confÉrence des du quÉbec santÉ publique€¦ · conseil des directeurs de santé publique...

55
CONFÉRENCE DES RÉGIES RÉGIONALES DE L A S A N T É ET DES SERVICES SOCIAUX DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE

Upload: others

Post on 12-Jul-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

C O N F É R E N C E D E S R É G I E S R É G I O N A L E S D E L A S A N T É E T D E S S E R V I C E S S O C I A U X D U Q U É B E C

SANTÉ PUBLIQUE

Page 2: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm
Page 3: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Institut national de santé publique du Québec 4835, avenue Christophe-Colomb, bureau 200

Montréal (Québec) H2J3G8 Tél.: (514) 597-0606

r

Evolution des besoins de la population et implications

pour le système de santé

Mémoire du Conseil des directeurs de santé publique de la Conférence des régies régionales de la santé

et des services sociaux du Québec

Présenté à la Commission d'étude sur les services de santé et les services sociaux

18 octobre 2000

Page 4: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Préparation du rapport : Denis Roy, Robert Choinière et Richard Lessard de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre avec la collaboration de Suzanne Couet, également de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre, Marie Rochette de la Conférence des régies régionales et de l'ensemble des directeurs de santé publique du Québec

Nos remerciements vont également à Fred Paccaud, Pierre Bergeron et Pierre Tousignant pour leurs conseils sur une version antérieure du document.

Rédaction du rapport : Denis Roy et Marie Rochette

Traitement de texte : Linda Larouche et Denise Giroux

Infographie : Paul Cloutier Sylvie Audet

Vous pouvez obtenir des copies supplémentaires de ce document en vous adressant i l

Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec Service des communications 888, rue Saint-Jean, bureau 400 Québec (Québec) 61R 5H6 Téléphone : (418) 523-4290 Télécopieur : (418) 523-8382 Adresse internet : WWW.crrSSS.qc.CQ

Dépôt légal : 4e trimestre 2000 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN : 2-921349-38-8

Page 5: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Prédire est une tâche difficile; prédire l'avenir, plus difficile encore.

Yogi Berra

Page 6: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

PRÉAMBULE

Dans le contexte sur le débat de l'avenir du système de santé animé par fa Commission Clair, le Conseil des directeurs de santé publique du Québec, une instance de concertation rattachée à la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec, souhaitait apporter sa contribution. Ayant eu l'opportunité, à la demande de la Commission, de faire la présentation de certaines données concernant l'évolution des besoins de la population en matière de santé, nous avons tenté de faire état dans le présent document des principaux constats de cette analyse prospective.1

Cet éclairage de santé publique sur les enjeux posés par le débat sur l'organisation et le financement des services de santé nous apparaît un point de vue utile pour bien situer le cadre d'analyse et de prise de décision dans l'univers plus large des politiques sociales et plus particulièrement des politiques de santé. Selon ce point de vue, le Conseil est d'avis que, même si les services de santé constituent une politique publique primordiale dans une perspective d'amélioration et de maintien de la santé de la population, il ne s'agit pas de la seule approche qui doit être privilégiée pour atteindre cet objectif. D'autres politiques sociales, comme par exemple en matière d'éducation, d'environnement, de travail, de développement économique ou de sécurité sociale, représentent autant d'éléments susceptibles d'influencer favorablement ou défavorablement l'état de santé de la population.

C est en raison de l'importance des politiques touchant les services de santé et en reconnaissant aussi que certaines façons de faire sont porteuses d'une plus grande efficacité à moindre coût, que le Conseil des directeurs de santé publique du Québec souhaitait intervenir dans le débat. Nous espérons que cette contribution pourra soutenir le travail de réflexion et d'analyse considérable qui doit être mené à terme par les commissaires. Vu l'importance des travaux de la Commission, nous souhaitons vivement que la qualité et le dynamisme du débat sur l'avenir du système de santé soient à la hauteur des attentes considérables des Québécois face à leur système de santé.

1 Le lecteur constatera que certaines problématiques psychosociales ont été peu abordées dans le mémoire, la Commission ayant sollicité l'avis d'autres experts sur ces questions. Cependant, les recommandations du Conseil s'adressent à ces enjeux importants pour la santé et le bien-être de la population québécoise.

Page 7: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1

CHAPITRE I :

La santé, les services de santé et le développement collectif 3

CHAPITRE I I ;

Les coûts et les besoins : une équation impossible ? 13

CHAPITRE I I I :

Le système de santé de l'avenir : des ajustements qui s'imposent 31

CHAPITRE I V :

La contribution de la santé publique 39

CONCLUSION 43

ANNEXE I

Page 8: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la sarité et des services sociaux

INTRODUCTION

La Loi sur les services de santé et les services sociaux adoptée en 1992 prévoit, à l'article 373, le mandat du directeur de la santé publique qui œuvre, comme on le sait, à l'intérieur de chacune des régies régionales dans chaque région du Québec. Ce mandat comporte trois volets dont le premier consiste à informer la population de l'évolution des besoins de santé et des interventions les plus appropriées pour y répondre. Cest dans cet esprit que le Conseil des directeurs a voulu intervenir dans le présent débat sur l'avenir du système de santé.

Après avoir rappelé certains éléments pertinents du contexte mondial et québécois actuel en matière de santé et de services de santé, nous avons ensuite cherché à documenter, sur la base des données probantes disponibles, les facteurs à l'origine de la progression importante des coûts de la santé pour ia collectivité. Conformément aux attentes du législateur quant à notre rôle, nous nous en sommes tenus aux faits objectifs pour étayer notre position. Dans certains cas toutefois, vu l'absence de données scientifiques bien établies, nous avons fondé notre argumentation sur les consensus d'experts qui prévalent dans la littérature et dans notre milieu professionnel. Le fruit de cette analyse constitue l'essentiel du chapitre I I du présent mémoire. Au chapitre I I I , nous nous appuyons sur notre connaissance de la littérature en matière d'organisation des services de santé pour mettre de l'avant certains principes qui, à nos yeux, seraient garants d'une plus grande efficacité du système de santé au meilleur coût possible. I l s'agit là d'un point de vue davantage éditorial, certes, mais qui fait consensus parmi les gens de la santé publique au Québec. Ces derniers, en particulier les directeurs de santé publique de chacune des régies régionales, ont été des acteurs centraux dans les efforts d'actualisation des principes de la réforme entreprise au Québec au cours des années 1990. Cest donc à t itre d'observateurs privilégiés des dernières années de fonctionnement du système québécois que nous avons forgé cette analyse qui sera livrée au chapitre I I I .

Les orientations fondamentales qui prévalaient au moment de la mise en place de la réforme des années 1990 au Québec s'inscrivent, comme on le verra, dans une tendance mondiale. Celles-ci demeurent selon nous des principes robustes qui devront continuer à animer la transformation des systèmes de santé dans l'avenir. Cependant, la conjugaison de ces principes à la réduction rapide et considérable de budget a porté entrave à leur mise en application et a ainsi miné considérablement la crédibilité des orientations de la réforme aux yeux de la population. Plusieurs

1

Page 9: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

acteurs du système de santé, on le comprend, chercheront à tirer profit de la déstabilisation du système pour améliorer leur positionnement et faire valoir leurs intérêts.

Au-delà des enjeux politiques, toutefois, la croissance simultanée de la demande et de l'offre des services de santé pourraient exercer un ef fet inflationniste et entraîner une progression insoutenable des coûts de santé pour la collectivité. Cest là que réside à nos yeux le principal défi de la Commission : proposer un canevas permettant de constituer une offre de services de santé soutenable au plan des dépenses publiques et privées de santé, tout en favorisant une meilleure adéquation face à l'évolution prévisible des besoins de la population. Un défi considérable, sans doute, mais un défi qu'il est possible de relever si on parvient à recentrer le système sur ses véritables objectifs de santé et de services auprès de la population et que l'on se donne les instruments pour tirer profit des connaissances et de l'information comme ressources pour alimenter le changement.

2

Page 10: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

CHAPITRE I La santé, les services de santé et le développement collectif

De plus en plus, on le voit dans les écrits de la Banque mondiale et des grands organismes internationaux, la santé est considérée comme un des facteurs nécessaires au développement collectif et à la prospérité des nations. Cest une des raisons pour lesquelles des investissements en matière de services de santé sont encouragés et même consentis pour des pays en voie de développement par des bailleurs de fonds internationaux, dans l'optique justement de promouvoir un meilleur état de santé et ainsi participer au développement du potentiel national et à l'essor économique et social.

Schéma I

Des jpatU΀|ue$ p

Services de santé

Déterminants non-médicaux

de la santé

Déve loppem ent col lect i f

Même si la contribution des services de santé est nécessaire au développement du capital santé de la population, il s'agit d'une contribution qui n'est pas suffisante. En ef fet , plusieurs autres facteurs déterminants de l'état de santé se situent à l'extérieur de l'appareil de soins que se donne une collectivité. On parle ici des déterminants non-médicaux de la santé que sont entre autres les habitudes de vie, l'environnement psychosocial, les milieux de vie, l'environnement physique naturel ou bâti.

3

Page 11: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Prenons l'exemple de la sécurité qui est une belle illustration de l'importance des déterminants non-médicaux de la santé. Si l'on considère les données du schéma I I qui illustre le taux de mortalité par accidents de la circulation au Québec de 1956 à 1998, on voit qu'après une hausse croissante jusqu'au milieu des années 1970, on a assisté à une diminution constante.

Schéma II T a u x d e m o r t a l i t é p a r a c c i d e n t s d e l a c i r c u l a t i o n *

Q u é b e c , 1 9 5 8 à 1 9 9 8

•ÎO

35

30-

*

/ \ O O

» . / \ W • \ — M qj

o

3 w 20 -

* m n . J L ^ * loi sur la ceintura de sécurité »

O a. S 16 m'

* JE

II campagne ri loi »ur ta

10 •

crise économique — ralcool au voïwït — A

i

û •

i * 1 1 1 i î I I | I ï s '

"'— r t l— ; s Il A

O M V «0 § ç 5 a s «

Cette diminution origine initialement d'une sensibilisation sur ce que représentait pour la collectivité l'hécatombe de la mortalité par accident de circulation. La baisse découle aussi de mesures législatives rendues possibles, justement, par cette sensibilisation, tel le port obligatoire de la ceinture de sécurité, ou encore les mesures s'adressant à la conduite en état d'ébriété. Bien sûr, s'est ajoutée à ces mesures la mise sur pied de centres de traumatologie qui ont probablement participé à la réduction de la mortalité mais qui ont surtout contribué à la réduction de la morbidité et l'amélioration de l'autonomie fonctionnelle des personnes accidentées.

