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L’ARMÉE DE L’AIR S’EST SAISIE DE LA QUESTION DE LA LUTTE ANTI- DRONES ET ÉTABLIT DES MODES OPÉRATOIRES AFIN DE PROTÉGER LES INFRASTRUCTURES CRITIQUES ET LES ÉVÉ- NEMENTS SENSIBLES. RENCONTRE AVEC LE GÉ- NÉRAL VINCENT COUSIN, COMMANDANT LA DÉ- FENSE AÉRIENNE ET LES OPÉRATIONS AÉRIENNES. Pourriez-vous nous présenter le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes ? Quelles sont ses missions ? Comment fonctionne-t-il ? Quel est son positionnement dans le domaine des drones ? Le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), installé à Lyon, repose sur deux missions principales. La première cor- respond à la mission de police du ciel, c’est-à-dire comment protéger le territoire national de toute menace aérienne. La deuxième mission, sous l’au- torité du chef d’état-major des armées, est de commander, programmer et conduire les opérations aériennes à partir de la métropole, comme le raid contre la Syrie en 2018 (l’opéra- tion Hamilton). Autre exemple, aujourd’hui nous commandons et conduisons les opérations aériennes au Sahel. Il est important de préciser que la mission de police du ciel est directement réalisée sous l’autorité du Premier ministre. C’est la première illustration de N. VERCELLINO COMMANDANT DE LA DÉFENSE AÉRIENNE ET DES OPÉRATIONS AÉRIENNES « NOUS ADOPTONS UNE DÉMARCHE OPÉRATIONNELLE » INTERVIEW GÉNÉRAL COUSIN 12 N° 2673 31 JANVIER 2020 www. air-cosmos.com

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L’ARMÉE DE L’AIR S’EST SAISIE DE LA QUESTION DE LA LUTTE ANTI-DRONES ET ÉTABLIT DES MODES OPÉRATOIRES AFIN DE PROTÉGER LES INFRASTRUCTURES CRITIQUES ET LES ÉVÉ-NEMENTS SENSIBLES. RENCONTRE AVEC LE GÉ-NÉRAL VINCENT COUSIN, COMMANDANT LA DÉ-FENSE AÉRIENNE ET LES OPÉRATIONS AÉRIENNES.

• Pourriez-vous nous présenter le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes ? Quelles sont ses missions ? Comment fonctionne-t-il ? Quel est son positionnement dans le domaine des drones ?Le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), installé à Lyon, repose sur deux missions principales. La première cor-respond à la mission de police du ciel, c’est-à-dire comment protéger le territoire national de toute menace aérienne. La deuxième mission, sous l’au-torité du chef d’état-major des armées, est de commander, programmer et conduire les opérations aériennes à partir de la métropole, comme le raid contre la Syrie en 2018 (l’opéra-tion Hamilton). Autre exemple, aujourd’hui nous commandons et conduisons les opérations aériennes au Sahel.

Il est important de préciser que la mission de police du ciel est directement réalisée sous l’autorité du Premier ministre. C’est la première illustration de

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son caractère interministériel. Outre le ministère des Armées, quatre acteurs étatiques sont concernés  : le ministère des A�aires étrangères, mais aussi celui de l’Intérieur – dès qu’un aéronef en infraction touche le sol –, les douanes (Bercy) et en�n le ministère des Transports à travers la DGAC. Dans le cadre de cette mission, des accords bilatéraux existent avec tous nos voisins, ce qui nous confère plus d’anticipation et d’e�cacité.

La seconde illustration du caractère interministériel est juridique. A n’importe quelle heure du jour et de la nuit, nous pouvons faire décoller un avion de chasse, au titre du code de l’aviation civile. Si nous devons mettre en œuvre des contraintes d’itinéraires, que l’on demande à un appareil de changer sa route ou de se dérouter, nous le fai-sons au titre du code des trans-ports. Enfin, si nous sommes amenés à utiliser la force, nous le faisons au titre du code de la défense. Le commandement de la défense aérienne assure ce continuum juridique sous l’autorité du Premier ministre au cours d’une seule et même mission.

Et, en�n, la troisième illustra-tion de son caractère intermi-nistériel s’exprime à travers les femmes et les hommes qui tra-vaillent à Lyon, au cœur même du Centre national des opéra-tions aériennes. Pour être plus concret encore, nous avons par exemple trois o�ciers de liaison représentant la gendarmerie, la police et les douanes. Un cor-respondant de la DGAC com-plète le dispositif. Chacun par-ticipe à la réussite des missions qui nous sont con�ées.

Dans le domaine de la police du ciel, nos missions sont nom-breuses et reposent sur le rôle central du Centre national des opérations aériennes, qui permet d’assurer 24  heures sur 24, 7 jours sur 7, la super-vision globale de notre espace aérien. De quoi s’agit-il  ? Nous sommes d’une certaine manière la tour de contrôle, les

sentinelles du ciel français. Un maillage de radars, militaires et civils, répartis sur le territoire est notre outil. Quotidiennement 12  000  avions doivent être détectés, identifiés, classifiés. Nous déployons des moyens importants tels que les avions de chasse, des hélicoptères, un Awacs ou encore un avion ravi-tailleur. Ces vecteurs sont en permanence en alerte et per-mettent de rejoindre n’importe quel point de l’espace aérien en quelques minutes seulement.

En fonction de la situation, ce dispositif peut être adapté et renforcé, par exemple lors de visites d’autorités ou d’événe-ments majeurs.

