biodiversité et évolution du monde végétal

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Les cahiers de la biodiversité David Garon, Jean-Christophe Guéguen Biodiversité et évolution du monde végétal PACES (UE 7, UE spécifique Pharmacie) Pharmacie Biologie Capes-Agrégation Illustrations de Jean-Christophe Guéguen Préface d’Hubert Reeves

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Page 1: Biodiversité et évolution du monde végétal

9 782759 810932

L e s c a h i e r s d e la biodiversité

Prix : 29 eurosIsbn : 978-2-7598-1093-2

Les ouvrages de la collection Les cahiers de la biodiversité s’adressent aux étudiants suivant un cursus pharmaceutique,

médical ou biologique  ; aux étudiants en première année commune des études de santé (PACES)  ; aux élèves ingénieurs ; aux candidats au CAPES, à l’Agrégation et aux enseignants en SVT. Ils sont aussi destinés à un plus large public sensibilisé à la biodiversité et à sa sauvegarde.

Cet ouvrage nous fait plonger dans l’univers fascinant des plantes.

Vouloir faire tenir le monde végétal dans un seul ouvrage relevait de l’impossible. Pourtant, dans ce deuxième volet*, les auteurs

se sont d’abord employés à présenter un panorama général des plantes, puis ont détaillé les liens étroits que l’homme entretient depuis toujours avec les plantes,  jusqu’à comparer nos patrimoines génétiques respectifs : n’oublions pas que nous partageons un quart de nos gènes avec le grain de blé qui nous fournit notre pain ! Après de brefs rappels sur l’autotrophie et la photosynthèse qui caractérisent le monde végétal, les grandes étapes de l’évolution des plantes sont décrites : des algues peuplaient déjà les océans il y a trois milliards d’années ; des plantes avaient fait la conquête des continents, 430 millions d’années avant que notre espèce ne marche sur la Terre. Mais ceci n’était que l’embryon d’une histoire qui allait faire place à l’extraordinaire invention de la fl eur et au développement de ses stratégies de coévolution avec les insectes. Deux chapitres sont consacrés au métabolisme végétal qui assure à la fois notre alimentation et notre arsenal de molécules pharmacologiquement actives. Un accent est mis sur les formidables capacités d’adaptation des plantes qui sont capables de communiquer, de se reproduire ou d’éloigner leurs agresseurs. Les plantes toxiques qui sont chaque année à l’origine d’intoxications ne sont pas oubliées.Ainsi, les plantes ont modelé le visage de notre planète ; elles lui ont donné cett e couleur verte et bleue visible depuis l’espace. Sans ces « choses vertes » sur lesquelles on marche ou on s’assied, sans même souvent leur jeter le moindre regard, l’Histoire de l’humanité n’existerait même pas.

* Les cahiers de la biodiversité – volet 1 : Biodiversité et évolution du monde vivant (EDP sciences, 2013)

David Garon est docteur en pharmacie et Professeur de botanique, mycologie et biotechnologies à l’Université de Caen Basse-Normandie.

Jean-Christophe Guéguen est docteur en pharmacie, pharmacien industriel et consultant en ressources végétales.

Les deux auteurs ont associé leurs expériences individuelles du monde vivant, qu’ils vous livrent en cahiers illustrés par Jean-Christophe Guéguen.

David Garon, Jean-Christophe Guéguen

Biodiversité et évolution du monde végétal

Biodiversité et évolution du monde végétal

Biodiversité et évolution du monde végétal

PACES (UE 7, UE spécifi que Pharmacie)

Pharmacie

Biologie

Capes-Agrégation

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David Garon,

Jean-Christophe Guéguen

Illustrations de Jean-Christophe Guéguen

Préface d’Hubert Reeves

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I

Les cahiers de la biodiversité

Biodiversité et évolution du monde végétalDavid GaronJean- Christophe Guéguen

Préface d’Hubert Reeves

Illustrations : Jean-Christophe Guéguen

Page 3: Biodiversité et évolution du monde végétal

Cet ouvrage s’adresse aux étudiants en première année commune des études de santé (PACES) ; aux étudiants suivant un cursus pharmaceutique, scientifique ou médical ; aux élèves-ingénieurs ; aux candidats au CAPES, à l’agrégation et aux enseignants en SVT.

Il est destiné aussi à un plus large public, curieux du monde vivant qui nous entoure…

Illustration de couverture : J.-C. Guéguen, (ophrys abeille).

Photographies : D. Garon.

Imprimé en France

ISBN : 978-2-7598-1093-2

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

© EDP Sciences 2014

Page 4: Biodiversité et évolution du monde végétal

David Garon est docteur en pharmacie, diplômé de la Faculté de Pharmacie de Grenoble et Professeur de botanique et mycologie à l’UFR des Sciences Pharmaceutiques de l’Université de Caen. Il enseigne la biodiversité, les sciences végétales et fongiques. Ses travaux de recherche en santé-environnement ont d’abord porté sur la biodépol-lution de sols contaminés puis il s’est orienté vers l’étude de l’écologie des moisissures, et de la diversité et la toxicité de leurs métabolites secondaires.

