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AVRIL -MAI 1993 VOLUME 22 NO. 4

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AVRIL -MAI 1993 • VOLUME 22 NO. 4

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PROCHAIN NUMÉRO — JUIN 1993

au temimn~r

La Fédération nationale des

femmes canadiennes-françaises

(FNFCF) publie la revue Femmes

d'action, un outil d'information et de

réflexion sur la condition féminine et la

francophonie.

La FNFCF est un organisme de liaison et de

concertation entre les groupes de femmes

francophones. Elle assume un rôle de leadership dans

les dossiers politiques, sociaux, économiques et autres.

Elle offre à ses membres des outils de

développement; un service de formation et de

sensibilisation aux questions reliées à la condition

féminine au Canada français; un réseau de ressources;

des documents de recherche-action et des outils

politiques : une concertation nationale, des rencontres

de comités, une assemblée générale annuelle.

La Fédération nationale des femmes

canadiennes-françaises est porte-parole de près d'une

cinquantaine de groupes autonomes de femmes.

La FNFCF est membre de la Fédération des

communautés francophones et acadienne du Canada et

du Comité canadien d'action sur le statut de la femme.

FÉDÉRATION NATIONALEDES FEMMES CANADIENNES-FRANÇAISES

325, RUE DALHOUSIE, PORTE 525OTTAWA (ONTARIO) K1N7G2

TÉL. : (613) 232-5791TÉLÉCOPIE: (613)232-6679

LA MENOPAUSEMIEUX COMPRISE,MIEUX VÉCUE •«Ce livre tombe pile»

Doris V. Hamel, Le Nouvelliste

«Intéressant parce que c'est un livre québécois»

Carmen Altamirano,Télé-Service, Radio-Québec

«Un livre qui répond à bien des questions»Jeanne Desrochers, La Presse

MKNÔRU'SEIMU l'\

COMPRISE!Mil i \

VEiTE

AUCUN FRAIS D'ENVOIVeuillez me faire parvenir

I_ livre(s) «La ménopause mieux comprise, mieux

vécue» au prix de 23,95$. l'ajoute 1,68$ de TPS pour un total de 25,63$ chacun.Postez ce coupon à : ÉDIMAG inc., 2348, rue Ontario est, Montréal, Qc H2K 1W1

Nom :....,Adresse:Ville:Code postal: Tél. : :ATTENTION libellez votre chèque au nom de ÉDIMAG inc. ou faites porter à votre ,compte VISA JfNuméro de carte : Expir. :Signature : I

APPRENDRE DE LA DIVERSITÉ :Un outil d'information

sur, par, etpour les femmes immigrantes

et de minorités raciales au Canada

Publication bilingue qui rassemble plus de100 résumés de projets à base communautaire. Ces projets

touchent un grand nombre de questions y inclusla violence, la mobilisation pour le changement, le travail etc.

L'outil contient aussi des résumés de vidéo et une liste dematériel publié et de thèses. Disponiblede TICREF, 151, rue Slater, bur. 408,

Ottawa KIP 5H3.15 $ (chèque ou mandat-poste)

Femmesd'aaian Avril 1993

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SOMMAIRE

Nocturnes de l'œil Gabrielle Poulin

5 EditorialVers l'humaconomie ! !Micheline Piché

6 Marie-Anna RoyCarol J. Harvey

8 Ciné-elleAttention... Avis prénatal recommandéJeannine M. Ouellette

10 Gabrielle PoulinMargaret Michèle Cook

14 La couleur du féminisme au SénégalMicheline Pichéet Lucille Gaudet

17 Les femmes se préparent-elles un avenir meilleur ?Le retour aux études à La Cité collégialeAndrée Lortie

L'ECONOMIE

20 Sciences et mathématiques au quotidienLe génie de JulieLyne Dion

21 Des services de garde ? Fini le rapiéçagePour une participation équitable des femmesau marché du travailun reportage de Denise Lemire

23 Iniquité salarialeUne affaire qui rapporte aux autresLouise Alain

25 Une femme de principesAngie CormierJacinthe Laforest

27 Cadre supérieure à la fonction publiquefédérale

Pauline BissonnetteLucille Gaudet

29 L'affaire LabelleMots d'espoir contre la discriminationJohanne Lauzon

31 Plafond invisibleManon Henrie

33 Le club d'investissementPas de secret pour Renée Rivard !Mireille Vézeau

UlMuRlAlE

p. 23

35 Après l'incesteLise Rivard

37 Le cancer du seinOù est la prévention ?Jan Slakov

39 Entre les lignesMa vie comme rivière, Chantai DesrochersBelle-Moue, Christiane SénécalL'homme-papier, Micheline Piché

42 À propos

Avril 1993 Fenimesd'fiction

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VOTRE MEILLEUREPARTENAIRE

J\. l'aube du 21e siècle, l'information et la communication prennent une importance inégalée. Lesenjeux actuels façonnent notre avenir, notre place comme femmes au sein de la société canadienne.Femmes d'action vous offre la possibilité d'être partie prenante de l'évolution du mouvement desfemmes au sein de la francophonie.

Cinq fois l'an, offrez-vous la revue nationale Femmes d'action.

1 an (5 nos) 12 $ • 2 ans (10 nos) 20 $ • Organismes 23 $

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Femmes d'action, pièce 525, 325, rue Dalhousie, Ottawa (Ontario) KIN 7G2

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Femmesd'actionRédactrice en chef

, Micheline Piché

Équipe de directionMicheline Piché, Diane Vachon

Collaboratrice à la rédactionLucille Gaudet

CorrespondantesLouise Alain, Margaret Michèle Cook, Chantai Desrochers,Lyne Dion, Lucille Gaudet, Carole J. Harvey, ManonHenrie, Jacinthe Laforest, Johanne Lauzon, DeniseLemire, André Lortie, Jeannine M, Ouellette, MichelinePiché, Lise Rivard, Christtane Sénécal, Jan Slakov,Mireille Vézeau

RévisionLise Soutiers

Mise en pagesNicôie Rgeon

ÉditeursFédération nationale des femmes canadiennes-françaises

PublicitéMicheline Piché, Lucille Gaudet

Photo page couverturePeter Tittenberger

Femmes J'actha est une revue d'information et d'opinion surla condition féminine au Canada français,ParutionsSeptembre, novembre, février, avril, juin

Politiques de la directionLes articles de Femmes d'actimi peuvent être reproduits enindiquant la source, le mois, l'année etl'auteure. Pourreproduire les illustrations, on doit demander l'autorisationde ta direction.

Les opinions émises par les correspondantes n'engagentque ceiles-ci. femmes d'action encourage la participation denouvelles correspondantes. Les textes soumis peuventêtre utilisés dans i'un ou l'autre des numéros et ils serontsoumis aux régies éditoriales courantes.Tarifs d'abonnementsCinq numéros 12 $ (individuel)Dix numéros 20 $ (individuel)Cinq numéros 23 $ (groupes, institutions, corporations)Le tarif international par avion : 31 $ par année

Adressefemmes d'action325, rue Dalhousieporte 525Ottawa (Ontario)K1N7G2Tél. : (613) 232-5791Télécopie : (613) 232-6679

Dépôt légalBibliothèque nationaledu CanadaISSN 0226-9902Envoi de publicationEnregistrement no 7242Port payé à Ottawaavril-mai 1993(parution avril 1993}

La publication de Femmes d'action est rendue possiblegrâce à l'aide financière du Secrétariat d'État.Nous remercions le gouvernement de l'Ontario de sonappui par l'entremise du ministère de la Culture et desCommunications.

editorial

VERS L'HUMACONOMIE ! !Le marché du travail au féminin présence certains signes promet-

teurs. A tel point que, selon un sondage Gallup récent, près de lamoitié de la population canadienne croit que les hommes ec les

femmes ont des chances égales sur le marché du travail. Nous sommes,en effet, plus présences, un peu plus visibles même si nos gains sontloin en réalité d 'un seuil équitable. Nous nous dirigeons

inexorablement vers une société où hommes et femmes se partageront

tous les types d'emplois, indépendamment de leur sexe. Il faut cepen-dant reconnaître que l'intégration graduelle des femmes sur le marchédu travail ne peut se faire sans bousculer l'ordre des choses. Ceci

déplaît aux esprits traditionnels allergiques à tout changement devaleurs et d'organisation sociale. Il est vrai que la présence accrue desfemmes ec surtout des mères s'accompagne nécessairement d'unevision autre de la présence et de la valeur du travail dans nos vies.

Un exemple parmi d'autres est celui de la femme au foyer : gestion-

naire du travail domestique selon Statistique Canada. Saviez-vous quela valeur du travail domestique au Canada était estimée en 1986 à 200

milliards de dollars, soie au moins un tiers du produit intérieur brut?

Pourtant, ce travail n'a jamais été comptabilisé et il influe grandement,comme le signale l'économiste Marilyn Waring, sur la placequ'occupent les femmes dans les programmes social ec économiquedes gouvernements. «Si, dit-elle, les femmes sont invisibles du côtéproduction de la société, elles le seront nécessairement du côté bénéfices.»

Devant la nécessité de restructurer l'économie canadienne pourfaire face aux défis de la mondialisation, plusieurs spécialistes y ont vu

l'occasion de revoir, comme Madame Waring, l'analyse traditionnellede ce qui est "'productif. Un nouveau cadre d'analyse d'inspiration

féministe pourrait mener à une autre façon de penser à l'économie,

selon une perspective qui tienne compte des différences entre les sexeset qui serait plus inclusive. En d'autres termes, cette perspectiveengloberait non seulement les femmes et leur travail mais reconnaîtraitaussi de prime abord la façon dont les ménages, les collectivités, les

hommes, les femmes et les enfants se situent dans l'économie. Il fautvoir l'économie comme un organisme vivant, disait l'économiste

Gilles Paquet au Sommet économique de la francophonie, le voir dansune perspective de développement plutôt que de croissance. Ce qui

comprend la capacité de se transformer. Ça me plaît !

C'est ce lien entre la personne humaine et l'économie qui esc

porteur d'espoir pour nous toutes travailleuses rémunérées et nonrémunérées, mères de famille ou non. Si cette démarche s'accompagned'une ouverture chez nos partenaires masculins, patrons et collègues

de travail pour mieux saisir la situation des femmes sur le marché dutravail et les modifications qui l'accompagne, nous sommes sur labonne voie. Nous ferons alors naître «l'humaconomie».

Avril 1993 Femnicsd'action

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Une vie consacrée à l'écriture

par Carol J. Harvey

Maire-Anna Roy réside actuellement au Foyer Valade,à Saint-Vital, Manitoba, où elle m'a reçue le 9 décembre1992. Même si aujourd'hui elle est presque aveugle, elle necesse de se consacrer à l'écriture et à son œuvre. Et malgréson grand âge, elle évoque avec une mémoire étonnante salutte pour s'instruire et sa vie d'enseignante dans les villagesde la Prairie et du nord de l'Alberta au début du siècle.

M arie-Anna Adèle Roy,une des soeurs aînées dela célèbre romancièreGabrielle Roy, a fêté le

30 janvier 1993 le centièmeanniversaire de sa naissance.Marie-Anna est l'auteure detrois romans à caractère auto-biographique : le pain de cheznous, Valcourt ou la dernièreétape et Le miroir du passé.Elle a signé des chroniquestelles que La MontagnePembina au temps des colonset rédigé maints autres textesqui restent inédits. Un ouvragesigné Paul Genuist et intituléMarie-Anna Roy : une voix so-litaire, portant sur sa vie et sonoeuvre, a paru récemmentauxéditions des Plaines.

Comment êtes-vous venue à l'écriture ?

On m'a étouffée parce que je voulais écrire. On m'aarraché les livres des mains; je passais pour une folle, unefemme immorale — une femme qui parle en public, unefemme qui veut voter. Mais, combien y en a-t-il de femmescélèbres, Béatrice, Laura, Maria... Comme on m'a dit : Toi,tu avais du talent, tu aurais dû avoir une bourse, tu serais

Fenmiesd'fKt'ion Avril 1993

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venue au premier rang. Mais nos parents n'ont pas vouluça. Les curés leur ont dit : «Mais, Madame, vous avez unefolle ! Attachez-moi donc ça !» Toujours des chaînes. Lesparents se donnaient une autorité complète sur leurs en-fants. Puis les prêtres, c'était comme une barrière qui vousempêche d'avancer. Aujourd'hui les enfants sont pluslibres.

Mais vous avez surmonté les préjugés courants à cetteépoque pour arriver à vous instruire. Vous avez suivi descours à Edmonton, à l'Université Queens et à Paris, n'est-ce pas ?

J'ai quitté mes parents. Maisl'École normale (de Winnipeg1)m'encourageait et le père Biais aussi.C'est grâce à lui que j'ai persistéjusqu'au bout. Ils m'ont donné cefeu sacré. J'ai toujours eu ça. Voussavez, Lamartine dit : «L'homme estun dieu tombé qui se souvient descieux.» Mais de jour et de nuit, ilfaut travailler... En France, je me suisacclimatée. J'ai suivi les cours àl'École universelle de Paris : le latinjusqu'à Sénèque, le grec.

De tous les livres que vous avez faits,lequel est celui dont vous êtes le plusfière ? E

G

II n'est pas encore publié. C'est |T T A m

Une quête sans repos et sans espérance. PEt à part ça, À vol d'oiseau à travers le g:temps et l'espace, déposé aux Archives £de la province de Québec à Mon- otréal... Ça, c'est une œuvre qui va §vivre !

Est-ce que vous avez des manuscrits que vous voudriezfaire publier en ce moment ?

J'ai deux articles qui doivent être publiés dans L'eauvive2. J'ai dit comme ceci : «La fortune qui favorise lesaudacieux ne m'a pas accordé la gloire des lettres avec tousses fastes, les grandes réceptions, les compliments, les fleurs.Mais j'ai eu la chance de connaître des âmes d'élite, dontl'amitié, plus précieuse que l'or et l'encens, a enrichi ma viede beauté et de mérite, et m'a donné la force et le couragede poursuivre mon noble rêve, en dépit du mépris duvulgaire. J'ai fini ma tâche, j'appréhende le grand soir oùtout dans l'âme se fait noir; j'ai atteint le summum bonum.»Ça doit paraître dans L'eau vive, dans À l'ombre des cheminsde l'enfance.

Vous avez été enseignante pendant de nombreuses années.Que retenez-vous de cette période ?

J'ai enseigné dans les écoles les plus misérables. Jecherchais toujours à enseigner le français. Mais vous devriezlire A vol d'oiseau à travers le temps et l'espace^. J'enseignaisaux enfants les fleurs, l'astronomie, la poésie, toute la poésiequ'il y avait au Québec : Blanche Lamontagne, AlbertLauzeau, Michel Lenormand, la poésie qui naissait auQuébec. Et les petits enfants répétaient tout ça. Les contesde Perrault. Puis les vieilles traditions qui venaient de laFrance. Je leur inspirais l'amour du beau et le patriotisme :

«Nous resterons Français tant queQuébec sera sur un rocher !» Jevoyais les yeux des enfants briller.

Vous avez dit ailleurs quel'enseignement est «une vocationsans gloire et sans mérite». Maisil me semble que vous avez aimél'enseignement.

Oui, j'aimais ça, mais pastoujours ! On n'est pas appréciées,vous savez. Les gens ont ri devous. «Quelle folle, celle-là ! Elleparle pas comme nous autres !»Puis les curés, vous savez, toutesces obligations, la messe...

Malgré vos expériences négativesavec le clergé, vous restez croyante !

La croyance, c'est parce queDieu est esprit. J'ai lu les grandspoètes comme Cicéron. Pourquoices belles pages, cette éloquence, siça ne passera pas à la postérité ? EtPlaton. Pourquoi ce travail, cette

soif de qualité, si c'est pour le vide ? Il y a l'autre vie —mais sous quelle forme ? L'esprit ne peut pas mourir !

J'ai un culte du sacré aussi. Tous les ans, je fais dire unemesse anniversaire pour ma mère. Je crois aux morts, jecrois à la vie future. J'ai fait un mémorial à la cathédrale deSaint-Boniface, tout en relief. Le soir, ça brille comme unelampe. A la mémoire de mon père, de ma mère, Marie-Agnès, Anna, Bernadette, Gabrielle, Germain4, Marcel5...Carol J. Harvey est professeure de français à l'Université de Winnipeg.Elle vient de publier aux éditrions des Plaines Le cycle manitobain deGabrielle Roy. Nous en parlerons dans notre édition de juin.

1. Noie de Carol J. Harvey2. Journal des francophones de la Saskatchewan3. Manuscrit inédit portant sur ses années d'enseignement.4. Sœurs et frère de Marie-Anna Roy5. Marcel Carbone, mari de Gabrielle Roy

Avril 1993 Feninusd'action

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ciné-elle

A T T E N T I O N . . .Avis prénatal recommandépar Jeannine M. Ouellette

Ia grossesse, l'accou-

chement, la maternité —

des sujets qui font rare-

ment l'objet d'un film com-

mercial et peut-être encore

moins d'une comédie intelli-

gente. À l'exception de quel-

ques rares productions, les

films qui ont la maternité ou la

grossesse comme prémisse

ont tendance à être impré-

gnés du regard patriarcal. On

y propose souvent des fem-

mes qui ne savent pas vivre

sans hommes, des pères de

famille qui n'en finissent plus d'être de faux héros, des mères stéréotypées, caricaturées, qui

ont peu de place pour évoluer et construire leur identité. Que de façons de nous rappeler

que l'ère du matriarcat n'est pas prête d'arriver ! Avec Waiting, la cinéaste australienne

Jacquie McKimmie explore l'attente qui précède un accouchement fort attendu par quatre

femmes, deux hommes, des enfants, un voisin...

NoniHazlehurst, àgauche, avecDeborra-LeeFumess,Helen Joneset FionaPress

WAITINGUn film de Jackie McKimmie mettant en vedette NoniHazlehurst, Helen Jones, Fiona Press1 et Deborra-LeeFurness. Film d'origine australienne (1991).

Waiting est un film qui fait remonter la nostalgie d'unecertaine époque où l'accouchement n'était pas un événe-ment médical orchestré, mais un temps de retrouvailles etde célébration. Un temps où la naissance n'était rien demoins qu'une œuvre d'art, comme nous le dit Clare qui seprépare à accoucher d'un premier enfant. Cet enfant, elle leporte pour un couple d'amis qui ont déjà deux enfantsadoptés. Tel que promis, dès sa première contraction, elle

appelle ce couple ainsi que deux amies qui veulent assister àl'accouchement. L'une d'entre elles est cinéaste féministe.Le projet qui l'anime est celui de porter à l'écran un docu-mentaire sur les sages-femmes et sur la négligence desmédecins, notamment ceux qui pratiquent le métierd'obstétricien. Clare assure la narration du film de son amieet porte un commentaire à la fois critique et comique sur lepouvoir mâle et médical tout en racontant sa propre histoire(pourquoi elle accepte d'être une mère porteuse, pourquoielle est suivie par une sage-femme). En principe, le docu-mentaire en question doit se terminer avec la naissance dubébé, sauf que...

Fanmesd'aaion Avril 1993

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Le bébé n'arrive pas. Tout le monde est là mais le bébése fait attendre. Au fur et à mesure que le scénario sedéveloppe, nous devenons sensibles à une tristesse qui voileles yeux de Clare. L'entourage quelque peu affolé à l'attentede L'ÉVÉNEMENT ne semble rien remarquer. Les mursde sa maison sont pourtant habillés par des peintures queClare, qui est artiste de profession, a peint tout au long desa grossesse. Les tableaux, la plupart des autoportraits,transmettent les émotions qui l'habitent, la manière dontelle se sent dans son rôle de mère porteuse, l'attachementgrandissant à cet enfant, son enfant...

Le bébé se fait attendre parce que, justement, la mèren'est pas prête à le mettre au monde pour le donner. Fortede cette réalisation, Clare décide d'en parler avec l'amie àqui elle croyait rendre un service (en dernière analyse, est-ceque cette amie voulait l'enfant pour les «bonnes» raisons ?).Une autre conversation a lieu également entre le couple quivoit leur rêve s'écrouler (est-ce un mal pour un bien dansleur cas ?).

Je vous avoue qu'au moment de l'accouchement, j'aisenti ma gorge se resserrer. McKimmie a su traduire enimages l'émerveillement devant la naissance, devant cette viequi commence dans la joie et dans l'amour. On al'impression qu'il s'agit vraiment d'une grande fête — celledes êtres humains, des rapports qui nous lient et des amitiésqui nous gardent.

Waiting— un scénario comique et original, un regardde femme sur la maternité, un commentaire féministe surl'accouchement, et surtout, des personnages crédibles qui nese fondent pas dans la caricature.

Saviez-vous que...

Au moment où je signe cette chronique, la soirée desOscars est en préparation à Hollywood. Cette année,l'organisation a choisi de souligner la participation desfemmes au cinéma américain (enfin !). Mais, en cette annéede célébration, l'Académie éprouve du mal à mettre ennomination cinq actrices dans la catégorie des meilleuresinterprètes féminines (quelle ironie !). Voilà qui en ditbeaucoup sur la qualité des rôles réservés aux femmes dansle cinéma américain ! C'est pourquoi il est important de serappeler que les rôles obtenus par les femmes ne sont pasnécessairement une mesure de leur talent, mais bien unreflet de leurs options.Jeannine M. Ouellette détient une maîtrise en éducation de l'Universitéd'Ottawa. Sa thèse a porté sur l'impact de la culture et de la socialisationsur le développement des femmes et les répercussions pédagogiques quis'ensuivent.1. Fiona Press a obtenu le prix du meilleur rôle de soutien féminin lors de la remisedes prix de l'industrie cinématographique australienne en 1991.

Avril 1993 Fenimesd'oction

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entrevue

Quand le roman et la poésie se répondent

GABRIELLE

«Pour moi, l'écriture est ma façon deme connaître, d'interroger sans tropd'angoisse la vie, la mort, la violence,l'injustice. »

par Margaret Michèle Cook

T a romancière Gabrielle Paulin, a derrière elleI une oeuvre qui s'impose par la richesse de sonI j imaginaire. Elle s'est fait connaître de plu-JJ sieurs, par la publication en 1979 du romanCogne /a caboche pour lequel elle a reçu le prixChamplain. Elle a publié par la suite, Un cri tropgrand, Les mensonges d'Isabelle et La Couronned'oubli. Gabrielle Poulin connaît aussi la musiquede la poésie. Elle nous a offert l'an dernier PetitesFugues pour une saison sèche, suivi cette annéede Nocturnes de l'œil. Margaret Michèle Cookl'a rencontrée pour Femmes d'action.