Lors d’événements majeurs, nous créons des bulles de protec-tion, appelées DPSA (Dispositif particulier de sûreté aérienne). Nous exerçons notre mission de sûreté aérienne sur la totalité de cette bulle, du sol au plafond ! Et la lutte antidrones (LAD) rentre pleinement dans notre mission de sûreté aérienne. Elle fait par-tie de notre responsabilité de protection du territoire natio-nal face aux menaces aériennes. Pour assumer cette mission, nous pouvons faire appel à une panoplie de moyens comme des moyens sol-air de longue portée ou courte portée, mais aussi des avions de guet à vue, ou encore employer un drone dédié à la mission de sûreté aérienne, pour la surveillance de longue durée de zones particulières.

Par ailleurs, le CDAOA dis-pose d’une capacité autonome d’évaluation de la menace dans l’espace aérien. Nous échangeons et partageons bien entendu avec un certain nombre de services, voire avec nos alliés, et, sous le prisme de la sûreté aérienne, nous établis-sons notre propre évaluation de la menace dans le ciel. Avant la conception d’une bulle de protection, nous croisons ces évaluations pour déterminer le niveau et la nature de la menace, ce qui nous conduit à adopter la meilleure posture d’alerte. Cette capacité d’analyse acquise

notamment par nos o�ciers de renseignement nous permet de disposer d’une appréciation autonome éprouvée par des années d’expérience.

• Comment l’armée de l’Air se positionne-t-elle sur les segments de la détection, de l’identification et de la neutralisation ?Au titre de la mission de sûreté aérienne, en particulier dans les bulles de protection, il est de la responsabilité du CDAOA de protéger le sol de toute menace aérienne, y compris des drones.

Pour la lutte antidrones, nous adaptons l’organisation

générale de nos dispositifs. On pourrait parler d’espaces aériens gigognes, composés d’une bulle principale de protection per-manente au-dessus de la France entière. Lors d’événements par-ticuliers – comme à Biarritz, lors du Sommet du G7 d’août dernier –, nous créons une bulle temporaire pour faire face à des menaces de type ULM, avions commerciaux, avions de tou-risme. Au sein de cette dernière, il existe une bulle encore plus

particulière – plus petite mais pas moins essentielle – pour la lutte antidrones. Cette bulle dispose de ses propres règles d’engagement. Nous adaptons nos processus décisionnels en fonction de la situation.

Lors de ces événements très spéci�ques (G7, 14 Juillet, Salon du Bourget), nous pro-tégeons de manière tempo-raire des espaces géographiques circonscrits. Dans le cadre de cette mission, nous avons établi un partenariat structurant avec Aéroports de Paris (ADP), qui est un opérateur majeur de la sûreté aérienne avec qui nous partageons les mêmes objectifs

opérationnels de sécurité des vols, un enjeu important dans le domaine de la lutte antidrones.

Nous avons appris de ces trois grands DPSA de 2019 qu’un minidrone, s’il est suspect, doit se traiter comme un avion. Il faut le détecter, l’identi�er, le classi�er et, si nécessaire, inter-venir. Lors des DPSA, l’armée de l’Air supervise les dispositifs interministériels de lutte anti-drones. En la matière, l’anti-cipation est essentielle, ce qui

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revient à dire qu’il faut se doter des meilleurs moyens pour voir tout ce qui vole dans la bulle de protection pour, in �ne, coor-donner les di�érents acteurs.

Les sites du G7, du 14 Juillet et du Bourget avaient chacun ses propres caractéristiques. Nous avions besoin d’avoir un système modulable qui puisse intégrer et positionner di�érents types de capteurs, les mieux adaptés tant à la typologie des sites à protéger qu’à la nature de la mission. L’agilité était essen-tielle. C’est aussi pour cela que nous avons décidé d’exploiter le C2 (Command & Control) d’ADP à l’architecture ouverte.

Comme je vous l’évoquais, après avoir détecté, notre deu-xième objectif est d’être en capacité d’identi�er, c’est-à-dire par exemple, de faire la di�é-rence entre un avion, un oiseau, un drone. L’intelligence arti�-cielle du système d’Hologarde, filiale d’ADP, avec qui nous travaillons depuis nos premiers essais menés en mars 2019, nous a permis cette fonctionnalité. En cas de fausse alarme, nos opéra-teurs exploitent en temps réel ces informations pour nourrir notre intelligence artificielle. Durant l’activité, nous sommes constamment proactifs.

Le troisième consiste à pou-voir classi�er. Cela évolue d’une bulle de protection à l’autre. Au G7, nous avons ainsi géré plus de 100 vols de drones amis (des forces de sécurité intérieure en particulier). Il est primordial de prendre en compte cette acti-vité. Nouvelle preuve de l’im-portance de la prise en compte de cette menace, le centre opé-rations de lutte antidrones et la cellule de coordination de l’ac-tivité aérienne étaient colocali-sés au poste de commandement interministériel du G7.

En�n, le quatrième objectif est d’être en capacité de neu-traliser. Pour cela, dès que nous détectons une activité anormale, nous devons pouvoir agir le plus rapidement possible. Notre dis-positif permet de localiser aussi bien les opérateurs que, bien

sûr, les drones. Les informa-tions acquises sont transmises en temps réel aux forces de sécu-rité intérieure. Dès que le drone touche le sol, elles prennent le relais. Comme vous le voyez, dans les bulles de protection, nous supervisons l’ensemble des acteurs concourant à la lutte antidrones.

• Comment voyez-vous les JO 2024 en matière de drones et de lutte antidrones ? Certains évoquent des services par drones, allant de pair, finalement, avec l’expansion des livraisons par drones. Est-ce que cela est réaliste ?Chaque acteur de la sécurité a conscience de l’enjeu des JO 2024. Pour nous aussi, c’est évidemment un objectif majeur. La lutte antidrones y a toute sa part. Grâce au partenariat avec ADP, nous allons intégrer la situation aérienne détectée sur Paris directement dans notre Centre national des opérations aériennes à Lyon. Notamment, pour les JO, nous mutualise-rons les moyens pour une plus grande sécurité partagée. ADP nous apporte une capacité d’in-formations et de détection pri-mordiale pour gérer l’activité au-dessus de Paris qui accueil-lera la compétition olympique.

