correspondance de guillaume rivet à son frère andré présentée...

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Correspondance de Guillaume Rivet à son frère André Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- Le 15 août 2003, dans le prolongement de ma transcription de la correspondance d’André Pineau à son oncle André Rivet 1 , j’ai commencé à transcrire la correspondance de Guillaume Rivet à son frère André ; travail qui a duré presque sept mois étant achevé le 5 mars 2004. Guillaume Rivet, sieur de Champvernon, fut pendant 48 ans, de 1603 à 1651, le pasteur de l’Eglise de Taillebourg. En raison de son ministère dans cette lointaine Eglise de Saintonge, il est moins connu que son frère aîné, André, qui fut successivement chapelain des La Trémoille et pasteur de Thouars, professeur de théologie à l’Université de Leyde, gouverneur du jeune prince d’Orange Guillaume II, curateur de l’école illustre de Bréda et membre de la République des Lettres. Plus que son frère, Guillaume Rivet fut l’un des plus tenaces contradicteurs de Moïse Amyraut 2 . La bibliothèque de l’Université de Leyde conserve 271 lettres de Guillaume Rivet à son frère André 3 . Elles ne sont plus aujourd’hui totalement inconnues des chercheurs ayant été utilisées amplement par Frans-Pieter van Stam, avec les autres lettres du Fonds Rivet, pour la rédaction de sa thèse sur les controverses qui s’étaient développées en France à propos de la doctrine religieuse de Saumur 4 . Avant cette présente édition, seules les lettres de Guillaume Rivet pour l’année 1645 ont été l’objet au début des années 1980 d’une transcription par un étudiant néerlandais, J. A. M. Schellekens, dans le cadre d’un mémoire de maîtrise réalisé sous la direction de Hans Bots et Pierre Leroy 5 . Les lettres de Guillaume Rivet vont du 3 février 1621, l’année suivant l’arrivée de son frère André à Leyde, au 12 novembre 1650 6 , 57 jours avant le décès d’André Rivet à Bréda le 7 janvier 1651. Ce délai est significatif, car il correspond sensiblement à la durée que les lettres que les deux frères s’envoyaient, mettaient pour leur parvenir. Notons que pendant les années 1640, André Pineau, le neveu d’André Rivet, leur servit d’intermédiaire à Paris pour l’acheminement de leurs lettres et paquets. Dans les lettres de Guillaume Rivet, comme je l’escomptais, j’ai découvert des informations inédites sur André Pineau et sa famille ainsi que sur les La Trémoille, informations qui étaient l’objet premier de ma recherche. Guillaume Rivet étant un personnage moins connu que son frère aîné, au fur et à mesure de l’avancement de ma transcription, j’ai découvert les aléas de sa carrière pastorale à Taillebourg : les difficultés qu’il rencontra pour trouver un ministère à son neveu Samuel du fait des guerres de M. de Rohan, la lutte qu’il mena pour défendre les droits de son Eglise contre les prétentions de la Contre- Réforme Catholique, son opposition aux théories de La Milletière, de Moïse Amyraut et de l’Ecole de Saumur et enfin le traumatisme moral que lui infligea le prince de Tarente pendant l’été 1650. Mais à ce tableau attendu des tribulations d’un pasteur dans le premier XVIIe siècle, désormais bien connues au travers des travaux de François Laplanche et de Frans-Pieter van Stam, au fil de 1 Jean Luc TULOT, Un huguenot à Paris au milieu du XVIIe siècle : André Pineau, Saint-Brieuc, 2003. 2 François LAPLANCHE, Orthodoxie et prédication. L’œuvre d’Amyraut et la querelle de la grâce universelle, Presses Universitaires de France, Paris, 1965, p. 63. 3 A. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, Harderwijk, 1937 (Thèse de l’Université libre d’Amsterdam), p. 157. 4 Frans-Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650. Disrupting debates among the Huguenots in complicated circumstances, APA-Holland University Press, Amsterdam & Maarssen, 1988. 5 J. A. M. SCHELLEKENS, La correspondance entre Guillaume Rivet et André Rivet en 1645, Kruiskampsingel 123, Den Bosch, Sans date, 160 p. 6 Paul DIBON, Eugénie ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet (1595-1650), Martinus Nijhoff, La Haye, 1971, p. 30-373.

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Correspondance de Guillaume Rivet à son frère André

Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=-

Le 15 août 2003, dans le prolongement de ma transcription de la correspondance d’André

Pineau à son oncle André Rivet1, j’ai commencé à transcrire la correspondance de Guillaume Rivet à son frère André ; travail qui a duré presque sept mois étant achevé le 5 mars 2004.

Guillaume Rivet, sieur de Champvernon, fut pendant 48 ans, de 1603 à 1651, le pasteur de l’Eglise de Taillebourg. En raison de son ministère dans cette lointaine Eglise de Saintonge, il est moins connu que son frère aîné, André, qui fut successivement chapelain des La Trémoille et pasteur de Thouars, professeur de théologie à l’Université de Leyde, gouverneur du jeune prince d’Orange Guillaume II, curateur de l’école illustre de Bréda et membre de la République des Lettres. Plus que son frère, Guillaume Rivet fut l’un des plus tenaces contradicteurs de Moïse Amyraut2.

La bibliothèque de l’Université de Leyde conserve 271 lettres de Guillaume Rivet à son frère André3. Elles ne sont plus aujourd’hui totalement inconnues des chercheurs ayant été utilisées amplement par Frans-Pieter van Stam, avec les autres lettres du Fonds Rivet, pour la rédaction de sa thèse sur les controverses qui s’étaient développées en France à propos de la doctrine religieuse de Saumur4.

Avant cette présente édition, seules les lettres de Guillaume Rivet pour l’année 1645 ont été l’objet au début des années 1980 d’une transcription par un étudiant néerlandais, J. A. M. Schellekens, dans le cadre d’un mémoire de maîtrise réalisé sous la direction de Hans Bots et Pierre Leroy5.

Les lettres de Guillaume Rivet vont du 3 février 1621, l’année suivant l’arrivée de son frère André à Leyde, au 12 novembre 16506, 57 jours avant le décès d’André Rivet à Bréda le 7 janvier 1651. Ce délai est significatif, car il correspond sensiblement à la durée que les lettres que les deux frères s’envoyaient, mettaient pour leur parvenir. Notons que pendant les années 1640, André Pineau, le neveu d’André Rivet, leur servit d’intermédiaire à Paris pour l’acheminement de leurs lettres et paquets.

Dans les lettres de Guillaume Rivet, comme je l’escomptais, j’ai découvert des informations inédites sur André Pineau et sa famille ainsi que sur les La Trémoille, informations qui étaient l’objet premier de ma recherche.

Guillaume Rivet étant un personnage moins connu que son frère aîné, au fur et à mesure de l’avancement de ma transcription, j’ai découvert les aléas de sa carrière pastorale à Taillebourg : les difficultés qu’il rencontra pour trouver un ministère à son neveu Samuel du fait des guerres de M. de Rohan, la lutte qu’il mena pour défendre les droits de son Eglise contre les prétentions de la Contre-Réforme Catholique, son opposition aux théories de La Milletière, de Moïse Amyraut et de l’Ecole de Saumur et enfin le traumatisme moral que lui infligea le prince de Tarente pendant l’été 1650.

Mais à ce tableau attendu des tribulations d’un pasteur dans le premier XVIIe siècle, désormais bien connues au travers des travaux de François Laplanche et de Frans-Pieter van Stam, au fil de 1 Jean Luc TULOT, Un huguenot à Paris au milieu du XVIIe siècle : André Pineau, Saint-Brieuc, 2003. 2 François LAPLANCHE, Orthodoxie et prédication. L’œuvre d’Amyraut et la querelle de la grâce universelle, Presses Universitaires de France, Paris, 1965, p. 63. 3 A. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, Harderwijk, 1937 (Thèse de l’Université libre d’Amsterdam), p. 157. 4 Frans-Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650. Disrupting debates among the Huguenots in complicated circumstances, APA-Holland University Press, Amsterdam & Maarssen, 1988. 5 J. A. M. SCHELLEKENS, La correspondance entre Guillaume Rivet et André Rivet en 1645, Kruiskampsingel 123, Den Bosch, Sans date, 160 p. 6 Paul DIBON, Eugénie ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet (1595-1650), Martinus Nijhoff, La Haye, 1971, p. 30-373.

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l’avancement de ma transcription, j’ai vu s’esquisser, puis s’affirmer, les traits d’un autre tableau exposant les clivages existant entre les deux frères Rivet et leurs enfants, fait qui me semble être désormais l’apport principal des lettres de Guillaume Rivet à la connaissance historique de cette période. Elément qui fait ressortir le primat du travail de recherche à partir de documents délibérément non exploités sur la conception théorique telle qu’elle est généralement envisagée et célébrée, particulièrement dans l’histoire du protestantisme.

Comme le souligne le sociologue Jean-Claude Kaufmann, un enfant n’est pas une chose, et à mesure qu’il grandit, il impose sa réalité d’individu autonome, et se révèle ne pas être le modèle de l’œuvre que ses parents avaient rêvé7. Au gré des lettres de Guillaume Rivet se dessine en effet une réalité bien loin de l’image du père de famille tout puissant, corollaire de l’accroissement du pouvoir du Roi, qu’établissent les historiens de l’Ancien Régime à partir de traités théoriques ou d’exemples sciemment choisis8. L’on y constate que tant Guillaume Rivet que son frère André, mais aussi bien d’autres pères de familles cités dans ces lettres, durent composer et accepter les choix de leurs enfants, donnée ahistorique relevant de la nature humaine.

André Rivet était connu comme ayant été un membre imminent de la République des lettres de son époque9, la correspondance de son frère met également en évidence son rôle comme intermédiaire privilégié aux Provinces-Unies des familles saintongeaises qui y envoyaient leurs enfants, soit pour y faire leurs études, soit pour servir dans l’armée. Les lettres d’André Pineau nous avaient fait déjà percevoir le rôle d’André Rivet en faveur de familles poitevines. Ce fait souligne la pertinence politique de la duchesse douairière de La Trémoille, Charlotte-Brabantine de Nassau dans l’établissement de ce réseau d’obligations puisque c’est elle qui en 1620 donna son accord à ce que André Rivet poursuive sa carrière aux Provinces-Unies, saisissant tout le parti qu’elle pouvait en tirer pour sa famille et sa clientèle.

Ce fait met en évidence aussi le rôle des femmes dans le protestantisme du XVIIe siècle, rôle que les historiens bourgeois du XIXe et du XXe siècle ont proprement escamoté. Tant les femmes de la haute noblesse protestante comme les IIe et IIIe duchesses de La Trémoille ou de la bourgeoisie comme Catherine Cardel, mère d’André et Guillaume Rivet, ont joué un rôle actif, contestant au besoin, pasteur, mari et fils.

Guillaume Rivet, comme son frère, André, a une écriture très petite, souvent difficile à déchiffrer à la première lecture, et à laquelle il a fallu que je m’accoutume. Les mots ou passages que je n’ai pu encore déchiffrer sont marqués par ce symbole : >>> . N’entendant point le latin et encore moins le grec, ma transcription des citations faites par Guillaume Rivet en ces deux langues est à la fois imparfaite et très approximative et je remercie par avance les personnes les connaissant qui pourront m’aider à l’améliorer.

Pour faciliter la lecture des lettres de Guillaume Rivet, j’ai développé les abréviations, mis les

accents et complété la ponctuation. Je les ai également organisées en paragraphes. Dans l’état actuel, ce projet n’est encore qu’une ébauche qui progressera au gré de ma relecture

de ces lettres, de l’avancement des nouvelles lectures que je pourrais faire ou des observations qui pourront m’être communiquées.

Identifier les familles nobles réformées saintongeaises entretenant des relations avec Guillaume Rivet n’était pas une chose évidente à entreprendre de Bretagne, cette tâche a pu être menée à bien grâce aux inventaires sommaires des Archives départementales de la Charente-Maritime réalisés entre

7 Jean-Claude KAUFMANN, Ego. Pour une sociologie de l’individu, Coll. Essais & Recherches, Nathan, Paris, 2001, p. 262-264. 8 Il en est ainsi notamment de Philippe ARIES, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Coll. Univers historique, Ed. du Seuil, 1973, p . 397 et de Roland MOUSNIER, Les institutions de la France sous la Monarchie absolue (1598-1789), P.U.F., 1974-1980, 2 vol, tome I, p. 74. 9 Paul DIBON, Eugénie ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet (1595-1650), Martinus Nijhoff, La Haye, 1971, p. VII.

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1877 et 1906 par Louis-Marie Meschinet de Richemond10, conservés aux Archives départementales des Côtes d’Armor, qui m’ont permis de connaître les patronymes de ces familles et de rechercher leurs généalogies dans la France protestante des frères Haag, et dans le Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou de Henri Beauchet-Filleau, ainsi que sur le site INTERNET de Jean-Marie Oudard : Les Blasons de la Charente.

Je suis très reconnaissant à M. le directeur de la Bibliothèque de l’Université de Leyde d’avoir réservé une suite favorable à ma demande de reproduction des lettres de Guillaume Rivet à André Rivet, sans cette autorisation ce travail n’aurait pu être réalisé.

Je remercie Mlle Olga de Saint-Affrique pour les enseignements qu’elle m’a apporté sur les familles de Guillaume Rivet et de Philippe Vincent ainsi que sur les Rochellais cités, le pasteur Denis Vatinel pour sa connaissance des pasteurs de Poitou et de Saintonge et Monsieur Pierre Leroy pour les documents relatifs aux Rivet, qu’il avait en sa possession, qu’il a bien voulu me communiquer.

Je remercie également pour leur collaboration la Société d’Histoire du Protestantisme Français, la Mairie de Saujon, la Bibliothèque nationale de France, les Bibliothèques municipales de Bordeaux, Saint-Brieuc et Saintes, les Médiathèques de La Rochelle et Rochefort et les Archives départementales des Côtes d’Armor et de Charente-Maritime.

LE SIEUR DE CHAMPVERNON Les Rivet étaient originaires d’Artois. Au milieu du XVe siècle l’un d’entre eux, Jehan, s’établit

au Poitou. Ses descendants firent partie de la première génération des réformés en France11. Jehan Rivet eut un fils prénommé André. Guillaume, le fils d’André eut pour sa part trois fils :

Jacob, auteur de la branche de La Coussaye, André et Jean. Une famille de Saint-Maixent Jean Rivet, le père d’André et Guillaume12, était marchand. Il épousa en 1566 Catherine Cardel,

la fille de Jacob Cardel un homme de loi de Saint-Maixent. Dans sa lettre du 13 mai 1647, Guillaume Rivet mentionne que sa mère fut la première de sa famille à professer le protestantisme :

“ Sa ferme piété qui luy fit faire profession ouverte de la Religion à 13 ans, ayant père & mère papiste ”. Catherine Cardel donna à Jean Rivet six enfants (l. du 16 septembre 1648) dont quatre

vécurent : André, Jean, Marguerite et Guillaume. Jean mourut à l’aube du XVIIe siècle13. Marguerite épousa en premières noces Marc Fossa, le pasteur de Melle, dont elle eut deux filles : Marguerite et Suzanne, puis en secondes noces le 20 avril 1630 Jean Constant, écuyer, sieur du Roulay dont elle eut un fils.

Les registres de baptêmes de l’Eglise de Saint-Maixent ayant disparu14, Guillaume Rivet supplée à leur absence en écrivant le 18 juillet 1644 à son frère :

“ Quant à ce que vous aviez pensé de mon aage comme estant de neuf ans au dessous du vostre, vous ne vous estiez guères mespris selon mon rapport & ce que vous en remarquez en effet, car vous estant né le 2e

10 Louis-Marie Meschinet de Richemond (1839-1911), descendant d’une famille réformée de Saintes, fut directeur des Archives départementales de La Charente-Inférieure sous le Second Empire et la IIIe République. La première femme de Guillaume Rivet était une Meschinet et dans ses lettres, il traite abondamment des membres de cette famille entrés au service des La Trémoille dans l’administration du comté de Taillebourg. 11 André Rivet donne ses indications dans le tome III de ses Opera Theologica (1660), p. 1284-1285. 12 Sur les deux frères Rivet Cf. la communication faite en 1905 par Adolphe Meschinet de Richemond, pasteur de Vançais, ancien aumonier au Tonkin, au nom de son père devant la Société d’Histoire du Protestantisme Français : “ André Rivet et Guillaume Rivet de Champvernon ”, B. S. H. P.F., tome LIV, 1905, p. 315-325. 13 Le Fonds Rivet de la Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve une lettre en latin d’André Rivet à son frère, Jean, datée du IV Cal. Sept. 1595 (29 août 1595). BPL 282/29. 14 Des registres de l’Eglise réformée de Saint-Maixent pour les années 1570-1651 ne subsistent que deux registres de mariages allant du 5 février 1589 au 3 décembre 1601 et du 11 janvier 1637 au 25 décembre 1658.

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juillet 1572 selon qu’il revient à ce style & moy le 3e may 1581, il faut que vous ayez huit ans et dix mois et un jour plus que moy, entré de la 64e année le 3e may dernier, & vous en la 73e le 2e du courant ”.

Dans sa lettre du 13 mai 1647, Guillaume Rivet écrit que sa sœur, Marguerite, lui a assuré que leur “ bonne & excellente ” mère était décédée “ le dernier de juillet 1603 ” et dans sa lettre du 19 mars 1621, il fait état du décès de leur père le 12 de ce mois.

