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Chronique des falsifications

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UN sous-Courtois... Est-ce pos-sible ? Est-il possible de faireaussi bien, voire mieux, quel’homme qui a inventé le pré-

tendu “génocide de classe” pour le com-parer au “génocide de race” nazi (l’ex-termination des Juifs) et ainsi relativiserce dernier ?

Le Monde en donne la preuve.

Trafics en tous genresLes trois articles de Jan Krauze sur la

révolution russe, dans Le Monde desmardi 6, mercredi 7 et jeudi 8 novembre,sont un modèle du genre : omissions defaits essentiels, distorsion de faits, fabri-cation de citations à partir de bouts dephrases extraits de leur contexte, soi-gneusement découpés et recollés dans leplus grand arbitraire, tout cela couronnépar une absence soigneuse de références.

Peut-être, feuilletant en hâte La Révo-lution russe de l’historien anglais OrlandoFiges, récemment publié aux éditionsDenoel, Jan Krauze est-il tombé sur unephrase que cite l’historien anglais : “Mêmesi nous devons brûler la moitié de laRussie et verser le sang des trois quartsde la population, nous le ferons si c’estnécessaire pour sauver la Russie” (1).S’il ne cite pas cette phrase, ses trois ar-

ticles publiés dans Le Monde semblentpourtant s’en inspirer. Il y prétend, en ef-fet, à grand renfort d’affabulations pui-sées dans la presse monarchiste blanchedes années vingt — dont La Terreur rougeen Russie, de Melgounov — ou le Livrenoir du communisme, de faits inventésou au contraire occultés, de rumeurs in-vérifiables et de citations tronquées, pri-vées de toute référence permettant decontrôler ses assertions, montrer que larévolution russe en général et Lénine enparticulier auraient mis en œuvre un telprogramme sanglant.

Le pland’extermination…d’un général blanc

Mais l’auteur de cette phrase est le gé-néral blanc Kornilov, que l’historien an-glais qualifie d’”idole des jeunes offi-ciers” et de “partisan d’une tactique plusaudacieuse (…) que celle d’Alexeiev”(autre général blanc) (2). Plus audacieuse,si l’on veut, mais en tout cas Kornilov,cette “idole des jeunes officiers” (blancs)

Un sous-Courtois...

(1) Orlando Figes, La Révolution russe, Denoël,2007, p. 692.(2) Ibidem.

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donne la dimension que lesdits blancs,soutenus par les gouvernements français,anglais, américain, japonais et autres,voulaient donner à leur combat pour ren-verser la révolution : une guerre d’exter-mination à laquelle les bolcheviks ont dûrépondre.

Au début du troisième article (jeudi8 novembre 2007), Jan Krauze écrit que“les bolcheviks, à peine parvenus aupouvoir, se sont retournés avec une bru-talité inouïe contre toutes les catégoriessociales” qui avaient fini par rejeter legouvernement provisoire (“les soldatsmutins, les ouvriers de Petrograd, lesdéserteurs, les paysans qui s’étaientd’eux-mêmes approprié les terres, et mêmela petite bourgeoisie des intellectuels”).

Comme la Tcheka ne sera créée quele 7 décembre et que, pendant les sixmois qui suivent, elle ne constitue qu’undétachement de quelques centainesd’hommes sans grand pouvoir, commel’Armée rouge n’existe pas encore et quele Parti bolchevique est paralysé par lacrise que suscite en son sein la discus-sion sur la paix de Brest-Litovsk (faut-ilsigner ou non cette “paix infâme” ?), onse demande sur quelle force se seraitalors appuyé le régime du Conseil descommissaires du peuple s’il s’était effec-tivement attaqué à toutes les forces vivesdu pays !

Le menchevik Martov avait une autrevision des choses que le plumitif JanKrauze. Martov écrivait en effet le 19 no -vembre à son ami Axelrod : “Presquetout le prolétariat est du côté de Lénineet attend que la révolution débouche surson émancipation sociale” (3). Etd’ailleurs, Lénine, le 5 novembre, appelleles travailleurs à prendre le pouvoir par-tout : “Camarades travailleurs, écrit-ildans un appel, rappelez-vous qu’à pré-sent, c’est vous-mêmes qui dirigez l’Etat.Nul ne vous aidera si vous ne vous unis-sez pas vous-mêmes et si vous ne prenezpas en main toutes les affaires de l’Etat.Vos soviets sont désormais les orga-nismes du pouvoir d’Etat, nantis despleins pouvoirs, des organismes ayantpouvoir de décision (…). Mettez-vousvous-mêmes à l’œuvre à la base sans at-tendre personne” (4). L’historien Or -lando Figes note à ce propos que les

paysans resteront indifférents à la disso-lution de l’Assemblée constituante parles bolcheviks et les socialistes-révolu-tionnaires de gauche pour cette raisonmême : “Le pouvoir du soviet s’était en-raciné au village en tant que système dugouvernement local et la Constituanteapparaissait maintenant comme un Par-lement lointain. Les paysans avaient ac-cueilli sa fermeture par les bolcheviksdans un silence assourdissant” (5).

