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Construire l’avenir que nous voulons

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Construire l’avenir que nous voulons

Regards sur la Terre décrypte la complexité des processus qui composent le développe-ment durable et en révèle toute la richesse.

La première partie dresse le bilan de l’année 2013 : retour sur les dates, les lieux et rapports clés qui ont structuré les débats et l’action en faveur d’un développement plus durable ; analyse des événements marquants, identification des acteurs majeurs, des enjeux et des perspectives dans les domaines du développement, de l’agro-écologie, de la biodiversité, du climat, de la gouvernance, etc.

Le Dossier 2014 a pour ambition de décortiquer et analyser les rouages de l’innova-tion, considérée comme la nouvelle clé du développement durable. Véhicules élec-triques, agriculture biologique, énergies renouvelables, e-learning : l’essor de ces technologies émergentes et modèles alternatifs génère l’espoir d’un développe-ment plus décentralisé, frugal, flexible et démocratique, que les modèles déployés au cours du xxe siècle. L’innovation s’impose comme mot d’ordre des organisations internationales, gouvernements, entreprises, universités et de la société civile pour répondre aux défis économiques, sociaux et environnementaux de la planète.

Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispen-sable.

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26 € Prix TTC France6144514ISBN : 978-2-200-60059-4

Établissement public, l’Agence française de développe-ment (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattrela pauvreté et favoriser le développement dans lespays du Sud et dans l’Outre-mer. Elle met en œuvre lapolitique définie par le Gouvernement français. Présente

sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de 70 agences et bureauxde représentation dans le monde, dont 9 dans l’Outre-mer et 1 à Bruxelles,l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions devie des populations, soutiennent la croissance économique et protègentla planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et auxpetites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale,lutte contre le réchauffement climatique… En 2012, l’AFD a consacré prèsde 7 milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en déve-loppement et en faveur de l’Outre-mer. Ils contribueront notamment à lascolarisation de 10 millions d’enfants au niveau primaire et de 3 millions auniveau collège, et à l’amélioration de l’approvisionnement en eau potablepour 1,79 million de personnes. Les projets d’efficacité énergétique surla même année permettront d’économiser près de 3,6 millions de tonnesd’équivalent CO2 par an. www.afd.fr

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques

du développement durable dans une perspective mondiale. Face aux défis majeurs que représentent le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement. Ses travaux sont structurés transversa-lement autour de cinq programmes thématiques – Gouvernance, Climat, Biodiversité, Fabrique urbaine, Agriculture – et d’un programme transver-sal – Nouvelle Prospérité. www.iddri.org

The Energy and Resources Institute (TERI) est uneorganisation non gouvernementale indienne créée en1974 pour développer des solutions innovantes afin

de traiter les enjeux du développement durable, de l’environnement,de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles. Sesdiverses activités vont de la formulation de stratégies locales et nationalesjusqu’à la proposition de politiques globales sur les enjeux énergétiques etenvironnementaux. Basé à Delhi, l’Institut est doté de plusieurs antennesrégionales sur le territoire indien. www.teriin.org

Jean-Yves GROSCLAUDE, directeur exécutif en chargede la stratégie à l’Agence française de développement(AFD), est agronome et Ingénieur général des Ponts,des Eaux et des Forêts. Après une carrière d’expertisedans les secteurs des infrastructures, de l’eau, de l’envi-ronnement, de l’agriculture au sein de sociétés d’amé-nagement régionales françaises, Jean-Yves Grosclaude a

successivement occupé au sein de l’Agence française de développement lesfonctions de chargé de mission « Agriculture et infrastructures rurales »,directeur-adjoint de l’agence de l’AFD à Rabat (Maroc), secrétaire généraldu Fonds français de l’Environnement mondial, directeur technique desopérations, directeur exécutif en charge des Opérations. Depuis août2013, il est en charge de la direction exécutive de la stratégie et, à ce titre,gère les fonctions « Programmation stratégique, études et recherche,redevabilité et formation ». Par ailleurs, il est membre du Comitéministériel COP 21 et anime les réflexions internes pour la mie en œuvrede la stratégie « Climat » de l’AFD.