Même s’il n’est pas certain que les taxis volants soient en service à cette échéance, il s’agit

d’un tra�c qu’il va falloir prendre en compte à terme. Amazon annonce qu’il disposera de ses propres drones, comme pro-bablement les médias. En ce qui nous concerne, la vraie difficulté est la multiplica-tion des objets et des acteurs. Nous devrons composer, dans un avenir proche, à la fois avec des acteurs étatiques et privés (EDF, SNCF, RTE, les forces de sécurité intérieure à côté des Amazon et Uber). Par ailleurs, le tra�c commercial aura dou-blé d’ici 2035. Dès 2024, c’est une évidence, il y aura encore et toujours plus de vols à gérer. Du côté du CDAOA, nous devons être en mesure d’agréger toutes les données qui arriveront au Centre national des opérations aériennes. Dans le cas d’in-cidents en France, ce centre devra assurer la direction des opérations aériennes au pro�t des personnes en charge de la sécurité.

• D’après vous, quelles sont les principales menaces dans le domaine de la lutte anti-drones et les défis auxquels le CDAOA doit faire face ?La 5G et la fulgurance de la transmission des données qui va y être associée pose, entre autres, la question des menaces en essaim. Parallèlement, nous devons être capables de faire face à des drones à navigation

inertielle. Nos systèmes de neu-tralisation devront être adaptés, anticipant la menace, ce sur quoi nous travaillons d’ores et déjà. Nous pensons qu’en fonction de la distance de la menace, nous pouvons faire évoluer le moyen de neutralisation et combiner les outils présents ou émergents. La menace est tellement évolutive que c’est l’innovation et les pro-cessus courts d’acquisition qui nous feront rester au plus près de cette menace pour la traiter. C’est ce travail que nous menons avec l’AID (Agence Innovation Défense) et qui nous a permis de nous équiper d’une première capacité expérimentale a�n de mûrir des concepts d’opération. Nous souhaitons le faire avec d’autres acteurs, en privilégiant l’innovation française. Enfin, toujours dans la volonté de partager nos expériences et de nous enrichir des autres travaux réalisés, nous partageons nos avancées et nos recherches avec les acteurs étatiques de la LAD.

Face à cette menace, nous sommes déterminés, mais nous restons humbles face à sa grande évolutivité.

• Quels sont les grands chantiers du CDAOA ?L’agilité de notre système de C2 nous permet d’intégrer di�é-rents capteurs pour avoir la meil-leure combinaison à l’approche des JO. Il est impossible de �xer

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un cahier des charges pour un besoin di�cilement identi�able pour les trois ou quatre pro-chaines années, du seul fait de l’évolution constante des tech-nologies. En revanche, le fait d’avoir un C2 ouvert nous per-met d’avoir l’agilité requise pour pouvoir intégrer à tout moment les capteurs les plus performants. Ces ré�exions et analyses sont partagées avec l’Onera et son programme Shield basé sur un C2 ouvert proche du nôtre. En ce qui nous concerne, et compte tenu de notre spéci�cité, nous adoptons, vous l’aurez compris, une démarche opérationnelle. L’Onera, quant à elle, est par nature tournée vers la recherche pour définir également les meilleures combinaisons de capteurs. Les deux approchent se complètent et grandissent ensemble. Par ailleurs, le C2 que nous avons retenu pour la LAD [lutte antidrones] a vocation à être interopérable avec les sys-tèmes bientôt en service dans les forces, tel que le Milad (moyen interarmées de lutte antidrones).

Notre prochaine échéance est le sommet Afrique-France de début juin à Bordeaux. Nous avons tiré des enseignements des précédents DPSA, identi�é les améliorations possibles, et nous aurons encore progressé d’ici ce sommet. C’est un pro-cessus d’amélioration constante. Puis, nous aurons la coupe du monde de rugby en 2023 qui permettra de valider, et éven-tuellement d’ajuster nos choix, avant les JO 2024.

• Comment le CDAOA collabore-t-il avec la DGAC sur le plan réglementaire ?Dès le début, la menace drones a été prise en compte au plus haut niveau de l’Etat. Le SGDSN [Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale] a été chargé de coordonner les tra-vaux interministériels avec la création de plusieurs groupes de travail. Aujourd’hui, nous disposons d’un comité de pilo-tage drones qui se réunit très régulièrement sous son égide.

A cette occasion, nous échan-geons avec la DGAC sur les travaux réglementaires conduits au plan national et européen. Le dernier arrêté d’application de la loi drones, relatif à l’obligation de signalement électronique, est paru en décembre 2019. La DGAC travaille également sur l’évolution de la loi de 2016 pour l’adapter à la nouvelle réglementation européenne publiée en 2019. Les drones peuvent avoir un impact de sécurité important, mais égale-ment de sûreté, et c’est là notre cœur de métier.

• Sur le plan de la neutralisation, nous constatons l’émergence des systèmes laser et à micro-ondes. Comment la France se positionne-t-elle sur ces technologies ?Sur la Base aérienne 701 de Salon-de-Provence, nous nous appuyons sur le pôle drones de l’armée de l’Air, le Cifed (Centre d’initiation et de forma-tion des équipages de drones). S’y trouve également le centre de recherche de l’école de l’Air, qui suit, analyse et évalue les technologies émergentes et les progrès réalisés dans le domaine de la lutte antidrones.Nous suivons de près, avec la DGA et le ministère de l’Inté-rieur, l’ensemble des nouvelles technologies. Les systèmes laser

et à micro-ondes en font partie. Dans le respect de la réglemen-tation, nous réalisons des expéri-mentations en conditions réelles, sur la Base aérienne de Salon-de-Provence. C’est une plate-forme d’essais et d’évaluation essentielle. Nous y préparons également du Red Teaming. Il s’agit de concevoir et traiter les scénarios les plus complexes et malveillants auxquels nous pourrions être confrontés.