10 Fenwiesd'iKtion Avril 1993

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POULINEn 1969, vous avez publié un essai sur la poésie de PaulEluard Les Miroirs d'un poète dans lequel vous avez cité enexergue ce vers de Poésie ininterrompue : «Tout commencepar des images». Quelle influence la poésie a-t-elle euedans votre vie ?

J'ai découvert ce qu'est la poésie officielle dans mesétudes universitaires. Mais durant toute mon enfance, j'aieu un grand-père qui nous racontait des contes et je croisque les contes sont très proches de la poésie. Et ma mèreétait une femme qui chantait toujours et qui nous a ensei-gné des chansons, des comptines. Je crois que c'est lapremière forme de poésie, celle qui s'apprend, celle que l'ondécouvre à la maison quand on est tout petit. J'ai com-mencé vraiment la poésie à l'université, non pas comme jel'aurais peut-être aimé par les symbolistes, par Rimbaud, parBaudelaire, mais par les surréalistes. C'est Eluard quim'avait plu davantage. Effectivement, c'était par les imagesque j'avais été séduite. Et par cette liberté du langage quiest autre chose, qui nous découvre notre propre imaginaire.Ce qui m'a le plus influencée chez les surréalistes, c'estl'écriture automatique.

Quand j'ai écrit Cogne la caboche, toute la poésie del'enfance est revenue. La poésie des comptines, la poésie deschansons. Cogne la caboche est rempli de chansons qu'onchantait chez nous.

Est-ce que vous avez eu du mal à laisser vos personnagesde roman de côté lorsque vous avez décidé d'écrire de lapoésie ?

Je pourrais répondre de deux façons. J'ai toujours eu dumal à ne pas faire de la poésie dans mes romans. La poésieest présente dans tous mes romans, particulièrement dansLa Couronne, le dernier roman avant que je ne publie de lapoésie. Dans La Couronne d'oubli, j'avais acquis la certitudeque la poésie pouvait être présente dans le roman. Leroman est vaste comme l'univers et toutes les façons des'exprimer y sont les bienvenues. Pendant que j'écrivais mes

Avril 1993 Feniniesd'action 11

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trois premiers romans, je n'avais pas de difficulté à faire de

la critique et du roman. Mais entre Les Mensonges d'Isabelleet La Couronne, il y a eu comme une saturation du point de

vue critique. Comme si mon esprit était devenu incapablede plonger dans l'imaginaire, que mon esprit critique veillait

constamment sur mon esprit créateur. Alors il y avait unesorte de censure, et ce n'est pas comme ça qu'il faut écrireun roman. Il faut la plus complète liberté. Mon marim'avait dit : «Fais donc de l'écriture automatique.» Alors, jem'assoyais dans ma cour le matin avec mes feuilles depapier. J'écrivais pendant deux heures, exactement commeon fait de l'exercice physique. C'était aussi élémentaire que

ça. Donc, tout ce qui me passai: par la tête — les arbres, lesoiseaux, les petits animaux, le rêve que j'avais fait, unefeuille que je voyais, n'importe quoi — et quand ça a été

fini, j'en avais peut-être cent cinquante pages. Quandj'écrivais ces textes automatiques, je me souviens fort bienqu'un matin, après un événement triste qui était advenudans la famille, j'ai vu arriver mon personnage. J'ai décou-

vert ce matin-là mon personnage : Florence — je ne luiavais pas encore donné son nom, mais c'était cette personnequi perd la mémoire et qui se réveille dans un lit d'hôpital

et à qui toute libetté est accordée, parce qu'elle a effacétoute son expérience, donc elle peut repartir à neuf. Si jen'avais pas fait de l'écriture automatique, je n'aurais pastrouvé ce personnage-là.

Comment voyez-vous votre écriture et en particulierl'écriture poétique de votre dernier ouvrage, Nocturnes del'œilï

Pour moi, l'écriture — et je l'ai toujours dit — est ma

façon de me connaître, d'interroger sans trop d'angoisse la

vie, la mort, la violence, l ' injust ice. Et de trouver un com-

mencement de réponse, de trouver une façon de transfor-mer ces expériences-là. Même la laideur — de la transfor-

mer en beauté, de la transformer en art. Et c'est un peuaussi ce que font les sculpteurs, ce que font les musiciens, ce

que font les peintres. Les mots, l'image et la musique sont

ma matière, mon matériau. Et le poème est une façon deposer la question de pourquoi toutes ces choses-là. Laréponse, elle est peut-être dans la forme, dans cette transfor-mation d'un matériau qui es: la violence. Dans Nocturnes

de l'œil, il y a une partie qui m'a été inspirée par là guerre duGolfe. Ça s'intitule «Ah! que la nuit est jolie!», en mémoiredu vers d'Apollinaire «Ah! que la guerre est jolie!». Il y a

beaucoup d'ironie, même du sarcasme, dans ce titre-là et les

poèmes de la guerre du Golfe, je les ai écrits vraiment àchaud, parce que j'étais, comme tout le monde, devant mon

écran-téléviseur tous les soirs. C'est horrible quand on y

pense et la télévision fait ses beaux jours avec la souffrance

humaine. Alors c'était un peu à la fois ma réponse et maquestion, et puis ma révolte devant tout ça et mon impuis-

sance. L'expérience de Petites Fugues pour une saison sèche

est très différente. Dans Petites Fugues, il y avait une

angoisse, mais l'angoisse de quelqu'un qui a perdu lemoyen, l'instrument : j'ai perdu l'instrument que j'avaispour vivre — l'écriture comme telle. Et ça se ressent, c'estune sécheresse, c'est le désert. Les Petites Fugues sont aussiassez dures par bouts.

Les couleurs, qui jouent un rôle dans vos romans et dans

votre poésie réapparaissent dans Rendez-vous, place de

l'horloge, le recueil de nouvelles de l'atelier de créationlittéraire de l'Outaouais, atelier que vous dirigez. Qu'est-

ce que cette expérience apporte à votre écriture ?

L'atelier, pour moi, a été extraordinaire en ce sens quedepuis qu'on est sorti des murs de l'université, je me suistoujours considérée et j'ai voulu qu'on me considère comme

faisant partie de l'atelier. J'ai voulu faire ce que les autres

faisaient. Je les forçais, je les obligeais, je leur conseillaisd'écrire rapidement, sans se censurer, de laisser les mots

libres de faire l'univers qu'ils veulent faire. Et je trouve ça

très important. La dimension du langage, la dimension decette liberté que l'on donne aux mots, voilà ce qui fait ununivers littéraire : que les mots aient leur propre initiative et

que les mots créent un univers qui échappe aux lois del'univers réel. Ça je le dis aux gens avec qui je travaille, et jeme le dis à moi-même aussi. Je pense que je suis beaucoupplus libre maintenant dans mes textes littéraires, dans mesromans.

Vous êtes également la première écrivaine francophone à

participer au programme «écrivain dans les bibliothèquesen Ontario». En quoi consiste ce programme ?

L'écrivain est en tésidence. On lui offre un bureau.Chaque fois que je l'ai fait, surtout les deux dernières fois, à

Gloucester et à Cumberland, j'ai organisé des ateliers pour

pouvoir rencontrer des gens, parce que je m'étais rendu

compte qu'à la bibliothèque publique, même si elle est trèscentrale, les gens, par timidité, hésitaient à venir me voir.Les gens peuvent apporter leurs manuscrits. On leur fait

une critique, on leur donne des conseils. Alors ce pro-gramme d'«écrivain dans les bibliothèques» est très impor-tant pour l'Ontario français.

Et sur quoi travail lez-vous en ce moment ?

D'abord, je fais toujours des poèmes. J'ai constaté que

les poèmes, quand je n'ai pas beaucoup de temps, quand jesuis un peu bousculée, quand je suis en voyage, demandent

12 Fenmiesd'nctlon Avril 1993

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moins de préparation, de concentration, d'organisationqu'un roman. Et c'est très satisfaisant pour moi, c'est trèsapaisant, parce que ordinairement, quand je ne peux pasécrire, je suis de mauvaise humeur, angoissée, en ce sensqu'il me semble que c'est contre nature pour moi de ne pasécrire. Alors le poème est cette planche de salut. Et je suisen train de faire un roman. C'est peut-être celui que je faisavec le plus de plaisir. Chaque roman qu'on fait est tou-jours le plus grand, pour soi en tout cas, pendant qu'on lefait, parce qu'on oublie ce qu'on a fait avant. C'est unroman que je fais avec beaucoup de goût et qui est d'uneliberté absolue, parce que j'ai trouvé le personnage qui vaêtre ni plus ni moins que le narrateur, qui va être ni plus nimoins que celui qui écrit — parce que dans tous mesromans il y a quelqu'un qui écrit — celui qu'il faut que jetrouve le premier. Après ça, lui, il peut faire ce qu'il veut,moi, je suis le scribe, qui le suis.

Est-ce que c'est une femme ?

C'est encore une femme. Mais il y aura encore deshommes. C'est tout ce que je peux dire. Mais c'est unpersonnage que j'adore et je pense que les lectrices et leslecteurs vont l'adorer. Je l'espère.

Est-ce que vous trouvez le titre au début ou à la fin ?

Pour une fois — mais je ne peux pas le dire — j'aitrouvé le titre dès le début. Et ça se passe différemment detous mes autres romans, la façon dont j'écris. Je crois queça dépend en grande partie du fait que j'ai pu écrire despoèmes et du fait que j'ai pu participer à cet atelier. C'estcomme si j'avais acquis une nouvelle liberté dans l'écriture.

Margaret Michèle Cook enseigne au département des lettresfrançaises de l'Université d'Ottawa.

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Créé en 1973, le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme (CCCSF) a pour mandat de conseiller legouvernement et de renseigner le public sur des questions d'importance pour les femmes. Financé par l'État, leconseil est un organisme indépendant voué à la promotion de l'égalité pour toutes les femmes du Canada.

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1973*1993

Avril 1993 Fenimesd'action 13

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LA COULEUR DU FÉMINISME AU SÉNÉGA

T"l otoumata Sow est secrétaire executive de l'AssociationL des professionnelles africaines de la communicationI ' (APAC) et membredu seul groupe féministe du Sénégal,JL Yewwu Yewwi, fondé en 1984. Elle a profité de sonpassage au Canada en septembre 1992 dans le cadrede l'assemblée générale annuelle de Partenariat Afrique-Canada pour venir nous parler du mouvement féministeau Sénégal.

par Micheline Piché et Lucille Gaudet

Fatoumata Sow, qui sont les membres de Yewwu Yewwi ?

Il y a des musulmanes, des chrétiennes et d'autres librespenseures; des professionnelles pour la plupart : avocates,médecins, journalistes. D'autres sont étudiantes ou auchômage à l'heure actuelle. La moyenne d'âge est de 30 à35 ans. Toutes sont issues de milieux urbains, ont eu accèsà des études et font partie d'une catégorie quand mêmerelativement aisée comparativement à la grande majorité desfemmes. Nous fonctionnons par consensus, de façon trèsdémocratique. Toutes les femmes mettent la main à la pâte.

On s'est constituées autour du fait qu'on avait eu de lachance et qu'il fallait en faire bénéficier les autres; qu'il nousfallait partager avec d'autres notre compréhension, notreanalyse de la situation des femmes et essayer de mobiliserd'autres femmes et d'autres hommes pour aider à apporterdes changements au niveau de la situation des femmes.

Sur quel aspect de la condition des femmes votre orga-nisme met-il l'accent ?

On était pas intéressées par les changements économi-ques et sociaux même si on estime que c'est important, quec'est fondamental. On pense que dans notre contexte, il y atoute la problématique de l'oppression des femmes, laquestion culturelle qui est complètement évacuée pour destas de raisons parce que ce n'est pas très bon de s'interrogerlà-dessus quand la religion est très présente, quand latradition est encore très forte et appelle les gens à un retouraux sources. On s'est beaucoup mobilisées sur cette ques-tion-là d'autant plus qu'il y avait un mouvementfondamentaliste intégriste qui était très présent et qui luttaitaussi pour qu'on change les lois pour les conformer à la

charia musulmane.

Quels sont vosacquis ?

Nous avonsréussi à donner plusde visibilité à la lutteet à la cause desfemmes. Le 8 marsétait inconnu cheznous, sauf dans lesgroupusculespolitiques degauche. En tantque mouvementféministe on acontribué à faireque, aujourd'hui,le 8 mars estofficiellementcélébré dansnotre pays.On parle augouvernement,aux autres associations féminines, etc. de problèmes que lesgens ne voulaient pas aborder en public dans notre pays quece soit la question de la polygamie, de l'excision, del'oppression de la religion et des traditions ou celle de laviolence économique, sociale et conjugale faite aux femmes.On est arrivées à sensibiliser certaines catégories de lapopulation sur ces questions-là pour que ça ne puisse pluspasser inaperçu et que les gens puissent dire à chaque fois :

14 Feninusd'action Avril 1993

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«Ah ! Oui ! C'est vrai. H faut faire attention parce qu 'il y a lesféministes qui vont réagir. Il faut demander leur avis sur telleet telle question.» Donc, c'est un peu ça le mouvementYewwu Yewwi dans le contexte du Sénégal.

Comment votre mouvement est-il perçu par la populationen général ?

Il y a toute la question de la peur que suscite un mouve-ment féministe dans notre contexte parce que pour beau-coup de gens c'est nouveau. L'image que les gens avaientdes féministes c'était les suffragettes, les extrémistes prêtes àbrûler les soutiens-gorges, etc. Au début on a beaucouplutté pour dire que nous n'assumions pas les images trèsnégatives, très classiques que les hommes et les médias ontvéhiculées du féminisme. Notre féminisme, on tenaittoujours beaucoup à le dire. Nous sommes des filles duSénégal issues de la culture sénégalaise. Notre féminisme aun contenu bien sénégalais.

Vous accuse-t-on de subir l'influence des occidentales ?

Absolument. On nous dit tout le temps que noussommes occidentalisées. Pour les gens, on est pas typique-ment sénégalaises; notre discours n'est pas un discourssénégalais. C'est un discours d'occidentales. C'est parcequ'on est allées à l'école, qu'on sort, qu'on est en contactavec des occidentales qu'on véhicule ces idées. Nous leurrépondons que, pendant la colonisation et même avant lacolonisation, ce ne sont pas les occidentales qui sont venuesdire aux femmes ce qu'il fallait faire; elles se sont mobilisées;elles ont lutté. Notre histoire est remplie de luttes defemmes même si on ne les a pas mises sur papier. Notrecombat ce n'est pas le combat des autres. Nous n'assumonspas le combat des autres. Nous assumons notre proprecombat et il est contemporain. Maintenant, nous trouvonsune source d'inspiration dans le féminisme qui est la base denotre action. Mais, que notre féminisme soit né en occi-dent ne nous gêne pas parce qu'au fond c'est un héritage del'histoire universelle. Mais, ce n'est pas accepté. La presses'intéresse à nous parce que quelque part on leur apporte undiscours neuf, un discours tonique sur la situation desfemmes et qu'ils sont bien obligés de reconnaître que nosanalyses ne sont pas si mauvaises que ça. Mais, en mêmetemps, on les gêne. Ils ont peur.

Avez-vous de nombreux alliés en dehors de votre groupe ?

Énormément ! Ça, c'est dû au départ à la faiblesse dumouvement féministe dans le sens que le féminisme ne vapas mobiliser des centaines de personnes. Chaque foisqu'on devait faire une conférence ou une causerie, et ça,c'était une de nos forces, on arrivait facilement à avoir de

100 à 200 personnes dans une salle. Chez nous, c'est quandmême assez important. La manière dont on s'y est prisesc'est qu'on s'adressait aux gens individuellement. On avaitla possibilité de faire un communiqué à la radio ou dans lesjournaux, mais on disait que ça ne suffisait pas. Alors, ilsuffisait tout simplement d'envoyer une petite lettred'invitation, même quand elle était manuscrite à unepersonne, pour que cette personne se sente personnellementprise en compte par notre groupe. Le résultat était très fortparce que rapidement on s'est créé un réseau de relationstrès puissant plus composé d'hommes que de femmes quiétaient régulièrement présents à nos manifestations et quirâlaient quand on oubliait une fois de les inviter. Ça faitqu'on a une base d'une cinquantaine de personnes surlesquelles on peut compter à chaque fois quand on faitquelque chose. Maintenant c'est moins en termes demanifestations publiques comme cela se fait dans certainspays. La plupart de nos manifestations se font dans lessalles, dans des endroits fermés.

Décrivez-nous un peu la situation économique desSénégalaises, leur rôle dans l'économie du pays.

La situation est pire que ce qu'elle était. La récession quifrappe les pays est encore plus dure chez nous. Parce qu'il yavait déjà une situation de pauvreté globale et les program-mes d'ajustement et autres sont venus accroître la pauvreté.À l'heure actuelle, il y a des coupures au niveau des pro-grammes sociaux : la santé et l'éducation en sont desexemples. On assiste à un phénomène de déscolarisationdes femmes, parce qu'il y a de moins en moins de placesdans les écoles primaires. Les filles sont automatiquementcelles qu'on retient pour ne pas aller à l'école. C'est que lesfemmes doivent maintenant sortir de la maison pour gagnerleur vie et faire vivre la famille puisque les hommes netravaillent plus. Les petites filles sont gardées à la maisonpour s'en occuper pendant que leurs mères sont au travail.Au niveau de l'université, les filles décrochent maintenantplus facilement en raison du taux de chômage élevé; on apar exemple quelque 200 médecins chômeurs. Quand ellesont la possibilité d'avoir un petit emploi ou bien d'avoir unmari et de se contenter de ça, elles n'hésitent souvent pas àdécrocher. Toute une génération risque d'être condamnéeet, au plan économique, c'est donc une situation trèsdifficile pour là majorité des femmes et on assiste à unedégradation de leurs conditions de vie.

Comme organisme, commment répondez-vous auxbesoins socio-économiques des femmes ?

Quand une femme a des problèmes et vient nous voir,elle ne vient pas nous voir simplement parce qu'elle a un

Avril 1993 Femmtsd'action 15

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problème de violence avec son conjoint; elle a aussi un problèmeéconomique, un problème social; elle n'a pas à manger; elle n'a pasde quoi prendre le car pour venir rencontrer le groupe; elle ne peutpas téléphoner parce que très peu de domiciles ont des téléphoneset que dans une cabine la communication coûte l'équivalent de undollar. Donc, il y a des problèmes économiques incroyables et lesgroupes qui agissent au niveau des femmes sont confrontés à ceux-ci. Ces problèmes nous poussent à être assez créatifs, à développernos propres capacités, à essayer d'être autonomes, mais je penseque quelque part s'il y a possibilité d'avoir des appuis, ça facilite leschoses.

Quelles sont vos priorités actuelles et que voyez-vous pourl'avenir ?

On veut agir au niveau de la culture, de la conscientisation, desidées. On essaie d'être une structure d'alerte sur les questions quiconcernent la vie économique et sociale des femmes, sur la ques-tion de la planification familiale qui est un sérieux problème enraison du manque d'information, de l'insuffisance des structures.Dans notre société, la question de la violence commence à prendreune assez grande ampleur au niveau de son expression publique.Nous voyons avec les autres groupes de femmes les types d'actionsqu'on peut mener sur ce plan-là. Toute la problématique desdroits des femmes est aussi une priorité pour nous dans le sens oùnous avons des acquis extrêmement fragiles qui sont constammentmenacés. Notre participation à la démocratie en est une autre.Même s'il y a eu des acquis au Sénégal sur la question démocrati-que, il n'empêche que la participation des femmes au niveauinstitutionnel, des décisions et tout est encore très très faible. Onva mener une action incessamment sur le plan des élections, parcequ'on va avoir des élections en février et mai 1993, et on veut fairedu lobbying déjà auprès des partis politiques sur la question desfemmes dans leur programme politique, ce qu'ils proposent pourles femmes s'ils accédaient au pouvoir etc. Donc, ça aussi c'est unede nos priorités. Une autre de nos pistes de réflexion, c'est laquestion économique ou plutôt l'accès des femmes aux moyenséconomiques, au crédit en particulier.

Comment souhaiteriez-vous que les liens se construisent, sepoursuivent avec les groupes de femmes au Canada ?

Je pense que la solidarité est encore très faible dans le sens ou çase limite simplement souvent à des contacts assez personnalisés auniveau des institutions et que, globalement, il y a une ignorance unpeu de ce qui se passe dans l'une et l'autre société. Il y a donc unbesoin d'échange, de solidarité beaucoup plus important. Il y aaussi à travers la solidarité toute la question des échanges au niveaudes expériences, des connaissances, etc. Ça peut être les publica-tions, des visites de personnes, de groupes qu'on organise pour enmême temps en profiter pour faire des sessions de formation.C'est un aspect important qui manque souvent.

Je pense que, pour une solidarité internationaleon doit montrer un peu l'interdépendanceaujourd'hui de nos sociétés. Je me rends compteque, quelque part, nous du Sud on a souvent plusd'ouverture vers le Nord, plus de compréhensionque les gens du Nord vers le Sud. Je pense qu'il y a

quelque chose à faire à ce niveau-là .

L ' Université Laurentienneprésente un nouveau cours par formation à distance(PSYC 1200 FZ)

Connaissance de soiet reconnaissancedes acquis expérientielsCe cours sera offert à la session d'hiver1992 qui débutera en septembre et qui seterminera en avril 1993. Les étudiantset étudiantes intéressés pourronts'inscrire au cours à partir de juillet enutilisant les formulaires d'inscription del'Université Laurentienne.

Description du coursIntroduire la clintèle étudiante audomaine de la reconnaissance des acquisexpérientiels comme outil deconnaissance de soi et d'orientationprofessionnelle. Présentation desprincipes idéologiques etméthodologiques de la reconnaissancedes acquis. Élaboration d'un portfoliopersonnel. (6 crédits)

L'auteure et la responsable du cours estMarthe Sansregret, Ph.D.