Laurence TUbiAnA, économiste, a fondé et dirige l’Insti-tut du développement durable et des relations interna-tionales (Iddri) et la chaire Développement durable deSciences Po. Elle est professeur au sein de l’École desaffaires internationales de Sciences Po et à l’universitéColumbia (États-Unis). Elle est membre du comité depilotage du débat national français sur la transition

énergétique et du Conseil consultatif scientifique des Nations unies ; elle est également co-présidente du Leadership Council du Réseau dessolutions pour le développement durable des Nations unies. Chargéede mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questionsd’environnement de 1997 à 2002, elle a été directrice des biens publicsmondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes. Elleest membre de divers conseils d’universités et de centres de recherchesinternationaux (Coopération internationale en recherche agronomiquepour le développement – Cirad, Earth Institute à l’université Columbia,Oxford Martin School). Elle est également membre du China Councilfor International Cooperation on Environment and Development et duconseil d’orientation stratégique de l’Institute for Advanced SustainabilityStudies (Potsdam, Allemagne).

Rajendra Kumar PAChAURi est docteur en génie industrielet en économie. Il est actuellement le directeur généralde The Energy and Resources Institute (TERI) basé àDelhi (Inde). Depuis 2002, il préside le Groupe intergou-vernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC)qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007.

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Jacques MOinEViLLE, Rajendra K. PAChAURi, Teresa RibERA, Laurence TUbiAnA (dir.)

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Le social business : un nouveau modèle de développement durable ?Nicolas VINCENT, AFD Raphaël DE GUERRE, AFD

En 2014, un certain nombre de rapports et d’événements ont souligné l’engoue-ment partagé des pouvoirs publics, des ONG et du secteur privé pour le social business et, plus largement,

pour l’économie sociale et solidaire : la remise du rapport Faber-Naidoo pour une nouvelle approche de l’aide au développement, les rapports de la Social Impact Investment Taskforce de la présidence britannique du G81 ; le Global Social Business Summit tenu à Mexico City ; une nouvelle loi économie sociale et solidaire promulguée en France, etc. Cet élan général s’explique par le fait que chaque acteur impliqué voit dans le social busi-ness une nouvelle frontière : il permettrait de pérenniser des projets financés jusque-là par des ONG ou des agences de développement, de résoudre des problèmes sociaux en limitant le financement public et de tester des innovations technologiques et organisationnelles dans de nouveaux modèles de production ou de distri-bution (entreprises privées).

Mais qu’en est-il dans les faits ? Le social business peut-il contribuer à renouveler les politiques d’aide au développement ? À quelles difficultés spécifiques est-il confronté ?

1. Disponible sur : www.socialimpactinvestment.org/

Décryptage d’une approche souvent présentée comme étant la solution pour concilier rentabilité et préoccupations sociales.

De quoi parle-t-on ?Social business, « économie sociale et solidaire » (ESS) et « entrepreneuriat social » sont des concepts proches, qui se superposent, et dont il existe autant de définitions que d’ac-teurs s’en réclamant. L’idée commune est bien sûr de mettre l’économie et l’entreprise au service d’une mission sociale (et/ou environ-nementale) et d’utiliser le modèle ou l’orga-nisation des entreprises pour répondre à des problématiques sociales. Pour ne parler ici que du social business, ce terme a été popula-risé par Muhammad Yunus suivant le principe de no loss, no profit interdisant la distribution de dividendes. Il a depuis largement échappé à son auteur et il n’existe pas aujourd’hui de définition harmonisée du social business.

Toutefois, les différentes approches semblent converger vers deux principes communs (un objectif social prioritaire et la recherche de l’autonomie financière), tandis qu’elles divergent généralement sur quatre critères plus secondaires : (1) la gouvernance, plus ou moins ouverte aux parties prenantes (béné-ficiaires, employés, fournisseurs, riverains,

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Définir le social business

À l’intersection des logiques du marché, de l’entreprise et de la mission sociale, le social business veut à la fois profiter des avantages supposés d’un fonctionnement entrepreneurial mais en le mettant au service d’objectifs sociaux ou environnementaux.

Objectif financier dominant Objectif social dominant

Entreprises privées

classiques Approche responsabilité

sociale/sociétale

des entreprises

Stratégie BOP *

Capital-risque

philanthropique

ONG

Services

publics

Philanthropie

classique

Objectif social et/ou environnemental prioritaire

Gouvernance plus ou moins ouverte aux parties prenantes

Caractère innovant plus ou moins important

Bénéfices et dividendes plus ou moins encadrés

Statut juridique plus ou moins formalisé

Générer des revenus, structurer des filières

de producteurs

Atténuation, adaptation, préservation de la

biodiversité locale, etc.

Population riveraine, association

ou ONG locale, etc.