Partisans de l’unité…contre les soviets

Le menchevik Dan donnait la clé dela politique des ennemis de la révolutionquand il déclarait en pleine réunion ducomité central des mencheviks, le 3 no-vembre 1917, qu’il fallait parvenir à ungouvernement de coalition de tous lessocialistes, en précisant : “Le sens del’accord est de contraindre les bolche-viks à renoncer à l’idée du pouvoir dessoviets” (6). Le journal libéral “modéré”(?) Dien dit la même chose en annonçantla menace de Kornilov, quand il écrit :“Smolny (le siège du soviet) doit êtredésarmé, réduit à l’impuissance, et, s’il nese soumet pas aux ordres du palais deTauride (où doit siéger la Constituante),détruit.”

Certes, la guerre civile va modifierles données.

Kornilov, on l’a vu, en donne la di-mension que la contre-révolution veutlui donner. Mais Krauze veut en imputernon seulement la responsabilité, mais lavolonté même de la déchaîner à Lénine.Selon Krauze, Lénine, en septembre1917, “exalte la future guerre civile (…),forme la plus aiguë de la lutte declasses, et les fleuves de sang qui donne-ront au parti une victoire certaine”. Qui-conque lira ou relira les lettres de Lénineauxquelles Krauze fait référence (Œu -vres complètes, quatrième édition, tome26, pp. 10 à 19, 63 à 69, 138-139) n’en

(3) Polititcheskie deiateli Rossii v, 1917, Mos-cou, 1993, p. 207.(4) Lénine, Œuvres complètes, tome 35, p. 66(édition russe).(5) Orlando Figes, op. cit., p. 710.(6) Polititcheskie deiateli Rossii, p. 96.

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pourra croire ses yeux. A l’épreuve durésumé de texte du français au bac,Krauze aurait un zéro pointé. Pour neprendre qu’un exemple, dans sa lettre aucomité central du 1er octobre 1917 (texteà usage interne, et donc dénué de toutsoupçon de propagande !), Lénine af -firme : “La victoire est assurée, et, il y aneuf chances sur dix, sans effusion desang” (7), ce qui lui paraît un argumentsupplémentaire pour la prise du pouvoiralors que les campagnes se soulèventpour prendre la terre.

Lénine, le 4 novembre 1917, déclare :“Nous ne voulons pas de guerre civile(…). Nous sommes contre la guerre ci -vile” (8). D’ailleurs, les premières me-sures du gouvernement soviétique visentà préparer la paix. Ainsi, le décret du 9 dé-cembre organisant la transformation dela majorité des usines travaillant pour laguerre en usines fabriquant des objets depremière nécessité pour la population.Mais tous ceux qui, en Russie comme àl’étranger, veulent que la Russie conti-nue à s’enfoncer dans une guerre san-glante et ruineuse pour les seuls intérêtsdes impérialistes français et anglais, quine supportent pas que la terre soit auxpaysans ou que les banques soient natio-nalisées, que les bolcheviks aient décrétéla séparation de l’Eglise et de l’Etat,confisqué les 15 millions d’hectares deterres sur lesquels s’engraissait l’Egliseorthodoxe, tous ceux-là veulent la guerrecivile et la déclenchent, au risque, parfai-tement conscient, d’achever la ruine dupays et de le démembrer. Ainsi, le pa-triarche Tikhon dénonce-t-il le 19 janvier1918 les dirigeants soviétiques commedes “rebuts du genre humain” avec les-quels il interdit aux fidèles toute coopé-ration sous peine d’excommunication.

Claude Anet :une source fangeuse…

Peut-être Jan Krauze, avant d’écrire,a-t-il malgré tout tenté de se renseignersur un sujet qu’il connaît manifestementtrès mal. Ainsi, pour évoquer Lénine, ilcite longuement le journaliste ClaudeAnet, sans être apparemment gêné par

l’antisémitisme de ce correspondant depresse français (un confrère, il est vrai).Ainsi Claude Anet, participant à une réu -nion des dirigeants bolcheviques le 9 dé-cembre 1917, évoque “Sverdlov (…) Ju-das, le mauvais apôtre (…), le nez cro-chu”, “tout un tas de figures (…) des filsd’Israël qui ont abandonné la synagoguepour l’assemblée du peuple” (9), puiss’attarde sur “Trotsky recevant des sub-sides allemands”, en affirmant : “Jeveux que Trotsky ait reçu de l’argent”(donc, si Claude Anet le veut, il en a re-çu !), “l’argent est impérial” (10). Avecun pareil inspirateur, Krauze peutconfondre sans difficulté histoire et dé -lire, et, bien entendu, ne jamais évoquerles pogromes au cours desquels lesblancs et les nationalistes ukrainiens ontéventré, brûlé vif, assassiné près d’undemi-million de Juifs pendant la guerrecivile.

