choix et contrôle : le droit à une vie autonome · doi:10.2811/27445 tk-01-13-406-fr-c european...

94
ÉGALITÉ Choix et contrôle : le droit à une vie autonome Expériences de personnes handicapées intellectuelles et de personnes souffrant de troubles mentaux dans neuf États membres de l’Union européenne EUROPEAN UNION AGENCY FOR FUNDAMENTAL RIGHTS

Upload: phamkhuong

Post on 02-Mar-2019

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

GALIT

Choix et contrle :le droit une vie autonome

Expriences de personnes handicapes intellectuelles et de personnes souffrant de troubles mentaux

dans neuf tats membres de lUnion europenne

EUROPEAN UNION AGENCY FOR FUNDAMENTAL RIGHTS

Choix et contrle : le droit une vie autonome

FRA

doi:10.2811/27445 TK-01-13-406-FR-C

EUROPEAN UNION AGENCY FOR FUNDAMENTAL RIGHTS

Larticle19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapes tablit le droit de vivre en autonomie et dtre inclus dans la socit. partir des conclusions dune recherche fonde sur des entretiens avec des personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapes intellectuelles, le prsent rapport examine lexprience que ces personnes font des principes dautonomie, dinclusion et de participation dans leur quotidien. Les rsultats indiquent que des avances ont t ralises dans le domaine, mais que des efforts restent tre consentis de sorte ce que les personnes handicapes intellectuelles ou souffrant de troubles mentaux puissent avoir davantage de choix et de contrle sur leur vie et tre intgres dans la socit sur la base de lgalit avec les autres. ce jour, la plupart des efforts ont t concentrs sur la dsinstitutionalisation, toutefois, pour parvenir une vritable autonomie de vie, ils doivent tre conjugus un ensemble de rformes de la politique sociale dans les domaines de lducation, de la sant, de lemploi, de la culture et des services daccompagnement. Les initiatives cls en matire de politique, de droit et de pratiques identifi es dans ce rapport, peuvent faciliter la progression de la mise en uvre du droit une vie autonome pour les personnes handicapes dans toute lUnion europenne.

FRA AGENCE DES DROITS FONDAMENTAUX DE LUNION EUROPENNESchwarzenbergplatz 11 1040 Vienne AutricheTl. +43 158030-0 Fax +43 158030-699fra.europa.eu [email protected]/fundamentalrightslinkedin.com/company/eu-fundamental-rights-agencytwitter.com/EURightsAgency

HELPING TO MAKE FUNDAMENTAL RIGHTS A REALITY FOR EVERYONE IN THE EUROPEAN UNION

Le prsent rapport traite des questions relatives la non-discrimination (article21) et lintgration des personnes handicapes (article26) relevant du ChapitreIII galit de la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne.

Codes pays

BG Bulgarie

DE Allemagne

EL Grce

FR France

HU Hongrie

LV Lettonie

RO Roumanie

SE Sude

UK Royaume-Uni

La FRA met en vidence les diffrents titres de la Charte des droits fondamentaux de lUE en utilisant le code couleur suivant :

Ces trois rapports de la FRA fournissent une analyse juridique des questions lies aux droits des personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapes intellectuelles.

DignitLibertsgalitSolidaritCitoyennetJustice

La protection juridique des personnes souffrant

de troubles mentaux en vertu de la lgislation en matire

de non-discrimination

EGALIT

Comprendre le handicap tel que dfi ni par la loi et lobligation dapporter des amnagements raisonnables dans les

tats membres de lUnion europenne

Placement involontaire ettraitement involontaire

de personnes souffrant detroubles mentaux

GALIT

Le droit la participation politique des personnes

souffrant de troubles mentaux et des personnes

handicapes mentales

GALIT

Crdit photo (couverture): iStockphoto

De nombreuses autres informations sur lUnion europenne sont disponibles sur linternet via le serveur Europa (http://europa.eu).

FRA Agence des droits fondamentaux de lUnion europenneSchwarzenbergplatz 11 1040 Vienne AutricheTl. +43 158030-0 Fax +43 158030-699Email: [email protected] fra.europa.eu

Une fi che catalographique fi gure la fi n de louvrage.

Luxembourg: Offi ce des publications de lUnion europenne, 2013

ISBN 978-92-9239-236-9Doi:10.2811/27445

Agence des droits fondamentaux de lUnion europenne, 2012Reproduction autorise, sauf des fi ns commerciales, moyennant mention de lasource.

Printed in Belgium

Imprim sur paper certifi FSC

Agence des droits fondamentaux de lUnion europenne

Choix et contrle: le droit une vie autonomeExpriences de personnes handicapes intellectuelles et de personnes souffrant de troubles mentaux dans neuf tats membres de lUnion europenne

2013 94 p. 21 29,7 cm

ISBN 978-92-9239-236-9doi: 10.2811/27445

De nombreuses informations sur lAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne sont disponibles sur le site internet de laFRA (fra.europa.eu).

Europe Direct est un service destin vous aider trouver des rponsesaux questions que vous vous posez sur lUnion europenne.

Un numro unique gratuit(*):00 800 6 7 8 9 10 11

(*) Les informations sont fournies titre gracieux et les appels sont gnralement gratuits (sauf certains oprateurs, htels ou cabines tlphoniques).

COMMENT VOUS PROCURER LES PUBLICATIONSDE LUNION EUROPENNE?

Publications gratuites: un seul exemplaire:

sur le site EU Bookshop (http://bookshop.europa.eu); exemplaires multiples/posters/cartes:

auprs des reprsentations de lUnion europenne (http://ec.europa.eu/represent_fr.htm), des dlgations dans les pays hors UE (http://eeas.europa.eu/delegations/index_fr.htm), en contactant le rseau Europe Direct (http://europa.eu/europedirect/index_fr.htm) ou le numro 00 800 6 7 8 9 10 11 (gratuit dans toute lUE) (*).(*) Les informations sont fournies titre gracieux et les appels sont gnralement gratuits (sauf certains oprateurs,

htels ou cabines tlphoniques).

Publications payantes: sur le site EU Bookshop (http://bookshop.europa.eu).

Abonnements: auprs des bureaux de vente de lOffi ce des publications de lUnion europenne

(http://publications.europa.eu/others/agents/index_fr.htm).

Choix et contrle : le droit

une vie autonome

Expriences de personnes handicapes intellectuelles et de personnes souffrant de troubles mentaux

dans neuf tats membres de lUnion europenne

EUROPEAN UNION AGENCY FOR FUNDAMENTAL RIGHTS

Crdit photo (couverture): iStockphoto

De nombreuses autres informations sur lUnion europenne sont disponibles sur linternet via le serveur Europa (http://europa.eu).

FRA Agence des droits fondamentaux de lUnion europenneSchwarzenbergplatz 11 1040 Vienne AutricheTl. +43 158030-0 Fax +43 158030-699Email: [email protected] fra.europa.eu

Une fi che catalographique fi gure la fi n de louvrage.

Luxembourg: Offi ce des publications de lUnion europenne, 2013

ISBN 978-92-9239-236-9Doi:10.2811/27445

Agence des droits fondamentaux de lUnion europenne, 2012Reproduction autorise, sauf des fi ns commerciales, moyennant mention de lasource.

Printed in Belgium

Imprim sur paper certifi FSC

Agence des droits fondamentaux de lUnion europenne

Choix et contrle: le droit une vie autonomeExpriences de personnes handicapes intellectuelles et de personnes souffrant de troubles mentaux dans neuf tats membres de lUnion europenne

2013 94 p. 21 29,7 cm

ISBN 978-92-9239-236-9doi: 10.2811/27445

De nombreuses informations sur lAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne sont disponibles sur le site internet de laFRA (fra.europa.eu).

Europe Direct est un service destin vous aider trouver des rponsesaux questions que vous vous posez sur lUnion europenne.

Un numro unique gratuit(*):00 800 6 7 8 9 10 11

(*) Les informations sont fournies titre gracieux et les appels sont gnralement gratuits (sauf certains oprateurs, htels ou cabines tlphoniques).

COMMENT VOUS PROCURER LES PUBLICATIONSDE LUNION EUROPENNE?

Publications gratuites: un seul exemplaire:

sur le site EU Bookshop (http://bookshop.europa.eu); exemplaires multiples/posters/cartes:

auprs des reprsentations de lUnion europenne (http://ec.europa.eu/represent_fr.htm), des dlgations dans les pays hors UE (http://eeas.europa.eu/delegations/index_fr.htm), en contactant le rseau Europe Direct (http://europa.eu/europedirect/index_fr.htm) ou le numro 00 800 6 7 8 9 10 11 (gratuit dans toute lUE) (*).(*) Les informations sont fournies titre gracieux et les appels sont gnralement gratuits (sauf certains oprateurs,

htels ou cabines tlphoniques).

Publications payantes: sur le site EU Bookshop (http://bookshop.europa.eu).

Abonnements: auprs des bureaux de vente de lOffi ce des publications de lUnion europenne

(http://publications.europa.eu/others/agents/index_fr.htm).

3

Avant-proposCes dernires annes, la protection des droits fondamentaux des personnes handicapes a connu des avances importantes dans lUnion europenne (UE) et linternational. Ladoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapes (CRPD) en 2006 a constitu une tape importante dans laffirmation des droits des personnes handicapes. LUE a ratifi la Convention le 23dcembre2010, adhrant ainsi son premier trait international relatif aux droits de lhomme. En outre, en avril2012, tous les tats membres avaient sign le trait et20 lavaient ratifi, dautres devant bientt leur emboter le pas. Ces ratifications prouvent lattachement des tats membres une approche du handicap fonde sur les droits. Elles dmontrent en outre que lUE et ses tats membres prennent position en faveur de lamlioration des conditions de vie des personnes handicapes.

La CRPD reprsente un changement de paradigme entre une conception du handicap en tant que maladie et une conception du handicap comme leffet dune interaction entre le handicap dune personne et les obstacles crs par la socit. Larticle19 de laCRPD, qui garantit le droit une autonomie de vie, met laccent sur ce changement de perspective. Il souligne quil est impratif doffrir aux personnes handicapes le choix et le contrle concernant leur milieu de vie, de leur permettre daccder aux services offerts au grand public et, le cas chant, de leur proposer un accompagnement individualis.