Pour plus de renseignements au sujet del'inscription veuillez communiquer àl'adresse suivante :

Centre d'éducation permanenteUniversité LaurentienneChemin du lac RamseySudbury (Ontario) P3E 2C6

Téléphone (705) 673-6569Télécopieur (705) 673-6533

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La formation à distanceCentre d'éducation permanente

16 Femniesd'action Avril 1993

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Au cours de la dernière décennie, letaux de participation des femmesfrancophones à des programmesd'études postsecondaires s'est

nettement amélioré. Toutefois, cetaux est demeuré relativement faiblepar rapport à celui des femmes an-glophones. Des facteurs socio-écono-miques, le nombre insuffisant de pro-grammes offerts en langue françaisedans les établissements d'enseignementpostsecondaire de la province ainsi quel'attitude des Franco-Ontariennes faceà la poursuite d'études postsecondairesseraient à l'origine de ce retard.

par Andrée Lortie1

Dans l'Est ontarien, la création de La Cité collégiale en1989, a permis d'accroître de façon remarquablel'accessibilité des francophones et, notamment, celle desFranco-Ontariennes aux études collégiales. Les femmesforment maintenant 49 % de la clientèle inscrite à pleintemps aux programmes postsecondaires. À l'Éducationpermanente, cette proportion atteint les 68 %.

Au niveau postsecondaire, la présence des femmes esttrès marquée dans les domaines traditionnels :l'administration de bureau, les sciences de la santé, lessciences humaines et l'éducation des petits. On y retrouveune très grande proportion de femmes dans les programmessuivants :

Administration de bureauAgent de voyagesAssistance juridiqueFleuristeHygiène dentaireSciences infirmières et soins infirmiers auxiliairesSoins dentairesTechniques d'éducation spécialiséeTechniques des sciences du comportementTechniques du laboratoire médicalTravail social

93%

84%

85%

80%

93%

78%

100%82%

78%

78%

75%

Avril 1993 Fenmiesd 'action 17

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Par ailleurs, les femmes sont quasi absentes des domainesde la science et de la technologie. Elles représentent à peine1,5 % des personnes inscrites au programme Technologiedu génie électronique, 5 % du programme Technologie dugénie mécanique et 7 % du programme Techniques dugénie de la construction.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette absence.Historiquement, les femmes ont été dirigées vers des métiersqui leur étaient traditionnellement réservés (infirmières,enseignantes, éducation des petits, secrétaires, etc.).N'ayant pas été sensibilisées (ou très peu) aux autresmétiers existants, notamment à ceux reliés à la science et à latechnologie, elles ont manifesté peu d'intérêt pour cesdomaines. Par conséquent, elles ont relégué au second planles cours de sciences et de mathématiques dispensés auniveau secondaire.

L'absence de modèles

L'absence de modèles féminins joue également un rôleprépondérant. En fait, les jeunes femmes ont peu demodèles féminins auxquels s'identifier dans les domaines dela science et de la technologie. Nous croyons qu'uneprésence accrue des femmes dans ces domaines permettraitsans doute de sensibiliser davantage les jeunes femmes à lapossibilité de poursuivre une carrière dans des métiers nontraditionnels.

11 n'en demeure pas moins que la présence des femmesest plus marquée en informatique, en sciences del'environnement et en génie mécanique - fabricationd'outils.

INFORMATIQUEAdministration des affaires — informatiqueCommerce-informatiqueBureautique

fonctionnement de systèmes informatisesOpération d'ordinateursProgrammeur en informatiqueTechniques des systèmes informatiquesTechnologie des ordinateurs

SCIENCES DE L'ENVIRONNEMENT

TECHNIQUES DU GÉNIE MÉCANIQUEfabrication d'outils

II est plutôt difficile d'expliquer pourquoi les femmess'intéressent à ces domaines en particulier. Toutefois, ilpourrait s'agir d'une question de perception. En plus d'êtremieux connus de la population, ils sont perçus commeexigeant un apport physique inférieur à d'autres métiers et,en ce qui a trait à l'informatique, se rapprochent le plus dutravail de bureau.

Certains de ces programmes reflètent néanmoinsl'évolution technologique qui a marqué les professionstraditionnelles. Les programmes Commerce - informatiqueet Bureautique - fonctionnement des systèmes informatisésne sont peut-être que des formes évoluées des professionsreliées au secrétariat.

Par ailleurs, la gestion des petites entreprises sembleattirer un nombre sans cesse grandissant de femmes quiconstituent maintenant 63 % de l'effectif de ce programme.Ces dernières semblent également manifester un certainintérêt pour l'administration, le commerce (comptabilité,informatique et marketing), le journalisme et la conceptiongraphique.

Qui retourne aux études ?

Les femmes semblent de plus en plus retourner auxétudes après une période d'absence plus ou moins prolon-gée. Celles qui s'inscrivent au niveau postsecondaire sontgénéralement âgées entre 35 et 45 ans et font partie de laclasse moyenne. Elles ont en moyenne trois enfants et onttravaillé à la maison. Certaines sont chefs de famille etdésirent obtenir une formation pratique qui leur permettrade trouver un emploi rapidement. Elles sont motivées,organisées et veulent réussir.

Parmi celles qui reviennent aux études pour obtenirl'équivalent de la 12e année, 46 % ont entre 19 et 25 ans,alors que 19 % ont entre 26 et 30 ans et 15 % entre 31 et35 ans. Ces femmes sont, pour la plupart, prestatairesd'aide sociale (60 %) alors que 23 % occupent un emploi.Environ 9 % sont des femmes au foyer et 4 % reçoivent desprestations d'assurance-chômage. Soixante-trois pour centdes femmes ont des enfants et environ 37 % reçoivent del'aide financière visant à couvrir les frais de garderie. Qua-tre-vingts pour cent des femmes reçoivent de l'aide finan-cière pour défrayer les coûts du transport. Enfin, 65 % desfemmes appartiennent à la catégorie célibataire, divorcée,séparée ou veuve.

Certaines femmes qui ont déjà en main leur diplômed'études secondaires ou postsecondaires s'inscrivent à tempsplein à un programme de formation collégiale. En sciencesde la santé, environ 20 % de l'effectif étudiant est composé

18 Fenimesd'action Avril 1993

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de femmes qui ont fait un retour aux études. En étudesadministratives et commerciales, ce pourcentage estd'environ 5 %.

Défis que doivent relever ces femmes

Ces femmes, pour la plupart, ont été absentes du milieuscolaire et du marché du travail pendant quelques années oumême plusieurs années. Elles manquent de confiance enelles-mêmes et entretiennent des doutes quant à la possibi-lité de réussir leurs études. Ces femmes doivent acquérir uneplus grande confiance en elles-mêmes et se convaincrequ'elles ont la capacité de réussir. Étant donné qu'ellesallient souvent études et responsabilités familiales, il devientprimordial pour elles d'apprendre non seulement à mieuxgérer leur temps, mais également à résoudre leurs problèmesde garderie, de transport et d'adaptation à un horaire trèsexigeant (cours débutant très tôt le matin et finissant tard lesoir, stage, etc.). Enfin, elles doivent davantage faire preuvede flexibilité en s'intégrant à des groupes dont la moyenned'âge est plus jeune.

Défis de La Cité collégiale

Qu'il s'agisse d'accroître l'accessibilité des femmes et desclientèles non traditionnelles en offrant des programmes etdes horaires mieux adaptés à leurs besoins ou de fournir unenseignement mieux adapté en diversifiant davantage lesmodes de livraison, les défis ne manquent pas.

La Cité collégiale a donc lancé une série de projets quifavoriseront l'accès à la formation et le retour aux études.Les critères d'admission à chacun de ses programmes fontprésentement l'objet d'une analyse afin de s'assurer qu'ils nesont pas un obstacle sur le chemin des études, mais bel etbien un instrument permettant de savoir où la personne enest rendue dans sa formation. Elle est aussi à mettre sur pieddes mécanismes tels que la technique du porte-folio etl'examen des compétences qui lui permettront de reconnaî-tre les acquis expérientiels des personnes qui retournent auxétudes. Enfin, elle a revu les modes de prestation de sesprogrammes et poursuivi le développement des programmesofferts à distance. Des modules de formation seront intégrésaux programmes postsecondaires afin de permettre àl'étudiante de poursuivre sa formation par le biais d'uncheminement personnel et non seulement par une série decours à suivre.

Andrée Lortie est présidente de La Cité collégiale depuis sa création en1989. Elle est membre du Conseil de l'Éducation franco-ontarienne etsiège au Conseil du Premier ministre de l'Ontario sur le renouveauéconomique.

1. Adaptation de l'allocution prononcée par Andrée Lortie lors du dîner-causerie du Réseau socio-action des femmes francophones d'Ottawa-Carleton (RéSAFF) en septembre 1992.

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LES MURS DE NOS VILLAGES(poésie) JEAN MARC DALPÉLES MURS DE NOS VILLAGES(théâtre) THÉÂTRE DE LA VIEILLE 17Prise de parole publiera bientôt, en denouvelles éditions, ces deux grands classiquesde la «renaissance franco-ontarienne».

ÉRIC l'HANEUF 1 4 - 6 6 2 - S 3 9

D I S P O N I B L E C H E Z T O U S L E S

B O N S L I B R A I R E S

Avril 1993 Fenirtiesd'action 19

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loues au un

ie de JULIEpar Lyne Dion

Pour la plupart d'entre nous, le génie électriqueprojette l'image d'une discipline complexe,éloignée de notre réalité quotidienne. Maisquand on s'entretient avec Julie Patenaude,

on se rend bien vite compte que sa perceptionface à cette sphère d'activité ne colle pas à lacroyance populaire.

Le verbe facile, la jeune femme de 20 ans définit ainsi legénie électrique : «C'est quelque chose qui nous entoure àchaque jour. Si on peut aujourd'hui regarder la télévision, c'estparce qu'un ingénieur a un jour pensé au concept. La mêmechose quand on démarrre sa voiture, par exemple. »

Dans cette optique, elle aimerait bien que plus desensibilisation se fasse auprès de la population afin que celle-ci puisse saisir toute l'importance du génie électrique danssa vie de tous les jours et s'en faire «une image».

Pour Julie Patenaude, il suff i t maintenant de pousserplus loin son intérêt pour le génie électrique. C'estd'ailleurs chose faite puisque cette dernière poursuit desétudes de première année au département du Génie électri-que de l'Université d'Ottawa. «Dans le domaine du génie engénéral, on retrouve plus de femmes qu'avant, quoique leurprésence n'augmente pas autant que chez les médecins ou lesavocats, souligne Julie Patenaude. Les gens pensent qu 'il n'y aque des hommes machos qui exercent ces métiers et qu 'ilsvéhiculent des idées masculines. Il faudra du temps pourchanger les mentalités.». o

Et justement pour contribuer à la cause, la Fondationcommemorative du génie canadien 1989 décerne depuiscette date une bourse de 5 000 $ à des étudiantes douées engénie afin de les inciter à poursuivre leurs études. LaFondation recherche de plus des candidates qui se démar-quent par leur implication parascolaire et leur sens duleadership.

Le 5 novembre dernier, Julie Patenaude a été accueillieau Château Laurier à Ottawa où on lui a remis son chèquelors du Gala des prix du génie canadien du Conseil cana-dien des ingénieurs. Originaire de Vars dans l'est del'Ontario, la boursière pense bien se servir de ces fonds nonrenouvelables pour aider à défrayer son logement à Ottawaet acheter un ordinateur.

Une trentaine d'universités à travers le Canada ontchoisi une de leurs étudiantes inscrites au génie pour lesreprésenter devant le jury de sélection de la Fondation. Larécipiendaire de 1992 l'a finalement emporté sur deuxautres candidates. En acceptant sa bourse, Julie Patenaudes'est engagée à promouvoir les sciences du génie dans lesécoles primaires et secondaires. «Je devrai être un modèle»,précise l'étudiante. Pourtant, elle-même n'a pas connu demodèle féminin en génie.

Toutefois, sa famille l'a toujours appuyée dans sesdémarches. Quant aux enseignantes et aux enseignants del'école secondaire De La Salle à Ottawa, ils l'ont encouragéedans ses cours de sciences et de mathématiques. «Je n'ai paspensé à abandonner mes études en génie électrique, poursuitl'interlocutrice. J'ai décidé de me lancer dans ce programmeparce que j'aime ça et non pas parce que peu de femmes le font.Si je deviens une pionnière, et bien ce sera tant mieux.»

Lorsqu'elle quittera l'Université d'Ottawa, JuliePatenaude voudra œuvrer en tant qu'ingénieure. C'est larésolution de problèmes qui l'intéresse tout particulièrement

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Ies services de garde ontbesoin d'«une nouvelle vie»,d'«une nouvelle vision», unevision plus holistique qui en-

globerait les enfants, les familles,les communautés, les femmes,les hommes et la société engénéral.

un reportage de Denise Lemire

Cette vision reflète bien le titre de la conférence del'Association canadienne pour la promotion des services degarde à l'enfance tenue en octobre 1992 à Ottawa. Lesservices de garde des années 90 — Une cause qui nousrassemble..., un nous ouvert à nos responsabilités..., unnous qui n'exclut personne..., un nous qui invite la commu-nauté canadienne à travailler pour une même mission, pourdes objectifs réalistes et faisables...

De l'avis de Judy Rebick, conférencière principale etprésidente du Comité canadien d'action sur le statut de lafemme, «Les services de garde sont à une période des pluscritiques de leur évolution. Après des promesses gouvernemen-tales proactives, nous nous voyons en train de rétrograder oubien en train de tenter de changer les priorités du fédéral.Nous ne pouvons plus accepter la trop familière phrase «H n'ya pas [ou plus] d'argent». On ne répond pas aux besoins desfemmes. Présentement, les services de garde sont comme lafeuille d'érable qui cache le sexe d'Adam. On ne fait que du«rapiéçage».»

Les services de garde : un service public

Si on veut que les services de garde deviennent un atoutet une force pour le marché du travail, il ne faut plus qu'ilssoient perçus comme des services sociaux, mais bien commeun service public. L'infrastructure axée sur le travail collectif

CAMILLE P.P.

doit être solide afin de pouvoir répondre aux besoins del'enfant, de la famille, de la femme, des communautés, dumilieu des affaires, etc. Les liens entre les diverses compo-santes d'un système global d'appui doivent être bien définis.

Rita Chudnovsky, responsable des programmescommunautaires au collège Douglas, a insisté sur la néces-sité d'une «stratégie économique» dans la mesure où lediscours des années 90 porte davantage sur l'accessibilitéque sur le manque de places. Quant à Judy Daray, prési-dente du Syndicat canadien de la fonction publique, ellemet en cause le gouvernement actuel qui veut nous faire«choisir entre les services aux enfants abusés ou les servicesde garde». «Ilfaut donc, poursuit-elle, demeurer vigilantes,s'engager activement et détrôner le gouvernement conservateuraux prochaines élections.»

Monica Townsend, économiste très connue au Canada,indique qu'il faut reconnaître la participation des femmessur le marché du travail et non les pénaliser parce qu'ellesont des enfants. Les femmes qui décident de demeurer à lamaison sont pénalisées (p. ex. la pension doit être payée entriple lorsqu'elles retournent sur le marché du travail); lesfemmes qui travaillent à temps partiel ou à temps partagésont aussi pénalisées (p. ex. elles ont moins de revenus); deplus, celles qui retournent à leur travail souffrent habituelle-

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ment de stress. Sans l'appui soutenu et constant des servicesde garde, les femmes se retrouvent perdantes. Il faut donc«déféminiser la pauvreté» et «investir dans nos enfants».

Pour augmenter la qualité des services de garde autorisés,il faut offrir de meilleurs salaires et une meilleure formationau personnel, promouvoir une plus grande participation desparents aux conseils d'administration, établir des normesnationales qui tiennent compte de la diversité, offrir desservices de garde à but non lucratif seulement... Afin que lecoût des services de garde ne soit pas un obstacle, il fautenvisager diverses solutions telles que augmenter le nombrede places subventionnées et offrir davantage des services degarde en milieu scolaire et en milieu de travail.

«Quelle heure est-il politiquement au Canada ?»

Pour Tony Clarke, co-president du Réseau canadiend'action, cette question ne doit pas être ignorée. Nousavons été témoins de l'érosion du système social et demultiples débats auxquels nous ne sommes pas nécessaire-ment sortis gagnants et gagnantes (p. ex. la réforme desprestations familiales). Nous vivons un virage politique etnous devons lancer une offensive. Il est indispensable derebâtir le pays et l'économie, de reconnaître l'importance denos enfants pour le futur. Les défis politiques nous atten-dent et nous devons les remettre dans une perspective plus

globale. Par exemple, nous devons étudier les services degarde dans le contexte du libre-échange. On doit doncchanger notre façon de penser au niveau politique.

Pour contrer la pauvreté chez les enfants, il faut que lesservices de garde soient une composante intégrale d'unestratégie universelle. Les services de garde doivent s'intégrerdans un système cohérent afin de rendre plus efficace ledéveloppement économique, enrichir la main-d'œuvre etappuyer la famille. Il faut avant tout un leadership fédéralfort pour bâtir un tel système universel cohérent.

Épilogue...

Même s'il y avait de la traduction simultanée et que desefforts avaient été faits pour donner un ton bilingue à laconférence, nos personnes-ressources, nos modèles, nosmentors francophones n'étaient pas au rassemblement. Sepourrait-il que le nous n'ait pas su intégrer la composantefrancophone dans cette conférence. Imaginons-nous quel'avenir de nos enfants et de nos services de garde est assuré ?Qui payera le prix si nous ne nous mêlons pas de nosaffaires, et ce, au plus vite ?

Denise Lemire est une militante de longue date dans le domainedes services de garde. Elle est directrice de la recherche à la firmeBeaulieu et Lemire Consultation, Recherche et Formation Inc.

Le Plafond de verre(Dans la série Femmes et Travail)

Un film deSophie Bissonnette

Cinq femmes témoignentdes obstacles qu'ellesdoivent encore franchirpour obtenir l'égalité enmatière d'emploi.

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Office Nationalnational du film Film Boarddu Canada of Canada

22 Fenimesd"action Avril 1993

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Une a f fa i r e p i rappor e aux autres

ALBFEMHE.S&CTENT EN IWJBINE » DU CLAIRE DES HOMMESET 50DVQJT, ONT LES ENFANTS "A CUA.RGE

ujourd'hui, on évalue l'écart salarial entre les hommes et lesfemmes à 40 %. En 1 977, cet écart était de 50 %. Les change-ments s'effectuent dans le bon sens, lentement, mais sûrement.

par Louise Alain

Indéniablement, toutes et tous s'entendent à l'effet queles mentalités ont évolué depuis 30 ans, mais il faut admet-tre que c'est surtout le discours officie] qui s'est transformé.La discrimination directe et ouverte contre les femmes n'estplus admissible, mais la d i s c r i m i n a t i o n salariale, elle,persiste. À mesure qu 'augmenté le nombre de femmes sur lemarché du travail, les pressions pour un t rai tement salarialéquitable s'accentuent.

Pour esquisser un portrai t des mécanismes à la base del'iniquité salariale, il faut d'abord examiner la s t ruc tu re dumarché du travail, pour ensuite s 'attarder sur des variablessocio-économiques.

Sectorisation du travail

La structure du marché du travail n'avantage pasles femmes. En fait, elle perpétue la ségrégationprofessionnelle, par sexe, de tout l'éventail desemplois disponibles.

Selon une étude réalisée par la F.T.Q. en 1989,le marché du travail est divisé en ghettos d'emploismasculins et féminins. «Les hommes ont accès àprès de 330 catégories d'emplois dans lesquels ilssont en représentation major i ta i re , alors que les

femmes n'occupent qu'une vingtaine de catégoriesd'emplois où elles sont majoritaires1.»

Les deux tiers de l'effectif féminin sont concentrés dansdix emplois, dont le secrétariat, à 90 % féminin, le métierd'infirmière, à 94 % féminin, tout comme l'enseignementau niveau du primaire. En fait, 90 % des femmes sontregroupées dans 15 professions, alors que 90 % des hommesconcentrent leurs activités professionnelles dans 150 diffé-rentes catégories d'emplois.

On peut également regarder la sectorisation du marchédu travail d'un autre angle, celui des secteurs industriels. Là

[ ••-:':v:-?| Hommes

^H Femmes

SANTÉ BUREAUX SERVICES SANTÉ BUREAUX SERVICES

TABLEAU 1

RÉPARTITION (%) DES HOMMES ET DES FEMMES DANS LESTROIS SECTEURS D'ACTIVITÉ LES PLUS FÉMINISÉS, CANADA

Avril 1993 Feinmcsd'action 23

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100

80

60

40

20

0

aussi on constate un phénomène de «ghettoïsation»des femmes (voir tableaux 1 et 2). Après un exa-men de ces deux tableaux, on peut conclure qu'iln'y a pas de réelle «désexisation» des emplois,puisque les secteurs où traditionnellement onretrouvait le plus de femmes voient leur taux deconcentration féminine augmenter plutôt quediminuer. Il est vrai qu'on retrouve quelques«pionnières» ici et là, mais elles demeurent pour laplupart très isolées au sein de leur groupe de travail.

D'autre part, il ne faut pas oublier que lesfemmes se retrouvent souvent dans les emplois les TABLEAU 2moins qualifiés, les moins spécialisés, et les moins bienpayés. Les femmes entrent encore dans les secteursd'emplois masculinisés par la base, c'est-à-dire par lesemplois les moins valorisés, alors que les hommes quitravaillent dans les secteurs d'emplois féminisés sont encoreceux qui obtiennent les postes de pouvoir.

En réalité, la sexisation des emplois progresse; seuls sontvalorisés les emplois occupés par des hommes. Lorsque lesfemmes entrent dans un secteur en grand nombre, alorsqu'avant les hommes y occupaient la majorité des postes, cesecteur se féminise, et devient un nouveau ghetto féminin.La situation actuelle des femmes demeure relativementinchangée par rapport à celle qui prévalait au début de notresiècle. À cette époque, on reconnaît que «les femmes sontaussi présentes dans les petits commerces, les magasins et lesbureaux. Mais ces emplois sont assez valorisés pour que laprésence masculine y soit prépondérante2.»

À travail d'égale valeur...

Comme si tout cela n'était pas suffisant, quand lesfemmes prennent possession des anciens emplois masculins,elles obtiennent une rétribution de 10 % inférieure à celleque les hommes obtenaient. Cette forme de discriminationest basée exclusivement sur le sexe; c'est de la discriminationdirecte, qui consiste en une sous-évaluation systémique desemplois féminins.