Etudiant à Leyde Guillaume Rivet, sieur de Champvernon, né le 3 mai 1581 à Saint-Maixent, était le dernier

enfant de Jean Rivet et de Catherine Cardel. Il fit ses études en Ecosse et en France et acheva son cursus à l’université de Leyde où il fut immatriculé le 28 octobre 159815. Il y resta quatre ans16. La Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve de lui une lettre en latin adressée de Leyde à son frère André le 25 avril 160117.

Dans sa lettre du 28 août 1650, Guillaume Rivet mentionne que le duc Claude de La Trémoille l’avait “ entretenu quelque temps aux escoles ” afin qu’il “ servisse au S. Ministère en quelque Eglise de ses terres ”18.

André, le frère aîné de Guillaume, était à Thouars depuis le 24 mars 1595 le chapelain du duc Claude de La Trémoille. C’est probablement pour cette raison que le duc de La Trémoille, qui était un tenant de la ligne dur du protestantisme et opposant à Henri IV19, prit en charge aussi longtemps les études du frère cadet de son chapelain pour qu’il soit formé dans la plus stricte orthodoxie et qu’il chargea son épouse, Charlotte-Brabantine de Nassau, de l’installer en 1603 à Taillebourg, place de sûreté qu’il possédait en Saintonge et qui avait une importance stratégique à ses yeux20.

En plus de Taillebourg, Guillaume Rivet suppléait au besoin le pasteur de Saintes pendant ses absences. En tant que pasteur de Taillebourg, il participa en 1611 à l’assemblée politique de Saumur et représenta la Saintonge aux Synodes nationaux de Vitré en 1617 et de Charenton en 1623 et en 163121.

Dans sa lettre du 29 mai 1633, Guillaume Rivet mentionne que jusqu’en 1629, il reçut une pension de cent livres des La Trémoille, mais que son versement s’était interrompu à la suite de l’abjuration de Henri de La Trémoille le 18 juillet 1628 entre les mains de Richelieu. C’est avec soulagement que le 1er janvier 1634 il écrivait : “ Madame la duchesse nous continue l’entretien ”.

Dans cette même lettre du 29 mai 1633, Guillaume Rivet précise également que l’Eglise de Saintes lui accordait pour sa part une pension de 250 livres.

Les mariages de Guillaume Rivet Henri Beauchet-Filleau mentionne que le 12 novembre 1603, Guillaume Rivet épousa en

premières noces à Saintes Marie Meschinet, fille de Samuel Meschinet, sieur de Richemond et de Catherine Bigot22. Samuel Meschinet appartenait à une famille qui avait participé à l’administration du comté de Taillebourg pour les La Trémoille, ancien conseiller garde sel de Saintes et et ancien clerc aux enquêtes du présidial, et contrôleur de la maison du prince de Condé à Saint-Jean d’Angély, il était en 1603 commissaire ordinaire des guerres.

15 Gustave COHEN, Ecrivains français en Hollande dans la première moitié du XVIIe siècle, Librairie Edouard Champion, 1920, Slatkine reprints, Genève, 1976, p. 228. Des extraits du Liber Amicorum de Guillaume Rivet ont été publiés par Louis Richemond de Meschinet dans le Bulletin de la Commission des Eglises Wallonnes, 2e série, tome I (1896), p. 321-350. 16 Gustave COHEN, Ecrivains français en Hollande dans la première moitié du XVIIe siècle, op. cit., p. 230. 17 Paul DIBON, E. ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet, p. 3. 18 Il reprend cette argument dans sa dernière lettre à son frère du 12 novembre 1650, écrivant que Claude de La Trémoille l’avait “ entretenu aux escoles quelques années afin que servisse au S. Ministère en quelcune de ses terres ”. 19 Jean Luc TULOT, “ Les La Trémoille et le Protestantisme au XVIe et au XVIIe siècle. 2 – Claude de La Trémoille, IIe duc de Thouars (1567-1604) ”, Cahiers du Centre de Généalogie Protestante, Troisième trimestre 2003, p. 122-153. 20 Lettre de Claude de La Trémoille à son épouse du 1er mars 1603. Archives nationales, 1 AP 298/23. 21 Frères HAAG, La France protestante, tome X, p. 298, 310, 342. 22 Henri BEAUCHET-FILLEAU, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 1ère édition, tome II, p. 618 et 2e édition, tome VII, p. 88.

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Marie Meschinet donna à Guillaume Rivet neuf enfants. Celui-ci a porté les actes de baptêmes des cinq premiers dans son Liber amicorum :

“ Suzanne Rivet, fille de M. Guillaume Rivet, ministre du S. Evangile et de marie Meschinet, est née à Taillebourg la nuit d’entre le mercredy et jeudy à minuit seiziesme de décembre et fut baptisée le dimanche suivant 19 du mois en l’église du lieu par son père, présentée par M. Samuel Meschinet son oncle et Suzanne Meschinet sa tante.

Elle est décédée le dimanche vingt septiesme du même mois l’an 1604. André Rivet, filz de Me Guillaume Rivet, M. D. S. E. et de Marie Meschinet est né à Taillebourg le 14e

jour de 9bre 1605 (qui fut un jour de lundy) à 11 heures. Et a été baptizé le mercredy 23 du même mois par son père, présenté par Me André Rivet, son oncle, M. du S. E. et par damoyselle Sylvie de Beauchamp, femme de Monsieur de La Saulzaie, gouverneur de Taillebourg.

Samuel Rivet, filz de Me Guillaume Rivet, M. D. S. E. et de Marie Meschinet, est né le samedy matin entre 3 et 4 heures 20e jour de septembre 1608 à Taillebourg et fut baptisé au même lieu par son père le mercredy suivant 24e du même mois 1608, estant présenté par M. Samuel Meschinet, sieur de Richemond, son grand-père et honneste femme Pantecoste Meschinet, sa grand’tante.

Le 14e jour de febvrier 1609 est décédé mon filz Samuel sur les 11 heures du matin. Jehan Rivet, filz de Me Guillaume Rivet et de Marie Meschinet sa femme, est né à Taillebourg un

vendredi matin à 7 heures le 1er jour de l’an 1610 et fut baptizé le mercredi suivant 6 de janvier par son père, présenté par noble homme Me Jehan Grelaud, conseiller au Présidial de Xaintes et par damoyselle Rellion, femme d’honorable homme Me André Roze, docteur en médecine.

Lydie Rivet, fille de Me Guillaume Rivet, M. D. S. E. et de Marie Meschinet, sa femme, est née à Taillebourg le 13e d’aoust 1613, un jour de mardy entre 5 et 6 heures du matin et a été baptizé le XXI du mesme mois par son père, présenté par Me Charles Baudouin, juge assesseur à Taillebourg, et honneste femme Marie Rocquet, dame de Richemond. Elle est décédée le dernier du mesme mois d’aoust dix et neuf jours après sa naissance ”23.

Guillaume Rivet ne mentionne pas l’acte de baptême de son cinquième enfant, Etienne, né entre 1614 et 1617. Zacharie son sixième enfant, d’après son âge au décès, est né le 20 mars 1619. Son prénom fait présumer que Zacharie du Bellay, le gouverneur de Taillebourg, fut son parrain. Marie et Judith les deux derniers enfants de Guillaume Rivet d’après les mentions portées dans ses lettres sont nées en 1621 et en 1624.

Marie Meschinet mourut d’une “ hydropisie ” le 14 novembre 162424. Guillaume Rivet se retrouvait seul avec six enfants : André, Jean, Etienne, Zacharie, Marie et Judith, âgés de 19 ans, 14 ans, 7/8 ans, 5 ans, 3 ans et quelques mois. Il ne pouvait rester seul et il lui fallut trouver une seconde épouse pour le seconder et assurer la conduite de sa maison, il se remaria dans les premiers jours du mois de mars 1626 avec Léa Château, une veuve sans enfants, âgée de 50 ans, cousine issue de germain de sa première épouse25.

Cette seconde union de Guillaume Rivet dura dix-neuf ans et cinq mois. Léa Château mourut le 18 août 1645 (l. du 19 août 1645).

Les enfants de Guillaume Rivet Zacharie mourut le 15 octobre 1630, à Saint-Jean d’Angély au collège, à l’âge de XI ans VI

mois et XXVI jours26, cinq enfants seulement de Guillaume Rivet et de Marie Meschinet atteignirent l’âge adulte : André, Jean, Etienne, Marie et Judith. Dans ses lettres Guillaume Rivet conte à son frère leurs tribulations. L’on remarquera que son autorité paternelle fut souvent battue en brèche.

André Rivet, le médecin de Saint-Denis

23 Louis MESCHINET de RICHEMOND, “ Extrait du Liber amicorum de Guillaume Rivet ”, op. cit., p. 322-323. 24 Guillaume Rivet dans sa lettre du 31 novembre 1624 informe son frère André du décès de son épouse. 25 Guillaume Rivet dans sa lettre écrite de Saintes le 28 février 1626 informe son fère de son projet de mariage avec Léa Château. 26 Louis MESCHINET de RICHEMOND, “ Extrait du Liber amicorum de Guillaume Rivet ”, op. cit., p. 323-324. Zacharie est mentionné pour la dernière fois par Guillaume Rivet dans sa lettre du 13 février 1625.

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L’aîné des fils de Guillaume Rivet, né le 14 novembre 1605, se prénommait André. Son oncle, André Rivet, était son parrain. Il débuta ses études avec son père et un précepteur “ à luy affecté ” et les poursuivit au collège de La Rochefoucauld. Lors que son fils aîné eut 16 ans, Guillaume Rivet l’envoya achever ses études à Leyde où il fut immatriculé le 4 octobre 1621 avec son cousin André27. Au vif désappointement de son père, après avoir étudié plus de deux ans en Théologie, il délaissa cette discipline pour entreprendre des études de médecine. André Rivet revint en France pendant l’été 1631. “ Il commence à pratiquer & s’y prend très bien quand il est employé ”, écrit Guillaume Rivet dans sa lettre du 30 août 1631.

Une nouvelle dissension intervint entre le père et le fils, lorsque celui-ci devenu majeur l’obligea “ de luy donner la part que luy échéoit du bien de sa mère ”28. Au printemps 1632, André Rivet aurait aimé retourner en Hollande. Mais des personnes qu’il rencontra à La Rochelle l’en dissuadèrent. Pendant l’automne 1632, il retourna à Paris pour perfectionner ses connaissances en anatomie. Il était encore dans la capitale en 1634.

Pendant l’été 1635 André Rivet se rendit à Montaigu pour exercer la médecine, mais cette première expérience fut un échec. Guillaume Rivet aurait voulu qu’il s’installa en 1639 à Saujon où son frère Etienne était pasteur. Ce fut un nouvel échec, Guillaume Rivet écrivait le 14 août 1639 à son frère :

“ Mais il n’y a pû demeurer plus de dix jours, disant qu’il y a trouvé deux médecins , & qu’on la prenoir pour un escolier. Et je voy bien qu’il luy déplaisoit d’estre à la table et en la maison de sn jeune frère ”.

Finalement, André Rivet à la fin de l’été 1639 prit le chemin de la capitale. Il s’établit au faubourg Saint-Denis. André Pineau fait état pour la première fois du fils aîné de Guillaume Rivet dans sa lettre du 24 août 1640 à son oncle où il souligne que même les catholiques n’hésitaient pas à recourir à ses soins :

“ Je ne doute pas que vous ne sçachiez qu’il a un fils qui prattique la médecine à St. Denis où je menay ma mère, ma sœur & mon frère pour avoir le bonheur de le voir & par sa faveur les singularitez du lieu. Nous reconneumes qu’il y est estimé & il nous dit que la différence de Religion ne l’empeschoit point d’y avoir de l’employ mesme dans les maisons les plus contraires qui sont les monastères où l’on fait conscience de parler à un huguenot ”29.

Dans sa lettre du 2 avril 1646, Guillaume Rivet mentionne que son fils André était en “ propos de mariage avec une cousine ” de MM. Tallemant et Rambouillet. Le premier devait donner 2000 Ecus à sa jeune cousine, mais ce projet ne se concrétisa pas.

Au printemps 1647, André Rivet voulut exercer la médecine à Montmorency, mais il se heurta à l’opposition de la princesse douairière de Condé, Charlotte de Montmorency. Pineau écrivait à son oncle :

“ Mme la princesse douairière de Condé qui n’est pas moins passionnée contre nous que le feu Prince, son mary, lui a fait dire qu’à moins d’aller à la Messe, il ne prétende aucun établissement à Montmorency. En mesme temps on lui a écrit de S. Denis qu’il y pouvoit retourner, comme en un lieu où tout le monde le trouvoit à dire, la pluspart des malades mourant entre les mains de celui qui s’y est naguères établi. Il ne rend contens que les prestres en les faisant chanter souvent : & aller au gangnage. C’est ce qui l’a fait résoudre d’y retourner en attendant mieux ailleurs part tout qu’en Xaintonge dont il veut faire un pis aller ”30.

Dans sa lettre du 7 juin 1647, il ajoutait : “ Il étoit allé ci-devant à Montmorency pour s’y établir, mais Madame la Princesse douairière l’en a fait

déloger à cause de la Religion, nonobstant la recommandation de Madame nôtre duchesse. J’ay appris que si tost qu’il a été de retour à S. Denys, tout le monde de cette ville là a quitté le médecin papiste qui venoit de s’y établir parce qu’il faisoit souvent sonner les cloches & chanter les prestres. On dit que ses cures n’ont contenté

27 Sur son acte d’immatriculation, André Rivet est appelé à tort Guillaume comme son père : “ Gulielmus Rivetus, Gulielmi fil., Taliburgensis Xanto. 16, L. Hon. Ergo ”. Album Studiosorum Academiae Lugduno Batavae, MDLXXV-MDCCCLXXV, Hagae Comitum, Apud Martinum Nijhoff, MDCCCLXXV, p. 155. 28 Louis MESCHINET de RICHEMOND, “ Extrait du Liber amicorum de Guillaume Rivet ”, op. cit., p. 325. 29 B. U. Leyde, BPL 286/I/9. 30 B. U. Leyde, BPL 286/III/118.

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que quelques maris qui l’ont bien récompensé de les avoir guéris d’une maladie incurable si ce n’est par la mort, à sçavoir la mal de femmes qui est presque épidémique en ce climat ”31.

En 1649, André Rivet “ déserta de la profession de la vérité pour se marier inconsidérément ”. Mais tombé malade, il ne persista pas dans cette attitude et mourut le 26 janvier 1650 dans la Religion réformée. Il était âgé de 44 ans. Dans ses lettres des 28 janvier, 12 février et 2 mai 1650 Guillaume Rivet conte à son frère cette épreuve. Le 12 mars 1650, André Pineau écrivait pour sa part à son oncle :

“ … j’ay témoigné à Monsieur de Champvernon, vôtre excellent frère, mon ressentiment de son affliction en la perte qu’il a faite de Monsieur son fils aîné. Je le regrette bien fort avec tous ceux qui avoient le bonheur de le connoître, tant de nôtre Religion que de la Romaine, ce que j’ay remarqué particulièrement au lieu où il est décédé ”32.

Dans sa lettre du 9 décembre 1650, André Pineau donne la clef des hésitations du fils de Guillaume Rivet en invoquant les pressions exercées sur lui par la princesse douairière de Condé :

“ … cette bigotte a ci-devant persécuté à outrance feu M. vôtre neveu à St. Denis & à Montmorency, où il a été un des objets de son aversion & de sa haine contre nôtre Religion ”33.

Jean Rivet Jean Rivet, sieur des Roussières, le second fils de Guillaume Rivet, né le 1er janvier 1610, est

l’exemple du vaurien que le mariage, avec le temps, réhabilitera. Le 31 août 1624, âgé de 14 ans, il quitta son maître pour courir dans le Languedoc. Au mois de février 1625, il était à Saintes suivant sa vocation et se comportant “ mieux que par le passé ”. Lors qu’il eut atteint l’âge de 16 ans, Guillaume Rivet se résolut à ce qu’il porte un “ mosquet ” et l’envoya aux Provinces-Unies servir dans l’armée des Etats. Service qui ne fut pas sans heurts.

Après avoir séjourné pendant huit mois en Angleterre pour y apprendre la langue, Jean revint à Taillebourg pendant l’été 1632. Guillaume Rivet lui proposa le mariage avec Marthe Chadeau, une petite nièce de sa seconde épouse, fille du marchand Jehan Chadeau et de Suzanne de Rocquemadour, née le 17 février 1614 à Saintes34. Il bénit leur mariage à la fin du mois de novembre 163235.

Guillaume Rivet dans sa lettre du 12 décembre 1632 écrivait à son frère : “ Nous avons marié nostre Jean. Dieu veuille que ce soit le bien de sa femme. Elle méritoit bien quelques

chose de bon. S’il peu s’addonner à quelque petit trafic & modéré, il pourra honnestement passer avec le bien qu’il a et sa femme est un peu duitte à la marchandise ”.

Le 7 septembre 1633, Marthe Chadeau donna le jour à son premier enfant, Guillaume, qui fut baptisé le 14 du même mois par M. Baudouin, le pasteur de St-Savinien. Guillaume Rivet était le parrain et la marraine Jeanne Prévost, la veuve de Jacques de Rocquemadour, l’ancien procureur fiscal de Taillebourg. Cet enfant décéda le 29 avril 163436. Guillaume Rivet dans sa lettre du 25 janvier 1643 fait état de quatre enfants : Jean, né en 1635, qui fut élevé par Guillaume Rivet et sa femme qui en 1643 apprenait “ ses déclinaisons & conjugaisons soubs son oncle de Saujon ” et que son grand-père mit en 1645 en pension à Barbezieux (l. des 15 janvier 1645, 8 juillet 1648) ; une fille, née au mois de mai 1636 (l. du 1er juin 1636), décédée de la picotte à l’âge de 9 ans, “ belle de corps & d’esprit gentil ” (l. du 30 avril 1645) ; un autre fils ; un petit garçon, prénommé Guillaume (l. 30 mars 1642).

