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187 CHAPITRE VI LA QUÊTE DES NOURRITURES CÉLESTES ET TERRESTRES Le Druide – Defensor Le rôle de l’Episcopos, non seulement en Gaule, mais aussi dans d’autres territoires conquis, grâce à des « Émigrants nouveaux », à la « Foi nouvelle », équivaut donc à celui du « Defensor », sorte de « Coq veillant sur la basse-cour », qui a pris la place du Gutuater ou du Druide gaulois. La légende de Saint Julien du Mans est bien là pour le démontrer et révéler en même temps quelques aspects historico - mythologiques. En effet, l’époque historique de Saint Julien accueilli par le « Defensor, Judex, Princeps pagi Cenomannici », n’est pas celle de Saint Pierre ou de Saint Clément, mais celle de Saint Martin, au moment de sa consécration comme évêque de Caesarodunum, de la Cité des Turones, Tours. Or, avant d’analyser le rôle du Defensor, il nous faut retenir un fait qui paraît anodin : Martin, symbole de la Caritas et donc « pourvoyeur » de nourriture et de santé, depuis son séjour à Amiens, était lui-même devenu un Defensor ; il était un ancien soldat de Julien l’Apostat, qui avait sollicité son congé de l’armée, au moment de toucher le donativum, alors qu’il était dans la Cité des Vangions qui avaient « émigré » au confluent du Rhin et du Main, à Mogontiacum – Mayence et non loin de Borbetomagus Worms. Julien avait voulu le martyriser, comme il l’avait proposé, en l’exposant sans armes et sans protection aux attaques de l’ennemi germain. Au lieu de cela, les ennemis se livrèrent totalement à Julien l’Apostat, épargnant ainsi la vie au futur évêque de Tours et engageant une nouvelle histoire de la chrétienté : Mars devint Christ ! Il existe un document, Lettre à Desiderius – Didier (son frère), de Septime Sévère qui mentionne justement un Defensor qui s’acharne contre l’investiture de Martin, le « Migrant » par excellence (tout au long de sa vie !), « les cheveux en désordre et à l’aspect hirsute » (notons, comme arguments opposables les « cheveux » de Saint Martin : coiffé à la façon des druides ou à la façon contraire ?), en tant qu’episcopos de Tours. Celui-ci avait été piégé par un certain Rusticius, qui portait donc l’épithète, synonyme de « Croissance », attribuée à Dionysos, disant qu’il fallait, au Saint de Ligugé, séjourner à Tours pour soigner sa femme malade. Là, les habitants l’entourèrent et ne le lâchèrent plus. Il arriva alors un fait que les hagiographes ont considéré comme purement fortuit, mais qui est une véritable coup monté où le hasard fut heureusement construit avec interpretatio sur les paroles prononcées d’un psaume biblique, concernant des « enfants à la mamelle », symboles de « Croissance et de Lactation » à nouveau, des enfants louant le Seigneur, car il

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CHAPITRE VI LA QUÊTE DES NOURRITURES CÉLESTES ET TERRESTRES Le Druide – Defensor Le rôle de l’Episcopos, non seulement en Gaule, mais aussi dans d’autres territoires conquis, grâce à des « Émigrants nouveaux », à la « Foi nouvelle », équivaut donc à celui du « Defensor », sorte de « Coq veillant sur la basse-cour », qui a pris la place du Gutuater ou du Druide gaulois. La légende de Saint Julien du Mans est bien là pour le démontrer et révéler en même temps quelques aspects historico - mythologiques. En effet, l’époque historique de Saint Julien accueilli par le « Defensor, Judex, Princeps pagi Cenomannici », n’est pas celle de Saint Pierre ou de Saint Clément, mais celle de Saint Martin, au moment de sa consécration comme évêque de Caesarodunum, de la Cité des Turones, Tours.

Or, avant d’analyser le rôle du Defensor, il nous faut retenir un fait qui paraît anodin : Martin, symbole de la Caritas et donc « pourvoyeur » de nourriture et de santé, depuis son séjour à Amiens, était lui-même devenu un Defensor ; il était un ancien soldat de Julien l’Apostat, qui avait sollicité son congé de l’armée, au moment de toucher le donativum, alors qu’il était dans la Cité des Vangions qui avaient « émigré » au confluent du Rhin et du Main, à Mogontiacum – Mayence et non loin de Borbetomagus – Worms. Julien avait voulu le martyriser, comme il l’avait proposé, en l’exposant sans armes et sans protection aux attaques de l’ennemi germain. Au lieu de cela, les ennemis se livrèrent totalement à Julien l’Apostat, épargnant ainsi la vie au futur évêque de Tours et engageant une nouvelle histoire de la chrétienté : Mars devint Christ !

Il existe un document, Lettre à Desiderius – Didier (son frère), de Septime Sévère qui mentionne justement un Defensor qui s’acharne contre l’investiture de Martin, le « Migrant » par excellence (tout au long de sa vie !), « les cheveux en désordre et à l’aspect hirsute » (notons, comme arguments opposables les « cheveux » de Saint Martin : coiffé à la façon des druides ou à la façon contraire ?), en tant qu’episcopos de Tours. Celui-ci avait été piégé par un certain Rusticius, qui portait donc l’épithète, synonyme de « Croissance », attribuée à Dionysos, disant qu’il fallait, au Saint de Ligugé, séjourner à Tours pour soigner sa femme malade. Là, les habitants l’entourèrent et ne le lâchèrent plus.

Il arriva alors un fait que les hagiographes ont considéré comme purement fortuit, mais qui est une véritable coup monté où le hasard fut heureusement construit avec interpretatio sur les paroles prononcées d’un psaume biblique, concernant des « enfants à la mamelle », symboles de « Croissance et de Lactation » à nouveau, des enfants louant le Seigneur, car il

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fut lu « pour détruire l’ennemi et le defensor », au lieu de « pour détruire ennemis et rebelles (ou vengeur, ultorem) » :

… Parmi les évêques qui étaient là, le principal opposant fut, dit-on, un certain Defensor ; aussi l’on

remarqua qu’il fut stigmatisé alors par un texte prophétique. Par un effet du hasard, le lecteur qui devait lire ce

jour-là n’avait pu traverser la foule. Les ministres du culte perdent la tête. En attendant l’absent, l’un des

assistants prend le psautier et saute sur le premier verset qu’il rencontre. Or voici ce passage du psaume : « De la

bouche des enfants à la mamelle, tu as tiré la louange à cause de tes ennemis, pour détruire l’ennemi et le

défenseur, defensorem » (Ps 8,3). Cette lecture soulève les clameurs du peuple ; les opposants sont confondus.

On considéra que ce psaume avait été lu par la Volonté de Dieu, pour que Defensor entendît la condamnation de

son œuvre : de la bouche des enfants à la mamelle fut tirée la louange du Seigneur en faveur de Martin, tandis

que, du même coup, Defensor était dénoncé comme ennemi et détruit …162

Ce Defensor est le premier évêque connu à ce jour de Juliomagus, Angers (à noter le

parallélisme Svindinum - Saint Julien – Defensor ; Juliomagus – Defensor ; Caresaromagus - Saint Martin – Defensor) et pourrait bien être le Defensor qui accueille Saint Julien. Il semble que le nom de « Julius » ou de « Julianus », chez les Celtes a eu des connotations sémantiques particulières. Quel pouvait être le rôle du Defensor, quand il n’était pas lui-même l’episocopos, face à cette immigration de la « Fides - Foi » et des episcopos envoyés de Rome ou des moines « itinérants » comme Saint Martin, « soldat du Christ » :

… Un examen attentif est nécessaire. Saint Julien, dès son entrée au Mans, convertit le prince de la

Cité, nommé Defensor. On a dépensé à propos de ce nom (un surnom sans doute) aussi naturel que celui de

Victor, beaucoup d’encre en pure perte. La charge de défenseur et la loi de Valentinien Ier n’ont rien à voir ici.

Defensor n’était pas le « défenseur » mais le princeps de la Cité. Le romain Sergius ne lui donne jamais d’autre

titre : princeps pagi Cenomannici, princeps Defensor, Defensor princeps. Autour et au-dessous de lui, il nous

montre des principes comme Jovinianus : quidam princeps ejusdem regionis, comme le père d’une fille guérie

par saint Julien : filia cujusdam principis. L’annotateur qui nous renvoie aux Actus dit lui-même que nous y

verrons quantos principes que Julien a baptisés. Cependant les Actus ne parlent plus de principes. Defensor y est

encore le princeps, mais ce titre est expliqué par judex et le judex possède le pouvoir ; suivant les Actus, le

pouvoir absolu. Dès lors son titre de princeps doit être unique. Donc plus de principes, mais des optimales, des

proceres, des nobiles et une fois des consules, des satrapes.

Le romain Sergius s’exprime comme César. César parle souvent des principes et quelquefois du princeps des

cités gauloises. Les principes sont les principaux de la nation, les plus puissants par leur valeur personnelle, leurs

richesses et leur clientèle ; le princeps serait le premier d’entre eux, leur chef reconnu. Pas plus qu’eux il

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!162 Sulpice Sévère, Lettre - Dédicace à Desiderius, Vie de Saint Martin, chapitre IX, http://fr.gloria.tv/?media=357457

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n’exerce le pouvoir : mais celui qui l’exerce ne peut se dispenser de compter avec lui, sous peine de se voir

entravé ou même annulé.