On pourrait citer d'autres exemples à l'appui de cet argument concernant l'importance des facteurs non-médicaux qui définissent l'état de santé d'une population. Que l'on se limite à mentionner les écarts importants qui prévalent concernant l'espérance de vie à la naissance selon le sexe. Par exemple, si l'on

4

Page 12: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la sarité et des services sociaux

compare l'espérance de vie entre les CLSC René-Cassin - la collectivité la plus favorisée sur l'Ile de Montréal - et la population du territoire du CLSC des Faubourgs - qui est la plus défavorisée, on observe comme l'illustre le schéma I I I des écarts substantiels pouvant dépasser une dizaine d'années. Pourtant ces collectivités ont pour l'essentiel accès aux mêmes services de santé, étant donné le caractère universel de notre système. Le taux de fécondité des filles de 15 à 19 ans selon le revenu pour Montréal illustre la même réalité puisque ces taux varient dans un ratio de 1 pour 6 entre le quintile favorisé et le quintile très défavorisé.

Schéma m

Hommes Femmes Total

5

Page 13: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la sarité et des services sociaux

Evolution des attitudes du public

Même si, de plus en plus d'observateurs et experts s'entendent pour reconnaître l'importance des déterminants non-médicaux de la santé, il ressort que pour le public, les soins de santé revêtent une importance considérable. En ef fe t , ceux-ci comportent une dimension morale dans la mesure où c'est dans le cadre du colloque singulier médecin - patient que se discutent les questions les plus significatives pour les personnes, des questions de vie et de mort, bans le contexte de la mutation rapide et considérable des valeurs et de la place des grandes institutions dans notre société, la rencontre avec le médecin ou avec le personnel soignant constitue souvent l'un des rares lieux où l'on peut encore échanger sur des questions morales dans notre société.

En même temps, on assistait à une croissance importante et hautement médiatisée des possibilités qu'offre la technologie moderne. Ainsi, il ne faut pas se surprendre des attentes très grandes du public par rapport aux capacités apparemment illimitées de la médecine, de plus en plus perçue comme une panacée, pouvant offr ir un remède universel à tous les mots dont sont affligés les humains.

Autre facteur important concernant l'évolution et l'attitude du public c'est la tendance à vouloir inclure dans la couverture universelle des services de santé toutes les options rendues disponibles par les percées et les avancées technologiques de la médecine. Alors qu'initialement la Loi sur l'assurance-maladie visait à protéger des individus et des familles susceptibles de faire faillite dans le cadre exceptionnel et imprévisible d'une crise personnelle liée à la santé - ce que plusieurs appellent les soins catastrophiques - plusieurs influences s'exercent aujourd'hui afin d'élargir constamment le spectre des services assurés dans le panier de services. Par surcroît, dans nos sociétés de consommation, les soins de santé sont perçus comme un bien de consommation comme les autres. De plus en plus les services de santé sont perçus comme une commodité, un bien comme les autres biens de consommation dans notre société. Les gens ont du mal à comprendre pourquoi on ne pourrait pas se les offr ir si on croit que les services de santé sont utiles et qu'on peut se les payer.

Dans le contexte présent et prévisible, de fortes pressions pourraient être exercées par le public en vue d'élargir la couverture des services assurés à toute la gamme de ce qui devient technologiquement possible. Cette pression s'exerce présentement dans le contexte de la couverture publique des services médicalement requis. I l faut dès maintenant réfléchir aux mécanismes que se donnera la société afin de régir cette croissance quasi illimitée de la demande de

6

Page 14: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la sarité et des services sociaux

services. Cela est d'autant plus important que le financement des services de santé pourrait être préféré par le public au financement d'autres programmes publics importants s'adressant aux déterminants non-médicaux de la santé qui, comme on vient de le voir, sont des déterminants très puissants de la santé de la population.2

Une crise mondiale

Mais le problème n'est pas présent qu'au Québec. Comme on le sait, les mêmes tensions sont présentes dans les autres provinces canadiennes et s'exercent également sur l'ensemble des pays de l'OCDE. La mondialisation économique affecte également le secteur des services de santé, ceux-ci étant compris dans les accords de commerce internationaux. I l n'est d'ailleurs pas exclu qu'à terme, le Canada ou le Québec ne puissent plus exercer leur souveraineté en matière de services de santé comme ils le faisaient jusque-là. Dans le contexte d'une « commodification » des soins de santé où les consommateurs avertis insisteront de plus en plus pour se procurer les services là et où cela leur convient, il est clair que des pressions croissantes de la part des marchés s'exerceront afin de tirer profit des occasions d'affaires que cela offre. De plus, les marchés souhaiteront imposer un modèle de médecine qui s'inspire du modèle « for Profit» qui prévaut aux Etats-Unis plutôt que d'un modèle « not-for-profit» qui est généralement préconisé par les experts3.

Le Québec n'a pas échappé à cette crise mondiale, à plus forte raison que l'on a assisté ici à une réduction considérable du budget de la santé en peu de temps. Pourtant, avec ses orientations de virage ambulatoire, de décentralisation administrative, d'approche de population et de virage préventif, il faut reconnaître que les orientations privilégiées étaient non seulement convergentes avec celles préconisées ailleurs, mais particulièrement judicieuses face à l'évolution des politiques et des pratiques au Québec.

Néanmoins, on doit déplorer des carences au niveau de la mise en marché de la réforme. Celle-ci a été peu communiquée au public et n'a pas vraiment pénétré dans les établissements du réseau, pour ne demeurer un objet de discussion qu'entre les gestionnaires du système. De plus, dans le contexte des transformations apportées au Québec, la préservation de la capacité du système à offr i r les services à

Voir à cet effet les analyses sur les valeurs réalisées dans le cadre du Forum national sur ia santé effectué sur le régime de santé Canada.

Voir à cet effet le commentaire du docteure Marcia Angell au moment où elle était rédactrice en chef du New England Journal and Medicine, 1999.

7

Page 15: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la sarité et des services sociaux

l'intérieur de délais raisonnables (réactivité ou responsiveness) semble avoir reçu trop peu d'attention. Malgré tout, les données de monitoring dont nous disposons suggèrent que la réforme tenait la route jusqu'au moment où fut adopté le programme de départ volontaire pour l'ensemble des employés de l'État à l'été 1997. Depuis ce temps, suite au départ d'une masse critique de personnes parmi les plus expérimentées du réseau, on a assisté à un dérapage de la réforme et la crise que l'on sait.

L'impact de la réforme sur la performance du système

Que peut-on dire de l'impact des différentes transformations apportées au système de santé depuis le milieu des années 1990 par rapport à la performance du système de santé? Considérons ici quelques indicateurs qui nous apparaissent particulièrement utiles.

D'abord, en ce qui concerne l'objectif central du système de santé, i.e. le maintien de la santé de la population, examinons l'évolution du taux de mortalité évitable par l'action du système de soins de 1981 à 1998 (Schéma IV).

Schéma IV

N i 10

5

0 1981 1982 1983 1984 1985 I98É 1987 1938 1989 1990 1991 1992 1993 I W I99S 1996 1997 S998

8

Page 16: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la sarité et des services sociaux

Cet indicateur regroupe un ensemble de causes de mortalité qui devraient essentiellement ne jamais se produire si le système de soins effectue bien le travail qui est attendu de lui. Des conditions de santé, en d'autres termes, pour lesquelles l'efficacité du système est très grande, ce qui devrait permettre l'élimination à peu près complète de ces décès dans une situation idéale. Or, les données pour le Québec depuis 1981 montrent une diminution constante et assez linéaire du taux de mortalité évitable jusqu'en 1996. Depuis lors, le taux semble s'être stabilisé. Ainsi, on n'a pas observé de détérioration mais la tendance à la baisse s'est interrompue.

Si on considère maintenant le taux de journées d'hospitalisation selon le quintile de revenus entre 1991 et 1998, on observe d'abord une tendance à la baisse tout au long de la période. Le gradient socio-économique, entre les quintiles de revenu supérieurs et inférieurs, demeure relativement linéaire au cours de la période. On note toutefois que, si le groupe appartenant au quintile de revenu supérieur a pu maintenir des taux d'hospitalisation stables au cours de la période, cela n'a pas été le cas pour les groupes plus défavorisés. Même si les taux des groupes les plus défavorisés demeurent plus élevés, il n'en reste pas moins que l'essentiel de la réduction des journées d'hospitalisation s'est effectué aux dépens des groupes sociaux plus défavorisés.

Schéma V Taux de journées d'hospitalisation selon le quintile de revenu, Montréal-Centre, 1991-1993, I993-I99S et 1997-1998

r ; ËSâ?:"' «BRii

16000 Toux pour 10000

Supérieur Moyen supérieur Moyen Moyen inférieur QuJMJ/e de revenu

inférieur

9

Page 17: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la sarité et des services sociaux

En troisième lieu, afin d'apprécier plus spécifiquement la réalité du système de soins, les données sur l'utilisation des salles d'urgence sont particulièrement révélatrices. En ef fet , plusieurs considèrent que les difficultés observées à l'urgence sont le symptôme d'un dysfonctionnement plus général qui prévaut dans le système de santé. Comme l'indique le schéma VI, le pourcentage de personnes ayant occupé une civière à l'urgence durant plus de 24 heures varient considérablement d'une région à l'autre au Québec. Cest surtout dans la région métropolitaine de Montréal que l'on observe les niveaux d'occupation les plus élevés même si certains pourraient avancer à juste t itre qu'aucune région du Québec n'y échappe.

Schéma VI Pourcentage de personnes ayant occupé une civière à l'urgence durant 24 heures ou plus, régions et Québec, 2e semestre, 1998-1999

Laval Montréal-Centre

Outaouais Montérégte Lanaudière

Ensemble du Québec UurentkJes

Mauricie-Bots-Fnincs Chauéère-Appabches Saguenajr-Lac-St-Jean

Côte-Nord Gaspésie-les Iles

Bas-Salnt-Laurent AbiobtTémtscamingue

Québec Estrie

Ces quelques données de monitoring suggèrent que malgré les contraintes à l'accès aux services hospitaliers qui ont été observées, l'impact des services de santé sur la santé de la population semblent avoir été raisonnablement préservés au cours des années de réforme, la réactivité du système semble moins grande actuellement qu'elle ne l'était. Oe plus en plus, cette lacune au niveau de la réactivité reçoit l'attention des médias et du public et commande des gestes politiques et des décisions budgétaires pour pallier, à court terme, aux conséquences les plus douloureuses. En réalité, puisque la pression sur les services de santé risque de se maintenir sinon de s'accentuer, ces décisions ne devraient pas être effectuées au cas par cas mais plutôt s'inscrire dans une perspective de mise en place de solutions durables aux difficultés du système de santé.