• Quels sont actuellement vos besoins ?Comme pour toute évolution technologique majeure, il faut des ressources humaines nou-velles et adaptées. C’est un dé� que nous devons relever pour les JO 2024. Aujourd’hui, les opéra-teurs de systèmes sol-air (Crotale, SAMP/T) diversifient leurs compétences. Ils sont habitués à traiter des images de situations aériennes et à travailler avec des radars. Ils sont très performants et opérationnels. Cependant, nous avons un besoin de plus d’opérateurs sur le C2 qui soient dotés de capacités réactives et agiles. N’oublions pas que ce que nous appelons commu-nément JO intègre plusieurs phases : la �amme Olympique, les jeux Olympiques et les jeux Paralympiques. La période sera dense, avec au moins quatorze sites à protéger. Les jeux sont

un enjeu majeur, une mani-festation à vocation universelle pour laquelle nous nous devons d’être au rendez-vous. C’est pourquoi en région parisienne, le partenariat avec ADP s’avère absolument fondamental.

Sur le plan technologique, ce que l’on veut désormais c’est avoir des radars qui voient le plus loin possible, une intelli-gence arti�cielle qui progresse encore, aussi bien pour la discri-mination que pour la neutralisa-tion. A titre d’exemple, il faudra disposer d’outils capables de neutraliser à la fois sur des dis-tances étendues et très réduites.

La lutte antidrones est un sujet d’une acuité toute particu-lière aujourd’hui, et nous allons monter en puissance jusqu’à avoir pu déterminer, avec l’en-semble des acteurs, le meilleur des systèmes nous permettant de faire face à cette menace. Le travail au sein du ministère des Armées, avec la DGA, mais aussi en interministériel, est une clé essentielle pour apporter les solutions les plus adaptées.

Exclusif version Premium : base de données des systèmes de lutte antidrones

■■ Propos recueillis par Justine Boquet

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UN CENTRE DE RECHERCHE AMÉRICAIN A PUBLIÉ UN RAPPORT CONSACRÉ À LA LUTTE ANTIDRONES. CELUI-CI MET EN AVANT LES BESOINS DE DIFFÉRENTS ACTEURS AINSI QUE LES SOLUTIONS PERMETTANT DE FAIRE FACE À CE TYPE D’AÉRONEFS.

L a lutte antidrones demeure un sujet d’actualité. S’il a considérablement émergé

à la suite des incidents de Gatwick, à l’hiver 2018, il reste d’intérêt pour de nombreux acteurs. Certes, les aéroports et compagnies aériennes expri-ment leur inquiétude face à la menace des drones, mais ce ne sont pas les seules. Armées, polices et gestionnaires d’in-frastructures sensibles sont éga-lement préoccupées par le sujet.

Le Center for the Study of the Drone a ainsi publié une deu-xième édition de son rapport consacré aux systèmes de lutte antidrones. L’auteur, Arthur Holland Michel, y décrit les typologies de menaces ainsi que les moyens permettant d’y faire face. Y figure également une base de données répertoriant les di�érentes solutions existantes sur le marché et permettant de faire face aux drones non colla-boratifs (voir édition Premium d’Air & Cosmos). « Les systèmes de défense aérienne tradition-nellement employés […] sont optimisés pour la détection, le suivi et la neutralisation des objets se déplaçant à grande vitesse  », met ainsi en avant l’étude, démontrant l’inaptitude des systèmes actuels à faire face à des drones, des aéronefs de petite taille se déplaçant beau-coup plus lentement. A titre d’illustration, « en juillet 2016, un drone à voilure �xe russe a volé à l’intérieur de l’espace aérien israélien, en provenance de la Syrie, malgré le tir de deux missiles Patriot et d’une attaque air-air conduite à partir d’un chasseur ».

ADAPTER LA RÉPONSE.Dans un environnement de pro-lifération des drones, et alors que les systèmes de défense aérienne s’avèrent pour la plupart ina-daptés à faire face à ce type de menace, de nouvelles solutions ont émergé sur le marché. Si des systèmes complets existent, la lutte antidrones repose sur deux briques technologiques. D’une part, il faut être capable

de détecter, suivre et identi�er le drone. Dans ce champ, il est possible de s’appuyer sur un radar, sur un système de détec-tion des radiofréquences, sur des caméras électro-optique et/ou infrarouge ou encore sur des capteurs acoustiques. A�n d’as-surer la meilleure couverture possible de la zone surveillée, le mieux reste encore de combi-ner di�érents senseurs. D’autre part, lorsque cela est possible, il faut pouvoir être en mesure de neutraliser le drone détecté. Plusieurs types de brouilleurs (RF et GPS) existent dans ce domaine. Il est également pos-sible d’entrer dans le système de communication ou de navi-gation du drone a�n de pira-ter les données. Des faisceaux lumineux peuvent être mis en œuvre pour aveugler la caméra du drone, de même que des lasers pour détruire l’aéronef. Des technologies basées sur les micro-ondes émergent également afin de perturber l’électronique embarquée. Plus conventionnel, certains systèmes de lance-�lets venant se coincer dans les pâles ont également vu le jour. Des munitions plus standards peuvent également

être employées, une solution souvent combinée à d’autres moyens permettant notam-ment d’immobiliser le drone. En�n, on a vu apparaître des drones antidrones. L’ensemble de ces moyens peuvent être intégrés sur différents types de plateformes, qu’elles soient �xes, mobiles ou portables. Car les besoins des acteurs qui sou-haitent se prémunir contre la menace des drones sont sou-vent assez di�érents. En e�et, entre protéger une emprise fixe, un événement ponctuel ou un convoi, les moyens qui peuvent être déployés ne sont pas les mêmes. D’autant que la question de l’opérateur du sys-tème antidrones doit aussi être prise en compte. Les moyens de neutralisation existants sur le marché sont souvent limités aux militaires, policiers, douanes et administrations pénitentiaires.