Une fois marié, Jean Rivet, s’investit dans le commerce du vin. Mais comme son père le redoutait il ne tarda pas à dissiper son bien. En 1636, l’année de Corbie, il décida de rejoindre Henri de Rohan en Valteline. Mais sur le point de s’enrôler, il trouva un échappatoire et au printemps 1637, devint … maitre d’école à Soubise. Son père écivait à son propos le 13 septembre 1637 :

31 B. U. Leyde, BPL 286/III/130. 32 B. U. Leyde, BPL 286/IV/100. 33 B. U. Leyde, BPL 286/IV/134. 34 Louis MESCHINET de RICHEMOND, Extraits des registres protestants de Saintes, Imprimerie A. Hus, Saintes, 1895, p. 18. 35 Louis MESCHINET de RICHEMOND, “ Extrait du Liber amicorum de Guillaume Rivet ”, op. cit., p. 323. 36 Ibid., p. 324.

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“ Je vous ay aussi touché ce que Jean s’est retiré à Soubize où il s’est réduit a faire la lecture en l’Eglise, & à apprendre aux enfans à escrire & compter. Il y a persévéré depuis le mois de may avec louange & y est aymé. Mais il est afligé de maladie luy, sa femme, sa petite-fille & sa servante, y ayant la des fièvres quotidiennes épidémiques qui les travaillent depuis un mois ; nonobostant quoy il travaille tous les matins. Je croy que les afflictions luy serviront & aussi n’ayant fait qu’accuser son malheur par ci-devant, il m’escrit maintenant que sa vie passée a esté indigne d’un homme de bien ”.

La Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve une lettre de Jean Rivet à son oncle, André, datée du 12 novembre 1644 de Soubise.

Etienne Rivet Etienne Rivet, le troisième fils de Guillaume Rivet né entre 1614 et 1617, fut le seul qui se

comporta selon ses désirs. Il fit ses études au collège de Jarnac et acheva son cursus à l’académie de Montauban. Il embrassa la carrière pastorale et succéda le 19 septembre 1638 à Saujon, en Saintonge au nord-est de Royan, à son parent Jean Perreau qui y exerçait le ministère depuis 161737.

Etienne Rivet épousa le dimanche 27 septembre 1643 à Taillebourg Jeanne Baudouin, fille de l’avocat Paul Baudouin, sieur de Boisrond, de la ville voisine de Port d’Envaux et ancien de l’Eglise de Taillebourg38, cousin germain de sa mère. Guillaume Rivet dans ses lettres à son frère conte les négociations du mariage de son fils qui furent assez mouvementées. Le mariage d’Etienne Rivet fut longtemps stérile. C’est avec joie qu’il accueillit le 17 novembre 1648, la naissance d’une fille, Anne, qui fut baptisée le 3 décembre suivant à Saujon. Guillaume Rivet, son grand-père en fut la parrain et Rachel Gouaud, la marraine39.

Etienne Rivet exerça le ministère à Saujon pendant vingt-quatre ans. Au mois de juin 1662, il fut appelé par l’Eglise de Saint-Just près de Marenne. Le 2 décembre 1663, il donna l’imposition des mains à son successeur à Saujon, Isaac Sautreau40. Il mourut en 1669.

La Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve 6 lettres d’Etienne Rivet à son oncle André Rivet41 que j’ai ajouté à celles de son père.

Marie Rivet Marie, l’aîné des deux filles survivantes de Guillaume Rivet, est née en 162142. Elle épousa à

l’âge de 21 ans au mois de juin 1642 à Taillebourg Jacques Thomas un marchand de La Rochelle, fils cadet du procureur au présidial Samuel Thomas et de Marie Barbot. Elle lui donna le 5 janvier 1644 un fils, Jacques (l. du 10 janvier 1644) qui ne vécut que onze jours (l. du 24 janvier 1644) puis le 21 décembre 1644 une fille Marie (l. du 25 décembre 1644). Marie Rivet au mois de mars 1647 “ fit un fruit masle abortif de deux mois ” (l. du 1er avril 1644). Le relevé sommaire des registres de l’Eglise de La Rochelle, effectué par Louis Meschinet de Richmond, fait état le 23 janvier 1660 du baptême d’une autre fille, née le 4 de ce mois qui fut prénommée Esther.

Judith Rivet

37 Louis SPIRO, “ Saujon : une Eglise protestante saintongeoise à travers quatre siècles d’histoire ”, B.S.H.P.F., tome CXXI, 1975, p. 163-246. 38 Gaston TORTAT, “ Un livre de raison 1639–1668. Journal de Samuel Robert, lieutenant particulier en l’élection de Saintes ”, Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis., tome XI, p. 333. 39 Sur l’acte de baptême d’Anne Rivet, conservé à la Mairie de Saujon, le rédacteur à tort à prénommé Guillaume Rivet, Etienne comme son fils. 40 Louis SPIRO, “ Saujon : une Eglise protestante saintongeoise à travers quatre siècles d’histoire ”, op. cit., p. 180. 41 La première lettre d’Etienne Rivet à son oncle André, adressée de Saujon, date du 19 octobre 1638 : “ Depuis que Dieu par une singulière grâce m’a apelé … ”. Il lui adressera cinq autres lettres de Saujon les 27 mai 1643, 11 mars 1644, 30 mars 1645, 13 décembre 1648 et du 5 janvier 1650. Paul DIBON, E. ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet, p. 149, 228, 249, 278, 351 et 364. 42 Cf. lettre de Guillaume Rivet du 6 juillet 1637.

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Judith, née au mois de juillet 1624, était le dernier enfant de Guillaume Rivet et de Marie Meschinet qui mourut quelques temps après sa naissance. A l’âge de 7 ans, elle fut placée auprès de Madame Roy de Saintes (l. du 27 mai 1635) qui la conserva auprès d’elle jusqu’à son décès au mois de mars 1638 à l’âge de 74 ans,

A l’âge de 20 ans, Judith Rivet épousa le 20 juillet 1644 à Taillebourg Josué Thomas, beau-frère du Sieur du Petit-Port, le fermier du comté de Taillebourg. Cette union dura seulement sept mois. Son mari mourut le 5 mars 1645. Le 17 août suivant, elle accouchait d’une petite fille qui fut prénommée Elisabeth comme sa grand-mère paternelle.

Guillaume Rivet, qui était à nouveau veuf, aurait voulu que sa fille resta avec lui et qu’elle se remaria avec un pasteur. Mais Judith à son grand désappointement préféra se remarier en avril-mai 1646 avec un marchand, nommé Villain, un autre beau-frère du Sieur du Petit-Port. Judith donna le jour le 22 mars 1647 à une fille qui “ décéda la nuit du 5e jour après ” (l. du 1er avril 1647).

Un controversiste. L’Eglise de Taillebourg comptait peu de fidèles ce qui permit à Guillaume Rivet de développer

ses talents de controversiste. Dès 1611, il eut une conférence avec un franciscain : Bernard du Verger. La “ confutation ” de cette rencontre fut publiée par Nicolas Crespon, libraire à Saintes43.

En 1620 Guillaume Rivet fit publier chez Thomas Portau, libraire à Saumur, un in-8° de 406 pages intitulé : Destruction de la tour de Babel, c’est à dire de la monarchie de mal fondée, usurpée par le pape sur l’Eglise universelle, traicté divisé en trois parties respondantes aux trois prétendus fondemens d’icelle. Cet ouvrage fut suivi en 1625 d’un nouvel ouvrage intitulé : Libertatis ecclesiasticae defensio, sive adversus potestatatem et authoritatem suprenam, quam romanus pontifex sibi in Ecclesiam universalem arrogat, tripertita, publié à Genève chez P. et J. Chouët, in-8° de 461 pages.

Dans le courant des années 1630, Guillaume Rivet fit publier trois ouvrages d’affilés : - en 1634 à Saumur : De la deffense des droits de Dieu, contre les intentions et artifices du sieur

Tranquille de S. Rémy… où est disputé de l’empire sur les consciences appartenant au seul Créateur et de l’honneur d’invocation… Avec un traité de l’origine de l’invocation des hommes morts.

- en 1635 à Genève chez P. Aubetum une seconde édition de ses : Libertatis ecclesiasticae defensio, sive adversus potestatatem et authoritatem suprenam, quam romanus pontifex sibi in Ecclesiam universalem arrogat, tripertita, in-8° de 461 pages.

- en 1636 à Saumur, chez J. Lesnier et L. Desbordes, un in-4° de 854 pages au titre interminable : Le Banquet de la sapience proposé en l’exposition, … des passages de l’Escriture saincte qui concernent tant le mystère de manger le corps et boire le sang du Seigneur que le sacrement d’iceluy en la S. Cène, contre la prétendue exposition litérale de la saincte eucharistie de Tranquille de S. Remy,… et le Dialogue sur la saincte Eucharistie d’Estienne Audebert.

Au début de l’année 1646, Guillaume Rivet adressa à son frère André le manuscrit de ses Vindiciae evangelicae de justificatione et annexis et capitibus quibus, praeter pontificiorum errores et Philippi Codurci sophismata, Joh. Cameronis et Mosi Amyraldi placita varia examinantur, ouvrage de 375 pages qui seront publiées en 1648 en in-4°, chez J. Blaeu à Amsterdam44.

En collaboration avec son frère il rédigea Epistolae apologeticae ad criminationes et calumnias Mosis Amyraldi de gratia universali, Bredae, 1648.

Le dernier ouvrage de Guillaume Rivet fut : Ad Mosem Amyraldum… epistola responsoria, qua prout ipse flagitaverat, expenduntur eius in

S. Paulus epistolae ad Romanos caput VII. considerationes, Santangeliaci, 164845.

43 Olga de SAINTE-AFFRIQUE “ D’un édit à l’autres : Nantes 1598 – Fontainebleau 1685 ” in Francine DUCLUZEAU, Histoire des protestants charentais (Aunis, Saintonge, Angoumois), Le Croît vif, Paris, 2001, p. 127. 44 Hans BOTS et Pierre LEROY, Correspondance intégrale d’André Rivet et de Claude Sarrau, op. cit., tome II, p. 443, note 10. 45 Cité pa Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 479.

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Un lecteur de La Gazette C’est le 30 mai 1631 que fut publié le premier exemplaire de La Gazette de Théophraste

Renaudot. Cet hebdomadaire parut le vendredi les deux premières années, puis le samedi à partir de 1633. Elle comptait deux cahiers de quatre pages chacun au petit format in-4° (155 x 220 mm) et donnait des nouvelles de la Cour et aussi des principales villes et pays d’Europe46.

Guillaume Rivet fait état pour la première fois de La Gazette dans sa lettre du 23 octobre 1632 à son frère touchant une résolution de la faculté de Leyde. Par la suite régulièrement, il fait état à son frère des faits qu’il à lu dans ce journal. Que ce soit la mort du baron de Langerrack, l’ambassadeur des Provinces-Unies à Paris (l. du 16 février 1634), le rehaussement du titre du prince d’Orange (l. du 22 mars 1637), des nouvelles d’Ecosse et d’Angleterre (l. du 19 février 1639), …

Ces mentions révèlent que dès les premières années de sa parution La Gazette dans une petite ville de province comme Taillebourg était déjà au coté des correspondances un vecteur essentiel de communication.

Correspondance à un frère aîné Guillaume Rivet était de huit ans le cadet de son frère aîné André qui pendant son enfance dut

lui être cité en exemple par leur mère. Ce fait se ressent dans cette correspondance, caractérisée par la recherche de Guillaume de l’estime de son frère aîné, recherche qui, comme le souligne Paul Ricoeur est essentielle dans la consolidation pour chacun de son existence propre47.

A lire les lettres de Guillaume Rivet l’ont voit bien combien la relation épistolaire qu’il entretenait avec son frère lui était essentielle et il est significatif sur ce point de constater qu’il mourut quelques temps après avoir reçu la nouvelle de la mort de celui-ci.

ANDRE RIVET

André Rivet, le frère aîné de Guillaume Rivet, est un personnage bien connu par les articles que

lui ont consacré les frères Haag et Theodor Mahlmann48. Gustave Cohen dans son études sur les Ecrivains français en Hollande dans la première moitié du XVIIe siècle à souligné son rôle dans la République des lettre49. Deux historiens Néerlandais H. J. Honders et A. G. van Opstal ont étudié son rôle politique50. Enfin Frans-Pieter van Stam a décrit le bras de fer qu’il opposa à Moïse Amyraut51.

Paul Dibon, Eugénie Estourgie et Hans Bots ont procédé à l’inventaire de ses lettres52. Ses correspondances avec Valentin Conrart53, le conseiller au parlement de Paris Claude Sarrau54 et avec

46 Gilles FEYEL, “ Théophraste Renaudot, ou le métier de journaliste ”, L’Histoire, N° 281, novembre 200 ”, p. 68-72. 47 Paul RICOEUR, Histoire et vérité, Coll. Points Essais, Le Seuil, 2001, p. 137. 48 Frères HAAG, La France protestante, tome VIII, p. 444-450. et Theodor MAHLMANN, “ André Rivet ”, sur la version INTERNET du Biographisch-Bibliographische Kirchenlexikon, Verlag Traugott Bautz Gmbh. 49 Gustave COHEN, Ecrivains français en Hollande dans la première moitié du XVIIe siècle, Librairie Edouard Champion, 1920, Slatkine reprints, Genève, 1976, chapitre XIII, p. 293-310. 50 H. J. HONDERS, Andreas Rivetus als invloekdrijk gereformeerd theoloog in Holland’s bloeitijd, ’s-Gravenhage, Martinus Nijhoff, 1930 et A. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, Harderwijk, 1937 (Thèse de l’Université libre d’Amsterdam). Nous avons pu nous procurer ce dernier ouvrage au mois de mars 2003 via INTERNET auprès d’un bouquiniste d’Amsterdam. En dépit de la barrière de la langue, il nous a apporté beaucoup de données en raison de l’importance des citations en Français qu’il comporte. 51 Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650. Disrupting debates among the Huguenots in complicated circumstances, APA-Holland University Press, Amsterdam & Maarssen, 1988. 52 Paul DIBON, Eugénie ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet (1595-1650), Martinus Nijhoff, La Haye, 1971.

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Claude Saumaise55 ont été publiées. Personnellement, nous avons réalisé la transcription des lettres que lui ont adressé son neveu André Pineau ainsi que plusieurs membres de sa famille et de ses amis.

Ministre de Thouars André Rivet, né le 2 juillet 1572, était de huit ans l’aîné de son frère Guillaume. Après avoir fait

ses études à La Rochelle puis à Orthez, il devint en 1595 le chapelain du duc Claude de La Trémoille, le plus puissant seigneur huguenot de l’ouest de la France et un des chefs de l’opposition protestante à Henri IV.

André Rivet épousa en 1596 à Thouars, Suzanne Oyseau, fille du pasteur de Thouars François Oyseau56. Elle lui donna sept enfants, quatre fils : Samuel (1599-1629), Claude (1603-1647), André (1608-1633) et Frédéric (1617-16??) et trois filles dont les prénoms sont inconnus, ce qui fait présumer qu’elles durent mourir dans la petite enfance.

Claude de La Trémoille mourut dans la nuit du 24 au 25 octobre 1604 en son château de Thouars, victime de la goutte et du harcèlement psychologique à laquelle l’avait soumis Henri IV, André Rivet poursuivit ses fonctions de chapelain et de pasteur de Thouars auprès de sa veuve Charlotte-Brabantine de Nassau. Entre 1601 et 1617, il fut député à deux assemblées politiques et à cinq synodes nationaux, où il remplit trois fois les fonctions de secrétaires.

En 1619, André Rivet fut approché par un représentant de l’Université de Leyde, l’orientaliste Erpenius, pour enseigner la théologie en cette université. Gustave Cohen donne des détails sur les conditions de ce départ qui fut assez douloureux. Si la IIe duchesse de La Trémoille, Charlotte-Brabantine de Nassau, et son fils, Henri de La Trémoille, y consentirent sans trop de difficultés, Suzanne Oyzeau, l’épouse d’André Rivet, s’y opposa violemment : il a une belle maison, est aimé des siens et de ses amis, à un traitement suffisant pour vivre et pour faire des économies. Après l’intervention de la duchesse de La Trémoille un accord fut conclu entre les deux époux, Suzanne Oyzeau restait à Thouars et André Rivet ne partait à Leyde que pour deux on trois ans. Il emmena avec lui ses deux fils aînés, Samuel et Claude. Ils partirent avec Erpenius le 21 août 1620 de Thouars pour Paris, et arrivèrent à Leyde le 26 septembre après avoir passé à Sedan. Le 13 octobre, Rivet fut consacré docteur en théologie, le lendemain il donnait sa leçon inaugurale57.

Suzanne Oyseau mourut à Thouars dans la seconde quinzaine du mois d’avril 1621. Dans sa lettre du 1er mai 1621 Guillaume Rivet relate son “ deslogement ” :

“ …. comme j’ay sçeu de ceux qui l’ont veu en ses derniers jours, outre ce qui estant fort malsaine, elle ne se plaisoit guères au monde. Ell’a finalement tellement appréhendé l’estat de nos Eglises qu’ell’a tesmoigna estre plus contente de vostre esloignement que désireuse de l’approche qu’on luy faisoit espérer prompte pour la resjouir en son extrémité. Ce qui vous doibt soulager en la considération qui pourroit vous empescher de vostre absence & de la tristesse qu’elle en a conçeu ”.