10

Page 18: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

La question devient alors : serons-nous en mesure de maintenir une adéquation entre l'évolution des besoins et la capacité du système d'y faire face? Quelles seront les meilleures approches pour assurer cette adéquation? Ces questions feront l'objet des sections subséquentes du mémoire.

11

Page 19: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

CHAPITRE I I Les coûts et les besoins : une équation impossible ?

Dans une perspective de santé publique, il est utile de se représenter la problématique des coûts de santé comme étant tributaire de différents facteurs, soit l'évolution de la démographie, de l'état de santé, des technologies utilisées, des modes d'organisation des services et des mécanismes administratifs retenus pour assurer la régulation du système. Reprenons chacun de ces éléments afin d'en faire une analyse prospective.

La démographie

Le démographe canadien bien connu, David K. Foot, affirme que la démographie explique environ les deux tiers de tout. Ce point de vue s'applique vraisemblablement si l'on considère l'évolution de la demande des services de santé au cours des prochaines décennies. Avec 12% de sa population ayant 65 et plus, le Québec se situe, tout comme le Canada d'ailleurs, parmi les pays les plus jeunes de l'OCDE. Cependant, comme l'indique le schéma V I I , c'est ici que le taux d'accroissement de la population âgée de 65 ans et plus sera le plus important d'ici 2015.

Schéma Taux d'ace i Québec et

Québec Japon

Luxembourg Canada

Australie Nouvelle-Zélande

Finlande Pays-Bas

Irlande Suisse

Êtats-lMis Suède

Allemagne Danemark

Autriche France

Norvège Italie

Islande Royaume-Uni

Belgique

Toux pour 100

13

Page 20: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Au cours des deux prochaines décennies donc, on assistera à une diminution des groupes de population les plus jeunes alors que le taux d'accroissement des groupes d'âge plus avancés augmentera de manière considérable : un taux d'accroissement de 80% chez les groupes de 55 à 74 ans, de près de 90% pour les 75-84 ans et de plus de 150% pour les 85 ans et plus.

Schéma VIH Taux d'accroissement de la population selon l'âge, Québec, 1996-2021

160

140

120

100-

8 0

6 0

4 0

20-

I I I I I I I I

2 5 - 3 4 3 5 - 4 4 4 5 - 5 4 5 5 - 6 4 6 5 - 7 4 7 5 - 8 4 85 ans Total ans ans ans ans ans ans e t plus

Quels seront les impacts prévisibles de cette évolution démographique rapide en termes d'utilisation des services? Considérons d'abord l'utilisation des services hospitaliers qui comptent pour plus de la moitié de l'ensemble des coûts des soins et pour lesquels le facteur démographique est un déterminant clé de l'utilisation. Comme l'évoque puissamment le schéma I X la probabilité de séjourner dans un lit d'hôpital au Québec au cours de la dernière année croît de manière exponentielle avec l'âge.

14

Page 21: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Schéma IX Taux de journées d 'hospi ta l isat ion en soins physiques de courte durée selon l'âge, Québec, 1998-1999

5 0 0 0 0

4 0 0 0 0

3 0 0 0 0

20000

10000

Taux pour 10000

35-44 4 5 - 5 4 5 5 - 6 4 6 5 - 7 4 ans ans ans ans

7 5 - 8 4 8 5 ans Total ans e t plus

Tentons maintenant de projeter l'utilisation des services hospitaliers au cours des prochaines années en tenant compte de l'évolution démographique prévisible. Nous ne tiendrons compte pour ce faire que des seuls changements démographiques en assumant que tous les autres facteurs sont constants. Cette hypothèse est bien sûre irréaliste puisque, on le sait, plusieurs autres changements s'opéreront au même moment, comme nous le verrons d'ailleurs plus loin dans le mémoire. Toutefois, pour des fins de clarté et compte tenu de la très forte influence du facteur démographique dans l'évolution de la demande, il nous est apparu opportun de quantifier les scénarios en termes démographiques afin de mieux cerner l'impact prévisible du virage « gris ».

Ainsi en 1998, les 65 ans et plus représentent 127o de la population et consomment 53% des journées d'hospitalisation. En revanche, en 2021 les 65 ans et plus représenteront 21% de la population et pourraient consommer 65% des journées d'hospitalisation si les tendances actuelles se maintiennent. En d'autres termes, si aucun changement n'était apporté au mode de recours aux services hospitaliers au Québec, on assisterait à une hausse de 50% de l'utilisation des services hospitaliers au cours des 20 prochaines années si l'on considère l'ensemble de la population, une hausse qui atteindrait près de 90% si l'on concentre notre attention sur les 65 ans et plus.

15

Page 22: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Nous présentons au tableau I les projections que nous avons effectuées en tenant compte de l'évolution démographique et en maintenant tous les autres facteurs constants aux taux observés en 1998-1999. Un portrait général assez convergent se dégage de cette analyse. Que l'on considère les principales causes d'admission en médecine ou encore les interventions chirurgicales plus fréquemment pratiquées, l'augmentation prévisible en fonction des facteurs démographiques pourraient augmenter de l'ordre de 40% et même jusqu'à 90% pour certaines conditions particulières. Cest là dire toute l'importance des changements démographiques en cours étant donné que les besoins en services médicaux hospitaliers augmentent et continueront d'augmenter en toute vraisemblance dans une société vieillissante.

Tableau I

Types d'interventions Tendances projetées Maladies de l'appareil circulatoire (journées d'hospitalisation)

Hausse de 70%

Tumeurs (journées d'hospitalisation) Hausse de 60% Maladies de l'appareil respiratoire (Journées d'hospitalisation)

Hausse de 60%

Traitement pour cataractes Hausse de 75% Traitement pour rétinopathie Hausse de 40% Angiopiastie Hausse de 50% Pontages coronariens Hausse de 60% Implantation d'un pacemaker Hausse de 75% Remplacement de la hanche Hausse de 66% Remplacement du fémur Hausse de 90% Remplacement du genou Hausse de 75%

Nous avons également examiné l'évolution prévisible au niveau de la fréquence de consultations d'un professionnel de la santé en tenant compte de l'évolution démographique. Nos calculs nous permettent d'estimer à 12% l'évolution prévisible de la demande au regard des services des professionnels de la santé au Québec. Toutefois, comme l'illustre le schéma X, il pourrait s'agir d'un estimé conservateur. En effet , les données de Santé Québec nous permettent de constater que les moins de 45 ans semblent avoir réduit leur fréquence de consultations d'un professionnel de la santé entre 1992-1993 et 1998, une tendance inverse est observable chez les plus âgés, soit après l'âge de 45 ans. Cette tendance pourrait être reliée à la prévalence croissante d'incapacité déjà observable au sein de notre population comme nous le verrons plus loin au moment où nous discuterons de l'état de santé.

16

Page 23: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Schéma X Proportion de personnes ayant consulté au moins un professionnel de la santé sur une période de deux semaines, selon l'âge, Québec, 1992- i 993 et 1998

0 - 1 4 ans 15-24 ans 25-44 ans 45-64 ans 65 ans et plus

Nous nous sommes enfin penchés sur le phénomène de la limitation d'activités, phénomène que l'on sait en lien direct avec la demande de services de santé de tous ordres, et ce, souvent pour des périodes prolongées. Des données de Santé Québec depuis 1987 montrent à cet égard une progression notable de la proportion de la population ayant des limitations d'activités depuis 1987, une progression de l'ordre de 10 à 20% selon les groupes d'âge. Toutes choses étant égales par ailleurs, le nombre de personnes présentant des limitations d'activités pourrait croître de 33% d'ici 2021 en raison des changements démographiques. Toujours selon la même logique, le nombre de personnes vivant en institution de santé au Québec pourrait quant à lui représenter une hausse de près de 100% au cours des vingt prochaines années. Encore une fois, nous comprenons bien qu'il n'est pas exclu que de nouveaux modes d'interventions puissent être identifiés pour prévenir cet état de fait ou encore introduire de nouvelles façons d'y faire face autres que l'hébergement. Cela nous apparaît d'ailleurs souhaitable mais il nous faut reconnaître l'importance de l'influence démographique et de la pression prévisible que celle-ci exercera sur la demande des soins de santé dans l'avenir.

17

Page 24: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

L'état de santé

Un autre facteur clé à considérer est l'évolution prévisible de l'état de santé de la population. Certaines études ailleurs au monde, notamment aux Etats-Unis, semblent en effet démontrer que l'on assiste actuellement à ce que les auteurs appellent la compression de la morbidité, c'est-à-dire au recul de la maladie et du fardeau de morbidité et d'incapacité qui l'accompagne. Cette tendance serait largement attribuable à la réduction de plusieurs problèmes de santé évitables et au succès de la prévention.4

Malheureusement, les données disponibles pour le Québec ne viennent pas confirmer chez nous ce phénomène de compression de la morbidité. Comme l'indique le schéma X I on assiste plutôt à une croissance nette de la prévalence et du nombre de personnes souffrant d'incapacité dans la collectivité. Ceci nous semble attribuable à une augmentation de l'espérance de vie qui s'est accrue au cours de la période alors que la survie sans incapacité, quant à elle, diminuait légèrement. En d'autres termes, c'est comme si nous avions assisté à une amélioration de la survie mais que les années additionnelles qui se sont ajoutées s'accompagnent d'incapacité, particulièrement d'incapacité légère. L'espérance de vie sans incapacité modérée ou forte se serait cependant améliorée. Quoi qu'il en soit, on sait que l'incapacité est un facteur fortement associé à l'utilisation des services de santé.

Proport ion da survivants salon l 'état de santé ,Québec, 1907-1998

4 Voir à cet effet Fries, J.F. (1980). Aging, Natural Death and the Compression of Morbidity. New England Journal of Medicine, 303 : 130-5.

18

Page 25: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

On doit aussi comprendre que cette augmentation de la survie avec incapacité est un phénomène qui n'a pas reçu beaucoup d'attention jusqu'à maintenant aux fins de la planification de l'offre des services de santé. Alors que l'on dénombrait 550 000 personnes avec incapacité au Québec en 1987, il y en avait 750 000 en 1998 soit une hausse de 200 000 personnes sur l'intervalle d'une décennie. Une pareille augmentation, soit 40% en 10 ans, s'est certainement manifestée par une demande de soins accrue dans un contexte de réduction générale de l'offre de services de santé.

