chapitre ii - fibres de renfort i. presentation...

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VERRE Si------- Si------- O MATRICE EPOXYDE I/O 53 CHAPITRE II - FIBRES DE RENFORT I. PRESENTATION GENERALE Le verre de type E constitue la majeure partie du tonnage de verre textile produit actuellement. Les compositions exactes des verres étant susceptibles de légers réajustements en fonction des nécessités techniques, il est seulement possible de donner des ordres de grandeur des proportions de chacun des constituants (Tableau 1). Le Tableau 2 présente les propriétés thermiques, mécaniques et physiques des fibres de verre E. Constituants Dénomination Symboles Comp. Pondérale (%) Silice SiO 2 53-54 Alumine Al 2 O 3 14-15,5 Chaux CaO 20,24 Magnésie MgO Oxyde de bore B 2 O 3 6,5-9 Fluor F 0-0,7 Oxyde de Fer Fe 2 O 3 <1 Oxyde de titane TiO 2 Oxyde de sodium Na 2 O <1 Oxyde de potassium K 2 O Tableau 1 – Composition des verres de types E d’après Propriétés Propriétés physiques Masse volumique 2,6 g.cm -3 Reprise d’humidité <0,1 % Propriétés thermiques Capacité thermique massique 0,8 J.g - 1.K -1 Conductivité thermique 1,0 W.m - 1.K -1 Coef. dilatation linéique 5.10 -6 K -1 Propriétés mécaniques Résistance en traction 3,4 GPa Module d’élasticité 73 GPa Coefficient de Poisson 0,22 Allongement à rupture 4,4 % Tableau 2 - Propriétés thermiques, mécaniques et physiques des verres de types E d’après Les filaments en sortie de filière soumis à une forte vitesse de tirage subissent une trempe dans l’eau à la vitesse de 10 6 Ks -1 . Après le dépôt de l’ensimage, les filaments sont assemblés en roving. Outre les fonctions de promoteur d’adhésion et de protection, l’ensimage permet également de moduler l’imprégnation des filaments par la résine lors de la mise en oeuvre de matériaux composites. La quantité d’ensimage (extrait sec) déposée sur les fibres de verre est relativement faible, de l’ordre de 0,3 à 3% selon les cas. Le liquide vecteur est l’eau permutée qui représente 85 à 95% de la composition d’un ensimage. Celle-ci comprend essentiellement : - des agents filmogènes collants qui interviennent sur la raideur, la protection et l’imprégnation du fil. Ce sont généralement des polymères tels que le polyacétate de vinyle, des polyesters, des prépolymères époxyde etc. Leur taux peut varier de 3 à 15%

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VERRE

Si-------

Si-------

O MATRICEEPOXYDE

I/O

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CHAPITRE II - FIBRES DE RENFORT

I. PRESENTATION GENERALELe verre de type E constitue la majeure partie du tonnage de verre textile produit

actuellement. Les compositions exactes des verres étant susceptibles de légers réajustements

en fonction des nécessités techniques, il est seulement possible de donner des ordres de

grandeur des proportions de chacun des constituants (Tableau 1). Le Tableau 2 présente les

propriétés thermiques, mécaniques et physiques des fibres de verre E.

ConstituantsDénomination Symboles

Comp.Pondérale(%)

Silice SiO2 53-54Alumine Al2O3 14-15,5Chaux CaO 20,24Magnésie MgOOxyde de bore B2O3 6,5-9Fluor F 0-0,7Oxyde de Fer Fe2O3 <1Oxyde de titane TiO2Oxyde de sodium Na2O <1Oxyde depotassium

K2O

Tableau 1 – Composition des verres detypes E d’après 9(7527(; ������

PropriétésPropriétés physiquesMasse volumique 2,6 g.cm-3

Reprise d’humidité <0,1 %Propriétés thermiquesCapacité thermique massique 0,8 J.g-1.K-1

Conductivité thermique 1,0 W.m-1.K-1

Coef. dilatation linéique 5.10-6 K-1

Propriétés mécaniquesRésistance en traction 3,4 GPaModule d’élasticité 73 GPaCoefficient de Poisson 0,22Allongement à rupture 4,4 %

Tableau 2 - Propriétés thermiques,mécaniques et physiques des verres detypes E d’après 9(7527(; ������

Les filaments en sortie de filière soumis à une forte vitesse de tirage subissent une

trempe dans l’eau à la vitesse de 106 Ks-1. Après le dépôt de l’ensimage, les filaments sont

assemblés en roving. Outre les fonctions de promoteur d’adhésion et de protection,

l’ensimage permet également de moduler l’imprégnation des filaments par la résine lors de la

mise en œuvre de matériaux composites.

La quantité d’ensimage (extrait sec) déposée sur les fibres de verre est relativement

faible, de l’ordre de 0,3 à 3% selon les cas. Le liquide vecteur est l’eau permutée qui

représente 85 à 95% de la composition d’un ensimage. Celle-ci comprend essentiellement

�9(7527(; �����:

- des agents filmogènes collants qui interviennent sur la raideur, la protection et

l’imprégnation du fil. Ce sont généralement des polymères tels que le polyacétate de

vinyle, des polyesters, des prépolymères époxyde etc. Leur taux peut varier de 3 à 15%

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- des agents lubrifiants, qui apportent protection et lubrification à la surface du fil lors

des opérations de mise en œuvre. Il s’agit de tensio-actifs généralement cationiques (mono

ou diamines aliphatiques avec un radical lipophile, oxyalcoylamides, ou sels d’ammonium

quaternaire) ou non ioniques (polyéthoxyesters). Leur proportion est faible, de l’ordre de