Faciliter l’emploi,le revenu, l’employabilité

de personnes fragiles

Faciliter l’accèsà des biens

et services essentiels

Recherche de l’autonomie / viabilité financièreCritères principaux

OBJECTIFS

BÉNÉFICIAIRES POSSIBLES DE LA MISSION SOCIALE

FOURNISSEURS ENVIRONNEMENTSALARIÉS CLIENTS

Critères secondaires

Socialbusiness

Logique du marché Logique sociale

EXTÉRIEURS AU FONCTIONNEMENT DE L’ENTREPRISE

Source : AFD.* BOP (Bottom of the Pyramid, stratégie des grands groupes visant à ajuster leurs produits pour vendre aux consommateurs les plus pauvres).

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etc.) ; (2) l’encadrement et l’affectation des bénéfices (intégralement réinvestis, pour M. Yunus, ou partiellement distribués) ; (3) le caractère plus ou moins innovant de la réponse apportée par le social business ; et (4) le statut de l’organisation (entreprise commerciale, projet de développement, fondation, coopéra-tive, association, voire ONG, etc.). Afin de res-ter suffisamment large, nous parlerons plutôt de « projet de social business » que d’entreprises sociales, indépendamment du statut juridique. En effet, de nombreux projets se réclamant du social business n’ont pas (encore) de statut.

Le social business se situe donc à l’intersec-tion des logiques du marché, de l’entreprise et de la mission sociale. L’idée étant de mettre les avantages supposés d’un fonctionnement entrepreneurial (optimisé) au service d’un objectif plus noble que la seule recherche du profit. Tous les secteurs du développement étant concernés (inclusion financière, nutrition

et sécurité alimentaire, santé, éducation, logement, eau assainissement, énergie, etc.), on peut donc retrouver du social business dans tous les secteurs d’activités, avec toutefois une prééminence de la microfinance.

Les modèles de social business ambitionnent d’apporter de nouvelles réponses à des problèmes sociaux sur lesquels les politiques publiques sont défaillantes, notamment dans les pays en développement (PED). Ils cherchent donc à s’autonomiser financièrement (c’est du moins l’objectif à terme) pour être pérennes et durables. Pour les décideurs publics et les acteurs de l’aide au développement, soutenir le social business permet de promouvoir des solu-tions décentralisées et innovantes, en limitant (à terme) le financement public. Le social busi-ness peut alors servir de levier pour augmenter l’impact social de la dépense publique.

Pour les entreprises multinationales, dont la plupart ont aujourd’hui des fondations

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Activitésgénératricesde revenus(AGR) pour

les populationsvulnérables :fournisseurs

AGR pour les pop.vulnérables : salariés

Accès au crédit

Accèsaux servicesde proximité

Accès aux soinsmédicaux

Accèsà l'alimen-

tation /nutrition

Accès à l'eau /assainissement

Accèsà l'habitat

Accèsà l'électri-

cité

Accèsà la

formation /éducation

Protectionde l'environnement

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55Environnement

Fournisseurs (amélioration

des revenus, formation, structuration, appui...)

Salariés et assimilés (amélioration

des revenus, insertion, formation)

Clients (accès favorisé à un bien ou service essentiel)

et autres bénéficiaires

Aide à la personne 1 %

Électrification 2 %Multisectoriel 5 %

Services aux entreprises 2 %

Textile 1 %

Habitat 1 %

TourismeEnvironnement 7 %

Artisanat 8 %

Santé11 %

Agro-industrie 14 %

Services financiers /Microfinance 36 %

7 %7 %

Eau / Assainissement 5 %

Groupementd’intérêteconomique(GIE)

Fondation

CoopérativeAssociation / ONG

Entreprises49 %

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Bailleur public / privé (dont Fondation)3 %

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Entreprise privée

État MG / Entreprise publique locale

Groupe de citoyens (bénéficiaires,producteurs, clients)

Entrepreneurindividuel

ONG

Social business à Madagascar

Bénéficiairesde la mission sociale

Diversité des statutsInitiateurs des projets

Diversité des secteurs

Objectif social

Une étude récente de l’AFD à Madagascar1 a permis d’identifier près de 90 projets pouvant être qualifiés de social business au sens large. Il s’agit de projets relativement anciens (10 ans de moyenne d’âge), dont près de la moitié ont été initiés par des ONG, caractérisés par une grande diversité

du type de bénéficiaires, de missions sociales de statuts (50 % d’entreprises) et de secteurs d’interventions.

