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VILLA ROYALE Cherain est cité comme fisc ou villa royale dans des textes très anciens, dès l'époque mérovingienne où l'Ardenne était un vaste domaine royal (saltus). “Les Ardennes, couvertes d'un réseau de fiscs au haut moyen-âge, ont dû former un vaste Saltus remontant probablement à la fin de l'époque romaine”. (8) Si BELSONANCUM (Bellain, à une dizaine de km à l'est de Cherain) est déjà cité en 585 dans les itinérai- res royaux (Grégoire de Tours), CHARANCHO (Cherain) est cité comme fisc (cour royale) en 670 dans une charte de Childéric II, roi d'Austrasie, et repris également dans la liste des 43 villas royales énumé- rées en 888 dans une charte d'Arnolf de Carinthie. Dans celle-ci figurent aussi pour la région GLANIACO (Glain- Bovigny) et CORUIA (Gouvy). " La plupart des villas royales étaient des centres de circonscriptions admi- nistratives souvent étendues. " (8) C'était le cas, dans la région de Cherain, de Bellain, de Glain, de Lierneux (LEDERNAO en 670) mais pas de Bihain (BYSANCH en 895). Dans le massif de la forêt ardennaise où la population était plus clairse- mée, les villas royales étaient surtout des " cours de chasse et relais de rou- tes " (8). Ce devait être le cas de Cherain. On sait que Charles Martel résida en décembre 720 à Glain dans sa villa où il rendit la justice. Charlemagne est-il passé à Cherain ? Selon une publi- cation qui ne fournit pas ses sources, Charlemagne aurait participé à une chasse à Douzy (sud de Bouillon) le 8 décembre 799, ce qui l'aurait amené, d'après l'auteur, à loger du 3 au 4 décembre à la villa royale de Cherain, étape de son trajet entre Aix-la-Chapelle et Douzy, par Bastogne et Longlier... (5) Un recours aux sources existantes devrait faire apparaître la vérité du fait ou du moins la validité de l'hypothèse. ————— (1) C.L IV, 1891, p. 173. (2) G. JOTTRAND, Note historique sur le Comté de Salm, AIAL 44,1909, p. 209. (3) D. GUILLEAUME, L'Archidiaconé d’Ardenne dans l’ancien Diocèse de Liège, 1913, pp. 141-142 et passim. (4) C. WAMPACH, Urkunden-und Quellenbuch, I, Luxembourg 1935, pp. 13-15. (5) G. HALLEUX, Charlemagne à la chasse, (s. I) 1939, 19 pp. (6) L. et P. LOMRY, AIAL78,1947, p. 131, note 9. (7) F. ROUSSEAU, Les Carolingiens et l'Ardenne, Bull. Acad. Royale de Belgique, Classe des Lettres, 5 e s., T. 48, Bruxelles 1962, pp. 187-221. (8) E. EWIG, Les Ardennes au Haut Moyen-Âge, dans Anciens Pays et Assemblées d'Etat, vol. 28, Namur 1963, pp. 2-38. (9) H. MULLER-KEHLEN, Die Ardennen im Frühmittelalter, Göttingen, 1973, pp. 132- 137 et 144-147 (Référence communiquée par M. Lefèvre d'Arlon que nous remercions). (10) Ph. LEJEUNE, Recherches sur l'histoire de la région et du comté de Salm, Mémoire de licence, 1971, passim; Les origines du comté de Salm en Ardennes. Problèmes, Annales du Congrès de Malmédy, 1972, II pages; La villa royale de Coruia mentionnée au IX e siècle serait-elle Gouvy (Limerlé) ?, Annales du XLIII e Congrès de la Féd. des Cercles d'Archéologie et d'Histoire de Belgique Saint-Nicolas-Waas, 1974, pp. 89-93 et cartes; Etude sur la villa et le domaine de Glain (Bovigny) jusqu'au XI e siècle, AIAL 103-104, 1972-1973 (paru en 1975), pp. 47-88, et carte. Cherain 1 Centre du village de Cherain - La rue de Gouvy - A droite: l’ancienne école (carte postale). Charlemagne passa-t-il à Cherain?