53 René de KERVILER et Edouard de BARTHELEMY, Valentin Conrart, premier secrétaire perpétuel de l'Académie française, sa vie et sa correspondance. Etude biographique et littéraire, suivie de lettres et de mémoires inédits, Slatkine reprints, Genève, 1971 54 Hans BOTS et Pierre LEROY, Correspondance intégrale (1641-1650) d’André Rivet et de Claude Sarrau, APA-Holland University press, Amsterdam et Maarssen, 1978-82, 3 vol. 55 Hans BOTS et Pierre LEROY, Claude Saumaise et André Rivet. Correspondance échangée entre 1632 et 1648, APA-Holland University press, Amsterdam et Maarssen, 1987. 56 François Oyseau, sieur de Trévecar, originaire du Pays de Guérande, fut pasteur à Nantes de 1563 à 1585. Chassé de Nantes par l'Edit de 1585 et par la Ligue, il se retira au Poitou et fut pasteur à Thouars. Il revint à Nantes en 1596 où il exerça le ministère jusqu'en 1607. Il devint en 1609 pasteur de Gien où il resta en fonction jusqu'en 1623. Il mourut le 25 février 1625 à l'âge de 85 ans. 57 Gustave COHEN, Ecrivains français en Hollande dans la première moitié du XVIIe siècle, op. cit., chapitre XIII, p. 293-310.

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André Rivet se consola vite de ce décès et se remaria le 5 août 1621 à Londres, dans l’Eglise de Threadneedle Street, avec Marie du Moulin, née en 1574, veuve d’Antoine des Guyots, capitaine au régiment de Picardie, tué au siège d’Amiens, demi-sœur du célèbre Pierre du Moulin58.

André Rivet revint pendant l’été 1623 à Thouars pour régler ses affaires. Les protestants de Thouars voulaient le conserver, mais il leur fit clairement comprendre qu’il n’avait aucune intention d’y revenir exercer le ministère. Il aurait par contre aimé que son fils aîné, Samuel, lui succéda à Thouars, mais les La Trémoille préférèrent la candidature de l’un des ministres de Châtellerault, Paul Geslin de La Piltière. Celui-ci proposa au synode que Samuel Rivet le remplaça à Châtellerault.

A l’université de Leyde, André Rivet devint l’un des hérauts les plus autorisés de l’orthodoxie de Dordrecht, remarquable par son irénisme et par sa parfaite dignité dans la controverse. Sa fermeté dans la doctrine, alliée à la tolérance pour les personnes, furent ses lignes de conduite59. En 1630, sur les instances du stathouder Frédéric-Henri de Nassau, il fut nommé pasteur extraordinaire de l’Eglise wallonne de La Haye, ce qui l’approcha de la Cour. En 1632, Frédéric-Henri de Nassau le choisit pour être le gouverneur de son fils Guillaume.

A la Cour du Prince d’Orange, Rivet exerça une influence marquante dans les domaines politiques, intellectuels et religieux. La correspondance qu’il entretenait avec nombre de personnes haut placées en France était très utile au prince qui s’en servait comme d’un agent politique. Son rôle fut important notamment dans les années 1640-1648 pendant laquelle les rapports entre la Hollande et la France furent parfois tendus.

En 1641, les fonctions de gouverneur d’André Rivet auprès du jeune prince d’Orange avaient pris fin, en 1646 Frédéric-Henri de Nassau lui confia une nouvelle responsabilité en le nommant curateur de l’Illustre Ecole qu’il venait de fonder à Bréda, poste qu’il assuma jusqu’à sa mort.

Le jour de Noël 1650, André Rivet prononça son dernier sermon. Deux jours plus tard, il dut s’aliter. Il mourut “ doucement, à neuf heures du matin, le samedy septième de l’an 1651 à Bréda, aagé de LXXVIII ans VI mois et cinq jours ”60 entouré de sa femme, de sa nièce Marie du Moulin, de son fils Frédéric et de ses petits enfants. Il fut inhumé dans la Grande Eglise de Bréda. Après la mort de son mari, Marie du Moulin se retira à Delft. Selon le témoignage de son frère, elle y vivait encore en 165461.

Un citoyen de la République des lettres André Rivet était un citoyen éminent de la République des Lettres en ce début du XVIIe

siècle62. Paul Dibon dans l’introduction de l’inventaire de sa correspondance fait état de quelques 400 correspondants : membres de sa famille, membres de la famille d’Orange, correspondants Français, Hollandais, Suisses, Allemands, Anglais,… . Cet inventaire fait état de 4 350 lettres, comptant 887 lettres de Rivet63. A partir de 1643, comme le note A. G. van Opstal, André Pineau joua un rôle essentiel dans ce réseau en devenant son principal agent à Paris64.

Suivant Paul Dibon, nous noterons qu’André Rivet était un pacifique qui cherchait à concilier. Observateur et curieux de nature, il fut de par ses fonctions, comme membre de la Faculté de théologie

58 A. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, op. cit., p. 146. 59 Paul DIBON, Regards sur la Hollande du siècle d’or, Biblioteca Europea, Vivarium, Napoli, 1990, texte 13 “ Le Refuge Wallon précurseur du Refuge Huguenot ”, p. 331. 60 Marie du MOULIN, Les dernières heures de Monsieur Rivet, ministre de la parole de Dieu, Seconde édition reveüe & corrigée, Utrecht, Jean Waesbergue, 1652, p. 67. 61 Pierre du MOULIN, “ La vie de M. Pierre du Moulin ministre de l’Eglise réformée de Sedan et professeur en théologie escrite par luy-même ”, B. S. H. P.F., 1858, p. 174. 62 J. A. BOTS, “ André Rivet en zijn positie in de Republick der Letteren ”, Tijdschrift voor Geschiedents, tome 84, 1971, p. 24-35. 63 Paul DIBON, E. ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet (1595-1650), op. cit., p. xi-xiii. 64 A. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, op. cit., p. 55, note 5.

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de Leyde puis comme gouverneur du jeune prince d’Orange à La Haye, l’un des mieux placés pour peser le pour et contre. Comme Mersenne et tant d’autres citoyens de la République des Lettres, il se plaisait aux joutes intellectuelles et aux oppositions d’idées65.

Intermédiaire des La Trémoille aux Provinces-Unies La décision de la deuxième duchesse de La Trémoille, Charlotte-Brabantine de Nassau, de

satisfaire en 1619 à la requête de l’Université de Leyde de lui donner André Rivet, n’était pas exempte d’arrières pensées politiques. Elle avait en effet perçu tout l’intérêt pour la maison de La Trémoille d’avoir en Hollande un homme sûr pour défendre ses intérêts. A la lecture des lettres d’André Pineau, l’on voit combien André Rivet s’attachait à donner au duc et à la duchesse de La Trémoille des nouvelles du prince d’Orange et des Etats-généraux des Provinces-Unies des Pays Bas, palliant également au peu d’information que leur donnait leur fils Henri-Charles qui en 1638 avait rejoint son oncle Frédéric-Henri de Nassau. André Rivet joua notamment un rôle essentiel dans le retour, au mois de juin 1640, du prince de Talmont au protestantisme comme le confirme la seule lettre de Marie de La Tour d’Auvergne à André Rivet, datée du 17 juin 1639 de Paris, qui soit parvenue à nous nous :

“ Monsieur, J’ay reçeu il y a peu de jour la vostre en datte du 23 de may qui m’aprend le partement de mon fils pour

l’armée. Je loue Dieu le voir dans la routte que j’ay toujours souhaitté qu’il tint et espère qu’il luy conserve, comme je l’en prie de tout mon cœur et qu’il vous garentisse de delà des malheurs qui sont tombés sur nous, comme sans doutte vous les aurez apris, aucun tiennent que Picolominy66 enflé de ceste victoire vient dans le dessein d’en faire auttant à l’armée qui est devant Hédin67, mais on escrit de là que sa venue leur sera matière de gloire, les travaux estans si advancés qu’ils croyent n’avoir rien à craindre. Le Roy y a esté fort mal de la goutte, mais, Dieu mercy, il est beaucoup mieux. On ne tient pas qu’on ait trop bien pris le choix de M. de Hauterive68 pour le gouvernement de Bréda. Mon fils me mende que ce sera dans son régiment qu’il prendra une pique et ne m’escrit jamais qu’il ne me tesmoigne ses ressentimens de vos soins et bon offices vers luy. En mon particulier, je me sens si estroittement obligée, qu’en toutes occasions je vous en feray parestre ma recognoissance par mes services, ne me restant à cest heure qu’à vous l’envoyer. Ma joye de la convertion du Sr. de Mondevis69 que je prie Dieu vouloir acompagner de fermetté et constance que vous y souhaittez et vous donner et à toute vostre famille auttant de propéritté que je vous en désire, estant véritablement,

Monsieur, Vostre bien humble à vous faire service.

Marie de La Tour70

Samuel Rivet Le codex 282 de la Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve seulement deux lettres de

Samuel Rivet, la première datée de Thouars du 19 novembre 1624 et la seconde du 8 décembre 162771. Samuel Rivet, né en 1599, était l’aîné des fils d’André Rivet et de Suzanne Oyseau, sa première

épouse. Il commença ses études à Saumur. Avec son frère Claude, il accompagna son père aux Provinces-Unies pendant l’été 1620. Samuel et Claude Rivet devinrent le 1er octobre 1620 élèves à l’université de Leyde. Samuel Rivet acheva son cursus à Genève.

65 Paul DIBON, Regards sur la Hollande du siècle d’or, op. cit.,texte n° 14 “ Deux théologiens Wallons face à Descartes et à sa philosophie : André Rivet (1572-1651) et Samuel Desmarets (1599-1673) ”, p. 349. 66 Ottavio Piccolomini (1599-1656), duc d’Amalfi, général autrichien. 67 Le 29 juin 1639 Hesdin tombera aux mains de l’armée française. 68 Francois de L’Aubespine (1584-1670), marquis de Hauterive, était colonel d’un des régiments français au service des Provinces-Unies. Frédéric-Henri de Nassau lui avait donné ce poste en raison de son hostilité à Richelieu. 69 Cf. ci-dessous. 70 Koninklijk Huis Archief, Inv. 11, XVII D-8 ad. 71 Paul DIBON, E. ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet, p. 44 et 55.

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André Rivet aurait aimé que son fils lui succéda à Thouars, mais celui-ci ne semble pas avoir hérité des talents et de la personnalité de son père et le choix de Charlotte-Brabantine de Nassau se porta en 1623 sur Paul Geslin de La Piltière, l’un des ministres de Châtellerault pour remplir les fonctions de pasteur de Thouars et sur Paul Testard de Blois pour être chapelain de Henri de La Trémoille. Toutefois soucieuse de ménager la susceptibilité d’André Rivet, elle prit Samuel à son service.

Samuel Rivet toutefois désirait être pasteur d’une Eglise et Henri de La Trémoille, considérant qu’il ne pourrait en obtenir une tant qu’il serait attaché à sa maison, lui donna sa liberté (l. de Guillaume Rivet du 31 novembre 1624).

La guerre et le fait que les Rivet ne devaient pas avoir que des amis au Poitou rendirent la quête d’une Eglise pour Samuel très difficile. Dans ses lettres Guillaume Rivet fait état de possibilités à Mirambeau, à l’Ile-Bouchard et à Loudun même. Au début du mois de décembre 1627, se présenta une occasion plus sur à la suite du décès de son oncle Marc Fossa, pasteur de Melle (lettre de Samuel Rivet du 8 décembre 1627).

Le consistoire de Melle accepta la candidature de Samuel, mais la guerre, en empêchant la réunion de tout Synode provincial, retarda sa nomination. En 1629, lors que le synode put enfin se réunir, sa santé était trop altérée. Samuel Rivet mourut le 19 septembre 1629 sans avoir été jamais pourvu72.

Claude Rivet, sieur de Mondevis Claude Rivet, sieur de Mondevis, né le 18 octobre 1603, était le second fils d’André Rivet et de

Suzanne Oyseau. Il entra au service des La Trémoille. Henri de La Trémoille ayant au mois de mars 1627 fait de son premier secrétaire, Jean Rogier, sieur d’Irais, son intendant, il choisit Claude Rivet pour le remplacer73. Henri de La Trémoille abjura le 18 juillet 1628 entre les mains de Richelieu, à la Pentecôte 1629 Claude Rivet suivit son exemple au grand désappointement de son père74. Pour le prix de sa conversion, il reçut un brevet de cartographe du roi. A ce titre, il fut notamment chargé de faire les cartes de Paris et d’Abbeville75.

La trentaine de lettres de Claude Rivet à son père, conservée dans le codex 282 du Fonds Rivet de la bibliothèque de l’Université de Leyde, fait apparaître que dès 1633, il tenta de renouer des relations avec celui-ci. Ce fut une tâche difficile. Au printemps 1635, il rencontra son père à La Haye et promis de lui être obéissant. En 1636, son désir de se marier avec une catholique provoqua une nouvelle tension avec son père, dans une lettre écrite le 28 mars de cette année lui reconnut le droit de se marier, mais considérant sa nouvelle religion refusait de s’en mêler, ne “ pouvant jamais souscrir en bonne conscience, que vous me donniez des enfans que je tiens polluez d’idolâtrie ”76. Un autre projet de mariage avec une protestante, fille de M. de Cormont, l’ancien gouverneur du duc de Bouillon, n’eut pas de suites77.

En 1638, Claude Rivet protestait toujours de son affection envers son père. En 1639, il se décida à franchir le pas. Le 12 juin de cette année, il se repentit devant l’Eglise de Charenton “ du scandale

72 Lettre de Paul Geslin de La Pilitière à André Rivet du 27 septembre 1629. Bibliothèque de l’Université de Leyde, BPL 302/162. 73 Lettre de Claude Rivet à son père du 8 mars 1627. Bibliothèque de l’Université de Leyde, BPL 282/182 citée par Jacques PANNIER, L’Eglise réformée de Paris sous Louis XIII de 1621 à 1629, op. cit., tome I, p. 583. 74 Cette date est connue par la mention que fait Claude Rivet dans la lettre qu’il adressa à son père le 11 juin 1639. Bibliothèque de l’Université de Leyde, BPL 282/193 publiée par Jacques PANNIER, L’Eglise réformée de Paris sous Louis XIII de 1621 à 1629, op. cit., tome II, p. 113-114. 75 Ernest PRAROND, Claude Rivet de Mont Devis, auteur du premier plan gravé d’Abbeville, H. Champion, Paris, 1886, in-16, 23 p. 76 B. U. Leyde, BPL 282/188. 77 Lettre non datée de Claude Rivet à son père. U. B. Leyde, BPL 282/179.

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qu’il avoit donné d’aller à la messe ” et retourna dans le giron de l’Eglise réformée78. Le 18 juin 1639, il écrivait à son père :

“ … j’ay à présent une telle satisfaction en mon esprit que je ne sçaurois vous l’exprimer, je n’ay plus rien à désirer que d’avoir bientost l’honneur de vous voir, ce à quoy je me dispose lundy ou mardy prochain Dieu aydant ”.

Il ajoutait également : “ Ma paix est faite avec Mme de La Trémoille qui m’envoya un gentilhomme il y a trois jours pour me

dire qu’elle seroit à présent bien aise de me voir. Je me donnay cet honneur hier et fus bien receu. Je doibs encore m’y en retourner aujourd’hui, n’ayant que cet adieu à faire ”79.

Aux Provinces-Unies, le prince d’Orange prit Claude Rivet à son service comme gentilhomme ordinaire. “ Ce m’est du repos d’esprit de le veoir par ce moyen détaché de la France ” écrivait le 30 novembre 1639 André Rivet à son ami Saumaise80. Pendant les premiers mois de l’année 1640, Claude Rivet réalisa le plan de la ville de Leyde, puis rejoignit l’armée du prince d’Orange devant Hulst.

Claude Rivet désirait toujours se marier. André Rivet et sa femme lui proposèrent le mariage avec Marie du Moulin la nièce de cette dernière qui vivait avec eux depuis 1633. A ce propos, André Rivet écrivait le 29 juin 1640 à mots couverts à son ami Saumaise que son fils aîné avait “ affaire à une partie assez difficile à se résouldre au Mariage. Dieu luy suggerera ce qui sera pour leur bien commun ”81. Mais, Marie du Moulin, huguenote zélée, refusa de se laisser convaincre, considérant dans le fonds de son cœur Claude Rivet comme un impie.

Claude Rivet accepta ce refus sans trop de déplaisir et entreprit la recherche de Geertruida Burgersdijk, une toute jeune fille âgée de 17 ans, fille de Franco Burgersdijk, un ancien professeur de logique et de physique à l’Université de Leyde, dont il avait fait probablement la connaissance lors de son séjour au début de l’année dans cette ville82. André Rivet ne s’opposa pas à ce projet. Le mariage de Claude Rivet et de Geertruida Bugersdijk fut célébré le 9 avril 1641. Elle lui donna quatre enfants en 1642, 1643, 1644 et 1647.

Au mois de juin 1643, Claude Rivet fut envoyé à Paris par la prince d’Orange pour présenter à Anne d’Autriche ses condoléances à la suite de la mort de Louis XIII et la féliciter de sa fonction de régente. Il avait également la charge d’appuyer la demande du duc de Bouillon de rentrer en possession de sa principauté de Sedan qui lui avait été confisquée en 1642. Pendant son séjour à Paris, Claude Rivet visita le père Mersenne, le secrétaire d’Etat Chavigny, le maréchal de Châtillon, MM. Hoeuft, Le Coq, Sarrau et Beringhem83 et son cousin André Pineau qui était revenu à Paris. Le 7 août, il reprit le chemin des Provinces-Unies avec un paquet de livres pour son père que lui avait remis Claude Sarrau. Le 13 août, il était à Flessingue et delà alla rendre compte de sa mission au prince d’Orange avant de rejoindre son père.

