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Depuis toujours, l’âme chinoise a deux versants : Confucius et Lao zi ; deux sources qui la nourrissent, aussi opposées que complémentaires, à l’image du Yin/Yang ; deux tempéraments, deux visions du monde et des hommes, de leurs actions et aspirations, aussi fondamentaux que furent Platon et Aristote en Occident. Lorsque la Morale rencontre le Mystère, portrait des deux visages fondateurs de l’identité d’un peuple. photo : D. R. •Le char et le talisman •Confucius, l’homme libre •Savoir et Connaissance •Confucianisme, taoïsme et bouddhisme, les trois non-religions de la Chine •Bouddhisme Chan •Test : quel sage dort en vous? •Jésus et Lao zi, deux paroles, une vérité •Sagesses chinoises, l’opium du peuple occidental CONFUCIUS LAO ZI Deux figures emblématiques de la sagesse chinoise

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Page 1: Confucius Lao Zi - generation-tao.com

Depuis toujours, l’âme chinoise a deux versants : Confucius et Lao zi ; deux sources

qui la nourrissent, aussi opposées que complémentaires, à l’image du Yin/Yang ; deux

tempéraments, deux visions du monde et des hommes, de leurs actions et aspirations,

aussi fondamentaux que furent Platon et Aristote en Occident.

Lorsque la Morale rencontre le Mystère, portrait des deux visages fondateurs

de l’identité d’un peuple.

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•Le char et le talisman•Confucius, l’homme libre•Savoir et Connaissance•Confucianisme, taoïsme et bouddhisme,

les trois non-religions de la Chine

•Bouddhisme Chan•Test : quel sage dort en vous ?•Jésus et Lao zi, deux paroles, une vérité•Sagesses chinoises,

l’opium du peuple occidental

CONFUCIUSLAO ZIDeux figures emblématiques

de la sagesse chinoise

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Dossier

Confucius le rigoureux parleclair, son enseignement porte àl’extérieur, au social, au tan-

gible et au raisonnable. Lao zi, l’obs-cur, murmure un air plus diffus, plusmystique, qui se tourne vers la nuit,l’intérieur, l’individuel, le magique etl’ineffable.

La dualitéCette dualité se retrouve dans la viede Confucius et de Lao zi. Celle deConfucius est inscrite dans l’histoire :le peu qu’on en sache est avéré. Il ades ancêtres connus et des descen-dants nombreux. Son actuel héritier,le soixante-dix-septième en lignedirecte, vit toujours à Taïpei, portantle nom de son aïeul. Lao zi enrevanche a moins de consistance. Laoet zi sont deux idéogrammes qui signi-fient mot à mot "vieux maître", ouencore "vieil enfant", ce qui est assezsaugrenu (il serait né, explique-t-on,avec la sagesse d’un vieillard de 80ans). Il n’y a pas là de quoi faire unnom, tout juste un pseudonyme, uneappellation qui recouvre un savoiraussi ancestral qu’anonyme.Confucius, au terme de ses pérégrina-tions, s’est tranquillement éteint danssa ville natale, entouré de ses disciples.Son tombeau est toujours là, entourémaintenant de tous ceux de ses des-cendants, dans une forêt tranquilleprès de Qu Fu, à l’intérieur du plusvaste cimetière privé du monde.Lao zi, lui, n’est pas mort, il a disparuun jour, en direction de l’Ouest. Etsans la demande insistante de l’officierde garde au poste frontière à qui ilaurait dicté les cinq mille caractères

du Dao De Jing (Tao Te King), leLivre du Tao et de son Application,aucune trace ne subsisterait de sonpassage. Confucius aussi n’a jamaisrien écrit de sa main, mais après samort, ses disciples durant trenteannées ont obstinément recherchétous ceux avec qui il avait pu dialo-guer pour rassembler, vérifier, compa-rer, organiser tout ce qu’il avait pudire. Le résultat est un cahier : lesEntretiens.

Deux textes : le Tao Te Kinget les EntretiensC’est leur seul point commun, deuxtextes si minces qu’ils tiendraient cha-cun sur une page de ce journal, et surcette feuille repose depuis vingt-cinqsiècles toute la philosophie chi-noise. Aucun ne contient degrands discours, celui deConfucius est unesuite d’aphorismesdont la simplicitéest si profondeq u ’ e l l e e ndevient décon-c e r t a n t e , e tcelui de Lao zid e s v e r s e t sd’une portée siévidente qu’elleen devient fulgu-rante. Trente sièclesavant Kant, le premierdisait : Ne fais pas à autruice que tu ne voudrais pas qu’ilte fasse, et bien avant quiconque, lesecond : Le faible vainc le fort, lesouple vainc le dur. Nul ne l’ignore, quile pratique?. Qu’en reste-t-il aujour-

d’hui? Tout et pas grand-chose à lafois, tant ils font l’un et l’autre partiedu paysage quotidien.

Confucius, s’améliorer sans cesseConfucius ne se souciait pas de déci-der si l’être humain est naturellementbon ou mauvais, une seule chosecomptait à ses yeux : l’être humain estperfectible, il peut, et doit sans cesses’améliorer. En conséquence, il ouvrit,il y a vingt-cinq siècles, la premièreécole privée du monde, ce qui étaitrévolutionnaire dans une société féo-dale où seuls les fils de nobles avaientaccès à l’instruction. Plus tard, quandles empereurs s’empareront de sesidées pour en faire une morale d’Etat

basée sur le respect de l’autoritéet l’obéissance à la hiérar-

chie, cela donnera leconfucianisme, une

idéologie rigideet servile quil’aurait révol-t é , l u i q u itoute sa vies’est ingénié àformer desêtres droits et

libres. Tout aulong de l’histoi-

re chinoise devéritables confu-

céens se sont dressésdevant l’arbitraire, la

contrainte et la brutalitéd’où qu’ils puissent venir, surtout dupouvoir. Tous les étudiants qui res-taient sans manger place Tian AnMen, que voulaient-ils? Ils ne deman-

Le har &le talisman

par Cyrille J.-D. Javary

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Confucius a appris aux Chinois à vivre ensemble, unenécessité pour un pays

depuis toujours surpeuplé ;Lao zi à vivre

avec eux-mêmes en communion avec l’univers qui nous

entoure.

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daient qu’une seule chose à leurs diri-geants : être dignes des postes qu’ilsoccupaient.

Lao zi, la magie des temps anciensLao zi, est lui aussi toujours présent,mais d’une autre manière. Car au-delà, ou plutôt en deçà du Taoïsmephilosophique représenté par le DaoDe Jing, il incarne pour le peuple, lecourant le plus profond de la spiritua-lité chinoise, la magie des tempsanciens. A la différence des autresgrandes civilisations, indienne, juive,grecque, celte, voire américaine, quitoutes sont nées de migrations, lesChinois, qui habitent depuis toujoursla terre qu’ils habitent aujourd’hui,sont un peuple de paysans sédentaires.De cette incrustation dans leur sol, ils

ont gardé une familiarité avec l’ani-misme des âges passés qui ne s’estjamais amoindrie. La beauté épous-touflante de la Cité Interdite tientaussi au fait que ses moindres détailssont organisés selon les principes duFeng Shui, la géomancie, l’art ances-tral d’harmoniser un lieu avec lessouffles telluriques qui le traverse. Etaujourd’hui, le portrait géant de MaoZedong, adossé au Nord sur la porteTian An Men est disposé selon lesmêmes principes, sans que nul ne s’enémeuve, bien au contraire.