Jean-Christophe Guéguen est docteur en pharmacie, diplômé de la Faculté de Pharmacie Paris V René Descartes et pharmacien industriel. Il a travaillé sur la recherche de substances naturelles (microbiennes, végétales et animales) d’intérêt pharmacolo-gique. Il est conférencier dans plusieurs universités où il enseigne la chimie des subs-tances naturelles et la biodiversité. Il est auteur, co-auteur et illustrateur de plusieurs ouvrages sur la botanique, les plantes médicinales et les plantes à parfum.

À droite : Jean-Christophe Guéguen.

À gauche : David Garon.

Les auteurs

Page 5: Biodiversité et évolution du monde végétal

Cet ouvrage est respectueusement dédié à la mémoire de François Tillequin (1950-2011), Professeur à l’Univer-sité Paris Descartes. Il fut un maître et un intarissable conteur d’histoires illustrant la communication au sein du monde végétal. Il a su à travers son talent et sa passion pour l’écologie chimique faire naître des voca-tions parmi ses étudiants.

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V

Sommaire

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XI

Introduction générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Le monde végétal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11L’homme face au monde végétal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12Particularités du monde végétal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

La cellule végétale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14Autres caractéristiques du monde végétal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

Importance et place du monde végétal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28Répartition des organismes chlorophylliens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28Bilan des espèces végétales recensées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33L’arbre source de vie : un écosystème complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Adaptations dans le monde végétal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46Diversité des modes de vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46Pollinisation et coévolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

Le monde végétal et les enjeux actuels de la biodiversité . . . . . . . . . 73En résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79Document annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80Évaluation des connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80Éléments de bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

Évolution du monde végétal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

L’évolution de la flore au cours des temps géologiques . . . . . . . . . . . . . 86

Sommaire

Page 7: Biodiversité et évolution du monde végétal

VI

BIODIVERSITÉ ET ÉVOLUTION DU MONDE VÉGÉTAL

Les cyanobactéries : une bouffée d’oxygène pour la planète . . . . . . . . 88L’essor des algues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92

Panorama des flores du passé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Les premiers indices fossiles de l’Ordovicien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Les contraintes du milieu aérien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99La sortie des eaux au Silurien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100L’explosion du Dévonien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101La flore houillère du Carbonifère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108De la flore de Wuda à la grande crise du vivant du Permien . . . . . . . . 113

L’essor des plantes à graines au Mésozoïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115Les Gymnospermes à l’assaut des continents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115L’invention de la fleur et la radiation des Angiospermes . . . . . . . . . . . . . 120De l’arbre à l’herbe, les prairies du Cénozoïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133Le temps des glaciations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134Bilan de la flore aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136Un point sur la classification phylogénétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

En résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142Document annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144Évaluation des connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144Éléments de bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

Le végétal, une usine métabolique au cœur de l’environnement . 149Particularités du métabolisme végétal  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150Le métabolisme primaire, l’unité du monde végétal. . . . . . . . . . . . . . . . 153

Le LEGO® du vivant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153Saccharose et amidon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154Polymères fondamentaux de la paroi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156Le cas des polysaccharides extraits des parois d’algues . . . . . . . . . . . . . . 157

Le métabolisme secondaire, la diversité du monde végétal. . . . . . . . 160Définition et répartition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160Les principales classes de métabolites secondaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163Métabolites secondaires, coévolution et écologie chimique . . . . . . . . . . 172

En résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181Document annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182Évaluation des connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183Éléments de bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

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VII

Index

L’homme et le monde végétal : une histoire de fidélité et de liaisons dangereuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

Des chasseurs-cueilleurs aux cultivateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188Chasse, guerre, crime et châtiment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194Des plantes, des dieux et des démons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207Le risque végétal aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224Plantes sources de médicaments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238

Théorie des signatures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239Combattre l’inflammation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240Vaincre la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245Les digitales : une histoire de cœur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248Clin d’œil à la belladone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250Lutter contre le cancer : de la pervenche de Madagascar à l’if . . . . . . . 252

En résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257Document annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258Évaluation des connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259Éléments de bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265

Page 9: Biodiversité et évolution du monde végétal

Les auteurs remercient Monsieur Cyrille Guéguen pour son travail photo-informatique et Madame Ghislaine Guéguen pour son aide et ses précieux conseils.

A Geneviève et Daniel pour les photos d’Orchidées qui ont permis de réaliser les aquarelles.

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IX

Préface

PréfaceUne des grandes surprises qui attendait les astrophysiciens au moment de

l’exploration du système solaire avec des sondes spatiales, c’est la découverte du caractère parfaitement aride des surfaces planétaires. L’une après l’autre, les photos provenant de la Lune, de Mars, de Mercure, de Jupiter, etc., ainsi que celles des astéroïdes, montraient des paysages de désolation, criblés de cratères, et sans la moindre trace de vie. Du coup, le contraste avec les paysages variés et richement colorés de la Terre devenait de plus en plus frappant.