Claude Rivet mourut au début de la seconde quinzaine du mois de janvier 1647 dans sa 43e année. Le 21 janvier 1647, André Rivet écrivait à David de Willem :

“ Vous aurez sceu devant moy comme il a plu à Dieu disposer de mon filz aisné, et ayant appris sa maladie par Monsieur Smith, j’en ay appréhendé l’issue ne doubtant pas qu’es choses qui se sont passées à la Cour, il n’ait eu beaucoup de peine, et n’ay fait des excès qui le pouvoient porter où il est tombé. J’ay appris ce matin son issue, non sans l’émotion d’un père en tels évènemens et néantmoins avec acquiescement à la volonté de Dieu, puis qu’il luy a fait la grâce d’ouïr les sainctes admonitions qui luy ont esté faictes et de consigner son

78 Lettre du ministre Jean Mestrezat du 12 juin 1639 à André Rivet. Bibliothèque de l’Université de Leyde, BPL 301/63 publiée par Jacques PANNIER, L’Eglise réformée de Paris sous Louis XIII de 1621 à 1629, op. cit., tome II, p. 134. 79 Bibliothèque de l’Université de Leyde, BPL 282/194 publiée par Jacques PANNIER, L’Eglise réformée de Paris sous Louis XIII de 1621 à 1629, op. cit., tome II, p. 114-115. 80 Hans BOTS et Pierre LEROY, Claude Saumaise et André Rivet. Correspondance échangée entre 1632 et 1648, op. cit., p. 156. 81 Ibid., tome II, p. 214-215. 82 Lettre de Claude Rivet à son père du 6 août 1640. B. U. Leyde, BPL 282/201. 83 Lettres de Claude Rivet à son père du 11 juillet et du 1er aout 1643. B. U. Leyde, BPL 282/212 et 213.

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esprit es mains de son sauveur. Vous sçavés combien il m’a donné de peines et de soins et de crainte. Puis que la fin a esté heureuse, je ne me souviens du passé, sinon pour adorer davantage la miséricorde de Dieu ”84.

André Rivet le jeune. André, le troisième fils d’André Rivet, est né en 1608. En 1620, il resta avec sa mère à Thouars

et en 1621 au moment de la mort de celle-ci, il était au collège à Saumur. Il accompagna son cousin André à Leyde et fut comme lui enregistré le 4 octobre 1621 sur le registre de l’université.

Dans sa lettre du 21 juin 1630, Guillaume Rivet fait état de tension entre son neveu André et son père :

“ J’ay grand déplaisir de mon nepveu, André, qu’il ne se range à vos volontés. Mais s’il est résolu à ce voyage, il vaut mieux luy permettre que de le laisser faire pir. Dieu par sa grâce nous veuille consoler & ne destourne point sa bénédiction de nos familles ”.

André Rivet le jeune choisit la carrière des armes. Il fut grièvement blessé au début du siège de Maestricht (8 juin-23 août 1632). Guillaume Rivet écrivait à ce propos à son frère le 28 août 1632 :

“ J’ay receu cette sepmaine vos lettres avec lesquelles estoyent vostre commission, vostre héroïque adieu & l’histoire de la blessure de mon pauvre nepveu, qui n’eust pas en cela à suivre la voye que Dieu luy présentoit par vous. Le Seigneur luy fase profiter ce chastiment à son bien & à vostre consolation J’appréhende encore pour luy, car cette mutilation est espouvantable. La jeunesse se procure bien du mal par sa légèreté ! ”

Le 23 octobre 1632, il ajoutait : “ Je loue Dieu de la convalescence de mon nepveu auquel il vaudra mieux d’estre mutilé d’un membre &

aller le chemin de l’obéissance envers Dieu & envers vous que tout entier courir légèrement & viste à sa ruine. Le Seigneur qui tourne les maux au bien de ses elleus luy faire profiter ce chastiment ”.

André Rivet le jeune mourut des suites de cette blessure au début de l’année 1633. Le 14 mars 1633, Guillaume Rivet écrivait à son frère :

“ … ce que vous m’avés mandé du décès de mon pauvre nepveu, André. Ma femme jugea bien que cette contraction de teste laissée par la maladie qu’il eut à son retour chés vous, estoit un très mauvais signe. Je suis grandement contristé de veoir vostre famille réduitte à si peu d’enfens & à un seul qui vous contente. Dieu veuille toucher le cœur de l’autre qui a des dons naturels et de l’acquis ”.

Frédéric Rivet Frédéric, dernier fils d’André Rivet, est né en 1617. Son prénom fait présumer qu’il eut pour

parrain le comte de Laval Frédéric de La Trémoille, le frère cadet du duc Henri de La Trémoille. Comme son cousin, Etienne, il est l’exemple du bon fils et fut le seul des enfants d’André Rivet à lui survivre.

Le 19 mars 1627, alors âgé de 10 ans, Frédéric Rivet fut inscrit sur les registres de l’université de Leyde. En 1633, André Rivet l’envoya poursuivre ses études en Ecosse à Glasgow. Il revint sur le continent au début de l’été 1635 et acheva son cursus à Sedan.

Par les lettres du 1er décembre 1639 de Henri du Bellay et de Zacharie du Bellay du 12 décembre 163985 nous savons qu’il fit un séjour à la fin de cette année à Thouars. Il partit ensuite à Londres pour y exercer la fonction de secrétaire d’Albert Joachimi, l’ambassadeur ordinaire des Etats-Généraux des Provinces-Unies en Angleterre. A la suite de la mort de son frère Claude, à la demande de son père, il revint en 1648 à La Haye. Le 23 mars de cette année André Rivet écrivait à son propos à Conrart :

“ J’ay icy mon fils qui me reste unique avec trois petis du défunct. Il a passé quinze jours avec nous et m’a donné contentement de ses progrès e ses voyages après dix ans passez hors de la maison. Il a passé quinze jours avec nous et m’a donné contentement de ses progrès en ses voyages après dix ans passez hors de la

84 B. U. de Leyde, BPL 293 I, ad. 85 Bibliothèque de l’Université de Leyde, BPL 2211a/150 et 151.

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maison. Il s’en va servir Son Altesse qui l’a receu entre ses ordinaires, attendant quelques employ plus arresté ”86.

Après avoir végété quelques temps dans des emplois subalternes, Frédéric Rivet devint le secrétaire de la princesse douairière d’Orange, Amélie de Solms. Il épousa en 1651 Maria Walter qui lui donna six enfants87. La date de son décès est inconnue.

LE MONDE DE GUILLAUME RIVET Les Meschinet Les Meschinet sont une famille bourgeoise de Saintes dont les origines remontent à Hugues

Meschinet qui était au début du XVIe siècle greffier de la sénéchaussée de Saintes88. Son petit-fils Michel, avocat, adhéra à la Réforme et fut ancien de l’Eglise de Saintes.

Samuel Meschinet, fils de Michel, paracheva l’évolution sociale de la famille en assumant successivement les fonctions de conseiller garde sel de Saintes en 1580, de clerc aux enquêtes du présidial en 1583, de contrôleur de la maison du prince de Condé en 1603 et enfin de commissaire ordinaire des guerres. Il couronna cette évolution en achetant la terre de Richemond dans la paroisse d’Ecurat, à mi-chemin de Taillebourg et de Saintes, et en y faisant bâtir en 1601 un manoir.

De son mariage avec Catherine Bigot, Samuel Meschinet avait eu cinq fils : Samuel, Isaac, mort jeune, Jacques, Michel et Etienne et deux filles : Marie et Gabrielle. Il maria sa fille aînée, Marie, le 12 novembre 1603 à Guillaume Rivet le nouveau pasteur de Taillebourg.

Samuel, fils aîné de Samuel Meschinet, prit fait et cause pour La Rochelle en 1627 et 1628 et disparut. Jacques le second fils mourut tôt, laissant la curatelle de ses enfants à son frère Michel.

Michel Meschinet, sieur du Bouquet, avocat en parlement, est fréquemment cité par Guillaume Rivet dans ses lettres. Il épousa Marguerite de Rocquemadour, fille de Jacques Rocquemadour, procureur fiscal du comté de Taillebourg et succéda à son beau-père dans cette fonction89. Il exerça cette charge jusqu’à sa mort en 1670. Son fils, Jacques, lui succéda dans la fonction de procureur fiscal, y ajoutant celle de receveur général du comté. En 1681, Jacques Meschinet dut se démettre des ses deux charges en raison de sa religion.

Etienne Meschinet, sieur du Pontreau et des Séguinières, dernier fils de Samuel Meschinet et de Catherine Bigot, fut à Saintes avocat à la Cour. Il était en 1660 greffier du comté de Taillebourg.

Les La Trémoille Guillaume Rivet a connu trois générations de La Trémoille. Il débuta sa carrière pastorale à

Taillebourg en 1603 sous Claude de La Trémoille qui avait payé ses études à Leyde. Il poursuivit son ministère à Taillebourg sous Charlotte-Brabantine de Nassau, puis sous son fils Henri de La Trémoille. Le prince de Tarente, Henri-Charles de La Trémoille, sur l’ordre de sa mère Marie de La Tour d’Auvergne, l’obligea le 16 octobre 1649 à mettre fin à la querelle qui l’opposait à Moïse Amyraut.

86 Bibliothèque de l’Université de Leyde, BPL 290/57V° et 58 R° et René de KERVILER et Edouard de BARTHELEMY, Valentin Conrart, premier secrétaire perpétuel de l'Académie française, sa vie et sa correspondance. Etude biographique et littéraire, suivie de lettres et de mémoires inédits, Slatkine reprints, Genève, 1971, p. 442. 87 A. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, op. cit., p. 148-149. 88 Henri BEAUCHET-FILLEAU, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 2e édition, tome VII, p. 89-90. 89 Michel Meschinet le 4 juin 1642 prit possession du comté de Benon au nom de Henri de La Trémoille en tant que procureur fiscal du comté de Taillebourg. A. D. Charente Maritime, B. 1863. Guillaume Rivet fait état de lui pour la première fois dans sa lettre du 31 octobre 1644.

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Guillaume Rivet dans ses lettres à son frère donne de temps à autres des nouvelles des La Trémoille. Dans sa lettre du 23 mars 1629, il mande que Charlotte-Brabantine de Nassau et sa bru Marie de La Tour d’Auvergne n’abjurèrent pas à l’exemple de Henri de La Trémoille :

“ Madame la duchesse estant à Paris a vertueusement résisté et Madame sa belle-mère, qu’on n’a pas ozé attaqué, est allée à Sedan d’où je croy qu’elle s’approchera de vous ”.

Avec soulagement dans sa lettre du 21 juin 1630, il informa son frère que : “ Madame la duchesse est ici qui tesmoigne beaucoup de fermeté & constance et nous a promis de payer

ce que Monseigneur son mary nous oste injustement ”.

Dans sa lettre du 30 août 1631, il fait état du décès le 19 août précédent de Charlotte-Brabantine de Nassau à Châteaurenard loin de ses enfants :

“ On vous aura mandé le décès de Madame la Douairière de La Trémoille morte à Chasteau-Renard de fièbvre pourprée90. Sa fin a esté excellente & du tout respondante à sa vie. Ell’a ordonné qu’on l’enterrat à Chastillon-sur-Loin sans estre ouverte et sans doubte ayant esté grandement consolée & assistée par Madame la mareschale. Elle a désiré d’estre mise en lieu où leurs corps se rencontreront en la mort, comme leurs âmes estoyent liés en une mesme foy & éslection singulière. Nous avons beaucoup perdu quand ell’a plus gagné ”.

Dans sa lettre du 29 mai 1633, il informe André Rivet que : “ Mais tandis qu’il me faudroit du repos dans la commodité, vient fort mal à propos une difficulté à cette

Eglise & à moy. Monseigneur de La Trémoille ayant cessé un an après son changement de fournir les cent livres, Madame avoit suppléé en particulier et de ses mesnagements et toutesfois parce que nous ne luy sommes pas si nécessaires que les Eglises de Thouars et Vitray, il y a un an & demi d’arresrage & peu d’espérance pour l’advenir ”.

Enfin dans sa lettre du 1er janvier 1634, il put annoncer à son frère la nouvelle qui le comblait d’aise : “ Madame la duchesse nous continue l’entretien ”.

A la suite de la chute du parti dévot et de la nécessité pour le pouvoir de ne pas heurter ses alliés protestants, Marie de La Tour d’Auvergne avait désormais les coudées plus franches pour soutenir ses coreligionnaires.

Guillaume Rivet après l’abjuration d’Henri de La Trémoille comme tous les serviteurs protestants de celui-ci espérait beaucoup dans le prince de Talmont :

“ Je croy que la première liqueur dont ce jeune seigneur avoit esté imbu avoit laissé son odeur en luy & que le semence de vérité y estoit demeurée, car j’ay ouï à diverses fois dire de luy qu’il avoit des aversions de la papauté. J’ay appris de Madame sa mère qu’elle taschoit de luy entretenir tousjours un goust de la vérité. Aussi Monsieur de Marsilly, qui a fait de l’estonné du commencement, m’a asseuré qu’il y a un mois qu’ayant demandé à Monsieur le comte de Laval, si Monsieur son frère aymoit son précepteur le Sr. Alard, il auroit respondu qu’il n’en avoit pas sujet, veu qu’un jour ayant sceu qu’il estoit porté à désirer d’aller au presche, il le lia par les pieds luy faisant reposer la teste contre la place & que Rossel son valet de chambre (qui vous le pourra confirmer) vit cela. Cette profession réjouis ici grandement tous les amateurs de la vérité. Le Seigneur vueille affermir cette plainte ”.

Dans ses conditions, on comprend combien l’accord de Thouars le 16 octobre 1649, la pression dont il fut l’objet pas le prince de Tarente à la fin de l’été 1650 pour qu’il renonce à publier un ouvrage contre Amyraut, durent être une épreuve cruelle et terrible pour le vieux pasteur de Taillebourg et hâter sa fin.

André Pineau et sa famille La transcription en 2003 des lettres d’André Pineau à son oncle André Rivet nous a rendu

familier ce personnage qui à Paris servit d’intermédiaire entre les deux frères.

90 Charlotte-Brabantine de Nassau, veuve de Claude La Trémoille, qui avait contracté cette fièvre à Paris, est décédée le 19 août 1631 à l’âge de 50 ans au château de La Motte à Châteaurenard, entourée de entourée de sa soeur Emilia-Secunda, duchesse de Landsberg, d’Anne de Polignac, la maréchale de Châtillion, de Françoise de Coligny, veuve de René de Talensac, sieur de Loudrière et de ses serviteurs. Louis-Charles de LA TRÉMOILLE, Les La Trémoille pendant cinq siècles, tome IV, Inventaire après décès de Charlotte de La Trémoille, duchesse douairière de La Trémoille, p. 47-48.

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Mathurin Pineau, sieur de La Trosnière, le chef de cette famille, était un Breton qui était venu à Thouars pour y exercer la médecine. Il mourut tôt dans la seconde moitié des années 1610. Il revint à son épouse Anne Oyseau, belle-sœur d’André Rivet, de s’occuper de gérer les biens de leur famille et élever leurs cinq enfants : André, Daniel, Charlotte, Henri et Paul.

Anne Oyseau était une maîtresse femme, veillant aux produits de ses bleds, vignes et vergers. Guillaume Rivet nous la présente dans ses lettres de 1621 participant au règlement des affaires d’André Rivet et dans sa lettre du 25 août 1634 suivant un procès pendant au parlement de Paris.

Avec une telle mère ses quatre fils jugèrent plus judicieux de chercher leur fortune loin de Thouars. André, l’aîné entra dans les années 1630 au service du baron de Blet et fut le précepteur du jeune fils de celui-ci. Congédié en 1641 par Mme de Blet à la suite de la mort de son mari, il connut deux années difficiles à la recherche d’un emploi. En octobre 1643, avec la protection du ministre de Charenton Charles Drelincourt, il obtint un emploi auprès d’un bourgeois parisien, Thomas Hardy, sieur de Vicques, puis en novembre 1644 auprès de l’ambassadeur des Provinces-Unies à Paris Willem van Liere, sieur d’Oosterwijk. A partir de 1644, il servit régulièrement d’intermédiaire à Paris pour son oncle auprès de ses divers correspondants dans la capitale ou en province.

Daniel, le second fils de Mlle de La Trosnière, n’aimait guère les études et partit aux Provinces-Unies pour servir dans un régiment français. Dans sa lettre du 16 mars 1642, Guillaume Rivet nous apprend qu’il était lieutenant dans une compagnie du régiment de Douchant.

Henri Pineau, sieur du Breuil, était entré au service du prince de Talmond et pour cela avait du aller à la messe. Il rejoignit le prince en Hollande et comme lui retourna à la Religion réformée.

Paul Pineau était le plus jeune des quatre frères. Dans sa lettre du 22 septembre 1634 Guillaume Rivet, mentionne son entrée en service auprès d’un notaire à Paris. Au mois décembre 1640, il accompagna son cousin, Elie Gouret, en Suisse pour exercer la charge de contrôleur des recettes du canal d’Entreroches reliant le lac de Genève à celui de Neuchâtel. Mais les travaux de ce canal, traînant en longueur, il dut en 1643 rentrer en France. Sur la recommandation d’André Rivet, Gabriel Morel, sieur de La Barre, son parent, intendant en Bretagne de la duchesse Marguerite de Rohan, le prit à son service comme second. Paul Pineau épousa en 1653 au temple de Blain une Amproux et assuma la fonction d’intendant général en Bretagne de la duchesse de Rohan. Il abjura le 29 décembre 1685 à Blain avec sa femme et son frère Henri.