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VILLA ROYALECherain est cité comme fisc ou

villa royale dans des textes trèsanciens, dès l'époque mérovingienneoù l'Ardenne était un vaste domaineroyal (saltus).

“Les Ardennes, couvertes d'unréseau de fiscs au haut moyen-âge,ont dû former un vaste Saltusremontant probablement à la fin del'époque romaine”. (8)

Si BELSONANCUM (Bellain, àune dizaine de km à l'est de Cherain)est déjà cité en 585 dans les itinérai-res royaux (Grégoire de Tours),CHARANCHO (Cherain) est citécomme fisc (cour royale) en 670dans une charte de Childéric II, roid'Austrasie, et repris également dansla liste des 43 villas royales énumé-rées en 888 dans une charte d'Arnolf

de Carinthie. Dans celle-ci figurent aussi pour la région GLANIACO (Glain-Bovigny) et CORUIA (Gouvy).

" La plupart des villas royales étaient des centres de circonscriptions admi-nistratives souvent étendues. " (8) C'était le cas, dans la région de Cherain,de Bellain, de Glain, de Lierneux (LEDERNAO en 670) mais pas de Bihain(BYSANCH en 895).

Dans le massif de la forêt ardennaise où la population était plus clairse-mée, les villas royales étaient surtout des " cours de chasse et relais de rou-tes " (8). Ce devait être le cas de Cherain.

On sait que Charles Martel résida en décembre 720 à Glain dans sa villaoù il rendit la justice. Charlemagne est-il passé à Cherain ? Selon une publi-cation qui ne fournit pas ses sources, Charlemagne aurait participé à unechasse à Douzy (sud de Bouillon) le 8 décembre 799, ce qui l'aurait amené,d'après l'auteur, à loger du 3 au 4 décembre à la villa royale de Cherain, étapede son trajet entre Aix-la-Chapelle et Douzy, par Bastogne et Longlier... (5)Un recours aux sources existantes devrait faire apparaître la vérité du fait oudu moins la validité de l'hypothèse.—————

(1) C.L IV, 1891, p. 173.(2) G. JOTTRAND, Note historique sur le Comté de Salm, AIAL 44,1909, p. 209.(3) D. GUILLEAUME, L'Archidiaconé d’Ardenne dans l’ancien Diocèse de Liège, 1913,

pp. 141-142 et passim.(4) C. WAMPACH, Urkunden-und Quellenbuch, I, Luxembourg 1935, pp. 13-15.(5) G. HALLEUX, Charlemagne à la chasse, (s. I) 1939, 19 pp.(6) L. et P. LOMRY, AIAL 78,1947, p. 131, note 9.(7) F. ROUSSEAU, Les Carolingiens et l'Ardenne, Bull. Acad. Royale de Belgique, Classe

des Lettres, 5e s., T. 48, Bruxelles 1962, pp. 187-221.(8) E. EWIG, Les Ardennes au Haut Moyen-Âge, dans Anciens Pays et Assemblées d'Etat,

vol. 28, Namur 1963, pp. 2-38.(9) H. MULLER-KEHLEN, Die Ardennen im Frühmittelalter, Göttingen, 1973, pp. 132-

137 et 144-147 (Référence communiquée par M. Lefèvre d'Arlon que nous remercions).(10) Ph. LEJEUNE, Recherches sur l'histoire de la région et du comté de Salm, Mémoire

de licence, 1971, passim; Les origines du comté de Salm en Ardennes. Problèmes, Annales duCongrès de Malmédy, 1972, II pages; La villa royale de Coruia mentionnée au IXe siècleserait-elle Gouvy (Limerlé) ?, Annales du XLIIIe Congrès de la Féd. des Cerclesd'Archéologie et d'Histoire de Belgique Saint-Nicolas-Waas, 1974, pp. 89-93 et cartes; Etudesur la villa et le domaine de Glain (Bovigny) jusqu'au XIe siècle, AIAL 103-104, 1972-1973(paru en 1975), pp. 47-88, et carte.