C’est chez Claude Anet qu’il trouvela légende des élèves officiers “blanc etrose” (sic !) que les gardes rouges “mas-sacrent”. Les élèves officiers se sontsoulevés à l’appel des partisans du gou-vernement provisoire, à peu près unani-mement détesté et renversé. Ils sont bat-tus, et certains ont été tués dans le com-bat. Ce sont les quelque 300 gardesrouges du Kremlin qui, se rendant auxblancs dirigés par le maire socialiste-ré-volutionnaire Roudnev, sont abattus sansdéfense ; au même moment, les bolche-viks libèrent sur sa parole de se tenirtranquille l’ataman Krasnov, qui formerabientôt dans le sud une armée contre-ré-volutionnaire financée et armée par lesAllemands, puis constituera pendant laSeconde Guerre mondiale une divisionSS de cosaques, qui incendiera, pillera etmassacrera à tout va. Jan Krauze ignoretout cela.

Après l’exécution du général blancBogaievski, le 1er avril 1918, Léninepense que la guerre civile est terminée et

(7) Lénine, Œuvres complètes, tome 26, p. 139(édition française).(8) Ibidem, Lénine, tome 35, p. 53 (édition rus-se).(9) Claude Anet, La Révolution russe, Phébus,2007, p. 564.(10) Serguei Adamets, Guerre civile et famine enRussie, Institut d’études slaves, 2003, p. 43.

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s’en félicite, car il pense ainsi pouvoirconsacrer toute l’énergie de son gouver-nement à la construction économique pa-cifique…

Jan Krauze ignore l’existence de tousles vautours de la guerre civile, de Kor-nilov et de ses semblables, et des gou-vernements anglais et français qui élabo-rent des plans de partage du pays enzones d’influence. Que les bolcheviksdoivent se débattre pour faire face à tousces dangers, Krauze l’ignore encore. Lechercheur Serguei Adamets, qui ne ma-nifeste pas une sympathie particulièrepour les bolcheviks, note dans son ou-vrage fondamental, Guerre civile et fa-mine en Russie : “Avec le krach indus-triel et militaire, les illusions démocra-tiques des bolcheviks s’envolent et cè-dent la place à une pure dictature minis-térielle” (11).

Au cas où les bolcheviks et Lénineauraient nourri des illusions sur le sortqui les attendait, eux et tous les partisansde la révolution, les événements de Fin-lande (province russe devenue indépen-dante le 18 décembre 1917) le confir-ment. Les ouvriers finlandais, dirigés pardes sociaux-démocrates de gauche, sesoulèvent en janvier. Leur mouvementest écrasé avec l’aide de la division demarine allemande du général Von derGoltz. Quatre-vingt mille d’entre eux sontinternés dans les premiers grands campsde concentration de la guerre civile, envi-ron vingt mille d’entre eux sont abattus àla mitrailleuse ou fusillés pendant que labourgeoisie finlandaise envoie un émis -saire à Berlin pour solliciter l’envoi d’unprince allemand de sang royal.

Jan Krauze ignore bien entendu toutcela. Il ignore aussi la décision prise enmars 1919 par la conférence spécialeprès le général Denikine condamnant àmort toute personne ayant contribué aupouvoir du Conseil des commissaires dupeuple. En revanche, il cite partout deschiffres hallucinants : 200 ouvriers desusines Poutilov fusillés en mars 1919 ;40 otages pendus ici, 150 là. De 2 000 à4 000 ouvriers et soldats désobéissantsnoyés (?) à Astrakhan on ne sait quand,puisqu’il n’indique aucune date (Lénineserait partisan “d’exécutions massives”pour briser une grève de cheminots).

Krauze n’indiquant jamais ses sources etne donnant aucune date pour les frag-ments de phrases, il se protège ainsicontre les risques de vérification et deréfutation. La méfiance est de rigueur :l’une des rares fois où il cite une date, el-le est fausse (un texte de Lénine, qu’ildate de décembre 1918, date de dé-cembre 1917).

Parfois, néanmoins, on peut le pren -dre la main dans le sac.