Pourquoi une telle différence  ? Qu’est-il arrivé au juste, il y a 4,5 milliards d’années –  au moment où tous ces corps sont nés, avec le Soleil, de l’effon-drement de la nébuleuse originelle  – pour expliquer ce contraste  ? À cette époque, qu’est-ce qui différenciait ces astres  ? Bien sûr, la distance au Soleil, donc la température et la pression et, peut-être aussi, de faibles inhomogénéités spatiales de la matière et de la composition chimique dans le volume de la nébu-leuse... Pourquoi, dans ce contexte de si faibles différenciations, une différence aussi radicale dans l’évolution de ces astres  ? Sur une seule planète, la Terre, la vie apparaît et ça change tout ! Ce profond mystère est aujourd’hui un des grands thèmes de recherche de la science contemporaine.

Il faut bien reconnaître qu’il n’y a encore aucun scénario satisfaisant de l’appa-rition de la vie sur notre planète. Certains invoquent la présence des îlots de vie découverts autour des volcans sous-marins comme lieux possibles des premiers vivants. D’autres préfèrent les mares tièdes, d’autres encore des surfaces argi-leuses… On ne sait pas. Tout ce que nous pouvons reconnaître c’est que notre planète, vraisemblablement très chaude à sa naissance, était alors stérile. Se refroi-dissant progressivement, la vapeur d’eau de son atmosphère s’est condensée en nappes liquides. Quelques centaines de millions d’années plus tard, ces nappes fourmillent d’organismes vivants. Ce n’est que par l’observation et l’étude des organismes vivants ou à l’état de fossiles que nous pouvons espérer comprendre comment cela est arrivé. Tels sont les thèmes développés dans ce livre.

Il est intéressant à la lumière de nos connaissances en astrophysique, d’avoir un regard plus global sur ce sujet. Rappelons d’abord que la lumière est faite de photons

Page 11: Biodiversité et évolution du monde végétal

X

BIODIVERSITÉ ET ÉVOLUTION DU MONDE VÉGÉTAL

dont les énergies sont proportionnelles à la température des surfaces qui les émettent. Le Soleil – dont la surface est très chaude (6 000 degrés) – émet des photons beaucoup plus énergétiques que les planètes beaucoup plus froides (des centaines de degrés). Toutes les planètes absorbent la lumière du Soleil et la réémettent dans l’espace en rayons infrarouges. La quantité d’énergie lumineuse reçue par une planète est égale à celle qu’elle réémet dans l’espace intergalactique. Mais, comme les photons infra-rouges de la planète transportent individuellement fortement moins d’énergie que les photons visibles du Soleil, le nombre de photons émis est considérablement plus grand. En réalité, la Terre émet vingt fois plus de photons qu’elle n’en reçoit. Cette création de photons va jouer un rôle essentiel dans la présence et l’évolution de la vie. C’est là que ces considérations rejoignent les sujets de ce livre.

Pour apprécier l’incidence de ces considérations sur la question de l’origine de la vie, il me faut ici mentionner un des résultats les plus importants obtenus par les physiciens du xixe siècle (Sadi Carnot, Ludwig Boltzmann, etc.) sur le comportement de la chaleur. L’organisation de la matière, par exemple l’apparition de la vie sur une planète stérile, exige l’accroissement du « désordre » dans le reste de l’Uni-vers, l’espace intergalactique. En termes techniques, on parle d’accroissement de « l’entropie ». Dans le cas des planètes, il se matérialise par une augmentation du nombre de photons émis vers l’espace par rapport au nombre de photons reçus du Soleil. Dans cet échange, la Terre joue un rôle de créatrice de photons nouveaux.

À la lumière des propos précédents, on comprend que toutes les planètes pourraient remplir cette exigence parce qu’elles sont toutes plus froides que le Soleil. À cet égard, elles pourraient donc toutes héberger des organismes vivants. Pourquoi, sauf la Terre, ne le font-elles pas  ? C’est que, pour utiliser cette propriété, il leur faut encore être en mesure de retarder l’émission de ce surplus de photons, le temps de procéder à cette organisation. À la différence des autres corps du système solaire qui réémettent immédiatement l’énergie qui vient du Soleil, la surface de la Terre –  grâce à la végétation, abrite des cellules organiques qui réalisent la photosynthèse, c’est-à-dire qui transforment l’eau et le gaz carbonique en matière végétale, retardant ainsi l’émission des photons le temps de la vie des plantes – rend possible l’évolution de la vie vers des formes de plus en plus complexes et toujours plus merveilleuses.

Ainsi nous retrouvons, ici, la question de l’origine de la matière vivante qui engendre les molécules capables de réaliser la photosynthèse. La clef du mystère nous ramène à la question : comment la vie est-elle apparue sur la Terre ? C’est un peu le paradoxe de l’œuf et la poule  : pour que la Terre puisse accroître l’entropie de l’univers et ainsi organiser sa matière en organismes vivants, il lui faut des molécules aptes à réaliser la photosynthèse. Or, ces molécules ne peuvent être engendrées que par des phénomènes biologiques préexistants. Et nous voilà revenus au problème précédent : comment la matière inerte a-t-elle donné naissance à la vie ? L’apprendrons-nous un jour ?