Cherain

– 1 –

Centre du village de Cherain - La rue de Gouvy - A droite: l’ancienne école (carte postale).

Charlemagne passa-t-il à Cherain?

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VILLAGE DISPARUA l'ouest du village, au lieu-dit " sur salle ", la tradition rapporte qu'il y

aurait eu jadis " un village et une église, ravagés complètement lors de l'in-vasion des barbares ". (1)

Le lieu-dit " Salle " laisse entendre, selon les toponymistes, l'existenced'une demeure seigneuriale. (4)—————

(1) C.L IV, p. 174.(2) D. GUILLEAUME, L'Archidiaconé... Liège, 1913, p. 145.(3) V. BALTER, BTIAL 1947, 1-2, p. 12.(4) R. FELTEN, Toponymie de la commune de Cherain, Mémoire de Licence, année acad.

1961-1962, stencylé, p. 106.

INDUSTRIES ANCIENNES- MOULIN

Le moulin de Cherain était l'undes quatre moulins banaux, avecceux de Houffalize, Les Tailles,Mont-le-Ban, appartenant aux sei-gneurs de Houffalize et où les habi-tants étaient tenus de faire moudreleur grain. La réglementation à l'é-gard du meunier était très stricteainsi qu'en témoignent des docu-ments anciens.

Pour le moulin de Cherain, nousdisposons d'un " record " de 1564rappelant les usages à ce sujet. Onpeut y lire :

" Item avons appris et usé que lemollin de Cherren se cloue et s'ou-vre d'ung maire et justice de Cherin.Item avons appris et usé que la forcequ'il faut au mollin c'est affaire au

moulnier de l'entretenir. Item avons appris que tout ce quy gist c'est affaireau Sr. Item avons appris et usé que la navité du mollin doibt estre alligé, etn'y doibt avoir sinon la huge du Sr et l'estable pour le porcque du Sr. Itemavons appris que le mouliner doibt estre au mollin tard et temps, et toutefoisque le mollant at affaire de lui. Item avons appris que le moullant peut venirau mollin à toutte heure soit de nuit ou de jour, et le mollin doibt estre liegeet peut mettre sa sachie en la navité du mollin là que mieux luy plaist. Itemavons appris que sy la sachie du mollant demeure sans estre mollue le moll-nier est tenus de luy relivrer sa sachie. Item avons appris que quand le mol-lant vient au mollin peut demander si le mollin est à farine, et s'il ne le veutcroire pour sa parolle le moulnier peut prendre sa parte en la sachie du mol-lant et mettre le mollin à farine. Item avons appris et usé que toutesfois etquantesfois que le moulnier lieve le mollin ou que le mollin n'est point à fari-ne, que le moulnier est tenus de le mettre avec une mesle de blé quy soit sien.Item, avons appris et usé que celuy quy vient le premier au mollin doibtmoulre devant sy bon luy semble, dont s'il ne se laisse reboutter. Item avonsappris que le moulnier doibt livrer au mollin le van, le stier et le striche etle demy stier, s'affaire en est. Item le mollant quand son ourne vient se doibtil tapper sur le mollin à l'ordonnance du moulnier et le moulnier est tenus etredevable de faire le profit du mollant et prendrai de cinque stiers de regonung grand melle à comble, en hucheant le mollant à prendre en sa main et àporter bas en la navité du mollin en la huge du Sr. Item s'il y at quattre stiersà rez il peut prendre un grand mesle à rey et le melle en sa main la striche àl'autre et apporter en la huge du Sr. Item s'il at deux stirs a rey il prendrai unpetit melle a rey, le melle en l'une des mains et le striche en l'autre. Item, sile mollant avoit accostumé de venir avec trois stiers se peut le moulnier àune des fois prendre le grand melle et l'aultre le petit. Item s'il vient aveccinque quartrons peut prendre le petit melle à comble et apporter en la hugedu Sr. Item à faire les farines d'avenne touchant les xhou (?) l'on userat

– 2 –

Plan du moulin de Cherain.