Ainsi, il évoque les révoltes à la cam-pagne “réduites par tous les moyens —tortures, exécutions, villages brûlés, voiregazés — et surtout par la famine, une fa-mine si extrême qu’elle conduit notam-ment dans la région de la Volga à l’ap-parition, à assez grande échelle, du can-nibalisme, des désespérés en venant àmanger leurs propres enfants”. Et unegrande photo montre deux paysans plan-tés devant deux têtes, dont une tête d’en-fant, avec la légende : “Famine et mas-sacres se répandent dans les campagnes.Région de la Volga, 1920-1921.”

Or dans Guerre civile et famine enRussie, Serguei Adamets a établi que lafamine effroyable qui a ravagé la régionde la Basse-Volga était due essentielle-ment à une sécheresse exceptionnelle.Ses calculs établissent un fait : d’avril àjuin, il était tombé en moyenne 108,3millimètres d’eau au cours des 17 annéesprécédentes. Même lors de la sécheressede 1911 (et de la famine qui s’ensuit), ilétait tombé pendant ces trois mois 35millimètres d’eau. 1921 bat tous les re-cords avec 7,1 millimètres de pluie entrois mois. Tout est brûlé, calciné sur descentaines de kilomètres… Jan Krauzetransforme une catastrophe climatique enpolitique délibérée des bolcheviks pourécraser des révoltes paysannes qui,d’ailleurs, s’étaient produites ailleurs…

Jan Krauze, enfin, transforme unedifficulté de la révolution que Lénine etles bolcheviks ont tenté systématique-ment de combattre en caractéristiquemême de cette révolution. Ainsi, il af -firme : “La Tcheka compte rapidementbeaucoup plus de criminels pervers quede révolutionnaires inflexibles.” On nesait d’où vient cette pseudo-statistique.

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(11) Claude Anet , op. cit, pp. 566-567.

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Bien entendu, le séisme social qu’est unerévolution brasse toutes les couches dela population, et de ce que Gorki appe-lait les “bas-fonds” monte une écume,produite par la vieille société en décom-position, que les adversaires de toutes lesrévolutions ont toujours tenté de présen-ter comme étant l’essence même de cetterévolution. Ainsi, pour Hippolyte Taine,Louis Madelin ou Pierre Gaxotte, la prisede la Bastille a été le fait essentiellementde vagabonds (réduits à cet état par la fa-mine, rappelons-le !), de gibiers de po-tence et de malfrats. Hippolyte Taineécrit ainsi à propos de cette journée :“La lie de la société monte à la sur-face.” Il affirme : “C’est le propre d’uneinsurrection populaire que (…) les hérosn’y peuvent contenir les assassins” (12).Après quoi, il présente la Révolutioncomme surtout une œuvre d’assassins…

Des éléments douteux, des voyous,des malfrats ont utilisé la décompositionde la société aggravée par la guerre dé-sastreuse déclenchée par la monarchie etpoursuivie par le gouvernement provi-soire “démocratique”, soumis à Londreset à Paris, pour s’infiltrer dans la Tcheka.Lénine, alerté sur cette réalité, a tout faitpour la combattre. En janvier 1919, ap-prenant que des tchékistes de Petrogradont été convaincus d’ivrognerie et deviols, il exige par télégramme que Zino-viev, président du soviet de Petrograd,les fasse arrêter et n’en libère aucun, etque “les coupables dans cette affairesoient démasqués et fusillés”. L’épura-tion régulière de la Tcheka — dont Krauzene dit évidemment pas un mot — vise àéliminer ce que Lénine appelle même unjour “la saloperie tchékiste”. Ainsi, en-voyée en mission d’enquête à Astrakhanen janvier 1919, la vieille bolcheviqueEvguenia Boch constate qu’en quatremois, la Tcheka locale a été renouvelée

quatre fois et que la plupart des membresdes trois premières équipes sont en pri-son. En octobre 1921, Lénine, alerté surdes malversations d’agents de la Tchekaen Arménie, exige “d’arrêter les tché-kistes galeux, d’amener les coupables àMoscou et de les fusiller” (13). Mais ilconsidère à bon droit que cet instrumentest indispensable pour lutter contre lacontre-révolution, dont la victoire se tra-duirait par un gigantesque bain de sang,celui qu’elle répand partout où elle s’ins-talle un moment. Faut-il rappeler que ledernier ordre, dit n° 15, du baron blancUngern ordonnait d’“exterminer lescommissaires, les communistes et lesJuifs avec leurs familles” (14) ? L’état-major nazi n’eut qu’à recopier ces ins-tructions…

Le Monde est décidément toujours fi-dèle à lui-même. Lorsque Staline fabri-qua le prétendu complot des médecinsassassins en janvier 1953 pour déclen-cher une vaste épuration en URSS, LeMonde (18-19 janvier 1953) publia unlong article intitulé : “Les médecins as-sassins de Moscou auraient-ils été lesinstruments d’un nouveau centre terro-riste clandestin ?” Nouveau, car, pourLe Monde, le précédent centre terroristeclandestin était le prétendu centre terro-riste des trotskystes et des droitiers dé-masqué par le troisième procès de Mos-cou… Le Monde est décidément toujoursprêt pour servir.