0,5 à 2%

- des agents antistatiques tels que les sulfonates d’alkylaryl, les condensats d’acides ou

d’alcool gras sur oxyde d’éthylène, les sels d’ammonium quaternaire

- des agents de pontage dont le rôle consiste à servir de lien entre la matrice organique

et le verre. Il s’agit donc de molécules « hybrides », le plus souvent des organosilanes. La

proportion d’agent de pontage est de l’ordre de 0,5 à 1,5%

- des émulgateurs, colloïdes, plastifiants capables de stabiliser les émulsions et de régler

la viscosité de l'ensimage

Les fibres retenues pour cette étude ont été fournies par la société Vetrotex

International. Nous disposons de 4 types de fibres :

- des fibres ensimées à l’eau, c’est-à-dire ayant été traitées en sortie de filière par un

ensimage composé uniquement d'eau et d'agents anti-statiques

- des fibres traitées par un agent de pontage, le γ-aminopropyltriéthoxysilane (NH2-

(CH2)3-Si-(OC2H5)3 ou γ-APS, désignation A1100) à partir d’une solution à 1% en masse

- des fibres présentant un ensimage dit « universel », utilisable avec différents types de

matrices (polyépoxyde, polyester...). Cet ensimage contient des organosilanes de type γ-

APS, mais sa composition exacte ne nous a pas été fournie. Sa désignation commerciale est

P122

Nomenclature Ensimage Tex (*) Diamètre du filamentannoncé (µm)

Diamètre moyen mesuré(µm)

Fibres vierges eau 480 17 18,1 ± 1,4A1100 γ-APS 480 17 18,3 .± 1,7

P122 1200 Tex P122 1200 17 19,1 ± 1,4P122 2400 Tex P122 2400 - 26,6 ± 2,0

(*) Poids en grammes par km de fibres

Tableau 3- Types de fibres de verre E retenues pour cette étude

Le Tableau 3 résume les caractéristiques des quatre types de fibres. Outre la nature du

traitement de surface, le diamètre des fibres constituera également un paramètre d’étude, au

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travers des fibres ensimées P122. Les tuyauteries EDF sont en effet réalisées à partir des

fibres 1200 mais également 2400 Tex et la littérature ne fournit guère d’informations sur

l’influence du diamètre sur les propriétés mécaniques et leur évolution au cours du

vieillissement hydrothermique. Notons également la largeur de la distribution des diamètres.

Nous n’utiliserons pas la valeur du diamètre moyen pour les traitements numériques, mais

celle-ci sera mesurée pour chaque expérience dans la mesure du possible.

II. PROPRIETES DES TRAITEMENTS DE SURFACE PAR DES

ORGANOSILANES

II.1. Les organosilanes en solution

La formule générale de ces composés est R-Si(OCnH2n+1)3 où R représente le ligand

organique du silane portant une fonction réactive vis-à-vis des comonomères du mélange

réactif utilisé. Pour le γ-aminopropyltriéthoxysilane qui nous intéresse plus particulièrement,

R = NH2-(CH2)3. L’efficacité du silane en tant qu’agent de pontage dépend de son degré de

condensation, qui lui-même affecte la structure de l’interphase dans le composite final. La

compréhension des cinétiques d’hydrolyse et de condensation est donc particulièrement

importante, et dépend de nombreux paramètres tels que le pH et la température, mais

également la concentration en silane de la solution et la nature du ligand organique

�3/8(''0$11 ����� ,6+,'$ ��������������� 267(5+2/= ����� 68=8., ������

La famille des aminosilanes dans laquelle s’intègre le γ-APS se distingue par une

grande solubilité en phase aqueuse et par la grande stabilité de l’agent de couplage au sein de

la solution �3/8(''0$11 �����. Celle-ci serait attribuée à la formation d’espèces

zwitterioniques et/ou cycliques qui stabilisent la structure moléculaire et en limitent la

condensation. Dans des conditions de pH acide, le silane est rapidement hydrolysé et se

trouve principalement sous forme de silanol pour des concentrations relativement faibles

�,6+,'$ ���������������. La condensation est limitée, et l’hydrolyse est totale jusqu’à des

concentrations relativement élevées de l’ordre de 40% en masse �,6+,'$ �����. A partir d’une

concentration critique de silane en solution aqueuse, de l’ordre de 0,15% pour le γ-APS, les

espèces trisilanol s’associent sous forme de micelles qui forment ensuite des agrégats dont la

taille peut atteindre plusieurs centaines de nanomètres (Figure 1).

,6+,'$ (7 $/� ������ ont montré qu’une partie des trisilanols se condensaient au sein

des agrégats, et qu’ainsi cette concentration critique pouvait être associée à une transition

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monomère isolé – oligomères. L’influence d’agents filmogènes collants et autres composants

de l’ensimage sur ce comportement n’est pas connu. Le silane jouerait un rôle de surfactant à

l’interface entre les particules colloïdales de polymère et l’eau �-21(6 �����.