Exclusif version Premium : base de données des systèmes de lutte antidrones

■■ Justine Boquet

DRON

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IELD

ANTIDRONES

Une industrie dynamique

Nombre de produits

27738

175

Nombre d'industriels

Pays d’origine

Systèmes conçus pour la détection

214Systèmes conçus pour la neutralisation

148Systèmes capables de détection et de neutralisation

260Systèmes �xes

55Systèmes mobiles

106Systèmes portables

CHIFFRES CLÉS de la lutte anti-drones

Chiffres clés de la lutte anti-drones : : 537 : 277 Pays d'origine : 38 : 175 : 214 : 148 Systèmes �xes : 260 Systèmes mobiles : 55 Systèmes portables : 106

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DÉFENSE

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L’ENTREPRISE CERBAIR SPÉCIALISÉE, DANS LA DÉTECTION DE RADIOFRÉ-QUENCES, A FINI L’ANNÉE 2019 EN BEAUTÉ, AVEC UN CHIFFRE D’AFFAIRES HUIT FOIS SUPÉRIEUR À CELUI DE L’ANNÉE 2018.

L ’année 2019 aura été un bon cru pour CerbAir, jeune entreprise spéciali-

sée dans la lutte antidrones. Avec une belle dynamique initiée dès le début d’année, 2019 s’est clô-turée sur plusieurs contrats pour l’entreprise. Parmi les succès notables, on notera notamment le contrat export remporté en Colombie en novembre dernier, à l’occasion du salon Expodefensa, visant à équiper les bases aériennes de l’armée colombienne de systèmes mobiles de lutte antidrones. Une commande permettant par ailleurs à CerbAir de pénétrer le marché sud-américain. En parallèle, CerbAir a remporté le concours organisé par l’ac-célérateur EIT Digital, dans le domaine « digital cities » visant à identifier des technologies clés pour les villes de demain. Plusieurs succès, donc, qui ont permis à la PME francilienne de dépasser ses objectifs et de mul-tiplier ainsi par huit son chi�re d’a�aires, par rapport à 2018.

DÉVELOPPEMENT.Bien qu’ayant développé son savoir-faire sur la détection de radiofréquences (communica-tion entre la télécommande et le drone), CerbAir est égale-ment conscient que les besoins du marché sont aussi nombreux que les acteurs qui le composent. Après s’être focalisé dans un pre-mier temps sur cette détection primaire, reposant sur l’analyse des radiofréquences, CerbAir a décidé de développer de

nouvelles compétences dans le champ de la détection, notam-ment sur le plan de la gonio-métrie, en améliorant la portée du système et sa précision, mais également de la neutralisa-tion, qui passe par le brouillage. « Aujourd’hui, nous souhaitons continuer à monter en savoir-faire sur les radiofréquences, en disposant de portées adaptées aux différentes typologies de clients », détaille Lucas Le Bell, directeur général de CerbAir. L’objectif est également de pouvoir rendre le brouillage plus �n, a�n de le concentrer sur une zone particulière. « L’enjeu est de pouvoir mettre au point une technologie de brouillage permettant de limiter les inter-férences », ajoute Lucas Le Bell.

Par ailleurs, afin d’appor-ter une solution à l’ensemble des acteurs souhaitant se pré-munir contre la menace des drones, CerbAir a également décidé de se tourner vers l’éla-boration d’un système intégré, permettant une combinaison de capteurs et de technologies connectés à un C2 (Command and Control), développé par la PME. Il sera dès lors pos-sible de « pluger dans le C2 d’autres solutions en fonction des besoins clients et de démo-cratiser ainsi les solutions inté-grées a�n de pouvoir les mettre entre les mains d’un plus grand

nombre », détaille Lucas Le Bell. Par cette approche, il est possible de moduler le système, en fonc-tion de la zone à protéger. Cela permet également de limiter les coûts pour les acteurs du civil, lesquels ne peuvent pas forcé-ment se permettre de se doter de systèmes complets, souvent produits par des industriels de la défense.

DIVERSIFICATION.Toujours dans l’optique de s’adapter aux besoins des clients, CerbAir a fait évoluer ses pro-duits, et notamment la façon dont ils peuvent être mis en œuvre. Après avoir mis au point une solution �xe, une solution mobile et une solution portable, l’industriel travaille désormais sur l’intégration de son système au sein d’un véhicule. Une diversification permettant de s’adapter aux di�érents types de situations pouvant être rencon-trées sur le terrain.

CerbAir identifie quatre typologies de menaces avec les drones  : l’espionnage, les risques de collision avec d’autres aéronefs, les risques d’attaque avec emport d’explosifs et en�n les risques d’acheminement de contrebande. Des risques qui concernent donc également les aéroports. Aujourd’hui, selon les déclarations o�cielles, entre trois et cinq aéroports seraient

dotés de systèmes de lutte anti-drones, à l’échelle mondiale. Une dizaine conduiraient des expérimentations. Des chi�res venant dès lors corroborer l’idée d’un marché en pleine explosion, et pour lequel les budgets s’avèrent extrêmement variables. D’autant que le mar-ché aéroportuaire représente un véritable enjeu technolo-gique. En e�et, la GTA (gen-darmerie des transports aériens) n’est pas forcément favorable à l’emploi de brouilleurs en rai-son des dommages collatéraux pouvant être causés. Pour le cadre aéroportuaire, l’emploi de contre-mesures électro-niques semble complexe. Pour cela CerbAir « propose de trai-ter la question du télépilote », en détectant sa position, avant même que le drone n’ait pu décoller.