C'est dire que le travail perd de la valeur lorsque ce sontdes femmes qui l'exécutent ! Cela revient aussi à dire qu'àtravail d'égale valeur, le salaire des femmes est inférieur àcelui des hommes. À titre d'exemple, parce que parlerd'équité salariale c'est forcément parler de chiffres, exami-nons les taux de salaires relatifs à certains types d'emplois.

Toujours selon l'enquête produite par la F.T.Q. en1989, voici les salaires moyens des syndiqués dans le secteurdu vêtement pour dames, en août 1989 :

iiill Hommes•Femmes

100

80

60

40

20

SCIENCES DIRECTION ETTRANSPORT NATURELLES ADMINISTRATION

SCIENCES DIRECTION ETTRANSPORT NATURELLES ADMINISTRATION

RÉPARTITION (%) DES HOMMES ET DES FEMMES DANS LESTROIS SECTEURS D'ACTIVITÉ LES PLUS MASCULINISÉS, CANADA

• UN MÉTIER MASCULIN

les coupeurs à 15,63 $ et 14,28 $

• UN MÉTIER MIXTE

les presseuses et les presseurs à 12,83 $ et 11,39 S

• UN MÉTIER FÉMININ

les opératrices à 12,46 $ et 11,10 $

• UN MÉTIER À MAJORITÉ FÉMININE

les auxiliaires à 7,55 $.

Selon une autre étude3, on évalue que dans le 40 %d'écart salarial entre les hommes et les femmes, 10 %provient de la ségrégation professionnelle, par sexe, dansl'éventail des emplois, 5 à 10 % provient de la discrimina-tion directe, basée exclusivement sur le sexe, alors que de 20à 25 % serait le fait de la troisième et dernière cause expli-quant la discrimination salariale : l'organisation sociale.

L'inconscient collectif

La discrimination salariale dont les femmes sont victimesest un mal social dont les racines sont profondes. Elle faitpartie de notre héritage culturel millénaire, celui que nous alégué notre cher système patriarcal. C'est une question deconditionnement, mais aussi de pouvoir; les femmes n'étantpas à représentation égale aux postes décisionnels impor-tants qui permettent de faire bouger un peu l'ordre deschoses.

En 1992, les rôles qui traditionnellement revenaient auxfemmes sont encore, en grande partie, de leur ressort; lafemme reste aux prises avec la double tâche de sa vie profes-sionnelle et des responsabilités familiales.

L'organisation générale de la société fait donc défaut auxrevendications égalisatrices des femmes. Même avec unescolarité égale aux hommes, parce que les femmes ont lefardeau de la famille et que la situation économique, ou leurbesoin d'autonomie, les pousse sur le marché du travail,souvent elles doivent diminuer leur nombre d'heures de

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24 Femmesd'action Avril 1993

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A' ngie Cormier est désavantagée au départ,

dans le monde de l'entreprise. Elle estjeune,elle est belle. « Dans mes relations d'affaires,j'ai à faire face à deux réactions en général.

Soit qu'on m'ignore totalement soit au contrairequ'on ait une réaction protectrice à mon égard,qu'on me trouve «cute», sans me prendre ausérieux. » C'est une attitude qui ne dure jamaislongtemps, car Angle Cormier fait rapidementses preuves et très tôt, on se rend compte qu'elleest non seulementjeune et belle, mais qu'elle estintelligente aussi.

par Jacinthe Laforest

Angle Cormier est propriétaire de la compagnie AcAConsultants, une firme de consultation et de formationdont elle est la seule employée. Elle a créé sa compagnie il ya trois ans, au moment où sa petite fille avait un an. Son filscommençait l'école et son mari venait d'obtenir un nouvelemploi. «Peux-tu t'imaginer l'année que j'ai passée ?»

La compagnie AcA Consultants détient la franchise pourl'île-du-Prince-Édouard, de Gestion par priorités, unprogramme éprouvé dans neuf pays. Angie Cormier aformé des quantités de personnes, tant du secteur publicque du secteur privé, à utiliser ce programme basé surl'acquisition de compétences. Avec un tel outil, explique-t-elle, il devient plus facile pour une personne de mesurer sapropre productivité surtout lorsqu'elle est difficilementquantifiable comme dans une manufacture.

Comment évalue-t-on un service ? Il y a toute unescience qui est en train de se développer et il faut faire trèsattention, avertit Angie Cormier. «Tu joues avec ce qu 'ily adans la tête des gens. Il y a un potentiel d'abus énorme, unemarge qu 'ilfaut savoir ne pas franchir. Jusqu 'à quel pointpeut-on pousser une société et des individus à être plusperformants ? Qui décide de quand ça arrête ?»

Angie Cormier est tellement consciente de ce problèmeque chaque fois qu'elle travaille avec un nouveau groupe depersonnes, elle les rassure en leur disant qu'elles n'ont pasbesoin de laisser les nouvelles technologies créer de nou-veaux standards pour elles, elles n'ont pas besoin d'être aussiperformantes qu'un ordinateur. Elles n'ont pas besoin nonplus de se laisser imposer toutes sortes de nouvelles techno-logies qui finissent par avoir des effets secondaires sur leurvie.

Angie Cormier a toujours cru qu'il est plus difficile pourune femme d'être en affaires que pour un homme. Elle lecroit encore : «Les choses sont toujours plus difficles lorsqu'onn'est pas mâle, blanc et anglophone.» Mais elle pense aussique le climat social est en train de devenir plus favorable.Le changement s'opère lentement. L'arrivée des femmes surle marché du travail a rendu plus humain l'environnementprofessionnel.

« Avant l'arrivée des femmes sur le marché du travail, onparlait beaucoup moins de qualité de vie. Les femmes appor-tent avec elles une réalité différente, une expérience qui n 'a pastoujours été valorisée, mais qui va finir par compter beaucoupsur le marché du travail», estime Angie Cormier.

Avril 1993 Feiwiiesd'actlon 25

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À l'île-du-Prince-Édouard, les deux partis politiques

principaux sont menés par des femmes. «Ça.fait une

différence.» Angle Cormier sourit à la pensée de ces femmes

qui aborderont la ménopause en pleine forme, en pleinesanté, instruites et éduquées. «Elles vont changer le monde»,

dit-elle.

L'une des spécialités de AcA Consultants est la forma-

tion et la préparation de plans de formation à court et long

termes pour des entreprises ou des organismes divers. Parcequ'elle suit elle-même des cours, Angle est bien placée pour

savoir qu'en général, les programmes sont préparés par deshommes, pour des hommes et pour répondre à leurs be-soins. En général, les hommes qui se lancent en affairesauront une mise de fonds plus substantielle, ils auront uneentreprise bien visible et des employés à diriger.

Les femmes au contraire ne disposent généralement pas

d'argent pour une mise de fonds importante. Souvent, elles

choisissent de commencer petit, à la maison, et de faire leurs

preuves lentement mais sûrement.

Angle Cormier a fait partie du Comité consultatifprovincial sur la situation de la femme à l'île pendant

plusieurs années. «Nous, on savait que les programmes deformation et les programmes de subvention et d'aide àl'entreprise étaient discriminatoires envers les femmes, mais

comment fait-on four prouver cela ?»

Finalement, tout récemment, le ministère de l'Industrie

provincial a modifié deux de ses programmes d'aide auxentreprises. Pour l'un de ces programmes, ils ont diminuéla mise de fonds nécessaire pour avoir droit à l'aide finan-

cière. L'autre programme, un programme d'aide à

l'immobilisation, accorde maintenant des fonds pouraménager ou agrandir une maison familiale en vue d'y

ouvrir une entreprise. «Tu te rends compte ? Il était possible

d'avoir de l'argent pour construire une grosse usine, bien

voyante, avec plusieurs employés, mais on ne pouvait obtenir

un sou pour aménager une maison et créer une petite entre-

prise. »

Angie Cormier était tout a fait satisfaite de pouvoir direque depuis ces changements, le nombre des demandes estpassé de 6 % à 23 %• «Ce sont des femmes qui font applica-tion. Il n'est pas besoin de mentionner que lorsqu'Angie prépare

un plan de formation pour des femmes, le matériel est adapté àleurs besoins et à leur réalité. »

Angie Cormier a des exemples plein la tête d'attitudes

discriminatoires. «Je suis allée à des sessions où les animateursdonnaient tous les trucs possibles pour exploiter les employés :

embauche à temps partiel, sur une base temporaire, sans

avantages sociaux. Ce sont les femmes qui tombent dans ce

genre d'emploi, parce qu 'elles n'ont pas le choix. Et ce sont ellesqui, les premières, perdent leur emploi.»

«Moi, je pourrais m'embaucher du personnel à 4 $ de

l'heure et l'exploiter comme autant d'esclaves.» Mais Angie

Cormier refuse de renier ses principes et de jouer ce jeu

pour le plaisir d'agrandir sa compagnie. D'ailleurs, ce n'est

pas ce qu'elle vise. «Des occasions se sont présentées, je les ai

refusées, parce que je ne veux pas voir ma compagnie grandir

au point que j'en perdrai le contrôle. Je vis selon mes principes

et je refuse de plier. D'une façon, cela me complique la vie.»

Même si ses principes lui compliquent la vie, AngieCormier ne regrette rien. «Je n'ai pas créé ma compagnie pourfaire un pilot d'argent. Je voulais me créer un emploi. J'ai

vécu mon entrepreneurship à son plein potentiel depuis la

première journée. Je pourrais fermer demain et je serais

contente. Je ne serais pas nécessairement considérée comme un

succès. Je n'aurais peut-être pas le certain chiffre d'affaires, le

certain nombre d'employés, mais j'aurai vécu selon mes princi-

pes. »

Les principes d'Angie Cormier ont aussi compliqué savie personnelle et sa relation avec son mari, AubreyCormier, lui-même refusant de plier devant quiconquemenace ses principes de francophone. Après beaucoup dediscussion, chacun en est arrivé à respecter les principes de

l'autre et à les faire siens.

Angie Cormier croit que l'avenir est là. De plus en plus,prédit-elle, on verra des couples équilibrés et partenaires enamour comme en affaires. Elle considère le couple Clinton

qui vient d'entrer à la Maison Blanche comme un bon

signe. «C'est lorsque les hommes et les femmes auront trouvé

leur égalité au niveau du couple que les choses vont changer.»

Jacinthe Laforest est rédactrice au journal La voix acadienne.

La librairie Trillium,complément du verbe lire

321, rue Dalhousie, Ottawa (Ontario) K1N 7G1 (613) 236-2331

26 Femmesd'ftetio, Avril 1993

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Pauline Bissonnette, femme de carrière, mère,épouse, est l'une des rares femmes franco-phones à avoir accédé à un poste de cadresupérieure au gouvernement fédéral, c'est-

à-dire à faire partie de la catégorie de gestion(EX) (voir l'encadré). Cette Franco-Ontarienneoriginaire de Kapuskasing est présentement di-rectrice des finances et de l'administration àCondition physique et sport amateur Canada, unorganisme qui relève d'un ministre d'État tout enfaisant partie de Santé et Bien-être social Ca-nada.

par Lucille Gaudet

Pauline Bissonnette, comment êtes-vous entrée au gouver-nement fédéral ?

J'ai commencé ma carrière au gouvernement à l'âge de19 ans. J'étais en train de finir mon cours prémédical àl'Université d'Ottawa sans aucun espoir d'entrer à la facultéde médecine faute de pouvoir obtenir des bourses. J'aiquitté l'université pour aller travailler comme dactylo dansune centrale dactylographique au gouvernement fédéral.C'était mon premier emploi et j'y suis restée quatre mois.C'est seulement après avoir suivi un cours d'informatiqued'un an en programmation d'ordinateurs dans une écoleprivée et travaillé pendant six mois comme programmeuredans l'industrie privée que je suis retournée au gouverne-ment comme commis. Par la suite, je suis devenue agented'administration (AS) et c'est à ce moment-là, à l'âge de22 ans, que je me suis inscrite au cours de RIA (RegisteredIndustrial Accountant) maintenant devenu CMA (Compta-ble en management accrédité). Ces cours étaient offerts parcorrespondance. Ça m'a pris quatre ans, à temps partiel lesoir plus une session de trois mois à temps plein la dernièreannée de mon cours pour obtenir mon diplôme.

Comment trouviez-vous le temps d'étudier ?

Je suivais des cours et je devais en même tempsm'occuper de ma fille. Ça n'a pas été facile. Je croyaisqu'un bébé ça ne pleurait pas, mais ma fille pleurait 20heures par jour pendant quelques mois en tous les cas. Jebrassais le carosse avec mon pied et j'étudiais en mêmetemps. Je travaillais le jour; je m'occupais de la maison. Jeme couchais souvent à trois heures du matin. J'étais vrai-ment décidée. Etudier n'était pas un gros fardeau pourmoi; j'ai toujours aimé étudier.

Pourquoi avoir choisi les finances ?

Je n'aime pas les chiffres tant que ça; j'aime mieux lesconcepts de comptabilité. C'est pour cette raison que je n'aijamais voulu devenir une comptable agréée qui travailledavantage au niveau de la vérification et des chiffres. Unecomptable en management travaille beaucoup plus engestion que dans les chiffres. Il faut quand même être trèsbonne dans les chiffres pour déchiffrer un état financier etêtre capable de relever les erreurs.

Avril 1993 Fenimed'action 27

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Comment êtes-vous devenue cadre supérieure ?

J'ai eu plusieurs emplois dans le domaine des finances etde l'administration dans différents ministères. Aux Com-munications, par exemple, je faisais de l'informatiqueappliquée. J'étais chargée du projet d'informatisation dusystème financier du ministère, mais, une fois le projetterminé, j'ai voulu retourner en comptabilité. J'ai obtenuun poste d'analyste de politiques financières au Bureau ducontrôleur général qui fait partie du Conseil du Trésor;j'avais alors 37 ans. Je savais qu'en allant y travaillerj'aurais de bonnes chances de devenir cadre supérieure.C'est un endroit où il y a beaucoup de femmes cadres à desniveaux assez supérieurs comparativement à d'autres minis-tères. Après un an, on m'a demandé de travailler, commechef de projet, à l'informatisation du système financiercentralisé du gouvernement. J'ai accepté. C'est donc encombinant mon expérience en informatique et en financesque je suis devenue cadre supérieure.

Selon la Commission de la fonction publi-que, il y avait en 1984,4281 postes de hautedirection; de ce nombre 299 étaient occupéspar des femmes tant anglophones que fran-cophones et 71 par des femmes francopho-nes. Sur une période de sept ans, la pré-sence des femmes s'est accrue gra-duellement.

En 1991, sur un total de 4 313 postes de cadressupérieures, 696 étaient occupés par des fem-mes et, de ce nombre, 172 étaient des francopho-nes.

Ces statistiques s'appliquent aux fonctionnai-res qui font partie de l'univers de la Commissionde la fonction publique, soit 217 818 fonction-naires ou 41,1 % de l'effectif total del'administration publique fédérale. Dans cet uni-vers, en 1991,0,08 % des fonctionnaires étaientdes femmes francophones cadres supérieures.

Pourquoi avez-vous quitté le Conseil du Trésor pour allertravailler à Condition physique et sport amateur ?

Cela faisait déjà quatre ans que j'étais au Conseil duTrésor, et j'avais le goût du changement, d'un nouveau défi.Il y a vraiment un dicton qui dit qu'au Conseil du Trésor, situ es là plus de quatre ans tu es étiquetée. Si tu essaies deretourner dans un ministère, on te dit que tu es habituée àla tour d'ivoire, que tu ne sais pas comment travailler avec levrai monde, de vrais programmes. C'est ce que je retrouveici. Je suis la seule femme cadre supérieure, mais il y aquand même des femmes dans des postes de cadres intermé-diaires à des niveaux assez élevés. Même si en général j'ai étébien accueillie, j'ai quand même remarqué une certainerésistance au fait que je sois une femme et une francophone.Quoi qu'il en soi, si on a confiance en soi, on ne s'en faitpas plus qu'il faut si les gens se plaignent parce qu'on estune femme.

Quel rôle jouez-vous auprès des autres femmes ?

Je les encourage à suivre des cours si elles en manifestenrle désir, tout comme j'encourage les hommes d'ailleurs. Jeles aide, par exemple, avec leur curriculum vitae ou je leurdonne des conseils sur la façon de se présenter en entrevue.Je veux que mes employés, autant les hommes que lesfemmes avancent, qu'ils réussissent. Je ne suis pas du genreà vouloir qu'ils restent toujours avec moi, à avoir peur qu'ilsen apprennent trop et qu'ils s'en aillent. Je suis très fièrelorsque mes employés ont des promotions. Il n'est pas rare,surtout dans la communauté financière, qu'on soit denouveau appelés à travailler ensemble plus tard dans notrecarrière. Il y a une très grande rotation dans le gouverne-ment. Un de tes employés peut très bien devenir un de teschefs.

Est-ce important pour vous d'acquérir de l'expérience dansdifférents postes ?

C'est bon de bouger. Je ne dis pas de changer d'emploitous les ans. De toute façon, lorsqu'on accepte un poste decadre supérieure, l'engagement est pour deux ans au mini-mum. Mais, pour vraiment avancer, il faut bouger, il fautprendre des risques, essayer des choses par soi-même.

Comment envisagez-vous l'avenir ?

Je ne suis pas du genre à planifier ma carrière des annéesd'avance. En ce moment, mon emploi est intéressant. Il y abeaucoup de travail à faire, plusieurs postes à combler. Jeveux que mon organisation soit stable, réparer les chosesqu'il y a à réparer, établir des procédures, etc. Un de mesdéfis, c'est que mon personnel soit capable de prendre larelève, qu'il fasse vraiment du bon travail.

SUITE À LA PAGE 34

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L a Franco-Ontarienne Rochelle Labelle publieToken Recourse, un livre dénonçant la discri-mination et la violence dont sont trop souventvictimes les femmes sur le marché du travail

par Johanne Lauzon

Elle a les yeux bleu-gris aussi vifs que sa parole. RachelleLabelle a choisi de parler, de dire tout haut ce que bien desfemmes ont mal à dire. Parce que les mots équivalent biensouvent aux maux qu'elles portent, silencieuses.

Rachelle Labelle pourrait avoir une histoire comparableà tant d'autres. En 1983, des fonctionnaires l'invitent àposer sa candidature à un poste d'administratrice au seind'un groupe de travail relevant du Conseil du Trésor. Cequ'elle fait avec enthousiasme. Elle obtient le poste et seretrouve donc responsable de gérer budgets et personnel desoutien. C'est là que les problèmes se pointent.

Les secrétaires contestent le leadership de cette «boss»francophone. Difficile pour elles d'accepter qu'une Franco-Ontarienne leur impose quoi que ce soit parce que,d'ajouter Mme Labelle, «la plupart des femmes canadiennes-anglaises voient les francophones comme des servantes, desfemmes de chambre» plutôt que comme des partenaires detravail.

Jusqu'ici l'histoire n'a rien d'incroyable. Pourtant,l'atmosphère tantôt malsaine devient vite insupportable.Un véritable cauchemar. Des gens de la direction se mettentà exercer des pressions sur elle, en la traitant comme uneemployée subalterne. Ici, un supérieur exige que le café soitfait, là, un employé de soutien refuse de l'aider à unetâche... «Il m'avait dit qu 'une femme ne lui dirait jamais quoifaire !», s'exclame-t-elle.

La zizanie s'installe parmi les secrétaires qui refusent toutsimplement de devoir lui répondre. «Cela fait partie duprocessus de discrédit. Dans ce sens-là, les grands patrons

PHOTO : JOHANNE LAUZON

cherchent plutôt à détourner l'attention d'eux», explique-t-elle.Ainsi, pendant que les dames se prennent aux cheveux, leshommes disposent... et s'arment. Et, de poursuivre MmeLabelle, «après, on n 'a qu 'à dire que les femmes sont tout à faitincapables de s'entendre, donc d'assumer de plus grandesresponsabilités». Donc, adieu les promotions !

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Rachelle Labelle n'avait encore rien vu. Un jeune

employé à l'entretien va même jusqu'à la harceler chez elle.

À répétition, le ruban de son répondeur automatique est

rempli de messages haineux, intimidants. Mais elle ne selaisse pas intimider même si, parfois la peur la tenaille.

Elle se plaint bien sûr. Mais la direction, comme c'est le

cas dans d'autres services gouvernementaux, préfère resterles bras croisés. Après quelques mois, son posted'administratrice à l'agence gouvernementale est toutsimplement aboli. Mutée ailleurs dans la fonction publi-que, elle reste en selle, décidée que justice se fasse.

«J'ai lutté professionnellement à l'intérieur pendant quatre

ans. J'ai passé devant toutes les commissions d'enquête, devant

toute cette bureaucratie contrôlée par le gouvernement», dit-

elle avec émotion. Elle épuise vite tous les recours : service

des ressources humaines, syndicat, commission d'enquête...

La Commission de la fonction publique et la Commis-

sion des droits de la personne, qui sont des sociétés d'Etat,ne l'ont pas encore entendue. Ni elle, ni ses propres té-moins. À la Cour d'appels, ses démarches n'ont guèredonné plus de résultats.

Selon elle, il existe encore trop d'occasions pour ce

système d'enquête, relevant du gouvernement lui-même,d'acheter les témoins, de protéger les infractions. C'est en

quelque sorte au jeu du chien qui court après sa queue quese prête l'appareil régissant les abus dans la fonction publi-

que...

«C'est typique : le système cherche à ridiculiser. On va

même bâtir des dossiers contre les plaignantes pour leur enlever

toute crédibilité. Et on enlève donc l'importance des infractions

commises», laisse-t-elle tomber.

Avec le recul, elle le dit sans ambages, «une femme ne

peut y arriver seule» devant la grosse machine. Elle y a

presque laissé sa santé en plus de perdre un conjoint et de

gaspiller ses économies — plus de 10 000 $ et quelques

mois de salaire — ... «J'étais complètement ruinée finan-

cièrement, émotivement, physiquement...», dit-elle en passant

la main dans ses cheveux.

Après une telle épreuve, rendue publique en dernier

recours, elle doit renoncer à une carrière dans la capitalenationale, là où elle est née. Elle plie bagage en 1988.Direction : Montréal. C'est là qu'elle refait sa vie, retrouve

son identité.

C'est loin des siens — et des autres — qu'elle prend laplume pour se raconter, pour exprimer les femmes à traversune histoire. La sienne. Celle de milliers d'autres qui ont

connu l'injustice, la discrimination, parfois même la vio-

lence. Elles ont essayé de crier, de combattre, mais bien

souvent elles ont dû se taire pour pouvoir tout simplement

continuer à travailler, même ailleurs...