Le pouvoir du talismanUne des plus étonnantes manifesta-tions de cette permanence de la magiefamilière que perpétuent les chamanstaoïstes est apparue à l’occasion ducentenaire de la naissance du GrandTimonier. Cette année-là, deux bus seheurtèrent de front. Dans le premier,il n’y eut que des éraflures, dans lesecond, des morts et des blessés. Lesdeux véhicules étaient aussi bondés etdélabrés l’un que l’autre. Un seuldétail les différenciait : au rétroviseurdu premier, le chauffeur avait accro-ché un petit portrait de Mao. L’affai-re fit grand bruit dans tout le pays,non que les accidents de la route ysoient rares, mais parce qu’elle confir-mait ce que les Chinois pressentaient.Mao, qui de son vivant avait manifes-té tant d’énergie en bousculant l’his-toire chinoise et en modifiant radica-lement, voire abrégeant, la vie de tantde millions de gens, Mao mort nepouvait qu’être devenu un "esprit"porteur d’un "souffle" encore pluspuissant. L’accident de Canton mon-trait que cette force était maintenant

totalement au service du peuple,bénéfique et protectrice, puisque sonimage suffisait pour préserver laChine nouvelle de ce moderne fléau :les accidents de la route. Le soleilrouge de la Révolution Culturelleétait devenu le Saint-Christophe de laChine moderne. Des millions dereproductions de l’image protectricefurent réalisés, rendue encore plusbénéfique par l’ajout des vieux sym-boles chamaniques, les franges, lesfrises de spirales, et aussi de motifsplus pragmatiques comme un lingotd’or pour faire advenir la richesse, outout simplement le caractère "bon-heur" en plastique doré. Aux anti-podes du culte de la personnalité denaguère, l’entreprise (d’Etat) qui pro-duisait ces porte-bonheur revendi-quait ouvertement leur utilisation,puisqu’elle s’intitulait : "usine de pro-duction de talismans".

Confucéen le jour, en ville, au bureauet dans la rue quand la situation l’exi-ge, le Chinois se sentira tout autanttaoïste la nuit, chez lui, entre amis,dans le secret de sa retraite, et le mys-tère de ses rêveries, trouvant chez lepremier l’idéal et la rigueur à laquelleaspire son âme émotive et chez l’autrela communion naturaliste avec ce qu’ily a de plus vaste à laquelle sa poésie lerattache. Individualiste et communau-taire depuis des millénaires, fonda-mentalement dialectique, l’âme chi-noise se sentira toujours double et àl’aise dans cette dualité qui l’enracinedans l’alternante harmonie des jourset des saisons.Le tombeau de Confucius se trouve dans une forêt

tranquille près de Qu Fu, à l’intérieur du plusvaste cimetière privé du monde.

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Si Lao zi était détaché du rituel, cette photo nous montrel’importance de celui-ci chez les prêtres taoïstes dont l’ordonnance correspond à l’arrivée du bouddhisme en Chine.

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Dossier Confucius et Lao zi

onfucius,l’homme libre

par Eulalie Steens

Confucius est le parangon du sage chinois, du parfait, de l’homme accompli. Toute-

fois, il reste aussi dans les mémoires pour être une sorte de moralisateur, d’homme

fermé à toute nouveauté, de traditionaliste épris de hiérarchie. Mais, connaissons-

nous vraiment Confucius?

Ace barbon ennuyeux deConfucius, ne préfère-t-onpas bien souvent Lao zi, le

père du Taoïsme, pour ses facultésd’esprit d’ouverture? Mais, connais-sons-nous vraiment Confucius? Quifut-il réellement ? Et s’il revenaitaujourd’hui, quel regard poserait-ilsur notre société?

L’homme de la dynastie ZhouConfucius est un nom latinisé par lesJésuites. Son véritable nom est KongQiu, et plus tard, Kong zi, "MaîtreKong". Il naquit en 551 avant J.-C. etmourut en 479 avant J.-C. Sa patrie denaissance était le Lu (actuelle provin-ce du Shandong). Issu d’une famillenoble, mais extrêmement pauvre,élevé par sa mère devenue veuve trèsjeune, Confucius devint vite orphelinlorsque sa mère décéda à son tour ;puis il se maria à 19 ans et devint lepère d’un fils (qui mourut avant lui, à50 ans) et d’une fille. Dans sa jeunes-se, il occupa un emploi auprès de lapuissante famille Ji : préposé à lamesure du grain puis des pieux pourattacher le bétail des sacrifices. Onremarquait cet homme sans histoirepour deux caractéristiques : sa hautetaille, puisqu’il aurait dépassé les deuxmètres, et son goût immodéré pourl’étude et l’histoire. Très appréciépour son sérieux par le Duc de Lu, illui fut offert un char pour qu’il puissese rendre à la capitale royale,Luoyang, pour rencontrer le souve-rain. Confucius revint déçu : il n’obtintpas de poste de conseiller et son entre-vue avec Lao zi (alors archiviste à laCour) ne tourna pas à son avantage.Dès lors, sa vie se tourna vers un but :

étudier les rituels anciens, prendrepour modèle les anciens sages-rois del’antiquité et… encourager des dis-ciples à agir de la même façon. Unecrise politique l’engagea à partir duLu. Il erra ainsi plusieurs années,recherchant un poste de conseillerauprès de potentats locaux, sansjamais y parvenir. Puis il finit sa vie auLu, entouré de ses disciples et respec-té par tous.

L’image d’un modèle de vertuLe personnage de Confucius servitassez tôt le pouvoir. Après des sièclesde troubles internes, la réunificationdictatoriale de Qin Shihuangdi en 221avant J.-C., la dynastie Han, née en206 avant J.-C., voulut imposer saforce. Les Empereurs Han utilisèrentla pensée de Confucius en n’en rete-nant que ses aspects les plus utiles :omnipotence du souverain, hommesinstrui ts ( les let trés) devenusconseillers à la Cour, respect desRites, soumission du peuple. Cespoints servirent la classe dirigeante.Plus tard, Zhu Xi, un philosophe né en1130 et décédé en 1200 (dynastie Songdu Sud), mit la dernière touche àl’œuvre d’encadrement. Ce brillantintellectuel, qui étudia aussi bien leBouddhisme que le Taoïsme, se pas-sionna pour la pensée de Confucius.Fonctionnaire, il n’eut de cesse demettre en pratique une certaineconception de la vie basée sur l’étude(il créa des écoles locales pour que lesgarçons puissent étudier). Il enjoignittout un chacun à respecter les cérémo-nies officielles de mariage, luttercontre la famine, soulager les pauvres,etc. Devenu préfet en 1179, il créa une

sorte de centre culturel, la Grotte duCerf Blanc, où il enseigna à des dis-ciples en insistant sur le perfectionne-ment de soi-même par l’étude. Il fit debrefs séjours à la Cour, mais, préférantl’éloignement aux intrigues de palais,il se retira. Zhu Xi ne rédigea pasd’œuvre philosophique. Son travailréside dans le commentaire de ce quel’on appelle les Quatre Livres -réuniondes quatre classiques : Daxue (LaGrande Etude), Lunyu (Les Entretiensde Confucius), Mengzi (Mencius) etZhong Yong (Le Juste Milieu)-. Cecommentaire devint l’orthodoxie obli-gatoire à apprendre pour tout candi-dat aux examens officiels. Le Néo-Confucianisme était né. Zhu Xi bâtitnotamment sa philosophie sur le prin-cipe li : une chaise en bambou nepourra exister que parce que son prin-cipe (li) existe potentiellement avantelle. C’est en l’être humain que seconcrétisent les vertus confucéennes :droiture, tendre vers la bonté, repous-ser le mal. Avec Zhu Xi, la penséeconfucéenne est devenue une morale,que la société s’est empressée derendre plus stricte et étouffante, enn’en retenant que la forme extérieureet non son fonds philosophique.

Une vie et une œuvre au service des autresConfucius vécut à un moment trèsprécis de l’histoire chinoise. La dynas-tie Zhou règne, mais son roi perdchaque jour toute autorité. Lesrégions prennent petit à petit le pou-voir localement sous la houlette deleur Duc. Et chacun de ces souverainstente de prendre le pas sur l’autre.Sans compter les luttes internes de

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Dossier

Cour ! Confucius, navré de cet état defait, ne peut que constater la guerre, lafamine, la corruption, la déliquescen-ce de la société. Il prend conscienceque le rôle de tout un chacun est detenter de remédier à ces horreurs ets’engage en tant qu’homme politique,au sens grec du terme, pour retrouverle Tao, c’est-à-dire, pour lui, la Voiedes Anciens.