0

100

200

300

400

0 5 10 15 20

Concentration (% en masse)

Ray

on h

ydro

dyna

miq

ue (

nm)

Figure 1– Rayon hydrodynamique du γ-APS en solution aqueuse en fonction de laconcentration mesuré par diffusion quasi-élastique de la lumière : (■) sans traitementparticulier et (●) distillé sous vide d’après ,6+,'$ ������

II.2. Structure du dépôt sur fibre de verre

a) FACTEURS INFLUENÇANT LA STRUCTURE DU TRAITEMENT DE SURFACE

La structure du réseau organominéral déposé à partir d’une solution aqueuse de silane

sur la fibre de verre dépend d’un grand nombre de paramètres, dont la structure du silane en

solution, mais également des conditions de séchage, de la topologie et des propriétés de la

surface du verre. Il est généralement admis que le silane sous forme hydrolysé réagit avec les

silanols du verre pour former des liaisons covalentes ou hydrogène �3/8(''0$11 �����

,6+,'$ �����. De nombreux mécanismes sont proposés pour décrire l’interaction du silane

avec la surface du verre. Le γ-APS se déposerait essentiellement sous forme cyclisée à la

surface du verre �3/8(''0$11 �����, les études les plus récentes mettant en lumière le rôle

prépondérant joué par la fonction amine du groupement organique �75(16 ����� $525$ �����.

Le réseau organominéral est formé au cours du séchage, généralement à des températures

supérieures à 100°C. Les conditions dans lesquelles est effectué ce traitement thermique ont

une influence considérable sur la structure moléculaire du réseau minéral en surface �&8//(5

�����. La moitié des amines primaires peuvent former un sel de bicarbonate au contact de

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l’humidité et du dioxyde de carbone. Ce phénomène est néanmoins réversible et le sel se

décompose par un traitement thermique à des températures supérieures à 95°C. &8//(5 ������

a également montré que les amines primaires du groupement organique sont oxydées en imine

à des températures supérieures à 120°C. Ces deux phénomènes diminuent bien entendu

l’efficacité de l’agent de couplage en limitant la formation de liaisons avec les groupements

oxirane du prépolymère époxyde de la matrice.

Fibre Diamètre (µm) Perte de masse (%) Epaisseur du revêtement (nm)Vierges 18,1 0,14 -γ-APS 18,3 0,17 21

P122 1200 Tex 19,1 0,77 86P122 2400 Tex 26,6 0,55 86

Tableau 4 – Perte de masse mesurée par analyse thermique gravimétrique à 5°C/min sousatmosphère inerte et épaisseur du revêtement calculée en considérant un dépôt d’agent decouplage uniforme

La quantité d’agent de couplage déposée augmente avec la concentration de celui-ci en

solution �-($11( �����. Le dépôt γ-APS représente ainsi moins de 0,2% de la masse totale de

la fibre (Tableau 4), ce qui correspond moyennant certaines hypothèses (voir annexe IV.1 p.

A-19) à 27 ± 11 monocouches réparties sur une vingtaine de nm. Le revêtement issu d’une

solution d’ensimage industriel représente de 0,5 à 0,8% de la masse totale suivant le diamètre

de la fibre, et conduit à la formation de nombreux « îlots » en surface des fibres (Figure 2).

(a) (b)

Figure 2 – Observation du dépôt γ-APS (a) et P122 (b) par microscopie électronique àbalayage

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b) UN RESEAU ORGANOMINERAL DE DENSITE DE RETICULATION VARIABLE

L’analyse viscoélastique in-situ proposée par 0,//(5 ������ permet d’étudier les

relaxations mécaniques du réseau organominéral déposé en surface des fibres avant de les

intégrer dans une matrice polymère. L’exploitation des résultats reste qualitative, puisque la

valeur absolue de l’amortissement et du module dépendent de la prétension, de l’alignement

des fibres et de la géométrie, qui sont difficiles à contrôler précisément.

0

0.4

0.8

1.2

1.6

-150 -100 -50 0 50 100 150 200

Température (°C)

Tan

del

ta

(a)

0

0.1

0.2

0.3

-150 -100 -50 0 50 100 150

Température (°C)

Tan

del

ta

(b)

Figure 3 – Spectre viscoélastique des fibres γ-APS (a), P122 (b) et vierges (en gris) déterminépar analyse mécanique dynamique en flexion encastrée à 1 Hz

Les propriétés mécaniques du verre représentées par le spectre des fibres vierges (en

gris sur la Figure 3) restent constantes de –150 à 200 °C. La Figure 3 présente les spectres

viscoélastiques des fibres γ-APS et P122 respectivement. On n’observe pas de pics de

relaxation clairement défini dans le domaine de température exploré, mais une relaxation très

large. Ce résultat est similaire à celui obtenu par $+/67520 ������ sur des fibres traitées par

une solution à 0,5% en masse de γ-APS, mais également par (&.67(,1 ������ qui a étudié

l’influence de la concentration du γ-méthacryloxypropyltriéthoxysilane en solution sur les

propriétés viscoélastiques des fibres. L’interprétation du spectre viscoélastique est rendue

délicate par la possible condensation additionnelle du réseau au cours de la montée en

température. L’évolution de l’angle de perte jusqu’à la température ambiante est néanmoins

caractéristique d’un réseau organominéral de densité de réticulation variable. Ceci rejoint les

observations de ',%(1('(772 ������� -($11( ������ et:$1* -21(6 �����$�%�&������. Ces

derniers ont mis en évidence par spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol un

réseau γ-APS de densité de réticulation croissante au fur et à mesure que l’on se rapproche de

la fibre. Il est possible de distinguer, selon la résistance aux extractions successives à

différents solvants :

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- une zone d’oligomères physisorbés

- une zone d’oligomères/réseau chimisorbés

- une monocouche en surface du verre résistant à l’extraction

La seconde relaxation mécanique de plus faible intensité observée à basse température

a été attribuée par (&.67(,1 ������ à des groupements pendants de type RSiOX. La structure

du revêtement obtenu à partir d’une solution d’ensimage est quant à elle méconnue, bien que

certains auteurs la considèrent similaire à celle obtenue avec un agent de couplage seul �-21(6

�����. L’observation de deux relaxations sur le spectre des fibres P122 confirme cette

hypothèse. La présence d’oligomères/polymères au sein de l’ensimage peut également

conduire à une réticulation additionnelle au cours de la montée en température. Les

températures correspondant au début de chaque relaxation (α1 et α2) sont présentées dans le

Tableau 5 pour les deux types de fibres et sont du même ordre de grandeur.