C’est ainsi qu’en s’appuyant sur les Commentaires de J. César, M. d’Arbois de Jubainville explique le rôle du

princeps civitatis. Le romain Sergius est d’accord avec lui. Defensor reçut un jour saint Julien dans sa maison ;

ici, d’après le contexte, une de ses villas. Le lendemain on se rend dans la ville ; saint Julien n’a pas pris congé

de son hôte ; la suite du récit indique qu’ils vont ensemble. A la porte de la ville, saint Julien veut délivrer des

prisonniers. Si Defensor avait l’autorité que les Actus lui supposent, c’est à lui qu’il adresserait sa demande ; il

n’en est rien ; c’est aux soldats (milites) qu’il s’adresse, et il est refusé sans que Defensor intervienne. Donc

Defensor n’est pas, comme dans les Actus seul le judex, le gouverneur et maître de la Cité Cénomane …

Cette opposition entre la Vita St Juliani du soi-disant romain Sergius et les Actus Pontificum est très

remarquable ; elle prouve trois choses niées avec acharnement par notre école historique : 1. Que l’auteur des

Actus qui fait de Defensor le judex civitatis et exclut systématiquement les principes, n’est pas l’auteur de la Vita

attribuée au romain Sergius, qui parle constamment du princeps et des principes ; 2. que l’auteur des Actus en

retouchant ou faisant retoucher la Vita n’en a pas altéré le sens ni changé les expressions importantes, même

quand il prend personnellement la parole pour renvoyer le lecteur à son propre ouvrage ; 3. que la Vita contient

des données anciennes et vraiment historiques ; car ce n’est point par hasard que le romain Sergius parle comme

César. Cette existence simultanée du princeps et des principes, fondée sur l’état social des Gaulois et non sur

leur organisation politique a du se maintenir longtemps après la conquête romaine et rétablissement d’un

nouveau pouvoir qu'elle ne gênait pas …163

A partir de cette analyse du Defensor et surtout du fait qu’il apparaît effectivement aussi un « Saint Princeps – Principe » à l’évêché du Mans, comme disciple de Saint Rémi de Reims et comme compagnon de Saint Principe de Soissons, lui-même frère « aîné » de Saint Rémi, on peut imaginer l’arrivée de ces « Migrants de la Foi » et leur « sédentarisation ».

Il n’existe, dans le martyrologe, qu’un seul « Saint Défendant », il aurait été martyrisé

dans le territoire de Marseille, et son corps aurait été déposé sur les bords du Rhône, par l’évêque Saint Théodore (le premier évêque de la ville déclaré « Saint », au VIe siècle) ; mais le diocèse de Marseille n’a jamais atteint les rives du fleuve ; il aurait été un fugitif de la Légion de Thèbes martyrisée à Agaune, en Helvétie ; or les Martyrs d’Agaune sont vénérés dans l’ancienne abbaye Saint-Victor de Marseille (Saint Victor fut peut-être aussi un soldat de cette Légion) et, surtout, les reliques de la Légion ont été inventées par Saint Théodore, évêque homonyme considéré comme un véritable « Defensor » du Valais et de la ville de Sion. Mais il y a mieux : Saint Défendant est fêté, trois jours après Saint Maurice et la Légion de Thèbes, le 25 septembre, à l’équinoxe d’automne, le même jour que Saint Principe de Soissons, frère de Saint Rémi (1er octobre), 9 neuf jours après Saint Principe du Mans … !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!163 http://www.archive.org/stream/laprovincedemai12cogngoog/laprovincedemai12cogngoog_djvu.txt : extraits de « la Province de Maine »

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Les dieux de la Faim

Les maîtres - mots de toute émigration sont celui de la « Faim » et de la « Soif » qu’elles soient corporelles ou spirituelles. C’est ainsi qu’il faut comprendre le rituel de la « Source » que Saint Julien fait jaillir, quand il arrive sur son nouveau territoire et du « Chaudron » qui sert de « Cuve Baptismale » pour des « Nourritures » sublimées et des « Changements de Peaux ». Ce rituel est absolument identique aux rituels qui l’ont précédé depuis des temps immémoriaux que la mythologie a, en général, relevé et même codifié.

Il transparaît donc, dans les Vies de Saints, souvent la trace de cultes fondamentaux très anciens et liés à la « croissance » de la Nature pourvoyeuse de « Nourritures » aussi bien carnées que végétales et par effet inverse à son « manque de croissance », synonyme de « maladies » et de « famines » pour lesquelles on invoquera des dieux spécifiques, puis des « Saints ». Ceux-ci, avec un rituel propitiatoire, se sont développés, dans toutes les cultures, aussi bien dans les cultures d’origine sémitique que celles d’origine indo-européenne, plus particulièrement :

Dans les « Mystères » grecs de Δηµητηρ Ιουλω, Déméter Ioulô (et peut-être

Ιουλιητης, Iouliètès « Juliette »), Déméter « aux gerbes rousses de céréales » (Cérès chez les Latins). Déméter est la déesse Terre - Mère de la Nature et de la Croissance des Toisons, des Moissons et des Frondaisons, particulièrement de « chênes ». Elle est surnommée, en Chersonèse (presqu’île) de Cnide (Carie), Κυριτα, Kurita, Kyrita ; elle est en effet citée par Lycophron de Chalcis, poète alexandrin du IIIe siècle av. J.-C., dans Alexandra164 qui relate la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!164 http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait822/ (traduction Telma) Lycophron, Alexandra (= Cassandre de Troie), 1388-1396, prédiction des invasions doriennes, traduction Chauvin / Cusset modifiée : « … Quant aux quatrièmes, ils seront de la lignée dymantéenne : Codres lacmoniens et cytinaïens, ils habiteront Thigros et le mont Satrios, et l’extrême de la péninsule de celui qui fut jadis par la déesse Cyrita (θεα Κυριτα , thea Kyrita) tout à fait exécré, le géniteur de la renarde aux mille formes (παντοµορφου Βασσαρας , pantomorphou Bassaras), de la goupile dont les gains quotidiens guérissaient le père de son intense faim de bœuf : le Brûlant (Αιθων, Aithôn), qui fendait la terre de bandes (littéralement: d’ailes) étrangères… » Commentaire sur le texte : Cassandre évoque ici ce qui constitue à ses yeux la quatrième vengeance de l’Europe à la suite de l’enlèvement d’Hélène par Pâris : il s’agit de la troisième colonisation de l'Asie Mineure, par une vague dorienne cette fois. Ces quelques vers vont donc s’attacher aux fondations doriennes de l’Asie Mineure. Dymas est le héros éponyme d’une des trois tribus doriennes : il s’agit de l’ancêtre des Dimanes, Doriens du Nord. Le nom de Codros est ici pris au sens d’hommes du passé, « ancien ». Le Mont Lacmon se trouve au Nord Ouest de la Thessalie (voir Alexandra, 1020). Cytinion est une cité de Doride (Thucydide, I, 107). Thigros et le mont Satnios doivent être situés en Carie, mais nous sont inconnus. Cyrita est une épiclèse de Déméter à Cnide et la péninsule citée par Lycophron est celle de Cnide où se trouvait le sanctuaire du Triopion, centre religieux des villes doriennes d'Asie Mineure dont l’éponyme était identifié avec Triopas, père d’Érysichthon. Ce dernier provoqua la colère de Déméter en coupant, à Dôtion en Thessalie, un bois consacré à la déesse. Celle-ci le punit en lui causant une faim inextinguible (Hellanicos 4 F 7 Jacoby ; Callimaque, Hymne à

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coupe de « frondaisons » consacrées à la déesse par Ερυσιχθων, Érysichthôn « Celui qui trace des sillons dans la terre »165, fils de Triopas, fondateur de la ville de Cnide ; elle le punira en le dotant d’une « faim » irrésistible qui le conduira à dévorer ses propres chairs.

Nous sommes, avec la « faim » d’Erysichthôn, dans une mythologie indo-européenne primitive de la fin de l’anthropophagie qui a pour unique but la « Survie » (« sauver sa peau », voire la renouveler !), dans laquelle Héraclès, notamment dans l’Alésia mythique, tiendra un rôle d’« éradicateur », mais qui conservera cependant des rituels commémoratifs jusqu’au christianisme ; nous sommes aussi dans une mythologie de la sédentarisation, des premiers défrichements de la « toison arbustive » au profit d’une « toison végétale » faite d’herbages, de céréales et de légumes, qui puissent nourrir les hommes et les animaux domestiques dont le « cheptel » s’agrandit, « croît » avec une population soumise aux aléas climatiques.