Philippe Vincent Le ministre de La Rochelle, Philippe Vincent, était l’ami de Guillaume Vincent qui en fait état

régulièrement dans ses lettres91. Philippe Vincent, baptisé le 20 septembre 1596 à Saumur, était le fils du pasteur de Saumur Jean

Vincent et de Claude Douchet. Il fit ses études à Genève. Il débuta en 1620 sa carrière comme ministre des La Trémoille à l’Ile-Bouchard. En 1626, il quitta cette église pour celle de La Rochelle. Choisi pendant le siège de La Rochelle comme ambassadeur auprès des Anglais, il réussit à persuader le roi Charles Ier d’intervenir dans la guerre en envoyant la flotte anglaise secourir la ville assiégée par l’armée française. En 1628, peu avant la capitulation, Philippe Vincent fut émissaire auprès du roi Louis XIII dont il obtint le 29 octobre la déclaration d’une amnistie pleine et entière.

Philippe Vincent soucieux de conserver l’identité et l’indépendance de l’Eglise réformée était un tenant d’un protestantisme rigoureux comme en témoigne la controverse qu’il eut en 1639 avec les Jésuites de La Rochelle à propos de la danse92. F. P. van Stam dresse de lui un portrait sans indulgence

91 Louis-Marie Meschinet de Richemond a consacré une notice à Philippe Vincent dans son Essai sur l’origine et les progrès de la réformation à La Rochelle, 2e éd. Sandoz et Fisbacher, Paris, 1872, p. I-XXX. 92 J. H. PHILIPPS, “ Les chrétiens et la danse. Une controverse publique à La Rochelle en 1639 ”, B. S. H. P. F., tome 123, juillet-août-septembre 1977, p. 362-380.

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lui reprochant son inconstance et sa vanité93. La bibliothèque de l’Université de Leyde conserve cinquante de ses lettres à André Rivet94. Quelques unes ont été publiées.

Philippe Vincent mourut le 20 mars 1651. Il avait épousé en premières noces Claude de Mallevault, fille de Jehan de Mallevault, sieur de La Garenne, gouverneur de L’Ile-Bouchard puis de Taillebourg et de Claude Gruget95. Elle mourut en 1628 après lui avoir donné deux enfants : Frédéric dont le prénom fait présumer qu’il eut pour parrain le comte de Laval, Frédéric de La Trémoille, et Anne. Cette dernière baptisée le 13 janvier 1628, eut pour marraine Anne de Rohan.

Philippe Vincent se remaria le 9 janvier 1630 avec Elizabeth Thévenin, veuve de Jacques Jally. Elle lui donna cinq enfants : Elisabeth (15 janvier 1631), Anne (25 novembre 1631), Philippe (24 octobre 1632), Madeleine (13 octobre 1633) et Suzanne (7 juillet 1635).

Elisabeth à l’âge de 17 ans épousa le 14 juin 1648 au temple de La Rochelle le marchand Daniel Brunet96. Guillaume Rivet dans sa lettre du 2 mai 1650 fait état du décès de celui-ci.

CONTRIBUTION A L’HISTOIRE DU PROTESTANTISME SAINTONGEAIS AU XVIIe SIECLE Les lettres de Guillaume Rivet ouvrent un aperçu inédit sur le protestantisme saintongeais. Le protestantisme en Saintonge au XVIIe Siècle La Saintonge était réunie à l’Aunis et à l’Angoumois en une même province synodale97. Elle

comprenait trois colloques : Saintes, Saint-Jean-d’Angély et les Iles98, réunissant en 1637 36 Eglises99. Selon les estimations données pat Samuel Mours, la Saintonge comptait au milieu du XVIIe siècle entre 65 000 et 70 000 protestants100. Hélène Dupard qui a travaillé sur une période plus tardive estime que ces chiffres sont trop forts et doivent être réduits de quelques milliers101.

Colloque Eglises Estimation

Saintes Saintes, Pons, Jonzac, Montendre et Ozillac, Archiac, St-Fort et St-Germain, Baigne, Mirambeau, St-Severin, Montlieu et Montguyon, Montlieu et Montguyon, La Roche-Chalais, Clan et Plassac, Barbézieux

20 000/ 25 000

St-Jean d’Angély St-Jean d’Angély, Tonnay-Charente, Tonnay-Boutonne, Soubise, Taillebourg, Moëse, St-Savinien, Fontenay-L’Abattu, Thors et Matha

13 000

Iles Marennes, Coze, Saujon, St-Just, St-Jean 32 000

93 Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 444-445. 94 A. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, op. cit., p. 155. 95 Idelette ARDOUIN-WEISS, “ Ministres et fidèles de l’Eglise réformée de l’Ile-Bouchard et de son annexe Chinon aux XVIe et XVIIe siècles ”, B. S. H. P.F., tome 136, avril-mai-juin 1990, p. 178. 96 D. PROVOST et A. GUILLOT, Relevés chronologiques et alphabétiques des registres paroissiaux de la Charente-Maritime : Paroisse de La Rochelle – Protestants. Mariages 1631-1648, tome III, Cercle Généalogique d’Aunis et de Saintonge, 1995, p. 37. 97 Olga de SAINTE-AFFRIQUE “ D’un édit à l’autres : Nantes 1598 – Fontainebleau 1685 ” in Françoise DUCLUZEAU (Dir.), Histoire des protestants charentais (Aunis, Saintonge, Angoumois), op. cit., p. 116. 98 Ibid., p. 138. 99 Frères HAAG, La France protestante, tome X, p. 344. 100 Samuel MOURS, “ Essai sommaire de géographie du protestantisme réformé français au XVIIe siècle ”, B. S. H. P. F., tome CXI, octobre-décembre 1965, p. 317-318. 101 Hélène DUPARD, Les religionnaires fugitifs de Saintonge au moment de la Révocation de l’Edit de Nantes, Mémoires de DEA, Paris IV, Sorbonne, Année 1992-1993.

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d’Angle, La Tremblade, Arvert, Royan, Meschers, Mornac, St-Pierre d’Oléron, St-Denis d’Oléron, Château d’Oléron

L’Eglise de Taillebourg L’Eglise de Taillebourg faisait partie du colloque de Saint-Jean d’Angély. Son histoire est à peu

près inconnue en raison de la disparition de ses registres. Son destin est lié à celui de Claude de La Trémoille (1567-1604), IIe duc de Thouars et comte de Taillebourg, qui embrassa le protestantisme au cours de l’été 1588, après la mort de son beau-frère le prince Henri Ier de Bourbon-Condé.

Le comté de Taillebourg est entré dans le patrimoine des La Trémoille à la suite du mariage en 1501 de Charles de La Trémoille avec Louise de Coëtivy, fille unique de Charles de Coëtivy, comte de Taillebourg, prince de Mortagne-sur-Gironde et baron de Royan102. A la suite de son démembrement au XVIIe siècle le comté s’étendait de la Boutonne au nord jusqu’au ruisseau de Rochefollet entre Bussac et Sainte-Vaize au sud, et englobait à l’est les seigneuries de Brizambourg et d’Ecoyeux.

En raison de son rôle stratégique sur la Charente, le dernier pont avant Bordeaux, Taillebourg fut une place importante lors des guerres de Religion. Claude de La Trémoille l’occupa à temps afin qu’elle soit reconnue comme place de sûreté. Elle comptait une garnison de 52 hommes103. Claude de La Trémoille avait confié le commandement de cette place à un de ses hommes de confiances : Jean Mathé, sieur de La Sausaye. Charlotte-Brabantine de Nassau ne partageait pas les sentiments bellicistes de son époux, et démit La Sausaye de ses fonction en novembre 1612 parce qu’il “ étoit de la faction de M. de Rohan contre le service de Sa Majesté ”104. Elle nomma à sa place Zacharie du Bellay, également un ancien compagnon d’armes de son mari qui avait été le gouverneur de son fils. Louis XIII le démit de ses fonctions au mois d’avril 1622, l’accusant d’entretenir des relations avec les rebelles. En 1628, Hannibal de La Trémoille, demi-frère bâtard de Henri de La Trémoille, fut nommé gouverneur de Taillebourg et le resta jusqu’à la fin des années 1660105.

Guillaume Rivet était pasteur de Taillebourg depuis 1603. La protection de la IIe duchesse de La Trémoille, Charlotte-Brabantine de Nassau, puis celle de la IIIe duchesse de La Trémoille, Marie de La Tour d’Auvergne lui permit d’exercer son ministère sans trop d’inquiétudes. Il n’eut quelques craintes qu’en 1632, année où Henri de La Trémoille caressa le projet de vendre le comté de Taillebourg au cardinal de Richelieu, pour pouvoir acheter la charge de gouverneur du Poitou, mais le cardinal refusa cette offre considérant le prix demandé pour le comté par le duc trop élevé.

L’on n’a aucune idée de la taille de l’Eglise de Taillebourg, aucune donnée chiffrée ne permet de savoir si elle comptait quelques dizaines, une centaine ou quelques centaines de fidèles. Dans sa lettre 12 décembre 1632, Guillaume Rivet indique qu’il s’agit d’une petite église, ce qui fait présumer qu’elle devait compter tout au plus une ou deux centaines de fidèles. Dans sa lettre du 28 août 1650, il précise que l’Eglise de Taillebourg était “ la moindre ” des Eglises existant sur les terres des La Trémoille et dans sa lettre du 12 novembre 1650 qu’elle était “ la plus petite Eglise de leurs terres ”.

L’on ne dispose également d’aucune indication sur la composition sociale de l’Eglise de Taillebourg. L’on peut présumer que cette église comprenait les quelques familles nobles que Guillaume Rivet cite dans ses lettres : Charles de La Rochefoucauld, seigneur de Douhet, était le

102 Abbé C. FOUCHÉ, Taillebourg et ses seigneurs, Imprimerie de Javarzay, Chef-Boutonne, 1911. 103 Frères HAAG, La France protestante, tome X, p. 257. 104 PONTCHARTRAIN, Mémoires, Ed. Michaud et Poujoulat, Nouvelle collection des mémoires relatifs à l’Histoire de France, tome XIX, Didier et Cie, Paris, 1857, p. 322. 105 Hannibal de La Trémoille est le membre de la famille de La Trémoille le plus souvent cité par Guillaume Rivet. Il existe deux études sur ce personange : Henri COURTEAULT, “ Annibal de La Trémoille, vicomte de Marcilly. Sa relation inédite du combat du faubourg Saint-Antoine ”, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, tome LVIII, 1921, p. 216-307 et Jean-Dominique PIERUCCI, Un bâtard d’illustre maison : Hannibal de La Trémoille (1595-1670), Tiré à part de la Société Historique et Scientifique des Deux-Sèvres, Niort, 1973.

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principal membre de cette Eglise106, Jean Isle, seigneur de Beauchaine, capitaine d’infanterie au régiment de Candale, frère cadet de M. de La Cave de Saint-Savinien107. A cette énumération peut être ajouté Isaac de Beauchamps, seigneur de Bussac dans la paroisse du même nom, à mi-chemin de Taillebourg et de Saintes108. Guillaume Rivet célébrait également le culte à Brizambourg à l’est de Taillebourg109.

Au coté de ces familles nobles, l’Eglise de Taillebourg était composée des officiers du comté, issus de familles bourgeoises : Elie Thomas, sieur du Petit-Port, fermier du comté puis en 1647 bailli et juge criminel du comté, Michel Meschinet, sieur du Bouquet, procureur fiscal du comté, Charles Baudouin, sieur de Mouillepied, l’assesseur du comté,…

Guillaume Rivet est moins disert sur les autres éléments constitutifs que l’on rencontre habituellement dans une Eglise urbaine, à savoir : les praticiens, marchands, commerçants et artisans. Il cite seulement l’apothicaire Ferreau dont le fils, François, avait été le filleul de Marie Meschinet, sa première épouse. Taillebourg étant sur la Charente un des éléments constitutifs du commerce Rochellais, l’on peut présumer que des représentants des familles Rochellaises y étaient établis pour participer au trafic constitué à l’entrée par le sel et à la sortie par le blé, le vin, le bois et les pierres de taille110.

L’Eglise de Taillebourg entretenait des relations étroites avec l’Eglise de Saintes sa voisine à quelques lieues de là. A maintes occasion dans les années 1605-1615, Guillaume Rivet y administrera des baptêmes en l’absence du pasteur de Saintes.

L’Eglise de Saintes Si les débuts de l’Eglise de Saintes, dressée en 1557, sont bien connus au travers des écrits de

Bernard de Palissy111, il n’en est pas de même de son histoire au XVIIe siècle en raison du très petit nombre de ses registres qui soit parvenu à nous pour cette période : deux registres de baptêmes pour les années 1570 à 1585 et 1599 à 1621 et un registre des mariages pour les années 1607 à 1620,

106 Charles de La Rochefoucauld, seigneur des Bernardières, fils cadet de Louis de La Rochefoucauld de Boissac et de Jeanne Bouchard d’Aubeterre, était devenu seigneur de Douhet à la suite de son mariage avec Claude Vallée, fille de Jacques Vallée, seigneur de Douhet et de Judith Campet. Frères HAAG, La France protestante, tome VI, p. 357. 107 Les Isle dont l’origine remonte au milieu du XIVe siècle, étaient de la paroisse de Nouillers, mouvant du comté de Taillebourg, proche de Saint-Jean d’Angély. François Isle, sieur de La Matassière fut compris dans le fameux arrêt du parlement de Bordeaux comme entremetteur en Angleterre. Jean Isle, sieur des Grois était en 1587 homme d’armes du prince de Condé. Il épousa en 1591 Marguerite Guichard du Breuil, fille du commandant pour le Roi de la ville de Pons. Elle lui donna deux fils : Daniel, seigneur de La Cave à Saint-Savinien et Jean seigneur de Beauchaine. Frères HAAG, La France protestante, tome VI, p. 22-24 et Henri BEAUCHET-FILLEAU, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 2e édition, tome V, p. 142-148. 108 Les Beauchamps seigneurs de Bussac dans la paroisse du même nom sur la Charente, sont un très vieilles familles de Saintonges. Jacques de Beauchamps, sieur de Bussac, avait été en 1569 condamné à mort par le parlement de Bordeaux comme capitaine des huguenots de Saintes. A la suite de la l’interdiction qui frappa le temple de Saintes en 1576, il accueillit pendant plusieurs années les protestants de Saintes en son château de Bussac. Isaac de Beauchamps, petit fils de Jacques de Beauchamps, était le châtelain de Bussac dans les années 1620-1630. Il était marié à Esther de Granges. Son frère Elie, seigneur de Grandfief, était marié à Antoinette Chesnel. Frères HAAG, La France protestante, Ed. Bordier, tome II, colonnes 6-8 et Henri BEAUCHET-FILLEAU, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 2e édition, tome I, p. 355-356. 109 Brizambourg appartenait au milieux du XVIe siècle à Pierre Poussard. Il était marié à Jeanne de Gontaut-Biron. Dans l’état actuel de notre recherche nous ne savons pas qui possédait cette seigneurie dans le premier XVIIe siècle. 110 Sur l’activité commerciale de Taillebourg. Cf. Jean CHAPELOT, “ Société rurale et économique de marché en Saintonge aux XVe – XVIe siècles : l’exemple de la seigneurie de taillebourg et de ses environs ”, Revue de la Saintonge et de l’Aunis, tome X, 1984, p. 63-104. 111 Marc SEGUIN, “ Les débuts du protestantisme saintais ” in Françoise DUCLUZEAU (Dir.), Histoire des protestants charentais, op. cit., p. 43-44.

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conservés aux Archives départementales de Charente-Maritime112. Louis-Marie Meschinet de Richemond a publié en 1895 des extraits des registres de baptêmes113.

L’Histoire de Saintes, publiée en 1989 sous la direction d’Alain Michaud, tributaire des travaux existants, est totalement muette sur la communauté réformée que pouvait compter la ville au XVIIe siècle, se bornant seulement à évoquer les succès de la Contre-réforme catholique dans la ville114, sans que l’on sache si ce succès a été remporté contre un groupe fort d’un ou deux milliers d’individus ou ne comptant seulement que quelques centaines, pour une population totale estimée à cinq ou six mille habitants115.

L’Histoire de Saintes publiée par la Société d’Archéologie et d’Histoire de la Charente Maritime, si elle consacre une dizaine de pages à la communauté réformée de Saintes, n’apporte elle aussi aucun élément chiffré sur sa taille au XVIIe siècle116. Elle nous apprend qu’en vertu d’une ordonnance du 31 août 1600 prise en application de l’Edit de Nantes, elle eut un temple près de l’Eglise Saint-Vivien et un cimetière.

Saintes, comme nombre de villes de la France, est une ville qui n’a pas assuré son passé protestant. Pourtant Louis Meschinet de Richemond dans son analyse sommaire des registres de l’Eglise de Saintes mentionne que le nombre des baptêmes dans les années 1570-1585 était en moyenne de 65 baptêmes par an et dans les années 1599-1626 en moyenne de 55 baptêmes117. Ce qui correspond en appliquant à ces deux chiffres un taux de natalité de 40 0/00 à un nombre de réformé de l’ordre de 1 600 pour les année 1570-1585 et de l’ordre de 1300 à 1400 dans le premier quart du XVIIe siècle. Faute de registres pour les années 1630-1685, en sa basant sur l’évolution d’Eglises de taille comparable, l’ont peut présumer que la population réformée de Saintes au milieu du XVIIe siècle devait être de l’ordre de 900 à 800 et de l’ordre de 500 à 600 en 1685.

Les Extraits des registres de Saintes publiés par Louis Richemond de Meschinet et le journal d’un huguenot de Saintes, Samuel Robert, couvrant les années 1639-1668, publié en 1883 par Gaston Tortart118 permettent de lever en partie le voile sur la composition sociale de la communauté réformée de Saintes en révélant qu’elle comptait toutes les composantes sociales, allant des conseillers au présidial, membres de l’élection, hommes de lois, marchands, médecins, commerçants et artisans.