O

Al

OH

OH

O

R O

R

SiO

SiO O

Al

O

O

OSi

OR

Al

RO

OSi

OSi

OR Al

Si

O

OSi

OH

RR

OH

O

OR

OH Si

O O

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O Si O Si

O

SiR OH

OH

O

SiO

SiR

Si Si OOR

OH

OH

R

OH

SiO

Si OH

R

OHR

Si

R

OH

O Si O Si

SiO

SiO

O

R

OH

ROH

SiOH

SiO

SiO

R

OHOH

O Si

O

SiR

OH

Si

O

O Si O Si

O

OSi

O

Si

O

SiOH OH

R

OH

R

O

OSi

O

Si

O

Si

OR

OH

R

OH

OH

Si

OH

RR

OH

Si

R

OH

R

OH

Si

OHR

Si

R R

OH

R

OOOSi

R

OH

R

Si

OH

OH

OSi

R

OSi

R

OOH

OHOH

OH

OH

OH

OHOH

O

Si

O

Si

O O

SiA1

O

SiSi

O O

AlSi

O

SiSi

OHOH

OHOH

CO

UC

HE

S D

E S

ILA

NE

CO

ND

EN

SE

ES

SURFACEDU VERRE

VERRE

CO

NT

INU

UM

Figure 4 – Représentation schématique du réseau γ-aminopropyltriéthoxysilane en surfaced’une fibre de verre E : (---) liaisons hydrogènes; R = NH2(CH2)3

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Nous proposons une représentation schématique du dépôt issu d’un aminosilane sur la

Figure 4 à partir de ces résultats et des travaux de la littérature présentés précédemment. Cette

représentation reste simpliste, car d’autres éléments sont également présents à la surface du

verre �-($11( �����. La migration d’ions aluminium du verre dans le réseau organominéral a

notamment été observée par :$1* -21(6 �����$�%�&�������

c) M ODIFICATION DU TRAITEMENT DE SURFACE EN ENVIRONNEMENTHYGROTHERMIQUE

Les spectres des fibres γ-APS et P122 après vieillissement à différents temps à 60°C et

98% d’humidité relative sont présentés sur la Figure 5 a et b. Les températures de relaxation

α1 et α2 augmentent sensiblement avec le temps de vieillissement pour les fibres γ-APS

(Tableau 5), traduisant une condensation additionnelle très importante du réseau

organominéral au cours du vieillissement, et donc une grande sensibilité à l’humidité.

0

0.4

0.8

1.2

1.6

-150 -100 -50 0 50 100 150 200

Température (°C)

Tan

del

ta

-(a)

24h 72hEtat initial

0

0.1

0.2

0.3

-150 -100 -50 0 50 100 150

Température (°C)

Tan

del

ta

(b)

Etat initial

72h

0.05

0.1

0.15

0.2

0.25

-150 -100 -50 0 50

Température (°C)

Tan

del

ta

(c)

Figure 5 - Spectre viscoélastique des fibresγ-APS (a),(c) et P122 (b) déterminé enflexion encastrée à 1 Hz à l’état initial (■)et après exposition à 60°C et 98% HRpendant 24h (▲) et 72h (●)

Ceci est en accord avec les observations de ',%(1('(772 ������ réalisées par SIMS.

Ces derniers attribuent la disparition de la couche d’oligomères γ-APS à une condensation au

cours du vieillissement. L’ensimage hybride P122 présente un comportement totalement

différent ; les variations des températures de relaxation sont beaucoup moins marquées

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(Tableau 5), indiquant une plus grande stabilité de ce traitement de surface hybride en

atmosphère humide. Ce phénomène est attribué par ,6+,'$ ������ aux liaisons organiques

polymère/γ-APS qui apportent une stabilité hydrolytique à l’agent de couplage. D’autre part,

si la température de relaxation α2 à haute température augmente légèrement, traduisant une

stabilisation de la condensation de la partie minérale par les autres composants de l’ensimage,

la température de relaxation α1 diminue, indiquant probablement une plastification de la

phase organique présente dans l’ensimage par l’eau. Le décalage de la transition principale du

réseau γ-APS après vieillissement dévoile une relaxation additionnelle à basse température

(Figure 5c). Il est donc délicat d’interpréter les spectres dans cette zone de température.

γ-APS P122Initial Vieilli 24h Vieilli 72h Initial Vieilli 72h

Relaxation α1 (°C) -88 -8 66 -90 -102

Relaxation α2 (°C) -32 40 105 -16 -8

Tableau 5 – Température de début de relaxation mécanique des fibres γ-APS et P122déterminées à 1 Hz en flexion encastrée à l’état initial et après une exposition de 24h et 72h à60°C et 98% HR

II.3. Influence du traitement de surface sur les propriétés mécaniques desfibres de verre