Nous retrouverons systématiquement ce thème de la « Faim » et des migrations des populations, tout d’abord dans la fondation antique, au milieu des « marais du Rhône », de la ville de Vienne par exemple (ville de Saints Ferréol et Julien), par des Grecs venus de Biennos en Crète, avec son « guide », la jeune fille Bianna « affamée » (< βια, bia « force vitale » < *gwei-∍- « force, puissance » > vieil irlandais bian « peau »166 ; d’autres compagnons s’étaient fixés, dans la « Ville de l’Hydre », à Υδρυς, Hydronte – Otrante en Calabre) et engloutie, « avalée » par un « gouffre ». Le nom du premier évêque de Bianna –

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Déméter, v. 24-115; Ovide, Métamorphoses, VIII, 725-884; Antoninus Liberalis, XVII, 5). La fille d’Érysichthôn, Mnestra, qui avait reçu de Poséidon le don de métamorphose, se vendit à maintes reprises comme esclave sous différentes formes de manière à assouvir la faim de son père par l’argent qu’elle obtenait. Érysichthôn, qui était également appelé Aithôn « l’Ardent » en raison de sa faim ardente (cf. Callimaque, Hymne à Déméter, 66-67) était obligé de se louer comme journalier pour acheter de la nourriture : les bandes (« ailes ») sont donc les sillons du labour. 165 ερυω, eruô « tirer, tracer » > « protéger, sauver, conserver » : racine primitive *wer-, *weru- qui associe le défrichement et l’exploitation de la terre (vieil irlandais ferenn « zone protégée », feronn, ferann « campagne, champ », Eriu, Erenn, gallois Iwerddon « Irlande »), à la « survie » de l’espèce humaine (germanique varii « defensor - défenseur > habitant – exploitant » : J. Pokorny, Indo-Europanische Wörterbuch, abréviation IEW., Dictionnaire de l’Indo-Européen, Berne 1956, pp. 1160-1162), puis à sa sauvegarde par l’invocation aux dieux et la sollicitation de leur « protection » ; plus près de nous, il existe un jeune « Saint Protecteur de la Vigne », invoquée chez les Séquanes et chez les Arvernes, Warnacharius > Wernher > Vernier – Garnier qui fut égorgé en 1280 dans la vigne qu’il travaillait dans la vallée du Rhin, un Jeudi-Saint, sous la forme d’un crime rituel caractéristique : son nom s’inscrit dans la droite ligne des Saints Vignerons qui « avertissent des dangers » et ont pris le relais des dieux antiques de type Varuna indien. Il est fort possible que le culte de ce Saint en « Auvergne », plus précisément à Clermont-Ferrand et dans le secteur de Gergovie, résulte d’une assimilation d’Arevernus, théonyme (Mercure Arvernus) par ailleurs retrouvé dans la Vallée du Rhin, au nom de Warnacharius – Warnachaire – Vernier « Celui qui avertit par ses lamentations » ! Une des plus anciennes confréries de « Saint-Vernier » existe encore à Ornans - Doubs, dont le nom, comme celui de l’Ornain près de Grand dans les Vosges, semble lié à Pagus *Odurnanensis : une racine *uerna - *urna- est tout à fait possible… 166 J. Pokorny, Indo-Europanische Wörterbuch, abréviation IEW., Dictionnaire de l’Indo-Européen, pp. 469-470, Berne 1956 : l’auteur, p. 118, évoque aussi une possible racine *bhei- « frapper, couper » > vieil irlandais binit (< *bin-anti) « présure, gaillet, plante qui coupe, caille le lait, le fait trancher ». Mot très important car la présure, qui se trouve initialement dans l’estomac des « bovins », permet la création du « fromage », élément de « conserve », donc de « survie » important !

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Vienne, et des « Exilés - Allobroges167 », étant Saint Crescens, « Celui qui croît », compagnon de Saint Paul, qui l’avait envoyé convertir les « Galates » (deuxième épitre à Timothée, 4), il est en accord total avec la sémantique suggérée par la légende de la migration de Bianna.

… Biennos, ville de Crète... Il en est une autre de ce nom en Gallie. Pendant une sécheresse qui régnait

dans toute la Crète, les habitants émigrèrent en d’autres lieux ; quelques-uns se fixèrent en Italie, à Hydrûnte qui

n'était pas encore une ville. Mais un oracle leur fut donné qui leur prescrivait de se fixer dans un lieu où ils

verraient beaucoup de marécages ; ils allèrent donc en Gallie, près du fleuve Rhodan qui était marécageux, s’y

fixèrent et donnèrent à leur ville un nom dont voici l’origine : une des jeunes filles qui étaient avec eux s’appelait

Bianna ; en dansant, elle fut engloutie dans un gouffre. Eusèbe fait mention de cette ville dans son Histoire

ecclésiastique. Pareillement, pour l’ethnique, Biennie, ou sinon, selon là forme locale Biennèsie (Biennensis),

comme Lugdunèsie (Lugdunensis) : de Bienna, Biennæos …168

Et en accord total avec le caractère d’ Αλητης, Alétès, « Errant » donné au Gaulois –

Galate, sur lequel nous reviendrons à propos d’Alésia, ville fondés par Héraclès pendant l’union qu’il eut avec la fille du Prince local Celtos, Galatée ou Celtiné et dont il eut un fils Galatès (ou Celtos !). Un constat : toutes les Galatée sont issues du milieu « marin », l’une est une déesse, fille de Nérée, l’autre une Crétoise.

Et une question importante : le thème de l’« ancrage » dans la civilisation « errante »

des Gaulois (d’où l’expression « jeter l’ancre quelque part » !) ne dépasserait-il pas l’univers « marin », pour devenir un symbole généralisé de « fondation » de nouvelles villes d’où l’image d’un « crochet », de broches ancrées dans la terre, ανκυρα, ankyra signifiant certes « ancre » mais aussi « croc du laboureur », avec pour finalité son exploitation, telles les dents d’un « brocos – blaireau », expliquant la présence à Alise-Sainte-Reine, d’Apollon Moritasgus « Blaireau, Brochet de Mer » équivalent de « broches d’ancrage ».

Il nous revient en mémoire que les Saints Patrons de l’église de Brocomagus –

Brumath, la ville – marché du Blaireau » ne sont autres que les Saints de Mediolanum – Milan et d’Eburodunum – Embrun (un évêque Saint Aubin), Saint Nazaire « au long nez » ou au « long groin fouisseur » comme celui du porc - sanglier, sorte de père adoptif de Saint Celse. Ces Saints sont souvent présents dans les ports (cf. le martyre par la « noyade »), avec de surcroît la présence d’une chapelle Saint Nicolas, le patron des « Marins », équivalent de Saint Clément. L’église la plus ancienne d’Eburodunum – Embrun était dédiée aussi, selon

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!167 « Étrangers au pays » : Xavier Delamarre, Dictionnaire de la Langue Gauloise, abréviation DLG., p. 39, éditions Errance, Paris 2003 ». 168 Étienne de Byzance, Les Ethniques (abrégé), traduction Cougny : http://remacle.org/bloodwolf/livres/cougny/skylax.htm

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Grégoire de Tours à Saints Nazaire et Celse. Il faut lire la Légende Dorée de Jacques de Voragine pour comprendre le pourquoi : Saints Nazaire et Celse sont des « Architectes » !

… Gervais et Protais frères jumeaux, étaient les enfants de saint Vital et de la bienheureuse Valérie.

Après avoir donné tous leurs biens aux pauvres, ils demeurèrent avec saint Nazaire, qui construisait un oratoire à

Embrun, et un enfant appelé Celse lui apportait les pierres (c’est anticiper les faits de dire que saint Nazaire avait

Celse à son service, car d’après l’histoire du premier, ce fut longtemps après que Celse lui fut offert) Or, comme

on les conduisait tous ensemble à l’empereur Néron, le jeune Celse les suivait en poussant des cris lamentables :

un des soldats ayant donné des soufflets à l’enfant, Nazaire lui en fit des reproches, mais les soldats irrités

frappèrent Nazaire à coups de pied, l’enfermèrent en prison avec les autres et ensuite le précipitèrent dans la

mer : ils menèrent à Milan Gervais et Protais. Quand à Nazaire qui avait été sauvé miraculeusement, il vint aussi

dans cette ville …169

Le « Blaireau » à la fois « aux grandes dents » mais aussi « grand architecte du monde

souterrain » tel un Dédale avec sa λαβρυς, labrus, sape – hache « pointue » et « tranchante » comme une dent, taillant le « Labyrinthe », ne serait-il pas devenu un symbole de fondation ?

N’oublions pas que le pape Saint Clément, exilé en Chersonèse de Tauride par

l’empereur Trajan est symbolisé par une « ancre de marine » qui l’engloutit dans la Mer du

Ποντος Ευξινος, Pont-Euxin, « La Mer qui accueille les Étrangers de Passage » ; qu’il est présent en tant que père païen de Saint Reine - Marine à Alise – Alésia, « la Ville accueillant les étrangers – errants » selon Diodore de Sicile que nous allons lire bientôt, et qu’il existe un Saint Clément, évangélisateur d’Ancyre – Ankara, la capitale des Galates. Le mythographe Étienne de Byzance (Ve-VIe siècle), dans l’ « Abrégé », fait par Hermolaos de ses Ethniques, semble bien le comprendre de cette manière pour expliquer l’étymologie d’ Ανκυρος, Ankuros, Ancyre :

… Ancyre, ville de Galatie ; d’autres l’attribuent à la Phrygie. Il convient de la placer [en Phrygie],

puisqu’elle appartient aux deux pays ; car étant chez les Galates, elle est limitrophe de la Grande-Phrygie. Et en

effet, les Galates sortis de la Celtique, comme dit Strabon, livre XII, errant dans ces contrées, divisés en

trois corps, divisèrent le pays en trois parties.

Apollonios, au livre XVII de ses Cariques, raconte que ces étrangers Galates, s’étant alliés à Mithridate et à

Ariobarzane, poursuivirent jusqu’à la mer les Égyptiens envoyés par Ptolémée, s’emparèrent des ancres

(αγκυρα , ankura) de leurs navires, et ayant reçu comme prix de leur victoire du terrain pour y construire une

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!169 Jacques de Voragine, Légende Dorée, traduction J.-B. M. Roze, pp. 306-307, collection G/F, Garnier-Flammarion, Paris, 1967.

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ville, donnèrent ce nom (Αγκυρια , Ankuria) à celle qu’ils fondèrent. Ils en bâtirent même trois, Ancyre

dont le nom rappelait ce qu’ils avaient gagné à cette guerre, Pessinûnte et Tavia des noms de deux de leurs chefs.

Ethnique : Ancyran …170

Il se pourrait donc que de nombreux Saints « Gaulois », aux noms faussement « Latinisés », Albinus ou Albanus (< *Alabinos, *Alabanos ?), fort présents de surcroît dans de nombreuses dédicaces chrétiennes des églises des Mediolanum (Saint-Aubin du Vieil-Évreux de la Cité des Aulerci Eburovices « Sangliers » ; Saint Aubin de Meillant, dans le Cher : fête au 1er mars) soulignent, en plus des racines *gwei- « vivre, force vitale » (mais aussi possible *bhei- « couper »), la présence d’une racine du « Déplacement initial », la racine *al- « nourrir » (Pokorny, 26, sqq.).

