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L’ exposition «Colonie» regroupe trois installations, qui se situent, s’intercalent et s’installent dans les espaces du pavillon de Lostanges. Colonie est d’abord le nom de l’installation présentée sur le terre-plein à l’entrée du site. Des éléments de formes, de tailles, de matériaux et d’origines différentes sont déposés là, ensemble. Leur caractéristique commune est d’être partielle- ment ou globalement contaminés par du lichen jaune orange. Ce sont des objets qui ont pris la marque du temps. Ils ont été collectés, glanés, détérrés, détachés d’endroits divers sur le territoire, au bord des routes, des rivières, des ruines, des périphériques des villes, des zones désaffectées … La pièce est «déposée» là dans un environnement qui pourrait être celui de chaque élément. Aussi hétéroclite que soit l’ensemble, «les bouts et les morceaux» sont rapprochés là, apposés les uns aux autres, comme faisant partie de la même famille, compo- sant un pointillisme coloré. Après la pluie est également une installation qui est moins un geste ou un objet de création, que le déplacement d’un phénomène qui existe déjà. Des gouttes d’eau ruissellent sur le grillage qui circonscrit l’espace de récréation, et qui donne sur le grand parc aux arbres. Les gouttes suivent la géométrie de la trame et cela produit un rythme, une danse. Leur mouvement révèle la régularité, la répétition du support (la grille) et en même temps c’est ce qui le génère. Ce travail oriente, canalise et active un phénomène qui a déjà lieu sur le site, après la pluie. De loin, rien n’est visible. En s’approchant, on distingue un «brouillage», un flou. Puis de près, le regard est retenu sur le grillage qui nous sépare du paysage. Les reflets de lumière sur les petits filets d’eau, les gouttes alternées révèlent le proces- sus. L’image aussi est une surface, une trame superposée, qui s’appréhende du local au global. Tout près, il s’agit de zones tachetées noir et blanc, des niveaux de gris, une surface pixel- lisée. En se détachant un peu, on identifie presque sa repré- sentation: un grand ciel sur un horizon de mer. L’ affiche de quatre mètres sur quatre mètres est collée à même le mur extérieur du bâtiment. A certains endroits elle est écorchée, «épluchée» , ce n’est pas le mur qui apparaît dans ces béances, mais la même affiche au pixel près. Cette surface «dessous» est elle-même écorchée par endroits et laisse appa- raître à nouveau la même image.. Comme pour Après la pluie, L’image joue d’un effet moiré, simultanément sur deux registres, deux trames, le «près-loin» mais aussi le «dedans-dehors» ou le «dessus-dessous»..

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L’ exposition «Colonie» regroupe trois installations, qui se situent, s’intercalent et s’installent dans les espaces du pavillon de Lostanges.

Colonie est d’abord le nom de l’installation présentée sur le terre-plein à l’entrée du site. Des éléments de formes, de tailles, de matériaux et d’origines différentes sont déposés là, ensemble. Leur caractéristique commune est d’être partielle-ment ou globalement contaminés par du lichen jaune orange. Ce sont des objets qui ont pris la marque du temps. Ils ont été collectés, glanés, détérrés, détachés d’endroits divers sur le territoire, au bord des routes, des rivières, des ruines, des périphériques des villes, des zones désaffectées … La pièce est «déposée» là dans un environnement qui pourrait être celui de chaque élément. Aussi hétéroclite que soit l’ensemble, «les bouts et les morceaux» sont rapprochés là, apposés les uns aux autres, comme faisant partie de la même famille, compo-sant un pointillisme coloré.

Après la pluie est également une installation qui est moins un geste ou un objet de création, que le déplacement d’un phénomène qui existe déjà. Des gouttes d’eau ruissellent sur le grillage qui circonscrit l’espace de récréation, et qui donne sur le grand parc aux arbres. Les gouttes suivent la géométrie de la trame et cela produit un rythme, une danse. Leur mouvement révèle la régularité, la répétition du support (la grille) et en même temps c’est ce qui le génère.Ce travail oriente, canalise et active un phénomène qui a déjà lieu sur le site, après la pluie.De loin, rien n’est visible. En s’approchant, on distingue un «brouillage», un flou. Puis de près, le regard est retenu sur le grillage qui nous sépare du paysage. Les reflets de lumière sur les petits filets d’eau, les gouttes alternées révèlent le proces-sus.

L’image aussi est une surface, une trame superposée, qui s’appréhende du local au global. Tout près, il s’agit de zones tachetées noir et blanc, des niveaux de gris, une surface pixel-lisée. En se détachant un peu, on identifie presque sa repré-sentation: un grand ciel sur un horizon de mer. L’ affiche de quatre mètres sur quatre mètres est collée à même le mur extérieur du bâtiment. A certains endroits elle est écorchée, «épluchée» , ce n’est pas le mur qui apparaît dans ces béances, mais la même affiche au pixel près. Cette surface «dessous» est elle-même écorchée par endroits et laisse appa-raître à nouveau la même image..

Comme pour Après la pluie, L’image joue d’un effet moiré, simultanément sur deux registres, deux trames, le «près-loin» mais aussi le «dedans-dehors» ou le «dessus-dessous»..

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1 La dessication est un procédé d’ élimination de l’ eau, d’un corps à un stade poussé. Il s’agit d’une déshydratation, visant à éliminer autant d’eau que possible. Ce phénomène peut être naturel ou forcé.

2 La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique, de façon inattendue, à la suite d’un concours de cir-constances fortuit, et très souvent dans le cadre d’une recherche concer-nant un autre sujet.

« Colonie » c’est le nom de la pièce de Linda SANCHEZ déposée à l’entrée du domaine de Lostanges. Des objets contaminés par du lichen.Le mot «  lichen  » vient du grec «  dartre, cal, plante, parasite », et se prononce likèn(e). Il désignait autrefois toutes les structures épythites dont les lichens encroû-tants, présentés comme des dartres.Le lichen peut résister à de très fortes dessications 1.

« Colonie » fragments de rochers, bouts de tuile, plots, vases, chapiteau, branches, ardoises, qui s’associent autour d’une identité nouvelle  : des tâches jaunes et oranges. Couleurs et formes se répondent. Initialement aucune familiarité ne présage de leur regroupement. A présent ils sont devenus nomades et d’autres objets pourront rejoindre la communauté.

Installée à Lostanges, «  Colonie  » par un étrange concours de circonstances que l’on pourrait désigner par le terme de sérendipité 2, se trouve en territoire conquis . Effectivement, en 2001, Clother COSTES Docteur de l’Université Toulouse III Paul Sabatier a réalisé un aper-çu de la végétation lichénique ainsi que le catalogue des lichens épithytes du site. Ce dernier avait été acheté par la ville de Castres en 1954 pour la garderie d’enfants de la caisse publique des écoles, puis utilisé comme centre de loisirs pour les centres de vacances : COLONIE.

Un parc de 6 hectares où se côtoient les chênes, les frênes, les érables et des espèces de lichens, peuplements corti-coles, dont 60 espèces ont été dénombrées . Ce sont des peuples sans frontières ! Amandinea, Arthonia, Bacidia, Candelaria …500 lichens pour le département du Tarn.

Les enfants regardent les arbres, la forêt, l’eau qui ruis-selle sur la trame du grillage, ils ignorent que COLONIE a peut être retrouvé sa famille…

Isabelle VASILIC