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comme le regon et quy aurai devantrevenné moulrat devant. Item avonsappris que le planchy du mollin et letremus doibvent estre liges, et nydoibt estre autre chose sinon le melleet le striche pour prendre la parte duSr. Item quand le mollant vient aumollin avec un stier de regon, lemoulnier doibt prendre son droictsur le cul du petit melle. Item avonsappris que le bief du mollin doibtestre franc sans bie ny schaua depuisla levée du biefs du bâche Rosseaujusque aux chenaulx du mollin. Itemavons appris et usé que maire et jus-tice de Cherain sont tenus et redeva-bles de visiter le mollin susdit troisfois l'an, le tout aux frais du moul-

nier sans request. Et tout ce rendons pour bon et léalle record que aultant enavons appris et usé.

Que fut fait et donné en l'an mil cinque cent soixante quattre le huictien-ne jour de décembre, stil de Liège, dont en signe de vérité l'avons fait signerpar nostre clercq juré l'an et jour que dessus. Signé par ordonnance de jus-tice susdicte par moy Claude Derdach de Bastogne, Clercq juré pour letemps et notaire apostolicque et impériale. " (2)

En 1613, les seigneurs de Houffalize " donnent à bail à Jean JACQUES deLomrey le moulin et huyssinne de Cherrain, pour un terme de 6 ans, moyen-nant le payement annuel de 1° six livres de gingembre et quatre de poivre;2° deux livres de cire; 3° 12 florins; 4° 12 chappons un demi muyd de fari-ne d'avoine et 32 muyds de soille (seigle), mesure de Houffalize. " (2)

Le moulin de Cherain est encore cité dans des dénombrements de la sei-gneurie de Houffalize en 1663 et 1682. En 1776, il est loué à Henry BER-TRAND. (3)

Le moulin n'a pas cessé de fonctionner tout au long du XIXe siècle (1) (2).En 1916, on lui adjoint une roue aux fins de produire de l'électricité (5).

—————(1) Ph. VANDERMAELEN, Dictionnaire géographique du Luxembourg, Bruxelles 1838,

II, p. 32.(2) C.L. I, 1889, p. 416 et C.L. IV, 1891, pp. 361-362, 376-377, 391, 396, 398, 416 à 418,

451.(3) H. GOFFINET, Documents sur Houffalize, AIAL 33,1898, p. 144.(4) J. VANNERUS, Documents relatifs à la seigneurie de Houffalize (1417-1778), AIAL

40,1905, p. 255.(5) M. BOURGUIGNON, Inventaire des dossiers concernant les usines et ateliers...

(1831-1954), Bruxelles 1964, p. 26.(6) V. ALIE, Usines et ateliers à Houffalize, SEGNIA V, 4,1980, p. 56.Le moulin a cessé de fonctionner en 1971. La mécanique encore en place ne date que

de la 2de moitié du XIXe siècle. Le dernier meunier fut Jean MOTTET de Rettigny. Avantlui, citons notamment Marcel et Alphonse CORNET, auparavant Pol GROMMERSCH.Marcel CORNET découvrit en 1945 dans des gravats accumulés au pied du mur posté-rieur du moulin deux pièces de monnaie, l'une à l'effigie de Louis XV, l'autre à l'effigiede Louis XVI datée 1785.

Selon M. Jean MOTTET, le moulin a été tenu par son grand'père et son père de 1929à 1938, et par lui-même de 1955 à 1956, et de 1961 à 1971.

- VIEUX MOULIN ?Il existe un lieu-dit " å vî molin " à la sortie de Cherain, direction Mont-

le-ban (1), à l'embranchement d'un vieux chemin vers Baclain.L'actuel moulin de Cherain étant, avec certitude, l'ancien moulin seigneu-

rial, il n'a pu y avoir en ce lieu de moulin (en tout cas à farine) que trèsanciennement ou alors postérieurement à la Révolution mais qui n'aurait paslaissé de traces. Ou bien ce toponyme rappelle-t-il simplement le cheminconduisant au moulin de Cherain (voye do molin) ?