Hubert Reeves, AstrophysicienPrésident de Humanité et Biodiversité (Paris)

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XI

Avant-propos

Avant-propos« […] je dirais que ce qui compte dans la sauvegarde des forêts tropicales, ce n’est pas tant que nous ayons un besoin immédiat de ces forêts tropicales, mais que nous ayons besoin des qualités humaines nécessaires pour les sauver ; car ce sont précisément celles-là qu’il nous faut pour nous sauver nous-mêmes… »

Francis Hallé, botaniste et biologiste. Le radeau des cimes (2000).

Peut-on imaginer un monde sans plante ?

Les plantes ont modelé le visage de notre planète. Elles lui ont donné cette couleur verte et bleu visible depuis l’espace. Le monde végétal a précédé le monde animal dans l’évolution de la vie sur notre planète. Les animaux doivent se nourrir, et sans plantes à se mettre sous la dent, l’histoire aurait vite tourné court faute d’acteurs pour la jouer.

Imaginons un monde sans plantes, ces « choses vertes » sur lesquelles on marche ou on s’assied, sans même souvent leur jeter le moindre regard.

Sans plante, pas de bois pour construire un abri, une charpente, une charrette ou un bateau, se chauffer ou tout simplement cuire les aliments qui eux-mêmes sont souvent d’origine végétale. En effet sans plante, pas de fruits, de légumes ou de céréales comme le blé pour la fabrication du pain, pas d’épices comme le poivre pour agrémenter ou conserver les aliments. Pas de plante signifie aussi plus de vêtements en lin, en coton, ou en chanvre. C’est également l’absence de médicaments (drogues végétales) comme la digitaline, la quinine, ou le taxol ; pas de parfums pour les plaisirs du nez ou pour honorer les défunts (encens, copal). Sans une simple plante comme l’hévéa, nous n’aurions pas de caout-chouc pour faire des pneus pour nos véhicules. Et que dire d’un monde où le café, le thé et le chocolat seraient absents ?

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XII

BIODIVERSITÉ ET ÉVOLUTION DU MONDE VÉGÉTAL

Dans ce monde sans plante, peut-être y trouverions-nous certains avantages car il n’y aurait pas de tabac et donc pas de tabagisme qui tue chaque année des millions de personnes, pas de substances stupéfiantes comme la cocaïne, l’opium ou le cannabis…

Mais nous allions oublier le plus important, sans plante pas d’oxygène pour respirer  ! Bref sans plante, pas de papier pour imprimer cet ouvrage, mais surtout pas d’humains pour les lire ou vous raconter cette histoire du monde végétal ! L’homme et la plante sont ainsi liés pour la vie et pour leur survie…

Les Cahiers de la Biodiversité

Cette nouvelle collection qui a vu le jour avec Biodiversité et évolution du monde vivant, premier cahier paru chez EDP Sciences en septembre 2013, s’adresse aux étudiants de première année commune des études de santé (PACES UE7, UE spécifiques) ainsi qu’à tous ceux qui suivent un cursus pharmaceutique, médical, biologique, ou d’ingénieur. Les professionnels de santé, vétérinaires, les candidats au CAPES et à l’Agrégation, les professeurs du second degré, pourront également trouver dans ces ouvrages des informations précises sur les diverses ressources du monde vivant et leurs applications dans des domaines variés (environnement, écologie, agro-alimentaire, biotechnolo-gies, santé humaine, innovation technologique, biomimétisme…).

Cette collection est aussi destinée aux ingénieurs, chercheurs et techniciens. Elle pourra tout autant intéresser un plus large public, moins spécialisé, mais aussi attentif à la diversité du vivant et à ses implications dans notre vie quoti-dienne et future.

Le sujet traité étant très vaste, nous proposons au lecteur une collection consti-tuée par un ensemble de cahiers indépendants, mais complémentaires. Nous avons essayé de dresser un panorama global de l’extraordinaire richesse du monde vivant, tout en privilégiant une approche pluri et transdiscipli-naire. Il restait enfin à donner à cette collection Les Cahiers de la Biodiversité la dimension qu’elle méritait, celle des sciences humaines.

Pour résumer, cette collection est une invitation à découvrir, mieux comprendre et préserver le monde vivant qui nous entoure.

Ces ouvrages de la collection Les Cahiers de la Biodiversité porteront sur les thèmes suivants.

La biodiversité et l’évolution du monde vivant (ouvrage paru en septembre 2013)

L’objectif de ce premier volet est de présenter un panorama général des êtres vivants qui constituent la biodiversité. Notre connaissance du monde vivant est récente, elle s’est forgée il y a 150 ans avec la découverte que les

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XIII

Avant-propos

espèces se sont transformées au cours des temps géologiques. En rompant avec des croyances fixistes, force a été de constater que le «  livre de la vie » avait une histoire presque aussi longue que celle de notre planète Terre. Après des notions de base sur les origines de la vie, la notion de vivant et la répartition du monde vivant, l’ouvrage fait le point sur les grandes étapes des classifica-tions scientifiques. La place de l’homme, une espèce comme les autres dans le processus de l’évolution, y est redéfinie à travers les découvertes les plus récentes de la biologie évolutive et de la phylogénie. Les théories évolutives récentes (théorie de la «  Reine rouge  », équilibres ponctués, exaptation…) y sont développées. Un chapitre entier est consacré à l’étude de la biodiversité, depuis une approche globale, jusqu’à ses différents niveaux (gènes, espèces, écosystèmes). Un accent est mis sur les enjeux stratégiques que représente la préservation des espèces pour l’avenir de l’humanité.

