, 1074b 34-35.
26. Ibid. , 1, 22 sq.
27. Ibid. , 9, 1072a 32-34.
28. Ibid. , 9, 1074b 29.
29. Voir note 4 ci-dessus.
30. Comme on le sait, cette insuffisance a t tablie par R. BOEHM ;
Das Grundlegende und das Wesentliche. Zu Aristoteles, Abhandlung
ber das Sein und dans Seiende (Metaphysik Z), La Haye, 1965, tr.
fr. . Martineau, La Mtaphysique dAristote. Le Fondamental et
lEssentiel, Paris, 1976. Je tiens souligner ici que lanalyse de R. Boehm
se limite une approche fonde sur le langage sans rfrence la
matrialit telle quelle est introduite par Aristote en Physique. Voir
ce propos mon livre La Physique dAristote, op. cit. (n. 2), p. 395 sq.
31. Phys. I, 1, 193b 19-20.
32. Sur cette question, voir mon commentaire dans la traduction que
jai propose du livre II de la Physique, dans ARISTOTE, Sur la Nature
(Physique II), Paris, Vrin, 1991.
33. Ibid. II, 1, 193b 1-2. Notons ici que la traduction de logos par
dfinition ne tient pas compte de la forme comme achvement, et est
dailleurs incompatible avec ce que dit Aristote au livre I, 7, 191a 8-15,
o il parle, pour les trois principes, de substrat, de privation et de logos.
De mme la traduction de parole, propose par Heidegger, se limite
une approche phnomnologique qui occulte la question du devenir.
34. Ibid. I, 7, 190b 24.
35. Cf. mon tude Le statut du devenir dans Mtaph. Z et H, in J.
WIESNER (d.), Aristoteles Werk und Wirkung (P. Moraux gewidmet),
T. I : Aristoteles und seine Schule, Berlin/New York, 1985, p. 288-310.
36. Metaph. Z, 17, 1041b 7-9.
37. Ibid. 1041b 11 sq.
38. Comme le rvle Aristote lui-mme en 1041b 11 sq., lorsquil dit
que comme ce qui est compos partir de quelque chose est tel que le
tout (pan) est un, il est semblable non comme un tas (de sable), mais
comme une syllabe, car la syllabe nest pas ses lettres, (...) mais autre
chose encore . Notons que le passage que jai mis entre parenthses
concerne un autre exemple, qui nest pas moins rvlateur, puisquil
concerne les entits ultimes de feu et de terre constitutifs de la chair
(qui est un homomre, et donc dans la proximit de ces deux entits),
et qui sont, de ce fait, ses lments (stoicheia), comme le sont les lettres
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et qui sont, de ce fait, ses lments (stoicheia), comme le sont les lettres
relativement la syllabe. Lapproche hnologique dAristote, nglige
par ses interprtes, atteste en loccurrence une approche qui assure une
transition importante vers lunit de ltance, impossible dans le cadre
ontologique de ltance compose de matire et de spcificit.
39. Metaph. H, 1, 1042a 27 sq.
40. Cf. mon tude Lenergeia selon Aristote et la question de lart, in
Recherches Potiques, 4 (1996), p. 11-25.
41. Du reste, il affirme lui-mme au livre H, 4, 1044b 1-2 que peut-
tre, la spcificit et la fin sont la mme chose . Dans la suite cette
affirmation na plus deffet lorsquil est question de Dieu.
42. Voir en particulier la fin du chap. 4, partir de 1070b 22 sq.
43. Ibid. , 4, 1070b 34-35.
44. Ibid. 7, 1072a 26-27.
45. Ibid. 7, 1072b 1 sq.
46. Ibid. 7, 1072b 18-19. Cf. 9, 1074b 23 sq.
47. Ibid. 10, 1075a 11-19.
48. Eth. Nic. I, 6, 1096a 24-25.
49. Phys. II, 2, 194a 27-36.
50. Metaph. A, 2, 982b 10-11 et 983a 32 sq.
51. Ibid. , 7, 1072b 4-13.
Auteur
Lambros Couloubaritsis
Universit libre de Bruxelles
Institut de Philosophie
50, av. Fr. Roosevelt, CP 175/1
1050 BRUXELLES
Presses universitaires de Lige, 2001
Conditions dutilisation : http://www.openedition.org/6540
Rfrence lectronique du chapitre
COULOUBARITSIS, Lambros. Causalit et scientificit dans la
Mtaphysique dAristote In : Kpoi : De la religion la philosophie.
Mlanges offerts Andr Motte [en ligne]. Lige : Presses
universitaires de Lige, 2001 (gnr le 31 mars 2015). Disponible sur
Internet : . ISBN :
9782821828995.
http://www.openedition.org/6540 -
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9782821828995.
Rfrence lectronique du livre
DELRUELLE, Edouard (dir.) ; PIRENNE-DELFORGE, Vinciane (dir.).
Kpoi : De la religion la philosophie. Mlanges offerts Andr Motte.
Nouvelle dition [en ligne]. Lige : Presses universitaires de Lige, 2001
(gnr le 31 mars 2015). Disponible sur Internet :
. ISBN : 9782821828995.
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