RECHERCHES D'ARCHÉOLOGIE AÉRIENNEEN CÔTE D'OR EN 1984-1985

R. Goguey.

Les campagnes de prospection aérienne effectuées en 1984-1985sur les sites archéologiques de la Côte-d'Or ont été marquées parune évolution des moyens employés : constitution de nouveauxéquipages au sein de l'Aéro-Club de la Côte-d'Or, avion CessnaCardinal mieux adapté à ces missions, matériel photographiqueplus perfectionné acquis avec l'aide du Conseil Régional de Bour-gogne. Une disponibilité « 7 jours sur 7» a permis de consacrertout le temps nécessaire à la recherche en affinant la méthodologie :

— répétition des survols à intervalles rapprochés : en juillet 1985a été constatée la disparition de traces visibles un soir, effacéesdans la nuit alors que d'autres apparaissaient le lendemain. Des« missions » trop rares ne sont donc pas suffisantes ;

— multiplication des clichés au cours de balayages serrés des surfacesexplorées, soit par projectoires en S, soit par virages à 360° avec spiralespermettant d'observer chaque point sous dse angles différents ;

— utilisation généralisée de la lumière rasante : un vol est plus« rentable» en juillet de 17 à 20 heures que de 14 à 17 heures ;

— importance d'un pilotage personnel : un pilote non archéo-logue, si bien entraîné soit-il, ne donne pas à l'avion la trajectoireexactement souhaitée. En tenant soi-même les commandes, on peutd'instinct se placer au mieux pour examiner telle zone plus verteou plus sèche, revenir immédiatement et sans les perdre de vuesur les traces qui viennent d'être aperçues, déterminer avec précisionl'altitude et l'angle de visée les meilleurs ;

— mise à profit des conditions climatiques exceptionnelles :faible pluviosité et ensoleillement de mars-avril 1984, chaleur etsécheresse de juillet/août 1984 et 1985, sécheresse tardive de 1985.La campagne traditionnelle d'été a donc été complétée par unecampagne de printemps en 1984, par une campagne d'automneen 1985. Pour la Côte-d'Or, les résultats obtenus concernent essen-tiellement le Bassin de la Seine et le Bassin de la Saône '.

1. Ces recherches ont fait l'objet d'une communication à la Commissiondes Antiquités de la Côte-d'Or (séance du 18 mars 1987).

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Bassin de la Seine.

Malgré une couverture forestière importante, la multiplicationdes survols de juin à novembre a révélé de nombreux indices dansles vallées et sur les plateaux calcaires.

Quelques gisements peuvent être considérés comme pré-romains,soit par leurs caractères, soit par des éléments de chronologie rela-tive :

— fosses et petits dômes en relief dans la zone du tumulus dela Peute Combe à Chamesson ;

— ensemble de fosses découvertes en octobre 1984 dans un regainde luzerne à Saint-Colombe « La Combe aux Prêtres» et à Châtel-lenot. Sur ce dernier site les contrôles au sol montrent que les fosses,longues de 2 à 3 mètres, sont partiellement recouvertes par unechaussée antique, donc antérieures à cette voie (photo 1).

Certaines grandes enceintes à fossés-limites manquent de repèreschronologiques à Vannaire (enceinte rectangulaire), à Laignes(éléments d'enceinte courbe à double fossé, photo 2), à Marcenay(enceinte trapézoïdale à l'ouest de l'Etang et grand fossé enveloppant« La Levée » au sud du Ruisseau de Marcenay). A Vertault (enceinterectangulaire extra-muros) et à Montigny-sur-Aube (enceinte àangles arrondis) les enceintes sont associées à des voies antiques(photo 3).

A Vanvey, des substructions en forme de double carré avec tachesinternes ont été photographiées sur la pente du coteau occupé parla chapelle de Saint-Phal (photo 4). A Beneuvre, quelques élémentsd'habitat décelés à 800 mètres d'intervalle au sud du Mont-Aigudonnent un aperçu de l'étendue de l'agglomération gallo-romaine.Les recherches amorcées sur la métallurgie ont été poursuivies dansle cadre du programme « Mines et métallurgie du fer en Morvan-Auxois » dirigé par le Professeur Michel Mangin. Les photographiesont mis en évidence les structures correspondant aux scories etminerais observés au sol : meurgers et trous d'extraction à Villar-goix, bords de vallées entaillés de fronts rectilignes ou en lignesbrisées à Thoisy-la-Berchère. Des zones teintées par l'oxyde defer ont été repérées à Thoste, à Courcelles-Frémoy. A la Motte-Ternant, le plan d'une villa a été découvert en octobre 1985 à pro-ximité des gisements miniers.