La consultation des ouvrages du baron Eugène Eschassériaux119 et de Charles Dangibeaud120 devrait donner des éclaircissements sur la durée de la participation des réformés à l’administration de la ville et à leur représentation au Présidial et à l’Election.

Les notables catholiques et réformés cousinaient. Dans sa lettre du 28 février 1626, Guillaume Rivet décrit les liens de parenté unissant sa seconde épouse Léa Château aux familles notables catholiques de la ville :

112 Gildas BERNARD, Les familles protestantes en France XVIe siècle – 1792. Guide des recherches biographiques et généalogiques, Archives nationales, Paris, 1987, p. 138. 113 Louis MESCHINET de RICHEMOND, Extraits des registres protestants de Saintes, Imprimerie A. Hus, Saintes, 1895, 28 p. 114 Alain MICHAUD, Histoire de Saintes, Collection Univers de la France, Edition Privat, Toulouse, 1989, p. 169-170. 115 Ibid., p. 153. 116 Pierre RAYSSIGUIER (Dir.), Saintes plus de 2000 ans d’histoire illustrée, Société d’Archéologie et d’Histoire de la Charente Maritime, Saintes, 2001, p. 287-296. 117 Louis MESCHINET de RICHEMOND, Extraits des registres protestants de Saintes, op. cit., p. 1. 118 Gaston TORTAT, “ Un livre de raison 1639–1668. Journal de Samuel Robert, lieutenant particulier en l’élection de Saintes ”, Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis., tome XI, 1883, p. 323-406. Les Robert étaient une famille d’avocats liés à l’histoire de Taillebourg. C’est dans cette Eglise que le 24 octobre 1599 Jehan Robert, père de Samuel, avait épousé Anne Duplessis. Un de leurs enfants, Luc, fut baptisé en septembre 1604 au temple de Saint-Vivien, siège de l’Eglise de Saintes, par Guillaume Rivet. 119 Baron Eugène ESCHASSERIAUX, Etudes, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, P. Orliaguet, Saintes, 1876. Donne la liste des maires, échevins et conseillers municipaux de la ville de Saintes jusqu’en 1874. 120 Charles DANGIBEAUD, Etudes historiques ; le présidial de Saintes : Raimond de Montaigne, lieutenant-général de Saintes et président (1568-1637), Paris, J. Baux, 1881 et Minutes de notaires de Saintes, XVIIe-XVIIIe siècles, notes de lecture, La Rochelle et Ligugé, 1911-1921, recueil d’extraits publiés dans le Bulletin de la Société Archéologique et historique de Saintonge et Aunis.

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“ … cousine germaine de Monsieur le procureur du Roy de Saintes qui l’a tousjours aymé comme sa propre sœur & ne luy a jamais permis de prendre logis ailleur que chés luy quand elle alloit de Mortagne (où elle demeure) à Saintes. Ce personnage a espouzé une femme de la maison de Montagne, fille & sœur & tante de conseillers au parlement de Bourdeaux ; et sœur encores de Monsieur le président de Saintes. tante du lieutenant-général & de l’assesseur criminel ”.

Théophile Rossel, ancien pasteur de Barbezieux, le pasteur de Saintes depuis 1616, était un ami intime de Guillaume Rivet qui en fait état régulièrement dans ses lettres. Le codex 287 de la Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve une lettre de Théophile Rossel à André Rivet en date du 20 novembre 1648.

Au début des années 1630, l’Eglise de Saintes recruta un second pasteur, Charles Druel, dont Guillaume Rivet fait peu état. Dans sa lettre du 26 novembre 1645, il en donne les raisons, écrivant qu’il était “ fort intelligent à Saumur ” toutefois sans “ en approuver les sentimens ”. Il nous apprend par ailleurs qu’il était un cousin du libraire saumurois Daniel de L’Erpinière. Charles Druel mourut le 21 mai 1647 fidèle à sa Religion après avoir résisté aux pressions de l’intendant de Guyenne et du théologal de Saintes121.

Au fil de ses lettres Guillaume Rivet cite également quelques uns de ses amis : Monsieur Sanxais, son proche allié et le meilleur de ses amis (28 février 1626) qui devait être le marchand Pierre Sanxais122, Madame Roy (27 mai 1635) qui éleva sa fille Judith pendant près de trois ans jusqu’à son décès au mois de mars 1638 à l’âge de 74 ans, devait être Elisabeth Seneschal, veuve de l’avocat au Présidial Daniel Roy.

Guillaume Rivet fait état également fréquemment dans ses lettres de Jacques Guiton de Maulévrier, seigneur d’Agonnay, un des nobles que comptait l’Eglise de Saintes123, qui lui était apparenté par le mariage de celui-ci en 1616 avec Jeanne Grélaud, cousine issue de germain de Marie Meschinet (l. du 8 août 1639), fille de Jean Grélaud, sieur de Senouches, un ancien conseiller huguenot au présidial et échevin de la ville.

L’Eglise de Saint-Savinien Saint-Savinien, sur la Charente en aval de Taillebourg, était le siège d’une Eglise réformée

importante. Le chiffre de 79 baptêmes donné par Samuel Mours dans son estimation de la population protestante au XVIIe siècle correspond à une population de l’ordre de 2 000 fidèles124 regroupant les réformés de Saint-Savinien et des paroisses environnantes. Les registres de l’Eglise de Saint-Savinien sont conservés pour les années 1640-1671125, mais ne semble avoit été l’objet d’aucune étude.

Guillaume Rivet dans plusieurs de ses lettres fait état du pasteur de Saint-Savinien : Sébastien Baudouin et de Daniel Isle, seigneur de La Cave, le principal seigneur de cette église. Il demeurait en son château de La Cave. Il était marié à Madeleine Esnaud, fille de Claude Esnaud, ministre de Cozes.

LA QUERELLE DE LA GRACE UNIVERSELLE

121 Journal de Samuel Robert, op. cit., p. 353. 122 Les Sanxais étaient alliés aux Meschinet. Guillaume Rivet fait état du décès de son “ bon ami ” dans sa lettre du 8 juillet 1650. 123 Les Guiton de Maulévrier, sieurs de Longchamps à Saint-Savinien, sont une famille noble dont l’origine remonte au milieu du XVe siècle. Ils entrèrent en possession de la terre d’Agonnay par le mariage en 1580 de Jean Guiton de Maulèvrier avec Elisabeth Goumard, fille de Guy Goumard, sieur d’Agonnay. Ils avaient adhéré tôt à la Réforme. Jacques Guiton de Maulévrier était le fils aîné de Jean Guiton de Maulèvrier et d’Elisabeth Goumard. Henri BEAUCHET-FILLEAU, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 2e édition, tome IV, p. 653-654. 124 Samuel MOURS, “ Essai sommaire de géographie du protestantisme réformé français au XVIIe siècle ”, B. S. H. P. F., tome CXI, octobre-décembre 1965, p. 318. 125 Une copie de ces registres est conservée à la Société d’Histoire du Protestantisme Français.

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La querelle de la grâce universelle qui opposa Guillaume Rivet à Moïse Amyraut est un thème récurrent dans la plupart des lettres de ses lettres à son frère.

L’on sait que cette querelle se développa à la suite de la publication en 1634 par Amyraut de son Bref traité de la prédestination et de ses principales dépendances qui redoublait le Eirenicom seu Synopsis doctrinae de natura gratia publié en 1633 par le pasteur de Blois Paul Testard, ancien chapelain du duc Henri de La Trémoille.

Le père François Laplanche en 1955 a fait le récit de cette querelle126. E. G. Léonard et Daniel Ligou ont largement diffusé ses travaux dans leurs synthèses sur le protestantisme127.

Le père Laplanche avait surtout utilisé comme sources manuscrites les Archives de Tronchin à Genève. Frans-Pieter van Stam, a complété son étude en utilisant le Fonds Rivet de l’Université de Leyde et nous renvoyons le lecteur à son ouvrage pour le détail de cette affaire128.

Les lettres de Guillaume Rivet mettent en évidence que celui-ci fut l’adversaire le plus irréductible de Moïse Amyraut. En cela, il entreprenait la lutte du pot de terre contre le pot de fer, car comme le souligne François Laplanche dans cette lutte Amyraut et les Saumurois bénéficièrent d’un appuis constant des parisiens129.

La correspondance d’André Pineau130, intermédiaire à Paris d’André et Guillaume Rivet, apporte un nouvel élément en révélant qu’Amyraut bénéficia d’un appui supplémentaire en la personne de Marie de La Tour d’Auvergne, la IIIe duchesse de La Trémoille, dont la rôle à curieusement été totalement ignoré par François Laplanche, E. G Léonard et Daniel Ligou. Seul F. P. van Stam évoque son rôle dans le règlement de cette crise131.

Après le décès de Léa Chasteau, ses enfants étant établis, les années passant cette querelle prit une place de plus en plus importante dans les lettres de Guillaume Rivet. Elle s’achèvera pour celui-ci dans une confrontation humiliante avec le prince de Tarente qui ne ménagera guère le vieux pasteur de Taillebourg. Guillaume Rivet fera état de cet confrontation dans ses lettres du 28 août et du 12 novembre 1650 et l’ont peut présumer que cette désillusion s’ajoutant à la mort de son frère hâtèrent sa fin.

Frans-Pieter van Stam à vu comme une cause possible dans l’opposition des deux frères Rivet à Moïse Amyraut la peur de la perte d’autorité et d’influence devant une génération de théologiens plus jeune132, l’on peut se demander si cette attitude ne fut pas renforcée par les problèmes que les deux frères éprouvèrent avec leurs enfants.

MADAME SAINT-PAULE OU LA FEMME PROTESTANTE

Dominique Godineau dans sa récente étude sur les femmes dans la société française sous l’Ancien Régime a cerné la contradiction qui est faite dans la représentation de la femme protestante : une femme qui tient tête contre les prêtres et le pape, mais non contre son mari et son pasteur133.

Janine Garrisson dans le chapitre qu’elle consacre à la Femme protestante, dans son essai sur l’Homme protestant, a évoqué les résistances des huguenotes contre leur propre Eglise et contre la 126 François Laplanche a publié sa thèse dix ans plus tard sous le titre Orthodoxie et prédication. L’œuvre d’Amyraut et la querelle de la grâce universelle, Presses Universitaires de France, Paris, 1965. 127 Emile G. LÉONARD, Histoire générale du protestantisme, 1ère édition 1961, Edition de poche Quadrige, P. U. F., 1988, tome II, p. 338-340 ; Daniel LIGOU, Le protestantisme en France de 1598 à 1715, SEDES, Paris, 1968, p. 147-156. 128 F. P. van STAM, The Controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650. Disrupting Debates among the Huguenots in Complicated Circumstances, APA-Holland University Press, Amsterdam-Maarssen, 1988. 129 François LAPLANCHE, L’Ecriture, le Sacré et l’Histoire. Erudits et politiques protestants devant la Bible en France au XVIIe siècle, APA-Holland University Press, Amsterdam & Maarssen, 1986, p. 1-37. 130 Jean Luc TULOT, Un Huguenot à Paris au milieu du XVIIe Siècle : André Pineau, Saint-Brieuc, 2003. 131 F. P. van STAM, The Controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 377-381. 132 Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 453. 133 Dominique GODINEAU, Les femmes dans la société française 16e-18e siècle, Coll. U, Armand Colin, Paris, 2003, p. 99-105.

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Société de leur époque134. Raymond Mentzer dans une récente étude a repris ce sujet en soulignant que les éléments du portrait de la femme protestante aux XVIe et XVIIe siècles sont divers et complexes, complémentaires et parfois contradictoires. Si les acteurs masculins de la Réforme ont contribué à renforcer le patriarcat familial et à une hiérarchie sociale très fortement attestée, la femme protestante néanmoins en dépit de cela a toujours su garder la capacité de se comporter avec force et indépendance135.

Aux cotés de femmes répondant au stéréotype de la femme protestante – ses deux épouses –, Guillaume Rivet dans ses lettres met en scène plusieurs femmes qui apportent une contribution aux huguenotes ne correspondant pas aux hiérarchies traditionnelles, sociales ou sexuelles, à savoir : sa mère Catherine Cardel, sa sœur Marguerite Rivet, sa plus jeune fille Judith Rivet et les deuxième et troisième duchesses de La Trémoille Charlotte-Brabantine de Nassau et Marie de La Tour d’Auvergne.

Dans sa lettre du 13 mai 1647, Guillaume Rivet dresse le portrait de sa mère : Sa ferme piété qui luy fit faire profession ouverte de la Religion à 13 ans, ayant père & mère papiste. Sa

constance en icelle, en laquelle elle a soustenu nostre père dans les plus rudes persécutions. Le soin de l’éducation de trois fils élevés aux lettres, elle ne pensant qu’à en faire des serviteurs de Dieu, le vœu qu’elle fit à Dieu de vous comme d’un autre Samuel, vous tenant pasmé entre ses bras après la cheute & froissure de vous hinerte, laissé tomber par une servante dans une cave (& sur des pierres) par l’huis on ouït d’icelle qui respondait à la rue vostre merveilleuse délivrance & l’accomplissement de ce vœu, l’avidité continuelle d’apprendre les choses droites par lecture, ouïr la parole & conférence avec des serviteurs de Dieu qu’elle voyoit & auxqueles elle escrivoit, la fin respondante à cette vie, en effet admirable en foy & en propos d’édification, ce que lors elle ne vouloit qu’on nous mandast & fit retirer nostre sœur pour n’estre distraitte de ses pensées célestes par l’affection qu’elle m’avoit dit auparavant avoir excessive envers ses enfens & s’en sentir coupable envers Dieu ; tout cela dis-je mériteroit bien d’estre touché & que sa mémoire demeure avec la vostre.

J’avois pensé d’en escrire exprès à l’occasion de ce que le capucin Gervais qui avoit demeuré à St. Maixent, preschant ici le quaresme en l’an 1624 et ayant choisi le lendemain de Pasques, qu’il disoit si Dieu à ses auditeurs de six parroisses assemblée sous le hale, leur donna pour arrière-met qu’une femme huguenote avoit dit qu’elle estoit plus que la vierge Marie qui n’avoit enfanté qu’un prophète, puisqu’elle en avoit enfanté deux, qui sont (disoit-il) : l’un ministre de Thouars & l’autre de Taillebourg. Et il confirma cela au gouverneur Monsieur de Fauqueroles, disant qu’il l’avoit appris à S. Maixent de gens digne de foy. Je dis à ce gentilhomme que nostre mère sçavoit plus de l’Escriture S. que ce capucin ; & mieux discerner que luy la différence de Dieu manifesté en chair & des prophètes, comme aussi des prophètes avec tels ministres que ses enfans, que je n’avois jamais esté avec elle sans appréhension qu’elle trouvast quelque chose à reprendre en moy136. Que cette fillion monachale auroit contenu à raison de quelque femmelette niaise & ignorante, non de celle que des papistes mordans appeloyent entre eux Madame de S. Paul pour tourner en reproche sa lecture des Epistres de ce vaisseau d’élection137 ; et dont quand on parlat de ce que nous avions presché & édifié, ils disoyent : “ Comment ne prescheroyent-ils ! Leur mère leur a appris dès leur bas aage ; car elle prescheroit aussi s’il luy estoit permis ”.

Le codex 282 de la Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve une quinzaine de lettres non datées de Catherine Cardel à son fils André. Elle a certes une écriture malhabile, son orthographe est phonétique, mais le ton de ses lettres est celui d’une femme décidée, multipliant les directives à l’encontre de son pasteur de fils dans une langue claire et rigoureuse. Elles présentent une corrélation évidente avec les lettres de la seconde duchesse de La Trémoille, Charlotte-Brabantine de Nassau à son fils aîné Henri. Comme le souligne justement Evelyne Berriot-Salvadore l’absence d’éducation

134 Janine GARRISSON, L’Homme protestant, Editions Complexe, Bruxelles, 1986, p. 135-162. 135 Raymond A. MENTZER, “ La place et le rôle des femmes dans les églises réformées ”, Archives de Sciences Sociales des Religions, 46e année, N° 113, janvier-mars 2001, p. 119-132. 136 Ce passage que nous portons en italique a été rajouté par Guillaume Rivet au bas de sa page. 137 Référence au passage du verset de la première Epitre à Timothée où Saint Paul énonce : “ Que la femme écoute l’instruction en silence, avec une entière soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre de l’autorité sur l’homme ; mais elle doit demeurer dans le silence ” (1 Tm 2, 11-12).

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scolaire, chez les femmes de la bourgeoisie, ne signifie pas nécessairement analphabétisme et, surtout ignorance138.

Marguerite Rivet, la sœur d’André et de Guillaume, comme se mère ne ménageait pas ses frères. Guillaume dans sa lettre du 14 novembre 1644 conte comment :

Vous avez ici une lettre de ma sœur qui m’escrit du septiesme de S. Maixent avec grande liberté d’exprimer ses mescontentement de ce que je n’avois invité ses filles aux nopces, qui avoit fait qu’elle n’y eust cru là venir. […] ainsi voulu admettre mes excuses sur ce qu’il m’eust fallu avoir une douzaine de nepveux & de niépces de ma défunte femme par la mesme raison , ce que je ne pouvois [faire] en l’estat infirme de ma femme, pa>>>>> du lieu, temps que les vivres ne se gardent passé un jour, estant morts, ni pour cela a[y]-je mesprisé ses filles qui m’eussent bien fait autant d’honneur que d’autres ; & force recerches à cela du tout de néant. C’est nostre sœur !