Un humaniste pour le 21e siècleParadoxalement, la Chine du tempsde Confucius semble bien proche denotre époque. Si l’on constate le bilandu quotidien des 6 milliards d’êtreshumains qui vivent sur la planèteTerre, un certain nombre de mauxn’ont hélas pas changé : se nourrir,habiter un logement décent, occuperune profession intéressante, vivredans la paix, oublier la guerre, ne passubir la corruption, vivre dans ladémocratie. Aujourd’hui, que nousproposerait Confucius? Son messageest en fait très moderne. Cet hommequi étudia toute sa vie, se remit enquestion à chaque instant. Il est unmodèle de probité, de courage et d’in-tégrité. Il puise sa source de réflexiondans la tradition, certes, mais parcequ’il croit que le passé est la base del’enseignement. En analysant le passé,on peut réformer le présent et prépa-rer l’avenir. Il accepte le principe de lahiérarchie parce qu’il pense que leplus civilisé doit se montrer irrépro-chable, empreint d’humanisme enversautrui. Il affirme que tout un chacunpeut étudier, peut et doit se réformersans relâche. Cette personne ferarayonner son Humanisme (ren Vertud’Humanité) et deviendra un modèleà suivre : un roi parfait, un mari exem-plaire, un fils respectueux de son pèreet de sa mère. Confucius ne tergiversejamais : il balaye d’une main tous cesorgueilleux prêts à opprimer les autreset ne cautionne jamais les abus depouvoir, qu’ils émanent d’un chefd’Etat ou… d’un tyran domestique.S’il respecte les souverains, parce queles rites le lui enjoignent, il n’hésitepas à critiquer ou à faire honte à ceux-là mêmes pris en faute d’arrivisme, debassesse, de luxure ou de corruption.Il ne se commet pas avec ce genred’individu, fut-il un roi. Sa réponsen’est pas verbale, elle est entière en unseul acte de courage : il quitte cetimbécile sans intérêt. Il part parcequ’il estime que l’on doit exprimerlibrement une opinion empreinte de

droiture, prendre son destin en mainet par là celui de la société. Accepterla malhonnêteté, c’est être compliced’une société sans justice. Confuciusn’oublie jamais que si les humainssont responsables les uns des autres,chacun est aussi responsable de lui-même face aux autres. Chacun est égaldevant le but suprême : se parfairesoi-même par l’étude. Peu importe lafortune ou le niveau social : tout lemonde peut devenir un Noble (junzi)

parce que la vraie noblesse est celle ducœur.

La Chine et le monde antique ont dis-paru et l’on ne revient pas sur le passé.Pourtant, on comprendra pourquoi lemessage de Confucius demeure intactaujourd’hui, pour la seule et uniqueraison que ce sage croyait en l’humanité.

Il est curieux d’observer intellec-tuels et universitaires, passionnés

par la civilisation et la "philosophie"chinoises, encenser Confucius, tan-dis que la plupart des pratiquants setournent vers Lao zi et le Taoïsme.C’est comme si deux courants pui-sant à la même source coulaient côteà côte sans se rejoindre. Quelle enest la cause?Imaginons deux êtres en chemin :l’érudit qui marche sur les pas duSavoir, et l’explorateur qui glisse surla voie de l’Expérience et de laConnaissance. L’un, le confucéen, aune démarche profondément socia-le ; il faut se perfectionner grâce àl’étude des textes et à la tradition.Devenir un individu complet, moral,et relié aux autres membres de la"cité", dans la perspective deconstruire une société plus "juste".L’autre, le taoïste, cherche l’accom-plissement dans la voie par le wuwei, en répondant à l’ordre naturelde l’univers. Il nourrit son esprit parla corporalité et accède à l’Eveil enréalisant dans son corps l’harmoniedu yin-yang et de ses trois chau-drons énergétiques (physique, émo-tionnel et mental) ; il se laisse traver-ser par des fluides et habiter par unepulsation qui n’est autre que la pul-sation cosmique. L’un est porteurd’une conduite morale et d’un ordresocial. L’autre vibre à l’unisson d’unordre cosmique. L’un nourrit la rai-son, et ignore le corps, l’autre nour-rit le corps, et défie la raison. L’unpénètre l’esprit, l’autre éveille l’âme.L’un se réfère à la sagesse desanciens et l’autre à "l’infini pos-sible" de l’enfant.…Et pour le taoïste, n’y a-t-il pasplus beau véhicule de l’âme que lecorps innocent de l’enfant ? Sesformes rondes, sa souplesse et son

élasticité, son ballon rond qui luisert de ventre, les racines du cielretenant sa tête, la recherche toutetâtonnante de son centre de gravité,son regard qui semble percer l’invi-sible, son empathie. Bien sûr, lesconditions de sa conception, la qua-lité de ses perceptions pendant lesneuf mois passés dans le ventre de samère, les efforts fournis pendantl’accouchement auront déjà influen-cé sa vie, mais le potentiel de l’êtreéveillé est là, ouvert et disponible aumonde, il ne lui reste plus qu’à gran-dir et à s’épanouir tout en gardantcette qualité spontanée propre àl’enfance, pour devenir un "bébécentenaire".Comment ne pas se méfier alors duSavoir cher à Confucius? Tandis quel’éducation commence, l’innocencedisparaît. La société devient unmodèle pour un enfant qui aura bai-gné dans un milieu aquatique etatemporel pendant neuf mois. Com-ment ne pas perdre le lien avec sanature profonde en étant si rapide-ment éloigné du berceau cosmiqueque lui rappellent la Nature, soncorps et ses sens? Ce corps qui n’estplus alors qu’un outil, et la raison unbut. Je n’en veux pas à Confucius,son intention était humaniste, mais,à mon goût, la pensée-action ne suffit pas.N’y a-t-il alors aucune issue? aucu-ne alternative? Ne peut-on faire serejoindre les deux courants ? Pourvivre l’Eveil, doit-on encore et tou-jours se retirer dans les montagnes ?Ne pouvons-nous être socialementéveillés? N’est-ce pourtant pas laseule solution pour avancer ?Eveiller notre corps pour éveiller lecorps social.

SAVOIR ET CONNAISSANCE

Delphine L’huillier

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Dossier Confucius et Lao zi

onfucianisme,taoïsme,

bouddhismeles trois non-religions de la Chine

par Cyrille J.-D. Javary

On entend couramment dire qu’il y atrois religions en Chine, le confucia-nisme, le taoïsme et le bouddhisme,

mais on parle moins souvent du nom qu’onleur donne en chinois : san jiao. San veut dire"trois", et jiao, "enseignement". On aurararement eu la main plus malheureuse pourfournir un équivalent occidental à "san jiao"que : trois religions, dit le Père Larre, Jésuite,ordonné prêtre en 1947 à Pékin, co-fondateurde l’Institut Ricci et maître d’œuvre du granddictionnaire de la langue chinoise. Et lui quiétait ardent homme de religion, n’hésitait pasà dire : Le Confucianisme n’est pas une reli-gion, le Taoïsme est un ensemble de pratiquesvitales avec des aspects religieux ; le Bouddhis-me, philosophie de l’existence importée desIndes, est ce qui ressemble le plus à une reli-gion organisée, à dominante monastique.

La confusion des "-ismes"Alors d’où peut venir cette confusion? De lamanière dont nous nommons les choses en

Le nom donné par les Chinois

à la triade "confucianisme,

taoïsme et bouddhisme" est

San jiao, ce que les Occiden-

taux ont malheureusement

traduit par "trois religions"

au lieu de "trois enseigne-

ments". Explications.

Confucius, Lao zi et Bouddha.

