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Biologie des Cordés. Système urogénital. G. Nève, octobre 2008 1 Biologie Animale L2: Biologie des Cordés Université de Provence Octobre 2008 L’appareil urogénital 1. Généralités 2. Unité de base : le néphron 3. Développement du système excréteur 4. Structure générale du rein 5. Vessie 6. Appareil génital 1. Généralités L’appareil excréteur et l’appareil génital présentent chez les Vertébrés des rapports étroits. Localisés dans le tronc, ils se développent tous deux à partir d’ébauche mésodermiques voisines. A ces rapports anatomiques, s’ajoutent des rapports fonctionnels, les canaux excréteurs servant très souvent à l’évacuation des produits génitaux. Le produit du métabolisme est primairement l’ammoniaque, qui est toxique. Chez les Téléostéens et les larves d’amphibiens, comme l’ammoniaque est soluble sous la forme d’ion NH 4 + , celui-ci est essentiellement éliminé par les branchies ; ces animaux sont dits ammoniotèles . Pour les organismes terrestres, il importe de détoxifier ce composé. Les sauropsides (reptiles + oiseaux) transforment l’ammoniaque en acide urique, insoluble dans l’eau, qui est excrété sous forme cristallisée ; ces animaux sont dits urocotèles . Les amphibiens adultes et les mammifères transforment l’ammoniaque en urée, et l’excrètent en solution aqueuse ; ces animaux sont dits uréotèles . De nombreuses espèces, enfin disposent de plusieurs voies métaboliques pour l’excrétion, suivant l’âge des individus (les larves aquatiques d’amphibiens excrètent de l’ammoniaque, alors que les adultes sont uréotèles) ou les modifications du milieu (en saison humide le protoptère excrète de l’ammoniaque dissous, alors qu’en saison sèche, il stockera de l’urée). L’appareil urinaire assure l’élimination des déchets du métabolisme ainsi que certains sels minéraux, afin d’en éviter l’accumulation dans l’organisme. Ces éléments sont excrétés en solution aqueuse. 2. Le néphron Le néphron est l’unité fonctionnelle de base du rein des vertébrés ; il a son origine embryonnaire dans le mésoderme, en situation intermédiaire entre le scléromyotome et la somatopleure. Il est constitué de deux parties : le glomérule et le tubule . Le glomérule est formé par une touffe de capillaires artériels située sur le trajet d’une artère rénale issue de l’aorte dorsale. Il a pour fonction de filtrer le liquide de cette artère, et il recueille ainsi un liquide très similaire au plasma sanguin. En aval du glomérule se situe le tubule qui conduit le filtrat du glomérule vers un uretère collecteur. Au sein du tubule se produit d’une part une sécrétion active de certaines substances (par exemple la rénine et autres enzymes protéolitiques) et d’autre part une réabsorption sélective (eau et sels minéraux). Suivant les groupes étudiés, la structure du néphron varie. Il peut être ouvert dans la cavité coelomique (Myxines et Lamproies, Chondrichthyens et Amphibiens) ou au contraire fermé (mésonéphros de quelques Téléostéens).

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Biologie des Cordés. Système urogénital. G. Nève, octobre 2008 1

Biologie Animale L2: Biologie des Cordés Université de Provence Octobre 2008

L’appareil urogénital 1. Généralités

2. Unité de base : le néphron

3. Développement du système excréteur

4. Structure générale du rein

5. Vessie

6. Appareil génital

1. Généralités L’appareil excréteur et l’appareil génital présentent chez les Vertébrés des rapports étroits.

Localisés dans le tronc, ils se développent tous deux à partir d’ébauche mésodermiques voisines. A ces rapports anatomiques, s’ajoutent des rapports fonctionnels, les canaux excréteurs servant très souvent à l’évacuation des produits génitaux.

Le produit du métabolisme est primairement l’ammoniaque, qui est toxique. Chez les Téléostéens et les larves d’amphibiens, comme l’ammoniaque est soluble sous la forme d’ion NH4

+, celui-ci est essentiellement éliminé par les branchies ; ces animaux sont dits ammoniotèles. Pour les organismes terrestres, il importe de détoxifier ce composé. Les sauropsides (reptiles + oiseaux) transforment l’ammoniaque en acide urique, insoluble dans l’eau, qui est excrété sous forme cristallisée ; ces animaux sont dits urocotèles. Les amphibiens adultes et les mammifères transforment l’ammoniaque en urée, et l’excrètent en solution aqueuse ; ces animaux sont dits uréotèles. De nombreuses espèces, enfin disposent de plusieurs voies métaboliques pour l’excrétion, suivant l’âge des individus (les larves aquatiques d’amphibiens excrètent de l’ammoniaque, alors que les adultes sont uréotèles) ou les modifications du milieu (en saison humide le protoptère excrète de l’ammoniaque dissous, alors qu’en saison sèche, il stockera de l’urée).