Jean-Jacques Marie

(12) Hippolyte Taine, Les Origines de la Francecontemporaine, Bouquins, 1986, p. 345.(13) Neisvestny Lenin, Moscou, 1999, pp. 476-477.(14) Leonid Youzefovitch, Le Baron Ungern,Editions des Syrtes, 2001, p. 224.

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A propos du goulag...

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La propagande hostile à la révolution prétend que le goulag a été inventépar Trotsky et Lénine en août 1918. L’Histoire du goulag stalinien en sept vo -lumes, publiée à Moscou en 2004, au titre déjà significatif, date le goulag de “lafin des années 1920”. Parmi ses responsables, Alexandre Soljenitsyne...

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Jean-Jacques Marie,36 rue de Picpus,75012 Paris

A madame la Rédactrice en chefde La Revue russe,le 25 octobre 2007

Madame la Rédactrice en chef.J’ai lu avec beaucoup d’étonnement

la longue et très élogieuse recension dulivre de Vaksberg rédigée par PhilippeComte dans le n° 29 de La Revue russe.

Le livre de Vaksberg se distingue eneffet par deux traits notables :

a) Pour se débarrasser de toute entravesuperflue dans sa démonstration, l’auteurn’a indiqué aucune note, aucune réfé rence,aucun renvoi précis à aucune source, rien.Le lecteur est invité à faire confianceaveuglément à l’auteur de cette pratiquepropre aux journalistes pressés.

b) Des naïfs croyaient peut-être quele travail de l’historien consiste à étudierles documents, à vérifier leur fiabilité, àles confronter avec d’éventuels témoi-gnages oraux, dont il faut tout autant si-non plus encore vérifier la fiabilité et lavraisemblance (tant la mémoire est ca-pricieuse et la vanité personnelle infi-nie…), en s’interrogeant sur qui dit quoià qui, quand et pourquoi, en multipliantles recoupements et en tenant comptedes circonstances dans lesquelles un évé-nement s’est passé.

Arkadi Vaksberg balaie tout cela. Ar-guant du fait que “Staline comprenaitparfaitement le caractère criminel de sesactes : aussi évitait-il soigneusement delaisser des traces documentaires”(p. 23), il affirme deux principes métho-dologiques :

1) “On se servira davantage de rai-sonnements psychologiques que de

sources écrites. Pour les criminologues,il n’y a là nulle incohérence : un en-semble d’indices est considéré commeune base de preuves aussi fiable qu’undocument, facile à falsifier d’ailleurs”(p. 23). Les documents seraient doncmoins fiables que les raisonnements psy-chologiques, pourtant souvent bien aven-tureux ?

2) Il couronne cette démarche par uneseconde, plus surprenante encore : il fautattacher, écrit Vaksberg, beaucoup d’im-portance à la rumeur, car « l’existencemême des “rumeurs” incite à les pren -dre au sérieux. Elles n’apparaissent ja-mais sans raison, selon l’adage il n’y apas de fumée sans feu ». Il ajoute : “Larumeur comme phénomène social estpropre aux sociétés fermées, car une so-ciété libre n’en a nul besoin” (p. 24).

Vraiment ? Vaksberg n’a donc jamaisentendu parler de la fameuse “rumeurd’Orléans”, imputant à des commerçantsjuifs d’une ville libre dans une sociétélibre l’enlèvement de jeunes clientespour les livrer aux marchands de chairfraîche ? Et l’on pourrait allonger la listedes “rumeurs” fantastiques qui se déve-loppent dans lesdites sociétés libres. Larumeur selon laquelle le gouvernementaméricain aurait lui-même organisé (oulaissé faire) l’attentat du 11 septembre2001 est ainsi largement répandue. Ellene prouve évidemment rien dans aucunsens... sinon la profonde défiance dans legouvernement de Bush et de ses aco-lytes.