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français et de la prégnance d’une rime,cet "-isme" qui nous sert à désignertous les systèmes religieux, dogma-tiques ou philosophiques : christianis-me, protestantisme, manichéisme,brahmanisme, tout autant que : capi-talisme, marxisme et même,c’est un comble : athéisme.Par cette rime, nousenfermons les manifesta-tions majeures de la spi-ritualité chinoise dansl’idée que nous avonsd’une religion. Or,même si le Taoïsme a finipar s’organiser en église, sile Bouddhisme comporte desprescriptions matérielles précises(alimentaires, sexuelles, etc.) et leConfucianisme des prescriptionsmorales explicites, il leur manque, àl’un comme à l’autre, le fondementmême sur lequel reposent depuis cinqmille ans toutes les religions nées dansl’espace indo-européen : la croyanceen l’existence d’un dieu (le mot mêmen’existe pas en chinois), un être trans-cendant, c’est-à-dire extérieur aumonde humain, supérieur, créateur del’univers et, détail moins souvent sou-ligné, masculin.

Quelle réalité strictement chi-noise recouvre le terme jiao?Jiao est un caractère très ancien, ilaccompagne la pensée chinoise depuistoujours. On le trouve déjà dès 1500avant notre ère. Ses toutes premièresgraphies réunissent trois dessinsd’idées : celle d’un enfant, celle d’uneautorité de référence et celled’une matière digne d’ap-prentissage. Au fil dutemps, le caractère évo-luera dans deux direc-tions. D’un côté, il serapprochera del’idéogramme dési-gnant la piété filiale,et de l’autre, il préci-sera les idées d’autori-té et d’enseignement enreprésentant, plus spécifi-quement pour la première, lesfissures divinatoires des carapaces detortues (l’autorité de ce qui deviendrale Yi Jing), et pour la seconde, desmains manipulant des tiges d’achillée(l’utilisation même du Yi Jing, consi-

déré comme la matière à apprendrepar excellence).Mais si Confucianisme, Taoïsme etBouddhisme sont pour l’esprit chinoisdes enseignements, c’est parce qu’ilssont par nature des… Voies : En

Chine, il était inconcevablequ’un enseignement ne puis-

se proposer que desdogmes ou des idées.Pour être digne d’intérêt,un enseignement se doitd’indiquer une voie,c’est-à-dire une marche à

suivre, un cheminementqui permette de s’accomplir.

Et ces voies-là ne sont pasimpénétrables comme celles du

Seigneur, elles sont simplementouvertes à qui s’y engage.

La Voie, le daoUne religion, surtout lorsqu’elle estmonothéiste, est par essence jalouse.Fondée sur un rapport direct entre undieu créateur et sa créature humaine,forgeant l’identité même de celle-cipar une alliance exclusive dont le bap-tême est la marque, une religion indo-européenne ne peut souffrir deconcurrence. On est loin, on le voit,d’une religion qui, dans le mondeindo-européen au sens large, oumonothéiste au sens étroit, se fondesur la relation étroite et exclusive quele créateur scelle avec chacune de sescréatures. Pour cette raison, ce quinous paraît être des doctrines est vécuavant tout comme des voies. Ces"voies" sont en chinois tout simple-

ment des dao. Mais qu’on ne s’ytrompe pas, le taoïsme

n’est pas son seul ava-tar. Toutes les écoles

philosophiques chi-noises ont parlé dudao !… mais sansm a j u s c u l e(d’ailleurs commentmettre une majuscu-

le à un caractère chi-nois?). Le tao est aussi

omniprésent en Chineque les croix en Occident,

car il est le signe d’une manièred’être, d’un comportement. Non paschose ou être en soi, "Voie" transcen-dantale méritant louanges et encens,mais simplement, cheminement indi-

viduel, accomplissement personnel.Seulement, ajoute en note le pèreLarre qui s’y connaissait en doctrine :Dans un temps deuxième, quand oncommence à les écrire, les "voies"deviennent des enseignements et lesMaîtres ont disparu… sauf dans lesmonastères où la vie couventuelleredonne son importance à l’agir,remettant à sa place, seconde, le dis-cours.

Les pratiques cultuellesAlors de quoi s’agit-il quand on parled’enseignement? A la différence de lareligion qu’on embrasse, l’enseigne-

Temple taoïste des Nuages Blancs, à Pékin.Rituel : salut dans les huit directions.

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Le mot“dieu”

n’existe pasen languechinoise.

Le tao est aussi

omniprésent en Chine que les croix en Occident.

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Dossier Confucius et Lao zi

ment est quelque chose qu’on reçoit.Mais on ne le reçoit pas comme unbaptême, on le fait sien à partir de sapropre expérience. Bien qu’aucune-ment des "religions", au sens quenous donnons à ce mot, le fait queConfucianisme, et surtout Taoïsmeet Bouddhisme, débordent de pra-tiques cultuelles, a pu les faire passerà certaines époques ou dans certainsmilieux pour des religions.Pour le bien qu’il avait apporté,Confucius a reçu des marques de res-pect et de vénération qui ont parfoisversé dans le culte de ce qu’avait de"céleste" sa "vertu" ; l’état impérial,intéressé au maintien du confucianis-me a encouragé et officialisé ce culte.Les Taoïstes y ont opposé une autretradition plus ou moins ésotérique serattachant aux magies les plusanciennes. Dans ce peuple avide decommunication avec l’au-delà, ilsont favorisé les pratiques magiqueset cherché à guérir ou à absoudre deleurs fautes les foules sensibles à leurprestige. Des éléments religieux par-sèment donc leur activité et on nepeut nier l’existence d’un certaintaoïsme religieux se perpétuant àTaïwan et renaissant sur le continent.Le Bouddhisme, rassemblant destraditions venues de l’extérieur de laChine a plusieurs facettes. Ses com-munautés monastiques se répandentsur tout le territoire et la superbeiconographie qu’il véhicule impres-sionnera fortement l’âme chinoise.Les monastères immenses et somp-tueux favoriseront un grand courantde dévotion. Les bonzes sont appeléspour demander l’intercession deGuan Yin, la déesse de la compas-sion, et surtout, pour prier et aider àun passage heureux des défunts.Pourtant, ce qu’il y a de plus propre-ment religieux en Chine, conclut lepère Larre, c’est le culte des ancêtreset la religion du Ciel. On en a la certi-tude quand on remarque que leConfucianisme les a protégés, que leTaoïsme les a tolérés, et que le Boud-dhisme les a plutôt favorisés en cher-chant à donner au Bouddha le rôle degrand ancêtre de l’univers et d’équi-valent dans la conscience de la sub-stance du Ciel lui-même.

C’est au 1er siècle après J.-C. quele bouddhisme parvint en Chine,sous le règne de l’Empereur Ming(57–75) de la dynastie des HanPostérieurs. Le souverain ayantrêvé d’une divinité en or volantau-dessus des palais de sa capita-le, Luoyang, dépêcha des ambas-sadeurs vers l’Ouest. Leur but ?Recueillir la pensée d’un certainprince Sidharta Gautama qui, sixsiècles plus tôt, avait atteint l’Eveil(bodhi). Ils revinrent à Luoyang encompagnie de deux moines :Matanga et Zhufalan qui firentleur entrée dans la ville, montéssur un cheval blanc, et offrirent àMing un sûtra, le premier manus-crit bouddhique qui sera traduiten chinois : le Sûtra en quarante-deux chapitres. Par décret impé-rial, le premier monastère futbâti : le Monastère du ChevalBlanc (Baima si).

Le bouddhisme chinoisPour les Chinois, l’arrivée duBouddhisme fut un choc culturel.Cette pensée ne ressemblait à riende ce que leur esprit avait conçujusqu’ici (Taoïsme, Confucianis-me, Légisme). Ses concepts mêmeétaient difficiles à transcrire enlangue chinoise. Au début, poursimplifier, on utilisa très souventdes termes taoïstes ! Petites confu-sions que les Taoïstes exploitèrentavec délice contre cette penséeconcurrente : ce Bouddha n’était-il donc pas Lao zi en personne,parti autrefois vers l’Ouest sur unbuffle et… revenu en Chine ?

