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La Revue de la BNU 9 | 2014 Varia 9 Q comme QUÊTE La quête de l’alchimiste : l’Atalanta fugiens de Michael Maier (1618) Florence Fleck Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/rbnu/1818 DOI : 10.4000/rbnu.1818 ISSN : 2679-6104 Éditeur Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg Édition imprimée Date de publication : 1 mai 2014 Pagination : 54-57 ISBN : 9782859230524 ISSN : 2109-2761 Référence électronique Florence Fleck, « Q comme QUÊTE », La Revue de la BNU [En ligne], 9 | 2014, mis en ligne le 01 mai 2014, consulté le 27 mai 2021. URL : http://journals.openedition.org/rbnu/1818 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/rbnu.1818 La Revue de la BNU est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

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Page 1: Q comme QUÊTE - OpenEdition

La Revue de la BNU 9 | 2014Varia 9

Q comme QUÊTELa quête de l’alchimiste : l’Atalanta fugiens de Michael Maier (1618)

Florence Fleck

Édition électroniqueURL : https://journals.openedition.org/rbnu/1818DOI : 10.4000/rbnu.1818ISSN : 2679-6104

ÉditeurBibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Édition impriméeDate de publication : 1 mai 2014Pagination : 54-57ISBN : 9782859230524ISSN : 2109-2761

Référence électroniqueFlorence Fleck, « Q comme QUÊTE », La Revue de la BNU [En ligne], 9 | 2014, mis en ligne le 01 mai2014, consulté le 27 mai 2021. URL : http://journals.openedition.org/rbnu/1818 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rbnu.1818

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Emblème 14 de l'Atalanta fugiens : le serpent qui se mord la queue, aussi appelé Ouroboros, était déjà utilisé par les premiers alchimistes gréco-égyptiens. Il symbolise l’unité cosmique de l’œuvre,

qui n’a ni commencement ni fin (édition d’Oppenheim, H. Galler, J. T. de Bry, 1618).

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QQUÊTE

La quête de l’alchimiste :l’Atalanta fugiens de Michael Maier (1618)

L’alchimie, qui se développe en Europe tout au long du moyen-âge, connaît durant la Renaissance et la première moitié du 17e siècle un nouvel essor.

La science d’Hermès devient alors multiforme, recherche à la fois philosophique, mystique, mais aussi pratique avec l’expérimentation en vue de découvrir la pierre philosophale, qui permettrait d’obtenir sous sa forme solide la transmutation des métaux, et sous forme liquide la panacée, médecine universelle, ainsi que l’élixir de longue vie.

C’est dans ce contexte de développement des recherches alchimiques que Michael Maier, né en 1569 dans le duché de Holstein (Saint Empire romain germanique), entame en 1587 des études de philosophie à l’Université de Rostock. Il obtient cinq ans plus tard le titre de docteur en philosophie à l’Université de Francfort-sur-l’Oder, dans laquelle il commence des études de médecine, études qu’il poursuit à Padoue, avant de devenir docteur en médecine à l’Université de Bâle en 1596.

Il exerce ensuite comme médecin en Prusse orientale puis dans le duché de Holstein, à Kiel. D’abord sceptique envers l’alchimie, il raconte dans l’un de ses ouvrages qu’une guérison miraculeuse, grâce à un médicament pré-paré et remis par un mystérieux adepte anglais, le convainc de commencer lui-même des recherches en ce domaine.

Entre 1602 et 1607, Michael Maier se plonge donc dans la lecture d’ouvrages d’alchimie, part en excursion dans des mines, élabore des théories qu’il tente de mettre en application dans le laboratoire qu’il a monté avec son beau-frère.

En 1608, à court d’argent, il part pour Prague où l’empereur Rodolphe II, passionné d’ésotérisme, a installé sa cour. Sous son patronage, la ville fait alors figure de capitale de l’hermétisme en Europe. En 1609, Michael

Maier entre au service de l’empereur comme médecin et conseiller. Rodolphe II lui confère le titre de comte palatin. Dès 1610 et 1611, Maier semble chercher d’autres mécènes pour financer ses recherches, et écrit au prince August d’Anhalt et au landgrave Moritz de Hesse-Cassel, leur envoyant des traités alchimiques, mais ses demandes ne semblent pas avoir abouti.