La biodiversité végétale Ce deuxième volet des Cahiers de la Biodiversité est consacré au monde végétal

et à ses implications, au quotidien, pour l’espèce humaine. C’est grâce à la photo-synthèse que les végétaux captent le dioxyde de carbone de l’air et produisent des composés organiques. En s’affranchissant du milieu aquatique, les plantes ont réussi à conquérir tous les continents. Depuis la nuit des temps, l’homme puise dans la diversité végétale. Il utilise la plante pour se nourrir, s’abriter, se chauffer, se soigner ou se vêtir. Confrontées à l’éternel impératif d’une quête alimentaire, les populations ont appris, et souvent à leurs dépens, à différen-cier les plantes dangereuses, des plantes utiles et comestibles. Dans ce volet, le lecteur retrouvera des notions de bases du monde végétal, comme l’autotrophie ou le métabolisme secondaire. La plante sera déclinée sous ses principaux aspects en relation avec les programmes des cursus de santé, des études scientifiques ou des formations d’ingénieur. Après des notions de base sur les végétaux et leurs modes de vie, un accent est mis sur la biodiversité et l’évolution des plantes. Nous avons également tenu à souligner l’importance du métabolisme chez les plantes (métabolisme primaire et métabolisme secondaire). Ainsi, les plantes sources de médicaments (pavot et morphine, quinquina et quinine…) et les plantes sources d’intoxications ou d’allergies sont traitées dans cet ouvrage.

La biodiversité fongique Qu’ils soient macroscopiques ou microscopiques, les champignons constituent

un monde encore mal connu. La diversité fongique est un élément incontour-nable, tant pour la biosphère que dans notre vie quotidienne. Les champi-gnons saprotrophes sont aussi indispensables aux processus d’humification en décomposant de la matière organique du sol. Leurs associations symbiotiques avec les racines des plantes (mycorhizes ) sont au cœur du fonctionnement de nombreux écosystèmes. Certaines espèces sont redoutées pour leur pouvoir pathogène ou leur capacité de parasitisme . Dans cet ouvrage, le lecteur trouvera

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BIODIVERSITÉ ET ÉVOLUTION DU MONDE VÉGÉTAL

des notions de base sur le monde fongique. Un chapitre est consacré aux cham-pignons producteurs de médicaments majeurs pour l’industrie pharmaceutique (antibiotiques, antifongiques, hypocholestérolémiants, vasoconstricteurs….). Un chapitre décrit les principales intoxications fongiques (macromycètes respon-sables de syndromes, moisissures productrices de mycotoxines…). Leur rôle dans notre alimentation et plus particulièrement l’utilisation industrielle des levures ou moisissures (fromages, vin, bière…) y sont développés, ainsi que leur place dans le domaine des biotechnologies.

La biodiversité microbienneLe monde microbien, inconnu il y a 150 ans, va prendre son essor grâce aux

progrès de la microscopie et aux travaux de Louis Pasteur qui met fin à la notion de génération spontanée. Une nouvelle science voit le jour, la microbiologie. Les microorganismes sont des éléments clés de la biodiversité. Ils sont à la base de nombreux processus écologiques et à l’origine de la majorité des maladies infectant l’homme, les animaux et les plantes. Ce réservoir énorme de diver-sité reste encore mal connu, même si les microorganismes sont des producteurs d’un arsenal chimique de métabolites bioactifs commercialisés aujourd’hui. Un chapitre est consacré à l’étude des microorganismes comme producteurs de médicaments (antibiotiques, antifongiques, anticancéreux…). Un chapitre traite également de leur utilisation comme outils en biotechnologies (diagnostic, production de protéines recombinantes…).

La biodiversité animaleCe volet traite de la diversité animale, de son évolution et de son rôle dans

la biosphère. C’est peut-être l’un des aspects les plus difficiles à appréhender dans ces Cahiers de la Biodiversité, car notre propre espèce, Homo sapiens, fait partie de cette diversité animale. Elle a donc la lourde charge d’inventorier les autres espèces mais aussi de les protéger, ce qui constitue un enjeu majeur pour le futur. Avec plus de sept milliards d’humains nous ne pesons «  pas lourd  » devant les lombrics qui représentent une des plus grosses biomasses animales de la planète. Un chapitre est consacré aux médicaments et réactifs que l’on peut extraire d’organismes animaux (analgésiques, antiviraux, anticancéreux, hémolymphe de limule pour la détection des endotoxines…). Un chapitre traite également des venins et toxines sécrétés par des animaux (amphibiens, serpents, arthropodes) et de leurs applications pharmacologiques.

Les espèces invasives, espèces bio-indicatrices, espèces utiles en biotechnologies

Ce cahier aborde trois sujets où la biodiversité est directement liée aux acti-vités humaines.