Un melting-pot culturelLa Chine devint très vite un lieud’échanges culturels extraordi-naires. En toute tolérance, les Chi-

nois empruntèrent la Route de laSoie pour étudier dans les monas-tères des actuels Népal et Inde,tandis que les étrangers les croi-saient pour accourir en Chine. Audébut du 6e siècle, Bodhidharmaaccostait à Canton, apportant uneautre révolution intellectuelle : leChan.

Chan et ZenLe Chan, Ecole du BouddhismeMahâyâna, enseigne à sesadeptes le moyen d’obtenir l’Illu-mination par la méditation (dhyâ-na en sanskrit, chan en chinois,zen en japonais). La doctrine setransmet de Maître à disciple, et lenovice s’efforce de prendreconscience du Vide et de l’Un.Bodhidharma fut le plus belexemple de la méditation silen-cieuse en demeurant neuf annéesassis, face à un mur du monastè-re Shaolin.Au 7e siècle, une scission appa-rut, créant deux branches fonda-mentales : celle de Shenxiu (Ecoledu Nord) et celle de Huineng(Ecole du Sud). L’Ecole du Nordou Gradualisme qui prônait l’ob-tention progressive de l’Illumina-tion par l’étude des sûtra périclita,tandis que l’Ecole du Sud triom-pha et avec elle le Subitisme(obtention de l’Illumination demanière soudaine). Diversesbranches se créèrent en fonctiondes interprétations des Maîtres,puis le Chan déclina vers la fin dela dynastie Song (960–1279). Ilconnut son renouveau au Japon,pays qui lui offrit un tremplininternational sous son nom japo-nais de Zen.

Bouddhisme ChanOn l’oublie souvent, mais le Bouddhismepartit d’Inde pour arriver en Chine, avantde se diffuser au Japon. Ironie du sort,c’est au Japon qu’il prit son ampleur sousle nom du Zen. par Eulalie Steens

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Dossier Test

1.Un cercle…c-vous évoque une roueb-n’est que le profil d’une sphèrea-n’a ni début ni find-est une association de poètes disparus

2. La famille pour vous, c’est…a-les fondations de la viec-un point de départd-une trameb-un hasard

3.Dans votre pratique corporelle, vous…a-faites comme votre maîtred-portez des chaussures rouges ou noiresb-cherchez vos propres sensationsc-oubliez le monde extérieur

4.L’arbre, c’est…c-l’intemporalitéa-la posture de based-des branches et des feuilles,ou des épinesb-le lien entre ciel et terre

5.La sagesse pour vous, c’est…d-lever le doigt avant de prendrela paroleb-trouver sa voiec-incarner la quête d’un absolua-être bon aux cœurs des siens

6.Au réveil, vous…a-enfilez vos chaussons et préparez lepetit-déjeûner pour tout le monded-taquinez tendrement votre partenaireb-appréciez l’instantc-allez méditer face au levant

7. Le cycle de l’eau…d-c’est quand on ouvre le robinet, l’eau,elle passe par les égouts, les rivières, lesfleuves, la mer, les nuages, la pluie etaprès, elle revient en eau de sourceb-l’enjeu de toute la planètea-peut être maîtrisé par le travail et latechnologiec-voir dans chaque goutte d’eau l’êtrequ’elle a nourri dans le cycle précédent

8. Quand vous vous brossez les dents,vous regardez…c-une bougie ou l’encens que vous venezd’allumera-une photo de votre grand-mèreb-le dauphin posé sur le lavabod-la télé

9. représente pour vous :c-une roue célested-un médaillon de surfeura-le yin et le yangb-le mouvement idéal de l’univers

10.Parmi vos relationsprofessionnelles, les meilleures sont :a-hiérarchiques

(subordonnées et/ou supérieur)b-avec vos clients et fournisseursd-avec vos co-équipiers(ères)c-aucune, vous n’aimez pas le travail

11.A qui adressez-vous vos prières?c-aux dieux qui vous habitenta-à vos ancêtresb-à votre ennemid-à vous-même

12.Pour les vacances, vous penchez pour…b-repos et solitude, là-haut

sur la montagnea-la maison familiale avec les cousinsc-partir au petit bonheur des rencontreset des lieuxd-soleil et sable fin

13.Pour vous, la vie est…c-un éternel recommencementb-une expérience universellea-un château de carted-un passage avant la mort

14.En lisant Génération TAO vous…d-restez concentré(e) en faisant ce testa-confirmez vos acquis et apprenez la traditionb-avez d’autres points de vue sur la viec-sortez du rythme quotidien

15.Quelle couleur vous inspire"l’origine" ?b-noira-rougec-oranged-rose

16.Avant un repas, vous remerciez…c-votre corpsd-votre micro-ondeb-la terre nourricièrea-la personne qui vous prépare

si bien à manger

Comptez le nombre de réponsesa, b, c ou d. Quelle est la répon-

se qui revient le plus souvent ?Reportez-vous au paragraphe ci-dessous pour connaître votre famil-le de sagesse.

Une majorité de "a" : voilà qui estbien ordonné. Pour vous, chaquechose a sa place et chacun tient sonrôle. La tradition vous sert de guide.Donnée par les ancêtres, éprouvéeet à laquelle il s’agit de faireconfiance. Vous réussissez ainsi àvous perfectionner au sein de votresociété. Ne lâchez rien, le confucia-nisme est là pour vous aider.

Une majorité de "b" : sphères,ronds, spirales, cycles, votre vie batau rythme de la nature et du cos-mos. Vous préférez vous laisser por-ter par le courant que lutter à perted’énergie. Le Tao n’est peut-êtrepas une notion très claire pour vous,mais c’est déjà la première clé decette sagesse. Pas besoin de com-prendre pour avancer entre ciel etterre. La vérité a toujours au moinsdeux visages.

Une majorité de "c" : votre tâchen’est pas facile tous les jours. Lamaya veille sur vous, mais vous êtesattentif à perfectionner votre âme.Etre sociable est le pendant néces-saire de la méditation. Votre quêted’absolu passe par l’exploration dumonde, si proche soit-il. Le boud-dhisme rassemble autour de voustous les éléments de votre vérité.

Une majorité de "d" : on pourraitcroire qu’il n’y a pas chez vous desagesse qui anime une ligne de vie.A moins que vous hésitiez sanscesse entre les routes à suivre. C’estlà votre chemin, votre voie. Peut-être nécessite-t-elle juste un peu derecul. Vous avez terminé ce test,c’est plus qu’un début. Nous espé-rons que ce numéro de Gtao aura suéveiller votre curiosité, et nous voussouhaitons de nombreuses annéesde sagesse.

Quel sage dort en vous?

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Dossier Confucius et Lao zi

ésus et Lao ZiD e u x p a r o l e s , u n e v é r i t é

par Jacques E. Deschamps

En ces jours où, plus que jamais,une dualité contraire au princi-pe même de la vie génère frac-

tions et conflits, tant entre riches etpauvres qu’entre Orient et Occident,il est indispensable que les êtreshumains admet tent que leurscroyances, comme leur nature, ontune source commune chantée depuisl’aube des temps par les grands Inspirés.Les récents événements qui se sontproduits aux Etats-Unis sont-ils, fina-lement, autre chose qu’un règlementde comptes entre deux poignées d’af-fairistes manipulant certains Occiden-taux presque totalement dé-spirituali-sés et quelques Orientaux à la religio-sité dénaturée? Au stade où nous ensommes, il semble que seule une prisede conscience spirituelle (et non reli-gieuse) puisse sauver l’humanité d’el-le-même car la spiritualité, même sises branches sont nombreuses —etcontradictoires dès qu’elles devien-nent des religions— implique la com-munion : celle de soi avec soi-même,avec autrui, avec l’univers qu’il soitvisible ou invisible, avec, commel’énonçait Lao zi, ce Deux-Un issude l’Un, le Mystère des mys-tères, la porte de toutemerveille. Ceux qui, surnotre planète, viventpar le Cœur-Esprit,savent que tous lesécrits inspirés, de laBible au Coran, duTao Te King auxparoles de Bouddha,sont autant de clairesrivières nées du même ruis-seau. Plus que jamais, il convientque les êtres humains ne changent pasen torrents dévastateurs ces rivièrespaisibles et qu’ils s’abreuvent à leursource unique, celle de la connaissan-ce, de la lumière et de l’amour. Les

textes sacrés, les légendes, les mytho-logies du monde entier ont un nombreextraordinaire de points communs,chaque nation, chaque sagesse ayantfavorisé telle facette plutôt que telleautre d’une connaissance unique.Cette unité est la clef de tout, de l’har-monie entre les hommes comme dubien-être individuel.