L’appareil urinaire assure l’élimination des déchets du métabolisme ainsi que certains sels minéraux, afin d’en éviter l’accumulation dans l’organisme. Ces éléments sont excrétés en solution aqueuse.

2. Le néphron

Le néphron est l’unité fonctionnelle de base du rein des vertébrés ; il a son origine embryonnaire dans le mésoderme, en situation intermédiaire entre le scléromyotome et la somatopleure. Il est constitué de deux parties : le glomérule et le tubule.

Le glomérule est formé par une touffe de capillaires artériels située sur le trajet d’une artère rénale issue de l’aorte dorsale. Il a pour fonction de filtrer le liquide de cette artère, et il recueille ainsi un liquide très similaire au plasma sanguin.

En aval du glomérule se situe le tubule qui conduit le filtrat du glomérule vers un uretère collecteur. Au sein du tubule se produit d’une part une sécrétion active de certaines substances (par exemple la rénine et autres enzymes protéolitiques) et d’autre part une réabsorption sélective (eau et sels minéraux).

Suivant les groupes étudiés, la structure du néphron varie. Il peut être ouvert dans la cavité cœlomique (Myxines et Lamproies, Chondrichthyens et Amphibiens) ou au contraire fermé (mésonéphros de quelques Téléostéens).

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3. Développement de l’appareil urinaire L’appareil urinaire provient d’une ébauche mésoblastique paire, le mésoblaste intermédiaire,

interposé sur toute la longueur entre les somites et les lames latérales. La structure simple ancestrale serait celle d’un archinéphros à néphrons régulièrement

métamérisés tout au long du tronc, et collectés dans le canal de Wolff, qui déboucherait ensuite dans le milieu extérieur par le cloaque.

Chez les vertébrés actuels, le développement du système excréteur se passe en plusieurs étapes. Dans un premier temps, se différencient les néphrons les plus antérieurs groupés en un rein primaire éphémère, le pronéphros dont le canal collecteur est le canal de Wolff. Chez la plupart des Vertébrés, le pronéphros dégénère et disparaît chez l’adulte, son canal de Wolff subsiste et servira d’uretère au mésonéphros. Le pronéphros subsiste chez les Agnathes et chez quelques téléostéens adultes, sous la forme d’un rein céphalique.

Le rein secondaire, appelé mésonéphros, utilise également le canal de Wolff comme canal collecteur ; il formera le rein définitif des anamniotes (Lamproies, Chondrichthyens, Ostéichthyens et Amphibiens).

Chez les Vertébrés amniotes (Reptiles, Oiseaux, Mammifères), un rein tertiaire, le métanéphros, se différencie. Son canal collecteur est un uretère secondaire, distinct du canal de Wolff.

Note : chez beaucoup de Vertébrés, en particulier marins ou de milieux désertiques, d'autres organes que le rein présentent également une fonction excrétrice. Citons en particulier les branchies, l'épiderme de certains Téléostéens, les glandes nasales de certains oiseaux marins ou habitant les déserts, les glandes nasales des tortues marines, etc.

4. Structure générale du rein

Le métanéphros des Amniotes est formé par la réunion d’un nombre important de néphrons : 800 à 7500 par rein chez les Reptiles, 15 000 à 100 000 chez les oiseaux, 15 000 chez la souris, un million chez l’homme, 15 millions chez l’éléphant. Chez les Sauropsidés (Reptiles et Oiseaux), le rein est partagé en lobules dans lesquels les glomérules sont centraux et les canaux collecteurs périphériques. Ceux-ci se jettent directement dans l’uretère secondaire. Par contre chez les Mammifères, les glomérules sont situés dans un cortex périphérique, sombre et d’aspect granuleux. Le rein peut présenter plusieurs types d’organisation ; il peut être simple, avec un bassinet où débouchent les tubes collecteurs de la medulla, réduite à une seule pyramidaire (rein unipyramidaire, chez les marsupiaux, rongeurs, nombreux primates). Il peut être pluripyramidaire où le bassinet se ramifie et se dilate en ampoules secondaires (cétacés, bovidés, homme)

5. Vessie urinaire

La vessie urinaire est un sac extensible dans lequel l’urine s’accumule avant d’être évacuée à l’extérieur. Elle peut avoir plusieurs origines.