Vaksberg raconte l’assassinat — pro-bable — en 1926, ordonné par Staline,du commissaire à la Défense, Frounzé,après une opération inutile. Pour les be-soins de sa cause, Vaksberg présenteabusivement Frounzé comme en excel-lente santé, alors que, comme tous lesautres dirigeants de la guerre civile, ilavait l’estomac abîmé par un régime devie et une alimentation exécrables pen-

Mise au point

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dant quatre ans. Mais surtout, il ex -plique : “Existe-t-il une preuve absoluede la véridicité de la version proposée ?Non, si l’on considère comme preuveuniquement un document écrit, signé etestampillé. Oui, si l’on prend pour baseun très grand nombre de témoignages etle fait remarquable en soi que cette pré-tendue rumeur se maintient depuisquatre-vingts ans” (p. 24).

Si les “rumeurs n’apparaissent jamaissans raison”, si leur durée les valide plusou moins et s’il n’y a pas de fumée sansfeu, à quelle raison et à quel feu Vaks-berg attribue-t-il la rumeur sur les crimesrituels attribués aux Juifs qui se développeà partir du XIIe siècle en Europe, et quiva en Russie déboucher sur les po-gromes à la fin du XIXe et au début duXXe siècles ? Chacun le sait, c’est unerumeur de ce type sur l’assassinat rituelprétendu d’un adolescent chrétien quiprovoque l’effroyable pogrome de Ki-chinev en 1903, puis le procès Beilis, ac-cusé de meurtre rituel en 1913, et d’au-tres encore.

La question est d’autant moins rhéto-rique que, dans Deux siècles ensemble,le prix Nobel Soljenitsyne, évoquant lafameuse affaire Beilis, se montre trèsévasif sur la réalité ou non des prétendusmeurtres rituels et se contente d’affirmerque “les charges pesant contre Beilisétaient douteuses” (Deux siècles en-semble, tome 1, p. 491).

Avec une telle méthode, Arkadi Vaks-berg peut écrire n’importe quoi et nes’en prive pas.

Il nous décrit une longue liste demorts déclarées suspectes (dont certainesle sont probablement et d’autres inven-tées, mais à peu près aucune prouvée niprouvable), et qu’il déclare dues à unempoisonnement d’autant plus évidentqu’il est indétectable ! Le chef du Gué-péou, Menjinski, dont Vaksberg écritpourtant qu’il “était gravement malade”(p. 37), meurt-il en 1934, il a été empoi-sonné pour laisser la place à son adjoint,Iagoda. Preuve ? Aucune. Document ?Aucun. Indice ? Aucun. Au mieux, lasainte rumeur…

L’un des auteurs du massacre de lafamille impériale, Iourkovski, est-il en

1937 brusquement emmené à l’hôpital,où il meurt ? Pas de doute, il a été mys-térieusement empoisonné ! En 1937, leNKVD arrêtait chaque jour des fournéesentières de dirigeants grands, moyens etpetits du Parti communiste, déclaréstrotskystes, agents de la Gestapo et duMikado, saboteurs, etc. Pourquoi aurait-il dû se gêner avec Iourkovski et monterune opération pour le liquider en dou-ceur ? (Remarquons que, selon Soljenit-syne, Iourkovski est mort de mort natu-relle. Faute du moindre indice, pourquoichoisir l’empoisonnement ?)

Ces inventions mènent Vaksberg àjouer avec la chronologie sans gêne ex-cessive. Ainsi le docteur Mairanovski,spécialiste des poisons, que Vaksberg ap-pelle “Docteur la Mort”, exilé au Da-ghestan, écrit au cours de l’été 1964 àKhrouchtchev pour lui rappeler, affirmeVaksberg, leur rencontre en 1947, lors-qu’ils préparaient l’empoisonnement del’archevêque Romji. Erreur fatale selonVaksberg, en décembre 1964, Maira-novski vient à Moscou, est hospitalisé etmeurt… bien entendu empoisonné. Au-cun indice ni aucune preuve, bien sûr.Seulement le flair de l’auteur du Labora-toire des poisons. Or Khrouchtchev, li-mogé le 14 octobre 1964, n’avait plusaucun moyen de faire payer à Maira-novski un rappel historique douteuxqu’il n’avait — s’il est bien réel — bienentendu pas ébruité. Brejnev avaitd’autres soucis que de laver l’honneursouillé de son prédécesseur, qu’il avaitaussitôt condamné à l’oubli.