Heureux celui qui a pu pénétrerles causes secrètes des choses..Cette phrase se trouve dans les Geor-giques, une œuvre du grand poètelatin Virgile. Dès que l’on pénètre lescauses secrètes des choses, on s’aper-çoit que les causes sont moins nom-breuses que les choses et l’ondécouvre que toutes les causes sontissues d’une seule cause : la Cause descauses, le Principe. Deux facettes de lavérité ne sont pas deux vérités maisune seule réalité exprimée de deuxfaçons différentes. Si nous passons àcôté de cela, nos actes sont lesbranches sans fruits d’un arbre mort.Deux choses, une seule cause, un seulprincipe qui engendre yin et yang, unitl’est et l’ouest et fait de Lao zi et de

Jésus des frères en sagesse. A côtédes Evangiles retenus par

l’église catholique etconstituant l’histoire

"officielle" du Christ, ilen existe nombred’autres, vraisembla-blement éliminés carils montraient un

Jésus que ne voulaientpas promouvoir tous ces

tueurs de cœur, ces assé-cheurs d’âmes, ces emprison-

neurs d’esprit qui vivaient dans lasoie et l’or et faisaient adorer auxpauvres une croix de bois mort. Dupe-rie, tromperie, ignorance coupable etmanipulation hypocrite, tels sont lesingrédients qu’ont utilisés et qu’utili-

sent encore ceux qui manipulent lesfoules. Plusieurs compagnons duChrist ont présenté d’autres versionsdes faits, cités d’autres de ses paroles.Parmi eux se trouvent Pierre, Philip-pe, Barthélemy, Thomas et Myriam deMagdala, connue sous le nom deMarie. Toutes les paroles du Christ quivont être citées ici sont extraites deleurs évangiles. Dans son excellentlivre L’Evangile de Marie, Jean-YvesLeloup cite une traduction de J-EMénard : le Seigneur aimait Marie plusque tous les disciples et il l’embrassaitsouvent sur la bouche (Ev Ph, 63,34-64,5). Ainsi Jésus, semble-t-il, étaitloin d’un curé enchaîné au célibat! Etcomment aurait-il pu en être autre-ment? S’il clamait que son Père étaitau Ciel, Jésus se présentait commeétant Ben Shomon, à savoir né del’homme. En clair : né de l’homme, jesuis un être humain comme chacun devous mais je suis conscient de mesracines spirituelles et je peux, à tra-vers elles, m’alimenter sans cesse à Cequi m’a donné la vie. Mais Ce qui lui adonné la vie, ce n’est pas seulementson Père céleste et il l’annonce claire-ment : Ma mère m’a fait pour mourir,mais ma vraie mère, elle, m’a donné lavie (Thomas - 101). Ainsi, la femmequi l’a engendré sur cette Terre, en luioffrant un corps, lui donne la fin quiest imposée à toute matière. Enrevanche, sa "vraie" mère, le principeféminin, a donné vie à son essenceéternelle. Lao zi, souvenez-vous, disaitqu’il tétait la Femelle Obscure.

Tous les éléments de la nature sont imbriqués et unis entre eux.C’est Jésus qui parle. Et il continue :Tout ce qui est composé sera décompo-sé, tout reviendra à ses racines, lamatière retournera aux origines de la

Jésus et Lao zi, frères de sagesse, puisent aux mêmes racines spirituelles.

Une théorie étayée par de nombreuses références.

La natureadultère, c’estêtre adultèreà sa propre

nature.

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matière (Marie - page 7). A cela,l’écho nous renvoie les mots de Laozi : Toute chose, après avoir fleuri,retourne à sa racine. Les taoïstesconsidèrent comme impossible dedésunir le corps, l’âme et l’énergie.Cette désunion engendre la mort, lamort engendre cette désunion. Avecla mort, tout revient à ses racines :l’âme indifférenciée regagne le Videoriginel et le Qi individuel se fonddans le Qi universel. Pour ce qui estdu corps, il en va autrement. Jésus neprofère pas la célèbre menace : Tu n’esque poussière et tu redeviendras pous-sière. Il affirme que la matière retour-nera aux origines de la matière. Orquelles sont les origines de lamatière? L’énergie, nous disent lesastrophysiciens. L’Esprit, le Vide, leNon Etre, ajoutent les sages du Tao.Et Jésus leur donne raison : il n’y a pasde péché. C’est vous qui faites lepéché quand vous agissez selon votrenature adultère... voici pourquoi vousêtes malades et pourquoi vous mour-rez : c’est la conséquence de vos actes,vous faites ce qui vous éloigne. Lanature adultère, ce n’est pas avoirenvie de séduire la femme de son voi-sin ou de batifoler avec le mari de sacousine mais d’être adultère à sapropre nature, de vivre coupé de sesracines spirituelles. Le Qi dépend del’union du Jing, l’énergie corporelle etdu Shen, l’énergie spirituelle. Si l’undes deux composants est faible ouabsent, les conséquences en sont lamaladie et la mort. Vous faites ce quivous éloigne, révèle-t-il. Même s’ilmanque un fragment de texte qui nousempêche de savoir avec précision dequoi les humains s’éloignent, le seulfait de s’éloigner est éloquent. Occu-pés que nous sommes par notredimension physique, nous nous éloi-gnons sans cesse de notre dimensionspirituelle. N’ayant conscience qued’un seul de nos composants, nous nepouvons pas l’unir à l’autre ni conce-voir leur unité originelle. Cette unitése manifeste par deux facettes, yang etyin, spirituelle et matérielle, qui s’en-tretiennent l’une l’autre en permanen-ce et qui, étant deux-inséparables,constituent le Un-vivant. Si nousvivons dans les deux-séparés, soit noussautons sans cesse de l’un à l’autre, cequi nous fait inventer le péché (l’espritréprouve ce dont le corps a envie),soit nous vivons dans l’un ou dansl’autre, ce qui provoque la maladie etla mort car, si nous vivons par l’espritseul, nous dénions les besoins de notre

corps, et si nous vivons exclusivementpar le corps, il nous est impossibled’alimenter notre Qi par l’énergie spi-rituelle du Shen.

Il faut que ton âme spirituelleet ton âme corporelle embras-sent l’unité.L’unité est la condition de la vie, sous-entend Lao zi, et Jésus insiste : L’atta-chement à la matière engendre une pas-sion contre-nature. Le trouble naîtalors dans tout le corps ; c’est pour-quoi je vous dis : Soyez en harmonie.Si vous êtes déréglés, inspirez-vous desreprésentations de votre vraie nature(Evangile de Marie - page 8). Et Laozi approuve : le Sage n’a pas souci deson corps. Par là même, son corps semaintient (texte 7). Le Sage aide leschoses à vivre selon leur nature (texte64). Encore une fois, il ne faut pas êtrel’esclave de notre corps, partie visiblede notre nature, mais vivre en harmo-nie avec notre vraie nature, qui a unedimension énergétique et spirituelle.Ainsi, pour aider les choses à vivre

selon leur nature, faut-il s’inspirer desreprésentations de la nature vraie.Nous remarquerons l’usage du verbe"inspirer" : inspirer l’air entretient leQi nourricier (Yong qi) mais l’inspira-tion est le propre des artistes et, dansce sens, il s’agit d’un phénomèned’ordre purement spirituel. Inspirer,c’est aussi s’inclure soi-même dans laspirale de la vie, spirale qui se mani-feste non seulement dans l’univers (lesgalaxies sont des spirales) mais encoredans la construction de notre être (lefœtus se développe en spirale, formeque garde l’oreille dans laquelle, sou-venez-vous, se trouvent des pointsd’acupuncture relatifs au corpsentier). La clé de l’harmonie, donc dela bonne santé, c’est trouver notrevraie nature, autant dire une naturedivine car nous avons été faits à l’ima-ge de Dieu. Formulé autrement, nousrépondons tous au Principe unique, auTao, dont nous sommes les images, lesreprésentations. Car, enseigne Jésus :Nous sommes nés de la Lumière, là oùla Lumière naît d’elle-même. Elle se

Représentationde la Vierge

Marie en Chine.

créd

it p

hoto

: D.R

.