Il se pourrait que cette racine *al- qui marque la Vita et l’espace – temps de la

naissance jusqu’à la mort, du levant jusqu’au couchant, mette en évidence la sémantique d’Albinus correspondant au « Départ » ou au « Recommencement », à l’effacement d’un Ancien Temps de guerres et de migrations au profit d’un Temps nouveau de sédentarisation et de paix, à l’Alba - Aube printanière, au Ver Sacrum, au « Printemps Sacré », un départ ou une arrivée pour un « Autre Monde », un « Monde Nouveau », une sorte de Noviodunum, Noviogentum, de Neapolis, de « Villeneuve » (racine *al- « alter, alius, αλητης, alétès, autre, étranger, errant, vagabond »), avec comme objectif la « Traversée d’un Territoire » (racine *ter- > *tri-), la « croissance de la Cité, la recherche de la nourriture » (*al- « croître, nourrir, aliments, > moudre » > *albhi- « orge »171) et la « division en Trois » des terres nouvellement conquises et exploitées.

Il faut penser en effet que la couleur αλφη, alphè, alba, « blanche » de la farine n’est

pas un point de départ sémantique, mais le résultat d’une opération soit d’accumulation de provisions pour la migration, soit d’installation et de sédentarisation, comme il en sera de la « lactation » des nombreuses « Galatée » fondatrices. La meilleure des explications est encore l’annonce de la « Naissance », à l’« Aube d’un Temps Nouveau », par Iule – Ascagne, d’Alba Longa (dans les Monts Albains, donc loin du Tibre, cependant !), au moment où, à Ostie, à l’embouchure lumineuse, Albula, du fleuve de la Nuit, le Thubris, le dieu Tiberis, dans un songe, révèle à Énée qu’au détour d’un méandre du fleuve, au pied d’un « Chêne - Yeuse », il découvrira une coche alba « allaitant » trente petits tout albi, des « cochons de lait » et que « trois fois dix ans » après (le chiffre « trois » est à nouveau là pour une colonisation), Iule fondera Alba (Énéide, livre VIII).

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!170 Étienne de Byzance, Les Ethniques (abrégé), traduction Cougny : http://remacle.org/bloodwolf/livres/cougny/skylax.htm 171 Pokorny, IEW., p. 26, sqq.

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Ce rêve est une conclusion de l’émigration réussie, un aboutissement et se concrétisera par le sacrifice sur l’Autel fumant à la déesse Junon de ces animaux, ce qui n’est pas un hasard, car Junon, la future « Céleste » de Carthage romanisée, a lutté, par tous les moyens, contre le « bon destin » de l’émigration d’Énée. Le site est important et explique le nom de Θυβρις, Thubris > Thybris, formé à partir de la racine *dubh- « faire fumer sur les autels », car liée aux « Sacrifices primitifs » consacrant l’installation, la « colonisation felix - heureuse » mise sous la protection des dieux. Le Thybris est un fleuve terminal de Migration, donc un fleuve « Bon » pour la colonisation et l’abondance en « aliments » (racine *al- > *ala-bha- > *alba- et *al-ma- > fleuve Almo) et en nourritures dont les prémices seront consacrés aux divinités topiques sur les « Autels Fumants ».

… Le plus ancien prodige de ce genre qui nous soit raconté dans les textes concerne la truie d’Enée à

Lavinium, qui mit bas trente gorets blancs. Le prodige ne manqua pas de se réaliser, puisque, trente ans

(après), les habitants de Lavinium fondèrent la ville d’Albe. De cette truie, et de ces porcelets il existe encore

aujourd’hui des traces, car d’une part leurs effigies en bronze sont encore aujourd’hui exposées dans un lieu

public et d’autre part les prêtres montrent le corps de la mère conservé dans la saumure…172

Nous sommes donc au bord du « Fumeux » *Dhubros – Thybre – Tibre, qui

auparavant était l’Albula « Virgile, Énéide VIII, Pline l’Ancien, Ovide, Varron, etc.), producteur certes par ses alluvions de céréales et de « farine » (voire de sel à son estuaire, inventé par le roi Ancus Marcus !), mais surtout de « lait blanc » (comme le fleuve grec Αλφειος, Alphée qu’Héraclès utilise pour nettoyer les écuries à bovins d’Augias), ceci avant la « Force Ruminale » de Ροµη, Romè ! Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que le « Sacrifice » sur l’autel *Dubro - Thybris - Fumant » offert à Junon, près du fleuve déifié par un « Plongeon Baptismal » et la métamorphose de Tiberis ou Thybris, fixe à jamais la propriété nouvelle et l’installation des « Étrangers » sur le territoire « Nourricier » de l’Albula. Nous retrouverons exactement ce même schéma migratoire en « Blanc et Noir », en « Orient et Occident », en « Naissance et Mort » comme un « Damier » de type indo-européen avec : - En Grèce, le dieu fleuve Alphée, amoureux d’Artémis, déesse Vierge et Pure, qui, à son embouchure construite de la terre marécageuse « noire » (on peut le présumer sans trop de problèmes), se barbouille le visage avec les « boues » des alluvions et se rend ainsi méconnaissable du dieu.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!172 Varron, Economie rurale, Livre II, 4, 18, trad. Ch. Guiraud, col. Les Belles Lettres, Paris 1985.

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- En Vénétie, le dieu fleuve, le « Noir » Ακυλις, Akulis – Akylis173 comme la « Bise Noire » (vent appelé, en Italie, Mestre < « Magister Ventus > Mistral) de l’Aquilon du même nom (= « Aigle Noir », Valeria en latin, symbole de « Victoire et de Règne du Conquérant » et de Colonisation propice à la « Bonne Santé » des Migrants, « Aigle », par ailleurs destructeur du Serpent – Dragon, le premier occupant). Nous sommes au pied des Alpes Juliennes, dans la province du Forum Julii, Frioule, baignée par la Lagune de Grado – Aquilée, avec l’Isola San Giuliano, l’Île Saint-Julien.

L’Akylis semble être le Natiso – Natisus - Natison (< *Nat-eisus >Natisus), qui a donné son nom à la ville d’Ακυληια, Aquileia – Aquilée qui jouxte le fleuve Aesontio – Isonzo (*Eisu-ontio : racine *eis- « force brillante » > isarnos « fer » ou *ed- « nourrir, bon à manger » > Esus ?) ou mieux * ∍2wes- « installer le premier feu, habiter, manger, habiller » > αεσα νυκτα, aesa nukta « passer la nuit » (dans le Noir !), εστια, estia « foyer, autel »174 > Vesus « bon » !) dont l’un des bras, l’Isunzat (ancien Lisoncius Vetus175), conflue en une même embouchure dans le golfe de Trieste avec le fiume Sdoba que nous appellerons le « Fumeux »…176

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!173 Pline l’Ancien, HN., livre III, 128 raconte que les Argonautes ont remonter l’Ister – Danube, puis la Save, ont traversé les Alpes Juliae, les Alpes Juliennes pour aboutir sur les bords de l’Adriatique, non loin de Tergeste – Trieste. Cette version est confirmée par Zosime, Histoires, 5, 29 : les Argonautes, après avoir porté leur « Navire » sur plusieurs dizaines de kilomètres arrivent sur les rives du fleuve Akylis, qui les mène à l’Éridan : « … D’après une hypothèse qui paraît séduisante, cet Akylis serait une invention de Pisandre qui aurait voulu faire allusion à la ville d’Aquilée, Ακυληια, Akuléia … » Vian Francis. Poésie et géographie : les Retours des Argonautes. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 131e année, N. 1, 1987. pp. 249-262. doi : 10.3406/crai.1987.14483 url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1987_num_131_1_14483 174 J. Pokorny, IEW., pour *ed- « manger », p. 287, sqq. ; pour *eis- « se mettre en mouvement » pp. 299-301 ; pour *wes- « installer un foyer, séjourner », p. 1170 sqq. > vesus « bon », pp. 1174-1175 : illyrien (vénète ?) Veselia « Felicitas – Félicité » : Les gémeaux Saints Félix et Fortunat sont les patrons d’Aquilée ! Les trois noms se retrouvent dans Saints Achillée, Félix et Fortunat, martyrisé à Valence sur le Rhône : ils sont les compagnons des Saints Ferréol et Ferjeux à Veontio. 175 Lisoncius présume d’une agglutination de l’article « el » avec Aesontius : il est à noter que nous avons une rivière de Séquanie, affluente de la Loue, elle-même affluente du Doubs, qui s’appelle le « Lison », hydronyme à la racine énigmatique, écrivent les linguistes, tel Dauzat ; il se pourrait que nous soyons en présence d’une agglutination de l’article « l’ » pour ces rivières Lison, Lisonne, Lizeron, etc. peut-être en relation avec isarnos « fer » ou avec le nom de l’Isère … 176 = Slovène doba « quercia, chêne » : « SDOBA : Fiume. Dallo sloveno « DOB » = Quercia ». Selon Lis Stradis Maludidis dal Palû, Toponomastica di Aquileia..., p 92 et 121, Gruppo Archeologico Aquilese, Cassa Rurale ed Artigiana di Fiumicello, La Litograpfia Designgraf, Udine, 1986.