La caractérisation mécanique des fibres est généralement réalisée pour obtenir la

contrainte à rupture moyenne à des longueurs inaccessibles expérimentalement, telle que la

longueur critique du test de fragmentation (application du modèle de Kelly-Tyson) ou encore

la longueur critique de transfert de charge pour la modélisation de la rupture de composites

unidirectionnels. Son utilisation à des fins d’analyse du traitement de surface est beaucoup

moins répandue �$+/67520 ���������� *20(= �����, et présente un domaine d’investigation

intéressant. $+/67520 ����������� parvient ainsi à caractériser l’influence de traitements de

surface de type élastomère, alors que *20(= ������ met en lumière le rôle bénéfique du

nombre de groupements alcoxy lié à l’atome de silicium dans un agent de pontage

alcoxysilane sur les propriétés mécaniques des fibres. Nous attirons l’attention sur

l’importance de cette démarche. Les traitements de surface sont généralement optimisés

uniquement à des fins de promotion d’adhésion et leur influence sur les propriétés mécaniques

des fibres est souvent négligée. Un exemple pertinent est donné par les traitements

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d’oxydation des fibres de carbone qui fonctionnalisent la surface et améliorent ainsi

l’adhésion. %$+/ ������ a montré que les propriétés mécaniques du composite pouvaient

diminuer avec le traitement d’oxydation en raison des dommages créés en surface de la fibre,

et ce malgré l’augmentation du nombre de liaisons chimiques à l’interface.

La démarche couramment utilisée consiste à qualifier l’influence du traitement de

surface sur les paramètres décrivant la distribution des contraintes à rupture, comme le

module de Weibull m par exemple. Les travaux de 6&+0,7= 0(7&$/)( ������ ����� ont

montré que la rupture des fibres de verre est gouvernée par 3 types de défauts selon la

longueur de jauge. Ces travaux, qui datent de plus de 35 ans, sont désormais tombés dans

l’oubli et la plupart des études actuelles portant sur la statistique de rupture des fibres de verre

considèrent une distribution unique de défauts menant à rupture. Nous allons pourtant voir

que la multi-modalité est un atout pour la compréhension des mécanismes de renforcement

des fibres de verre par un organosilane. Nous proposons ici une méthodologie d’étude de

l’influence du traitement de surface basée sur la complémentarité de l’approche dite

« probabiliste» (Weibull par exemple) qui décrit la rupture en terme de probabilité sans tenir

compte de la forme ou de la localisation des défauts et d’une approche « déterministe »

(mécanique linéaire élastique de la rupture) qui prévoit la rupture d’après la forme des

défauts, mais qui en contrepartie est incapable de décrire l’effet de taille observé dans la

rupture des matériaux fragiles �:$*1(5 ����� : plus le volume testé est important, plus la

probabilité de rencontrer un défaut sévère est importante et plus la contrainte à rupture

diminue.

a) TRAITEMENT DES DONNEES EXPERIMENTALES

Afin de déterminer la taille d’échantillonnage nécessaire à l’obtention d’informations

pertinentes, nous avons utilisé la méthode d’$6/281 ������ qui consiste à suivre l’évolution de

la contrainte à rupture moyenne et de son écart-type en fonction du nombre d’échantillons

testés. Cette évolution est représentée sur la Figure 6 pour les fibres 2400 Tex. Nous avons

donc effectué en moyenne 35 à 40 tests par type de fibres et longueur de jauge. Les résultats

sont présentés dans le Tableau 6 en terme de contrainte moyenne.

A diamètre équivalent, les contraintes à rupture moyennes sont du même ordre pour

les fibres vierges et γ-APS. Les fibres P122 1200 Tex présentent une valeur légèrement plus

faible, bien que toujours dans la fenêtre d’incertitude. Nous verrons ci-après que la contrainte

à rupture moyenne n’est pas un critère suffisant pour discuter de l’influence du traitement de

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VERRE

Si-------

Si-------

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I/O

63

surface. Les fibres P122 2400 Tex présentent une résistance à rupture moyenne inférieure à

leur homonymes 1200 Tex, ce qui est conforme à l’hypothèse d’un nombre supérieur de

défauts dans un volume testé plus grand. On retrouve ici l’effet de taille transversal �:$*1(5

������ Nous ne disposons pas de fibres vierges ou ensimées de diamètre équivalent pour ce

type de fibre. Celles-ci ne seront donc pas traitées en détails dans les paragraphes suivant au

cours desquels nous nous efforcerons de caractériser l’influence du traitement de surface sur

les propriétés mécaniques des fibres.

1

1.1

1.2

1.3

1.4

1.5

1.6

0 20 40 60 80 100

Taille de l'échantillonnage

Con

trai

nte

à ru

ptur

e m

oyen

ne (

GP

a)

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

Eca

rt-t

ype

(GP

a)

Figure 6 – Evolution de la contrainte à rupture moyenne (■) et de l’écart-type (●) enfonction du nombre d’échantillons testés – Fibres P122 2400 Tex – Longueur de jauge 20 mm

Fibre Contrainte à rupturemoyenne (GPa)

Ecart-type (GPa)

Vierges 1,92 0,64

γ-APS 2,02 0,53

P122 1200 Tex 1,75 0,34

P122 2400 Tex 1,42 0,47

Tableau 6 – Contrainte à rupture moyenne et écart-type des différents types de fibres testées à0,5 mm/min en atmosphère contrôlée (22°C, 50% HR) à une longueur de jauge de 20 mmpour une taille d’échantillonnage de 40 environ.

b) APPROCHE PROBABILISTE

L’écart-type important observé dans le Tableau 6 est dû à la présence de défauts

présentant des caractéristiques différentes (localisation, taille, sévérité). L’approche

probabiliste propose de décrire la rupture en terme d’homogénéité et de sévérité de ces

défauts. La démarche consiste ensuite à comparer ces deux caractéristiques pour les différents