Parmi les causes de limitation d'activités au Québec, 5 catégories ressortent clairement : ostéoarticulaire (27%), cardiovasculaire (147»), respiratoire (11%), santé mentale (8%) et accidentel (8%). Ce sont ces problèmes qui, compte tenu de nos victoires face à la mortalité qui a accusé un recul et des gains d'espérance de vie qui s'en suivirent, constituent dorénavant les principaux défis qui confrontent le système de santé. En fait, il s'agit probablement d'un double défi : mieux répondre aux besoins de ceux qui sont aux prises avec de telles incapacités, mais surtout de réussir à prévenir la survenue de ces incapacités et accroître ainsi la survie sans incapacité. I l s'agit là d'un objectif capital pour le système de santé non seulement en raison du fardeau évitable que cela représente, mais surtout parce que cet objectif est atteignable et que d'autres collectivités réussissent à le faire. Pour mieux cerner ce que représente ce défi, il nous faut maintenant étudier les tendances au niveau des déterminants de la santé au Québec.

Les déterminants de la santé

A tout seigneur, tout honneur : qu'en est-il du tabac? Fait bien connu, le Québec se situe en tête des provinces canadiennes en ce qui concerne le tabagisme. L'accoutumance à la nicotine représente en effet un fléau important pour la santé des Québécois. Lorsqu'on sait que le tabac représente le principal facteur modifiable affectant la santé de la population, c'est dire à quel point ce désolant premier rang vient taxer le capital santé de la collectivité québécoise.

Le resserrement des mesures législatives face au tabac nous permettra-t-il de mieux maîtriser le phénomène? Les données présentées au schéma X I I n'autorisent pas beaucoup d'enthousiasme. En effet , les données de Santé Québec depuis 1987 révèlent qu'après une première diminution entre 1987 et 1992-1993, on observait en 1998 un regain de popularité du tabac particulièrement chez les groupes jeunes et aussi chez les 45-64 ans, un groupe particulièrement vulnérable aux effets

19

Page 26: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

négatifs du tabac sur la mortalité et la morbidité prématurées. Le facteur tabac explique à lui seul une large part du fardeau accru d'incapacité observable au Québec au cours de la dernière décennie. Toute amélioration du système de santé passera nécessairement par une meilleure prise en compte de ce défi toujours actuel dans les politiques de santé qui seront requises dans l'avenir.

Schéma XII Proportion do fumeurs réguliers selon Tâgev Québec, 1987, 1992-1393 et 1998

• 1987 EH9S2-1993 • 1 S S 6

£

15-1? BflS 18-19 arts 20-24 ans 25-44 ans 45-64 ans 65 ans «t plus

Autre fait troublant : l'accroissement de la proportion de la population qui présente un excès de poids. Les données de Santé Québec illustrent le problème de façon convaincante (voir schéma X I I I ) . On assiste en effet à une progression notable et continue dans le temps, de ce phénomène d'excès de poids, une tendance qui affecte tous les groupes d'âge. Avec plus de 35% de la population des 45 à 64 ans qui présentent un excès de poids, il est hautement probable que la prévalence et différentes conditions de santé chroniques associées à l'obésité soient également à la hausse au cours des prochaines années. L'on pense ici plus particulièrement au diabète et aux affections cardiovasculaires, de même qu'à certains types de tumeurs, mais également aux troubles ostéoarticulaires dont on a vu l'importance au regard de l'incapacité. La tendance au niveau de l'excès pondéral est d'autant plus préoccupante que la population québécoise demeure encore largement sédentaire, les données de Santé Québec pour 1998 suggérant même une légère progression de la sédentarité chez les plus de 45 ans.

20

Page 27: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Schéma XIH

Proportion de la population présentant un excès de poids, selon l'âge Québec, 1987, 1992-1993 et 1998

15-24 ans 25-44 ans 45-64 ans

Groupe d'âge 6 5 ans e t plus

Au plan psychosocial, on connaît toute l'importance de l'éducation comme déterminant favorable de la santé des personnes et de la collectivité. À ce chapitre, les tendances récentes nous semblent aller généralement dans le sens souhaité, en dépit du décrochage scolaire auquel on assiste encore très souvent, surtout dans les collectivités défavorisées. Néanmoins, de plus en plus de jeunes atteignent le niveau universitaire, un phénomène qui s'accroît d'une génération à l'autre. Ainsi, 28% des garçons et 34% des filles nés entre 1966 et 1971 ont réalisé des études universitaires. À cet égard, le Québec se compare favorablement aux autres pays de l'OCDE. Une meilleure éducation de la population est susceptible d'influencer favorablement les habitudes de vie et les facteurs de risque d'incapacité et de mortalité. I l s'agit donc d'un facteur qui pourrait venir atténuer l'effet des tendances que nous venons de signaler au regard du tabac et de l'excès de poids. De plus, une population plus éduquée sera mieux en mesure de participer activement au processus de soins, réduisant d'autant le fardeau sur les dispensateurs de services. Toutefois, des personnes plus éduquées se comporteront aussi en consommateurs plus avertis et pourraient démontrer des exigences nouvelles au regard de la qualité, peut-être même de la quantité, des services de santé requis.

21

Page 28: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Au plan psychosocial toujours, les changements en cours au regard du style de vie et de la structure familiale pourraient avoir un impact sur le soutien social dont bénéficient les Québécois. Si l'on considère les proportions observées (1981 à 1996) et projetées d'ici 20 ans pour les personnes de 15 ans et plus vivant seules (schéma XIV,), il est concevable que de plus en plus de personnes vivent seules chez elle, ce qui pourrait impliquer des besoins d'aide accrus de la part des intervenants du système de santé.

Schéma XIV

1961 1986 1991 1996 2001 2 0 0 6 2011 2 0 1 6 2021

Bien qu'il soit difficilement quantifiable, le stress résultant de nos difficultés d'adaptation au niveau mode d'organisation de la vie en société et des nouveaux modes de travail soulève certaines incertitudes. Les troubles reliés au stress et à la santé mentale sont maintenant la principale cause d'absentéisme pour maladie, particulièrement dans le domaine des services à la personne. À cet égard, les rares études systématiques qui ont été faites semblent indiquer que le personnel des services de santé serait de plus en plus affecté. Des lésions attribuables à des traumatismes répétés ou, plus largement, à des risques ergonomiques liés au type de travail effectué, pourraient être associées à une prévalence plus grande de troubles ostéo-articulaires reliés au travail.

Les changements environnementaux, notamment les risques de détérioration de la qualité de l'air en lien avec la circulation automobile et le réchauffement climatique, pourraient affecter les centres métropolitains du Québec. Nous avons déjà abordé

22

Page 29: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

avec plus de détails cet enjeu pour la région métropolitaine de Montréal5. Une population vieillissante sera plus vulnérable à ces changements appréhendés. Des besoins de cette même population vieillissante au regard de l'aménagement de son logement devront être considérés. I l ne faudra pas négliger l'importance du cadre de vie comme facteur déterminant de la capacité pour les aînés à bien vieillir et à maintenir un mode de vie actif, un prérequis essentiel à la réduction des incapacités.

En ce qui concerne les maladies transmissibles, il faut prévoir que les agresseurs biologiques continueront d'exercer une influence prépondérante non seulement sur la santé mais aussi sur la demande des services de santé de la population. Que l'on considère par exemple le VIH que nous ne réussissons toujours pas à prévenir complètement et qui, grâce aux nouvelles modalités thérapeutiques, devient progressivement une maladie chronique. Que l'on pense encore à l'hépatite C dont le fardeau sociétal avait jusqu'à récemment été largement sous-évalué. I l est probable que le phénomène des souches bactériennes résistantes aux antibiotiques se poursuive et pourrait même s'accentuer. L'entérobacter résistant à la vancomycin représente déjà un fardeau accru pour l'organisation des services hospitaliers, tout comme plusieurs autres agents infectieux responsables des infections nosocomiales.

La mise au point de nouvelles préparations vaccinales devrait se poursuivre au moins au même rythme que celui que nous avons connu au cours de la dernière décennie avec des implications certaines concernant des programmes et activités visant à administrer ces nouveaux vaccins aux populations vulnérables. Sur ce dernier point, rappelons que les vaccins demeurent l'un des rares exemples d'interventions préventives qui permettent en fait une réduction des coûts de santé. I l s'agit donc d'interventions « cost-saving'» qui permettent de réaliser des économies mais qui requièrent un investissement minimal qu'il est encore trop souvent difficile de mobiliser à l'intérieur du système actuel,6

De nouveaux pathogènes, comme le virus de l'encéphalite du Nil, ou encore des fièvres hémorragiques graves, nous obligeront à demeurer vigilants au niveau des contrôles de maladies transmissibles, particulièrement dans le contexte de la

5 Voir à cet ef fet Prévenir, guérir, soigner : les défis d'une société vieillissante, Rapport annuel sur la santé de la population 1999, Direction de la santé publique, Régie régionale de Montréal-Centre.

6 Diverses études ont estimé les bénéfices économiques d'un investissement en soutien au développement précoce de l'enfant. Selon ces sources, pour chaque dollar investi la société sauverait quatre dollars dans les services de santé et les services sociaux plus tard dans la vie de l'enfant.

23

Page 30: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

mondialisation des échanges commerciaux et de la plus grande mobilité des personnes que cela entraîne. Une dernière éventualité qui mérite d'être soulignée ici : la possible survenue d'ici les 20 prochaines années d'une nouvelle pandémie de grippe ne peut être exclue. Les équipes de santé publique s'y préparent et il faut prévoir que des plans d'interventions spécifiques puissent être mis au point et que tous les acteurs du système de santé acceptent d'y collaborer.

Les technologies

Nul doute que les percées technologiques récentes et à venir portent en elles un potentiel considérable de bénéfices pour la santé de la population. Les avancées de la pharmacologie représentent certainement un des exemples les plus frappants. L'effet conjugué de l'évolution des besoins que nous venons de décrire et de la croissance des possibilités de la thérapeutique ont déjà commencé à se faire sentir. Les données de Santé Québec illustrent de manière on ne peut plus claire le recours accru que font les Québécois aux médicaments. Même si ce phénomène est observable parmi les groupes les plus âgés de la population, on le note même chez les 25-44 ans. L'utilisation dorénavant plus fréquente de la médication a fait en sorte que chaque année les coûts pour ce programme croissent de 15 %. De nouveaux médicaments sont ajoutés au formulaire et donc couverts par l'assurance-maladie sur la base de leurs avantages cliniques par rapport aux autres médicaments de la même catégorie thérapeutique. Dans une perspective de santé de la population, il importe de noter que certains ajouts au formulaire de médicaments particulièrement coûteux ne s'accompagnent pas toujours d'un rendement proportionnel au niveau de l'efficacité. En effet , certains gains d'efficacité relativement modestes, qui peuvent avoir été documentés par la recherche, ne s'accompagnent pas nécessairement d'un rendement significatif lorsqu'administrés à l'intérieur du système de santé. Par rapport à certaines catégories médicamenteuses, nous sommes vraisemblablement en face d'un problème de rendement décroissant où des investissements considérables doivent être consentis sans que cela s'accompagne de bénéfices appréciables pour la santé de la population. Des mécanismes de prise de décision s'appuyant sur une analyse du rapport coût/avantage nous permettraient de mieux tenir compte à la fois de la valeur ajoutée d'un médicament donné par rapport aux autres membres de la même classe et du coût du produit.