Parfois, Vaksberg commet l’impru-dence de parler d’un fait vérifiable. Ilévoque “un épisode relaté par Boukharineen 1932 lors de la rencontre avec lesécrivains communistes chez Gorki (…).D’après Boukharine, Staline aurait ra-conté aux membres du Politburo que Lé-nine lui avait demandé du cyanure duCabinet spécial pour mettre fin à sesjours” (pp. 35-36). Hélas ! le compterendu écrit de cet épisode auquel Vaks-berg renvoie sans le citer (par l’écrivainZelinski, in Minuvchee, n° 5, 1991,p. 73) n’évoque aucun “Cabinet spécial”et ne prononce pas le mot “cyanure”(seulement le mot “poison”). Vaksbergenrichit ainsi le document écrit de deux

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détails. Il ajoute : “Il est très probable(?) que Staline ait eu recours à l’arsenaldu Cabinet spécial pour accélérer le dé-nouement.” De plus, “des (?) historiensrusses actuels pensent (sic !) que PiotrPakaln, le chef des gardiens qui assu-raient la sécurité de Lénine à Gorki (…),a pris part au meurtre. D’ailleurs, ilconnut bientôt le même sort” (p. 35).Penser, c’est bien, mais démontrer ouprouver, ce serait quand même nettementmieux, n’est-ce pas ?

Pour donner une certaine validité àdes hypothèses dénuées de preuves,Vaksberg peut écrire aujourd’hui l’inversede ce qu’il écrivait quelques années plustôt. Peut-être le dirigeant communistebulgare Dimitrov est-il bien mort de fa-çon suspecte dans l’hôpital de Barvikha,près de Moscou, en 1949. Mais Vaksbergécrit : “On n’attendit pas l’autopsiepour communiquer la cause officielle dudécès : une cirrhose du foie, alors queDimitrov n’était pas un alcoolique” (p.141). Or, dans L’Hôtel Lux, Vaksbergfaisait un portrait peu élogieux du diri-geant bulgare et citait un témoignage dudirigeant de l’Internationale Kuusinenaffirmant : “Dimitrov ne s’intéressaitqu’aux beuveries et aux jupons” (p. 65).Alcoolique hier en cas de besoin et plusdu tout lorsque le besoin change. C’estune méthode typiquement journalistiqueou politicienne…

Parfois, on tombe d’ailleurs au ni-veau du journalisme people. Vaksbergévoque ainsi la mort de la fille du secré-taire général du Parti communiste bulgare,Lioudmila Jivkova, fort critique, dit-il, àl’égard du régime. Peut-être sa mort est-

elle effectivement suspecte. Mais on sedemande dans quel type de roman poli-cier on patauge quand on lit : “Plus tard,sa femme de chambre affirma que la tur-quoise de sa chevalière, dont Lioudmilane se séparait jamais, avait blanchi peude temps avant sa mort. Les propriétésde cette pierre sont légendaires ; elle pâ-lit lorsque son propriétaire ingurgite dupoison. Cette aptitude à prédire la mortpar empoisonnement est décrite dans lepoème d’Orphée Les Pierres. Selon cer-tains témoignages (?), Lioudmila avaitremarqué la pâleur croissante de sa che-valière, mais son fatalisme l’avait em -pêché de prendre des précautions”(p. 165). Une femme de chambre et Or-phée réunis dans la preuve du meurtre…quel juge prendrait cela au sérieux mal-gré les “certains témoignages” laissésdans le plus parfait anonymat et la plustotale obscurité ?

Le journalisme people permet tout.Ainsi Vaksberg évoque-t-il avec le plusgrand sérieux “l’impuissance dont souf-fraient les plus hauts dirigeants du parti”(p. 37), et dont il nous épargne lespreuves ou les témoignages ; il affirmeensuite que Beria “avait plusieurs cen-taines de maîtresses” (p. 80)… Certes,l’exception confirme la règle, maisquand même !

On est là au niveau de Gala, VSD ouautres publications du même tonneau,certainement pas à celui de La Revuerusse.

Avec mes sentiments les meilleurs.

Jean-Jacques Marie

LE Nouvel Observateur, ayant pu -blié des extraits d’un livre deBernard-Henri Lévy sur lagauche, a suscité des réactions

de lecteurs que le responsable de lachronique “Correspondance” de cethebdomadaire commente dans le numérodu 25 octobre.

Un lecteur reprenant la phrase deJean-Pierre Chevènement qualifiantBernard-Henri Lévy de “milliardairedéguisé en philosophe”, le journaliste duNouvel Observateur s’insurge et écrit :“Mais depuis Engels, bien des gens degauche furent riches. Est-ce pourtant undé faut ?” (p. 46).