Chaque année, en France métropolitaine et dans les DOM-TOM, on assiste à l’installation d’espèces invasives animales ou végétales. Ces dernières, une fois

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Avant-propos

installées dans une niche écologique, tirent leur épingle du jeu et augmentent leur pression sur les écosystèmes. Cette menace sur la biodiversité est donc amenée à s’accroître, tant par l’anthropisation de tous les milieux, que par l’accé-lération des moyens de transports. Tous les écosystèmes sont concernés, et plus particulièrement le milieu marin, avec le déballastage des cargos qui amènent sur nos côtes de nombreuses espèces d’algues et d’invertébrés exotiques. Une fois installée, chaque nouvelle espèce va modifier l’écosystème , et il est alors le plus souvent impossible de l’éradiquer. Un premier chapitre fait le point sur les espèces végétales invasives (renouée, robinier, ambroisie, algues…). Un deuxième chapitre traite des espèces animales (crépidule, moule zébrée, ragondin, frelon asiatique, moustique tigre…). Ces nouvelles espèces, en plus de l’érosion de biodiversité qu’elles occasionnent, sont souvent vectrices de maladies virales, bactériennes ou fongiques.

Les espèces bio-indicatrices sont souvent considérées comme des alliées de l’homme dans la surveillance et la préservation de la biodiversité. La présence, la diversité et la fluctuation de ces espèces est un indicateur des conditions envi-ronnementales locales et de l’état sanitaire de l’écosystème . Ces indicateurs peuvent être des plantes, des animaux, des champignons, des microorganismes, des organismes symbiotiques comme les lichens. Les espèces bio-indicatrices étudiées sont différentes selon les milieux et les polluants dont on souhaite évaluer l’impact.

Les biotechnologies mobilisent différents acteurs du monde vivant  : des microorganismes (biotechnologies microbiennes) mais aussi des plantes (biotech-nologies végétales) pour la production de connaissances, de biens et de services dans les domaines de la santé, de l’agro-alimentaire et de l’environnement. Dans ce domaine, la bioremédiation est en plein développement pour la décontamination de milieux pollués (eaux usées, déchets agricoles et industriels, sols contaminés) à l’aide de microorganismes (bactéries, moisissures), d’invertébrés ou de plantes.

Nous avons choisi une présentation enrichie de citations et abondam-ment illustrée pour faciliter la compréhension des différents thèmes déve-loppés dans ces cahiers. Certaines illustrations ont été volontairement simplifiées pour aider à la compréhension du texte. Plusieurs niveaux de lecture sont proposés avec :

– les notions essentielles à connaître ; – un résumé de chaque chapitre ; – un document annexe encourageant la réflexion ; – des questions à choix multiples (QCM) ; – des éléments de bibliographie pour aller plus loin.

Des encadrés présentent les définitions majeures. Six types de picto-grammes accompagnent les définitions.

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BIODIVERSITÉ ET ÉVOLUTION DU MONDE VÉGÉTAL

Définition généraliste

Définition dans le domaine de la botanique et la biologie végétale

Définition dans le domaine de la microbiologie

Définition dans le domaine de la biologie animale

Définition dans le domaine de la taxonomie

Définition dans le domaine de la chimie

Le but de ces cahiers est aussi d’apporter aux étudiants destinés à observer et manipuler du vivant tout au long de leurs études, puis de leur vie profession-nelle, des notions de base indispensables, tout en suscitant leur curiosité et leur esprit critique. Le monde vivant qui nous entoure ne doit pas être consi-déré comme une simple préoccupation réservée à des cercles restreints, il est l’affaire de tous et notre passeport pour le futur !

« La Nature vivante ou éco-nature nous révèle des vertus organisatrices plus admirables encore que ne l’avaient imaginé les romantiques. Sa vertu de spontanéité lui permet de s’organiser en éco-systèmes de très haute complexité sans disposer d’un centre organisateur. Sa vertu réorganisatrice lui permet de tolérer, éponger, utiliser de façon extrêmement souple, aléas, pertur-bations et désordres. Sa vertu intégratrice lui permet d’associer en une unité régulatrice des myriades d’êtres et d’espèces extrêmement divers, ainsi que de convertir égoïsmes, antagonismes, dévorations en une grande solidarité éco-organisatrice. »

Edgar Morin, sociologue et philosophe. La méthode. La vie de la vie (1985).

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Introduction générale

« Parce qu’il considère toute vie de son point de vue animal, l’homme appréhende mal le monde des plantes et la surpre-nante forme de vie végétale : se nourrir de lumière et d’eau, rester immobile dans un environnement parfois hostile, apparemment passive et insensible, toutes ses notions de vie lui sont étrangères. »

Aline Raynal Roques, botaniste. La botanique redécouverte (1994).

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BIODIVERSITÉ ET ÉVOLUTION DU MONDE VÉGÉTAL

600 millions d’années d’évolution, des végétaux pas si végétatifs !