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Nous rappelons que Vesontio, dont le nom semble composé d’une même racine, chez les Sequani, est sur le Dubis, or le linguiste J. Pokorny (IEW., p. 264) place exactement le Dubis sous la racine *dheubh- très liée aux eaux « noires » des plaines marécageuses ; c’est la même racine qui aurait peut-être conduit au vieux slave dob « chêne »177 car l’arbre est réputé « avoir un cœur tirant sur le noir » comme le robur, symbole de « force » par ailleurs. - En Albion – Britannia – Grande Bretagne, , la rivière Ver (autrement appelé More ou Moore, qui conflue avec la Coln) et Saint Albanus, martyr en la ville de Verulamium. Le nom celtique de cette ville est composé à partir de la racine *awer- « eau » ou de *wes-ro- « humide, marécageux » soit encore de *wes-ro- « printemps », issue de *(a)wes- « brûler, briller » : Veru- évoque alors le latin Ver Sacrum, « Printemps Sacré » car cette racine se retrouve aussi dans le vieil irlandais errach < *ferach > *wesr-ako- « printemps ». Le Ver Sacrum consacrait chez les Celtes le départ de l’immigration, pour une arrivée au Vesperos – Vesper, au « Soir Automnal » au « Finistère », avant le « Noir de la Nuit » ; reste tout à fait plausible et complémentaire, sinon identique dans l’évolution sémantique (*wes- « brûler > habiter > se nourrir > se vêtir), la racine *wes-tro- « vêtir » > anglo-saxon werian « porter un vêtement » (Pokorny, p. 1171, sqq.) : cf. la légende de Saint Alban qui change de caracalla – manteau avec le prêtre Αµφιβαλος, Amphibalos « Celui qui porte un vêtement jeté autour des épaules ».

Des mosaïques romaines de Verulamium soulignent des contacts avec la mer par la représentation d’un dieu marin et surtout de « coquilles Saint-Jacques » ; s’arrêter à ce constat serait dommageable, car nous sommes en Bretagne insulaire à l’arrivée ultime des Celtes

« Migrants » au West – Ouest, dans la Nuit « sombre » de l’Occident ensanglanté : il en sera de même dans la fondation en « Eriu - Irlande178 » de la ville d’Eblana – Dublin. Nous sommes en réalité dans un même système mythique de « Finistère », qu’à son « terme » dans la Mer d’Iroise, qu’à Compostelle, qu’au « Champ de l’Étoile », à l’endroit où le soleil « tombe et meurt » dans l’océan, qu’en Galice, à Flavia Iria où aboutira le sarcophage de

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!177 Pokorny, IEW., p. 264, sous *dheubh- « fumer » : « aksl. dob : Eiche, dann Baum überhaupt als , Baum mit dunkelm Kernholz (arbre avec un cœur noir) wie lat. robur… ». 178 Ιερνη, Iernè selon Aristote et Strabon ; Ιερνις νησος, Iernis nèsos, selon les Argonautiques du faux Orphée et Ιουερνια, Iouernia chez Ptolémée forme hellénisée d’Hibernia, cela a pu conduire à Ιερανησος, Ieranèsos = Insula Sacra d’Avienus = Île des Bienheureux. En vieil Irlandais Eriu < (H)ériu, datif (H)erinn selon Stoke « pays de l’ouest » ; selon Pokorny, IEW., p. 1161, racine *wer- « protéger, être lié, s’installer pour cultiver en se défendant », donc les habitants primitifs ou les exploitants Iwerddon = Irland. Racine possible aussi *pei-, *piwer- « être gras, nourrir, faire boire » ou *poi- « protéger, boire, nourrir ».

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Saint-Jacques le Majeur, venu du Soleil Levant, ceci au milieu des coquilles « couchers de soleil » (photo à gauche) et des « étoiles de mer » qui les dévorent tant.

Cette racine *dubh- « faire fumer, noir » se retrouve dans le nom celte du père de Tascivanus, Dubnovellaunus, le « Prince des Ténèbres », de la Cité des Cassivellauni, le fondateur de la ville. Tascivanus est le « Tueur de Blaireau », semble-t-il179, dont la deuxième partie du nom, -vanus, se retrouve dans celui de Sequana – Seine (pays des anthropophages au temps de Saint Seine) et surtout de Sequani < *seku-wanus (racine *gwhen- « frapper, tuer » = occidere > occident ! » que nous retrouvons dans le latin Defensor) qui « avaient colonisé » puis « habité » les rives de la Seine (toutefois il existe une rivière Sequana en Séquanie !) avant les rives du Dubis – Doubs, à Vesontio.

- En Rhénanie, Mogontiacum – Mayence et Saint Alban (photo à gauche180), venu du bassin méditerranéen, en compagnie de Saint Θεονηστης, Théoneste, dont le nom signifie « Dieu qui est à jeun, affamé » ou « qui est affamé pour Dieu » (racine *ne-ed-sto- « ne pas manger »). Il fut une victime de l’arianisme et fut décapité (Saint « céphalophore »). Est vénéré aussi un autre Saint important à Mayence, Saint Ferrucius ou Ferrutius qui porte donc le même nom que le compagnon de Saint Ferréol, Saint Ferrucius de Vesontio, ville des Séquanes réputés pour leurs salaisons, or ce Saint Ferrutius subit comme martyre l’emprisonnement avec suppression totale de « nourriture » : il mourra de faim… Si nous remplaçons le nom de Ferrucius par Julianus, nous nous retrouvons à Vienne, en Lyonnaise, fondée par les Crétois « affamés » …

Dans le cas de Mogontiacum - Mayence, il nous faut revenir à ce qui ressemble à un

postulat mythique : le nom du porc ou du sanglier avec toute la symbolique de la « conservation de la viande » par le salé et le « fumé » (dans le smoke-room anglo-saxon ?), en vue d’une migration ou de la résolution d’une famine, est associé d’une manière ou d’une autre à celui d’Albanus, Albinus, comme ce fut le cas au bord du Tibre et à toute évocation de la « Fumée » et c’est le cas à Mogontiacum (Μοκοντιακον, Mokontiakon chez Ptolémée) lié peut-être au nom du dieu gaulois « Porc » Moccus, du pays de la Matrona – Marne « nourricière ». Le dieu Moguntius est très présent en Grande-Bretagne, à Castrum

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!179 Pour l’ensemble des noms celtes traduits, Xavier Delamarre, Dictionnaire de la Langue Gauloise, pp. 306-307, p. 311 ; par ailleurs, l’auteur traduit Verulamium par « Large Main », pp. 317-318, avec une sémantique de « main dispensatrice », ce qui peut tout à fait convenir à une « riche » fondation. 180 Photo, domaine public y compris aux USA : National Gallery of Art, Washington. http://commons.wikimedia.org/wiki/File:StAlbanMainz.jpg?uselang=fr

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Exploratores - Netherby, Vindolanda - Chesterholm, Vereda - Old Penrith, Bremenium - High Rochester, ensemble de villes où séjourna la cohors I Vangiorum, donc originaire de la région de Mayence… le « Pays du Jambon » …

Il est possible d’ailleurs que la première partie de Vangio ait été formé comme le

germano-latin vanga « bêche » (= latin ferrea : cf. Saint Ferrucius à Mogontiacum !) à partir de la racine *weng(h)- « être courbe, en forme de crochet » (germanique *wanga « champ, plaine exploités », Pokorny, 1149), ou d’une racine proche qui a donné le latin vomis et le germanique waganso « soc de charrue » (Dictionnaire Gaffiot - Flobert, p. 1673 et 1722), avec en pensée que le nom gaulois soccos « groin de porc », issus de *su-s- > *su-k- « porc > latin sucula, truie, hyade », a donné le moyen irlandais et le français « soc » (Pokorny, 1038).

Pour le théonyme Moccus, dont la terminaison est identique à succos, nous avons des

références citées par X. Delamarre, dans son Dictionnaire de la Langue Gauloise181 : vieil irlandais mucc « porc », breton moch « pourceau », vieux cornique mehin < *moccino « lard ». L’auteur ajoute : « Pas d’étymologie convaincante ». Et pourtant il existe des racines très explicites : la première possible, *(s)meukh-, *(s)meug-, *(s)meugh-, *mukhu- « fumer, fumée »182.

Moccus serait « Celui qui peut être fumé » : en effet la chair crue (crudios en gaulois)

du porc est passée au sel pour le rejet du sang, ainsi que de toutes sortes de mucus et de baves, morves, etc., avant d’être mise à la fumée conservatrice. Cette racine primordiale que nous retrouvons dans le cornique mok, le breton moug, mog « feu », moged « fumée », souligne les procédés primitifs et toujours en vigueur utilisés pour la conservation des corps limités aux fibres carnées et leur usage en tant que « nourriture », véritable cadeau de la Nature Divine, appelée « Ambroisie ».

Procédés utilisés aussi pour leur garder une « immortalité » apparente, qui associe

dans la même opération la « peau de porc ou de sanglier immortelle », recherchée dans la mythologie celtique par les « Enfants de Tuirenn », à la demande instante du dieu Lug, peau portée en « manteau - sagum, amphibalum, caracalla », notamment dans la légende de Saint Paul ermite (manteau d’Athanase), de Saint Antoine (ibidem), de Saint Desle, Saint Séverin, Saint Alban, etc. Cette racine donne une étymologie non seulement au dieu de Mogontiacum- Mayence, Mogontius, mais encore aux « Déesses Mères », copies conformes de l’Hyade, la « coche » Ambrosia, au manteau de peau immortelle (qui se renouvelle chaque jour), protectrice et nourricière, que l’on retrouvera :

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!181 X. Delamarre, Dictionnaire de la Langue Gauloise, p. 228. 182 J. Pokorny, IEW., p. 971.

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- sous la forme Deae Mogontiae au Sablon à Metz, au pays de Saint Clément et du

« Graouly » des Mediomatrici, là où la rivière « salée », la Seille, conflue avec la Moselle.