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Si-------

Si-------

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64

traitements de surface pour en tirer des informations. Concrètement, les contraintes à rupture

obtenues pour un même type de fibre et une même longueur de jauge sont classées par ordre

croissant et une probabilité de rupture leur est associée. Différents types d’estimateurs sont

utilisés pour le calcul de la probabilité de rupture expérimentale. L’influence de ces

estimateurs a fait l’objet de plusieurs travaux �%(5*0$1 ���������� $6/281 �����. Il est

recommandé d’utiliser l’estimateur suivant pour un échantillonnage N inférieur à 50 :

Equation 1N

iPi

5,0−=

La comparaison quantitative des informations passe ensuite par l’ajustement de la

probabilité expérimentale par une fonction de distribution. La plus répandue dans la rupture

des solides fragiles est celle proposée par l’ingénieur Suédois :(,%8// ������ :

Equation 2

−−−=

m

uP0

exp1)(σ

σσσ

où P est la probabilité de rupture cumulative d’une fibre à la contrainte σ, m est un

paramètre de forme ou module de Weibull, σ0 et σu sont les paramètres d’échelle et de seuil

de contrainte en-dessous duquel la probabilité de rupture est nulle, respectivement.

L’application de l’Equation 2 à la rupture de fibres nécessite la formulation de certaines

hypothèses �$6/281 ����� :

- la rupture n’est due qu’à une seule population de défauts

- la force est considérée indépendante du temps

- les contraintes de compression n’exercent aucune influence sur la rupture

La densité de probabilité associée à la statistique de Weibull est donnée par :

Equation 3 ( )pm u

mu

m

σσ

σ σσ

σ σσ

=−

0 0

1

0

. exp

Le paramètre σu est généralement utilisé comme paramètre d’ajustement. Son

utilisation pratique peut néanmoins masquer le caractère bimodal de la distribution des

défauts menant à la rupture et peut conduire à des résultats biaisés �$6/281 ������ De plus, les

valeurs de σu sont parfois dénuées de sens physique �$+/67520 �����. Pour pallier à ces

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Si-------

Si-------

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65

problèmes, la fonction de distribution de Weibull à deux paramètres est utilisée en pratique

�6&+0,7=0(7&$/)( ����� ����� en considérant σu = 0. Lorsque la rupture est gouvernée par

plusieurs populations de défauts (en surface et volume par exemple), l’utilisation d’une

fonction multimodale s’avère nécessaire. La fonction de distribution bimodale de Weibull à

deux paramètres est la suivante �%((7= ����� :

Equation 4 ( ) ( )

−−+

−−=

21

21

exp1exp1mm

sp

spP

σσσ

où m1, m2, s1 et s2 sont les paramètres de forme et d’échelle de chacune des deux distributions

de défauts respectivement. p est le paramètre représentant la proportion de rupture due aux

défauts les plus graves (type 1). L’Equation 4 considère qu’il n’y a aucune interaction entre

les deux types de défauts.

c) M ISE EN EVIDENCE DU CARACTERE BIMODAL DE LA DISTRIBUTION

Une forme linéarisée de l’Equation 2 avec σu = 0 est utilisée afin de vérifier si la

rupture des fibres peut être décrite à l’aide de la statistique de Weibull :

Equation 5 ( ) ( ) ( )ln ln ln ln1

1 0−

= −

Pm m

σσ σ

Si la rupture est provoquée par une catégorie unique de défauts, ln(-ln(1-P)) varie de

manière linéaire avec ln(σ) et le module de Weibull m est donné par la pente de la courbe.

Lorsque la distribution est bimodale, l’Equation 5 n’est plus linéaire, et un changement de

pente indique le passage d’une distribution de défauts à l’autre.

La Figure 7 présente la probabilité de rupture des différents types de fibres en forme

linéarisée. Le changement de pente observé implique que la rupture est due à deux catégories

de défauts. Dans la zone de changement de pente, les courbes ne sont plus linéaires ; les

distributions respectives des facteurs de concentrations de contraintes (FCC) se superposent.

La rupture des fibres à une longueur de jauge de 20 mm est donc gouvernée par deux

catégories de défauts, ce qui est en accord avec les résultats de la littérature sur les fibres de

verre. 6&+0,7= 0(7&$/)( ������ ����� observent 3 catégories de défauts en faisant varier la

longueur de jauge entre 0,5 et 100 mm, la troisième catégorie de défauts apparaissant à des

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Si-------

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longueurs inférieures à 1 mm. C’est également l’observation de deux catégories de défauts

pour des longueurs de jauge variant de 5 à 130 mm qui conduit 526(1 ������ à introduire la

fonction de distribution bimodale phénoménologique connue sous le nom de « double-box ».

Nous lui avons préféré la fonction Weibull bimodale �%((7= ����� pour le traitement des

données à ce stade.

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

-1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0

ln(σ)

ln(-

ln(1

-P))

(a)

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

0,0 0,3 0,6 0,9 1,2

ln(σ)

ln(-

ln(1

-P))

(b)

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

0,1 0,3 0,5 0,7 0,9

ln(σ)

ln(-

ln(1

-P))

(c)

Figure 7 – Probabilité de rupture des fibres vierges (a), γ-APS (b) et P122 1200 Tex (c) enfonction de la contrainte appliquée - Forme linéarisée d’après l’Equation 5

d) M ODELISATION DES RESULTATS PAR LA FONCTION DE DISTRIBUTION DE

WEIBULL BIMODALE

L’ajustement des valeurs expérimentales a été réalisé par la méthode des moindres

carrés. Les valeurs des différents paramètres obtenus sont présentées dans le Tableau 7. La

Figure 8 permet d’apprécier la qualité de l’ajustement.