On trouve au cur de laCRPD les concepts dautodtermination, de participation et dinclusion. Ces principes sous-tendent le travail de lAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne (FRA) en matire de droits fondamentaux des personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapes intellectuelles. Le prsent rapport, qui est fond sur des entretiens approfondis avec des personnes handicapes dans neuftats membres de lUE, prsente une partie de ce travail. Les personnes interroges ont parl de leurs expriences et de leurs conditions de vie. Cela nous permet de comprendre ce que signifie en pratique le droit une autonomie de vie.

Le droit une vie autonome est, comme en tmoigne ce rapport, un concept polymorphe ne se limitant pas aux politiques sur la dsinstitutionalisation. Si ces politiques sont fondamentales, il nen demeure pas moins que, pour que la vie dans la socit soit vritablement un succs, la dsinstitutionalisation doit tre accompagne dun ensemble de rformes de la politique sociale dans les domaines de lducation, de la sant, de lemploi et de la culture, sans oublier les services daccompagnement. Ces modifications seules permettront que les droits inscrits dans laCRPD deviennent une ralit pour toutes les personnes handicapes.

Le rapport insiste sur la ncessit dun dbat sur ce que signifiera pour les tats membres de lUE le fait de vrita-blement donner le choix et le contrle aux personnes handicapes; il fournit quelques lments pouvant servir de base ce dbat. La recherche met en lumire la situation de deuxgroupes dindividus qui souffrent depuis longtemps de discrimination, dexclusion sociale et dont la situation en matire de droits fondamentaux exige de prendre des mesures urgentes. Les rsultats sont galement pertinents au regard de toutes les personnes handicapes. Le rapport indique que la protection et le respect des droits des personnes handicapes ne consistent pas seulement mettre sur pied les instruments juridiques et les garanties appropris. Il sagit galement de faire en sorte que la socit elle-mme soit prte prendre en charge linsertion totale et galitaire des personnes handicapes. Et pour quun tel objectif soit atteint, il est ncessaire que les personnes handicapes aient la possibilit de faire des choix et de contrler leur vie quotidienne.

Morten KjaerumDirecteur

55

Table des matires

AVANT-PROPOS 3

RSUM 7

CONTEXTE 13

PROPOS DU RAPPORT 17

1 EXPRIENCES DES PERSONNES HANDICAPESINTELLECTUELLES 21

1.1. Milieu de vie ..................................................................................................................................................................211.2. Vie quotidienne ..............................................................................................................................................................251.3. Accompagnement delavie quotidienne ................................................................................................................. 321.4. Participation lacommunaut .................................................................................................................................. 341.5. Obstacles linclusion et laparticipation .............................................................................................................. 37Rsum .................................................................................................................................................................................. 43

2 EXPRIENCES DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX 45

2.1. Milieu de vie .................................................................................................................................................................. 452.2. Vie quotidienne .............................................................................................................................................................482.3. Accompagnement delavie quotidienne .................................................................................................................. 542.4. Participation lacommunaut ................................................................................................................................... 592.5. Obstacles linclusion et laparticipation ..............................................................................................................60Rsum .................................................................................................................................................................................. 67

CONCLUSIONS 71

BIBLIOGRAPHIE 77

ANNEXE1: COMPOSITION DE LCHANTILLON LCHELLENATIONALE 81

ANNEXE2: MTHODOLOGIE 83

ANNEXE3: MEMBRES DE LQUIPE DERECHERCHEEXTERNE 87

77

Rsum

ContexteLa plupart des gens estiment quil est naturel de gran-dir avec sa famille, dhabiter o et avec qui on le sou-haite ( lge adulte), de prendre part la vie locale et de faire ses propres choix de vie. Limportance de ces possibilits est reconnue par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapes (CRPD), dont larticle19 tablit le droit une autonomie de vie et une inclusion dans la socit. Il reconnat en outre que le handicap rsulte de linteraction entre les personnes prsentant des incapacits et les barrires comportementales et environnementales faisant obstacle leur partici-pation pleine et effective la socit sur un pied dgalit avec les autres.

La CRPD, adopte par lAssemble gnrale des Nations Unies en dcembre2006, est linstrument international le plus large et le plus exhaustif en matire de droits des personnes handicapes. La socit civile a t lar-gement implique dans sa rdaction, particulirement les organisations reprsentant les personnes handi-capes. La Convention fournit un cadre de rfrence unique permettant dvaluer la situation actuelle des personnes handicapes. Elle met galement dispo-sition des outils pour mesurer les progrs accomplis afin de permettre ces personnes de mener une vie autonome et de prendre part la vie sociale en toute galit par rapport aux autres.

Pour une personne handicape, le droit une vie auto-nome ne se limite pas la dsinstitutionalisation et aux possibilits daccompagnement. Si ces lments sont essentiels pour lautodtermination dun individu, dautres questions sont tout aussi importantes. Pour que les gens puissent faire des choix et exercer un contrle sur leur vie, ils devraient par exemple tre autoriss voter et se prsenter aux lections, tre accompagns afin dentrer dans le monde du travail grce des amnagements rai-sonnables et avoir le droit de signer des contrats juridi-quement contraignants. Ils ne devraient pas enfin, tre injustement privs de leur libert par des moyens admi-nistratifs. Car ce sont ces activits qui donnent aux indi-vidus la capacit de faire les choix et dexercer le contrle indispensables une autonomie de vie.

Le rapport prsente les rsultats dune recherche fon-de sur des entretiens mens auprs de personnes souffrant de troubles mentaux et de personnes han-dicapes intellectuelles dans neuftats membres de lUnion europenne en2010 et2011. Cette recherche se penche galement sur leur exprience quotidienne des principes dautonomie, dinclusion et de participation.

Le rapport expose en outre quelques exemples de pra-tiques encourageantes.

La recherche qualitative a rassembl une grande quan-tit dinformations portant sur les expriences dans les diffrentes rgions de lUnion europenne, offrant ainsi une tribune aux personnes dont les voix ne sont que trop rarement entendues. La nature de ce type de recherche ne permet pas de rassembler un chantillon assez large pour tre statistiquement reprsentatif de la totalit de la population souffrant de troubles mentaux ou de handicap intellectuel. Quand bien mme les exp-riences ici prsentes ne sauraient tre reprsentatives de la situation dans lensemble de lUnion, elles peuvent nanmoins mettre en lumire et expliquer comment les vies des individus sont influences par les lois et les politiques, ou par leur absence.

MthodologieLa recherche sur le terrain a pris place entre novembre2010 et juillet2011 en Allemagne, en Bul-garie, en France, en Grce, en Hongrie, en Lettonie, en Roumanie, au Royaume-Uni et en Sude. Des entre-tiens individuels et des groupes de discussion avec un nombre limit de personnes souffrant de troubles men-taux et de personnes handicapes intellectuelles ont permis de saisir lessence des problmes rencontrs, de les comprendre plus en profondeur. Les photographies prises par les personnes interroges sont prsentes, avec leur consentement clair, en Annexe2. Dans le cadre de cette recherche, des entretiens par groupe de discussion ont galement t tenus dans chacun des neufpays avec des parties prenantes bnficiant de connaissances et dexprience quant aux personnes souffrant de troubles mentaux et aux personnes han-dicapes intellectuelles. Ces parties prenantes repr-sentaient des organisations ou des agences travaillant sur le terrain, telles que: des organisations ou des groupes dutilisateurs, des ministres, des bureaux de mdiation ou des institutions nationales spcialises dans les droits de lhomme, ainsi que des ordres pro-fessionnels, comme celui des psychiatres et des tra-vailleurs sociaux. Lors dune runion dexamen dans les pays concerns par le travail sur le terrain, des pairs, des organisations et des groupes reprsentant les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes handicapes intellectuelles ont dbattu des premiers rsultats de la recherche. Ces rsultats ne prtendent pas tre reprsentatifs de la situation dans laquelle se trouvent toutes les personnes souffrant de troubles mentaux ou handicapes mentales. Ils offrent cependant un aperu approfondi des questions et des

Choix et contrle : le droit une vie autonome

88

problmes auxquels ces personnes font face au quo-tidien dans diffrents pays de lUE.

La situation des personnes handicapes intellectuellesLa recherche montre que les possibilits pour les per-sonnes handicapes intellectuelles de mener une vie autonome et laccompagnement quelles reoivent sont variables. Daprs les personnes interroges, les obstacles et les systmes quils prennent la forme dtablissements de soins de longue dure, de place-ment en institution, du lieu de travail, du manque dac-compagnement dans la vie quotidienne et de services inaccessibles; de la stigmatisation, de la discrimination ou des restrictions sur la capacit juridique ont pour consquence de les exclure du cur de la vie en socit. Les entretiens mettent en lumire les obstacles qui empchent les personnes handicapes intellectuelles de vivre de faon autonome et de prendre part la vie de la socit, tout en prsentant aussi des exemples de bonnes pratiques. La dfinition donne par les per-sonnes interroges de la transition vers lautonomie de vie, en tant que un processus continu et encore loin dtre achev, est en effet un sujet rcurrent de cette recherche. Les personnes interroges dcrivent leur vie comme limite par un manque gnral de capacits et de possibilits. Elles expliquent galement qu mesure que ces capacits et possibilits leur sont rendues, elles gagnent en libert. Un grand nombre dentre elles se trouvent toutefois entre ces deuxtats.

Les personnes interroges ont voqu un manque de choix et de contrle concernant leur lieu de vie ainsi que les personnes avec qui elles souhaitent habiter. Elles attribuent ce constat deuxfacteurs principaux. En premier lieu, le manque de solutions de substitution en matire dhbergement et daccompagnement rduit le nombre de milieux de vie adapts et mis leur disposi-tion dans la socit. Dans un certain nombre de pays, les personnes interroges ont indiqu que leur seul choix tait par consquent de vivre avec leurs parents, des membres de leur famille, ou de dmnager dans une grande institution daide sociale. En outre, nombre de personnes handicapes intellectuelles ne disposent pas des ressources financires ncessaires pour mener une vie autonome. Si les personnes interroges au cours de cette recherche ont fait part de leur dsir davoir un endroit elles, elles disposaient souvent de revenus insuffisants pour louer ou acheter leur propre logement.