- corroborées par une dédicace aux Mogontiones Matres, à Agonès, dans l’Hérault.

Le mot-clef « nourricier » est donc naturellement Matres qui correspond au -Matrici messin.

Cette racine de vie et de conserve est certainement la même originellement qu’une

autre racine *meug-, *meuk- que l’on retrouvera dans la désignation de certains poissons migrateurs dans les estuaires comme les « muges » ou les saumons devenus rouges, dont la sémantique est liée au nez camard ou « reniflant et plein de mucus », et par voie de conséquence « au corps efflanqué par la faim », au moment de la fraie (moyen irlandais mocht « maigre », suisse mauch « affamé »).

Cette racine, qui se rapproche sémantiquement de la racine *su-k- « labourer avec son

groin renifleur », est donc tout à fait adaptée pour le théonyme Mogontius, si celui-ci ne vient pas de la racine *megh- « grand » (ce qui est l’étymologie donnée en général) : il existe en effet un nom irlandais Mochta « Long en âge » (ou alors « Bien conservé » ou « Maigre, Élancé ») qui est porté par un Saint Mochta de Lughmooh (Louth), compagnon de Saint Patrick, une sorte de « double » d’ailleurs, dont la légende nous dit qu’il vécut « trois cents ans » car puni par Dieu pour avoir douté de l’âge « canonique » des patriarches ! La réalité serait plus prosaïque : il serait mort à 90 ans ! Tout de même ! Mais il y a mieux ; il semble exister un lien entre le nom de Mochta, celui du « Corbeau » et du dieu « Lug » :

… La légende veut que, lorsque l’enfant naquit, un corbeau s’abattît d’un buisson de laurier situé à

proximité ; il essaya de picorer le nez de l’enfant, mais il fut repoussé par le père du garçon et ses camarades.

Voyant cela comme un signe du ciel, ils le nommèrent Mochta - ce qui signifie « le garçon qui eut son nez

piqueté par un corbeau venu d’un buisson de laurier voisin »…183

Saint Mochta de Louth, abbé évêque (Mocheteus, Mochteus, Mochuta)

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!183 Internet : http://translate.google.fr/translate?hl=fr&sl=en&u=http://communityvoicemusings.blogspot.com/2007/08/st-mochta.html&ei=Q4ftTPj5FeCN4gaK8uxv&sa=X&oi=translate&ct=result&resnum=3&ved=0CDMQ7gEwAg&prev=/search%3Fq%3DSaint%2BMochta%26hl%3Dfr%26sa%3DG

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Mort vers 534. Né en Grande-Bretagne mais amené en Irlande étant enfant. Saint Mochta fut un

important saint d’Irlande, ce que l’on constate aisément vu le nombre d’histoires qui se sont développées autour

de son nom. Il fut disciple de saint Patrick ; certains auteurs pensent qu’il aurait malgré cela été consacré évêque

à Rome par saint Léon le Grand, mais d’autres érudits croient plutôt que c’est saint Patrick qui l’a consacré. A

son retour en Irlande, il s’installa en un lieu du Comté de Meath appelé Kell Mor Ydan (non localisé à ce jour).

L’opposition locale l’amena à partir vers le nord, vers Louth, dans l’est de l’Irlande. Louth était

originellement le lieu d’un sanctuaire de la divinité celtique Lugh. Avec 12 compagnons, saint Mochta fonda

un grand monastère qui acquit une réputation dans tout le pays. Tant le monastère que le village furent

régulièrement incendiés et pillés par les Danois durant la période 829-968.

Saint Mochta aurait été le 1er évêque de Louth. Parmi les légendes qui sont nées, lui et saint Patrick

auraient fait un pacte disant qu’ils prendraient mutuellement soin de la communauté de l’autre fondateur à sa

mort. On dit aussi que Mochta avait 200 évêques parmi ses disciples et vécu jusqu’à 300 ans - une punition, car

il doutait de l’âge de nombre des patriarches de l’Ancien Testament. Les érudits pensent qu’en tant que dernier

des disciples encore vivants de Patrick, il mourut à 90 ans. Louth, le plus petit des Comtés d’Irlande, couvre une

zone qui ne fait que 317 miles au carré. Elle part au nord de la rivière Boyne vers Carlingford Lough, consistant

essentiellement en des terres fertiles et ondulées avec une côte de larges baies sablonneuses et d’occasionnels

promontoires rocheux. Au nord cependant, entre Dundalk Bay et Carlingford Lough, se trouve la péninsule

montagneuse de Cooley. Le territoire à présent appelé County Louth a une place éminente dans les récits épiques

de l’ancienne Irlande. Il a aussi été le lieu d’importants événements, et nombre de chapitres de l’histoire

d’Irlande sont illustrés par les nombreux reliquats du passé du Comté (Bénédictins, Farmer, Husenbeth)…184

Saint Mochta est aussi appelé Muchteus, ce qui nous éloigne d’une racine originelle *megh- « grand » retenue habituellement et nous en avons la confirmation par la relation de la légende de sa naissance qui se réfère bien à la racine *meug- « renifler » qui a donné le grec µυκτηρ, mukter, µυξα, muxa « nez » et le latin « mucus – morve » : le « corbeau » s’attaque à la face, il aurait pu le faire aux « yeux », non, il veut arracher le « nez renifleur » ; par contre ce nom se rapproche de Mogontius et non seulement du « Nez » du porc ou du sanglier qui est l’exemple naturel du « Renifleur », mais surtout de tout être vivant, et notamment des Hommes quand ils brûlent sur les Autels les viandes des animaux sacrifiées, dont l’odeur et la fumée incommodent à la fois les yeux, le nez et la gorge… Avec un rappel important, la plupart de ces animaux de leur vivant « puent » déjà énormément ; pensons aux porcheries et à leurs nuisances. Et que dire de bêtes sauvages à tanières aux odeurs insoutenables comme le renard et surtout le « blaireau » dont le nom a conduit à l’expression « ne pas le blairer185 ». Nous avons vu que l’église de Brocomagus - Brumath était dédiée à Saint Nazaire … !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!184 Internet : http://home.scarlet.be/amdg/oldies/sankt/aou19.html 185 Pline, H.N., VIII, 138 : … Les blaireaux en danger (in metu melibus) ont une autre ruse ; ils se gonflent pour distendre leur peau (sufflatae cutis distentu), bravant ainsi les coups des hommes et les morsures des chiens…

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- Autres liens manifestes entre le nom ou l’évocation du « porc –sanglier » et le nom d’Albinus : la présence plus ou moins légendaire d’un évêque Saint Albin, fêté le 1er mars, le même jour qu’à Angers (premier évêque appelé Defensor !), Saint Albin des Andecaves « Ceux qui creusent dans le Noir (ardoises !) », à Eburodunum – Embrun « le tertre du Sanglier » (aux défenses puissantes), dans la Cité des Caturiges, les « Rois de la Pointe Combattante » (liens possible aussi avec l’« If »), sur la rivière « Durance », en soulignant le fait qu’il existait un Mars Caturix vénéré à Eburodunum – Yverdon, à l’embouchure de l’Urba – Orba - Orbe, la « rivière « Aveugle », qui se perd dans les profondeurs noires de la terre » (= « pertes de l’Orbe »).

Le linguiste Jules Pokorny place le gaulois dunum « tertre, colline > installation fortifiée », comme Dumiatis d’ailleurs, qui donnera un nom à Mercure, au dieu vénéré sur le Puy de Dôme, sous la racine *dheu- « faire fumer », et le met en rapport avec le latin funus « bucher funéraire » : nous avons effectivement là un constat sémantique d’ordre universel, et sous la racine *dheu- dans la civilisation indo-européenne des oppida, qui sanctionne la sédentarisation et la protection d’un site d’accueil par l’érection d’un « Autel » et d’un « Foyer » (de fours – dômes à charbon de bois aussi !) en même temps qu’il instaure la cérémonie finale du cycle de vie avec le « bûcher funéraire » et la création de tumulus tombes d’incinération.

Ce thème « double » de la « fumée » qui conserve les chairs mais aussi qui est le

résultat de leur consumation sur le bûcher se concrétisera dans d’autres sites évocateurs de point de départ ou de point d’arrivée de l’immigration, tel le village de Mediolanum - Meillant dans le Cher qui vénère un Saint Romulus – Rhomble et dédie son église à Saint Aubin ; telle la vieille ville de Mediolanum186 des Eburovices « Ceux qui combattent et gagnent grâce à

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!L’allusion au gonflement est évident et donc établit des liens avec la racine *bhreu- « gonfler » ; nous pensons que l’explication est à chercher dans le comportement des corps animaux et humains qui pour se soulager d’un gonflement du ventre laissent échapper des « vents » ; tout le monde sait que le blaireau pue énormément et certainement encore plus quand il est agressé... Le nom du « blaireau », certainement gaulois, est à rapprocher de la racine *bhel- « souffler », en complément de bler, « tacheté » ancien français issu du gaulois blaros, déterminant sa « tache blanche » sur le « nez » ! Par contre le « nez » est l’organe qui capte les odeurs, il remplace la vue et l’ouie qui égare en souterrain. Notons aussi que le « blaireau », bler, animal essentiellement « nocturne », « tacheté » de noir et blanc, comme alternent le jour et la nuit, est l’animal du « labyrinthe » par excellence, sorte de Minotaure ou mieux de Dédale : δαιδαλος , « le tacheté, le moucheté, le ciselé » évoque λαβρυς = doloire - hache = symbole du « labyrinthe » ! 186 Reste l’énigme du nom du premier évêque d’Évreux, Saint Taurinus. Ce nom correspond à celui des Taurini, d’une Cité gauloise qui habitaient les vallées et les sommets alpins dans la région d’Augusta Taurinorum – Turin. C’est par ces vallées et cols que les Gaulois Bituriges et leurs alliés passèrent et traversèrent les Alpes pour aller fonder Mediolanum des Insubres, Milan. Mais sa fête, au 11 août, le même jour que celle de Saint Tiburtius – Tiburce, juste avant celle de Saint Hippolyte, est liée, par le martyre de ce dernier, à l’embouchure du Tiberis – Tibre, à Ostie, identique à la mort du héros Hippolyte, compagnon d’Artémis – Diane, à la fois au culte de celle-ci, aux fêtes des Diana, du 13 août, et surtout au dieu « Taureau » Poséidon – Neptune. N’oublions

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leur « Pointes – Défenses de Sangliers ou en bois d’If », voire avec des cornua licina « cornes de taureau recourbées vers le haut » (même racine *ebhr-187), Vieil-Évreux, dont l’église est aussi dédiée à Saint-Aubin.