Bassin de la Saône.

La prospection a porté sur la partie moyenne de la vallée de laSaône de Gray à Chalon-sur-Saône et sur les affluents de la rivedroite : Vingeanne, Bèze, Tille, Ouche, Vouge, Dheune. Couverte

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par les « lobes » de circulation aérienne strictement réglementéede Dijon-Longvic et d'Epagny, cette zone ne peut être survoléequ'avec l'accord de la tour de contrôle militaire. La collaborationdes pilotes et des contrôleurs nous a permis de travailler dans debonnes conditions en 1984-1985.

Fosses et fossés creusés dans le calcaire ou dans le gravier ontété plus visibles que les lignes de bâtiments cependant nombreuxdans la région :

— fossés circulaires typiques des enclos protohistoriques à Orville,à Is-sur-Tille, à Rouvres-en-Plaine/Thorey, à Tréclun, et dans labanlieue dijonnaise à Ahuy ;

— structures carrées et rectangulaires dans la zone industriellede Dijon-Longvic ;

— fossés orthogonaux à Varanges, à Trouhans (photo 5), enceinterectangulaire coupée par les deux fossés parallèles d'une voie antiqueà Thorey-en-Plaine ;

— lignes de cadastration fossile entre la Saône et le pied de laCôte dijonnaise, en particulier à Brazey-en-Plaine, à Genlis, à Longvicoù deux orientations différentes apparaissent au sud de la Noue(photo 6) ;

— nouveaux éléments sur le territoire déjà si riche des Maillys :enclos circulaires liés à des fossés linéaires sur la rive gauche dela Tille et à Mailly-le-Château, carrefour de voies et habitat, enceintedigitiforme à la limite Nord-Est des Bois-Royaux (photo 7).

Des édifices de petites dimensions — mais qui peuvent appartenirà des ensembles plus vastes — ont été photographiés à Thorey-en-Plaine, à Rouvres-en-Plaine (près d'un carrefour en patte d'oie),à Labergement-Foigney. Plus importants sont les bâtiments deFlagey-Echezeaux (photo 8) et ceux d'Is-sur-Tille « rive gauchede Pignon» (photo 9) qui rappellent, par leur nombre, leur répar-tition et leur association à des fosses multiples, la villa découverteen 1982 à Laignes-Martilly.

La surveillance répétée des grands sites a fourni de nouvellesinformations :

— à Mâlain : édifices isolés au Sud-Ouest du chantier de fouilles ;— aux Bolards : plans de bâtiments et taches circulaires (puits ?)

dans une luzerne à l'Est du site (photo 10) ;— à Mirebeau : porte Nord-Ouest 1984 et porte Sud-Ouest

1985 du camp de terre ; lignes inhabituelles, en relief dans les céréalescouchées par un orage en juillet 1984, des monuments du quartSud-Ouest de la forteresse.

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Photographie aérienne R. Goguey.

PHOTO 6. — Longvic-les-Dijon. Voie et cadastre fossile.

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Des structures médiévales sont à signaler à is-sur-Tille (petitemotte sur la rive droite de l'Ignon), à Marey-sur-Tille (fossés qua-drangulaires au lieu-dit « Le Préau »), à Longecourt (substructionsd'un château primitif).

Les prairies humides des bords de la Saône n'avaient donnéjusqu'ici que de rares traces exploitables ; des résultats plus pro-bants ont été obtenus en septembre-octobre 1985 en accentuantles effets de la sécheresse automnale par des prises de vues très obliquesavec soleil rasant :

— parcellaire fossile et traces agraires dans le méandre de laSaône à Pagny-la-Ville ;

— vaste ensemble de levées de terre et alignements orthogonauxde plots plus sombres dans les prairies « rive droite de la Saône »à Labergement-les-Seurre ;

— série de micro-reliefs sur la rive gauche de la Saône avec enaval le plan précis d'un petit carré double concentrique à Lamarche-sur-Saône.

Ainsi, l'examen des résultats obtenus en 1984-1985 prouve que,en l'absence de grandes découvertes spectaculaires « type 1976 »,on peut tirer de deux années globalement peu favorables une richemoisson d'indices. Ces indices, parfois inhabituels et fragmentaires,apportent les éléments d'un puzzle — celui de la carte archéologique —qui se complète progressivement. Ils seront souvent le point dedépart de nouvelles découvertes. Le bilan de la campagne de pros-pection aérienne « 1986» sur la Côte-d'Or démontre dès main-tenant l'efficacité d'une méthode qui exige — comme toute archéo-logie — plus de persévérance que de coups d'éclat.