Source : Étude AFD « Le développement de l’entreprenariat social à Madagascar » réalisée par FTHM-Croissens, 2014.1 Réalisée par le consortium de cabinets d’étude FTHM et Croissens en janvier 2014.

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ou des fonds dédiés au développement des socials business – souvent en parallèle avec des stratégies Bottom of the Pyramid (BOP), consis-tant à adapter les produits pour les vendre aux plus pauvres –, c’est un moyen, outre les retombées en termes d’image, de stimuler l’« innovation inversée » (reverse innovation) en testant dans les PED de nouvelles façons de produire et de commercialiser.

Nutri’zaza : un exemple de social business en recherche d’équilibre financierNutri’zaza est une entreprise sociale malgache (au statut de SA) dont la mission sociale est de lutter contre la malnutrition chronique qui touche près d’un enfant sur deux. L’entreprise est l’aboutissement et la transformation d’un projet de développe-ment porté par une ONG ayant mis au point le complément alimentaire Koba Aina. Depuis 1998, le Gret, ONG française de développe-ment solidaire, sensibilisait les mères à la malnutrition infantile et distribuait, via des restaurants pour bébés, des farines infan-tiles, complément de bonne qualité nutri-tionnelle fabriqué essentiellement à partir de matières premières locales, dans le cadre du projet Nutrimad (créé par le Gret, l’Institut de recherche pour le développement – IRD – et l’université d’Antananarivo).

Après de longues années d’expérimentation et d’apprentissage pour mettre au point un réseau de distribution de bouillie pour bébé (6-24 mois) à un prix abordable pour les ménages les plus pauvres, le projet a pris le statut d’entreprise en septembre 2012. Nutri’zaza a été créée par le Gret et quatre autres actionnaires (dont deux fonds d’inves-tissements français : Solidarité internationale pour le développement et l’investissement, SIDI, et Investisseurs & Partenaires, I&P), avec une subvention de l’Agence française de développement (AFD) destinée à combler les pertes des premiers exercices. Elle gère aujourd’hui un réseau de 39 restaurants pour bébés dans 7 villes de Madagascar, et 64 ani-matrices effectuent quotidiennement des ventes à domicile. Des sachets de bouillie non

préparée sont également disponibles en épice-rie. Chaque mois, plus de 60 000 portions sont vendues.

Afin de préserver la mission sociale de cette société anonyme, les actionnaires fondateurs ont renforcé la gouvernance habituelle (direction, conseil d’administration, assem-blée générale des actionnaires) par un comité d’éthique et de surveillance sociale (intégrant toutes les parties prenantes) ainsi qu’un pacte d’actionnaire faisant de l’objectif social la prio-rité de l’entreprise. Le comité se réunit deux fois par an pour suivre les indicateurs sociaux de l’entreprise : nombre d’enfants touchés, nombre de repas fournis, accessibilité pour les plus pauvres (prix de vente du produit), nombre d’emplois d’animatrices créés, anima-tions d’éducation nutritionnelle réalisées, etc.

Des difficultés de développement spécifiquesOutre les difficultés habituellement rencon-trées par les PME dans les PED (financement, environnement des affaires, connaissance du marché, etc.), les projets de social business sont confrontés à des difficultés supplémentaires inhérentes à leur modèle même. En effet, vouloir s’attaquer à un problème social en générant de la valeur marchande pour assurer la pérennité du projet revient très souvent à « créer » un marché qui n’existait pas. Viabiliser financièrement la résolution d’un problème social implique donc très souvent une idée originale, un processus d’innovation et un apprentissage souvent assez long.

Il existe une tension importante entre, d’un côté, l’objectif social et, de l’autre, l’impératif d’équilibre financier. Mais comment assurer ce dernier quand vous produisez un bien ou un service destiné aux plus pauvres ? Comment déterminer un prix suffisamment bas pour être accessible aux bénéficiaires ciblés et suffisamment élevé pour atteindre l’équilibre financier ? Il existe également une tentation naturelle d’assigner plusieurs objectifs sociaux au projet de social business : une entreprise qui se dit « sociale » ne doit-elle pas être exemplaire et donc avoir une mission sociale pour chacune des parties prenantes de l’entreprise (clients,

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salariés, fournisseurs, riverains, etc.) ? Cette démarche, aussi légitime soit-elle, conduit souvent à des difficultés insurmontables et à des contradictions entre les différents objectifs sociaux (comme par exemple soutenir une filière de petits producteurs tout en pratiquant des prix bas pour les clients bénéficiaires).