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tient droite et se révèle dans leur image(Evangile de Thomas - 50). Nousvenons de voir que la Lumière serévèle dans notre image. Noussommes nés de cette Lumière que Laozi appelle la Voie et qui, selon sestermes, engendra tous les êtres. CetteVoie, proclame le sage taoïste, commela lumière, est unie et droite, et, demême que la Lumière naît d’elle-même, la Voie n’a pas d’autre modèlequ’elle-même, c’est-à-dire qu’Elles’engendre Elle-même selon un Prin-cipe qu’Elle émet Elle-même.

Là où Jésus et Lao zi rencontrent Socrate...Un jour, Myriam (Marie) demande àJésus comment on peut voir la vraienature de ce dernier, à savoir sa natu-re divine. N’oublions pas, en lisant cequi va suivre, que Jésus se présentetoujours comme Né de l’Homme,insistant inlassablement sur le fait quetous les êtres humains sont ce qu’il estlui. De là, percevoir la vraie nature deJésus, c’est percevoir notre vraie natu-re. Myriam veut apprendre du Christsi c’est par la psyché ou par la pneumaque l’on peut percevoir sa vraie natu-re. Psyché et pneuma sont deux motsgrecs. Psyché signifie "souffle", ausens d’âme. Pneuma signifie égale-ment "souffle" mais dans une nuancequi le rapproche du souffle vital, le Qi.Voici ce que répond le Messie à laquestion de Myriam : Ni par l’un, nipar l’autre. C’est par le "nous" qui estentre les deux. "Nous" est un autremot grec qui veut dire : "âme","cœur", "intention", "souhait","volonté", "manière de penser".

Eclaircissons cela : d’un côté, il y acette chose impossible à définir quel’on appelle l’âme. D’un autre, il y acette chose qui nous anime et que l’onnomme pneuma, Qi, "souffle vital".Entre les deux, il y a cette chose bap-tisée "intention", mélange bizarre decœur et d’esprit. L’un desendroits où réside l’inten-tion est la représentationde Tao : d’un côté, il y ala virgule blanche(symbole du yang) etde l’autre côté, il y a lavirgule noire (symbo-le du yin). Entre lesdeux, il n’y a rien.Aucune ligne ne séparele yang du yin, le blanc dunoir. Seul le fait qu’une virgulesoit blanche et l’autre noire permet depercevoir cette ligne inexistante parelle-même, seul le fait que le noir et leblanc aient une forme de virgule faitqu’ils s’emboîtent. Le "nous", "l’in-tention", c’est cela : quelque chose quin’existe pas en soi-même et qui faittout marcher. Lao zi disait : La Voie(Tao) n’agit jamais mais tout agit parElle. Et il renchérissait : Ce qui estconstitue la possibilité de toute chose,ce qui n’est pas constitue sa fonction.Où se cache le "nous"? Il ne se cachepas : il se tient dans le bref instant —celui de tous les possibles— qui sépa-re l’inspir de l’expir. Yin et yang seretrouvent encore dans cette paroledu Christ, parfaite leçon de taoïsme :Si on vous demande : quel est le signede votre Père qui est en vous? Répon-dez : c’est un mouvement et un repos.Le Père est bien sûr le Principe, mani-

festé par le yang et le yin. Leçon queJésus continue, en termes qu’encoreune fois on pourrait croire extraits duTao Te king : Lorsque vous ferez ledeux Un et que vous ferez l’intérieurcomme l’extérieur, le haut comme lebas, lorsque vous ferez du masculin et

du féminin un Unique... alors vousentrerez dans le royaume.

M a i n t e n a n t , p r ê t o n sl’oreille à Lao zi : ledeux-Un est la porte detoute merveille (texte1). Connais le mascu-lin, adhère au féminin,sois le Ravin du monde.

Le Ravin, comme l’Abî-me, est le cœur, là où siège

ce qui unit les esprits. De fait,sur le plan énergétique, c’est le

dan tian du cœur qui gère la collabo-ration entre l’hémisphère droit et l’hé-misphère gauche du cerveau. C’estégalement ce Ravin qui unit le Shenspirituel et le Jing corporel, lui quiunit le Féminin et le Masculin en lestranscendant par l’amour. La Voieabaisse ce qui est en haut et élève ce quiest en bas (texte 62), le haut et le bas setouchent (texte 2). Fusionne toutes leslumières, unifie toutes les poussières(texte 56), le Saint embrassant l’Unitédeviendra le modèle du monde (texte22). Je vous laisse le plaisir d’établirvous-même les troublantes similitudesentre ces deux discours...

Notre promenade s’achève avec ladevise de Socrate : Connais-toi toi-même... (début d’une phrase gravéesur le fronton du temple de Delphes,et qui se poursuivait par : ...et tuconnaîtras l’univers des dieux). Ellefinit aussi avec les paroles de Lao zi :connais l’Homme (avec un H majus-cule, c’est-à-dire : tous les hommes, leprincipe de l’être humain) d’après toi-même (Lao zi - 54). Elle se termineégalement avec les mots de Jésus :Quand vous vous connaîtrez vous-mêmes... vous connaîtrez que vous êtesles fils du Père, le Vivant (Thomas - 3 ).L’univers des dieux, le Père, le Vivant,l’Homme et le Principe, Socrate,Jésus, Lao zi, autant de mots et desages qui nous conduisent à une évi-dence bien simple : l’être humain est àl’image de la vie, il est la vie. Qu’il sefasse à lui-même le cadeau de seconnaître et la vie lui appartiendra,comme il appartient à la vie sans, biensouvent, ni le savoir ni en jouir.

Inspirer, c’est s’inclure

soi-même dansla spirale de

la vie.

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l’opium du peuple occidental ?

Il existe deux grands types de per-ception qui prédominent sur laChine. D’un côté, nous avons une

perception liée à la réalité sociale etpolitique ; et nous avons affaire à unregard critique, au sens négatif, sur lesexcès et les manques du système chi-nois : Tibet, droits de l’Homme, peinede mort, Révolution Culturelle, dessacrifices humains pour le collectif, larestriction de la natalité, l’enfant gar-çon roi, des constructions urbainessans soucis écologiques, etc. Del’autre, nous avons une perceptionplus positive, liée à la culture et auxpratiques énergétiques. C’est dans cesecond cas un regard fasciné, admira-tif, envoûté, qui aspire à une sagesseauthentique et raffinée que la person-ne ne trouve plus dans sa propre cul-ture occidentale. Il va chercher lasagesse et la spiritualité dans unailleurs, comme une plante qui tentede retrouver le souvenir de la lumièredivine qui a fait naître ses racines ter-restres. Entre cette perception socio-

politique et l’autre spirituello-cultu-relle, il existe un point commun : lesdeux ne laissent pas l’esprit occidentalindifférent, créent de l’audience etfont vendre les journaux (enfin…nous l’espérons).C’est à la fois deux sentiments quirelient les Occidentaux, spécifique-ment les Français, à la Chine : la peuret la fascination, deux énergies liéescomme yin-yang. Comment et pour-quoi peut-on avoir peur de la Chine?A l’image d’une naissance, les pre-miers sentiments et émotions soulevésdans la rencontre de deux peuplessont essentiels. L’un des premiers sen-timents étant la peur de l’autre, del’étrangeté, et surtout la peur du"péril jaune", d’être envahi par cesmillions d’Asiatiques, sentimentéprouvé par les représentants desEmpires occidentaux du 19e siècledans leurs échanges économiques etpolitiques avec l’Empire du Milieu.Un livre a d’ailleurs été publié en 1905sous le titre l’invasion jaune. Avez-