Vessie wolfienne : cas des Ostéichthyens où elle est constituée par une simple dilatation des uretères primaires avant leur débouché commun à l’extérieur.

Vessie cloacale : cas des Amphibiens. Elle est constituée par un diverticule ventral de la paroi du cloaque, sans connexion directe avec les uretères primaires qui débouchent dorsalement dans le cloaque.

Vessie allantoïdienne : Cas des Reptiles et Mammifères. Elle provient d’une partie de la portion abdominale de l’allantoïde. Chez les Mammifères, les uretères débouchent dans la vessie qui est incorporée dans le système urinaire. Le cloisonnement du cloaque embryonnaire isole une uretère qui fait communiquer la vessie avec l’extérieur.

La vessie est absente chez les Myxines et Lamproies, les Chondrichthyens, les Ophidiens, les Crocodiliens, quelques Lépidosauriens et tous les oiseaux. Chez les Sauropsidés sans vessie, l’urine est toujours pâteuse car riche en cristaux d’acide urique ; elle se mélange aux excréments

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dans le cloaque.

6. Appareil génital Les Vertébrés se reproduisent par voie sexuée. Les gamètes sont produits en général par une

paire de gonades, et leur transport est assuré par une paire de voies génitales ou gonoductes. L’appareil génital est constitué par l’ensemble des gonades, des gonoductes et de l’appareil copulateur. Le cas échéant, le cloaque, carrefour des voies digestives, urinaires et génitales y est également considéré.

Voies génitales Cas particulier chez les Myxines, les Lamproies et les Téléostéens

Les Myxines et Lamproies n’ont pas de voies génitales. Les ampoules spermatiques et les follicules ovariens s’ouvrent à maturité dans la cavité cœlomique. Les gamètes sont évacués à l'extérieur par deux pores abdominaux.

Chez la plupart des Téléostéens1, la cavité centrale de la gonade se prolonge vers l’arrière par un canal qui s’ouvre à l’extérieur au niveau d’une papille génitale impaire située entre l’anus et l’orifice urinaire. Cas général : double système de gonoductes

Chez tous les autres Vertébrés, l'embryon développe pendant la phase d'indifférenciation sexuelle un double système de voies génitales utilisant les canaux de Wolff du mésonéphros et une paire de canaux de Müller, exclusivement génitaux. Suivant le sexe, soit les canaux de Wolff sont les spermiductes (cas de mâles), soit les canaux de Müller sont les oviductes (cas des femelles).

Testicule

Lors du développement, le testicule indifférencié se connecte par des rete avec des néphrons du mésonéphros antérieur, qui est connecté par des mésonéphrons au canal de Wolff. Ces canaux perdent alors leur fonction urinaire et deviennent les canaux efférents du testicule.

Ovaire

Le canal de Müller se développe sans contact avec la gonade, par une invagination de l'épithélium cœlomique.

Chez les Anamniotes, le canal de Wolff fonctionnera à la fois comme spermiducte (chez les

mâles) et comme uretère. Chez les femelles, le canal de Wolff fonctionnera uniquement comme uretère, alors que le canal de Müller donnera l'oviducte. Chez les Amniotes, au contraire, le mésonéphros n'est plus fonctionnel chez les adultes, et les néphrons subsistant donneront des rete testis. Le canal de Wolff va constituer l'épididyme et le canal déférent du testicule. Chez les Amniotes femelles, le mésonéphros et le canal de Wolff régressent.

1 Parmi les exception à ce cas, on peut mentionner que chez les salmonidés mâles et femelles, les anguilles femelles, et les murènes femelles, il n’y a pas de voies génitales ; les gamètes sont libérés dans le cœlome, et sont ensuite évacués par un ou deux entonnoirs péritonéaux provenant d’un cloisonnement secondaire du cœlome et s’ouvrant à l’extérieur entre l’anus et le pore urinaire

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Figure 1. Origine embryologique de l’appareil excréteur des Vertébrés. D’après : Boué, H. & Chanton, R., 1967. Zoologie II. Mammifères, anatomie comparée des vertébrés, zoogéographie. 2ème édition. Doin, Paris, 605 pp.