En 1611, il part en Angleterre où il fréquente la cour royale, rencontre des savants, dont probablement Robert Fludd, et poursuit ses recherches alchimiques. Il revient en Allemagne en 1616, s’installe à Francfort-sur-le-Main, où seront publiés la plupart de ses 17 livres, chez Johann Theodor de Bry et Lucas Jennis le Jeune. Il écrit et publie notamment deux ouvrages pour la défense de la confrérie des Rose-Croix.

En 1618, Maier entre au service de Moritz de Hesse-Cassel comme médecin et chimiste. En 1620, il semble avoir quitté cette fonction, et réside désormais à Magde-burg où il fait partie d’un cercle de savants de l’entourage du margrave Christian Wilhelm de Brandenburg. Michael Maier meurt à Magdeburg en 1622.

Parmi ses nombreux ouvrages, le plus connu est Atalan-ta fugiens. Publié pour la première fois en 1617, réédité en 1618 avec des corrections, ce livre d’emblèmes est célèbre pour la beauté de ses gravures comme pour l’originalité de son contenu. La Bibliothèque nationale et universitaire possède un exemplaire de l’édition de 1618. Il contient 50 emblèmes (composés d’une devise, d’une gravure et d’une épigramme), précédés chacun d’une fugue et sui-vis de deux pages de « discursus », textes explicatifs très documentés mais dont le sens reste obscur, comme tout texte alchimique. Les partitions des fugues qui précèdent chaque emblème font d’Atalanta fugiens un ouvrage unique dans la littérature alchimique. Ces fugues étaient peut-être

Atalanta fugiens : le serpent qui se mord la queue, aussi appelé Ouroboros, était déjà utilisé par les premiers alchimistes gréco-égyptiens. Il symbolise l’unité cosmique de l’œuvre,

qui n’a ni commencement ni fin (édition d’Oppenheim, H. Galler, J. T. de Bry, 1618).

Trésors de l'écrit : un abécédaire

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La fugue musicale correspondant à l’emblème 14

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destinées à être jouées pendant que l’alchimiste réalisait ses expériences. Des études ont montré que leur structure et leur composition font, comme les gravures et les textes, appel à la symbolique alchimique.

Le titre de l’ouvrage fait référence au mythe grec d’Ata-lante, conquise par Hippomène qui la bat à la course grâce à trois pommes d’or données par Aphrodite et qu’il lance sur son chemin pour la ralentir. Maier a souvent recours au mythe comme allégorie des processus alchimiques dans ses ouvrages. Ici Atalante symboliserait le mercure, élément volatile et fuyant, Hippomène le sulfure et les pommes le sel. Le mot « fugiens » fait à la fois référence à la fuite d’Atalante et aux fugues contenues dans l’ouvrage.

Les gravures d’Atalanta fugiens ne sont pas signées. On pense qu’elles sont l’œuvre de Matthäus Merian l’Ancien ou de son beau-père Johann Theodor de Bry, qui édita de nombreux livres de Maier, dont celui-ci. Déchiffrer le sens des emblèmes de Maier se révèle aussi ardu que l’interpré-tation des textes alchimiques, volontairement obscurs afin que seul l’initié puisse s’en servir. L’iconographie alchi-mique utilise l’analogie, le symbole, l’allégorie, et chaque image est porteuse de différentes significations.

Si plusieurs titres d’emblèmes font référence à la pierre philosophale dans Atalanta fugiens, on ne trouve pas ici de recette à appliquer pour parvenir à la réalisation du grand œuvre. Images comme textes ne font que suggérer, et le néophyte ne peut que difficilement l’interpréter.

Michael Maier, qui se définissait lui-même comme « philosophe et médecin », est par ses études, son parcours intellectuel, ses voyages, ses liens avec d’autres savants, son intérêt pour les Rose-Croix, tout à fait représentatif de ce qu’a été l’alchimie au début du 17e siècle : une quête à la fois expérimentale et spirituelle.

Florence Fleck