vous remarqué tous ces restaurants ettraiteurs s’installer dans votre quartieravec leurs enseignes dont vous necomprenez pas le sens? La perceptiondite négative de la réalité socio-poli-tique chinoise, en s’appuyant sur lesfondements des droits de l’Homme,est aussi imprégnée, dans sa partieobscure, de cette peur d’être envahipar des valeurs contraires à l’idéaldémocratique.Oublions vite cette peur et passons àune autre réalité chinoise plusagréable, plus "planante", comme unebonne séance d’"opium", pour oublierle stress de la réalité quotidienne. Viteun bon livre sur le taoïsme, le confu-cianisme ou le bouddhisme, unebonne séance d’acupuncture, descours et des stages de Qi Gong, Taï JiQuan ou de Kung Fu. Grâce à cetteculture énergétique et philosophique,nous retrouvons sans tabou son unitécorps-esprit, le contact avec ses aspi-rations spirituelles, l’harmonie yin-yang, l’équilibre avec la nature… Bref,tout ce que la civilisation occidentale aperdu, sa relation de communion avecle corps et la nature, son lien à ladimension sacrée…Karl Marx, au siècle dernier, avaitqualifié la religion comme "l’opiumdu peuple", car elle permettait aupouvoir dominant de divertir lepeuple et d’endormir son énergie derévolte. Aujourd’hui, le sport est aussidénoncé dans la même perspective,canalisant toute l’énergie humainevers l’enrichissement d’un capital etl’absence de révolte. Pour un peupleen manque de sacré et d’unité corps-esprit, une société en overdose devaleurs matérialistes, les voies orien-tales seraient-elles une autre formed’opium, plus douce, mais tout aussie f f i c a c e p o u r e n d o r m i r l e sconsciences humaines? Ou bien unvéritable chemin d’espoir pour unenouvelle conscience humaine plusmétissée ? Enfin, c’est mon espoir,mais peut-être que c’est encore monopium personnel…

par Manikoth Yang Vongmany

Rituel taoïste : requêteaux maîtres célestes. P

hoto

: D. R

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agesses chinoisesS

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Dossier

ONT PARTICIPÉ À CE DOSSIER :

·Cyrille J.-D. Javary est sinologue, conférencier, écrivainspécialiste du Livre des Changements (Yi Jing).

Auteur de nombreux ouvrages dont :•Yi Jing, le livre des changements, en collaboration avecPierre Faure, Ed. Albin Michel•Les rouages du Yi Jing, Ed. Philippe Picquier•Confucius, pour les enfants de 9 à 12 ans. Ed. La Joie deLire, collection "connus, méconnus"•Yi Jing, Ed. du Cerf

Eulalie Steens est sinologue, et écrivain.•L’astrologie chinoise, Ed. du Rocher•Dictionnaire de la civilisation chinoise, Ed. du Rocher•Le livre de la sagesse zen, Ed. du Rocher•Le livre de la sagesse de Confucius, Ed. du Rocher

Jacques-Emile Deschamps enseigne le Fu Jing Tao (mas-sages énergétiques).•Encyclopédie des massages, Ed. des Trajectoire

Et Manikoth Vongmany, Delphine L’huillier.

LIENS GTAO GTAO :Gtao n°13 : 3e Grande Constellation Religieuse P. 50Gtao n°17 : Le tao de l’occident P. 12Gtao n°22 : Lao Zi P. 36Gtao n°23 : Dossier Yi Jing, la bible du changement P. 12

NDLR : Nous avons gardé la latinisation du nom deConfucius, forme habituelle sous laquelle il restera écrit.Quant à Lao zi, il s’agit de la transcription de deux carac-tères écrits selon le système pinyin.

•Bodhidharma : moine bouddhiste,et fondateur du Chan (environ 470-543). Il est considéré comme le pèrelégendaire de la pratique des artsmartiaux dans le temple de Shaolin.•Bouddha : terme sanskrit se tradui-sant littéralement par "Eveillé". LeBouddha est celui qui a atteint l’illu-mination. Le plus connu de tous lesBouddha fut Gautama, de son pré-nom Siddharta, de la lignée princiè-re des Shakya. La célébrité de labouddhéité de Gautama entraîna leterme éponyme de Bouddha pour ledésigner lui-même. En Occident, saphilosophie religieuse prit le nomde bouddhisme.•Chan : "Ecole de la contemplationméditative". Le mot chinois chanest une abréviation de chan na, quitraduit le terme sanskrit dhyana.L’Occident le connaît sous sa termi-nologie japonaise : zen. Ce courantdu bouddhisme insiste sur l’état deméditation obtenu par la concentra-tion de l’esprit destiné à atteindrel’Illumination, l’Eveil.•Confucianisme : doctrine instauréepar Confucius. Traduction occiden-tale fabriquée d’après le nom latini-sé du maître. En chinois : ru jia,"Ecole des Lettrés".•Confucius (Kong zi) : "MaîtreKong". Homme politique et philo-sophe de la dynastie Zhou, époquedes Printemps et Automnes. Né en -551, mort en -479, il vécut dans uncontexte historique difficile, un

monde en pleine déliquescence.Pour remédier à ce désordre, il pro-posa une philosophie sociale oùrégnerait l’harmonie entre leshommes. Sa pensée influence enco-re aujourd’hui la conscience chinoise.•Lie Zi : "Maître Li". Philosophedes Royaumes combattants. Sa viereste mystérieuse. De Lie Zi, il resteun ouvrage éponyme en 146 cha-pitres, connu aussi sous le nom deChongxu zhenjing, Vrai Classiquedu vide parfait. On peut y remar-quer l’importance de l’onirismedans la pensée taoïste.•Meng Zi (Mencius) : philosophec o n f u c é e n d e l ’ é p o q u e d e sRoyaumes combattant. Né en -372au pays de Lu (actuelle province deShandong) et mort en -288. La pen-sée de Meng Zi est imprégnée decelle de Confucius et prônait l’ac-tion bienfaitrice du gouvernement.L’Etat idéal serait conforme à celuiétabli au temps de l’âge d’or et desanciens sages-souverains de l’Anti-quité.•Néo-confucianisme : le néo-confu-cianisme ou Daoxue ("Etude dudao ou Tao"), regroupait des philo-sophes qui renouvelèrent le confu-cianisme au temps des Song (920-1279) et au-delà. Le terme de néo-confucianisme est une appellationoccidentale créée par les mission-naires jésuites.•Tao ou Dao : "Voie". Terme philo-

sophique employé aussi bien parConfucius que par Lao zi, dans deuxétats d’esprit différents. Le premierfait référence au perfectionnementet à la voie tracée par les sagesses del’âge d’or. Le second lui donne unaspect cosmique.•Taoïsme : doctrine philosophiquedont l’origine remonte à Lao zi.Terme occidental composé à partirde l’expression chinoise Dao jia,"Ecole de la Voie".•Wu wei : traduit par "non-agir",c’est le principe de mouvement etd’état d’être qui anime le sage taoïste.•Xiao : ou piété filiale, sentimentessentiel dans une société confu-céenne. Tout enfant doit éprouverde l’amour et du respect envers sesparents. Après la mort des parents,le culte ancestral prolonge la piétéfiliale.•Zhuang Zi (Tchouang Tseu) :"Maître Zhuang". Philosophe, sansdoute le plus représentatif du taoïs-me de la période des Royaumescombattants. Il vécut au 4e siècle av.J.-C. Sa pensée est connue grâce àun ouvrage portant son nom.

*La référence pour approfondir celexique : Dictionnaire de la civilisa-tion chinoise, Eulalis Steens, Edi-tions du Rocher.

QUELQUES REPÈRES

Dossier N°24 9/01/07 15:25 Page 29