Je luy ay passé que sur une petite mesprise de part de S. Maixent et des proximités, elle me dist à nostre dernière veue ce que je resvois prenant tout doucement que cela signifioit en fin langage que je mesprenois, mais je n’ay pû porter qu’en sa lettre sur les petits mescontentemens peu raisonnables, elle marquast que ceux qui remonstrent aux autres s’oublient bien quelque fois. Ains luy ay représenté qu’elle s’oublioit fort de traitter ainsi un tel père que moy, de tel aage & de telle condition, afin qu’elle se souvint d’estre plus retenue & respectueuse. Je vous avois tesmoigné combien je me resjouissois en l’espérance de la voir & embrasser, ne m’estant cruellement imaginé qu’elle prist telle quinte, dont je voye bien qu’estant déplaisante elle en veut jetter la faute sur moy.

Nous avons conté les déboires de Guillaume Rivet avec ses deux fils aînés, l’on notera que sa plus jeune fille, Judith sut imposer le choix de son second mari. Dans sa lettre du 3 février 1646, Guillaume Rivet rapporte comment il dut céder devant la volonté de sa fille. Il aurait voulu que celle-ci épousa un pasteur et non le beau-frère d’Elie Thomas du Petit Port :

Je luy avois parlé d’un pasteur personnage doué de beaux dons, & qui aura quelque bien ; elle me respondit vouloir un marchand & s’aymer à recevoir comptes & occuper son esprit en action. Et si on luy en présente un qui soit bien conditionné, comme il m’en a esté parlé, elle ne le prendra pas. Dieu luy doint de se ranger à son devoir & me croire.

Pour conclure ce chapitre nous évoquerons les figures de “ super mères ” que furent pour Guillaume Rivet les IIe et IIIe duchesse de La Trémoille : Charlotte-Brabantine de Nassau et Marie de La Tour d’Auvergne. Toutes les deux ont comme point commun d’avoir joué un rôle prépondérant dans sa carrière.

Dans ses lettres du 28 août et du 12 novembre 1650 Guillaume Rivet mentionne que le duc Claude de La Trémoille prit en charge ses études afin qu’il “ servisse au S. Ministère en quelcune de ses terres ”. Dans sa lettre du 1er mars 1603 Claude de La Trémoille indique qu’il chargea sa femme, Charlotte-Brabantine de Nassau de l’installer à Taillebourg139.

Le rôle de Charlotte-Brabantine de Nassau dans le protestantisme du premier XVIIe siècle a été curieusement ignoré des historiens du protestantisme140. Elle était le plus ferme soutient de Duplessis-Mornay et empêcha son fils Henri de La Trémoille à se joindre en 1621 à la révolte de Henri et de Benjamin de Rohan. Elle mourut en 1631, trois ans après la conversion de son fils entre les mains de Richelieu. C’est désormais Marie de La Tour d’Auvergne qui va assurer son rôle de protectrice auprès de huguenots vivant sur les terres des La Trémoille de la branche aînée. Dans sa lettre du 1er janvier 1634, Guillaume Rivet mentionne avec soulagement que : “ Madame la duchesse nous continue l’entretien ”. Après la chute du parti dévot, Marie de La Tour d’Auvergne put agir avec des coudées plus franches.

Au travers de ces personnages l’on constate combien ces différentes figures contredisent la version théâtralisée et aseptisée de la femme protestante, critiquant avec vigueur les hommes qu’ils soient protestants ou catholiques et jouant un rôle essentiel dans l’église protestante et sachant faire

138 Evelyne BERRIOT-SALVADORE, Les femmes dans la société française de la Renaissance, Librairie Droz, Genève, 1990, p. 199. 139 Archives nationales, 1 AP 298/23. 140 Jean Luc TULOT, “ Les La Trémoille et le Protestantisme au XVIe et au XVIIe siècle. 3 - Charlotte-Brabantine de Nassau ”, Cahiers du Centre de Généalogie Protestante, Quatrième trimestre 2003, p. 173-202.

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entendre leurs voix aux pasteurs, d’autant plus efficacement pour les deux duchesses que c’étaient elles qui tenaient les cordons de la bourse et faisaient et défaisaient leurs carrières.

IT’S A WONDERFUL LIFE141 Dans sa vision sans concession de néerlandais, Franz-Pieter van Stam décrit Guillaume Rivet

comme un personnage très désagréable et déplore son étroitesse d’esprit142. De ce fait, l’on peut s’interroger si le pasteur de Taillebourg méritait d’être sorti des oubliettes de l’histoire au travers de sa correspondance.

Une figure du passé Guillaume Rivet, né en 1581, appartenait à la génération des protestants née au cours des

guerres de Religion, tenant de la doctrine politique pacifique préconisée par Duplessis-Mornay et soutenue par la IIe duchesse de La Trémoille, Charlotte-Brabantine de Nassau, princesse d’Orange et dont curieusement les historiens ont oublié le rôle, pour laquelle l’ennemi du protestantisme n’était pas le Roi de France, mais l’Empereur et le Roi d’Espagne. De ce fait, il ne correspond en rien à l’image sublimée du protestant dans le premier tiers du XVIIe siècle, en raison des critiques qu’il portait contre les guerres de Monsieur de Rohan. Celles-ci, a son avis, avaient gravement désorganisé le fonctionnement des églises en empêchant les synodes de se réunir et de nommer de nouveaux pasteurs, mais cette politique de terrain pesait-elle lourd face aux intérêts économiques et sociaux qui étaient les véritables enjeux de ces guerres.

Par ailleurs, par son attachement à l’orthodoxie et son antagonisme irréductible envers Moïse Amyraut, Guillaume Rivet contrariait la volonté politique des pasteurs parisiens de moins choquer les catholiques et surtout les luthériens143.

Un figure non représentative Guillaume Rivet appartenait à la bourgeoisie aisée, le revenu de ses marais lui permettait de

compléter les pensions que lui allouaient les La Trémoille et l’Eglise de Saintes et de ce fait ne correspond pas à l’image populaire que le protestantisme a entendu donner au XIXe siècle.

Guillaume Rivet était un bon vivant, souffrant de la goutte la maladie des gens trop (et mal) nourris. A l’occasion, il aimait boire avec ses amis à la santé de son frère. A nouveau, il ne correspond pas à l’image frugale et rigide du protestant puritain élaborée également au XIXe siècle bourgeois.

Un témoignage réel et non reconstitué Mais comme le montrait l’ange au personnage joué par James Stewart dans It’s a Wonderful

life, Guillaume Rivet fut utile à ses contemporains et l’est encore aux historiens actuels en leur montrant un fragment du réel et non une vision théorique144.

La société du XVIIe siècle en France était basée sur un réseau de relations quotidiennes reposant sur une quantité inimaginable de visites, de conversations, de rencontres et d’échanges145.

141 Nous empruntons pour ce chapitre le titre du film de Frank Capra, It’s a Wonderful life (1946) où James Stewart joue le rôle d’un père de famille d’une petite ville de province accablé de pressions sur le point de se suicider qu’un ange empêche d’attenter à sa vie en lui montrant, combien il était indispensable à la vie de ses concitoyens. 142 Peevish, surly, bad-mouthing, a sour person. Frans-Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 441-442. 143 Daniel LIGOU, Le protestantisme en France de 1598 à 1715, op. cit., p. 156. 144 François DOSSE, L’histoire en miettes. Des “ Annales ” à la “ nouvelle histoire ”, Coll. Agora, Pocket, 1997, p. 178.

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La correspondance de Guillaume Rivet nous place au cœur de ce mode de relations s’étendant à la France, mais aussi à une partie de l’Europe où déjà la presse jouait son rôle et était un vecteur d’information et d’influence sur l’opinion, comme le témoigne ce passage dans sa lettre du 24 juin 1646 ou touchant une information il écrit qu’il ne le croyait “ pas le moins pource que La Gazette n’en avoit rien dit ”.

Les lettres de Guillaume Rivet nous font découvrir un père de famille bien loin de l’image stéréotypée du super-père établie par les historiens de l’Ancien Régime à partir de traités théoriques, exprimant plus la philosophie de l’autorité que la réalité des relations familiales146.

Le XVIIe siècle fut une période où le sentiment de la famille s’exprime avec une vigueur définitive147. Pour Guillaume Rivet le bonheur conjugal fut une grande et simple évidence148. Il aima tendrement ses deux femmes. Dans sa lettre du 31 novembre 1624, il fait part de la “ douleur extrême ” qu’il connut à la suite du décès le 24 du même mois de sa première épouse Marie Meschinet. Ne pouvant garder masqué au fond de soi, ce sentiment vrai, dans deux lettres qu’il envoya à son frère à la date anniversaire du décès de celle-ci, au moment de les dater il ne put pas s’empêcher de rappeler son souvenir. Le 14 novembre 1638, il écrit : “ Respondant au jour de décès de ma défunte, d’heureuse & chère mémoire, il y a 14 ans ” et le 14 novembre 1644 : “ Hélas ! Cette date me remet en mémoire la pente que je fis il y a aujourd’huy vingt ans ”.

Bien que son second mariage avec Léa Château ne reposa pas sur un attrait sexuel comme dans sa première union (Cf. sa lettre du 28 février 1626), Guillaume Rivet évoque la tendresse qui les unissait dans son Liber amicorum :

“ Le 18 aoust 1645 est décédée Léa Chasteau, ma seconde femme qui a vescu avec moy depuis le 25 mars 1626 jusques à ce jour en grande amitié et a esté vraye mère à mes enfants. Seigneur, mon Dieu ! Donnez-moy de passer ma déserte vieillesse en ta crainte et me suscite quelque gouvernement tolérable. Amen ! ”149.

Les lettres de Guillaume Rivet témoignent d’un sentiment de l’enfance anticipant celui du XVIIIe siècle150. Elles sont pleines de détails sur ses enfants et petits-enfants, leur santé, leur éducation, leur conduite, leur bien-être.

“ Jean à une jolie famille. Son aisné, qui vient à huit ans, lit et escrit fort bien ; & a appris ses déclinaisons & conjugaisons soubs son oncle de Saujon, qui l’a chés soy. Je pren un second. Leur reste une jolie fille, & un petit garçon ”.

Ecrit-il le 25 janvier 1643. Il témoigne de sa douleur à la perte de son fils Zacharie et de sa petite-fille. L’on notera s’agissant de l’éducation dans ce tableau que si les garçons allaient au collège, les filles étaient élevées dans la famille ou chez des proches. Si il dut donner une éducation satisfaisante à ses deux filles, Marie et Judith, il déplore dans sa lettre du 13 mars 1644 que sa bru Jeanne Baudouin n’ait pas été accoutumé “ à escrire ”.

Philippe Ariès a souligné combien au XVIIe siècle, l’enfant était l’instrument d’une spéculation matrimoniale et professionnelle, qui devait amener un avancement de la famille dans la société151. Mais cette spéculation par le sacrifice des désirs individuels des enfants qu’elle impliquait, était source de tensions et de rébellions152. Les lettres de Guillaume Rivet en révélant la volonté de plusieurs de ses enfants de vouloir suivre la ligne de leurs désirs et accomplir leurs choix, mettent en évidence combien cette aspiration était difficile à concilier

145 Philippe ARIES, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Coll. Univers historique, Ed. du Seuil, 1973, p. 422. 146 Robert MUCHEMBLED, L’invention de l’homme moderne. Culture et sensibilités en France du XVe au XVIIIe siècle, Coll. Pluriel, Hachette, 1994, p. 345. 147 Philippe ARIES, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 392. 148 Maurice DAUMAS, La tendresse amoureuse, XVIe-XVIIIe siècles, Perrin, 1996, p. 178-201. 149 Louis MESCHINET de RICHEMOND, “ Extrait du Liber amicorum de Guillaume Rivet ”, op. cit., p. 324. 150 Philippe ARIES, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 453. 151 Ibid., p. 456. 152 Cf. Jonathan DEWALD, Aristocratic experience and the origins of modern culture. France, 1570-1715, University of California Press, 1993, p. 69-79.

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avec les exigence familiales153. Guillaume Rivet et son fils aîné André vécurent loin de l’autre sans se comprendre, attitude avivée par le refus d’André de suivre le chemin tracé par son père. Les rapports de Guillaume Rivet furent également difficiles avec son second fils, Jean, jusqu'au mariage de celui-ci avec Marthe Chadeau qui avec le temps l’amenda. Seul son troisième fils, Etienne, lui donna entièrement satisfaction en devenant pasteur de Saujon. Guillaume Rivet rencontra également des déconvenues avec sa seconde fille, Judith, il aurait aimé qu’elle épousa un pasteur, mais elle refusa et il dut accepter finalement qu’elle épousa un marchand. Attitude qui témoigne comment les contradictions entre les intérêts du lignage et ceux de l’individu se règlent par accommodements successifs, au fur et à mesure que l’esprit du lignage s’affaiblit et que s’accroissent les pouvoirs de l’individu.

Les lettres de Guillaume Rivet établissent une continuité entre le XVIIe siècle et le XXIe siècle commençant, en mettant en évidence que les difficultés pour un jeune de trouver un emploi sont une constante au travers des âges. Ce fut le cas des fils de Guillaume Rivet comme ceux d’André. Ce fait est rarement abordé et peut expliquer certaines conversions de Réformés au Catholicisme.

Les maladies individuelles scandent la vie de chacun, du berceau à la tombe154. Guillaume Rivet dans ses lettres fait état régulièrement des maux qui l’accablent ainsi que les membres de sa famille. Dans ses lettres, Guillaume Rivet donne aussi un témoignage des progrès limité du savoir médical à cette rude époque où le moindre bobo, le moindre rhume étaient très difficiles à soigner et que les moyens utilisés font souvent frémir.

Les lettres de Guillaume Rivet pendant les trente année de leur durée confirment la forte mortalité qui était la règle dans cette démographie d’Ancien Régime où un enfant sur quatre mourait avant un an et un autre avant l’âge de 20 ans et où l’espérance de vie à la naissance était de l’ordre de 28 ans155. En l’espace de ces trente ans, il perdit ses deux épouses, deux de ses fils et plusieurs de ses petits enfants.

Enfin les lettres de Guillaume Rivet proposent un nouveau regard sur le protestantisme dans le premier XVIIe siècle. Beaucoup d’historiens à la suite de E. G. Léonard156 écrivent encore que le protestantisme en ce milieu du XVIIe siècle était en léthargie. Au travers des lettres de Guillaume Rivet, l’on découvre dans une série de récits à tiroirs comment celui-ci était un instrument de la lutte des protestants de Saintonge contre la Contre-réforme catholique. Ceux-ci utilisaient ses services pour qu’ils recommande à son frère leurs enfants dans le cadre de leurs études aux Provinces-Unies ou apprennent le métier des armes jusqu’en 1648 dans l’armée de MM. des Etats sous le commandement du prince d’Orange.

Mais les Provinces-Unies n’étaient pas totalement ce havre de paix que décrivent les historiens protestants157 : elles pouvaient aussi se révéler un lieu de perdition où les jeunes gens passaient leur temps à manger, boire, jouer ou courir les jolies filles s’ils ne perdaient pas la vie dans un duel stupide158. Il revenait alors à André Rivet à être leur mentor, quant cela lui était possible.

En bref, les lettres de Guillaume Rivet selon l’expression de Lucien Febvre sont gorgées de substance humaine159 et font quitter leurs lecteurs de la représentation d’un discours organisé par 153 Jacques GELIS, “ L’individualisation de l’enfant ” in Philippe ARIÈS et Georges DUBY, Histoire de la vie privée. 3. De la Renaissance aux Lumières, Coll. Points Histoire, Le Seuil, 1999, p. 308. 154 François LEBRUN, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux XVIIe et XVIIIe siècles, Coll. Points Histoire, Le Seuil, 1995, p. 130. 155 François LEBRUN, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Coll. U Prisme, Armand Colin, Paris, 1975, p. 6. 156 Emile G. LEONARD, Histoire générale du protestantisme, op. cit., tome II, p. 331-336. En réaction à cette vision pessimiste toutefois Janine Garrisson dans la préface de la seconde édition de l’Histoire des protestants en France fait état des résistances du peuple protestant de France pour garder leur piété et leur culture. Janine GARRISSON (Ed), Histoire des protestants en France de la Réforme à la Révolution, Editions Privat, Toulouse, 2e édition, 2001, p. 16. 157 Sur l’image de ces Provinces-Unies tentatrices. Cf. Simon SCHAMA, L’Embarras des richesses. Une interprétation de la culture hollandaise au siècle d’or, Coll. Bibliothèque des idées, Gallimard, Paris, 1991. 158 Cf. Le chapitre que Philippe Ariès consacre à la rudesse de l’enfance écolière. Philippe ARIES, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 352-367. 159 Lucien FEBVRE, Combats pour l’Histoire, Coll. Agora, Pocket, 1995, p. 13.

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avance160, pour entrer dans celle d’une expérience véritable avec toutes ses facettes et contradictions, mais catholiques ou protestants seront-ils prêt à l’accepter. Pourtant, comme le note Claude Lévy-Strauss, l’histoire biographique et anecdotique, si elle ne contient pas en elle-même sa propre intelligibilité et est moins explicative, est plus riche du point de l’information, puisqu’elle considère les individus dans leur particularité, et qu’elle détaille, pour chacun d’eux, les nuances du caractère, les détours de leurs motifs, les phases de leurs délibérations161.

-=- Jean Luc Tulot, F22000 Saint-Brieuc, 1er janvier 2007

160 Cf. Michel FOUCAULT, L’archéologie du savoir, Bibliothèque des Sciences humaines, Gallimard, 2002, p. 36-37. 161 Claude LEVY-STRAUSS, La pensée sauvage, Coll. Agora, Pocket, 2002, p. 311.