La recherche montre galement quen dehors du domi-cile, lautonomie et linclusion sont galement limites. Daprs les personnes interroges, le march du travail reste souvent hors datteinte car le caractre spar de lenseignement fourni aux personnes interroges rend la transition de lcole lemploi particulirement

complique, les employeurs ne ralisent pas les am-nagements ncessaires et le handicap est source de discrimination. Ces obstacles ne laissent aux personnes handicapes intellectuelles que peu de chances de trou-ver un emploi, alors que le travail est une faon de lutter contre lisolement et lennui, de participer la vie sociale et de gagner en indpendance. En labsence demploi, les activits quotidiennes de substitution, comme les centres de jour, prennent dautant plus dimportance. Elles per-mettent en effet de passer du temps lextrieur, pro-posent une structure, renforcent les relations entre pairs et donnent accs aux services daccompagnement. Les personnes interroges expliquent nanmoins que ces activits sont gnralement spares du cur de la vie en socit et ne satisfont que rarement les besoins ou les intrts individuels. De plus, les mesures prises par les soignants et les membres de la famille pour prvenir tout risque, limitent souvent les choix et le contrle en matire dactivits culturelles et de loisirs.

En ce qui concerne la vie personnelle, les possibilits davoir des relations intimes et de fonder une famille sont souvent trs restreintes. Les parents jouent fr-quemment un rle primordial dans lacceptation des relations et les personnes interroges ont indiqu que cette question pouvait tre source de conflits entre elles et leur famille. Les personnes interroges ont fait valoir que les entraves administratives, lies par exemple des conflits sur le lieu de rsidence habituel, peuvent galement limiter la possibilit dentretenir des rela-tions intimes en empchant les individus de dmnager dune commune lautre afin de vivre ensemble.

Nombre de personnes handicapes intellectuelles ont besoin dtre accompagnes au quotidien pour pouvoir vivre de faon autonome. Daprs les personnes interro-ges, des assistants personnels choisis en toute libert par la personne handicape intellectuelle elle-mme peuvent favoriser lautonomie et linclusion. Ils peuvent en effet aider dvelopper les capacits requises dans la vie quotidienne, faciliter la participation la vie sociale et culturelle, soccuper des questions financires et ouvrir laccs aux biens et aux services. De mme, les budgets personnels et les paiements directs peuvent confrer une autonomie accrue aux individus en leur laissant le contrle sur les personnes quils emploient, ainsi que sur les services et laccompagnement fournis. Si les assistants effectuent eux-mmes ces tches et prennent ces dcisions au nom des personnes handi-capes intellectuelles, celles-ci risquent alors parfois de manquer des connaissances et capacits requises dans la vie quotidienne afin de mener une vie dadulte autonome, et leur dpendance augmente defait.

La possibilit de prendre part la vie publique et poli-tique, en ce qui concerne lexercice du droit de vote ou la participation des organisations dautoreprsentation, constitue un autre aspect fondamental de lautonomie

Rsum

99

de vie. Un grand nombre de personnes handicapes intellectuelles sont lgalement prives du droit de vote, tandis que dautres ne connaissent pas suffisamment les rcents vnements politiques et trouvent le pro-cessus politique inaccessible. Le mouvement dautore-prsentation permet de contrer cet isolement politique en transmettant les inquitudes des personnes han-dicapes intellectuelles aux pouvoirs publics et en militant pour que leur voix soit entendue lorsque les politiques sont labores et les dcisions prises. Les organisations dautoreprsentation et de soutien par les pairs peuvent galement proposer dautres ser-vices permettant de confrer une autonomie accrue aux personnes handicapes intellectuelles: notamment des formations, une sensibilisation leurs droits et des aides disponibles pour accder au systme judiciaire en cas de traitement indigne ou injuste.

Si labsence de choix et de contrle concernant le milieu de vie, les activits quotidiennes et les services dac-compagnement sont des obstacles trs courants une vie autonome, les personnes interroges ont galement mentionn dautres entraves plus spcifiques limitant lautonomie et linclusion, telles que les restrictions de la capacit juridique. Ces restrictions peuvent priver les personnes handicapes intellectuelles de la possibilit de prendre des dcisions, dune importance majeure ou moindre, sur la faon dont elles vivent leur vie. Les obstacles administratifs, par lintermdiaire de rgles et de rglements complexes et volutifs, peuvent ainsi modifier laccs aux prestations et aux services dac-compagnement et rduisent galement le champ des choix de vie que les individus peuvent faire. En outre, la non-disponibilit des informations limite la connais-sance de leurs droits et des processus administratifs. Les personnes interroges ont de plus mentionn la ncessit dadapter les systmes judiciaires aux besoins des personnes handicapes intellectuelles afin de faire face aux difficults concernant le recours la justice en cas de mauvais traitements. Difficults qui peuvent comprendre labsence daccompagnement juridique et la peur de ne pas trecru.

Des obstacles moins tangibles ou visibles peuvent ga-lement porter atteinte aux choix et au contrle. Daprs les personnes interroges, en dpit des avances sur la voie de la dsinstitutionalisation, les cultures institution-nelles se caractrisent souvent par un manque dintimit, une routine quotidienne immuable et des ingalits de pouvoir entre personnel et patients. Daprs les per-sonnes interroges, les intimidations, le harclement et les maltraitances verbales et physiques sont rpandus dans la socit. Elles ajoutent que certains professionnels et parents ont des attitudes et des pratiques paterna-listes qui accroissent la dpendance et entravent leur participation la vie sociale. Ces attitudes ngatives et ces attentes amoindries se fondent sur lhypothse selon laquelle les personnes handicapes intellectuelles

nont pas la capacit intrinsque dexercer leurs droits de manire responsable, de faire leurs choix et de vivre de faon autonome dans la socit.

Les personnes interroges ont soulign la faon dont les restrictions financires influencent de faon com-plexe et profonde la vie quotidienne des personnes handicapes intellectuelles. Labsence de possibilits demploi signifie que ces personnes dpendent souvent des prestations sociales et dautres aides de ltat, ce qui limite leur capacit prendre part un ensemble dactivits permettant daccder aux biens et aux ser-vices ncessaires pour mener une vie vritablement autonome. Les participants ont galement indiqu quen raison de la conjoncture conomique actuelle, les critres dadmissibilit aux services daccompagnement de proximit ont t durcis, ce qui aurait un effet ngatif sur les possibilits de vivre de faon autonome et de sinsrer dans la socit. Certaines personnes interro-ges ont fait savoir quelles avaient peur de navoir dautre choix par consquent, que de retourner vivre dans une institution. Les mesures daustrit touchent galement les groupes dautoreprsentation, ainsi que dautres mesures daccompagnement mises en place par la socit civile, entranant de nombreuses ferme-tures ou rductions dactivit. Ces volutions pourraient renverser certains des rsultats positifs obtenus en matire dintgration et de participation des personnes handicapes intellectuelles sur une base galitaire.

La situation des personnes souffrant detroubles mentauxIci aussi, la recherche montre que la mesure dans laquelle les personnes souffrant de troubles mentaux peuvent mener une vie autonome dans la socit est trs variable. Elle dpend du degr et des types daccom-pagnement disponibles dans les diffrents pays. Pour de nombreuses personnes interroges, les obstacles et les procdures (qui couvrent de longs sjours, parfois involontaires, en hpital psychiatrique, les restrictions de la capacit juridique, en passant par les pressions financires, labsence damnagements raisonnables au travail, linsuffisance des services daccompagne-ment, la stigmatisation et la discrimination) ont pour rsultat de les exclure de la vie sociale. En revanche, les personnes interroges parlent galement de pra-tiques encourageantes qui les aident faire davantage de choix et avoir un contrle plus important sur leur vie. Elles expliquent quun accompagnement adapt et des systmes damnagement leur permettent de se prendre en charge, tout en mentionnant les restrictions qui continuent de fragiliser leur autonomie. Mme si des avances considrables ont t accomplies dans ce domaine, beaucoup reste faire.

Choix et contrle : le droit une vie autonome

1010

Pouvoir choisir et contrler son milieu de vie est une question fondamentale pour les personnes souffrant de troubles mentaux. Dans certains pays, les personnes interroges expliquent quelles sont nombreuses vivre seules ou avec les personnes de leur choix, ce qui leur confre le contrle de leur vie quotidienne et leur assure un endroit o se rfugier. Deuxfacteurs interdpen-dants dterminent la possibilit quont les individus de vivre ou non de cette faon. Il sagit en premier lieu de la disponibilit de logements appropris dans la collec-tivit et de laccompagnement pour une vie autonome. En labsence de ces lments, les individus doivent vivre avec leur famille ou dans des foyers collectifs prsentant des degrs variables de culture institution-nelle. En deuxime lieu, le niveau de revenus et/ou de prestations sociales restreint les possibilits de louer ou dacheter un logement. Les personnes interroges ont galement dcrit labsence de choix concernant le lieu de rsidence due une dpendance lgard des loge-ments sociaux. Si aucune des personnes interroges ne vivait en institution au moment des entretiens, nombre dentre elles sattendaient passer nouveau du temps dans un hpital psychiatrique lavenir et sinquitaient des consquences de ces sjours sur leur capacit de vivre de faon autonome longterme.

Daprs les personnes interroges, les individus souf-frant de troubles mentaux ont souvent du mal trou-ver un emploi en raison de leur faible niveau dtudes (les troubles mentaux apparaissent souvent la fin de ladolescence, ce qui entrane des consquences sur les tudes suprieures), ainsi que des prjugs rpandus et de la rticence mettre en place des amnagements raisonnables pour rpondre leurs besoins. En labsence dopportunits daccder au march ordinaire du travail, nombre dentre eux cherchent ou obtiennent un emploi dans un atelier protg ou auprs dorganisations sans but lucratif. En effet, quand bien mme ces activits ne sont pas rmunres, elles offrent des interactions sociales, limpression de contribuer la socit et pro-curent un but lexistence. Ces ateliers protgs isolent cependant les personnes souffrant de troubles mentaux de la vie sociale, renforant alors leur stigmatisation et rduisant dans un mme temps leurs perspectives de trouver et de conserver un travail rmunr sur le march ordinaire du travail.