Si la connaissance du végétal a fait d’immenses progrès ces trente dernières années, bon nombre de découvertes majeures sont restées méconnues du public. La botanique et les disciplines qui lui sont liées (biologie végétale, paléo-botanique, phytochimie…) sont trop souvent jugées, à tort, comme rébarbatives voire désuètes. Le paradoxe aujourd’hui est qu’on assiste à un véritable engoue-ment vis-à-vis de tout ce qui est naturel. Le vieux précepte « c’est naturel, c’est bon pour la santé », relayé par les médias, est bien ancré dans les esprits. En ce début de xxie siècle, où l’on voudrait se soigner uniquement par des médecines dites douces et ne consommer que des plantes sauvages médicinales ou comes-tibles, la méconnaissance de ces dernières entraîne des intoxications de plus en plus fréquentes. À l’heure où tout le monde souhaite « se mettre au vert » et alors qu’on ressent un besoin d’harmonie avec la nature, le monde végétal reste encore souvent sous bien des aspects une « terra incognita ». Alors qu’à peine 20  % de l’inventaire du monde vivant a été réalisé, et que près de 200 000 molécules ont été isolées et identifiées à partir de plantes, on fait le constat de l’érosion croissante des écosystèmes* forestiers. Depuis la préhistoire, l’homme puise dans le réservoir de la diversité végétale. Il consomme la plante pour se nourrir, s’abriter, se chauffer, se soigner ou se vêtir. Confrontés à l’éternel impératif d’une quête alimentaire, nos lointains ancêtres ont appris, et souvent à leurs dépens, à différencier les plantes dangereuses, des plantes utiles ou comestibles.

Ces dernières années, les réformes universitaires ont contribué à découper l’étude du monde végétal, de ses ressources et de ses applications, en modules trop spécialisés, dans lesquels les étudiants ont souvent du mal à retenir les notions de base et à relier les disciplines entre elles. Dans cet ouvrage, nous avons souhaité, tout en restant dans le cadre des programmes universitaires, présenter le monde végétal sous un aspect global, en l’associant aux sciences humaines, comme dans le précédent cahier. Si les propos semblent parfois s’éloi-gner ou dépasser les enseignements conventionnels, c’est pour mieux élargir les niveaux de connaissance de cet univers fascinant tout en suscitant une réflexion sur l’urgence de la sauvegarde des espèces. Découvrir le monde végétal c’est comprendre 600 millions d’années d’évolution !

Écosystèmes Ensemble d’organismes vivants (biocénose) interagissant entre eux (nutrition, échanges, reproduction, prédation…) et avec leur environne-ment (biotope) sur une échelle spatiale donnée.

D É F I N I T I O N

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Introduction générale

À travers quatre exemples un peu anecdotiques, mais représentatifs de cette approche transdisciplinaire, nous allons essayer d’illustrer le caractère indisso-ciable de l’homme et du monde végétal.

La « Tulipomania » ou le « bulbe spéculatif »

Il en va des tulipes comme des «  subprimes  »  ; l’attrait de la nouveauté et de la spéculation facile ont, de tout temps, conduit les États à des crises financières et les investisseurs à la ruine. La tulipe est une plante de la famille des Liliacées dont l’aire de répartition d’origine s’étendait de l’actuelle Turquie aux contreforts de l’Himalaya. Appelée tuliban, ce qui signifie turban, elle deviendra tulipa qui se transformera en tulipe. C’est le grand botaniste Charles de l’Écluse (1526-1609) qui va rendre cette fleur célèbre en Europe. En 1573, alors qu’il réside à Vienne en tant que directeur des Jardins impériaux de l’Empereur d’Autriche, il reçoit les premiers bulbes de tulipe en provenance de Constantinople. Cette plante décorative était cultivée depuis plusieurs siècles dans l’Empire Ottoman où elle était l’emblème des sultans. À son retour en Hollande, il crée, dans la ville de Leyde, un jardin botanique où il plante ses bulbes de tulipes. Il va pouvoir envoyer des graines dans différents pays voisins dont la France. Très vite dans les cours d’Europe, les dames affichent des tulipes dans leurs décolletés.

Un vent de folie spéculative souffle sur la population d’Amsterdam et des Provinces Unies où la tulipe est l’objet de toutes les convoitises. Plantés entre juin et septembre, les bulbes de tulipes fleurissent entre avril et mai de l’année suivante, et ce décalage dans le temps donne naissance à un marché à terme bien risqué. Entre 1634 et 1637, le prix des bulbes augmente de 6 000 % ! On parle de « crise de la tulipe » ou « Tulipomania ». Fin 1636, le prix du bulbe est à son paroxysme et on n’hésite pas à dépenser 10 000 florins soit le prix d’une maison, ou le salaire de 20 années pour un ouvrier. Puis soudainement au début du mois de février 1637, la spéculation s’arrête d’elle-même, le cours s’effondre, et avec lui des fortunes colossales se trouvent englouties à jamais. De nombreuses familles sont ruinées.

La «  Tulipomania  » n’a pas échappé aux règles traditionnelles des krachs boursiers : une hausse des prix entraîne un gonflement d’une bulle spécula-tive, finalement cette bulle éclate et débouche sur un krach financier. C’est la première crise économique de l’Histoire et c’est une plante qui l’a causée. Les Pays-Bas vont pouvoir se reconstruire grâce au commerce des épices qui va leur assurer une nouvelle prospérité.