Lors d’une expérimentation conduite en janvier, CerbAir a ainsi pu démontrer cette capa-cité. Un cône, sur l’écran de contrôle, permettait en effet d’estimer la position de l’opé-rateur du drone et de suivre son évolution à partir de la détec-tion du spectre de radiofré-quences. CerbAir avait pour l’occasion déployé sa solution mobile, articulée autour d’un mât télescopique équipé de quatre capteurs radiofréquences.

■■ Justine Boquet

CERB

AIR

ANTIDRONES

Coup de boost pour CerbAir

DÉFENSE

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LA SOCIÉTÉ LILLOISE MC2 TECHNOLOGIES A DÉVELOPPÉ SON SAVOIR-FAIRE AUTOUR DES HYPERFRÉQUENCES. UN SAVOIR-FAIRE LUI PERMETTANT DE SE POSITIONNER SUR LE MARCHÉ DE LA LUTTE ANTIDRONES.

M C2 Technologies, PME lilloise ayant vu le jour en 2004, a développé

depuis quelques années désor-mais un savoir-faire dans le domaine de la neutralisation des drones. L’entreprise, avec un chi�re d’a�aires de 8 M€ en 2019, a ainsi mis au point depuis 2016 plusieurs solutions autour de la technologie du brouil-lage, pouvant à la fois s’articu-ler autour de systèmes �xes ou portables.

Parmi les produits phares de l’entreprise �gure notam-ment le Nerod F5, lequel a été labellisé grands événements pour la protection des jeux Olympiques de 2024. Un fusil

brouilleur de 7 kg, qui avait été présenté à l’occasion du 14 juil-let, lors du dé�lé. Une démons-tration venant de facto montrer l’intérêt des forces françaises pour ce système, dont la DGA (Direction générale de l’arme-ment) a commandé plusieurs unités. Fusil monobloc, capable d’intervenir sur cinq bandes de fréquences, il se caractérise par sa facilité d’emploi. En e�et, la seule partie amovible reste la batterie, pouvant être échan-gée en l’espace de quelques secondes. Nouvelle version du Nerod, le F5 est plus compact et plus léger que les modèles précédents : un véritable sujet pour MC2 Technologies.

RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT.En effet, l’entreprise investit massivement dans la recherche et le développement afin de perfectionner ses systèmes et de répondre au mieux aux besoins des utilisateurs. Cela représente plus de la moitié de son budget annuel. A partir des Retex (retours d’expérience) des opérationnels, MC2 fait évoluer son fusil. Ainsi, la PME est parvenue, en un an, à l’alléger d’un kilo, à renforcer l’au-tonomie de la batterie, à le com-pacter (il mesure 10 cm de moins que l’ancien modèle) et à amé-liorer l’ergonomie a�n de facili-ter sa mise en œuvre. Un chantier sur lequel MC2 Technologies entend bien continuer de tra-vailler au cours des prochaines années. Autre axe d’effort : les bandes de fréquences. C’est ainsi que l’industriel présentera o�ciel-lement d’ici quelques semaines

une nouvelle version du Nerod, capable de brouiller sur six bandes de fréquences. Une palette per-mettant dès lors au fusil brouilleur d’être employé partout à travers le monde. « Aujourd’hui notre sys-tème est e�cace contre 98 % des protocoles de drones vendus dans le commerce », affirme MC2. Les 2 % restants correspondent aux drones faits maison. Et pour pouvoir préserver de tels résultats, l’entreprise regarde également du côté des communications afin d’appréhender les menaces de demain. « Notre système est évo-lutif et c’est également pourquoi nous faisons des recherches sur le brouillage des fréquences 4G et 5G », ajoute l’entreprise.

Autre système portable pro-posé par MC2 : le Scrambler 300. Celui-ci se compose d’un fusil capable de brouiller trois bandes de fréquences et d’un sac à dos « contenant tout le rack d’émis-sion, comme un caisson », décrit MC2 Technologies. L’ensemble pèse environ 8 kg, dont 3 kg pour le fusil.

Enfin une version fixe de son système de brouillage a également été mise au point, le Scrambler 1000. Doté d’an-tennes omnidirectionnelles, il peut brouiller entre trois et cinq bandes de fréquences et permet d’établir une bulle de protection autour d’infrastruc-tures sensibles.

Après avoir conquis la France, l’industriel espère désormais pouvoir pénétrer le mar-ché export. De nombreuses marques d’intérêt lui auraient d’ores et déjà été communi-quées dans ce sens. Par ailleurs, bien conscient que la lutte antidrones ne se limite pas à la neutralisation, l’entreprise a su établir des partenariats avec des industriels spécialisés dans la brique détection, permettant dès lors de proposer une solu-tion globale.

Exclusif version Premium : base de données des systèmes de lutte antidrones

■■ Justine Boquet

MC2

TEC

HNOL

OGIE

S

NEUTRALISATION

MC2 Technologies se spécialise dans les fusils brouilleurs

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LE RAID S’EST ENTRETENU AVEC AIR & COSMOS SUR LA QUESTION DE LA LUTTE ANTIDRONES. CONNAÎTRE LA TYPOLOGIE DE LA MENACE ET ÊTRE CAPABLE DE S’ADAPTER À SON ÉVOLUTION SONT AU CŒUR DE SON MODE D’ACTION.