Fibre m1 s1 m2 s2 p

Vierge 99,9 0,8 4,0 9,4 0,10

γ-APS 163,2 1,4 5,1 7,5 0,09

P122 1200 Tex 175,5 1,5 5,5 5,0 0,12

Tableau 7 – Paramètres de forme et d’échelle issus de la modélisation de la rupture desdifférents type de fibres à une longueur de jauge de 20 mm.

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Si-------

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Pro

babi

lité

de r

uptu

re

100 1000 10000Contrainte à rupture (MPa)

0.02

0.01

0.10

0.86

0.50

0.26

(a)

0.001

0.98

0.05

Pro

babi

lité

de r

uptu

re

100 1000 10000Contrainte à rupture (MPa)

(b)

0.02

0.01

0.10

0.86

0.500.26

0.001

0.98

0.05

Pro

babi

lité

de r

uptu

re

100 1000 10000Contrainte à rupture (MPa)

(c)

0.02

0.01

0.10

0.86

0.500.26

0.001

0.98

0.05

Figure 8 – Probabilité de rupture des fibres vierges (a), γ-APS (b) et P122 1200 Tex (c) enfonction de la contrainte appliquée et modélisation par la fonction de distribution de Weibullbimodale

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e) LES PARAMETRES DE FORME ET D’ECHELLE

Que représente une variation des paramètres de forme et/ou d’échelle ? Selon 6&+0,7=

0(7&$/)( ������ �����, la description d’une population de défauts nécessite l’utilisation de

deux paramètres, caractéristiques de l’homogénéité et de la sévérité des défauts, qui sont la

valeur moyenne et l’écart - type dans le cas d’une distribution Gaussienne. Le formalisme de

Weibull est cependant différent et ces auteurs ont montré que le module de Weibull m seul ne

peut pas être considéré comme représentatif des propriétés de la fibre. Les facteurs de forme

et d’échelle ont une interprétation cinétique et le lecteur est invité à consulter les travaux de

:$*1(5 ������ pour plus de détails. Nous nous limiterons ici à interpréter les variations

relatives de ces deux facteurs.

0 0.5 1 1.5 2Contrainte (GPa)

p(x)

m=1,5

m=2,5

m=3,44

m=5

m=7

m=10

s = 1

0 3 6 9 12 15Contrainte (GPa)

p(x)

m=1,5

m=2,5

m=3,44

m=5

m=7

m=10

s = 7

0 5 10 15

Contrainte (GPa)

p(x)

m=4

s = 3

s = 11s = 9

s = 7

s = 5

s = 4

0 0.5 1 1.5 2

Contrainte (GPa)

p(x)

m=100s=0,3

s=0,9

s=0,6

s=1,2s=1,8s=1,5

Figure 9 – Représentation de la densité de probabilité théorique de Weibull pour différentesvaleurs des facteurs de forme et d’échelle correspondant aux valeurs expérimentales obtenues

La Figure 9 présente la densité de probabilité théorique de Weibull pour différentes

valeurs des facteurs de forme et d’échelle correspondant aux valeurs expérimentales obtenues.

L’influence de m est similaire dans les deux cas : la sévérité de la distribution diminue lorsque

m augmente pour des faibles valeurs du facteur de forme, puis reste constante. Le facteur

d’échelle est donc représentatif du facteur de concentration de contrainte (FCC) moyen de la

distribution pour des valeurs de m supérieures à 4-5. Le module de Weibull est plutôt

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représentatif de l’homogénéité de la distribution, mais également de la symétrie. Pour m =

3,44, la distribution est normale. Lorsque m est constant, l’augmentation du facteur d’échelle

représente une diminution de l’homogénéité de la distribution.

Ainsi, les facteurs de forme et d’échelle sont tous deux liés à la sévérité et à

l’homogénéité de la distribution. Lorsque l’un des paramètres reste constant, une

interprétation qualitative est possible. Dans le domaine de nos valeurs expérimentales, le

facteur de forme est représentatif de l’homogénéité et le facteur d’échelle de la sévérité de la

distribution.

f) IDENTIFICATION DES DISTRIBUTIONS

Le comportement des fibres vierges et γ-APS est identique pour des contraintes

supérieures à 2 GPa (Figure 10). La distribution 1 contrôle la rupture jusqu’à environ 1,2 GPa

pour les fibres γ-APS et entre ces deux valeurs, les distributions sont superposées. La

principale différence entre ces deux types de fibres réside dans la distribution 1 qui est

translatée vers les contraintes élevées, et la pente importante caractérisée par le module de

Weibull des fibres γ-APS (Tableau 7). Si nous considérons que le traitement de surface

appliqué n’influe pas sur les défauts de volume, ou d’une manière négligeable, nous pouvons

attribuer la distribution 1 à des défauts situés en surface de la fibre et la distribution 2 à des

défauts internes ou de surface mais non influencés par la présence d’un ensimage.

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

-1 -0.5 0 0.5 1ln (contrainte)

ln(-

ln(1

-p))

Figure 10 - Probabilité de rupture des fibres vierges (●), γ-APS (■) et P122 1200 Tex (▲) enfonction de la contrainte appliquée

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70

g) GUERISON DES DEFAUTS SUPERFICIELS DES FIBRES

Nous admettrons que les distributions de fibres de diamètre équivalent sont identiques

avant le dépôt de l’ensimage. Considérant les valeurs des facteurs de forme et d’échelle

(Tableau 7) et l’allure des courbes (Figure 10), les défauts de surface des fibres γ-APS et P122

sont plus homogènes et moins sévères que ceux des fibres vierges. L’approche probabiliste

ne prend pas en considération les caractéristiques des défauts. Nous allons donc faire appel à

la mécanique linéaire élastique de la rupture (MLER) pour décrire l’effet de l’ensimage sur la

distribution des défauts de surface.