Petite falsification…

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Laissons de côté la comparaison entrela “richesse” d’Engels, nommé par sonpère directeur de son usine de Man -chester, et celle de l’homme d’affairesmilliardaire, soutien et conseiller deSégolène Royal lors de la dernièreélection présidentielle. La comparaisonpolitique, en revanche, relève, elle, de lafalsification : Engels est un constructeurdu mouvement ouvrier visant à rassem -bler et organiser ceux qui vendent leurforce de travail contre ceux qui la leurachètent au prix le plus bas possible et àles rassembler et organiser pour instaurerla propriété collective des moyens deproduction, donc l’abolition de la pro -

priété privée. C’est nettement affirmédès le Manifeste du Parti communiste dejanvier 1848. Or le conseiller-soutien deMme Royal est tout aussi nettement par -tisan de la propriété privée, partisan del’Union européenne, qui en est le dé -fenseur acharné au point d’interdiretoute nationalisation, partisan de laguerre en Irak déclenchée par Bush, etc.Sans parler même de la différence béantede stature intellectuelle, il n’y a rien decommun entre les deux hommes.

Les rassembler sous le vocable de“gauche” est une escroquerie grossière,qui vise à effacer les frontières du mou -vement ouvrier.

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DANS le quatre-pages de L’Hu-manité qui pose la question“Que reste-t-il de la révolu-tion d’Octobre ?” (7 novem -

bre 1917) en se gardant d’y apporter lamoindre réponse, on trouve une questionà laquelle l’un des trois invités, MarcFerro, apporte une réponse.

La question est la suivante : “Trotskiqualifiait le système stalinien de contre-révolution. Qu’en pensez-vous ?”

Marc Ferro : “Cette idée de contre-révolution n’a pas de sens, car on as -siste en vérité à l’émergence des milieuxpopulaires qui installent dans la sociétéleur vision du monde. Un paysan n’estpas pour le mariage libre dans aucunpays du monde. Il n’est pas non pluspour l’art d’avant-garde. Il n’y a doncpas eu de réaction ou de régression,mais un changement qui n’est pas spé-cialement lié à la personne de Staline,mais à la montée populaire. Staline ac-compagne et soutient cette montée popu-laire dans la mesure où elle lui permetd’entretenir l’émulation, de s’appuyer

sur elle et d’organiser un turn-over descadres de l’appareil.”

Si l’on comprend bien, l’interdictionde l’avortement (juin 1936), l’inégalitésociale croissante, la collectivisation for-cée, la loi d’août 1932 dite des “cinqépis”, qui condamne à mort quiconqueest convaincu même d’un tout petit lar-cin au détriment de la propriété d’Etat oukoklhozienne, les brutales mesures anti-ouvrières (la prison ou le goulag pourtrois retards de vingt minutes au tra-vail)… tout cela reflète une “montée po-pulaire” ! Le peuple serait bien maso -chiste.

Dans son Histoire de la révolutionrusse, dans le deuxième tome consacré àoctobre 1917, Marc Ferro consacrait unchapitre à “L’Etat : des soviets à la bu-reaucratie” (pp. 291 à 337) installée dèsl’hiver 1917.

Si l’on comprend bien l’évolution dela pensée de Marc Ferro, en octobre1917 se formait une bureaucratie, maisla “montée populaire” sous Staline a ba-layé cette bureaucratie naissante.

Pour Marc Ferro,la bureaucratie…c’est “l’émergencedes milieux populaires”

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House of Romanovagain raps prosecutorgeneral’s refusalto rehabilitateTsar

MOSCOW. Nov 7 (agence Interfax)— The refusal of the Russian ProsecutorGeneral’s Office to acknowledge familymembers of Tsar Nicholas II of Russia asvictims of political repressions is anexample of “legal Trotskyism” and isunjustified, German Lukyanov, a lawyerfor the House of Romanov, has said.

“This decision is political, and it isnot based on the law. A conclusion of theRussian Prosecutor General’s Office for-warded to the Supreme Court does notrefer to legal provisions”, Lukyanov tolda news conference in Moscow on Wed -nesday.

“A legal case comes to the politicalsphere when a law enforcement agencymakes a decision with no references tocertain laws”, Lukyanov said.

The Russian Supreme Court “willfind itself in a peculiar situation” on No-vember 8 when it hears the issue con-cerning the rehabilitation of the Tsar’sfamily, the lawyer said. “How can it de-fend a position of a state agency whichhas no evidence ?” he said.

If the Supreme Court grants the mo-tion of the Russian Prosecutor General’sOffice, representatives of the RussianImperial House are going to appeal atthe Supreme Court presidium. It is possi-ble that the Russian Imperial House willgo to the international law. At the sametime, head of the Russian ImperialHouse’s chancellery Alexander Zakatovexpressed hope that “justice will be re-stored in motherland’s courts”.

“Trotskysme légal” ?

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“En octobre 1917, Lénine promet le pain, la terre et la liberté. Le bolchevisme appor-tera la famine, la servitude et la guerre” (Le Figaro Magazine, 13 octobre 2007).