24

Page 31: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Schéma XV

% 60

B 1 9 8 7

m / m . ( 9 9 3

R 1998

Un autre secteur qui s'est considérablement développé et qui continuera sans doute de le faire, c'est celui de l'équipement diagnostique. En particulier, l'essor de l'imagerie médicale rendra dorénavant possible un diagnostic plus précis tout en étant moins envahissant. Certaines de ces technologies ont fait l'objet d'une étude par le Conseil d'évaluation des technologies en santé du Québec et de recommandations appropriées. I l est intéressant de noter que les recommandations de cette agence n'ont pas d'incidence obligatoire ou directe dans le mécanisme décisionnel ni du Ministère, ni des régies régionales ou encore des établissements. Par ailleurs, l'évolution du parc technologique ne fait pas l'objet, au Québec, d'une planification d'ensemble. Les ajouts se font sur la base de propositions qui sont l'initiative des établissements, ou qui font suite à un octroi de leur fondation. Ce mode de régulation apparenté au laisser faire est probablement à l'origine du manque de cohérence et des grandes iniquités qui existent dans le réseau au regard de la disponibilité des technologies diagnostiques.

Une dernière observation concernant l'accès aux technologies diagnostiques mérite d'être apportée. I l a beaucoup été question au cours des deux dernières années au Québec des délais d'accès à certains services, des difficultés d'accès aux services hospitaliers en général et certains types de chirurgie en particulier ont particulièrement défrayés la manchette. I l ne faudrait pas que ces formes les plus visibles de délais - par exemple les listes d'attente pour une chirurgie - occultent d'autres délais qui, au plan de la santé, peuvent être encore davantage significatifs. Des commentaires de cliniciens suggèrent en outre que des tests diagnostiques

25

Page 32: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

servant à confirmer ou préciser des diagnostics cliniques sont fréquemment difficiles à obtenir, requérant souvent une intervention personnelle du médecin ou même des pressions de sa part pour accélérer le processus. De tels délais peuvent devenir préoccupants lorsqu'on a affaire à une situation instable ou rapidement évolutive. Une telle situation a été observée de manière répétée depuis l'instauration du Programme québécois de dépistage du cancer du sein.

En ce qui concerne l'accès aux technologies thérapeutiques, une planification plus systématique des services ne s'effectue que pour une minorité de conditions ayant fait l'objet de mesures particulières. On pense par exemple aux pontages aorto-coronariens, aux remplacements de la hanche et du genou ou encore de la radiothérapie. Pourtant, la majorité des services thérapeutiques sont dispensés au cas par cas, établissement par établissement, en l'absence de véritable plan de match qui colle à l'évolution des besoins de la population et qui tienne compte des évaluations diagnostiques qui le précèdent et des services posthospitaliers qui y feront suite.

L'adéquation des services

Reconnaissant l'importance de la disponibilité des ressources et de l'accessibilité des services, il faut également se préoccuper de l'utilisation judicieuse et appropriée de ces services, que nous désignons comme adéquation des services. Deux enjeux se posent selon nous au regard de l'adéquation des services : la sous-utilisation et la surutilisation.

Plusieurs exemples de sous-utilisation pourraient être apportés. Parmi les plus importants, soulignons le recours encore trop peu fréquent aux différentes préparations vaccinales principalement celles qui nous aident à prévenir les maladies respiratoires. Beaucoup reste à faire également au regard du dépistage du cancer du sein. L'hypertension constitue un autre exemple : la moitié des hypertendus ignorent leur condition, la moitié de ceux qui se savent hypertendus prennent une médication appropriée et environ la moitié seulement des hypertendus traités ont leur tension artérielle bien contrôlée. De plus, le recours aux approches non-médimenteuses comme la restriction du sel dans la diète, le contrôle du poids et l'activité physique font souvent défaut. La sous-utilisation est d'autant plus fréquente chez ceux et celles qui doivent franchir une distance géographique importante pour obtenir leurs soins, ou les nouveaux arrivants qui, pour des raisons culturelles, ont plus difficilement accès aux services universels de santé disponibles dans notre collectivité.

26

Page 33: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Nous sommes aussi confrontés à un problème de surutilisation. L'étanchéité erxcorz trop grande qui prévaut entre les différents dispensateurs entraîne souvent la duplication des services. Qu'il s'agisse de la reprise d'une entrevue pour faire l'anamnèse d'une personne devant consulter de manière répétée dans différents milieux pour une même condition; ou encore la répétition de tests diagnostiques qui doivent être répétés parce que le résultat des épreuves passées antérieurement ne peut être obtenu assez rapidement. Ce sont des façons de faire qui prévalent encore dans le système de santé québécois et qui sont encore trop souvent à l'origine de coûts improductifs. Autre illustration : une équipe de chercheurs montréalais documentait récemment que 50 % des jeunes mères recevaient un appel à domicile de l'hôpital et du CLSC dans les jours qui suivaient leur accouchement7.

Mais les risques d'une surutilisation ne sont nulle part plus préoccupants que pour les services médicaux en fin de vie. Une étude de Latimer et coll, publiée l'an dernier, soulève à cet égard des questions troublantes (voir schéma XVI). Cette analyse révèle que l'indice moyen d'utilisation des services diagnostiques et thérapeutiques est de 25% supérieur au Québec par rapport à ce qui est observé en Colombie Britannique et aux Etats-Unis dans le cadre du programme MedicAid pour les personnes âgées. I l va sans dire que cette plus grande intensité d'interventions au cours des six derniers mois de la vie génère des coûts importants sans pour autant que cela ne modifie l'issue fatale observée. On a par ailleurs évalué que 50 % des services médicaux utilisés par une personne au cours de sa vie le sont au cours de la dernière année de vie. Cest dire l'ampleur que peut représenter la différence observée par le docteur Latimer. I l serait important d'actualiser ces données pour évaluer dans quelle mesure la tendance observée s'est maintenue plus récemment. En effet , les compressions budgétaires des dernières années pourraient avoir contribué à réduire l'écart. Néanmoins l'effet présenté nous suggère fortement qu'une révision des approches pour les soins de fin de vie représente un axe prioritaire de recherche de même que de revue de l'utilisation par les comités professionnels de pair.

7 Docteur Lise Goulet, communication personnelle. 27

Page 34: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Schéma XVI

indice moyen d'utilisation des service* diagnostiques e t thérapeutiques

12

A

8

O —1 1— ' 1 151-180 I 2 I - I S 0 91-120

Source :Latimer EA. et col. Inquiry 36 : 90-100 (Printemps 1999). 61-90 31-60 0-30

ours avant Je décèi

Ùes développements prévisibles

Nous ne pourrions conclure cette section sur l'évolution de la technologie sans dire un mot des innovations envisageables à court et à moyen termes qui pourraient avoir un impact sur l'organisation des services et des besoins de financement. Un premier développement, certes le plus près de nous, est celui des technologies de l'information. L'essor considérable de ces technologies contribuera à démocratiser grandement les connaissances sur la santé et sur les services de santé et il est probable qu'une population mieux scolarisée en tirera grand profit. Déjà, les patients se présentent face à leur médecin munis d'un document trouvé sur Internet dont ils veulent discuter. On assiste à une multiplication des sources d'information en matière de santé. Toutefois, on risque de se retrouver face à un problème de crédibilité de sources. En effet, face à des incertitudes scientif iques et des avis contradictoires, comment les citoyens pourront-ils jauger la pertinence de l'information obtenue? Dans une perspective de santé publique, il nous apparaîtrait souhaitable que le ministère de la Santé et des Services sociaux prévoit des mécanismes par lesquels il pourra accréditer certaines informations et participer, soit directement ou soit par le biais de partenariat, à la diffusion de celles-ci auprès de l'ensemble de la population. Déjà, les efforts entourant la mise sur pied d'Info-santé ont permis des développements significatifs. Toutefois, ces informations visent davantage l'orientation et la référence des citoyens plutôt que leur information dans une perspective d'empowerment. Nous sommes persuadés qu'un citoyen mieux informé est un citoyen qui prend mieux soin de sa santé et qui utilise d'une manière plus judicieuse les services auxquels il a droit.

28

Page 35: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Si l'information entre les dispensateurs et le client est appelée à circuler beaucoup plus efficacement dans l'avenir (Business to Client), il est impératif que l'information entre les dispensateurs puisse aussi circuler beaucoup mieux (Business to Business). Nous avons déjà déploré l'étanchéité qui prévaut trop souvent encore entre les différents dispensateurs. Cette réalité n'est pas étrangère au fait que les mécanismes, nous permettant d'échanger de l'information à l'intérieur du système, soient encore là, rudimentaires, voire dépassés.

I l sera d'une importance capitale d'harnacher le pouvoir de l'information afin de mieux servir le public. Certains invoquent la nécessité de protéger la confidentialité de l'information relative à la santé des citoyens. Des mécanismes de sécurité encore plus puissants que ceux que nous pouvions exploiter pour protéger les renseignements sur support papier sont disponibles. Ceux-ci doivent être mis à profit pour assurer l'utilisation sécuritaire de l'information en vue d'accroître l'interactivité, l'efficience ainsi que l'efficacité des services de santé au Québec. Le Québec dispose de la capacité technologique et d'une certaine avance en la matière lui permettant non seulement de mieux servir sa population mais d'en faire un fleuron pour le développement économique et social de la collectivité.

Si l'on considère l'avenir, on pourrait assister à une synergie entre les progrès réalisés en matière de biotechnologie et d'intelligence artificielle. Les travaux de caractérisation du génome humain ouvriront vraisemblablement un nouveau champ de recherche et d'intervention. La médecine génique est à nos portes mais il est extrêmement difficile d'en prédire l'ampleur tout comme les coûts. La télémédecine, qui est déjà une réalité, devrait elle aussi se développer rapidement, particulièrement pour relier les centres éloignés qui sont nombreux au Québec aux grands centres urbains. À cet effet, la télémédecine pourra donc fournir des outils intéressants pour enrichir l'offre de services régionale en fonction de besoins spécifiques. La planification de l'utilisation que l'on souhaite faire de la télémédecine devrait être réalisée de manière à ce que l'on puisse assister, dans ce cas, à un déploiement ordonné de la technologie sur le territoire.