Par ailleurs, sur le terrain, le projet de social business doit trouver sa place entre l’acti-vité des ONG et le marché pour les produits à commercialiser, ce qui est potentiellement source de conflits. L’activité des ONG peut ainsi nuire au projet de social business (en cas par exemple de distribution gratuite de produits subventionnés par les ONG, pour lesquels le social business essaie de proposer une offre à bas prix), tandis qu’un projet de social business trop proche d’un marché existant peut rencon-trer une concurrence hostile du secteur privé.

Il existe aussi des difficultés d’ordre opé-rationnel. Tout d’abord, comment attirer les financements vers un projet risqué et peu rentable par nature ? La plupart des projets de social business innovent (technique, organisa-tion, distribution). Le business model initial est fragile, il doit être revu au fur et à mesure de l’expérimentation du projet et comporte donc une grande part de risques, ce qui est un frein majeur à la mobilisation des financements lors de la phase d’expérimentation et d’amorçage du projet. Une fois l’équilibre financier atteint (ou en passe de l’être), la faible rentabilité inhérente au projet n’attire pas non plus les actionnaires « classiques ». Toutefois, de nombreux fonds d’investissement dédiés au social  business et aux agences de développe-ment sont déjà mobilisés avec des volumes suffisants pour financer aujourd’hui les projets les plus matures.

Ensuite, comment assurer une continuité des financements quand la plupart des entre-prises sociales connaissent des évolutions statutaires au cours de leur croissance, passant par exemple d’un statut associatif à un statut commercial ? Enfin, comment traduire dans l’organisation et le fonctionnement quotidiens les objectifs du projet et les principes adoptés en matière de gouvernance, de gestion des ressources humaines et d’arbitrage entre les

différents objectifs ? Comment sécuriser l’ob-jectif social par rapport aux contraintes finan-cières ? L’élaboration du modèle économique, organisationnel et sa gouvernance sont l’enjeu principal du social business pour en assurer la pérennité. Là encore, l’expérimentation et les ajustements sont nécessaires.

Si les décideurs publics souhaitent encou-rager l’émergence du social business, ils peuvent chercher à créer un environnement juridique et réglementaire favorable (c’est par exemple l’objet de la loi sur l’économie sociale et solidaire adoptée en France en 20141) ; à accompagner les projets en amont au niveau de l’expérimentation de solutions innovantes (incubation, pépinières) ; à mobiliser du capi-tal patient à la recherche d’impact social avec un retour financier limité (fonds d’investisse-ment dédié, venture philanthropique, etc.) ; à faciliter la mise en réseau des acteurs du social business pour les échanges d’expérience ; à financer le renforcement des capacités ou encore à inventer des dispositifs de mesure d’impact simplifiés – que ne manqueront pas de demander les investisseurs se réclamant de l’impact investing.

Aux côtés des fonds d’investissement dédiés au social  business, la plupart des bailleurs de fonds se sont dotés récemment de stratégies et d’instruments de financement et d’accom-pagnement. Les moyens mobilisés sur ce sujet semblent toutefois réservés aux projets les plus matures (encore peu nombreux) tandis que les projets plus petits, expérimentaux et incer-tains, ne trouvent encore que peu de soutien. Qui sera prêt à prendre le risque ? ■

1. La nouvelle loi reconnaît la place et le rôle dans l’économie d’activités caractérisées par trois principes : être au service d’un développement social et durable ; affecter les bénéfices à cette fin et non à l’enrichissement des actionnaires ; prendre des décisions collectives et démocratiques. Elle fixe un cadre à ces activités et conforte des dispositifs contribuant à les promouvoir. Cette définition, plus large que le périmètre historique de l’ESS, inclut toujours les entreprises à statut coopératif, mutualiste ou associatif, ainsi que les fondations, mais intègre désormais aussi des entreprises commerciales se réclamant des mêmes principes. L’approche statutaire qui prévalait jusqu’alors est donc dépassée en vertu de principes définissant leur vocation sociale.

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Construire un monde durable

Regards sur la Terre décrypte la complexité des processus qui composent le développe-ment durable et en révèle toute la richesse.

L’ouvrage dresse dans un premier temps le bilan de l’année 2014 : retour sur les dates, lieux et rapports clés qui ont structuré les débats et l’action ; identification et analyse des faits marquants, des acteurs majeurs, des enjeux et perspectives dans les domaines du développement, de la biodiversité, du climat, de la gouvernance, etc.