Figure 2. Divers types de néphrons : A: Néphron ouvert à glomérule intracoelomique, B : Néphron ouvert à glomérule intranéphronique, C : Néphron fermé glomérulé, D : Néphron fermé aglomérulé. A.A. : Artère rénale afférente Ao. : Aorte dorsale C.N. Canal néphrostomial Coe. : Cœlome D. : Segment distal du tubule G. : Glomérule

I. : Segment intermédiaire du tubule M. : Mésentère N. : Néphrostome P. : Segment proximal du tubule U. : Uretère

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Figure 3. Mode de récupération d’irrigation le long du tubule rénal chez A. Chondrichthyens et Sauropsides, B. Les Poissons ostéichthyens et les Lissamphibiens et C. les Mammifères (D’après Liem et al. 2001).

Figure 4. Evolution théorique de l’appareil urinaire: A.: Archinéphros théorique à néphrons régulièrement métamérisés collectés par le canal de Wolff (C.W.), B : Néphrogenèse en deux étapes : pronéphros transitoire antérieur, séparé d’un mésonéphros définitif par une région dianéphritique (cas des anamniotes : Agnathes, Chondrichthyens, Ostéichthyens et Amphibiens), C : Néphrogenèse en trois étapes : au mésonéphros transitoire succède un métanéphros définitif dont le canal collecteur est un uretère secondaire (U.S.) distinct du canal de Wolff

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Figure 5. Développement de l’appareil urinaire des Amniotes: A: Stade jeune : bourgeonnement urétéral dans le blastème métanéphritique, B : Adulte : moitié gauche femelle, moitié droite mâle. Bg. : Bourgeon urétral C.M. : Canal de Müller C.W. : Canal de Wolff Cl. : Cloaque

G. : Gonade O. : Ovaire T. : Testicule U. : Uretère secondaire

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Figure 6. Appareils uro-génitaux mâles (schématiques): C.A. : Corps adipeux C.C. : Canaux collecteurs des mésonéphrons C.E. : Canaux efférents C.L.R. : Canal longitudinal du rein C.L.T. : Canal longitudinal du testicule C.M. : Canal de Müller C.W. : Canal de Wolff C. : Cloaque E. : Epididyme H.P. : Hydatide pédonculée (wolfienne) H.S. : Hydatides sessile (müllerienne)

M. : Mésonéphrons ayant perdu leurs glomérules et connectés avec les tubes collecteurs du canal longitudinal du rein en formant les canaux efférents du testicule Os. : Ostium müllerien P. : Paradidyme R.E.T. : Rete extratesticulaire R.I.T. : Rete intratesticulaire R.T. : Rete testis S.S. : Sac spermatique U. : Uretère secondaire U.M. Utérus masculin (müllerien)

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Figure 7. Appareils uro-génitaux femelles (schématiques): C.C. : Canaux collecteurs des mésonéphrons C.G. : Canaux de Gartner Ep. : Epoophore O. : Ovaire

P. : Pavillon müllerien Po. : Paroophore R.O. : Rete ovarii

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Figure 8. Voies génitales femelles. A. Roussette (Chondrichthyen), B. Vipère (Reptile Ophidien), C. Poule (Oiseau) C.M. : Canal de Müller Cl. : Cloaque G. : Papilles génitales G.A. : Glandes anales In. : Infudibulum Is. : Isthme M. : Magnum Mé. : Mésonéphros N. : Glande nidamentaire Oe. : Oeuf

Os. Ostium müllerien P. : Pavillon müllerien P.A. : Pores abdominaux R. : Rectum S.: Surrénales U. : Papille urinaire Ur. : Uretère Ut. : Utérus Ut. D. Utérus droit vestigial des oiseaux

Figures 2 et 4 à 8 d’après Beaumont, A. & Cassier, P., 2000. Biologie Animale. Les Cordés: anatomie comparée des Vertébrés. 8e édition. Dunod, Paris, 638 pp. Bibliographie conseillée : Kardong, K.V., 2006. Vertebrates : Comparative Anatomy, Function, Evolution. 4th ed.

McGraw-Hill, New York, 782 pp. [La troisième édition de 2002 reste aussi d’actualité. L’essentiel du cours est basé sur cet ouvrage, complété par les deux suivants. La présentation est très pédagogique, et permet facilement de trier l’essentiel de l’accessoire].

Beaumont, A. & Cassier, P., 2000. Biologie Animale. Les Cordés: anatomie comparée des Vertébrés. 8e édition. Dunod, Paris, 638 pp. [Très descriptif, mais assez complet]

Liem, K.F., Bemis, W.E., Walker, W.F., Jr, Grande, L., 2001. Functional Anatomy of the Vertebrates: An Evolutionary Perspective. Harcourt College Publishers, Fort Worth, 784 pp. [une excellente présentation, très pédagogique ; les schémas sont très faciles à aborder, ce qui rend l’ouvrage très abordable, même pour un non anglophone]