– 3 –

Le moulin de Cherain.

La roue du moulin bien à l’abri sous unappentis rénové.

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—————R. FELTEN, Toponymie de la commune de Cherain, Liège, Mémoire de Licence 1960-

1961, p. 90.

- TANNERIELa tannerie de Cherain est signa-

lée par Vandermaelen (1838), etfigure dans la liste des tanneries dela province publiée en 1889 qui ren-seigne qu'elle possédait à cetteépoque 12 fosses et occupait 2ouvriers. (2)

Dans une note concernant les tan-neries de Wallonie rédigée parMarcel Hogge, vice-président de laBourse aux Cuirs de Liège, et quiconcerne les années 1870-1935, l'au-teur rapporte que cette tannerie tra-vaillait le cuir pour semelles et quele propriétaire achetait des empei-gnes pour revendre à sa clientèle. (4)—————

(1) Ph. VANDERMAELEN, Dictionnairegéographique du Luxembourg, Bruxelles 1838, p. 33 et Carte au 1/20.000 imprimée en 1854.

(2) D. HANUS, Le Luxembourg belge, industriel et commercial, C.L. 1, 1889, p. 423.(3) La Province de Luxembourg, Architecture et Décoration, Bruxelles (1917), vol. IV,

planche 14.(4) M. COLLIGNON, Les tanneries en Belgique, Bruxelles, 1949, p. 45.

- EXPLOITATION DE LATOURBE

La tourbe a été exploitée ancien-nement à Cherain et Rettigny.

En 1764, il est dit que dans larégion couverte par le " Bureau " deCherain, on exploite la tourbe " enassés grande quantité, et qui est d'ungrand secours pour le chauffage deshabitants, le bois y étant assés rare "(1).

D'après un tableau chiffré concer-nant l'année 1819, Cherain comptaitune trentaine d'exploitants quiextrayaient 40 m3 l'an, et Rettigny 35exploitants extrayant 67 m3 l'an. Lestourbières de Rettigny sont quali-fiées de " terre à moitié blanche "

c'est-à-dire de qualité médiocre. (3)En 1899, Cherain comptait 150 ha de fanges et tourbières qui furent

" assainies " systématiquement à partir de 1907. (2)—————

(1) Recensement des manufactures, fabriques, commerces et productions, 1764, dans C.L.1, 1889, p. 352.

(2) G. HOYOIS, L'Ardenne et l'Ardennais, 11, 1953, p. 562.(3) M. WATELET, Exploitation des tourbières luxembourgeoises en 1819, dans SAINT-

HUBERT D'ARDENNE, Cahiers d'histoire, T. VI, 1982, pp. 210,215, 217.

MAISONS ANCIENNESLe village de Cherain constitue encore aujourd'hui un bel ensemble architectural et

mériterait d'être protégé afin d'en conserver l'unité.On remarquera particulièrement les maisons groupées autour de la place de l'église :

la maison DESERT, les maisons BLAISE, la maison CHOFFRAY (1786, linteau deporte), la maison BRAUN (anciennement GASPAR), la maison LAMBORAY, la maisonGERARD, la maison DEUMER-RASKIN, la maison CORNELIS. Un peu plus haut, àgauche, la maison n° 13.

Parmi le groupe de maisons situées à l'ouest du village, on remarquera la maison– 4 –

Bihain (vers 1950) - Extraction de la tourbe (MVW).

La tannerie de Cherain (Archit. et déc. 1917) (Le Canton de Houffalize).

Elle avait été construite par Jean Nicolas Caprasse, vers1822 et fonctionna jusque vers 1914. Un moulin à écorcesy était adjoint, alimenté par une dérivation du canal dumoulin. Laissée à l’abandon, elle fut démolie en 1942.

Maisons situées au nord de la Place del’Eglise à Cherain.