Les personnes interroges ont galement abord les difficults quelles rencontrent dans leurs interactions avec les services de sant, ainsi que linsuffisance et linadaptation de laccompagnement de proximit en matire de sant mentale. Elles expliquent que les mdecins gnralistes prennent rarement les plaintes physiques au srieux, partant du principe que ces der-nires sont lies la sant mentale. De mme, les trai-tements concernant les maladies physiques peuvent tre restreints en raison des troubles mentaux, tandis que linformation concernant le diagnostic, le traitement

et les effets secondaires potentiels est souvent inexis-tante. Lorsque des thrapies par la parole ou dautres thrapies non mdicamenteuses sont disponibles, ou quil existe des centres locaux proposant un accompa-gnement flexible et un ventail dactivits, ceux-ci sont trs apprcis par les individus. Les personnes interro-ges ont ainsi particulirement insist sur la ncessit damliorer laccs ces services et leur disponibilit, et en particulier sur limportance de faire en sorte quils refltent la nature instable des troubles mentaux.

Daprs les personnes interroges, les personnes souf-frant de troubles mentaux ont besoin dtre accom-pagnes de diverses manires afin de mener une vie autonome, de faire vritablement des choix et dexercer un contrle effectif sur leur vie. Eu gard laccompagne-ment officiel, une aide au dveloppement des capacits requises pour vivre de manire autonome pourrait, par exemple, faciliter la transition entre un milieu de vie en institution ou avec la famille, et une vie dans la socit. Hors institution, les dfenseurs financs par ltat ou les agents fournissant des services particuliers, tel quun accompagnement relatif aux finances, sont trs apprcis. Dans cette mme veine, certains dispositifs techniques qui vrifieraient automatiquement que les appareils lectromnagers sont teints avant que la personne quitte la maison, ou plus spcifiquement, des techniques adaptes aux individus concerns et leur per-mettant dviter les tches difficiles pendant les phases de mauvaise sant mentale, sont tout aussi utiles. Des mcanismes daccompagnement informels permettent galement dencourager lautonomie et linclusion. De nombreuses personnes interroges ont soulign que les discussions avec la famille et les amis au sujet des problmes, de mme que les conseils officieux glans de manire informelle taient, entre autres, des sources daide fondamentales. Elles ont par ailleurs soulign lim-portance des organisations reprsentatives et diriges par les utilisateurs qui, tout en vhiculant un sentiment de soutien par des pairs, proposent des services et une assistance pratique pour connatre les diffrentes options daccompagnement. Les inquitudes concernant la dis-ponibilit limite, et parfois mme en baisse, de nom-breuses options daccompagnement apparaissent ainsi comme lun des thmes rcurrents de cette recherche.

Dans certains pays, les personnes interroges ont not le rle primordial qui est jou par les organisations repr-sentatives. Sources de soutien par les pairs, ces dernires permettent encore aux personnes souffrant de troubles mentaux de se faire entendre quant aux orientations des prestations de services et de la politique qui les concernent. Dans dautres pays, les personnes interro-ges ont pourtant indiqu que ces organisations rencon-traient dnormes difficults en matire de capacit ou de soutien politique. Les personnes souffrant de troubles mentaux demeurent alors isoles, dlaisses et ne bn-ficient gure de la possibilit dinfluencer la dfinition des

Rsum

1111

politiques les concernant. De puissants rseaux dorgani-sations diriges par les utilisateurs permettraient dinfor-mer les personnes souffrant de troubles mentaux, de leur donner les moyens darticuler et de dfendre leurs besoins, ainsi que dattirer lattention sur leurs droits.

Les obstacles juridiques et sociaux peuvent galement freiner le choix et le contrle exerc par les personnes souffrant de troubles mentaux sur leur propre vie. Daprs les personnes interroges, un grand nombre de personnes sont officiellement prives, totalement ou en partie, de leur capacit juridique, ce qui peut les emp-cher de signer des contrats de travail ou de prendre des dcisions concernant leurs proprits et leurs finances. Ces choix sont faits leur place par des tuteurs qui leur ont souvent t imposs. Cette incapacit prendre des dcisions est particulirement grave en ce qui concerne le placement ou le traitement involontaire des personnes souffrant de troubles mentaux dans les hpitaux psy-chiatriques. Les personnes interroges voquent dautres restrictions, informelles cette fois, dont un exemple pourrait tre lintervention excessive de leurs familles dans leur vie prive, qui limiterait effectivement les choix et le contrle quelles oprent. En outre, en dpit des volutions visant rendre les systmes judiciaires plus ractifs et accessibles aux personnes souffrant de troubles mentaux, de nombreux obstacles continuent dentraver leur accs la justice. La mconnaissance des mcanismes de plainte ou de rparation, linsuffisance de laccompagnement juridique et la peur de la stigma-tisation peuvent influencer ces personnes lorsquelles dcident de dposer ou non une plainte officielle.

Les obstacles dresss par la socit elle-mme sont tout aussi importants. Daprs les personnes interroges, la limitation du choix et du contrle par les rgimes insti-tutionnels concerne non seulement les individus placs dans les hpitaux psychiatriques et habitant dans des grandes institutions daide sociale, mais galement ceux qui vivent dans de petits foyers collectifs, o les cultures institutionnelles subsistent. Lorsquelles se remmorent leur vie en institution, les personnes interroges font tat dune routine quotidienne stricte et dun manque dintimit, fonds sur des ingalits de pouvoir dans les relations entre le personnel et les rsidents. Dans la socit, la stigmatisation et la discrimination sur la base de la sant mentale sont des phnomnes courants. Des malentendus subsistent concernant les personnes souf-frant de troubles mentaux. Ces ides reues entranent des maltraitances et des intimidations de la part du grand public et peuvent mettre mal les relations, les interactions avec les prestataires de services et les pro-fessionnels de sant. Ce phnomne contribue alors lisolement social et aux faibles possibilits de participer la vie de la socit. La peur dventuelles rcriminations implique que de nombreux individus ne rvlent pas leur tat de sant mentale, se privant ainsi de la possibilit de bnficier damnagements raisonnables.

Enfin, les facteurs conomiques jouent un rle dans lex-clusion et la marginalisation des personnes souffrant de troubles mentaux en les empchant de saisir leur chance de la mme manire que les autres. Les personnes interroges ont soulign que nombre dentre elles, en labsence demploi rmunr, dpendent en grande partie, voire totalement, des prestations sociales. Ces prestations sont gnralement insuffisantes pour per-mettre aux intresss de choisir effectivement o et avec qui habiter, pour accder laccompagnement et pour prendre part des activits qui pourraient leur per-mettre de mieux sintgrer dans la socit. La dpen-dance vis--vis des prestations sociales accrot le stress li aux modifications constantes du rgime dallocations ou des seuils dadmissibilit, ainsi que lanxit lie la ncessit de prouver la gravit des troubles mentaux afin de renouveler le statut dhandicap. En outre, les mesures daustrit prises suite la crise conomique entranent souvent des coupes dans les services et les prestations de la scurit sociale, ce qui risque de ralen-tir lvolution vers une vie vritablement autonome.

La voie suivreLa transition progressive vers lautonomie de vie est, en tant que processus continu, une forme de libration pour les personnes handicapes. Celles-ci gagnent pro-gressivement en contrle sur leur existence et peuvent mener leurs propres choix de vie. Les initiatives posi-tives et les tmoignages prsents dans le prsent rapport montrent les rpercussions bnfiques que les politiques innovantes, facilitant le choix et le contrle, ont dj sur les personnes handicapes. Si les choses voluent bel et bien, cette recherche dmontre nan-moins quil reste encore un long chemin parcourir avant que les droits inscrits dans laCRPD ne deviennent ralit. cet gard, des initiatives cls en matire de politique, de droit et de pratiques, dont quelques exemples sont fournis ci-dessous, peuvent permettre daccomplir plus facilement des progrs afin daider les personnes souffrant de troubles mentaux et les per-sonnes handicapes intellectuelles vivre de faon plus autonome dans lasocit.

n Des mesures juridiques et administratives visant aider les personnes souffrant de troubles mentaux ou handicapes intellectuelles prendre des dcisions.

n Des mesures pour faire en sorte quun accompa-gnement appropri, de qualit et librement choisi pour lautonomie de vie soit mis disposition, quel que soit le milieu devie.

n Des mesures pour sassurer quune aide est appor-te aux familles denfants handicaps intellectuels ou souffrant de troubles mentaux, ainsi quaux parents handicaps intellectuels ou souffrant de

Choix et contrle : le droit une vie autonome

1212

troubles mentaux pour leur permettre de soccuper de leurs enfants.

n Des mesures visant accrotre lindpendance fi-nancire des personnes handicapes intellectuelles ou souffrant de troubles mentaux par linterm-diaire de la scurit sociale et de programmes de promotion de lemploi.

n Des mesures ayant pour but de lutter contre la dis-crimination et dassurer lgalit des chances dans laccs lemploi et aux aspects fondamentaux de la vie sociale, comme lducation, la culture, les loi-sirs et la fourniture de biens et services, ce qui com-prend des actions positives visant contrebalancer les ingalits existantes.

n Des mesures visant mettre en place des milieux de vie adapts dans la socit qui permettent doprer un vritable choix concernant le lieu de vie, en utilisant bon escient les Fonds structurels de lUnion europenne.

n Des mesures permettant de rduire les entraves administratives lies laccs aux services dac-compagnement public et leur utilisation, notam-ment en fournissant des informations accessibles

et pertinentes, en particulier en ce qui concerne les droits des intresss.

n Des mesures de soutien au dveloppement des organisations dautoreprsentation, ainsi que des mesures visant accrotre la participation active et limplication des personnes handicapes intel-lectuelles et des personnes souffrant de troubles mentaux dans la politique, llaboration de pro-grammes et les prises de dcisions.

n Des mesures axes sur la cration dun plus grand nombre de centres de sant mentale de proximi-t et de services pour les personnes souffrant de troubles mentaux.

n Des mesures visant assurer la participation poli-tique des personnes souffrant de troubles mentaux ou handicapes intellectuelles. Le droit de vote tant une condition pralable indispensable la participation effective au processus politique.

n Des mesures permettant de sensibiliser les per-sonnes souffrant de troubles mentaux ou handica-pes intellectuelles aux mcanismes de plainte et de les aider accder la justice et prendre part aux procdures judiciaires.

1313

ContexteLes personnes handicapes intellectuelles et les per-sonnes souffrant de troubles mentaux sont, depuis des sicles, victimes de stigmatisation et de discrimination. cartes de la socit et dissimules, elles vivaient dans des institutions, des asiles et des hpitaux psychia-triques1. La dsinstitutionalisation en tant quobjectif politique a dmarr en Europe la fin des annes 1960 et au dbut des annes 19702. Elle a t mise en uvre de diffrentes faons et plus ou moins rapidement3.