L'année 1991, consacrée pleinement à l'écriture, donnenaissance à son premier bouquin : Token Recourse. Aprèss'être trimballée d'une maison d'édition à l'autre avec sonouvrage sous le bras, la nouvelle auteure décide d'allerjusqu'au bout, toute seule. Les éditeurs lui demandantd'apporter encore trop de retouches à son manuscrit.

C'est ainsi qu'à 39 ans, elle met sur pied sa propre

entreprise, Partners in Works/Partenaires au travail avec sonconjoint et se met définitivement à l'édition informatisée.

Et à la fin de l'été 1992, le produit est sous presse. Décidéeplus que jamais, elle frappe aux portes des librairies... et

réussit à décrocher quelques entrevues auprès des médias.Question de mousser les ventes. Depuis, elle s'est mise à la

tâche pour sortir la version française de son ouvrage qu'elle

compte bien achever pour le début de l'été.

La mésaventure de Rachelle Labelle se distingue bien detous ces faits divers que l'on trouve dans les pages desquotidiens. Elle n'a pas voulu y rester confinée justement...

Pour que ce ne soit pas un quelconque fait anodin, réperto-rié parmi des statistiques anonymes. Elle a fait en sorte que

ce qu'elle a vécu serve à quelqu'un, soit d'une certainemanière porteur d'espoir.

Si elle n'avait qu'une chose à dire à toutes ces femmesvictimes d'abus au travail, elle leur dirait de ne pas baisserles bras. «Il faut parler immédiatement. Si cela t'empêche de

faire ton travail, il faut le dire. Prendre bien soin de toutmettre par écrit et d'en envoyer des copies aux personnes

compétentes», précise-t-elle en relevant la tête.

En outre, les femmes victimes de discrimination ne

doivent pas remettre en question leur potentiel. «Ce n'est

pas la capacité de s'entendre avec les autres ou la capacité de

faire le travail qui doit être remise en cause...»

Peut-on s'imaginer que Rachelle Labelle a réellementperdu ? Déjà, elle a presque gagné la partie contre les grands

pouvoirs. Parce que sa voix ne pourra plus se taire... Atravers son personnage de Danièle Laflamme, dans Token

Recourse, sa quête d'un monde sans discrimination ne se feraentendre qu'avec plus d'élan.

Johanne Lauzon est journaliste indépendante à Montréal.

30 Fenmiesd'aaion Avril 1993

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P L A F O N D

T e plafond de verre, un court métrage docu-I mentaire de 30 minutes réalisé par SophieI j Bissonnette, est le premier film de la sérieJU «Femmes et travail», une initiative du Pro-gramme fédéral des femmes en collaborationavecleprogramme Regards defemmes de l'ONF,le Studio D et différents ministères et organismesfédéraux.

par Manon Henrie

La problématique au cœur du f i lm de SophieBissonnette Le plafond de verre, l'égalité des sexes en matièred'emploi, ne nous est certes pas étrangère. Non seulementle problème des inégalités, voire même des injustices au seindu marché du travail persiste-t-il, il semble également s'êtretransformé. Les lacunes sont souvent voilées, parfois mêmemasquées par le succès apparent de quelques-unes. Qu'enest-il de tout l'effort déployé afin d'instaurer différentsprogrammes d'accès à l'égalité ? N'ont-ils point le succèsespéré ?

Le plafond de verre traite de deux formes de discrimina-tion qui continuent malgré les beaux discours et les grandesmesures. On parle d'abord d'une discriminationsystémique, difficile à dépister et d'une résistance souventmoins subtile à la présence des femmes sur le marché dutravail.

Sophie Bissonnette nous fait rencontrer cinq femmesvictimes de ces formes de discrimination. Marie, diplôméeen électronique, ne peut décrocher d'emploi dans sonchamp d'expertise. Sachant qu'elle est une femme, onchange soudainement les critères de sélection ou à l'autreextrême, on lui répond qu'elle est beaucoup trop qualifiée.

Catherine est secrétaire. Son patron exige qu'elle remplisseplusieurs fonctions supplémentaires sans lui accorder decompensation financière. Elle demeure donc l'employée lamoins bien rémunérée, tandis que sa charge de travail necesse d'augmenter. Nicole est directrice de création dansune agence de publicité. Sa réalité de mère est ignorée. Onexige d'elle une énergie, un pouvoir surhumain. Luce estgestionnaire à la fonction publique. Elle est exclue du cerclede discussion que forment entre eux les hommes du «OldBoy's Network». Certains de ses subalternes masculins,gênés par son leadership, refusent de mener à bien les tâchesassignées. Aline est la seule femme à l'usine de meubles oùelle travaille comme opératrice de machinerie. Elle a apprisà vérifier sa machine après chaque pause pour y déceler lessignes de sabotage.

Le marché du travail est parsemé d'embûches. Lesemplois dits féminins sont clairement sous-évalués. Lessalaires sont peu élevés et, lorsqu'on est seule à subvenir auxbesoins de sa famille, un travail bien rémunéré est vital.Pour ce qui est des métiers non traditionnels, peu defemmes présentent leurs candidatures. De plus, pour êtrereconnue l'égale de ses collègues masculins, il faut être plus

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productive, plus compétente et plus rapide qu'eux.

Nous sommes entrés, semble-t-il, dans une ère nouvelle.Le mouvement féministe fête ses vingt ans. Pourquoipenser que la lutte est terminée ? Avons-nous quelque partcesser de vouloir que les choses changent à fond ? Avons-nous trouvé un certain confort dans le tiers-succès ? Le titreLe plafond de verre est pour moi riche d'un message trèsimportant. On croit dur comme fer au progrès, mais au-dessus de nos têtes s'est installé un plafond de verre. Enregardant vers le haut, on constate qu'il reste un bon boutde chemin à faire.

Dans les dernières minutes du film, des femmes unies etsolidaires manifestent sur la place publique et revendiquentl'égalité. Ce sont ces images qui m'ont fait voir ce queSophie Bissonnette espérait que l'on comprenne. On sedoit de franchir cet obstacle presque invisible qui nouspousse à s'attarder. Continuons à demander de meilleuresconditions de travail pour les femmes, à exiger l'égalité !Une fois pour toutes, qu'éclaté en mille morceaux ceplafond de verre qui nous retient !

Manon Henrie est étudiante en communications sociales àl'Université d'Ottawa.

Le "COMMUNIQUE'Une revue publiée par

l'UNION CULTURELLEdes

FRANCO-ONTARIENNESquatre fois par année

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32 Fentnusd'action Avril 1993

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i voir la bosse des affaires et être capable de»l communiquer sa passion des investissementsf\ financiers à d'autres femmes, c'est ce quii. A caractérise Renée Rivard. Cette femmed'affaires de l'Alberto a réussi à convaincre ungroupe de femmes de mettre leurs ressourcesfinancières en commun pour former un clubd'investissement. Est-ce la formule magique pourpermettre aux femmes de réussir en affaires ?

par Mireille Vézeau

Native de Beaumont, un petit village francophone ausud d'Edmonton, Renée Rivard commence sa carrière engestion en 1976. À titre de consultante, elle doit identifierles problèmes des entreprises et apporter des solutions. Ellese rend vite compte que le marketing est un secteur trèsnégligé et décide donc de créer sa propre compagnie demarketing. Son entreprise fonctionne bien, mais les activi-tés sont considérablement ralenties lors de la récession.

Loin de se décourager, Renée se tourne vers son réseaude contacts. On lui propose de se lancer dans des projetsqui demandent de bons investissements financiers. «Jen 'avais pas les moyens d'investir un gros montant et je n 'osaispas aller à une banque pour emprunter 150 000 $. Je nevoulais pas prendre ce risque, alors j'ai pensé à regrouper desgens qui me connaissaient et qui avaient confiance en moi.Nous avons mis notre argent en commun pour acheter uncommerce et un immeuble. »

Forte de son expérience de gestionnaire, Renée se voitconfier la responsabilité de faire des projections financières àlong terme des investissements de ses partenaires. C'est ellequi étudie tous les scénarios : les meilleurs comme les pires.

Un club d'investissement composé de femmes

«Imaginez le pouvoir de 100 femmes qui se regroupent etqui disposent chacune de 25 000 $. C'est exactement le butd'un club d'investissement», de souligner Renée Rivard.

Après avoir réuni des femmes et mis en commun lesavoirs financiers, il faut décider des membres qui formerontle bureau de direction. Il faut consulter des courtiers encommerce ou des courtiers en immeuble qui ont descompagnies ou des édifices à vendre. Il faut éplucher lesjournaux pour découvrir ce qui est disponible sur le marché.Lorsqu'on a identifié une compagnie qui nous intéresse, ilfaut rencontrer le vendeur et exiger de voir tous les livres.«Demander à voir les états financiers des trois dernières annéeset surtout ne touchez pas à une compagnie qui n 'a pas un baild'au moins cinq ans parce que ça prend de deux à trois anspour payer l'hypothèque», recommande Renée Rivard.

Le bureau de direction d'un club d'investissement nedevrait pas être composé de plus de cinq membres quis'occupent de la bonne gestion des investissements desautres membres du club. Chacune peut se spécialiser enfonction de ses intérêts et de ses aptitudes : recherche de

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nouveaux investissements, développement, marketing, etc.Il est souhaitable que certaines femmes dans le groupe aientune bonne expérience de gestion.

Selon Mme Rivard, les profits réalisés par le clubd'invesrissement peuvent servir à offrir des prêts aux fem-mes qui souvent ont des difficultés avec les banquiers.

Ce n'est que si le club prend de l'expansion après avoirfoncrionné pendant un certain temps qu'il faut songer às'incorporer et à s'assurer les services d'un avocat et d'uncomptable.

«Avant de vous lancer dans l'achat d'un restaurant, parexemple, parlez aux propriétaires d'une cinquantaine derestaurants, à leurs employés et à leurs clients pour vous faireune idée du pourcentage d'affaires, des coûts de la main-d'œuvre, etc. pour recueillir le plus d'informations possible», depréciser Mme Rivard.

Se découvrir des capacités de femmes d'affaires

Plusieurs femmes sont craintives à l'idée de se lancerdans une pareille aventure. Mme Rivard en sait quelquechose après avoir passé plusieurs nuits sans sommeil. Éleverdes enfants, être membre de comités de parents, faire dubénévolat, c'est autant de travail que d'évoluer dans lemonde des affaires.

Un bon truc pour se constituer un dossier de crédit dansune banque est d'emprunter d'abord un petit montant pourse familiariser avec le système financier. «Si vous n'êtes passatisfaite du banquier que vous rencontrez, allez en voir unautre et poursuivez votre magasinage», suggère-t-elle.

En période difficile, Renée Rivard proposait sesservices de gestionnaire aux gens qu'elle connaissait. Elleretournait aussi à ses livres. «En réétudiant, je me rendaiscompte que je savais beaucoup de choses dans ce domaine et jereprenais alors confiance en moi.»

Mireille Vézeau travaille en information pour la radio de Radio-Canada à Edmonton, Alberta.

Suite de la page 28 - Pauline Bissonnette

Avez-vous un style de gestion qui vous est propre ?

Un de mes motos, c'est que n'importe qui dansl'organisation devrait pouvoir prendre des vacances quand ilen a besoin ou prendre des congés de maladie lorsqu'ils sontmalades sans se sentir coupables. Pour ça, il faut s'assurerqu'il y ait toujours quelqu'un d'autre qui puisse les appuyerou faire leur travail. C'est un partage d'information. C'estmon style à moi. C'est plus important pour moi d'avoir unebonne équipe que de tout savoir, d'être capable de toutfaire, d'être la plus intelligente, la plus dévouée et la plusparfaite dans le groupe. Je pense qu'à cet égard, nous lesfemmes, sommes plus créatives, et encourageons beaucoupplus la participation de nos fonctionnaires.

Comment le fait d'avoir des enfants, une famille a-t-ilinfluencé votre cheminement de carrière ?

C'est un choix que j'ai fait. Si je n'avais pas eu defamille, je serais peut-être rendue plus haut. J'aurais eu plusle temps, par exemple, d'aller souper avec des gens influents,de faire un travail supplémentaire, etc. Mais c'est un choix.Je n'ai aucun regret. Je les voulais mes enfants. Je ne dis pasque lorsque les enfants seront partis de la maison, ça nerecommencera pas à aller plus vite dans ma carrière. Je voisquand même beaucoup d'opportunités, et ça prend beau-coup de dévouement.

Existe-t-il un réseau de femmes cadres supérieures augouvernement fédéral ?

Il n'y a pas de groupe comme tel d'organisé. Sans douteque certaines femmes se rencontrent. Ce n'est pas qu'onn'en veux pas ou qu'on n'en a pas besoin. C'est surtout letemps qui manque. Parce que à part de se rencontrer aprèsles heures de travail, c'est très difficile. On peut organiserdes lunchs, mais souvent il y en a qui ne peuvent pas venir,elles ont des réunions. Le travail est dans le chemin. Laplupart des femmes cadres que je connais, tout comme moid'ailleurs, ont des adolescents. Peut-être que dans un autrecinq ans, lorsque les enfants auront grandi, nous auronsplus de temps. Mais je pense que c'est une bonne idée,parce qu'il y quand même des problèmes que nous, lesfemmes avons en commun et qu'il est plus facile de discuterentre nous.

J. Bernard Marcil, c.a.Serge Lavallée, c.a.André Loyer, c.a.Michel Coulombe, c.a.Joanne Chenail-Trépanier, c.a.Lionel Nolet, c.a.Gilles Berger, c.a.

500 - 214, chemin Montréal RoadVanier (Ottawa) Ontario K1L 8L8Tél.:(613) 745-8387Fax: (613) 745-9584

34 Fenmifsd'oction Avril 1993

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santé en tête

Chez les personnes ayant été victimes d'abusdurant leur enfance, les émotions cachéesreprésentent un véritable volcan §p sgrnmeil.Elles sont refoulées, tant à causë::delabeur

que de la culpabilité et du rejet qu'entraîné ledévoilement deal'abus. Ce sont des traumatis-mes profonds. „ ::î J

par Lise Rivard m

Nçu:S,e:9mmënçons à peine depuis les années 80 àbriser le sï|friceV ce qi|i|permet de lever le voile surles nombreuses:;iç0nséqùe:n;çes de l'inceste. Parmielles, on retrouve-le syndrome des personnalitésmultiples, l'anorexie et la boulimie. Ces princi- ••••pales manifestations de l'inceste ne sont pas,dans tous les cas, directement reliés à un passéd'abus sexuels, mais bon nombre de victimesdoivent y faire face pour survivre.

Entre l'anorexie et la boulimie

L'anorexie se présente sous diversesformes. La plus connue est l'anorexie socialequi se caractérise par la recherche chez lesadolescentes de standards sociaux de labeauté. Elle se constitue dans ce qui estappelé le rapport nourriture-minceur.L'anorexie familiale ou individuelle consisteelle aussi en une prise.de contrôle de soncorpspnais pour;;:une autre fin. Il ne s'agitplus de rencoriirePdes standards sociaux debeauté qjïïde rnjnceur, mais plutôt de faire ,,.,,disparaître ce corps,:Souil]é par l'abus subi.

Les comportements Boulimiques eux, se *retrouvent ds^bord au niveau familial ouindividuel puisqïï'ijbsjagit de lacunes affectives àl'intérieur de la farnille qui se prolongent dansles relations sociales. Dans un contexte d'histol/ed'inceste, la personne boulimique cherchera à /rendre son corps disgracieux pour se punir et pour

Troubles de l'alimentation : nouvelles pestionsEntre le contrôle absolu et l'abandon total de soi :

un balancement continuel.

ne pas être objet de désir de la part d'abuseur. Il y aaussi l'anorexique-boulimique cpi se balance d'un

excès à l'autre, du jeûne à l'orgie de nourriture.

/ Dans tous les cas, ce sont les sentiments de/^culpabilité et de rejet qui sont sous-jacents dans

ces désordres considérés comme des troubles del'alimentation. Ce sont ces sentiments qu'ilconviendrait d'interroger, puisque les troublesde l'alimentation ne sont que des signesapparents de désordres plus profonds.

Persqjiinalités multiples : le cas de Madame M

II arrive également que ces troubles dél'alimentation soient attribuables à l'une desvoix intérieures de la personne qui a déve-loppé le syndrome-dés person-halites multi-ples.

Madarrie M, une anorexique de 31 ans,cohabite avec différentes persp:nna|jtés. .,.,Abusée physiquement, psychologiquement etsexuellement pendant plusieurs années, ellene cesseid s

"C'esfjfte ma faute. Lui, il'rïé savait pas cequ 'il faisait. Il me faisait si mal que j 'ai toujours

peur d'en parler et de souffrir encore. J'aimemieux oublier tout ça, mais le problème c est que lanuit il est là dans mes rêveï; dans monicorps et il me

^ viole encore et encore. Ça fait si mal que je doism 'envoler, partir, mourir. C'est de ma faute, je

Avril 1993 Fci:miesd'action 35

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n 'avais qu 'à dire non, mais lui il était si grand, si fort et moi sipetite. Il n'y avait personne pour me croire. »^' $*

Les traumatismes, et particulièrement ceux causés par lesabus sexuels subis, de façon répétitive, dans l'enfance entre "0 et 5 ans sont une des causes premières du syndrome despersonnalités multiples? C'est comme une fracture et poursurvivre l'enfant s'évade de la douleur, de la peur grâce à lacréation d'une personnalité autre qui se porte à son secours.Sans elle, l'enfantsh'aurait peut-être pas survécu.

La domination d'une personne par une des nombreusespersonnalités distinctes qui peuvent l'habiter se produit aumoyen de voix intérieures qui se font entendre en habitantlittéralement le corps de la personne. Chaque personnalitérépond à sa manière à une situation conflictuelle outraumatisante. Elles peuvent faire souffrir la personne pardifférents moyens et comportements, par exemple : auto-destruction, mutilation, punition, maladies, dépendances,etc.

Cette personnalité incarnée agit selon sa volonté, sesbesoins et ses traits de caractères propres. C'est ainsi, parexemple, que la personnalité d'une enfant craintive de cinqans peut habiter lé:corps de Madame M.. Son anorexieaujourd'hui, serait:ên quelque sorte attribuabje :a l 'une deses personnalités. «Je suis incapable de manger, c «|quelqu 'un qui vit à côté de moi qui jette la nôjfjrriture, elleveut jouer tout le temps, dessiner. Je me fâche, je suis méchanteet je crie. J'ai peur et mal à la tête...»

C'est sans yeux, sans voix et avec la honte cachée aufond de leur mémoire que survivent ces victimes. Et puis,un jour, sournoisement, des images, des odeurs remontentcomme un trop plein dans le volcan et la personne n'a pas :ï

le pouvoir de chasser ces horreurs, elle les subit encore. Elleest contrainte d'y faire facaet de se battre pour survivre.

L'objectif, en thérapie est de connaître ces personnalités,pour ensuite permettre à la survivante d'inceste de vivre enpaix et, si tel est le cas, de Vaincre les grave? troubles del'alimentation.

Il est important de ne pas donner de diagnostic sur letype de désordre ou les troubles de l'alimentation et leurs" :

origines Sans l'expertise d'un person ne! professional, etcompétent œuvrant dans ce champ spécifique. ||ïfaut garderen mémoire que la souffrance de ces personnes est immenseet que la cicatrisation ne se fera qu'à long terme. :i;

Lise Rivard est travaille.use sociale et psychothérapeute à Mon-tréal. Elle œuvre depuis plusieurs années aupg§: de personnesvictimes et survivantes d'abus physiques, émotionnels ou sexuelssubis dans l'enflrice.

N O U V E A U T E S

Caït>î J, Harvey

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Le cycle manitobainde Gabrielle Roypar Carol j. Harvey

Essai qui révèle le rôleprimordial que le Manitobaa joué dans l'imaginationcréatrice de Gabrielle Roy.

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36 Fenmusd'actlon Avril 1993

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petite planète

le cancer du sein

On est la PRpar Jan Slakov

Nous croyons que le cancer du sein doit êtreperçu comme un problème social de di-mensions quasi épidémiques. Nous croyonsque cette approche, que cette analyse

est nécessaire pour que se développe un intérêtnational pour la recherche de solutions au can-cer du sein1.»

Contrairement à certains autres cancers, les taux defréquence du cancer du sein n'ont pas baissé au cours des 20dernières années. En fait, des statistiques de l'Ontarioindiquent une augmentation d'environ 1 % par année entre1964 et la fin des années 80. À l'échelle internationale, ceschiffres sont encore plus alarmants. Des données sur Osaka,au Japon, indiquent qu'entre 1975 et 1980, cette région aconnu une augmentation de 55,1 % du taux de cancer dusein2. Aux États-Unis, selon un rapport du groupeGreenpeace, le taux de cancer du sein (ajusté selon l'âge) aaugmenté de 32 % entre 1980 et 19873.

Ces taux augmentent malgré les sommes généreusesversées aux instituts de recherche contre le cancer. AuCanada, l'Institut national de recherche sur le cancer avaiten 1991-1992, un budget total de 43,4 millions de dollars,mais ne pouvait fournir le montant d'argent exact consacréà la recherche sur le cancer du sein4. Il serait donc importantqu'on remette en question nos méthodes de lutte contrecette maladie.

Selon le docteur Samuel Epstein du Centre médical del'Université de l'Illinois, «l'"Establishment" a banalisé lespreuves qui démontrent des liens entre les taux croissants decancer, dont le cancer du sein, et l'exposition aux produitschimiques industriels cancérigènes et les radiations qui conta-minent actuellement notre environnement : aliments, eau, airet lieux de travail. L'accent a davantage été mis sur les liens decausalité entre le mode de vie et le cancer, ce qui, enfin de

compte, revient à "blâmer la victime"... Il faudrait, depoursuivre ce dernier, convaincre le public de boycotter laSociété américaine du cancer, vu son indifférence et sonhostilité face à la prévention du cancer5.»

Qu'est-ce qui serait à l'origine de cette croissance destaux de cancer ? Le rapport de Greenpeace pointe du doigtles composés organo-chlorés en particulier. Ces «poisons depremier ordre» ne sont produits que de façon exceptionnelledans la nature et on ne les trouve pas du tout dans les tissushumains à moins d'une exposition non naturelle.L'évolution ne nous a donc pas doté de moyens dedébarasser nos corps de ces substances.