S ’il est bien une chose sur laquelle le ministère des Armées et le ministère

de l’Intérieur tombent d’accord lorsqu’on parle de lutte anti-drones, c’est bel et bien la néces-sité de coordonner les moyens d’action. Un rôle qui revient au CDAOA (Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes). « Dans le cadre d’un événement pro-grammé d’envergure, comme cela était le cas pour le G7, la coordination des moyens de détection est placée sous le commandement de l’armée de l’Air car la maîtrise du ciel lui revient », explique ainsi le poli-cier du Raid avec lequel nous nous sommes entretenus, chef de la section d’appui opération-nel du Raid. Et ce, avant d’ajou-ter : « Qui dit lutte antidrones

dit obligation de coordonner les moyens qui vont occuper l’es-pace, à savoir les drones, mais également les aéronefs tels que les hélicoptères. »

LIMITER LES RISQUES.Si l’armée de l’Air est char-gée de protéger l’ensemble de l’espace aérien, le Raid est pour sa part impliqué dans les opérations au sol et la pro-tection des autorités et per-sonnalités publiques. Dès lors, di�érents enjeux doivent être pris en compte a�n d’assurer une protection optimale de la zone dé�nie, mais également de limiter les possibles dom-mages collatéraux. A partir de là, il est nécessaire pour le Raid de collaborer avec l’armée de l’Air a�n de pouvoir connaître l’état de la situation aérienne.

Mais il faut également prendre en compte les infrastructures avoisinantes et les personnes au sol. « Nous ne souhaitons pas faire tomber le drone au sol, car nous ne pouvons pas anticiper les dégâts causés. L’idée est véri-tablement de préserver les per-sonnes au sol […] De même, la neutralisation passant par les technologies de brouillage des fréquences, il faut prendre en compte les impacts créés par cette perturbation. Nous devons étudier ce qu’il y a dans l’environnement et identi�er des infrastructures sensibles telles que les hôpitaux. Nous pouvons alors adapter notre mode opératoire et mettre de côté l’omnidirectionnel afin de réduire le champ et exclure certains secteurs  », ajoute le policier du Raid.

ANTICIPER LES MENACES.Le dispositif de lutte antidrones employé par le Raid, souvent articulé autour d’un dôme de protection et d’une solution

mobile en cas de déplacement à l’extérieur du périmètre, est de par nature évolutif en raison des avancées technologiques propres aux drones. Pour cela, des échanges réguliers avec les industriels sont réalisés, de même qu’avec les services de renseignements a�n d’identi�er les nouvelles technologies et les modes opératoires. Dans tous les cas, « le drone est considéré comme un colis suspect volant. Pour cela, nous nous sommes rapprochés de la sécurité civile pour évaluer au plus fort la capacité d’emport et l’impact d’une explosion a�n de pou-voir dé�nir des périmètres de sécurité. Cette évaluation est revue fréquemment en fonc-tion des Retex. Par nécessité, nos dispositifs sont forcément évolutifs », détaille le policier du Raid. D’autant que les drones évoluant dans le ciel ne sont pas tous les mêmes. Il existe ainsi les drones classiques, achetés dans le commerce ; les drones programmés, qui ont pu être abandonnés en amont de l’événement, fonctionnant à partir de coordonnées GPS et de paramétrages préenregis-trés ; les drones à voilure �xe qui, malgré la neutralisation, continueront à voler en raison de l’inertie, et en�n, les drones issus de l’aéromodélisme. Face à ce panorama, il est dès lors nécessaire de pouvoir anticiper les conséquences du brouillage sur le vecteur. « Nous travail-lons sur des dispositifs de cap-ture pour emmener la menace beaucoup plus loin » et limiter les dommages collatéraux, dont la responsabilité serait imputée à l’unité d’élite.

■■ Justine Boquet

CERB

AIR

L’entreprise Cerbair, spécialisée dans la détection de radiofréquences, a fini l’année 2019 en beauté, avec un chiffre d’affaires huit fois supérieur à celui de l’année 2018.

RAID

Anticiper la menace pour mieux s’adapter

DÉFENSE

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FACE À LA PROLIFÉRATION DE LA MENACE DRONES SUR LES THÉÂTRES D’OPÉRATIONS, LE DÉPAR-TEMENT DE LA DÉFENSE A DÉCIDÉ D’ADOPTER UNE POSTURE PROACTIVE.

L e major general Sean Gainey, de l’US Army, a été choisi pour diriger une équipe

dédiée à la lutte antidrones. Soixante personnes, issues du département de la Défense, seront impliquées sur ce sujet, dont le but est de faire émer-ger et « maturer  » des solu-tions pour la lutte antidrones. La création de cette équipe au sein de la défense américaine fait suite à un constat partagé par de nombreuses armées. Sur les théâtres d’opérations, et en particulier au Moyen-Orient, les drones sont fréquemment employés par l’Etat islamique a�n de conduire des attaques. Modifiés pour emporter des charges explosives, ces aéronefs peuvent venir causer de lourds

dégâts et perturber plus lar-gement la conduite d’une opération. Souvenons-nous des attaques conduites par un essaim de drones sur une base russe en Syrie et ayant endommagé plusieurs avions de combat, ou plus récemment de l’attaque perpétrée contre des infrastructures pétrolières en Arabie saoudite, qui aurait

entre autres été conduites par un essaim de drones.

SÉLECTIONNER.Dans ce sens, Ellen Lord, la sous-secrétaire à la Défense pour l’acquisition et la mainte-nance, a fait part de son souhait de voir émerger trois à cinq systèmes antidrones, capables de répondre à cette problématique,

mais également adaptés à la réalité des opérationnels sur le terrain. Avec la constitution de ce groupe de travail, le dépar-tement à la Défense montre ainsi l’intérêt porté au sujet de la lutte antidrones et vient par là même affirmer qu’il s’agit d’une menace bien réelle en opérations. Un responsable militaire précisait à l’occa-sion du discours d’Ellen Lord que les IED (engins explosifs improvisés), qui représentaient la menace numéro 1 en opex il y a dix ans, ont progressivement été remplacés par les drones. Ces aéronefs peuvent être employés pour causer des dommages, mais également pour conduire des missions d’espionnage et de renseignement.