Daprs les recherches, plus dun million de personnes vivent dans des institutions en Europe, savoir dans lUnion europenne et dans les pays voisins4. Les per-sonnes handicapes intellectuelles ou souffrant de troubles mentaux y sont reprsentes de manire dispro-portionne5. Malgr labsence de statistiques prcises, les recherches indiquent que les personnes handica-pes intellectuelles reprsentent plus du quart de cette population et que les personnes souffrant de troubles mentaux sont le deuximegroupe le plus reprsent6.

Il nexiste pas de dfinition commune du terme ins-titution, qui est employ de diffrentes faons dans les divers pays. Dans le contexte du handicap, le terme institution est largement utilis pour faire rfrence des milieux de vie sparant les personnes handica-pes de leur famille et de la socit, et qui ne leur per-mettent pas de faire des choix et dexercer un contrle total sur leur vie quotidienne. LOrganisation Mondiale de la Sant (OMS) dfinit linstitution de la faon suivante:7

Tout lieu dans lequel des personnes handicapes, des personnes ges ou des enfants vivent collectivement, loin de leur famille. Implicitement, fait rfrence un endroit dans lequel les personnes nexercent pas pleinement le contrle sur leur vie et leurs activits quotidiennes. Une institution ne se dfinit pas simplement par sataille.7

Le droit des personnes handicapes vivre de faon autonome et prendre des dcisions nest pas unique-ment compromis par leur sjour dans ces institutions. Cette atteinte transparat galement dans certains aspects du droit et de la politique. Un exemple, qui a t lun des axes du mouvement de dfense des droits des handicaps, est le droit des tutelles. Les

1 Goffman, E. (1961).2 Pour plus dinformations, voir: Ericsson, K. et Mansell, J.

(1996) et Mansell, J. (2006). 3 Pour plus dinformations sur la dsinstitutionnalisation, voir:

Fakhoury, W. et Priebe S. (2000), p.18792.4 Mansell et al. (2007).5 Pfeiffer, J. et al. (2009) et Townsley, R. et al. (2010),

Section3.3.6 Pfeiffer, J. et al. (2009).7 OMS et Banque mondiale (2011), p.340.

dfinitions juridiques du terme tutelle varient dun pays lautre, mais le dnominateur commun est le suivant: un tuteur dispose de lautorit juridique pour soccuper des intrts personnels et patrimoniaux dune autre personne. Les rgimes de tutelle sappliquent aux mineurs et aux personnes frappes dincapacit, ou aux personnes handicapes. En vertu des lgislations en matire de tutelles, les individus peuvent tre privs de tout ou partie de leur capacit juridique, par exemple: du droit de se marier, de voter, de rdiger un testament, de signer un contrat de travail ou dacheter des biens, comme une maison8. La lgislation sur le placement et le traitement psychiatrique involontaires des per-sonnes souffrant de troubles mentaux en est une autre illustration.

Lautonomie de vie est aujourdhui un concept global regroupant plusieurs lments permettant aux per-sonnes handicapes dtre incluses dans la socit sur la base de lgalit avec les autres. Ainsi, la vie en autonomie reprsente aujourdhui le fait daccorder aux personnes handicapes le mme niveau de choix, de contrle et de libert dans leur vie quotidienne que toute autre personne9.

La Convention desNations Unies sur lesdroits despersonnes handicapes En dcembre2006, lAssemble gnrale des Nations Unies a adopt la Convention relative aux droits des personnes handicapes (CRPD), modifiant en profon-deur la faon dont le droit international envisage les droits des personnes handicapes. La socit civile, et en particulier les organisations reprsentant les per-sonnes handicapes10, a t particulirement implique dans la rdaction de cette convention, qui dfinit les lments essentiels permettant dassurer le respect, la protection, la promotion et la mise en uvre effec-tive des droits de lhomme des personnes handicapes. LaCRPD ne cre pas de nouveaux droits, mais elle inscrit les droits existants dans le contexte du handicap, en dfinissant la marche suivre pour les appliquer aux personnes handicapes. Elle fait converger les droits civils et politiques et les droits conomiques et sociaux, crant ainsi un cadre exhaustif fond sur les diffrents aspects de la protection des droits de lhomme.

8 Voir: http://mdac.info/guardianship; ainsi que Keys, M. (2009) et Bartlett, P. et al. (2007), Chapitre6.

9 Royaume-Uni, Office for Disability Issues, Independent Living Strategy, disponible : http://odi.dwp.gov.uk/odi-projects/independent-living-strategy.php.

10 Tromel, S. (2009).

http://mdac.info/guardianshiphttp://odi.dwp.gov.uk/odi-projects/independent-living-strategy.phphttp://odi.dwp.gov.uk/odi-projects/independent-living-strategy.php

Choix et contrle : le droit une vie autonome

1414

Grce son niveau de prcision et de dtail sur la signification des droits de lhomme dans le contexte du handicap, la CRPD apporte un cadre de rfrence unique permettant dvaluer la situation actuelle des personnes handicapes. Elle fournit galement des outils pour mesurer les progrs accomplis afin de per-mettre ces personnes de mener une vie autonome et de prendre part la vie sociale sur un pied dgalit avec les autres.

Larticle19 de laCRPD, intitul Autonomie de vie et inclusion dans la socit, est particulirement per-tinent dans le cadre de cette recherche. Il sagit de la premire disposition dun trait des Nations Unies relatif aux droits de lhomme exposer le droit un accom-pagnement permettant de vivre en autonomie et de prendre part la vie sociale.

Article19 de la Convention surlesdroitsdes personnes handicapesAutonomie de vie et inclusion danslasocit

Les tats Parties la prsente Convention re-connaissent toutes les personnes handicapes le droit de vivre dans la socit, avec la mme libert de choix que les autres personnes, et prennent des mesures efficaces et appropries pour faciliter aux personnes handicapes la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine int-gration et participation la socit, notamment en veillant ce que :

a. Les personnes handicapes aient la possibilit de choisir, sur la base de lgalit avec les autres, leur lieu de rsidence et o et avec qui elles vont vivre et quelles ne soient pas obliges de vivre dans un milieu de vie particulier ;

b. Les personnes handicapes aient accs une gamme de services domicile ou en tablisse-ment et autres services sociaux daccompagne-ment, y compris laide personnelle ncessaire pour leur permettre de vivre dans la socit et de sy insrer et pour empcher quelles ne soient isoles ou victimes de sgrgation ;

c. Les services et quipements sociaux destins la population gnrale soient mis la disposition des personnes handicapes, sur la base de lgalit avec les autres, et soient adapts leurs besoins.

La CRPD ne dfinit pas ltendue du terme autono-mie. On peut nanmoins avancer quil nest pas uti-lis dans un sens strict, qui sentendrait comme le fait deffectuer une tche seul et sans assistance. Plutt que de faire rfrence des capacits fonctionnelles sans assistance, la convention tablit un lien entre la notion dindpendance et le choix et le contrle concernant le mode de vie au quotidien. Lorsquune assistance est

ncessaire, elle doit prendre une forme permettant aux personnes de vivre dans la socit et de sy insrer [...] pour empcher quelles ne soient isoles ou victimes de sgrgation (article19, pointb)).

Si larticle19 codifie le droit une vie autonome, il faut, pour quil prenne tout son sens, le considrer en associa-tion avec un certain nombre dautres articles de laCRPD. En effet, le concept de vie autonome associe plusieurs aspects de la vie dun individu, il est donc ncessaire que de nombreux autres droits de lhomme soient appli-qus. Larticle5 de laconvention, par exemple, demande aux tats parties dinterdire les discriminations fondes sur le handicap. Comme lexplique larticle2 de laCRPD, la discrimination comprend le refus de mettre en place des amnagements raisonnables. Les amnagements raisonnables sont eux-mmes dfinis comme les modi-fications et ajustements ncessaires et appropris quil convient de mettre en place dans une situation donne afin dassurer une personne handicape la jouissance dun droit ou dune libert sur la base de lgalit avec les autres, sans imposer de charge dis-proportionne ou indue. La discrimination comprend par consquent la notion de traitement moins favorable en raison du handicap et le refus de mettre en place les amnagements raisonnables.

Le besoin de mettre en place un accompagnement afin de faciliter lautonomie de vie et la participation la vie sociale est galement au cur de larticle26. Il est demand aux tats parties dans cet article de prendre des mesures efficaces et appropries, fai-sant notamment intervenir lentraide entre pairs, pour permettre aux personnes handicapes datteindre et de conserver le maximum dautonomie, de raliser pleinement leur potentiel physique, mental, social et professionnel, et de parvenir la pleine intgration et la pleine participation tous les aspects de la vie. Ces mesures doivent comprendre la mise disposition, proximit du lieu de vie de la personne et y compris dans les zones rurales, de services dadaptation et de radaptation fonds sur lvaluation des besoins et des atouts de chacun. Lesdits services permettent en effet de promouvoir la participation la socit et linclusion. Le paragraphe3 de larticle26 tablit lobligation de favoriser loffre, la connaissance et lutilisation dappareils et de technologies daide en lien avec ladaptation et la radaptation.

Larticle12 promeut linclusion et la participation en reconnaissant que les personnes handicapes sont dotes de la personnalit juridique et jouissent de la capacit juridique sur la base de lgalit avec les autres. En effet, le paragraphe3 de cet article confre aux tats la responsabilit de prendre des mesures appro-pries pour donner aux personnes handicapes accs laccompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacit juridique. De cette faon,

Contexte

1515

laCRPD permet de passer de la prise de dcisions par personne interpose un systme dassistance plus individualis, fond sur le respect de lautonomie et de la dignit de la personne.

Larticle28 de la CRPD portant sur le niveau de vie et la protection sociale est galement pertinent pour lauto-nomie de vie. Cest particulirement le cas de ses rf-rences la ncessit dassurer laccs aux programmes de rduction de la pauvret et de mettre en place des aides couvrant les frais lis au handicap, notamment les frais permettant dassurer adquatement une for-mation, un soutien psychologique [et] une aide finan-cire [...]. La pauvret est souvent troitement lie aux obstacles rencontrs au moment de trouver et de conserver un emploi. cet gard, il convient de noter que larticle27 de laCRPD demande aux employeurs dinterdire la discrimination fonde sur le handicap. Il charge galement les tats damliorer les possi-bilits demploi pour les personnes handicapes, en les employant par exemple dans le secteur public, en favorisant leur emploi dans le secteur priv grce la mise en uvre de programmes daction positive et dincitations, en encourageant des politiques de main-tien dans lemploi et de retour lemploi, ainsi quen dfendant les possibilits dexercice dune activit indpendante, lesprit dentreprise et lorganisation de coopratives.