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BAYET (n° 42), le moulin (corps de logis plus récent), la maison LODOMEZ, ancienne-ment CAPRASSE puis VAUCHEL (n° 45, datée 1859 chiffres en fer forgé dans l'impos-te, cour pavée datée 1866), la maison CAPRASSE (n° 43). Celle-ci bâtie en briques roséstranche par son air citadin. Les girouettes, en forme de hure de sanglier et surmontéesd'une fleur de lys, portent la date 1749. Les écuries sont datées 1831 (clef de voûte), lacour pavée avec recherche représente différents motifs (grenadiers de Napoléon, jeux dejacquet, moulin, quatre-coins), et porte la date 1836. Le perron en fer forgé est daté1842. La maison fut sans doute construite par Léonard de HAYME, bourgmestre deLiège, qui racheta en 1747 une part de la seigneurie de Houffalize. Selon les CommunesLuxembourgeoises (C.L. IV, p. 174), elle est " la reproduction exacte " d'une construc-tion antérieure; c'était " le rendez-vous de chasse " des seigneurs de Houffalize.

L'Institut Royal du Patrimoine Artistique à Bruxelles conserve une demi-douzaine declichés de maisons de Cherain datés 1945, dont ceux de la maison OCTAVE, de la mai-son DUBOURG, démolie après la dernière guerre, de la maison actuellement BAYET.

EGLISE ROMANE SAINT-VINCENTLa première mention de l'église de Cherain est de 814 mais il semble qu'on

puisse en faire remonter l'origine plus haut encore.On sait notamment qu'en 1245 le prieuré du Val-des-Ecoliers à Houffalize

est confirmé par une bulle papale dans ses droits sur l'église de Cherain etqu'en 1427 le droit de collation de la cure de Cherain fut cédé par l'abbayede Stavelot aux religieux du prieuré. (2) (9)

Un document de 1539 nous apprend que les " mambours " de l'église deCherain ont la charge d'entretenir le " haux bouge " (= entrée) de leur église.(9)

En 1640, le curé de Cherain, le frère Paul Ensrenge, déclare que son égli-se est trop petite et demande à l'agrandir du côté du chœur, seule possibilitéqui se présente, dit-il. Le coût en sera supporté par le prieuré qui donne sonaccord. (9)

Maison d’habitation Simonis, XIXe s. - Vuegénérale de la façade principale.

– 5 –

La place de l’Eglise: arbres et maisons.

Photographies de maisons de Cherain réalisées en 1945par l’IRPA (certaines ont à présent disparu).

Ferme en long, XVIIIe s. - Vue générale de laferme.

Maison Caprasse, 1749 - Vue générale de lafaçade antérieure de la gentilhommière.

Maison d’habitation Guillaume, XVIIIe s. -Vue générale de la façade principale.

Ferme en long Dubourg, XVIIIe s. - Vuegénérale de la ferme.

Maison d’habitation Veuve Choffray, 1786 -Façade principale.

Maison d’habitation Veuve Octave, XVIIIe s.- Vue générale de la façade avec statue desaint Hubert.

Maison d’habitation Remacle, XVIIIe s. - Vuede la cour intérieure.

Ferme-château Charles de Sterpigny (1606)- Vue générale.

L’église de Cherain vue de la route deRettigny (Gouvy, 23 villages à découvrir...).

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On connaît l'existence de travauximportants réalisés vers 1694 sous leprieur Bernard Tabar (originaire deBrisy). (3) (9)

Des réparations furent faites en1788 (9), en 1884 (1), et en 1937 (6).

En 1954, une importante restaura-tion fut réalisée, " reromanisant "plusieurs éléments de l'édifice. (12)

L'église de Cherain, qui remonte àla fin du XIe siècle, est une des égli-ses romanes les plus complètes de laprovince. Ce monument, bien queclassé depuis 1947, n'a toutefois pasencore fait l'objet d'une étude archi-tecturale complète, chose regretta-ble. (12) Elle est cependant citéequelquefois pour des détails typolo-giques dans l'ouvrage de L.F.Génicot. (10)

Parmi le mobilier, on remarquerales fonts baptismaux romans en cal-caire (fin XIIe ?) (5) et le bénitier enmarbre (fin du XVIIe ?), un Saint-Sébastien (XVIe) et une Sainte-AnneTrinitaire (vers 1600).(Ndlr: cesdeux statues ont depuis été volées.)