L'organisation des services et /'administration

Nous ne réviserons pas en détail dans le présent mémoire les différentes tendances et projections au regard de l'organisation et de l'administration. Comme praticien de la santé publique, nous sommes fréquemment associés au développement des nouvelles approches en matière d'organisation des services. Nous avons été aussi associés de près aux travaux menés à l'intérieur des régies

29

Page 36: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

régionales et aux différents défis administratifs que cela comporte. Nous nous limiterons simplement à rappeler que la décentralisation régionale est perçue par les analystes comme une stratégie utile pour optimiser le fonctionnement des services de santé8. Cependant, sachant que la Commission a mené sur cette question de l'organisation des travaux plus approfondis, nous élaborerons davantage sur cette question au chapitre suivant.

8 Voir à cet e f fe t Saltman Richard, European health care reform : analysis of current strategies, WHO Regional Publications, European Series, No. 72. Voir également les travaux de Denise Kouri, Director, HEALNet Regionalization Research Centre.

30

Page 37: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

CHAPITRE I I I Le système de santé de l'avenir : des ajustements qui s'imposent

En s'appuyant sur l'analyse que nous avons présentée au cours des deux chapitres précédents, nous examinerons dans ce qui suit les stratégies les plus susceptibles de nous habiliter à faire face, de manière efficace et durable, aux enjeux prévisibles que nous venons de décrire.

Prévenir, guérir et soigner : trois objectifs importants à mener de front

Malgré les problématiques et les divers besoins qui en découlent dont nous avons fait état plus tôt, il ne faut pas oublier que, lorsque l'on considère la santé de l'ensemble de la population, plus de la moitié des citoyens perçoivent leur santé comme très bonne et même excellente. I l s'agit là d'une majorité de la population dont on sait qu'elle fera une utilisation relativement faible et peu coûteuse des services de santé. Un deuxième groupe perçoit sa santé comme bonne, ce qui correspond à un peu plus du tiers de la population. Ces personnes souffrent généralement de conditions aiguës qui peuvent être réversibles, ou des conditions chroniques, des facteurs de risque ou des problèmes de santé pour lesquels nous disposons des traitements efficaces. Ce groupe requiert plus fréquemment des soins continus, ce qui influencera bien sûr les coûts qui en découlent. Le troisième groupe, qui représentait 11% de la population en 1998, perçoit sa santé comme moyenne ou mauvaise. Ce sont les conditions qui affectent ce groupe qui sont responsables des coûts les plus importants dans le système de santé.

Schéma XVH ^ E u t de Sfllttft WÉSïJf&MS-c o û t d e s a u c é

Impact sur les coûts

31

Page 38: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Nous estimons que la poursuite de la réforme du système de santé implique nécessairement de cibler, pour chacun de ces trois groupes dont les besoins sont différents, les bons objectifs. Ainsi, pour le groupe dont la santé est très bonne ou excellente, l'objectif le plus important est de prévenir, c'est-à-dire de préserver sinon d'accroître le capital de santé dont disposent ces personnes de manière à éviter qu'elles ne passent au niveau le plus élevé de la pyramide des besoins. Des interventions préventives efficaces existent auxquelles nous ne recourons pas encore de manière suffisamment systématique au Québec. L'influence majeure qu'exercent certains déterminants sur la santé devrait plutôt nous inciter à accentuer nos investissements à ce chapitre. Nous y reviendrons lorsque nous discuterons du financement plus loin dans le texte.

En ce qui concerne le second groupe qui perçoit sa santé comme bonne, l'objectif est ici de guérir. Nous entendons par cet objectif de mettre en œuvre les moyens appropriés afin de maîtriser les facteurs de risque à la santé et intervenir précocement dans l'évolution de la maladie lorsque celle-ci est présente, afin de retarder son évolution et réduire l'apparition des complications. L'utilisation optimale des technologies curatives représentent ici le défi principal. L'utilisation des approches de réhabilitation psychosociale ou physique présente également un grand intérêt dans la mesure où ces approches permettent souvent une récupération importante sinon complète de l'autonomie des personnes.

Soigner nous apparaît l'objectif prioritaire à privilégier pour le dernier sous-groupe au sommet de la pyramide dont la santé est moyenne ou mauvaise. Ces personnes présentent une santé détériorée qui s'accompagne de déficit ou d'incapacité généralement irréversible. Dans ces situations, les approches thérapeutiques visent non pas la disparition du problème mais plutôt l'amélioration de la capacité à composer avec le problème et à vivre une vie satisfaisante malgré ce problème. Les services requis sont généralement offerts près du milieu de vie de la personne, voire à domicile, et font appel à des services où la qualité relationnelle qu'entretiennent les dispensateurs avec leurs patients revêt une importance primordiale.

L'expérience nous apprend que le système de santé a du mal à maintenir le souhaitable équilibre entre chacun de ces trois objectifs. Diverses analyses corroborent des observations qu'ont pu faire les directeurs de santé publique, à l'effet que les objectifs de prévention sont particulièrement vulnérables9. L'accroissement des exigences en lien avec les deux autres objectifs peut mener à

9 Nous pensons à la diminution observée au niveau des heures travaillées en CLSC pour des activités préventives ; voir également les travaux à paraître de Poirier et Soggin sur cette même question.

32

Page 39: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

une réduction de l'intensité des activités de prévention avec les conséquences que l'on sait, be plus, il peut être difficile de maintenir un juste équilibre pour le guérir. Qu'il s'agisse des risques de sous-utiliser des technologies utiles auprès de certaines personnes qui en ont besoin ou de celui de mal ou de surutiliser des interventions visant la guérison auprès de personnes qui souffrent pourtant de conditions irréversibles, voilà donc des enjeux de taille à la fois pour les cliniciens et pour les gestionnaires qui doivent administrer les services.

Pour le soigner, enfin, il faut reconnaître que la forte prépondérance des services institutionnels qui a historiquement caractérisé le système de santé québécois n'a pas été favorable à l'essor de services communautaires plus près du milieu de vie des personnes en perte d'autonomie. Les efforts visant à consolider les soins à domicile et des développements nouveaux au regard des soins palliatifs devront être entrepris si on aspire à évoluer vers les meilleures pratiques de prise en charge des personnes dont la santé est hypothéquée d'une manière irréversible.

Implications pour l'organisation du système

La première implication que nous dégageons est le renforcement de la première ligne. Pour les directeurs de santé publique, une première ligne forte passe par la responsabilité d'une réelle prise en charge d'une communauté de personnes. Une première ligne forte passe également par une adéquation des services par rapport aux besoins de cette communauté de personnes. Nous entendons par là la capacité de maintenir un juste équilibre entre le prévenir, le guérir et le soigner ainsi qu'une prise en compte suffisante des services sociaux. Nous croyons également que pour répondre adéquatement aux besoins, les services de première ligne doivent tenir compte des inégalités de santé de la communauté desservie, doivent être en mesure de s'adapter aux problèmes en croissance ou en émergence et, forcément, doivent tenir compte des particularités locales ou régionales.

Une qualité professionnelle et scientifique des services rendus est également nécessaire. Ainsi, les approches basées sur les données probantes doivent être de plus en plus intégrées aux pratiques, tant médicales que sociales. Ces approches, couplées à des systèmes d'information qui permettent la rétroaction, peuvent contribuer à diminuer les problèmes de sous ou de surutilisation des technologies10

disponibles. Toutefois, il faut prendre garde de basculer dans une logique high tech ou seuls les services à haute intensité technologique sont privilégiés. En

10 Comprendre ici le terme technologies dans son sens le plus large. 33

Page 40: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

première ligne, les aspects relationnels des services (high touch) sont tout aussi importants. Et dans un contexte où le nombre de personnes souffrant d'incapacités ne fait qu'augmenter, le soutien aux aidants doit devenir une priorité.

Une première ligne forte passe aussi par la capacité des dispensateurs, tant du secteur privé que du secteur public, tant des services de santé que des services sociaux, de collaborer entre eux dans la perspective d'une meilleure intégration des services. Le dossier-patient informatisé disponible pour les divers professionnels consultés, peu importe leur lieu de dispensation des services, est un des ingrédients essentiels à la réussite de ce travail en réseau.

Le renforcement des soins primaires devrait donc à nos yeux représenter l'une des priorités de la commission. Les travaux de Starfield ont bien mis en lumière le fait que plus les soins primaires sont importants dans le système de santé d'un pays donné, meilleur est l'état de santé de la population, plus élevé est le niveau de satisfaction des usagers, et plus la croissance des coûts est maîtrisée.11

La deuxième implication que nous désirons faire ressortir a trait à l'amélioration de l'efficience des hôpitaux. L'analyse du Conseil converge avec celle évoquée dans le rapport Bédard qui a récemment été rendu public par le ministère12. Nous sommes favorables à une évolution progressive du mode de financement des hôpitaux qui irait dans le sens d'une rétribution sur la base des actes effectués, des hôpitaux à l'acte pourrait-on dire. L'hôpital évoluerait ainsi pour devenir une organisation dotée d'un plateau technique, qui livrerait - le mode ambulatoire serait dominant -des services spécialisés avec efficience. Les hôpitaux pourraient évoluer à l'intérieur d'un marché interne et, dans les régions où le nombre d'hôpitaux le permet, se faire concurrence entre eux. Au niveau de la régulation du réseau, des activités de benchmarking deviendraient monnaie courante. L'hôpital aurait donc l'incitatif de retourner le malade à l'équipe de première ligne qui en assume la responsabilité et maintiendrait des liens avec les dispensateurs du système de santé via le système d'information. Dans une telle vision, l'hospitalo-centrisme qui caractérise encore beaucoup le fonctionnement du système de santé québécois serait renversé en faveur d'une responsabilisation plus grande de la première ligne et d'une intervention ciblée, et limitée dans le temps, de l'appareil hospitalier et de la médecine spécialisée qui s'y rattache.

11 Voir Starfield B, Primary care, Balancing Health Needs, Services, and Technology, Oxford University Press, 1998.

12 Bédard, Denis. Le financement des soins socio-sanitaires : Une nouvelle étape possible dans la réforme du système. Rapport préparé pour le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, Observatoire de l'administration publjque - ENAP, janvier 2000.