L'origine de ces composés en dit long sur leur toxicité.Selon Rosalie Bertell, soeur grise et docteure en biométrie,la plupart ont d'abord été inventés pour servir à des finsmilitaires6. En temps de paix on s'est demandé à quoipourraient bien servir ces poisons. Efficaces contre les êtreshumains, ces composés pouvaient également servir à tuerd'autres formes de vie, notamment des plantes et desanimaux jugés nocifs ! En effet, bon nombre de nospesticides sont des composés organo-chlorés. Mais ontrouve ces organo-chlorés dans toutes sortes de produits, telsles plastiques, les solvents et les réfrigérants, et ce sont dessous-produits importants de plusieurs procédés industriels

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tels la désinfection des eaux usées, le blanchiment du pa-pier et l'incinération des déchets.

Il est bien noté toutefois dans le rapport de Greenpeacequ'il est impossible actuellement de prouver d'une manièreirréfutable la relation de cause à effet entre les organo-chlorés et le cancer du sein. Mais on ne saurait jamaistrouver de telles preuves parce qu'il n'existe plus de groupestémoins non contaminés.

L'expérience d'Israël en ce qui concerne ces organo-chlorés est quand même assez convaincante. Dans ce pays,les taux de concentration de pesticides organo-chlorés dansle lait de vache, le lait humain et les tissus humains étaient,en 1976, parmi les plus élevés au monde. Pendant cettepériode de contamination, de 1951 à 1976, les taux decancer du sein en Israël étaient également parmi les plusélevés au monde et en pleine croissance.

Une campagne lancée en 1978 en vue d'enrayer lacontamination semble avoir eu un effet spectaculaire. Làoù on se serait attendu à constater une augmentation destaux de cancer, comme ailleurs dans les pays industrialisés,en Israël, les taux de cancer du sein ont diminué, notam-ment pour les femmes âgées de moins de 44 ans.

Les implications des diverses études sont claires. Pournous protéger du cancer, il faut qu'on cesse de rejeter dansnotre environnement des composés organo-chlorés. Nouspouvons faire des pressions auprès des décideurs pour qu'ilsadoptent la législation nécessaire à cette fin. Nous pouvonségalement boycotter les produits dont le procédé defabrication entraîne le rejet d'organo-chlorés dans l'envi-ronnement : les papiers blanchis au chlore, par exemple.

Et, sachant que ces composés ont tendance às'accumuler dans les matières grasses, nous pouvons éviterde manger trop de gras. Nous pouvons également éviter devivre à proximité de sites qui risquent de présenter undanger de contamination. Mais pour assurer une viemeilleure pour tous, l'action concertée est indispensable.Autrement dit, nous ne devons pas négliger la nécessitéd'agir sur le plan politique.Jan Slakov est présidente du groupe environnemental Enviro-Clare etenseignante. Elle habite la région acadienne de la Baie Ste-Marie(Nouvelle-Ecosse).

1. Le cancer du sein : des questions sans réponse, Rapport du comitépermanent de la santé et du bien-être social, des affaires sociales, dutroisième âge et de la condition féminine, page 532. Ibid., page 43. Thornton, Joe. Breast Cancer and thé Environment: The ChlorineConnection, page 104. Le cancer du sein : des questions sans réponse, op. cit., page 205. Thornton, Joe. op. cit., page 86. Officiai Report : World Women's Congress fora Healthy Planet,page 2

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38 Fenmiesd'action Avril 1993

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Ma vierivière

«.. .Je suis du monde de la sensibilité,de l'émotivité, du cœur.» Ainsi parleSimonne Monet Chartrand qui apublié en novembre dernier le qua-trième tome autobiographique de lasérie Ma vie comme rivière. Tout aussitouchant que ses ouvrages précédents,ce dernier cycle de sa vie (1949-1991)est un témoignage passionnant, réalisteet sans artifices d'une vie riche etpréoccupée par des questions encored'actualité.

C'est un récit qui nous ramène toutdroit à l'époque tumultueuse durégime Duplessis. Simonne MonetChartrand vit à fond les événementspolitiques qui lui font se poser desquestions existentialistes : « La guerreest-elle inévitable ? Et la paix est-elleréalisable ? Et à quel prix ? » Tout en

poursuivant sont lobbying politique,cette militante pacifique part entournée européenne et se rend mêmejusqu'en Union soviétique.

À son retour, on la soupçonne d'êtreaffiliée au parti communiste russe. Deplus, le maire Drapeau fait adopter lefameux règlement 3926 interdisant lesmanifestations publiques. Maintsintellectuels et artistes se regroupentpour protester contre ce règlementqu'ils jugent antidémocratique. C'estle début d'une véritable répression,d'une psychose de guerre qui atteindrason apogée avec la crise d'octobre1970. Son mari, Michel, journaliste etsyndicaliste, est arrêté et emprisonnépendant plusieurs longs mois. Ce quifera dire à Simonne Monet Chartrandlors d'un débat : «II (Trudeau) n'est pasun vrai Québécois. Ce n 'estpas undémocrate. C'est un aristocratefédéraliste. »

La libération de Michel Chartrandcoïncidera presque avec la morttragique de leur troisième fille, Marie-Andrée, la «fille aux chèvres et auxchats». Par la suite, Madame MonetChartrand se joindra à la Ligue desdroits de l'homme. En 1992, ellereçoit de la Fédération des femmes duQuébec, le prix Idola-Saint-Jean.

Ce dernier tome de la vie deSimonne Monet Chartrand est celuidu voyage sur cette terre, d'une femmeexceptionnelle. Son récit de vie est unerichesse pour»les générations futures etun encouragement à l'action, pour lesfemmes d'aujourd'hui. Pour elle, leprivé était effectivement social etpolitique.

Simonne Monet Chartrand. Ma viecomme rivière (1963-1992), les édi-tions du remue-ménage, 1992, 380pages.

Chantai Des rochers

XJelle-Moue emprisonnait dans sonaffection les êtres autour d'elle. C'étaitune femme dépendante qui avait peurde la vie. Elle n'avait vécu que pourPaul, son époux, et était incapabled'exister seule. Quand celui-ci estdécédé subitement à l'âge de 55 ans,elle s'est tournée vers l'alcool.

Belle-Moue, c'est l'histoire d'unerelation mère-fille conflictuelle,difficile, remplie d'incompréhension etde lourdeur. Huguette O'Neil,l'auteure, cherche à comprendrepourquoi sa mère était devenue unfardeau pour ceux qu'elle aimait aulieu de vivre pour elle-même. Ellenous dit : "...aujourd'hui si je raconte tavie, c'est pour te parler, te dire ce que jen 'ai pas dit pour arriver à compren-dre...»

Le récit débute avec les événementsentoutant la mort de Belle-Moue enjuillet 1988 pour ensuite retournerdans le temps jusqu'en 1909, date desa naissance. Dans un langage clair etdirect qui ne s'embarasse pas depropos bienséants, elle nous livre sansdétour le fond de sa pensée au risqued'en choquer plusieurs. Elle intercaleà travers son récit des paragraphes enitalique, sans ponctuation, où elles'adresse directement à Belle-Moue.

Avril 1993 Fenimesd'action 39

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Huguette O'Neil aborde des thèmescomme la culpabilité, les croyancesreligieuses, les foyers d'accueil ditsmodernes, agréables, tout comfort,mais qui ne sont que des foyers-garderies, des «ghettos de mort ensursis à court terme... » pour les gensâgés.

Même si elle affirme que ce livre luia servi de thérapie personnelle, il n'endemeure pas moins un soutien pour lelecteur. Force nous est de constaterque le comportement de Belle-Moueest malheureusement celui d'un grandnombre de femmes face au vieillisse-ment.

Le questionnement de l 'auteure etson cheminement pour tenterd'expliquer ce comportementn'apportent pas de solution, maispermettent plutôt de jeter un éclairagedifférent sur ce problème.Huguette O'Neil. Belle-Moue, Triptyque,95 pages, 15,95 $

Christiane Sénécal

passion amoureuse. Un bon jour,fatiguée de l'abstinence peut-être... ellese prend d'un nouveau désir del'homme. Un désir qui devientprétexte à un cheminement vers unerenaissance afin de purger son forintérieur des monstres assoupis. Le«je» part donc à la recherche de l'autre,non sans difficulté, ce qui donne lieu àde savoureux commentaires sur lescandidats en lice. Elle le trouvefinalement sous la forme d'un trouba-dour. «Un homme immaculé, écrit-elle, sur lequel personne n'auraitjamais versé de larmes.» Il viendrahabiter chez elle. Une fois la passionconsumée et le roman terminé,l'homme reprendra sa guitare et sonchemin. Ce qu'elle avait d'ailleursprévu, en toute lucidité.

Il est peu fréquent qu'un hommeserve de muse (le mot, d'ailleurs, n'estutilisé qu'au féminin) et d'objet derécit. II inspire la romancière et c'estsur lui qu'elle déposera un à un lesmots, choisissant sur son corps les

endroits les plus tendres pour les motsles plus doux et les plus rugueux pourles drames qui ont parsemé sa vie.

Le parallèle entre l'acte d'écrire etl'acte d'amour est heureux. L'auteureexprime l'angoisse de la création, del'histoire à raconter, comme la peurdes gestes à poser, des caresses àdonner et a recevoir. «Lorsque lesmots viennent à manquer, écritl'auteure, les corps se font l'écho dusilence.»

Peu de romans traitent de rapportsphysiques et sensuels harmonieuxentre un homme et une femme(féministe de surcroît) où il y a placepour la passion comme pour la ten-dresse, pour le désir comme pour leplaisir d'assouvir ce désir, «Douce, lachair m'accueille». Un roman à s'offriren gardant en mémoire que la fictiontire son origine de la réalité.

Marguerite Andersen. L'homme-papier,éditions du remue-ménage, 1992.

Micheline Piché

J\ arement un titre n'aura été siexact. Ce roman inti tulé L'homme-papier de Marguerite Andersen estd'une originalité rafraîchissante.

Une écrivaine féministe dans lacinquantaine vit depuis plusieursannées à l'abri des tourments de la

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L'œuvre des journaux de l'Association de la presse francophoneJ

40 Femniesd'fiction Avril 1993

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Suite de la page 24 - Iniquité salariale

travail hebdomadaire. Avec un cumul d'heures travailléesmoindre que celui des hommes, on peut expliquer l'écartentre le salaire annuel des hommes et celui des femmes.

Mais surtout, l'écart s'explique par le fait que les femmesoccupent davantage d'emplois à temps partiel que leshommes. C'est une catégorie d'emplois précaires, souventmal payés, et qui n'offrent aucune sécurité ou stabilité, etpeu de chances de promotion. Sans grandes possibilités debonification sociale, ce cercle vicieux entretient un bonnombre de femmes dans la pauvreté.

De plus, aux écarts salariaux s'ajoutent des différences auniveau des conditions de travail et des avantages sociaux.Les horaires de travail des emplois à temps partiel sontsouvent contraignants : travail de soir, de nuit ou de fin desemaine. Avec des salaires moindres et des responsabilitéssupérieures, les femmes peuvent difficilement amasser unstock de capital pour assurer la sécurité de leurs vieux jours.Elles sont aujourd'hui plus pauvres que les hommes, et ilsemble qu'elles le demeureront également au terme de leurvie.

D'un autre côté, les jeunes femmes, célibataires etscolarisées, sont moins touchées. Il est démontré que plus lascolarité augmente, plus le salaire des femmes augmente;l'écart par rapport aux salaires des hommes s'amenuise. Lesfemmes célibataires et sans enfants peuvent investir davan-tage dans une carrière, et leurs chances d'accès à des postesqui valorisent et stimulent leurs capacités se sontgrandement accrues depuis la Seconde Guerre mondiale.En contrepartie, elles produisent moins d'enfants, mais ça,c'est une toute autre question.

Quelles sont les solutions ?

L'inégalité des chances, l'inégalité salariale qui endécoule, et la volonté de remédier à ces iniquités qui affec-tent surtout les femmes (ainsi que les membres des minori-tés) ont donné lieu à divers programmes ou plans d'actions.

Les programmes d'accès à l'égalité (PAE) comprennentune série de mesures destinées à des groupes particuliers(femmes, minorités), afin de régler les inégalités qui lesaffectent. Ils permettent donc aux femmes d'avoir accès àcertains ghettos d'emplois masculins. Il est légal de se doterde mesures pouvant enrayer cette discrimination en permet-tant la promotion de certains groupes par rapport auxautres. Ainsi, à compétence égale, les emplois vont auxfemmes (minorités).

Seuls, les mesures disciplinaires et les programmes quivisent à enrayer le traitement injuste des femmes sur lemarché du travail ne suffisent pas. Certes, ces outils sont

nécessaires, mais plus d'efforts doivent être faits au niveaude l'éducation des jeunes filles, afin qu'elles s'orientent enplus grand nombre dans les domaines professionnels garantsd'avenir et de possibilités d'avancement.

Le passé est une chose, mais l'avenir doit être autrechose. Il est évident, et même compréhensible, que leshommes ne céderont pas leur pouvoir, parce que personnene tient à perdre ses acquis. Alors il revienr aux femmes des'entraider, de se tenir, et d'inciter les autres femmes,surtout les jeunes femmes, à aller chercher les outils dontelles ont besoin pour mieux s'armer contre les aléas de la vieet du marché du travail.

Oui, il faut continuer à faire des pressions pour que leschoses changent, mais la meilleure façon de corriger lasituation, c'est de former une génération de jeunes femmesqui, elles, comprendront les enjeux et les défis qui lesattendent, car les contrecoups de la naïveté affectent davan-tage les femmes que les hommes.Louise Alain est bachelière en sciences économiques. Elle atravaillé en relations industrielles, comme responsable de la for-mation ouvrière. Elle est aujourd'hui pigiste en communications.1. F.T.Q. L'équité salariale : ni plus ni moins ! Une question de solida-rité, Colloque sur l'équité salariale organisé par la F.T.Q. les 17, 18 et19 mai 1989.2. Linteau, Durocher, Robert. Histoire du Québec contemporain, De laconfédération à la crise (1867-1929), Boréal Compact, 1989, p. 249.3. IRAI. Les femmes et l'emploi : de la discrimination à l'égalité. Bulletinno 26, août 1986.

Suite de la page 20 - Le génie de Julie

et la possibilité d'exploiter son esprit de créativité. «En génieélectrique, raconte-t-elle, il faut appliquer de nouvelles théoriesdans le but d'améliorer notre vie. »

L'étudiante s'attend à évoluer dans un monde profes-sionnel d'hommes et confie que «ça va peut-être être dur».Elle espère qu'un jour femmes et hommes deviendront des«partenaires».

Déjà, en salle de classe, les garçons sont plus nombreuxque les filles dans les cours de génie. Des données prélimi-naires pour l'automne 1992 fournies par le département dela recherche institutionnelle et de planification del'Université d'Ottawa révèlent que sur un total de 132élèves inscrits en première année de génie électrique, on necompte que 24 étudiantes. Malgré les chiffres, JuliePatenaude raconte se sentir acceptée par ses compagnonsd'études masculins qui la respectent dans ses choix.

Lyne Dion est journaliste à l'hebdomadaire Le Carillon deHawkesbury. Elle assure aussi la présidence du groupe fémininLes Quatre Saisons du comté de Prescott.

Avril 1993 Femmesd'oction

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apropos

NOUVELLES

Droits de gardeet de visite

Le ministère de la Justicetiendra une consultationpublique sur les droits degarde et de visite quis'inscrit dans le cadre d'unexamen global du droit dela famille lancé en juin1991, afin de rendre lesconséquences du divorceplus humaines et plusjustes. Il vient de publier leDocument de travailpublic sur la garded'enfants et le droitd'accès dans lequel on re-trouve certaines des préoc-cupations et des critiquesauxquelles le régime actueldonne lieu ainsi que dessolutions de rechange àenvisager pour amorcerune réforme. On peutobtenir des exemplaires dudocument auprès de laDirection des communica-tions et de la consultationdu ministère de la Justice,239, rue Welilington,(Ottawa (Ontario), K1AOH8. Tél.: (613) 957-4222

Centres de naissancesen Ontario

Le ministère de la Santé del'Ontario a accepté definancer la création de troiscentres de naissanceindépendants qui accueille-ront les femmes qui neveulent pas accoucher àl'hôpital ni chez elles. Lessages-femmes pourrontexercer leur professiondans ces centres quidevraient être en serviced'ici l'automne 1994.Renseignements :Layne Verbeek,(416)327-4265

Agression sexuelleetprévention

De nouveau cette annéeen Ontario, le mois de maisera consacré à la préven-tion de l'agressionsexuelle. La Directiongénérale de la Conditionféminine de l'Ontariomènera une campagne desensibilisation du publicqui comprendra plusieursactivités visant à éduquerla population au niveaulocal. Renseignements :Aviva Rubin au(416)314-0374

L'errance

Michelle Desaulniers,réalisatrice et survivanted'inceste prépare actuelle-ment un film d'auteur (noncommercial) sur lathématique de l'incestedont le tournage est prévupour l'été 93. Elle est à larecherche de femmes quivoudraient parler de leursdémarches vers un«mieux-être» et,plus particulière-ment, de laproblématique duplaisir sexuelressenti pendantles agressionssexuelles, et sesconséquences.Vous pouvez luitéléphoner à fraisvirés au numérosuivant :(514) 522-5383

système carcéral canadiensont à l'étude, la cinéasteMarie Cadieux a visitéplusieurs prisons et cen-tres correctionnels pourfemmes où elle a tournéÀ double tour (titreprovisoire), produit par leCentre ontarois de l'Officenational du film du Ca-nada. En même tempsqu'il prête regard et écouteaux prisonnières, cedocumentaire se présentecomme un commentairesur les causes de lacriminalité chez les fem-mes et une mise enperspective du rôle dévoluaux réseaux pénitentiaireset correctionnels tantprovinciaux que fédéraux.On prévoit sa sortie àl'automne 1993. Rensei-gnements: Michel Lozier,tél.: (416)973-2225,télécopieur : 954-0775

RESSOURCES

A double tour :Femmes en détentionAu moment oùd'importantes réformes du

En toute égalité

Cet outil pédagogiqueaudio-visuel produit par leBureau du statut des

femmes de l'UniversitéConcordia vise à sensibili-ser les professeurs,hommes et femmes, à ladiscrimination souventsubtile et involontaire quevivent les étudiantes auxétudes supérieures et àl'éducation des adultes. Ony retrouve des témoigna-ges d'étudiantes et despécialistes en éducationainsi que des méthodessimples et concrètes àutiliser pour créer un climatde confiance dans lessalles de cours. Le guidede formation contient unmodèle d'atelier d'unejournée, des fiches dedonnées sur chaque typede discrimination et unebibliographie annotée.Renseignements :Michelle Séguin,(514) 848-4841

Politique fédérale

Vous pouvez recevoirgratuitementle Bulletindes fem-mes, unepublicationdu NouveauParti démo-cratique surles questionsconcernantles femmesqui ont étéabordées auParlement. Ilsuffit d'écrireà DawnBlack, dépu-tée et porte-parole néo-

démocrate concernant lasituation de la femme,Chambre des communes,Ottawa, Ontario, K1A OA6.

42 Fenmiesd'actio, Avril 1993

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LECTURES

Non au harcèlement

sexuel \Dans Le harcèlement }sexuel : non, c'est non !\publié aux éditions duremue-ménage, Johannede Bellefeuille présentel'enquête qu'elle a effec-tuée auprès de femmesvictimes de harcèlementet relate l'enfer qu'ellesont vécu. À partir de leurstémoignages, elle montreles mécanismes duharcèlement, les différen-tes formes qu'il emprunteet ses conséquences surles victimes. Elle fournitdes conseils pratiquespour éliminer ce fléausocial qui, dans 68,3 %des cas, oblige les femmesharcelées sexuellement àlaisser leur emploi afin dene plus être en présencedu harceleur !

Extrême pauvretéet maternitéLa féminisation de lapauvreté et l'interventionauprès des femmesenceintes en milieu défa-

LE

HARCÈLEMENTSEXUEL :

NONC'EST NON! /.;•:/

vorisé, voilà les deuxprincipaux thèmes traitésdans Extrême pauvreté,maternité et santé publiéaux éditions Saint-Martin.Par le biais de témoigna-ges éloquents et complé-mentaires à l'analyseproposé, les auteures,Francine Ouellet, GinetteBoyer, Christine Colin etCatherine Martin nous fontdécouvrir des femmes dontle contexte de survie laissepeu de place au dévelop-pement personnel et

social, en dehors de lamaternité.

Vivre en silenceII est un mal dontsouffrent des milliers defemmes de tous lesmilieux, de tous lesâges. Ce mal, invisible,c'est l'isolement socialqui donne à ces fem-mes l'impression de «neplus être personne».Pour s'en sortir plu-sieurs ont trouvé del'aide dans les 82centres de femmes

éparpillés un peu partoutqu Québec. C'est de cesdernières dont parlentNancy Guberman,Jocelyne Leblanc,Françoise David et JoséeBelleau de l'R des centresde femmes du Québecdans Un mal invisible -L'isolement social desfemmes publié auxéditions du remue-ménage.

Lutte contre la pauvretéLa pauvreté au Canadan'est pas confinée à unecouche défavorisée. Ellepeut frapper quiconque aune instruction insuffi-sante, est affligé d'unemaladie chronique, perdun emploi ou voit sonmariage se dissoudre. Unepersonne sur trois risquede connaître la pauvreté àun moment donné pendantsa vie active. C'est cequ'on peut lire dans Lesnouveaux visages de lapauvreté, un rapportpublié en juin 1992 par leConseil économique duCanada. Vous pouvez

vous le procurer au coûtde 9,95 $ chez votrelibraire ou le commanderau Groupe CommunicationCanada - Édition, OttawaK1AOS9, téléphone :(819) 956-4802, télécopie :(819)994-1498.