2015 est une année véritablement charnière pour la coopération internationale pour le développement, puisque seront définis, lors du Sommet de New York du mois de septembre, les Objectifs de développement durable (ODD) pour les quinze années à venir. Regards sur la Terre offre une analyse de première main pour comprendre les changements en cours et les défis posés par le développement durable dans un certain nombre de pays clés. Il décrypte notamment les questions de mise en œuvre des options de développement, en visant à faire de son financement un levier de transformation des économies et des sociétés.

Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un indispensable outil d’information et de compréhension des grands enjeux contemporains.

6144514ISBN : 978-2-200-60059-4

Établissement public, l’Agence française de dévelop-pement (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud et dans l’Outre-mer. Elle met en œuvre la politique définie par le gouvernement français.

Présente sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de agences et bureaux de représentation dans le monde, dont dans l’Outre-mer et à Bruxelles, l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance économique et protègent la planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale, lutte contre le réchauffement climatique… En , l’AFD a consacré près de milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en développement et en faveur de l’Outre-mer. Ils contribueront notamment à la scolarisation de millions d’enfants au niveau primaire et de millions au niveau collège, et à l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable pour , million de personnes. Les projets d’efficacité énergétique sur la même année permettront d’économiser près de , millions de tonnes d’équivalent CO par an. www.afd.fr

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques

du développement durable dans une perspective mondiale. Face aux défis majeurs que représentent le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement. Ses activités sont structurées transversale-ment autour de six programmes thématiques – Agriculture, Biodiversité, Climat, Fabrique urbaine, Gouvernance, Océans – et d’un programme transversal – Nouvelle Prospérité. www.iddri.org

The Energy and Resources Institute (TERI) est une organisation non gouvernementale indienne créée en pour développer des solutions innovantes afin de traiter les enjeux du développement durable, de

l’environnement, de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles. Ses diverses activités vont de la formulation de stratégies locales et nationales jusqu’à la proposition de politiques globales sur les enjeux énergétiques et environnementaux. Basé à Delhi, l’Institut est doté de plusieurs antennes régionales sur le territoire indien. www.teriin.org

Anne PAUGAM, Teresa RIBERALaurence TUBIANA, Rajendra K. PACHAURI (dir.)

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Anne PAUGAM est, depuis le juin , directrice générale de l’Agence française de développement, établissement public dont la mission est de financer et d’accompagner le développement des pays du Sud et des Outre-mer français. Après un début de carrière à l’Inspection générale des Finances et à la Banque mondiale, elle a exercé la fonction de conseillère puis directrice adjointe

au cabinet du ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie. Anne Paugam a rejoint l’AFD en pour y exercer successivement les fonctions de directrice du service chargé de la programmation et du pilotage stratégique, directrice du département du développement humain, puis de secrétaire générale et membre du comité exécutif, en charge du budget, des moyens, des finances et des risques.

Teresa RIBERA est directrice de l’Iddri. Elle a été secrétaire d’État aux Changements climatiques pour le gouver-nement espagnol de à , puis a travaillé deux ans, avant de rejoindre l’Iddri, dans l’industrie des énergies renouvelables sur le déploiement de solutions photovoltaïques. Elle a été directrice générale du climat (-) et a occupé différents postes techniques

dans les ministères des Travaux publics, des Transports et de l’Environnement (-). Teresa Ribera est titulaire d’un diplôme en droit du Centro de Estudios Constitucionales (Espagne). Elle a été professeure adjointe en droit public à l’université autonome de Madrid. Elle collabore régulièrement avec des think tanks, ONG et organisations internationales.

Laurence TUBIANA, économiste, a fondé l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po. Elle est professeure à Sciences Po et à l’université Columbia et a été nommée, en mai , représentante spéciale de Laurent Fabius pour la Conférence Paris Climat . Elle est par ailleurs présidente de l’AFD, membre du Conseil

consultatif scientifique des Nations unies et co-présidente du Leadership Council du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Chargée de mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questions d’environnement de à , elle a été directrice des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères. Elle est membre de divers conseils d’universités et de centres de recherches internationaux.

Rajendra Kumar PACHAURI est docteur en génie industriel et en économie. Il est directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI) basé à Delhi (Inde). Entre et , il a présidé le Groupe d’experts intergouver-nemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en .

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