Le mobilier est assez riche enobjets du XVIIIe : de la premièremoitié du XVIIIe, les autels latéraux,

un Saint-Roch, une Vierge à l'Enfant et un Saint-Vincent ; du XVIIIe, l'autelmajeur surmonté de son dais caractéristique, la chaire de vérité, un lutrin enforme d'aigle, des stalles sculptées, des bancs.

A noter aussi un ostensoir-soleil avec poinçon de Tongres et daté de 1765ainsi qu'un ciboire également poinçonné.

Signalons enfin deux élémentsarchitecturaux : la voûte de la cha-pelle des fonts baptismaux (au sudde la tour) en style gothique égale-ment (vers 1500).

Dans le cimetière, on observera une douzaine de pierres tombales ancien-nes parmi lesquelles deux du XVIIIe et une dizaine de la première moitié du

– 6 –

Intérieur de l’église de Cherain - La grande nef vue du chœur (avant la grande restaurationde 1954) (photo IRPA).

Le jubé et la tribune en plein cintre donnant dans la tour. La voûte ogivale de la chapelle Sud.

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XIXe dont la dalle du curé Jean-Nicolas Servais, mort en 1842 ; de1856, une croix signée A. Georisd'Ottré. (8)

Enfin existait autrefois, à l'entréede l'église, une dalle en marbre blancdatant du XVIIIe et recouvrant " lesrestes d'un représentant de l'empe-reur d'Autriche ". (1)—————

(1) C.L. IV, 1891, p. 174.(2) D. Guillaume, L'Archidiaconé…,

Liège, 1913, pp. 141-147.(3) J. Vannerus, Obituaire du prieuré de

Houffalize, AIAL 56, 1925, p. 40.(4) P. Pierret, L'art religieux d'Ardenne,

Bruxelles, 1952.(5) L. Tollenaere, La sculpture sur pierre

de l'ancien diocèse de Liège à l'époqueromane, Gembloux, 1957, pp. 54 et 216.

(6) R. Felten, Toponymie de la communede Cherain, Mémoire de licence, Univ. deLiège, 1961-1962, p. 8.

(7) Th. Doucet, Histoire de la Principautéde Stavelot-Malmédy, Bomal, 1969, I, pp.223-225 et passim.

(8) A. Gouders, dans Dictionnaire deséglises, Belgique, Luxembourg, Laffont,1970 ; RPMSB, canton de Houffalize,Bruxelles, 1975, pp. 20-21.

(9) R. Petit, Inventaire des Archives duprieuré…, Bruxelles, 1971; MonasticonBelge V, Liège, 1975, p. 328 ; Inventaire desArchives des officiers comptables…,Bruxelles, 1980, p. 63.

(10) L.F. Génicot, Les églises mosanes duXIe siècle, I, Louvain, 1972.

(11) J. Gennart, RMM V, Namur, 1980, p.177.

(12) L. Chantraine, L'âge roman enLuxembourg, dans Saint-Hubert d'Ardenne,Cahiers d'Histoire, VII, p. 14, et L'Avenir du

Lux. Plus, 1/6/1985.

Presbytère - Le presbytère de Cherain fut restauré en même temps que l'é-glise en 1788 ; plusieurs fois par la suite, notamment en 1886, 1929 et 1957.

Ecole - L'école de Cherain a été construite en 1869.(Inventaire archéologique de l'arrondissement de Bastogne, des origines au

XIXe siècle, III - Le canton de Houffalize, par Anny Simonet et Jean-MarieCaprasse, Les Editions du CRIL, 1985.)

– 7 –L’ancienne école est devenue un hôtel-restaurant.L’ancien presbytère est devenu un cabinet médical.

Intérieur de l’église de Cherain vu du jubé.