34

Page 41: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Implications pour le financement

Parmi les leviers disponibles pour orienter et soutenir le processus de changement, le financement constitue vraisemblablement le plus puissant. La capacité de l'État d'orienter le système est fonction de l'importance de sa participation au financement. Le Conseil tient à réitérer sa conviction à l'effet que le financement du système de santé québécois doit demeurer public. Cela dit, le caractère public du financement n'est pas synonyme de fonctionnement optimal. Les difficultés auxquelles nous sommes présentement confrontés en sont la preuve éloquente. I l est impératif de reconsidérer les différents incitatifs financiers qui opèrent à l'intérieur du système actuel et la Commission devra faire preuve d'une certaine audace et d'une grande fermeté dans ses recommandations afin d'infléchir certaines tendances qui prévalent.

Au niveau de la première ligne, les mesures incitatives devraient rétribuer la prise en charge d'une communauté de personnes pour un maximum de services, par un groupe de médecins de famille associé à une équipe multidisciplinaire et certains médecins spécialistes. Ces incitatifs devraient favoriser une plus grande collaboration entre les médecins des cabinets privés et les praticiens des CLSC. Comme l'a fait le Conseil médical du Québec, nous préconisons un paiement prospectif per capita comme étant la mesure la plus appropriée. Ce paiement prospectif pourrait constituer la base d'une rémunération mixte et être majoré en fonction de l'atteinte de certains objectifs de performance telle la dispensation de services préventifs prioritaires.

Au niveau de la deuxième ligne, les incitatifs devraient tendre à accroître la productivité des services spécialisés, ce qui nous amène à préconiser le financement des hôpitaux par coût unitaire de production, un modèle qui a largement été expérimenté de par le monde et qui pourrait avantageusement remplacer le budget global actuel.

Par ailleurs, nous ne pouvons que réitérer l'importance que le ministère de fa Santé et des Services sociaux se dote de mécanismes permettant de mieux juger de la pertinence de l'introduction de certaines technologies coûteuses, notamment au chapitre des médicaments. Tel que déjà mentionné, des mécanismes de décision s'appuyant par exemple sur des analyses coût/avantage permettraient de limiter l'accroissement des coûts tout en préservant les services assurés. A ce titre, le Conseil des directeurs de santé publique croit que la désassurance de services n'est pas une option à privilégier, à moins qu'il existe un consensus sur l'inutilité ou la

35

Page 42: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

dangerosité du service en cause. Car, inévitablement, la désassurance se fait au détriment des moins bien nantis financièrement.

Nous ne saurions omettre d'aborder le financement de la prévention. Comme nous l'avons indiqué, l'expérience des dernières années nous porte à penser qu'en l'absence d'un financement dédié à la prévention, il pourrait devenir difficile de préserver les sommes requises dans le contexte d'une croissance générale des besoins et d'une prévalence plus grande des incapacités. Les services préventifs étant généralement moins visibles, leur retrait peut apparaître plus aisé que pour d'autres services dont les citoyens, par leurs plaintes ou autrement, pourraient revendiquer le maintien. La pertinence sociale, voire économique, des services préventifs individuels et collectifs s'impose à sa face même, et prend largement appui sur les valeurs et les orientations gouvernementales adoptées historiquement par le Québec. Qu'on prenne pour exemple le bilan des actions gouvernementales

Schéma XVXH en matière de développement social récemment publié par le comité interministériel présidé par la ministre Marois.

Enfin, nous devons insister sur le fait que le financement doit tenir compte des particularités régionales et locales. Seuls des modes de financement souples peuvent stimuler les initiatives et favoriser le développement d'actions novatrices en réponse aux besoins des communautés locales, qu'il s'agisse d'intervention visant à prévenir, guérir ou soigner.

Une gestion préventive

Tout comme le mettait récemment de l'avant l'équipe de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre, les défis qui se posent actuellement au système de santé suggèrent une stratégie de gestion différente, une gestion préventive. Centrée sur chacun des objectifs du système de santé et de services sociaux qui sont prévenir, guérir et soigner, et s'inspirant d'une philosophie d'amélioration continue, cette approche procède en séquences à partir d'une analyse des problèmes et de leurs déterminants, des interventions qui ont été démontrées utiles - par des approches scientifiques ou tout simplement sur la base de l'expérience - et d'un effort systématique pour déployer les interventions éprouvées et en monitorer les résultats.

36

Page 43: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Schéma X V m

Cette approche repose sur une gestion de l'information à chaque étape, que ce soit des études et des analyses, des travaux de recherche et de développement ou la mise sur pied d'un système d'information et le développement d'indicateurs permettant d'assurer le monitorage des processus et des effets sur la santé. Une approche de gestion, en somme, qui préconise d'agir avant, à chaque fois que c'est possible et qui vise l'efficacité pour le plus grand nombre, au meilleur coût.

Une politique de la santé et du bien-être renouvelée

La Politique de la santé et du bien-être adoptée en 1992 a permis de rappeler que les services de santé ne sont pas les seuls à influencer la santé. Bien qu'elle ait été reconnue comme un modèle sur le plan international, elle n'a pas eu tout l'impact souhaité et ce, tant auprès du réseau de )a santé qu'auprès des autres secteurs. Sa mise à jour apparaît nécessaire.

Pour devenir un véritable engagement de l'État en faveur de la santé et du bien-être, cette politique renouvelée devra être portée par l'ensemble des ministères. Elle devra préciser la contribution attendue des différents secteurs, notamment ceux du transport, de l'éducation, de l'emploi, de la sécurité du revenu et de l'environnement. En ce qui concerne le réseau de la santé et des services sociaux, elle devra spécifier davantage les résultats escomptés et la contribution attendue du système de soins et de services en matière d'amélioration de la santé et du bien-être.

37

Page 44: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

CHAPITRE IV La contribution de la santé publique

En tant que directeurs de santé publique, nous sommes prêts à appuyer de façon active bon nombre des solutions proposées dans notre mémoire. Cette contribution s'inscrit dans le cadre du mandat qui nous est confié par la Loi sur les services des santé et les services sociaux, soit d'informer la population, d'identifier les situations susceptibles de mettre sa santé en danger puis voir à la mise en place des mesures nécessaires à sa protection et d'assurer le développement d'une expertise en promotion et en prévention. Certaines de ces contributions correspondent à des activités déjà en cours dans l'ensemble de nos directions de santé publique. Par ailleurs, d'autres correspondent à des activités qui ne sont réalisées que de façon partielle par quelques directions et qui, pour être généralisées, nécessiteront des développements importants à moyen et à long termes.

Le monitoring de l'état de santé et de bien-être et des besoins de h population

Les directions de santé publique peuvent contribuer à déceler les problèmes de santé et de bien-être prioritaires ou en émergence, à cerner les groupes les plus vulnérables ainsi que les principaux facteurs de risque présents dans la population de leur territoire. Ce monitoring implique notamment la connaissance des systèmes d'information existants, l'établissement de systèmes de surveillance, le développement d'indicateurs, le jugement de la qualité des données recueillies et la communication de ces informations. Ce n'est que dans la mesure où les systèmes d'information permettront d'obtenir plus de renseignements sur les activités ambulatoires, que les directions de santé publique pourront mieux suivre l'évolution des maladies chroniques, leurs facteurs de risque de même que le parcours des malades dans le système de soins. L'ensemble des informations et des conditions requises à l'obtention de ces informations ont été identifiées à l'annexe I . Ces informations favoriseront des prises de décisions éclairées en matière d'offre de services aux niveaux local et régional.

39

Page 45: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

La réduction des risques à la source, pour contribuer à diminuer la demande de services

Par le soutien au développement et à l'implantation des services préventifs de première ligne - tels que la vaccination ou les programmes de stimulation précoce destinés aux tout-petits - de même que par la prestation de services préventifs de deuxième ligne - tels que l'expertise-conseil, la formation ou l'élaboration de guides de pratique à l'intention des praticiens du réseau - les directions de santé publique contribuent à diminuer l'incidence de certains problèmes de santé ou des problèmes sociaux, jouant ainsi sur la demande de services curatifs. Des interventions en matière de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, des actions sur les milieux de vie (sécurité, environnement, milieu de travail, école) de même que des activités d'éducation et de promotion de saines habitudes de vie ont démontré leur efficacité à préserver la santé et le bien-être. Des efforts importants devront être consentis par nos équipes pour développer et consolider des approches visant à réduire les facteurs de risque associés aux maladies chroniques.

L'implantation et la coordination de services de dépistage populationnels

Certaines activités de dépistage, lorsqu'elles sont offertes d'une manière organisée et systématique à une population donnée, contribuent à diminuer la mortalité et la morbidité. Nos équipes de professionnels, en collaboration avec les directions d'organisation des services de nos régies régionales, organisent et coordonnent les services du Programme québécois de dépistage du cancer du sein. Elles seront en mesure d'implanter et de coordonner les futurs programmes de dépistage populationnels, notamment le dépistage du cancer du col utérin et, éventuellement, le dépistage du cancer colo-rectal.

Le soutien aux approches de gestion préventive, plus particulièrement au niveau des maladies chroniques

Tel que nous l'avons mentionné, une gestion préventive de la maladie suppose une gestion de l'information à chaque étape du cycle de gestion. Nos professionnels possèdent les méthodes et les outils pour assurer le monitorage des problèmes de santé à l'échelle d'une population. I ls peuvent identifier les interventions et les modes d'organisation des soins qui ont été démontrés les plus efficaces pour résoudre ces problèmes. Une fois ces analyses effectuées, nos professionnels sont en mesure de collaborer avec les milieux cliniques afin de favoriser la prise de décision basée sur des données probantes, de soutenir la modification des pratiques professionnelles et d'amener une meilleure intégration des activités

40

Page 46: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

préventives aux interventions cliniques. Finalement, ils peuvent contribuer à l'évaluation de l'efficacité des interventions déployées.

Les actions qui peuvent modifier les déterminants non-médicaux de h santé

S'il est vrai que bon nombre des leviers permettant d'améliorer la santé et le bien-être appartiennent aux autres secteurs que celui de la santé et des services sociaux, il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre d'actions peuvent être menées par notre réseau pour influencer les déterminants non-médicaux. Nos directions contribuent, auprès des acteurs locaux et régionaux, au diagnostic interdisciplinaire de problématiques complexes. Elles travaillent à favoriser la participation des communautés dans la recherche de solutions pouvant contribuer à améliorer leur santé et à mobiliser les partenaires des autres secteurs. L'analyse des politiques publiques quant à leur impact sur la santé et la diffusion de ces informations auprès de la population, des cliniciens et des décideurs constituent d'autres interventions de santé publique pertinentes, à mener conjointement avec l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). La Politique de santé et de bien-être constitue certainement une des politiques publiques maîtresse pour l'atteinte d'objectifs de santé et de bien-être. Les directeurs de santé publique et leurs équipes sont prêts à collaborer à la révision de la politique actuelle.