Le réseau déposé en surface de la fibre augmente le FCC moyen « apparent ». Avant

d’atteindre la valeur du facteur d’intensité de contrainte critique (FICC), il faut

déformer/rompre le réseau de liaisons siloxane avant d’atteindre le défaut critique. La partie

basse de la distribution est plus influencée que la partie haute, ce qui est en accord avec une

plus grande influence du réseau organominéral en surface sur les défauts les plus graves, et

donc un FCC apparent plus élevé. Pour des défauts moins sévères, le FICC du défaut peut

déjà être atteint alors que le réseau rompt, résultant en un FCC apparent équivalent. Ces

considérations peuvent également s’appliquer à la croissance sous-critique de fissures. Ce

phénomène de guérison peut être expliqué par un remplissage des défauts par l’organosilane,

résultant en une augmentation du rayon de fond de fissure. Le défaut serait après traitement de

surface plutôt de type elliptique. Ces considérations sont représentés schématiquement sur la

Figure 11.

La distribution des FCC est très étroite après le dépôt du réseau organominéral en

surface des fibres, et présente une sorte de seuil, en d’autres termes, un type de défaut unique

provoquerait la rupture. Il peut s’agir soit des défauts ayant été guéris par le traitement de

surface, soit de défauts non guéris pour des raisons de taille par exemple. Nous avons utilisé

un formalisme issu de la MLER pour élucider ce point et il s’agirait plutôt de défauts non

guéris par l’organosilane. Le formalisme utilisé est présenté en annexe IV.1 (p. A-20), et nous

proposons ici un aperçu qualitatif de cette démarche. Une analogie entre la fibre présentant un

défaut de surface et les éprouvettes couramment utilisées en MLER est proposée. En utilisant

la relation entre la ténacité du matériau (0.7 MN.m-3/2) et la contrainte à rupture, la dimension

d’un défaut en surface des fibres vierges est comprise entre 50 et 500 nm. Le seuil observé

pour les fibres traitées correspond à un défaut de 100 nm environ, ce qui nous conduit à

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affirmer que les défauts de taille inférieure à cette dimension critique ne sont pas affectés par

le traitement de surface et conduisent à l’observation du seuil. Pourquoi ces défauts ne sont-ils

pas guéris ?

0.5 µm

0.3 µm0.1 µm

Régions de hautedensité deréticulation

Gradient dedensité deréticulation

Couches physisorbéesCouches chimisorbées

Figure 11 – Représentation schématique des défauts de surface d’une fibre de verre – Modede dépôt du réseau organominéral lors d’un traitement de surface selon la taille des défauts –Augmentation du rayon de fond de fissure

Il s’agit tout simplement d’un problème géométrique. La taille des agrégats de γ-APS

en solution aqueuse à 1% en masse est comprise entre 100 et 200 nm suivant les conditions de

préparation de la solution (voir Figure 1). Ces derniers ne peuvent tout simplement pas

pénétrer dans des défauts de taille inférieure à leur propres dimensions. Il existe donc une

dimension critique dans le processus de guérison des fibres de verre par un traitement de

surface, qui explique le seuil observé sur les courbes de probabilité. Compte-tenu des

approximations inhérentes au formalisme de la MLER et de la sensibilité des organosilanes

aux conditions de mise en œuvre, les dimensions obtenues par l’approche déterministe (100

nm) sont en accord avec les mesures de rayons hydrodynamiques du γ-APS en solution (100 à

200 nm).

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72

III. CONCLUSION

La caractérisation initiale des fibres de renfort a permis de mettre en évidence les

propriétés des traitements de surface appliqués à la fibre. Le caractère inorganique de l’agent

de couplage, combiné à la technique de mise en œuvre conduit ainsi à un réseau de densité de

réticulation variable en surface de la fibre. La composition des ensimages industriels est

toujours méconnue, mais d’importantes différences ont été mises en évidence par l’analyse

mécanique dynamique des mèches de fibres. Le dépôt issu d’un agent de pontage seul est

ainsi bien plus sensible à l’humidité qu’un ensimage commercial classique, puisque les

réactions de condensation se poursuivent de manière importante au cours du vieillissement

hydrothermique. Ceci est expliqué par le caractère hybride O/I de l’ensimage P122, qui lui

confère une plus grande stabilité hydrothermique. La caractérisation du traitement de surface

par analyse mécanique dynamique est donc un outil intéressant pour l’étude des traitements de

surface et de leur sensibilité à l’humidité. La guérison des défauts de surface des fibres de

verre a été abordée en réalisant des essais de traction sur monofilaments. L’utilisation de

l’outil statistique a permis de mieux comprendre les mécanismes de renforcement des fibres

de verre par le traitement de surface. La combinaison de cet outil avec une approche

déterministe issue de la mécanique linéaire élastique de rupture permet d’observer

indirectement certains défauts qui ne peuvent pas être détectés par des méthodes non

destructives et de proposer un mécanisme de guérison des défauts superficiels. Ces deux

approches sont donc complémentaires : l’approche probabiliste permet de décrire l’effet de

taille, mais n’apporte aucune indication quant aux dimensions et formes des défauts. Ce

dernier point est rendu possible par l’utilisation d’un formalisme issu de la mécanique linéaire

élastique de la rupture.

Cette démarche, l’analyse du traitement de surface des fibres de verre par

caractérisation mécanique, est actuellement en cours d’application à l’étude d’ensimages

composés de différents agents de coulage et agents filmogènes collants dans le cadre d’une

coopération avec l’équipe de E. Maeder de l’Institut für Polymer Forschung à Dresde

(Allemagne).