CONFÉRENCE

ICREFLa 17e conférence annuellede l'Institut canadien derecherches sur les femmes(ICREF) aura lieu du 12 au14 novembre 1993 à St.John, Terre-Neuve. Lesprincipaux thèmes àl'ordre du jour sont lalutte contre la violencefaite aux femmes etl'agrandissement ducercle de guérisonpour assurer la surviedes victimes.Renseignements :Conférence 1993 del'ICREF, 131, chemin

LeMarchant, St. John's(Terre-Neuve) A1C 2H3,tél.: (709) 753-7270

PRIX

L'affaire «personne»C'est en octobre que lePrix du Gouverneur géné-ral en commémoration del'affaire «personne» seradécerné à des femmes quise sont distinguées parleur contribution àl'amélioration de la condi-tion féminine au Canada.Les groupes intéressées àsoumettre des candidatu-res ont jusqu'au 15 mai1993 pour le faire.Renseignements :Condition féminine Ca-nada, tél.: (613) 995-7835

Avril 1993 Fenimesd'action 43

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RÉUSSIRC'EST PERMIS.

Réuss i r , comme dans «elle a bien réuss i» .

C o m m e s i ça s ' a r r ê t a i t là... • C h e z

D e s j a r d i n s , nous pensons a u t r e m e n t : nousc r o y o n s que la r é u s s i t e d e v r a i t ê t r e unm o y e n p lu tô t qu 'une f i n . E l le d e v r a i tp e r m e t t r e de v i v r e comme on l ' en tend .

E l le d e v r a i t p e r m e t t r e d ' a u t r e s r é u s s i t e s ,

e n c o r e plus g r a n d e s • E t c ' e s t pour ce la

que nous p r o p o s o n s la gamme de s e r v i c e s

f i n a n c i e r s la p lus c o m p l è t e . Pou r qu 'e l le

s e r v e non seu lemen t à ce l l es qui ont r é u s s imais à ce l l es qui veu len t r é u s s i r .

Caisses populairesde l'Ontario

Le Mouvement des caissesDesjardins

Desjardins L'incroyable force de la coopération.

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L'INTERVENTION ECONOMIQUEDES FEMMES

Une affaire qui m/}perte à î&ut fa mende

Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises

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Coordination du projet : Lyne MichaudRecherche : Lyne Michaud

Conception et rédaction : Lucie Brunet

Révision éditoriale : Lyne Michaud

Révision grammaticale : Diane Archambault

Conception de la mise en pages : Nicole PigeonMise en pages : Nicole PigeonPage couverture : Nicole Pigeon

Dépôt légal - 2e trimestre 1993Bibliothèque nationale du CanadaISBN : 0-921236-07-7

Tous droits réservés.

© Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises (FNFCF)

II est interdit de reproduire, d'enregistrer ou de diffuser, en tout ou en partie,le présent ouvrage par quelque procédé que ce soit, électronique, photographi-que, mécanique, sonore, magnétique ou autre, sans avoir obtenu au préalablel'autorisation écrite de l'éditeure.

Prix : 7 $

Disponible au Canada par l'intermédiaire de la poste à la :

Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises (FNFCF)325, rue Dalhousie, pièce 525Ottawa (Ontario) KIN 7G2Téléphone: (613) 232-5791Télécopie: (613) 232-6679

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TABLE DES MATIERES

Avant-propos 5

Les femmes et l'économie canadienne : un partenariat à réussirLe contexte économique actuel au Canada 9Les facettes de la vie économique des femmes 13Les avantages d'une présence accrue des femmesdans l'espace économique 14La situation des femmes francophones vivanten milieu minoritaire 15

Les grands axes de l'intervention économique des femmes

Brasser des affaires, des grosses comme des petites 21Établir des partenariats et influencer les décisions économiques 23Le marché du travail au féminin 25Les syndicats et les besoins particuliers des travailleuses 28L'éducation et la formation: portes d'entrée aux emplois de qualité 30L'équité d'emploi et l'équité salariale comme stratégies 33

antidiscriminatoiresHarmoniser le travail et la famille et repenser l'organisation 36

du travailFaire reconnaître le travail invisible et gratuit 40Une nécessité absolue : échapper à la pauvreté 42

Conclusion 46

Bibliographie 47

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AVANT-PROPOS

7) epuis sa fondation en 1914, la Fédération nationale des femmes/L/ canadiennes-françaises (FNFCF) se préoccupe de questions écono-miques touchant les femmes francophones vivant en milieu minoritaire, demême que du bien-être de leurs communautés. Au cours des dernièresannées, la FNFCF s'est penchée sur plusieurs dossiers touchant la situationéconomique des femmes : l'autonomie financière, le libre-échange, lesfemmes collaboratrices, les femmes chefs de familles monoparentales,pour n'en nommer que quelques-uns.

En publiant L'intervention économique des femmes : une affaire quirapporte à tout le monde, la FNFCF désire sensibiliser les groupes defemmes, la francophonie canadienne, les gens d'affaires et les gouverne-ments aux réalités et aux priorités des femmes dans le domaine économique.Conçu pour informer et outiller les groupes-membres de 1 a FNFCF lorsqu 'ilsinterviennent dans le secteur de l'économie, ce recueil économique se veutégalement un instrument pour développer des partenariats entre des grou-pes de femmes et des partenaires à vocation économique.Dans son plan de développement de la francophonie intitulé Dessein 2000,la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada(PCFA), dont la FNFCF est membre, a clairement placé l'économie aupremier rang des préoccupations de la francophonie hors Québec. LeSommet économique, organisé conjointement par la FCFA et le Conseilcanadien de la coopération en avril 1993, posera les jalons d'un développe-ment économique concerté, dynamique et durable. Les femmes entendentêtre parties prenantes de ce mouvement vers un plus grand bien-êtrecollectif et individuel pour la francophonie canadienne.

Puisque le recueil économique brosse un tableau de la si tuation économiquedes femmes, les sources consultées sont citées en annexe. La premièrepartie présente l'état actuel de l'économie canadienne et la situation desfemmes francophones vivant en milieu minoritaire. Elle expose égalementles avantages d'une présence accrue des femmes dans la sphère économi-que. La seconde partie porte sur les grands axes de l'intervention économi-que des femmes et montre, avec chiffres à l'appui, leurs réussites, de mêmeque les effets des inégalités qu'elles subissent. Les pistes de solution quisont proposées pour chacun des grands axes représentent quelques-unes desprincipales revendications du mouvement féministe au Canada.

La Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises tient à remer-cier toutes les femmes et les hommes qui ont travaillé de loin ou de près àla réalisation de cette recherche. Elle veut également souligner l'apport desparticipantes de la FNFCF aux rencontres régionales qui ont précédé latenue du Sommet économique.

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LES FEMMESET L'ÉCONOMIE CANADIENNE

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LE CONTEXTE ECONOMIQUEACTUEL AU CANADA

/ es Canadiennes et Canadiens habitent dans un pays où il fait bonL^i vivre. Les Nations Unies affirment qu'au chapitre de l'espérance devie, du revenu et de la scolarité, le Canada se place au premier rang del'indice de développement humain1. Cependant, selon ce même indice, iloccupe le huitième rang en ce qui a trait aux disparités entre les hommes etles femmes. Il va sans dire que notre niveau de vie par habitant demeure deloin supérieur à celui de la plupart des autres pays.

Une économie en transition

Toutefois, notre secteur industriel n'est pas tellement performant et lesindustries de transformation traditionnelles basées sur les ressources natu-relles sont en déclin. Bien que le Canada ait développé de nouvellesindustries dans des secteurs de pointe, il n'est pas encore suffisammentconcurrentiel dans les industries de 1 ' avenir qui sont fondées sur la connais-sance. La croissance de notre productivité est relativement faible, commel'est notre capacité d'adopter les nouvelles technologies.

Dans une ère de mondialisation des marchés, nos entreprises perdent duterrain au profit de nos partenaires commerciaux qui exportent chez nous.Notre système scolaire est fort mal en point : à preuve, un nombre effarantde décrocheuses et décrocheurs scolaires et d'analphabètes ont de ladifficulté à se tailler une place dans un marché de l'emploi qui exige uneformation de plus en plus poussée afin de pouvoir soutenir la concurrence.

Depuis le début des années 90, nous faisons face à des conditions économi-ques nouvelles et difficiles qui sont associées à la «restructuration del'économie» : récession, pertes d'emplois massives, compressions budgé-taires, dette nationale croissante et, jusqu'à récemment, une politique detaux d'intérêt élevés pour combattre l'inflation.

La lutte au déficit

Afin de réduire son déficit qui s'accroît sans cesse, le gouvernement fédérala proposé des mesures impopulaires mais qu'il juge nécessaires (plusieursgouvernements provinciaux l'ont imité à divers égards) : c'est ainsi qu'il aréduit le nombre de fonctionnnaires et imposé le gel de leurs salaires,diminué les budgets alloués aux ministères, supprimé l'universalité desservices sociaux comme les allocations familiales et les pensions devieillesse, éliminé des programmes et organismes gouvernementaux, ins-tauré des frais d'utilisation pour certains services, diminué les transferts depaiements aux provinces au chapitre de la santé, de l'éducation et de l'aidesociale, favorisé la déréglementation et procédé à la privatisation desociétés d'État et d'activités gouvernementales.

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Depuis le début de la réces-sion en 1990, le Canada a perdu600 000 emplois à temps plein.Dans le secteur manufacturier,280 000 emplois ont été élimi-nés2.

Certaines de ces mesures nuisent particulièrement aux femmes. Prenonsl'exemple des réductions de personnel dans le secteur public : les femmesy occupent un nombre important d'emplois, l'écart salarial entre femmes ethommes y est moindre que dans le secteur privé et nombreux sont lesprogrammes de promotion de l'égalité (équité d'emploi, équité salariale oucongés de maternité payés). Il s'agit donc d'un recul important.

Par ailleurs, les femmes ont été particulièrement touchées par l'avènementde la taxe sur les produits et services (TPS), une taxe régressive qui affectesurtout les personnes économiquement faibles, notamment les famillesavec des enfants puisque ces dernières consomment beaucoup de bienstaxables. Quant à la réforme fiscale du gouvernement, elle a eu pour effetde privilégier les individus gagnant au-delà de 70 000 $ et de pénaliser lespersonnes moins fortunées, surtout les femmes qui sont davantage victimesde la pauvreté que les hommes.

L'impact de la récession

La récession accentue l'écart entre les riches et les pauvres. À côté del'opulence dans laquelle vivent les personnes les mieux nanties dans notresociété, les banques alimentaires sont devenues monnaie courante etnombreuses sont les familles pauvres dirigées par des femmes qui doiventy avoir recours. Dans nos villes, la présence croissante de sans-abri et demendiantes et de mendiants sont une conséquence directe de la pauvreté etdu chômage. La violence, la criminalité et la maladie qui en découlentconstituent de lourds coûts sociaux pour la collectivité.

Les compressions budgétaires dans le secteur public ont entraîné uneréduction des services à la population car l'Etat cherche des moyens deréduire ses engagements financiers. La tendance actuelle vers laprivatisationdes soins de la santé et l'essor des soins à domicile ont pour effet de mettresur les épaules des familles - et donc principalement des mères et desépouses - la responsabilité des soins aux malades et aux personnes âgées.La désinstitutionnalisation des personnes souffrant de maladies mentalesreprésente un fardeau semblable pour plusieurs familles. Comme ce sonten grande partie des femmes qui sont employées dans les secteurs de lasanté, des services sociaux et de l'éducation, elles sont susceptibles desouffrir d'épuisement professionnel, étant donné que les charges de travailaugmentent alors que les ressources diminuent.

Les périodes de récession - que ce soit celle du début des années 80 ou larécession en cours depuis 1990 - entraînent une augmentation du travailménager, surtout dans les familles touchées par le chômage. Puisque lepouvoir d'achat diminue de façon importante, certaines femmes doiventconsacrer plus de temps à des tâches comme surveiller les aubaines,notamment dans le secteur de l'alimentation, réparer les vêtements ougarder les enfants afin de faire des économies et d'étirer le budget familial.

Étant donné que les consommatrices et consommateurs ont moins lesmoyens de se procurer des biens et des services ou font preuve de prudencedans leurs achats, il est inévitable que les secteurs de la fabrication, des

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Plus d'un million et demi deCanadiennes et de Canadiens,soit plus d'un dixième de lapopulation active, sont en chô-mage. De 1990 à 1992,l'estimation du nombre de chô-meuses et de chômeurs a aug-menté de 40 %3.

Plus de 2,7 millions de person-nes reçoivent des prestationsd'aide sociale au Canada, dontprès de 1,2 million en Ontarioseulement4.

services et de la vente au détail soient touchés et que l'on assiste à unemultitude de faillites personnelles et commerciales, entraînant ainsi ladisparition de milliers d'emplois. Quant aux secteurs de l'agriculture et despêches, la survie de nombreuses familles qui y travaillent est en jeu. Ladétérioration économique et sociale de ces milieux aura immanquablementde graves répercussions pour les provinces de l'Ouest et de l'Atlantique.

Les effets dévastateurs du chômage

Le chômage a des effets pernicieux sur les femmes. Puisque leurs salairessont fréquemment inférieurs à celui des hommes, leurs prestationsd'assurance-chômage sont peu élevées. De plus en plus de chômeuses sontcontraintes de prendre un emploi à temps partiel parce que les emplois àtemps plein n'existent pas. Dans les villes à industrie unique, les travailleu-ses licenciées risquent de devenir des chômeuses chroniques et de devenirdépendantes de leur famille ou de l'aide sociale.

De plus, la perte de l'emploi du conjoint peut affecter autant la santé duchômeur que celle de son épouse. Le chômage à long terme et l'insécuritéfinancière des ménages risquent de provoquer de graves tensions quipeuvent déboucher sur la violence. La volonté du gouvernement fédéral deréduire les prestations d'assurance-chômage et d'en rendre l'accessibilitéplus difficile pénalisera particulièrement les femmes qui occupent desemplois précaires et les rendra encore plus vulnérables face aux abus detoutes sortes.

Les accords de libre-échange

L'Accord de libre-échange canado-américainde 1989 devait aider l'industriecanadienne en lui offrant un accès plus grand au marché américain. Certes,certaines industries canadiennes se sont taillé une place aux États-Unis,mais dans l'ensemble, 1 ' accord s'est avéré plus avantageux pour nos voisinsdu Sud que pour nous. La baisse de la production qui a suivie au Canadaa entraîné des fermetures d'usines et des milliers de femmes et d'hommesse sont retrouvés sur le pavé.

Le Canada a signé, en août 1992, l'Accord de libre-échange nord-américain(ALÉNA) avec les États-Unis et le Mexique. Selon ses détracteurs,l'ALÉNA provoquera au Canada d'importantes pertes d'emploi, il mèneraà la détérioration des conditions de travail actuelles et réduira l'accessibilitéaux programmes sociaux. De leur côté, les promoteurs du libre-échangeaffirment que de tels ajustements sont nécessaires et temporaires.

À quand la relance économique ?

La récession de 1990 est peut-être officiellement terminée, mais sesrépercussions se feront sentir pendant encore longtemps. En effet, on aconstaté que les effets de la récession de 1981-1982 ont continué de semanifester pendant des années par des taux de pauvreté élevés5. Bref, endépit de la reprise économique que l'on annonce, l'économie canadiennedemeure bien mal en point et son affaissement affecte indûment celles et

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ceux qui sont les plus démunis dans notre société. Les femmes sont cellesqui écopent le plus, en raison des inégalités qu'elles subissent sur le planéconomique et social. À certains égards, les femmes francophones habitanten milieu minoritaire comptent parmi les plus défavorisées.

Malgré la noirceur de ce portrait, il faut se souvenir qu'au cours des 25dernières années, les Canadiennes ont tout de même réussi à réaliserplusieurs gains et à conserver certains acquis. Elles continueront à lutterpour l'avancement de leurs objectifs d'égalité et d'intervention économi-que, afin de prendre la place qui leur revient dans notre société, tout enfaisant respecter leurs valeurs et en favorisant l'expression de leurs diffé-rences dans la dignité. Avec leurs consœurs, les femmes de la francophoniecanadienne entendent bien participer pleinement à la remise du pays sur lavoie de la prospérité et de la justice sociale.

1. Programme des Nations Unies pour le développement, Rapport mondial sur le dévelop-pement humain, 1992.2. Conference Board du Canada, World Outlook, novembre 1992.3. Statistique Canada, Lapopulation active, 71-001, janvier 1993.4. Données de Santé et Bien-être social Canada, fournies par le Conseil national du bien-êtresocial, mars 1992.5. Conseil national du bien-être social, Profil de lapauvreté, 1980 à 1990, 1992.

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LES FACETTES DE LA VIEÉCONOMIQUE DES FEMMES

e la naissance à la mort, les femmes traversent diverses étapes quel'on peut envisager comme des facettes de la dimension économique

de leur vie.

L'enfance et l'adolescence

Pendant cette période de découverte et d'ouverture sur le monde, les fillesse concentrent sur leur formation scolaire. Elles apprennent graduellementla valeur de l'argent. Quelques adolescentes occupent un emploi à tempspartiel (ou dans le cas des décrocheuses scolaires, un emploi à temps plein).Mais la très grande majorité dépendent financièrement de leur famille.

La vie active

Arrivées à l'âge adulte, les femmes ont plusieurs options. Elles peuventchoisir de poursuivre des études postsecondaires ou spécialisées, d'intégrerle marché du travail, de fonder une famille et de s'y consacrer ou des'impliquer bénévolement. Toutes ces phases peuvent se produire àn'importe quel âge, dans n'importe quel ordre ou simultanément. Durantleur vie active, les femmes peuvent être autonomes financièrement (enayant des revenus d'emploi ou d'autres sources de revenus), elles peuventdépendre de leur conjoint (si elles sont travailleuses au foyer ou à faiblerevenu) ou dépendre de l'État (si elles sont chômeuses ou assistées socia-les).

La retraite

L'âge de la retraite venue, certaines femmes continuent d'occuper unemploi, d'autres se consacrent à des activités récréatives, instructives oubénévoles. Si les retraitées n'ont pu épargner suffisamment pour leurretraite (par l'entremise d'un régime enregistré d'épargne-retraite, parexemple) ou si elles n'ont pas ou peu cotisé à un régime de retraite publicou à un régime de retraite privé (parce qu' elles n' occupaient pas un emploirémunérateur durant leur vie active), elles peuvent être contraintes dedépendre de leur conjoint ou du supplément de revenu garanti accordé parle gouvernement fédéral. En règle générale, la pension de vieillesse et lesupplément de revenu garanti ne suffisent pas : ils constituent actuellementun revenu de moins de 10 000 $' par année pour une personne seule.

1. Santé et bien-être social Canada, programmes de la sécurité du revenu, décembre 1992.

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LES AVANTAGES D'UNEPRÉSENCE ACCRUE DES FEMMESDANS L'ESPACE ÉCONOMIQUE

I 1 y a de nombreux avantages à ce que les femmes puissent participer à lavie économique.

Une meilleure qualité de vie pour tout le monde

Une travailleuse qui gagne un salaire convenable au lieu d'un salaire de crève-faim contribue au bien-être de sa famille, possède une meilleure estime de soiet peut exercer plus de contrôle sur sa vie. Si plus de femmes occupaient desemplois de qualité, une partie importante de la pauvreté féminine disparaîtrait,notamment chez les parents uniques et les assistées sociales. Une réduction dunombre de familles défavorisées donnerait aux enfants issus de ces familles unemeilleure chance de ne pas tomber eux-mêmes dans le cycle de la pauvreté.

Une question de justice sociale

Les femmes représentent la moitié de la population, mais tout le systèmeéconomique est fondé sur leur dépendance financière. En fait, elles subven-tionnent indirectement l'économie : comparativement aux hommes, elles sontconcentrées dans des emplois mal rémunérés et instables, elles paientproportionnellement plus d'impôt sur le revenu, elles s'acquittent gratuitementet sans gratification sociale des travaux ménagers et du soin des enfants et despersonnes ayant des besoins spéciaux.

Rentabilité pour les entreprises

Les femmes représentent un bassin de main-d'œuvre compétente et qualifiéedont les talents sont sous-exploités. Le sous-emploi est un véritable gaspillagede ressources humaines qui empêche les femmes et les autres groupes désavan-tagés de réaliser leur potentiel. L'embauche et l'utilisation des meilleuresressources humaines disponibles rendent les entreprises plus performantes etplus compétitives.

L'introduction de valeurs humanistes

La volonté des femmes d'harmoniser la vie professionnelle et la vie privée etd'humaniser le travail et les institutions bénéficiera à tout le monde. Leurprésence accrue dans toutes les sphères de la société permettra de propager lesvaleurs qu'elles tendent à privilégier comme le partage, la coopération et lesouci de la personne.

La reconnaissance du partage des responsabilités familiales

Lorsque le père est également responsable, avec la mère, du soin des enfantset des tâches ménagères, le fardeau est partagé, ce qui crée de meilleuresconditions de vie pour la famille et contribue au bien-être des enfants. Unmeilleur partage amènerala société àredéfinir la notion de réussite et àrepenserl'organisation du travail de manière à ce que les parents n'aient pas à sacrifierune partie de leur vie au profit de leur employeur.

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LA SITUATION DES FEMMESFRANCOPHONES VIVANTEN MILIEU MINORITAIRE

Femmes et hommes de langue maternelle françaiseet femmes de langue maternelle non française selonla participation à la main-d'œuvre en emploi, Canadasauf le Québec.

TABLEAU 1

eu d'études ont été réalisées sur la situation économique des femmesI delangue française habitant àl'extérieur du Québec. C'est pourquoila très grande majorité des données présentées dans ce recueil économiques'appliquent à l'ensemble des femmes au Canada. Il s'agit d'une impor-tante lacune, si l'on veut comprendre et transformer la réalité des femmesfrancophones vivant en milieu minoritaire. Par ailleurs, la plupart desrésultats du Recensement de 1991 ne sont pas encore disponibles et ilfaudrait, de toute manière, faire des compilations spéciales pour avoir desdonnées sur la situation des femmes de langue maternelle française àl'extérieur du Québec.

Parmi les études portant sur la spécificité de ces dernières, nous ensoulignerons deux. Une première étude1, réa-lisée par Linda Cardinal et Cécile Coderrepour le Réseau national d'action éducationfemmes en 1991, porte sur les diverses facettesde la scolarité des femmes francophones horsQuébec par rapport aux hommes francopho-nes etauxfemmesnon-francophones. L'étudeconsiste en une analyse de résultats inédits duRecensement de 1986. Les données qui ventsont tirées de cette étude.

| Une femme sur deux de langue maternellefrançaise vivant en milieu minoritaire faitpartie de la main-d'œuvre.

| Plus de la moitié (57,2 %) des femmesfrancophones œuvrent dans les domainesdu travail de bureau, de la vente et desservices.| Les hommes francophones sont répartis

plus uniformément dans la structure del'emploi, ils occupent des postes dans lesdomaines de la pêche, des forêts et desmines, de l'administration, del'industriede transformation et de la direction.| Une femme francophone sur trois travaille

à temps partiel. Plus les femmes ont unniveau de scolarité élevé, plus elles onttendance à occuper un emploi à tempsplein.