Larticle29 est centr sur la participation la vie poli-tique et la vie publique. Il incite les tats faire en sorte que les personnes handicapes soient en mesure de participer la vie publique, par exemple en votant, en se prsentant aux lections et en exerant un man-dat lectif, sur la base de lgalit avec les autres. Il les oblige galement encourager la formation dorgani-sations reprsentatives des personnes handicapes. Larticle4, paragraphe3 demande aux tats parties de faire participer les personnes handicapes et leurs orga-nisations reprsentatives aux processus dlaboration des politiques qui les concernent.

Larticle25 mrite galement que lon y consacre plus ample attention. Le pointb) demande que les services de sant dont les personnes handicapes ont besoin en raison spcifiquement de leur handicap com-prennent des services destins rduire [...] ou prvenir les nouveaux handicaps. Le pointc) prcise que ces services doivent tre mis disposition des personnes handicapes aussi prs que possible de leur communaut, y compris en milieu rural. Dans le contexte de la sant mentale, les obligations imposes par larticle19 en matire dautonomie de vie doivent aussi tre considres la lumire de larticle14, para-graphe1, pointb), qui demande aux tats de veiller ce que les personnes souffrant de troubles mentaux dis-posent de choix et de diffrentes possibilits concernant leurs conditions de vie, car en aucun cas lexistence

dun handicap ne justifie une privation de libert11. Cela pourrait avoir des consquences importantes en matire de placement et de traitement involontaires.

Enfin, larticle8 de laCRPD impose des obligations de sensibilisation aux tats parties. Il leur demande de pro-mouvoir le respect des droits et de la dignit des per-sonnes handicapes, de combattre les strotypes et les pratiques dangereuses, et de faire mieux connatre les capacits et les contributions de ces personnes. Il y est explicitement fait mention de la ncessit de mettre en place cette sensibilisation par lintermdiaire du sys-tme ducatif et en encourageant les mdias prendre en considration ces questions lorsquils prsentent des personnes handicapes.

LUnion europenne etleConseil delEurope LUE est devenue partie la CRPD le 23dcembre2010, faisant de la convention le premier trait internatio-nal relatif aux droits de lhomme ratifi par lUnion europenne. Ladhsion de lUE soulve videmment des questions indites et compliques sur le plan juri-dique et politique concernant ltendue et la nature des comptences de lUE par rapport aux droits garantis par la convention12. LUnion europenne elle-mme ne dispose du pouvoir direct de lgifrer que dans un nombre restreint de domaines, comme celui de la dis-crimination. Cest en outre les tats membres qui sont majoritairement responsables de la mise en uvre de laCRPD. Il nen reste pas moins que lUE peut jouer un rle important en matire de sensibilisation et de promotion de la mise en uvre de la Convention par les tats, en particulier en facilitant le partage dexp-riences, en rassemblant des donnes et en dterminant les bonnes pratiques.

Lobligation de respecter et de faire valoir les droits fondamentaux des personnes handicapes est, de plus, au cur du droit europen. Larticle10 du Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne (TFUE) exige de lUnion europenne quelle combatte toute discrimination fonde sur le handicap dans la dfinition et la mise en uvre de ses politiques et activits. Lar-ticle19 lui confre le pouvoir dadopter des mesures en vue de combattre toute discrimination fonde sur un handicap. La directive sur lgalit de traitement en matire demploi13 interdit la discrimination directe et indirecte, de mme que le harclement et toute injonction visant pratiquer une discrimination fonde sur le handicap, la religion ou les convictions, lge et lorientation sexuelle. Elle sapplique aux domaines de

11 Voir, par exemple, Minkowitz, T. (2010), p.151177.12 Conseil europen (2010), p.00110015.13 Directive 2000/78/CE du Conseil, JO2000L303.

Choix et contrle : le droit une vie autonome

1616

lemploi et du travail, de la formation professionnelle et de laffiliation une organisation de travailleurs ou demployeurs. Elle dfinit les exigences minimales et les tats membres peuvent fixer un niveau de protec-tion plus lev dans leur lgislation nationale. Daprs larticle5 de la directive, les employeurs sont tenus de prendre les mesures appropries pour permettre une personne handicape daccder un emploi, de lexercer ou dy progresser, ou pour quune forma-tion lui soit dispense, sauf si ces mesures imposent lemployeur une charge disproportionne (amna-gements raisonnables).14

La Charte des droits fondamentaux de lUnion euro-penne contient galement des dispositions faisant allusion au respect des droits des personnes handi-capes en ce qui concerne leur autonomie de vie et leur participation la vie de la communaut. Lentre en vigueur de la charte en tant quinstrument juri-diquement contraignant signifie que ses exigences sappliquent maintenant toutes les institutions de lUE, de mme qu tous les tats membres dans leur interprtation et dans leur application du droit de lUE15. Les articles21 et26 constituent les deuxdispositions de la chartedirectement pertinentes concernant les personnes handicapes: larticle21 interdit toute discri-mination fonde sur un handicap et larticle26 reconnat le droit des personnes handicapes bnficier de mesures visant assurer leur autonomie, leur intgra-tion sociale et professionnelle et leur participation la vie de la communaut.

Dans le domaine du handicap, linstrument politique cl de lUnion europenne est la Stratgie europenne 20102020 en faveur des personnes handicapes: un engagement renouvel pour une Europe sans entraves, qui a t publie par la Commission europenne en novembre201016. Son objectif gnral est de mettre les personnes handicapes en mesure dexercer len-semble de leurs droits et de tirer pleinement parti de leur participation la socit et lconomie europenne. La stratgie est conforme lesprit de laCRPD.

14 Pour plus dinformations, voir: FRA (2011).15 Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne,

art.52.16 Commission europenne (2010a).

Le Conseil de lEurope a dfini son cadre gnral en matire de politique vis--vis des personnes handi-capes dans le Plan daction20062015 pour les per-sonnes handicapes, adopt par le Comit des Ministres en200617. Mme sil a t adopt quelques mois avant la finalisation de laCRPD, le texte reflte limportance de lautonomie de vie:18

Cette ligne daction met laccent sur les moyens mettre en uvre pour que les personnes handicapes puissent vivre de manire aussi autonome que possible et choisir leur mode et leur lieu de vie. Pour ce faire, il faut mettre en place des politiques stratgiques favorisant le passage dune prise en charge en tablissement vers des structures de vie au sein de la socit, allant de logements indpendants de petites units dhabitation collectives. Ces politiques devraient tre souples, prvoir des programmes permettant aux personnes handicapes de vivre au sein de leur famille et reconnatre les besoins spcifiques des personnes handicapes requrant un niveau lev dassistance.18

En ce qui concerne la Cour europenne des droits de lhomme (CouEDH), elle a rendu un certain nombre de dcisions capitales quant diffrents aspects de lauto-nomie de vie. Plus particulirement, dans larrt Stanev c. Bulgarie,19 laCouEDH a reconnu que la vie dans une institution pouvait tre assimile une violation du droit la libert. Ainsi, laCouEDH a tenu compte de la dis-tance et de lisolement de linstitution par rapport la socit, de son strict programme quotidien, des rgles concernant les autorisations de sortie, de labsence de choix au quotidien et de limpossibilit de crer des relations dignes de ce nom20.

17 Conseil de lEurope, Comit des Ministres (2006).18 Ibid., Section3.8.19 Cour europenne des droits de lhomme (CouEDH), Stanev c.

Bulgarie, n36760/06, 17janvier2012.20 Pour une discussion dtaille concernant les instruments

internationaux pertinents et un aperu de la jurisprudence de laCouEDH, voir: Conseil de lEurope, Commissaire aux droits de lhomme (2012b).

1717

propos du rapportLe prsent rapport de lAgence des droits fondamen-taux de lUnion europenne (FRA) sest inspir de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapes (CRPD) et dune approche du handicap fonde sur les droits de lhomme. Il porte sur les questions auxquelles sont confrontes dans leur vie quotidienne les personnes handicapes intellec-tuelles ou souffrant de troubles mentaux en matire de choix et de contrle. Le droit une autonomie de vie illustre le modle social adopt par laCRPD en matire de handicap, mettant en lumire les obstacles sociaux, physiques et comportementaux qui doivent tre levs afin dassurer la participation pleine et entire des per-sonnes handicapes dans lasocit.

La possibilit de mener une vie autonome ne repose pas seulement sur la question des logements disponibles et doptions daccompagnement. Si ces lments sont essentiels lautodtermination des individus, pour que les personnes handicapes prennent entirement part la vie de la socit, elles doivent pouvoir faire des choix et avoir le contrle sur des questions telles que leur parti-cipation politique (en votant et en prsentant leur candi-dature), leur capacit signer des contrats juridiquement contraignants et la possibilit de ne pas tre injustement prives de leur libert par des moyens administratifs. Tous ces lments sont extrmement importants pour donner une personne les choix et le contrle indis-pensables pour mener une vie vritablement autonome. Ces questions complexes et polymorphes sont traites dans dautres rapports labors par laFRA dans le cadre de ses travaux concernant le handicap. Les rapports se penchent sur le droit de vote, la protection contre la discrimination, la mise disposition damnagements raisonnables, le placement et le traitement involontaires, ainsi que la capacit juridique21.

Ce rapport prsente les rsultats dune recherche qua-litative transnationale qui a gnr une grande quan-tit de donnes approfondies concernant des aspects importants de la vie de personnes dont les voix ne sont que rarement entendues. Pour collecter ces informa-tions, la recherche sest fonde sur des chantillons relativement restreints de personnes interroges, ne prtendant pas tre reprsentatives de la totalit de la population cible, savoir les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes handicapes intel-lectuelles. En outre, seuls certains tats membres ont t slectionns. Par consquent, les rsultats ici expo-ss ne sauraient tre considrs comme reprsentatifs de la situation de toutes les personnes appartenant cette population cible dans lUE.