L'évaluation de la performance du système

Enfin, nous souscrivons à l'approche préconisée par l'OMS en matière d'évaluation des systèmes de santé. Nous croyons qu'il est indispensable que l'on utilise des indicateurs de plus en plus parlants quant à l'atteinte des objectifs reliés à l'amélioration de la santé de la population, à la réponse aux attentes face aux services ainsi qu'à la répartition de la contribution financière. En ce qui nous concerne, nous croyons que des indicateurs de mesure du niveau de santé de la population et de la distribution de cet état de santé parmi les citoyens doivent être développés. Ces indicateurs assureront, d'une part, un meilleur suivi de la performance d'ensemble de notre système de santé et, d'autre part, une meilleure évaluation de la performance des soins et services à l'échelle locale et régionale.

Car, conformément à notre mandat professionnel conféré par l'article 3731 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, nous croyons qu'il est de notre responsabilité d'informer la population des impacts de l'organisation des services sur la santé. Nous nous engageons, avec nos partenaires nationaux tel l'INSPQ, à participer à la définition des indicateurs de santé, au processus d'analyse des

41

Page 47: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

données et à la diffusion de ces informations auprès des décideurs, des cliniciens et de la population. Nous croyons que c'est au prix de ces efforts que les modes de pratique, les modes d'organisation des soins et l'ensemble du système seront véritablement orientés vers l'atteinte d'une meilleure santé pour tous.

42

Page 48: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

CONCLUSION

Le Conseil des directeurs de santé publique tenait à intervenir publiquement dans le cadre des travaux de la Commission d'étude sur les services de santé et les services sociaux. Fidèle à notre mission, nous avons voulu informer les commissaires sur les problématiques en émergence, les groupes vulnérables et les interventions les plus appropriées pour y faire face. Nos recommandations s'inscrivent dans une philosophie générale de gestion préventive, une stratégie qui offre le potentiel de recentrer le système sur ses objectifs prioritaires en s'appuyant sur des interventions de qualité fondées sur des données probantes et l'information la plus complète possible. Nos recommandations s'inscrivent également dans la perspective de la remise à jour très attendue de la politique de la santé et du bien-être pour 2002. Comme l'ont proposé nos collègues de l'Association des médecins spécialistes en santé communautaire, le secteur de la santé et des services sociaux a plus que jamais besoin d'un tel cadre si l'on aspire à améliorer la performance du système.

I l nous fera plaisir d'en discuter plus à fond avec les commissaires dans un avenir prochain, et, il va sans dire, de collaborer aux actions qui seront entreprises par la suite, dans l'objectif de préserver cet acquis collectif considérable que représente, malgré ses imperfections, le système de santé et de services sociaux québécois.

43

Page 49: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

ANNEXE I

| UN SYSTÈME DE SANTÉ PERFORMANT

I APPUYÉ PAR UN SYSTEME D'INFORMATION EFFICACE

Un ensemble d'informations sont requises pour rendre compte adéquatement des effets du système de santé. Certaines conditions sont cependant nécessaires pour que ces informations soient pertinentes et utiles. Ainsi, nous devrions être en mesure de :

1. Suivre le profil de consommation de soins de santé, individu par individu, en jumelant différents fichiers

Actuellement, il est difficile et souvent impossible de suivre un individu à l'intérieur d'un même fichier ou par jumelage de plusieurs fichiers administratifs (naissances, RAMQ fichier des actes médicaux, RAMQ fichier des médicaments, registre des urgences, MED-ÉCHO, Intégration-CLSC, décès...) pour les raisons suivantes :

> absence d'identifiant unique pour établir les liens entre les bases de données. Par exemple, il est actuellement impossible de connaître et de surveiller l'état de santé des travailleurs puisqu'il est impossible d'obtenir de l'information tirée de différents fichiers : CSST, MED-ÉCHO, RAMQ;

> restrictions d'accès à l'information pourtant existante;

> informations incomplètes, absentes ou difficilement exploitables à des fins de planification et d'évaluation;

> coûts d'acquisition parfois élevés;

> cadres de référence différents entre établissements ou systèmes d'information (par exemple : codification du problème de santé différent dans Intégration CLSC et MED-ÉCHO).

44

Page 50: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

2. Développer des fichiers dont l'information ne dépend pas du mode de rémunération des médecins

L'information inscrite dans le fichier des actes médicaux se limite aux actes dispensés par des médecins rémunérés à l'acte. Peu d'informations font part des problèmes de santé. L'information disponible pour les actes provenant de médecins salariés dans les CLSC peut être jumelée aux autres données du système d'information Intégration CLSC mais elle n'est toutefois pas compatible avec les données recueillies dans les fichiers de la RAMQ. Ces difficultés sont, entre autres, reliées aux cadres de référence ci-haut mentionnés.

3. Supporter les coûts d'acquisition ou de production de banques de données

Les données des fournisseurs externes au réseau de la santé ont vu leur coût augmenter ces dernières années. Les fournisseurs à l'intérieur même du réseau de la santé ont vu leurs ressources dévolues au traitement et à la diffusion des données amputées. Les ressources dites informationnelles ont été essentiellement affectées à l'informatique plutôt qu'à l'information. Cest à la base même, là où la donnée est colligée, que des ressources humaines, financières et informatiques doivent être affectées prioritairement.

4. Améliorer l'accès à des données existantes dans des fichiers difficilement accessibles à notre réseau (fichier du coroner, etc.)

Le système de santé doit acquérir une compréhension large de ses intrants et extrants pour pouvoir agir eff icacement et, ainsi, corriger le tir des aberrations du système dont de larges pans sont laissés sans services ou offrent des services discontinus.

5. Développer et améliorer les systèmes d'information pour les soins de première ligne tels les services d'urgence, les cliniques externes, les cabinets privés, les services ambulatoires

Les données actuelles permettent seulement de connaître la consommation des services les plus lourds comme les hospitalisations. Ceci rend donc à peu près impossible le calcul de mesures de prévalence et d'incidence des maladies qui constituent des indicateurs essentiels à une bonne planif ication.

45

Page 51: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

6. Réduire les délais dans l'obtention des données

Les dernières années ont été marquées par une augmentation du délai entre l'obtention des données et le moment de l'événement, particulièrement pour les données en provenance du MSSS.

Par ailleurs, il existe au moins deux types de données sous l'angle de leur utilisation, celles d'opération (gestion du système de santé ) et celles de planification (estimation des besoins). I l faudrait prévoir des filières différentes pour chacun.

a) Les données d'opération : les données des clientèles des établissements d'une région (exemples : Méd-Écho local, Centres jeunesse, Intégration CLSC, etc.) pourraient parvenir aux Régies régionales, sur une base trimestrielle avec un maximum de trois mois pour « fermer » la transmission. La validité et la fiabilité en seraient plus faibles mais « l'à-propos » pourrait être plus élevé. Deux scénarios sont possibles : une transmission de l'établissement à la Régie, puis de la Régie régionale au MSSS ou la transmission simultanée de l'établissement vers le MSSS et la Régie régionale.

b) Les données de planification pour lesquelles les niveaux de fiabilité et de validité doivent être maximums (base d'allocations budgétaires, définition de nouveaux services, etc.). I l faut viser la réduction des délais actuels, par exemple à six mois de la « fermeture » d'un fichier. Des notions d'imputabilité sont en cause mais aussi le manque de ressources humaines, financières et informatiques adéquates.

7. Maintenir et améliorer les enquêtes de santé de la population

Cette cueillette de renseignements permet d'approfondir les connaissances sur les problèmes de santé ne nécessitant pas une hospitalisation et sur les problèmes de santé absents des systèmes d'information actuels, ces problèmes étant en autres les incapacités, la santé mentale et toutes les informations sur les déterminants de la santé en général.

46

Page 52: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

8. Développer des systèmes d'information portant sur la consommation des services sociaux, de réadaptation et de prévention

Le système de santé québécois est doté de différentes facettes d'action permettant de desservir la population sur toutes les dimensions comprises dans une définition large de la santé. Les hôpitaux sont loin d'être le seul axe d'action du système et les mesures d'opération et de planification des autres partenaires du réseau sont fort déficientes.

9. Systématiser les méthodes d'identification du statut socio-économique des individus de façon à mesurer tes inégalités sociales d'accès au système de santé

Notre système de santé repose sur des valeurs de justice sociale et d'équité, et les dernières observations faites à partir de nos banques de données ou d'enquêtes laissent croire que notre système dessert de moins en moins bien les personnes les plus démunies. Nos systèmes d'information doivent nous permettre de suivre ce phénomène afin de corriger le tir de la même façon que nous pouvons actuellement suivre les différences associées au sexe.

Conclusion

Pour connaître les besoins et suivre l'évolution des problèmes de santé de la population, il faut développer une infrastructure informationnelle appropriée.

Pour être utile, l'information doit circuler rapidement dans le réseau de la santé, du producteur de données à l'utilisateur d'information. À cet effet, il faut améliorer les communications entre les producteurs de données et les utilisateurs de l'information, système par système et ce, dès le début de la construction de ces derniers.

I l ne faut pas oublier que l'accès aux données est une chose mais que leur validité en est une autre tout aussi importante. On est souvent confronté aux limites des données en provenance de fichiers développés à des fins administratives plutôt qu'à des fins de connaissance/surveillance de l'état de santé et de planification du système.

47

Page 53: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux

Les systèmes d'information actuels doivent être modifiés pour permettre le suivi des pratiques et des orientations contemporaines du réseau. Ils doivent fournir davantage d'informations sur les résultats que sur les processus, davantage d'informations sur un mode d'intégration de services que sur la prestation des services en silos, et davantage d'informations sur l'utilisation privilégiée des ressources ambulatoires et communautaires que sur la prestation traditionnelle des services en institution.

48

Page 54: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm

O 14.900 E 4 3 5 6

2 —

SANTE PUBLIQUE (CRRSSSQ • CDSP)

EVOLUTION DES BESOINS DE LA P O P l ^ T I O N ET IMPLICATIONS POUR LE SYSTEME Dfc SAN TE

O 1 4 , 9 0 0 E x . 2

Page 55: CONFÉRENCE DES DU QUÉBEC SANTÉ PUBLIQUE€¦ · Conseil des directeurs de santé publique Conférence des régies régionale dse la santé et des services sociaux acteurs du systèm