Nous sommes toujours dans le même schéma que celui de l’antique vision d’Énée,

père de Iule, au point d’« immortaliser » les animaux acteurs, la coche nourrissant, sous un Chêne (cf. Doba = Quercia), ses trente petits en les plaçant dans la « saumure »

Cette mise dans la saumure de la « Mère » des « Gorets » à Albe aurait dû intriguer les mythologues, car en réalité elle préside très souvent chez les Indoeuropéens, et plus particulièrement chez les Celtes, à l’acte fondateur des villes au bout du chemin des migrations réussies, grâce à une nourriture facilement transportable, grâce à la « salaison », une véritable « Ambroisie », Nourriture Immortelle, comme le nom Ambrosia, dans le Ciel, de la première des Hyades – Coches grecques, « Lard et Jambon ». C’est sur une peau de sanglier que sera fondée la ville de Mediolanum - Milan des Insubres, spécialistes qu’ils étaient dans les salaisons :

… Milan : Ville et duché tres notable de l’Italie en Lombardie, appelée des Latins Mediolanum, parce

que selon saint Hierôme, lorsqu’on en jetta les fondements on y trouva un sanglier qui estoit à demy

couvert de laine …188 … On dit que les porcins nous ont été donnés par la nature pour festoyer. Ainsi la vie leur a été

donnée, tout comme le sel, pour conserver leur chair. Avec ces bêtes, les Gaulois ont coutume de faire les

quartiers de porc salé les meilleurs et les plus gros. Preuve de leur excellence : aujourd’hui encore, chaque

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!pas qu’il existait un culte primitif et sauvage, avec certainement des sacrifices humains, d’Artémis en Tauride (cf. Iphigénie), où elle était servie par des « jeunes filles oursonnes », Artémis qui par ailleurs portait l’épithète de Ταυροπολος, Tauropolos « Honorée par des sacrifices de taureaux » ou bien « qu’on vénérait en Tauride ». Or la mythologie chrétienne de Saint Taurin est très explicite : Saint Taurin détruit le culte païen de la déesse Diane, où il est question d’animaux omophages, le Lion, l’Ours, en plus naturellement du « Buffle », symbole de « changement de nourriture » du passage de la nourriture carnée, humaine puis animale, à la nourriture lactée et issue de l’agriculture. Dans le prochain chapitre, nous aborderons, les miracles de Saint Taurin, notamment celui de la résurrection du fils du préfet Licinius (ce nom désigne un « taureau à cornes retournées ») et de son épouse Léonille (cf. le « lion »), fils appelé Marinus et tombé avec son compagnons Paschasius dans un trou profond. Or Marinus peut être une épithète liée à la « Mer » (et donc à Poséidon – Neptune) ou mieux une épithète araméenne hellénisée équivalente au grec Kyrios « Seigneur, Maître ». La légende de Saint Taurin nous indique qu’il était le filleul du pape Saint Clément, martyrisé, nous l’avons vu, en Chersonèse de Tauride, noyé avec une « ancre de marine ». Clément n’est autre que le nom du père de Sainte Reine, martyrisée dans un « Chaudron », autrement appelée Marine… 187 Racine *he1bh- « frapper » étudiée par Françoise Bader, citée en note, à propos d’*eburo « sanglier et du thrace ebros « bouc » dans la revue belge Ollodagos, Acte de la Société Belge d’Études Celtiques, volume XVIII, éditée à Bruxelles en 2003, « Voyage d’Ulysse à Ephura : l’If, le Poison et la Nécromancie ». 188 D. de Ivigné Broissinière, Dictionnaire Théologique, historique, poétique, cosmographique et chronologique…, p. 1708. A Paris, MDCLXXII, Chez Guillaume le Bé, au coin de ruë saint Jean de Beauvais, proche le Puits-certain, Chez François Muguet, Imprimeur du Roy, & de Monseigneur l’Archevêque, rue de la Harpe, à l’Adoration des Trois Roys.

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année, on importe de Gaule à Rome des jambons des Comaci et des Cavares et des jambonneaux. Sur la taille

des quartiers de porc salés gaulois, Caton écrit en ces termes : « En Italie, les Insubres salent trois et

quatre mille quartiers de porc… 189

C’est l’abondance d’une « population à nourrir » qui provoquera les migrations

conduisant à la fondation des Mediolanum puis à la volonté d’établir une route commune, un « Monde commun » d’échanges dans les deux sens : ce n’est pas un hasard s’il existe des Mediolanum – Meilhan, en Gaule, dans la cité des Bituriges (Berry), au nom évocateur de « Bitu – Vita – Vie190 » > « Survie > Émigration > Changement de Monde » et chez les Aulerques « Loin de leurs traces » (Mediolanum des Eburovices - Évreux) alors que ces Cités fonderont Mediolanum - Milan chez les Insubres.

Ce n’est pas un hasard, si le christianisme, à Mediolanum – Milan a été implanté, selon

la légende, par Saint Barnabé ; en effet, Barnabé, « le Fils de la Consolation », l’Apôtre, compagnon de Saint Paul, n’est qu’une épithète ; son vrai nom est Joseph, qui signifie « Celui qui ajoute », comme celui du « Père Nourricier » du Christ. Il correspond exactement, pour son nom de Joseph et pour son épithète « réconfortant par la nourriture, y compris spirituelle, apportée, à un autre compagnon de Saint Paul, qu’il appelle Crescens « Celui qui fait croître », dans sa deuxième épitre à Timothée, compagnon qu’il destine à l’évangélisation des Galates ou des Gaulois. C’est lui qui deviendra le premier évêque des « émigrés » chrétiens venus d’Asie Mineure à Vienne, au pays de Bianna, pour évangéliser Lyon et la Lyonnaise.

Effectivement Barnabé est synonyme de « Croissance » : lorsqu’Agabus, un fidèle de

Jérusalem qui avait le don de prophétie, annonça une grande famine, qui arriva sous l’empereur Claude, il fut chargé par les chrétiens d’Antioche de collecter, à la façon de Moïse, des vivres et d’en assurer le pourvoi auprès des Anciens de Judée.

Nous avons vu dans les chapitres précédents le nom du premier évêque de

Mediolanum – Milan et de Brixia – Brescia, consacré, au moins dans le légendaire, par Saint Barnabé ; il s’appelle Saint Αναθαλων, Anathalon (et non pas Anatole !) qui signifie « Celui qui impulse et fait repousser, croître ». La racine *dhal-, « verdir, fleurir » (Pokorny 234) est à l’origine du verbe θαλω, thalô « je pousse » et au nom de Thalie, une Muse ou la déesse de la végétation, de Θαλυσια, Thalusia : les Thalysies étant les fêtes des « Céréales », dont les prémices étaient offertes à Déméter. Si Barnabé était fêté le 11 juin, au moment des « prémices céréalières », Anathalon, l’était le 24 septembre, au moment de la « repousse », après les pluies et labours d’automne, et dans les prairies asséchées par le soleil d’été, période !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!189 Varron, Economie rurale, Livre II, 4, 10, trad. Ch. Guiraud, col. Les Belles Lettres, Paris 1985. 190 Racine très proche de *gwei∍- « force vitale », la racine gwei-t-, *gwi-t- « vivre » ; Pokorny, IEW., pp. 467-468.

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qui correspond avec la fin des migrations, la colonisation des nouvelles terres et leur mise en culture incluant automatiquement un « premier calendrier ». Cela veut dire que beaucoup de Saints Patrons des Mediolanum seront fêtés à des dates clés du calendrier saisonnier et astral, par exemple les Saints Albin, le 1er mars ou les Saints Alban les 21-22 juin.