21 Agence des droits fondamentaux de lUnion europenne (FRA) (2010); FRA (2011); FRA ( paratre).

Il nen reste pas moins que cette recherche, en per-mettant de mieux comprendre les dfis auxquels sont confronts ces deuxgroupes de personnes, peut four-nir des informations utiles lUE dans le cadre de ses efforts visant amliorer le respect, la protection et la jouissance de leurs droits tels quils sont garantis par laCRPD et la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne. Elle peut galement faciliter llaboration de la lgislation europenne et nationale conform-ment la Stratgie europenne 20102020 en faveur des personnes handicapes.

MthodologieLa recherche sur le terrain a t effectue par le biais dentretiens personnels et de groupes de discussion dans neuftats membres de lUE (Allemagne, Bulgarie, France, Grce, Hongrie, Lettonie, Roumanie, Royaume-Uni et Sude), entre novembre2010 et juillet2011. Le travail sur le terrain a eu lieu en deuxvolets paral-lles et distincts et ce, afin de prendre en compte les diffrences importantes existant entre les personnes souffrant de troubles mentaux et celles handicapes intellectuelles. Cette distinction transparat gale-ment dans lanalyse des donnes. Lchantillon tait constitu de personnes prsentant des capacits fonctionnelles relativement importantes, slection-nes parce quelles pouvaient exprimer relativement aisment leurs expriences en situation dentretien. Il ne comprend en revanche aucune personne vivant en institution, sous tutelle lorsque le tuteur na pas accept lentretien, ni ge de moins de 18ans, quand bien mme les personnes adultes interroges ont pu rpondre des questions relatives leurs expriences pendant leur enfance.

Concernant le travail sur le terrain, des entretiens indi-viduels semi-directifs et des groupes de discussion ont t organiss. Les entretiens individuels ont t raliss auprs de 115personnes souffrant de troubles mentaux et 105personnes handicapes intellectuelles. Dans chaque tat membre de lUE qui a fait lobjet de cette enqute, au moins deuxgroupes de discussion lun comprenant des personnes interroges souffrant de troubles mentaux, et lautre des personnes han-dicapes intellectuelles ont dbattu des premiers rsultats des entretiens individuels. Dautres entre-tiens ont pris place, lors de groupes de discussion et dans chaque tat membre, avec des parties prenantes qui bnficiaient de connaissances et dexpriences pertinentes en lien avec les personnes souffrant de troubles mentaux ou handicapes intellectuelles. Les parties prenantes reprsentaient les organisations ou les organismes concerns et intresss par les sujets

Choix et contrle : le droit une vie autonome

1818

tudis. Les organisations reprsentes variaient dun tat membre lautre, mais comprenaient dans la mesure du possible: un reprsentant dune organi-sation ou dun groupe dirig par les utilisateurs, des reprsentants ministriels, des reprsentants des bureaux de mdiation ou des institutions nationales de dfense des droits de lhomme, ainsi que des repr-sentants dordres professionnels concerns, tels que les psychiatres et les travailleurs sociaux. Une runion dexamen par les pairs sest galement tenue pendant deuxjours Vienne, au cours de laquelle des orga-nisations et des groupes reprsentant les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes handi-capes intellectuelles venant des neuf tats membres concerns ont dbattu des premiers rsultats de la recherche sur le terrain.

LaFRA a gr le projet et appliqu ses propres mesures de strict contrle de la qualit, notamment grce la participation de son Comit scientifique. Une grande partie des recherches prliminaires et du travail sur le terrain a t sous-traite au groupe Human European Consultancy, qui a form une quipe de recherche com-pose de Neil Crowther, Edurne Garcia Iriarte (National Institute for Intellectual Disability, Dublin), Anna Law-son (Universit de Leeds), Oliver Lewis et Jasna Russo (Mental Disability Advocacy Centre), Rachel Stevens (NUI Galway) et Rannveig Traustadottir (Universit dIslande). Des tudes prliminaires et des recherches sur le terrain ont galement t effectues lchelle nationale par des chercheurs nationaux(voir lAnnexe3 pour la liste complte). La recherche a t soutenue par un groupe consultatif ad hoc compos des orga-nisations de la socit civile suivantes : le Rseau europen pour la vie autonome (European Network of Independent Living, ENIL), le Forum europen des per-sonnes handicapes (FEPH), le Rseau europen des (ex-)usagers et survivants de la psychiatrie (REUSP), la Plate-forme europenne des auto-reprsentants et Inclusion Europe. En outre, les experts suivants ont gnreusement contribu aux travaux de recherche: Michael Bach (Association canadienne pour lintgration communautaire), Mark Priestly (Universit de Leeds), Gerard Quinn (NUI Galway) et Lisa Waddington (Univer-sit de Maastricht). LAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne est responsable de lanalyse et des conclusions.

Terminologie et structure durapportLe prambule de la CRPD reconnat que le handicap est une notion qui volue: le handicap rsulte de linteraction entre des personnes prsentant des inca-pacits et les barrires comportementales et environ-nementales qui font obstacle leur pleine et effective participation la socit sur la base de lgalit avec les

autres22. Il nexiste pas dexpression communment accepte pour dcrire les deuxgroupes de personnes voqus dans ce rapport. La terminologie varie entre les juridictions, les professions et parmi les personnes handicapes elles-mmes, ainsi que dune rgion lautre. Au cours de la priode durant laquelle ltude a t ralise, des organisations internationales ont modifi leur terminologie. Ainsi, dans son Point de vue de200923 et dans son Carnet des droits de lhomme de201024, le Commissaire aux droits de lhomme du Conseil de lEurope a utilis, lexpression collective personnes handicapes mentales en rfrence aux personnes prsentant des troubles psychiques ou des dficiences intellectuelles. Il faisait par la suite rf-rence dans son Carnet des droits de lhomme de2012 aux personnes ayant des dficiences intellectuelles et psychosociales25. Le Pacte europen pour la sant mentale et le bien-tre de la Commission europenne mentionne des personnes souffrant de troubles men-taux26, tandis que la Stratgie 20102020 en faveur des personnes handicapes de la Commission europenne utilise lexpression de laCRPD, savoir dficiences psychosociales au lieu de personnes souffrant de troubles mentaux27. Enfin, lOMS, dans son Rapport mondial sur le handicap28, parle dindividus atteints de troubles mentaux.

En labsence dune terminologie commune et aprs consultation dorganisations de personnes handicapes, laFRA a dcid dutiliser les expressions personnes souffrant de troubles mentaux et personnes han-dicapes intellectuelles. Lexpression personnes handicapes intellectuelles est utilise par Inclusion Europe, une association de personnes handicapes intellectuelles et de leurs familles29, ainsi que par la Plate-forme europenne des auto-reprsentants30, un rseau de personnes handicapes intellectuelles. Au Royaume-Uni, en revanche, lexpression privilgie est personne ayant des troubles de lapprentissage31.

22 CRPD, art.1, para.2.23 Conseil de lEurope, Commissaire aux droits de lhomme

(2009), Il faut aider les personnes handicapes mentales, pas les priver de leurs droits fondamentaux, Points de vue, 21septembre; disponible : www.coe.int/t/commissioner/viewpoints/090921_FR.asp?.

24 Conseil de lEurope, Commissaire aux droits de lhomme (2010), Traitement inhumain de personnes handicapes en institution, Le carnet des droits de lhomme, 21octobre; disponible : http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=94.

25 Conseil de lEurope, Commissaire aux droits de lhomme (2012), Les personnes ayant des dficiences intellectuelles et psychosociales ne doivent pas tre prives de leurs droits individuels, Le carnet des droits de lhomme, 20fvrier; disponible : http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=208.

26 Commission europenne (2008c).27 Commission europenne (2010a).28 OMS et Banque mondiale (2011). 29 Voir: http://inclusion-europe.org/fr/a-propos. 30 Voir: http://inclusion-europe.org/fr/auto-representation. 31 Voir: www.nhs.uk/Livewell/Childrenwithalearningdisability/

Pages/Whatislearningdisability.aspx.

http://www.coe.int/t/commissioner/viewpoints/090921_FR.asp?http://www.coe.int/t/commissioner/viewpoints/090921_FR.asp?http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=94http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=94http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=208http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=208http://inclusion-europe.org/fr/a-proposhttp://inclusion-europe.org/fr/auto-representationhttp://www.nhs.uk/Livewell/Childrenwithalearningdisability/Pages/Whatislearningdisability.aspxhttp://www.nhs.uk/Livewell/Childrenwithalearningdisability/Pages/Whatislearningdisability.aspx

propos du rapport

1919

Lexpression personnes souffrant de troubles men-taux a t considre comme la plus accessible un lectorat multilingue, bien que le Rseau mondial des usagers et des survivants de la psychiatrie32, lInterna-tional Disability Alliance33, qui est une organisation non gouvernementale internationale se consacrant au han-dicap, et le Comit des droits des personnes handica-pes des Nations Unies34 prfrent utiliser lexpression handicap psychosocial. Cette expression nest tou-tefois pas employe par le Rseau europen des (ex-) usagers et des survivants de la psychiatrie (REUSP)35. La rticence de nombreuses personnes souffrant de troubles psychiatriques sidentifier comme handica-pes a lanc un dbat sur la relation entre les concepts de sant mentale et de handicap et a conduit favoriser dans ce rapport36 lexpression personnes souffrant de troubles mentaux.

Le handicap intellectuel et les troubles mentaux sont des phnomnes relativement distincts. Ils sont ainsi lorigine de mouvements politiques indpendants, sont associs diffrents types dexpriences et de rponses et prsentent souvent des proccupations divergentes. Dans le prsent rapport, et ce afin dviter toute rptition, il est fait rfrence aux personnes handicapes, dans le mme esprit que laCRPD. Ceci ne vise en aucun cas sous-estimer les importantes diffrences existant entre les personnes handicapes intellectuelles et les personnes souffrant de troubles mentaux. Le rapport fait galement rfrence des groupes de personnes, mme sil est notoire que les expriences de chacun sont singulires.

Pour tenir compte de ces diffrences, le rapport est divis en deuxchapitres principaux prsentant dans un premier temps, les rsultats associs aux personnes handicapes intellectuelles, puis ceux concernant les personnes souffrant de troubles mentaux. Chaque cha-pitre est constitu de cinqsections principales traitant des milieux de vie, de la vie quotidienne, des possibilits daccompagnement, de la participation la vie sociale, ainsi que des obstacles linclusion et la participation.

32 Voir: www.wnusp.net/. 33 Voir: www.internationaldisabilityalliance.org. 34 Nations Unies (ONU), Comit des droits des personnes

handicapes (2011), para.8.35 Voir: www.enusp.org.36 Voir par exemple, Beresford, P. (2000), p.167172.