Aujourd’hui, on sait que les tulipes « marbrées » ou « flammées » qui étaient très appréciées sont le fait d’un virus qui provoque les marbrures dans les tulipes. Dans les zones où il s’exprime, la couleur disparaît. Si cette tulipe n’avait pas été modifiée par l’action du virus, elle serait restée toute entière d’un beau rouge violacé et cette histoire n’aurait peut-être pas existé. La tulipe a laissé son

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BIODIVERSITÉ ET ÉVOLUTION DU MONDE VÉGÉTAL

Figure 5-41 : Pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus), structures de la vincristine et la vinblastine .

plante peut s’acclimater et se propager très rapidement ce qui explique qu’on la retrouve dans de nombreux pays tropicaux et subtropicaux. Les feuilles et les racines constituent la drogue végétale.

La plante produit des alcaloïdes bis-indoliques qui sont utilisés comme agents antimitotiques en cancérologie. Ils agissent en inhibant l’assemblage de la tubu-line en microtubules (inhibition de la polymérisation) et bloquent ainsi la divi-sion des cellules (mitose). La recherche sur ces molécules continue et a permis la commercialisation de la vindésine sous le nom Eldisine® qui est aussi active sur certaines leucémies et tumeurs solides. Il faut signaler ici que les racines de cette plante permettent l’extraction d’un autre alcaloïde, la raubasine qui a été utilisée pour traiter les troubles de l’insuffisance cérébrale.

L’if  : l’arbre qui « renaît » de son passéUtilisé depuis la Préhistoire comme poison de chasse ou comme poison

de guerre, toxique pour le bétail (moutons, chevaux), l’if a souvent suscité l’inquiétude mais aussi la fascination comme nous l’avons évoqué précédem-ment. C’est encore une série de hasards qui vont le conduire en première ligne comme médicament contre le cancer et au centre d’une véritable saga opposant associations de malades et écologistes. Dans les années 1950, aux États-Unis, le National Cancer Institute (NCI) lance un vaste programme de

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L’homme et le monde végétal : une histoire de fi délité et de liaisons dangereuses 

recherche de nouvelles plantes actives contre cette maladie. Cette étude met en évidence les propriétés anti-tumorales d’un extrait d’écorces d’if du Pacifique (Taxus brevifolia). La substance active est isolée en 1971 et la molé-cule est baptisée Taxol® (Paclitaxel). Le Taxol®, actif sur le cancer de l’ovaire, a la même cible que les alcaloïdes de la pervenche, la tubuline, mais il empêche la dépolymérisation de cette protéine, bloquant ainsi la division cellulaire par un mécanisme original. Très vite, le principal problème devient l’approvision-nement car il fallait abattre et arracher l’écorce d’arbres centenaires pour obtenir quelques grammes de la précieuse substance. Dix tonnes d’écorce étaient nécessaires pour obtenir un kilogramme de Taxol®. L’espèce risquait bel et bien de disparaître.

C’est alors qu’en 1979, l’équipe de Pierre Potier va faire une décou-verte majeure dans les feuilles de l’if européen (Taxus baccata). Les aiguilles contiennent un diterpène précurseur du Taxol®, la 10-désacétyl-baccatine III (10-DAB) qui peut ensuite être transformée en Taxol® par voie chimique. La production industrielle devenait possible en récoltant les tailles annuelles d’ifs provenant des parcs et jardins ou en cultivant l’espèce en plein champ. Alors que les américains abattaient des arbres, soulevant au passage une levée de boucliers des protecteurs de la nature, le CNRS en collaboration avec les labo-ratoires Rhône-Poulenc Rorer, développa une voie alternative qui aboutit à la découverte du Docétaxel (commercialisé sous le nom de Taxotère® ), une molé-cule hémi-synthétique plus active que le Taxol®. Son spectre d’activité s’est élargi au cours des années : cancer du sein, du poumon, de la prostate, des voies aérodigestives supérieures. Le laboratoire américain Bristol-Meyers Squibb qui assure le développement et la commercialisation du Taxol® allait suivre cette même voie d’extraction à partir des feuilles de l’if du Pacifique. Actuellement, l’abattage d’ifs n’a cependant pas totalement cessé car le mode d’obtention à partir des feuilles reste relativement cher. Certains pays comme le Canada se sont engagés, quant à eux, dans une démarche de développement durable des forêts naturelles et de sélection par biotechnologie de plants plus riches en molécules actives (taxanes).

L’if européen (Taxus baccata, famille des Taxacées) appartient aux conifères (Pinopsides) au sein des Gymnospermes (Figure 5-42). Au niveau botanique, il est pourtant bien particulier, c’est un conifère mais il ne comporte ni de cônes, ni de résine. Il se caractérise aussi par son extrême longévité liée à sa capacité de se renouveler en émettant de nouveaux rameaux (on parle de « capacité de réitération »). C’est un arbre dioïque à l’écorce brun-rouge dont les feuilles (aiguilles) persistantes sont disposées sur deux rangées. Elles sont aplaties et pointues. Tout l’arbre est toxique. La graine de couleur brun-noir à maturité est entourée par une enveloppe charnue rouge nommée arille. L’ensemble forme un faux-fruit (fausse baie).

Le Taxol® et le Taxotère® sont des diterpènes complexes de la famille des taxanes qui possèdent un atome d’azote sur une chaîne latérale (Figure 5-42).