Un autre exemple de Ver Sacrum : au premier siècle avant J.-C., les Helvètes (avec

Eburodunum – Yverdon) chercheront à rejoindre, par tous les moyens et itinéraires possibles, tout d’abord, associés aux Cimbres, un Mediolanum, en Aquitaine, aux confins du territoire des Nitiobroges, où ils battirent le consul Lucius Cassius près d’Agen :

- soit dans le Gers, Mediolanum – Meilhan, église Saint-Pierre ;

- soit dans le Lot-et-Garonne actuel, Mediolanum - Meilhan-sur-Garonne (diocèse

d’Agen), dont l’ancienne église de Saint Barthélemy-de-Tursac est dédiée à cet Apôtre, martyrisé, dépiauté, à la façon d’un αρταµος, artamos « boucher tenant un couteau » (photo à droite : Saint Barthélemy chez les anthropophages convertis par Saint Seine), comme un animal, en Arménie, à Albanopolis (statue réputée à la cathédrale de Milan). Saint Barthélemy est fêté chez les Grecs, le 11 juin, en même temps que Saint Barnabé ; sa fête, chez les Latins, est au moment des Vulcanalia, qui consacrait, le 24 août, la fin du feu solaire et l’arrivée des pluies, juste après le 21 août, les Consualia, les fêtes du dieu très ancien des semailles et des silos à grain, Consus) ;

- soit à Sos dans le Lot-et-Garonne qui a plusieurs villages associés dont Meylan, église

Saint-Jean-Baptiste et Gueyze, église Saint-Barthélemy…

- soit, dans les Landes, Mediolanum - Meilhan, dont l’église est aussi dédiée à Saint Barthélemy…

Ensuite Mediolanum des Santons (Saintes), Cité proche sinon parente des Bituriges

« Vivisques » et provoqueront par la même occasion un véritable basculement de l’Histoire de la Gaule et de l’Europe : les premiers évêques, Saints Eutrope, Ambroise (même nom qu’à Milan), Vivien et Trojan sont très évocateurs…

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Ces cultes, liés à la « Croissance » et à la « Faim »

migratoire, seront développés aussi dans les Mystères « orgiaques » et « primitifs » de Dionysos, dont la « Mère » Σεµελη, Sémélè est l’avatar de Ζεµελω, Zémélô, « Terre – Mère », double phrygien de Déméter ; Dionysos, dieu de la « Croissance exubérante », lié de plus au mythe « sacrificiel » et « anthropophagique » des « Titans » et surtout au « vin régénérant les chairs » dans le cas de certaines maladies de la peau, particulièrement de la « lèpre »191.

Toute la symbolique de la Résurrection des Chairs et des Corps, dans les religions

antiques, et dans la religion chrétienne qui prendra le relais, réside là, transmise dans cette iconographie d’origine orientale du « Dieu – Roi » de la Vie, Dionysos, descendu aux Enfers et revenu avec sa « Mère », à savoir son « Char » tiré par des « Félins » à la Pellis Varia, à la « Peau Tachetée » (varia est aussi le nom de la « panthère »192 en latin) comme un lépreux à la « Peau Trouée ».

Ainsi comme « fille de Titan », fille de l’« insatiable » ogre de ses enfants, Kronos,

nous retrouverons Déméter – Cérès, la déesse Terre – mère et Kyrita – Domina, « Maîtresse » de la nourriture primitive de l’homme puis des animaux, le « Gland » du Chêne à l’opulente frondaison, puis des « Céréales » et donc du « Pain »193 ; elle-même, affamée par une disette194, mangera par inadvertance l’épaule du héros grec Pélops, fils de Tantale, confirmant !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!191 Nous aborderons dans cette étude une analyse très précise du « Repas » du Christ chez Simon le Lépreux, en présence de Lazare, Marthe et Marie et de l’« Onction de Béthanie », relatée par les Évangélistes, symbole de « la résurrection des chairs mortes ». Le nom de Bethania, « la Maison de la Barque » en araméen, était aussi celui du site de Traversée du Jourdain purificateur par le Baptême de Jean. Il pourrait être celui où Naaman se lava de sa « lèpre » et celui « mythique » de la « Barque de Saint Julien l’Hospitalier » qui transporte le Seigneur – Christ « lépreux ». 192!Photo domaine public : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dionysos_mosaic_from_Pella.jpg?uselang=f 193!… Ce qui fait les grasses moissons, sous quelle constellation, Mécène, il convient de retourner la terre et d’unir les vignes aux ormeaux ; quelle sollicitude exigent les bœufs, quels soins l’élevage du petit bétail, quelle expérience les abeilles économes, voilà ce que je vais me mettre à chanter. Ô vous, flambeaux éclatants du monde (clarissima lumina) qui guidez dans le ciel le cours de l’année (quae ducitis annum) ; vous, Liber et Cérès nourricière, puisque, grâce à votre don, la terre a remplacé le gland (glandem mutavit) de Chaonie par l’épi gonflé et mélangé à la boisson (arista poculaque) de l’Acheloüs le jus des grappes par vous découverte… (Virgile, Géog., I, vers 1, sqq., trad. E. De Saint-Denis, Société d’édition « Les Belles Lettres », Paris, 1963). 194 C’est tout le problème soulevé par la mythologie de Tantale, qui, soit au cours d’une « famine », soit pour éprouver les dieux, leur sert en ragoût son fils Pélops. Les dieux ressuscitèrent Pélops en reconstituant son corps y compris son épaule qu’ils dotèrent d’une articulation en ivoire. Pélops fut ensuite aimé de Poséidon, comme Ganymède l’avait été de Zeus et devint son « Verseau – Échanson » en distribuant durant le Repas des Dieux, le Nectar et l’Ambroisie ; il fut renvoyé sur terre, tout en étant protégé, car son père avait transmis aux « Mortels », les secrets de cette boisson et de cette « nourriture d’immortalité ». Qui ne connaît pas la punition de Tantale aux Enfers … Ce mythe réapparaîtra dans le christianisme totalement sublimé, notamment avec les martyrs de

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d’emblée le lien symbolique que Jésus et les chrétiens « en mémoire de lui » établiront plus tard entre la « Chair » et le « Pain », alors que le mythe « sanglant » de Dionysos dévoré par les Titans et ressuscitant ensuite, grâce à son cœur toujours palpitant, évoquera l’« Eau » et le « Sang », devenu le « Vin », du « Sacrifice du Christ crucifié ».

Pierre Grimal, dans son Dictionnaire de la Mythologie Grecque et Latine, résume bien

cette alliance entre la déesse et le dieu, tous deux divinités de la Terre et de la Nature, symboles de Crescentia, « Croissance » (racine *ker-, *kre- « tête, corne »195 > latin cornu, ceruus « cerf », gaulois Cernunnos196, etc., et « croître, pousser » > crescere, Ceres…) :

… Cérès est le nom romain de la déesse grecque Déméter avec laquelle elle s’identifie totalement.

Même si son nom indique, par son étymologie, que Cérès était une très vieille puissance de la végétation (Cérès

se rattache à une racine signifiant « pousser »), adorée par les Latins, cette divinité s’est effacée devant l’autre.

On raconte que, au moment où les Étrusques, conduits par Porsenna, attaquaient la jeune République Romaine,

une famine menaça la ville. On consulta les Livres Sibyllins, recueils d’oracles grecs, et ces Livres

conseillèrent d’introduire à Rome le culte de Dionysos et celui de Déméter. Ce qui fut fait, en l’an 496 avant J.-

C. Ce culte était localisé sur l’Aventin …197

Nous retrouverons ces rites et rituels, où un rôle essentiel est tenu par la rayonnante

province antique de Syrie et l’Asie Mineure et l’ensemble des « Αντι−οχεια - Antioche », rites plus ou moins sublimés ou cachés, dans différents récits de martyres des Χριστιανοι, Christianoi « Chrétiens » (Actes des Apôtres, XI, 21) dont le nom est issu justement d’Antioche de Syrie. Après les avoir catalogués au chapitre I, nous avons déjà approfondi et continuerons à analyser quelques martyres de ces Saints qui ont pour noms Julius, Julia, Julitta, Julianus, Juliana, Sainte Julitte et Saint Cyr de Tarse, Saint Julien et Sainte Basilisse d’Antioche (aussi Saint Julien l’Hospitalier), Saints Julien et Césaire de Terracine, Saints Julien et Ferréol de Vienne - Brioude, Saint Julien du Mans, Sainte Julie de Corse et de Brescia, Sainte Julienne de Nicomédie et de Pouzolles – Naples …

Sachant que les noms de Julius et de ceux qui en sont dérivés évoquent

irrésistiblement le « Chef » dans toutes les acceptions du terme, le « Kyrios - Seigneur et

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Lugdunum – Lyon, la « Forteresse de l’Oiseau du Désir, le Corbeau », accusés d’anthropophagie et de Vianna – Vienne, dont Saints Ferréol et Julien (voir précédemment la légende de Bianna, éponyme de la cité, venue de Crète à cause d’une « famine »), dans la vallée du Rhône, et avec les Saints martyrs fêtés au lever héliaque du Verseau, Sébastien, Vincent, Valère, Gaudens, Urbain, entre autres. 195 J. Pokorny, Indo-Europanische Wörterbuch, abréviation IEW., Dictionnaire de l’Indo-Européen, p. 574, sqq., Berne 1956. 196 D’où la présence et la vénération du tombeau (avec chapelle), aujourd’hui disparu, d’une Sainte Crescence in vico Parisiorum (Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre I, chapitre 30), près de l’ecclesia senior, l’église plus âgée… 197 Pierre Grimal, Dictionnaire de la Mythologie Grecque et Romaine, DMGR., p. 87, édition PUF., Paris 1991.

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Maître », dans le chapitre suivant, nous allons pencher spécialement sur un rite « sacrificiel » très ancien, celui du « Roi », que nous retrouverons dans le martyre de Saint Jules de Dorostorum en Cappadoce, double de Saint Dasius « à la chevelure abondante » et dans celui de Saints Césaire et Julien de Terracine, en Campanie, rite qui a été à la base de la Passion du Christ-Roi, et qui jusqu’à maintenant n’a été compris que par quelques mythographes de la fin du XIXe siècle. Nous allons découvrir alors que le « Sacrifice du Roi » originellement anthropophagique, tient à un « Jeu » et à un « Damier » inventé à l’occasion d’une « Famine » par un guerrier célèbre de la Guerre de Troie, Palamède créateur des « Nombres » et organisateur de l’alphabet grec, qui fut sacrifié, lapidé, comme plus tard le Saint « Couronné – Stephanos – Étienne », par les Basilès – Rois, Ulysse et Agamemnon …