Choix des pays La recherche sur le terrain a eu lieu dans neuftats membres de lUE (Allemagne, Bulgarie, France, Grce, Hongrie, Lettonie, Roumanie, Royaume-Uni et Sude) refltant un large ventail de rgions gographiques de lUE et toute une gamme de rgimes sociaux et politiques concernant le handicap, de mme que dif-frentes approches quant la dsinstitutionalisation et la tutelle. Par exemple, si en Sude le programme de dsinstitutionalisation37 a remplac les grandes ins-titutions dhbergement par des foyers collectifs avec sixrsidents au maximum, les institutions dhberge-ment grande chelle existent toujours dans plusieurs tats membres de lUE comme la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie. La mise en place de systmes daccompagnement personnalis afin daider les gens dans leur vie quotidienne passe de dispositions mini-males en la matire, comme cestle cas en Grce, des prestations gnreuses, par exemple en Sude. Il existe galement des variations considrables en ce qui concerne limportance donne au choix et au contrle dont disposent les personnes handicapes concernant leur budget afin dobtenir un accompagnement (soit les paiements directs); lAllemagne et le Royaume-Uni ayant mis en place des mesures assez fortes par rapport aux autres pays.

37 Sude, Loi portant sur laccompagnement et le service concernant certains groupes de personnes handicapes (Lag om std till visa funktionshindrade, LSS), SFS1993:387, 1993; et loi concernant les indemnits dassistance (Lag om assistansersttning, LASS), SFS1993:389, 1993.

http://www.wnusp.net/http://www.internationaldisabilityalliance.orghttp://www.enusp.org

21

1Expriences des personnes handicapesintellectuelles

Tableau11: Personnes handicapes intellectuelles interroges par pays, par ge etparsexe

PaysNombre de personnes

interroges

Hommes Femmes

Moins de 25ans 26-45 46-65 >66 Total

Moins de 25ans 26-45 46-65 >66 Total

BG 10 4 2 0 0 6 1 3 0 0 4

DE 10 1 3 1 0 5 0 4 1 0 5

EL 20 3 5 4 0 12 0 5 2 1 8

FR 10 1 5 0 0 6 0 3 1 0 4

HU 9 2 2 1 0 5 0 4 0 0 4

LV 11 1 6 0 0 7 0 3 1 0 4

RO 10 1 2 0 0 3 5 2 0 0 7

SE 11 1 3 2 0 6 0 4 1 0 5

UK 14 0 4 3 1 8 1 4 1 0 6

Total 105 58 47

Source: FRA, 2011

Ce chapitre se penche sur certaines des difficults ren-contres par les personnes handicapes intellectuelles concernant lautonomie de vie et lintgration au cur de la vie sociale.

Au total, 105personnes handicapes intellectuelles ont t interroges (voir le Tableau1.1 ci-dessous). La majorit des personnes interroges (64 sur 105) avait entre 26et 45ans et tait compose dhommes (58contre 47femmes). Le groupe le plus important de personnes ayant particip la recherche venait de Grce (20), sensuivait le Royaume-Uni (14); tandis que le groupe de participants le moins nombreux tait celui de la Hongrie (9). En Allemagne, en Bul-garie, en France et en Roumanie, dixpersonnes ont t interroges. LAnnexe1 fournit davantage de dtails sur la composition de lchantillon lchelle nationale.

11 Milieu de vie Au moment des entretiens, toutes les personnes inter-roges vivaient dans la communaut, que ce soit seules, avec un partenaire ou un ami, leurs parents ou dautres membres de la famille, ou encore dans des foyers col-lectifs. Leurs expriences taient trs varies. Un petit nombre de personnes interroges provenant de cer-tains des tats membres de lUE taient propritaires de leur logement. Le niveau de satisfaction des personnes interroges quant leur milieu de vie dpendait en grande partie de leurs conditions de vie antrieures. Les personnes ayant quitt les institutions taient satis-faites des foyers collectifs o elles avaient emmnag. Mme si elles devaient partager la plupart des instal-lations, telles que les chambres et les salles de sjour, avec dautres personnes, les foyers collectifs reprsen-taient nanmoins un progrs notable par rapport la

Choix et contrle : le droit une vie autonome

2222

vie en institution. Aucune personne interroge ne vivait en institution au moment des entretiens, mais nombre dentre elles y avaient dj vcu dans leur enfance et/ou en tant quadultes.

Vie autonome, avec un partenaire ou avec un ami

Peu de personnes interroges vivaient seules ou avec un partenaire ou un ami38. En Bulgarie, en Grce, en Hongrie, en Lettonie et en Roumanie, par exemple, aucune des personnes interroges ne vivait seule. En France et au Royaume-Uni, au contraire, la majorit des personnes interroges menait une vie indpendante dans des appartements en location. Dans lensemble, les personnes interroges exprimaient le souhait gn-ral dtre plus autonomes concernant leur milieu de vie:

[] vous savez, je veux ma propre cl et ma propre porte dentre.(Homme, 34ans, Lettonie)

Elles souhaitaient un systme dans lequel:

[] vous pouvez choisir avec qui vous voulez vivre et qui vous aide.(Homme, 39ans, Allemagne)

En Sude, environ la moiti des personnes interroges vivaient seules. La loi relative laccompagnement et aux services spciaux pour les personnes handicapes (LSS)39 garantit le droit une place dans un foyer collec-tif, un appartement avec des services spciaux ou tout autre type dappartement spcialement adapt pour les personnes considres comme ayant des difficults importantes ou persistantes dans la gestion de leur vie quotidienne. En2009, 83% des personnes ayant droit aux services prvus dans le cadre de la LSS avaient un handicap intellectuel. En vertu de cette loi, les indivi-dus acquirent des droits de proprit en matire de logement sous certaines conditions: le logement doit tre de qualit, suffisamment loign dautres milieux de vie de ce type et sans restriction de mouvement ou dassociation. Une personne interroge en Sude (32ans) a fait part de son exprience positive concer-nant laccompagnement et les choix dont elle a bnfi-cis concernant son lieu de vie: aprs avoir vcu avec sa mre pendant plusieurs annes, elle a pu choisir et dmnager dans son propre appartement dans une rsidence-foyer et est satisfaite du personnel qui laide.

38 Dans lintrt dune meilleure lisibilit, lutilisation de la forme grammaticale masculine pour la dsignation de personne et de fonction doit tre comprise comme se rfrant toute personne sans considration degenre.

39 Sude, Loi portant sur laccompagnement et le service concernant certains groupes de personnes handicapes (Lag om std till visa funktionshindrade; LSS); SFS1993:387; 1993.

Troisdes personnes interroges en France vivant de faon autonome ont trouv leur appartement grce laide de leurs parents ou de leur tuteur:

Enquteur: Avez-vous pu choisir votre lieu de vie, quel endroit prendre un appartement [...] si vous disposiez de largent ncessaire?Homme: Pour lappartement, nous devions nous retrouver pour voir comment sorganiser, parce que les deuxtuteurs devaient bien sentendre. Enquteur: Avez-vous organis une rencontre avec les tuteurs?Homme: Oui.Enquteur: Avez-vous organis cette rencontre pour choisir lappartement?Homme: Oui. Cest a. Pour voir comment on pouvait avancer ensemble; qui devait faire quoi.Enquteur: Avez-vous choisi lendroit vous-mme?Homme: Oui [...], avec ma petite amie. Aprs lavoir visit, on sest dit: cest trs bien.(Homme, 31ans, France)

En Roumanie, les problmes relevs lors de la plu-part des entretiens taient le manque dintimit et dautonomie. Aucune des personnes interroges navait reu dinformations concernant ses droits un logement social. Les parties prenantes ont insist sur lurgente ncessit de mettre en place des services daccompagnement de proximit facilitant lautono-mie de vie.

Vie avec les parents ou desmembres de la famille

Les parents et les membres de la famille reprsentent souvent un accompagnement indispensable aux per-sonnes handicapes intellectuelles ne vivant pas en institution. La vie avec les parents ou des membres de la famille peut donc tre considre comme une manire de combiner le logement et laccompagnement personnel. Plus de la moiti des personnes interroges vivaient avec leurs parents ou des membres de leur famille; en Grce, jusqu 17personnes interroges sur20 vivaient dans ce milieu.

Jhabite maintenant avec ma grand-mre; mais avant, je vivais avec ma mre, avec mes parents. Mais jai dmnag chez ma grand-mre parce que ma mre travaillait la police, au service des identits, alors ils ne pouvaient plus soccuper de moi parce que ma mre travaillait et mon pre travaillait aussi, alors jai dmnag chez ma grand-mre.

(Homme, 37ans, Hongrie)

En Grce, les parties prenantes ont insist sur le rle considrable des familles en ce qui concerne laccompa-gnement et les soins, tout en rappelant le risque dune ventuelle surprotection de la part des membres de la famille:

Expriences des personnes handicapesintellectuelles

2323

Les parents pensent que les personnes handicapes intellectuelles restent des enfants; ils ne leur laissent doncprendre aucune initiative.

(Partie prenante, Grce)

La dcision des personnes interroges de vivre avec leur famille lge adulte est parfois fortement influen-ce par des considrations financires:

Eh bien, jai lintention de quitter le cocon familial un moment ou un autre, mais je ne sais pas vraiment quand. Jaimerais avoir ma propre vie, loin de mes parents []. [P]our linstant, je rflchis louer un appartement, mais sijecompte mes revenus mensuels, je pense que je ne peuxpas me le permettre.

(Femme, 30ans, Hongrie)

Les aides financires perues pour lhbergement de parents handicaps peuvent galement pousser les membres de la famille tenter dempcher ces per-sonnes de quitter la maison. Des parties prenantes en Lettonie ont ainsi rapport que certaines familles ne permettent pas aux personnes handicapes intel-lectuelles de quitter le domicile familial, compte tenu du fait que les prestations sociales reprsentent une source de revenu supplmentaire pour lensemble de la famille. Le reprsentant gouvernemental du groupe de discussion regroupant les parties prenantes de Lettonie a notamment indiqu que, depuis le dbut de la rcession conomique, les familles ont montr plus dintrt conserver les parents handicaps la maison et que les listes dattente pour des places dans les institutions daide sociale de longue dure se sont considrablement rduites. En Grce, lune des parties p