L’équipe constituée par le département de la Défense devra vite plancher sur le sujet, car elle doit présenter ses conclusions dès le mois d’avril. Les systèmes les plus adaptés seront alors sélectionnés et pourront être employés pour protéger les forces américaines.

■■ Justine Boquet

ETATS-UNIS

Une équipe dédiée à la lutte antidrones

Système ADIS de Liteye.

LITE

YE -

SYS

T AD

IS

L a société américaine Liteye a annoncé le 13  janvier avoir livré au gouver-

nement des Etats-Unis des systèmes de lutte antidrones. Ces systèmes de défense repré-sentent ainsi un montant de 10 M$ et s’inscrivent dans le cadre de livraisons régulières pour l’armée amér icaine, lesquelles ont débuté il y a désormais trois ans. Liteye, qui

n’a cependant pas précisé le nombre de systèmes remis aux forces américaines, annonce par ailleurs que les contrats passés avec le gouvernement amé-ricain culminent désormais à 70 M$. Les premiers systèmes remis aux forces auraient d’ores et déjà été employés en opéra-tion et « éprouvés au combat, parvenant à contrecarrer plus de 1 000 attaques de drones,

opérés par l’Etat islamique, les talibans et autres groupes non étatiques », détaille Liteye.

SYSTÈMES COMPLETS.Quoi qu’il en soit, l’industriel précise avoir livré des systèmes complets, nommé AUDS (anti-UAS Defense Systems), permet-tant de détecter, suivre, iden-ti�er et neutraliser des drones malveillants. Ils se composent

ainsi d’un radar, d’une caméra électro-optique et d’un système permettant d’intervenir sur les communications radiofré-quences afin de neutraliser l’aéronef. Une version « conte-neurisée » de ce système existe également, couplant aux tech-nologies hardware un cockpit qui permet d’intégrer les opé-rateurs et logiciels d’analyse.

■■ JB

MOYENS

Liteye livre des systèmes antidrones au gouvernement américain

DÉFENSE

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L’ORGANISATION EUROPÉENNE POUR L’ÉQUIPEMENT DE L’AVIATION CIVILE SE SAISIT DU DOSSIER LUTTE ANTI-DRONES ET SOUHAITE ÉTABLIR DES STANDARDS POUR LA PROTECTION DES AÉROPORTS.

E urocae, l’organisation européenne pour l’équi-pement de l’aviation

civile, a formalisé un groupe de travail dédié aux questions de lutte antidrones en milieu aéro-portuaire. La présidence de ce groupe, nommé WG-115, a été donnée à l’entreprise espagnole Indra, représentée par Jorge Munir El Malek. L’ambition est ainsi de dé�nir des standards et des exigences minimales auxquels les systèmes de lutte antidrones doivent pouvoir répondre avant d’être implan-tés sur un aéroport. L’objectif

est également de permettre une intégration de ces systèmes en harmonie avec les solutions aéroportuaires existantes.

Les travaux du WG-115 ont débuté dès le mois de décembre, à l’occasion d’une première réunion ayant regroupé « 44 experts, repré-sentant 36 organisations, dont la Commission européenne, l’Agence européenne de la sécurité aérienne (Aesa) et Eurocontrol », rapportait ainsi Indra le 17 janvier dernier. De nouvelles réunions auront lieu en 2020 et 2021, en vue de

produire trois documents de référence détaillant le concept d’emploi, les spéci�cations tech-niques des systèmes de détec-tion et en�n les enjeux liés à l’interopérabilité des moyens de neutralisation avec les systèmes d’ores et déjà déployés sur les

aéroports. L’enjeu est bel et bien de pouvoir mettre en œuvre des technologies antidrones sans impacter les activités aéropor-tuaires et les avions commer-ciaux, notamment au niveau des systèmes de communication.

■■ Justine Boquet

ADP

ANTIDRONES

Protéger les aéroports

« Votre ENTREPRISE peut soutenir la Fondation des Œuvres Sociales de l’Air »

• La Fondation des Œuvres sociales de l’air (FOSA) a pour mission de porter assistance au personnel de l’Armée de l’Air, de la Direction Générale de l’Aviation Civile, de Météo France ainsi qu’à leur famille et ayants droit : aide  nancière en cas de décès, en casde dif cultés sociales, durant la scolarité des orphelins, pour l’aide à la reconstruction des blessés en opérations. La FOSA aide aujourd’hui plus de 300 orphelins et plus de 150 familles et blessés.

• Reconnue d’utilité publique depuis 1937, la FOSA est un outil de solidarité qui vient soutenir dans la durée l’action des organismessociaux de l’État. Elle n’a pas d’adhérents ni de cotisations, et ne peut poursuivre ses actions d’entraide que grâce à des DONSet au SPONSORING lors des « meetings de l’air® » qu’elle organise.

• En 2020, la FOSA organisera un meeting de l’air sur la base aérienne 709 de COGNAC-CHATEAUBERNARDles 13 et 14 juin.

• VOTRE ENTREPRISE peut devenir PARTENAIRE de ce meeting de l’air, et ainsi valoriser son image et af cher son attachementet sa solidarité avec la famille de l’aéronautique. Un meeting de l’air a également pour but de promouvoir l’aéronautique et de susciter des vocations auprès des plus jeunes.

Si cette opportunité vous intéresse, contactez dès maintenant Cyril Mikaïloff, Directeur délégué d’Air&Cosmos, [email protected] – 06 21 71 11 18 : vous serez mis en relation.

Fondation des Oeuvres Sociales de l’Air

SOLIDARITÉ ET ENTRAIDE POUR TOUS

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