Femmes de langue maternelle française

l Hommes de langue maternelle française

Femmes de langue maternelle non-fran-çaise

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Femmes de langue maternelle française de 15le revenu/Canada sauf Québec, 1986

Sans revenu

9 999 et moins

10 000-19999

20 000-29 999

30 000 et plus

Total

15-19

ans

52,21

44,98

2,41

0,26

0,09

35380

20-24

ans

10,56

58,22

24,38

6,18

0,60

45270

25-29

ans

16,37

35,28

27,43

15,93

4,96

49390

30-34

ans

19,33

33,42

23,03

15,35

8,88

46995

35-44

ans

19,97

32,52

22,94

14,20

10,37

81 335

ans et

45-54

ans

24,63

33,84

20,89

11,77

8,87

60000

plus selon l'âge et

55-64

ans

26,99

44,54

16,11

7,65

4,71

54435

65 ans

et plus

0,96

73,44

19,46

3,86

2,28

63565

Total

19,89

44,25

20,30

9,90

5,66

436 370

TABLEAU 2

Hommes de langue maternelle française de 15le revenu, Canada sauf Québec, 1986

Sans revenu

9 999 et moins

10 000-19999

20 000-29 999

30 000 et plus

Total

15-19

ans

48,38

46,85

3,95

0,68

0,14

35250

20-24

ans

5,04

46,50

31,90

13,08

3,48

44180

25-29

ans

1,90

20,74

29,23

27,63

20,50

48 670

30-34

ans

1,45

14,23

23,25

26,94

34,13

45520

35-44

ans

1,52

12,93

18,43

23,54

43,58

80545

a n s et pi u s se 1 on 1

45-54

ans

1,99

16,82

18,99

21,93

40,27

57980

55-64

ans

3,07

24,44

25,00

21,06

26,43

51 120

65 ans

et plus

0,52

50,72

33,29

8,84

6,63

47340

'âge et

Total

6,11

26,86

23,06

19,08

24,89

410615

TABLEAU 3

19,9 % des femmes francophones n' ont aucun revenu (par rapport à 6,6 %des hommes francophones); 44,2% ont un revenu de moins de 10 000 $;20,3 % ont un revenu variant entre 10 000 $ et 20 000 $; 9,9 %, entre20 000 $ et 30 000 $; 5,6 % ont un revenu supérieur à 30 000 $.Près des deux tiers des femmes francophones vivant en milieu mino-ritaire avaient, en 1986,un revenu inférieur à 10 000 $.Chez les femmes francophones qui ne sont pas sur le marché du travail, untiers n'ont aucun revenu et la moitié ont un revenu inférieur à 10 000 $.Un quart des femmes francophones comptent huit ans ou moins descolarité, alors que près de la moitié possèdent une formation de niveausecondaire. Bien qu'un autre quart se dirigent vers des étudespostsecondaires, seulement 7,1 % des femmes francophones détiennentun diplôme universitaire.Dans la francophonie hors Québec, les jeunes femmes (20 à 34 ans) sontplus instruites que les jeunes hommes alors que les femmes plus âgées lesont moins que les hommes des mêmes générations.Plus de 70 % des femmes francophones ayant complété une 8e année ou

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moins en 1986 ont un revenu inférieur à 10 000 $ ou sont sans revenu,par rapport à 42,4 % pour les hommes francophones ayant une scolaritécomparable.

• 31,4% des femmes ayant une formation universitaire de premier cycleont des revenus de 30 000 $ et plus, comparativement à 53,4 % pour leshommes.

• Les employées de bureau et les travailleuses spécialisées dans la venteet les services ont généralement un niveau de scolarité allant de la 11e àla 13e année ou un diplôme postsecondaire sans grade universitaire. Lesfemmes les plus instruites ont tendance à s'orienter vers le domaine de1 ' enseignement, alors que les moins scolarisées ne sont pas sur le marchédu travail.

• Les trois quarts des femmes âgées de 65 ans et plus ont un revenu annuelde moins de 10 000 $, alors que c'est le cas pour la moitié des hommesseulement.

Une deuxième étude2 réalisée en 1992 par Anne Gilbert pour le Réseaunational d'action éducation femmes fait le bilan de l'accès à l'emploi pourles femmes francophones dans quatre provinces canadiennes : la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario et l'Alberta. Elle s'appuie surune compilation spéciale de données du Recensement de 1986 effectuéepour le compte de l'Institut canadien de recherche sur le développementrégional à l'Université de Moncton. L'auteure s'est penchée sur le taux departicipation à l'emploi (taux d'activité et de chômage), sur les structuresprofessionnelles, le niveau de scolarité et les revenus des francophones etanglophones des deux sexes. Bien que la situation de la francophonie enmilieu minoritaire varie énormément d'une région à l'autre, il se dégage decette étude certaines constantes que nous résumons ici et qui rejoignentplusieurs des conclusions de la première étude décrite ci-dessus :

| Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à détenir un emploirémunéré.| Les femmes francophones sont moins présentes sur le marché du travail

que les femmes non francophones.• Le taux de chômage chez les femmes est souvent plus élevé que le taux

de chômage masculin.H Les femmes sont confinées dans des secteurs d'emploi traditionnel s sous-

rémunérés : plus de la moitié occupent un emploi dans le secteur de lavente, des services ou du travail de bureau. Pour leur part, les hommesfrancophones sont concentrés dans les secteurs primaires, du transportet de la construction.

• Même dans les milieux où les femmes sont plus scolarisées, elles seretrouvent pour la plupart dans les mêmes catégories d'emploi que lesfemmes moins scolarisées.

• Bien que les femmes universitaires aient accès à un éventail plus larged'emplois, elles sont cantonnées dans des ghettos d'emploi féminins,notamment en éducation, dans le domaine de la santé et dans les emploisde bureau.

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I Les hommes ont un revenu d'emploi supérieur à celui des femmes,quelle que soit la profession. Les différences sont marquées dans lesdomaines de 1 ' administration et de la gestion, de l'éducation, de la santé,des sciences sociales et des arts.| Même lorsque les hommes et les femmes ont un niveau de scolarité

comparable et oeuvrent dans les mêmes secteurs d'emploi, les femmesont un revenu inférieur.

H Dans les professions où les femmes sont majoritaires, commel'enseignement, le domaine de la santé et le travail de bureau, le revenudes hommes est supérieur à celui des femmes.

• Le revenu des femmes francophones est inférieur à celui des femmesnon francophones, dans les milieux de travail où ces dernières dominent.

• Dans les régions où les francophones sont largement minoritaires,notamment dans les milieux urbains, les femmes sont plus présentes surle marché du travail et ont un taux de chômage moins élevé,comparativement aux femmes vivant en milieu majoritaire ou en milieurural. Par contre, les écarts entre hommes et femmes sont tout aussiimportants dans les milieux à faible représentation francophone où lasituation est plus avantageuse pour les femmes.

• Chez les hommes francophones, le taux de chômage est souvent plusélevé que chez les hommes non francophones, alors que leur revenud'emploi est généralement inférieur.

On peut donc conclure de ces observations que les femmes francophonesvivant en milieu minoritaire sont «doublement défavorisées» sur le plan de1 ' emploi. D'une part, leur accès au marché du travail est plus limité, d'autrepart, leur revenu d'emploi est généralement inférieur à celui des hommesfrancophones et des femmes non francophones. Étant donné leur faible tauxde participation à la population active, c'est à l'extérieur du marché dutravail que les femmes - surtout celles habitant dans les milieux tradition-nels de la francophonie - participent au maintien et au développement deleur communauté.Autrement dit, dans plusieurs régions du Canada, les femmes contribuentàréconomielocaleprincipalement par leur travail au foyer et leurs activitésbénévoles. Il est aussi possible qu'elles participent à l'économie dite«informelle» (celle qui échappe à l'impôt sur le revenu) sous la forme detroc (échange de biens ou de services) ou de travail «au noir» (non déclaré).

Les communautés francophones et acadienne se doivent de reconnaître lavaste sous-utilisation du potentiel féminin et de favoriser activement laparticipation des femmes au développement économique de la francopho-nie canadienne. Pour relever le défi de la prospérité, la francophoniecanadienne devra, entre autres, contribuer activement au décloisonnementdes ghettos d'emploi dans lesquels on retrouve les femmes et considérer cesdernières comme des partenaires économiques à part entière.1. Cardinal, Linda, Coderre, Cécile, Des données et des diplômées. La situation des femmesde langue maternelle française vivant à l'extérieur du Québec : un profil national dans ledomaine de l'éducation. Volume 2, RNAEF, 1991.2. Gilbert, Anne, L'accès inégal des femmes francophones al'emploi, RNAEF, 1992 (inédit).

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LES GRANDS AXES DEL'INTERVENTION ÉCONOMIQUE

DES FEMMES

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BRASSER DES AFFAIRES,DES CROSSES COMME DES PETITES

/ ) e plus en plus de femmes bras-A_y sent des affaires, que ce soit enmettant sur pied une coopérative, enfondant leur propre entreprise ou endevenant collaboratrices ou parte-naires dans l'entreprise familiale.Elles se tournent vers les affaires,désillusionnées par le manque depossibilités d'épanouissement etd'avancement dans des emplois au-dessous de leurs compétences ou àcause d'injustices vécues en milieude travail. Elles sont égalementmotivées par la possibilité de créerleur propre emploi.

Le coopérât! sme attire de plus enplus de femmes; elles sont membresde l'entreprise, y occupent un postede direction ou siègent au conseild'administration. Bien qu'une coo-pérative soit une entreprise écono-mique, son but n'est pas avant toutle profit. Ainsi, plusieurs femmesont créé leur propre coopérative dansle but de se procurer des servicesdont elles ont besoin (services degarde, produits alimentaires, loge-ment, services financiers). En plusde viser la création d'emplois et lechangement social, elles sont moti-vées par le désir de créer des struc-tures non hiérarchiques et de répar-tir plus équitablement le pouvoir etles revenus.

Parce qu'il n'est pas nécessaired'investir beaucoup de capital pouren faire partie, le milieu coopératifest plus accessible aux femmes quel'entreprise privée. De plus, il peutconstituer un lieu d'apprentissagepour les femmes, en leur donnant la

possibilité de développer des com-pétences en gestion et d'exercer uneinfluence sur le développement éco-nomique de leur milieu. Les fonde-ments même du coopératisme rejoi-gnent les valeurs des femmes quitendent à privilégier le partage et lacoopération.

Les femmes qui deviennent entre -preneures ou travailleuses autono-mes souhaitent atteindre l 'au-tonomie financière, harmoniser leurvie personnelle et professionnelle ets'épanouir en tant que personnes.

Au Canada, une personne sur dixtrav aille à son propre compte1. C ' estle secteur d'emploi qui affiche leplus haut taux de croissance, notam-ment parmi la main-d'œuvre fémi-nine.

De 1986 à 1991, le nombre defemmes employeures (c'est-à-direde travailleuses autonomes em-ployant du personnel rémunéré)a augmenté de 40 %, et le nombrede celles qui n'ont pas d'aide ré-munérée, de plus de 55 %2.

Selon les dernières études les entre-prises mises sur pied par des fem-mes ont plus de chances de réussir etde durer que celles lancées par deshommes puisque les femmes ontdavantage tendance qu'eux à fairepreuve de prudence et de discipline.Tenaces et efficaces, elles n'aban-donnent pas facilement. Celles quiréussissent peuvent constituer desmodèles pour d'autres femmes etl'esprit d'entreprise féminin démon-tre bien, contrairement à la croyance

populaire, que les femmes sont prê-tes à courir des risques calculés.

La plupart des 150 000 entrepriseslancées chaque année au Canada lesont par des femmes. Même si leshommes entrepreneurs sont actuel-lement trois fois plus nombreuxque les femmes, celles-ci lancentmaintenant trois fois plus d'en-treprises que les hommes3.

Les obstacles que doivent franchirles femmes propriétaires d'entre-prises sont nombreux. Il leur estsouvent difficile d'obtenir dufinancement et elles sont parfois vic-times de discrimination de la partdes fournisseurs, des clients, desinstitutions financières et de leurpersonnel. Même si leurs heures detravail sont très longues (de 50 à 70heures par semaine en moyenne),leur revenu est souvent insuffisant,voire marginal (la majorité se réser-vent un revenu annuel de moins de30 000 $, soit un peu plus de lamoitié de celui de leurs homologuesmasculins)4, car elles ont tendance àchoisir des secteurs peu profitables,comme les services et la vente audétail. La plupart sont devenuesentrepreneures sans avoir acquis laformation ni l'expérience nécessai-res et ont bénéficié d'un appui finan-cier minime ou nul (une proportioninfime de femmes héritent une en-treprise).

Comme la majorité des femmes sa-lariées, les coopérantes et proprié-taires d'entreprises sont tiraillées en-tre leurs obligations professionnel-

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les et familiales. Elles sont peunombreuses à avoir renégocié lepartage traditionnel des tâches fa-miliales et ménagères : il est doncrare qu'elles puissent compter surl'appui concret de leur conjoint quin'est d'ailleurs pas toujours à l'aiseavec la réussite de leur épouse. Lesfemmes d'affaires sontisolées, maiselles n' ont ni le temps ni les ressour-ces voulues pour poursuivre une for-mation ou pour s'impliquer dansdes réseaux d'entraide ou des orga-nismes de gens d'affaires.En rev anche, nombre de coopéranteset de femmes entrepreneures inno-vent en cherchant consciemment àcréer de «bons emplois» et à instau-rer de nouvelles valeurs dans la ges-tion des ressources humaines. Parexemple, elles estiment importantque leur personnel ait la possibilitéde développer son potentiel et sescapacités d'apprentissage, qu'ilpuisse participer aux décisions et sesentir respecté et apprécié.

Un autre phénomène d'envergures'amorce : celui du travail à domi-cile, un choix fait par nécessité (enraison du taux élevé de chômage),ou par commodité (pour mieux con-cilier les exigences familiales et letravail). L'arrivée des micro-ordi-nateurs, télécopieurs, modems etautres outils de communication fa-cilite ce travail souvent effectué à lapige et, par conséquent, de natureinstable.

Quant aux femmes collaboratriceset partenaires d'entreprises qui tra-vaillent avec leur conjoint, elles nereçoivent pas toujours une recon-naissance salariale et elles ne sontdonc pas toutes comptées dans lesrelevés statistiques. C'est à la suitede pressions exercées que le travaildes femmes collaboratrices est main-

tenant reconnu au niveau de la fisca-lité. Cependant, du fait qu'ellessoient les épouses des propriétairesde l'entreprise, leur salaire(lorsqu' elles en reçoivent un) neleurdonne droit à aucun des avantagessociaux reconnus aux autres tra-vailleuses et travailleurs, à l'ex-ception du Régime de pensions duCanada. Peu de femmes collabora-trices sont légalement copro-priétaires de l'entreprise.

Il en va de même pour les collabora-trices sur la ferme familiale. Enraison de l'instabilité du secteur dela production agricole au Canada,plusieurs de ces femmes, qui sontdes professionnelles del' agriculture,sont contraintes d'occuper un em-ploi à l'extérieur de la maison oud'exploiter une petite entreprise àdomicile afin d'augmenter le revenufamilial ou d'assurer la survie de laferme.

Puisqu'une petite entreprise créetrois fois plus d'emplois qu'unegrande (y compris les grandes entre-prises industrielles qui reçoivent1 ' aide des gouvernements)5, les fem-mes peuvent, au moyen du coopé-ratisme et de l'entrepreneuriat, faci-liter la création d'emplois. La pré-sence d'un nombre accru de coopé-rantes, d'entrepreneures et de fem-mes collaboratrices aura des réper-cussions majeures sur l'économiecanadienne en favorisant la redis-tribution de la richesse.

QUELQUES PISTES

e(e SOLUTIONS

Pour inciter les femmes às'orienter vers le coopératisme et

r entrepreneurial et pour les ap-puyer dans ces rôles, plusieurs me-sures peuvent être envisagées :

• favoriser l'émergence dé nou-velles formes d'entreprisescomme les coopératives de tra-vail; . : - . . • • • • • • :":C: • .• exercer des pressions auprès desinstitutions financières afin quelés femmes ne fassent pas l'objetde disCriminàtibh dans l'obtentionde crédit;• rendre plus accessible l'infor-mation sur les cours, les program-mes et les services offerts auxpropriétaires d'entreprises et decoopératives;• adapter les cours de formationaux besoins des femmes et explo-rer des façons nov atrices d'en fa-ciliter l'accès;• encourager les coopérantes etpropriétaires d'entreprises à for-mer des associations non-tradi-tionnelles (groupes d'entraide, ré-seaux de mentors, par exemple)ou à se joindre à des regrou-pements de gens d'affaires déj àconstitués;• obtenir pour les femmes colla-boratrices les mêmes av antagessociaux que ceux auxquels ontdroit les autres travailleuses ettravailleurs.

1. Statistique Canada, Industrie et catégoriede travailleurs (Recensement de 1991), 93-326, mars 1993.2. Ibid.3. Belcourt, Monica, Burke, Ronald J., Lee-Gosselin, Hélène, Une cage de verre : lesentrepreneures au Canada, Conseilconsultatif canadien sur la situation de lafemme, 1991.4. Ibid.5. Ibid.

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ÉTABLIR DES PARTENARIATSET INFLUENCERLES DÉCISIONS ÉCONOMIQUES

ien que la majorité des déci-sions d'ordre économique et

politique nous affectent profondé-ment dans notre quotidien, elles sontparfois prises sans tenir compte desconséquences pour les femmes. Sile point de vue des femmes, quiconstituent 51 % de la population,est si souvent négligé dans le pro-cessus de prise de décision, c'estque celles-ci demeurent sous-repré-sentées dans les niveaux supérieursdes administrations publiques, despartis politiques, des tribunaux, dessyndicats, des organisations profes-sionnelles et des entreprises.

Bien que de plus en plus de femmessoient en mesure d'influencer lesdécisions politiques et économiques,à l'échelle municipale, provincialeou nationale, il n'est pas facile, en-core de nos jours, de faire valoir uneperspective féministe dans des mi-lieux traditionnellement masculins.Celles qui accèdent à des postes depouvoir peuvent, tant par leur pré-sence que par leurs interventions,apporter un point de vue différentdans les débats. Les femmes doi-vent siéger en plus grand nombreaux conseils d'administrationd'entreprises ou d'organismescommunautaires à vocation écono-mique. Plus de femmes s'intéres-seront aux questions d'ordre écono-mique lorsqu'elles auront eu lachance de démystifier les conceptséconomiques et d'apprivoiserl'argent et le pouvoir.

Par ailleurs, comme le chemin versl'égalité économique exige de fon-

der des alliances, les groupes defemmes ont intérêt à établir despartenariats avec des intervenanteset intervenants socio-économiqueset à investir les lieux de pouvoir,c' est- à-dire à être présentes là où lesdécisions économiques et politiquesse prennent. Bien que les groupesde femmes contribuent énormémentà l'avancement de la société, leurtravail n' estpas pleinement reconnuet, comme la plupart des organis-mes sans but lucratif, ils connais-sent souvent des problèmes chroni-ques de sous-financement qui sontexacerbés par les réductions des sub-ventions gouvernementales. Lesgroupes de femmes constituentnéanmoins des partenaires écono-miques valables.

Il est indéniable que le mouvementcoopératif a joué un rôle de premierplan dans le développement des com-munautés francophones et acadienneau Canada. Le mouvement des cais-ses populaires est devenu une forceéconomique d'envergure pour lafrancophonie dans la plupart desprovinces. Au chapitre de l'égalitécependant, les femmes n'occupentpas plus de postes décisionnels dansles institutions coopérativesqu'ailleurs.

En 1990, 4,7 % des membresnommés ou élus à des conseilsd'administration de 676 grandesentreprises canadiennes étaientdes femmes. Soixante-sept pourcent des entreprises n'encomptaient aucune1.

Puisqu'il semble inévitable que lesindividus et les communautés pour-ront de moins en moins compter surl'État dans l'avenir, une nouvelleculture d'initiative est en traind'émerger au Canada dans plusieursrégions économiquement défavori-sées. Le développement économi-que local est une stratégie efficacepour créer des emplois et offrir desservices utiles à la population. Cetype de développement est fondésur une approche communautaire etva au-delà de la notion de profitcaractérisant les entreprises com-merciales.

Les initiatives de développementéconomique local ontle potentiel des'adapter aux besoins des femmes àfaible revenu en leur permettant detravailler ou de se former dans lecadre de projets. Elles peuvent of-frir une structure salariale plus éga-litaire et une souplesse dans les ho-raires de travail favorable à l'ac-complissement des tâches familia-les. Une autre tendance économi-que importante est la participationfinancière des travailleuses et destravailleurs à la propriété et à lagestion de l'entreprise qui les em-ploie. Il s'agit pour les femmesd'une occasion de devenir des par-tenaires économiques et de contri-buer au développement de leur mi-lieu.

Le concept de l'entraide, depuistoujours si important chez les fem-mes et les groupes qui les rassem-blent, doit continuer à primer dans

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le développement économique descommunautés francophones etacadienne. La présence des femmesdans les lieux décisionnels devien-dra de plus en plus essentielle audéveloppement économique en en-richissant le processus de prise dedécision et en mettant les préoccu-pations de l'ensemble de la popula-tion au nombre des grandes orienta-tions et des priorités en matièred'action.

QUELQUES PISTES

de SOLUTIONS

Pour amener les femmes à établirdes partenariats et à influencerles décisions économiques, plu-sieurs options sont possibles :

• établir des partenariats et desliens de solidarité avec d'autresintervenantes et intervenants dumilieu pour préconiser et mettreen œuvre des solutions économi-ques qui favorisent non seule-ment la rentabilité, mais aussiqui satisfont les besoins de lapopulation et accroissent sonbien-être;• mettre sur pied des structuresd'accueil attirantes pour inciterles femmes à s'impliquer dansdes institutions à vocation éco-nomique• revendiquer une juste repré-sentation des femmes au sein desstructures décisionnelles;• encourager le mouvement coo-pératif, y compris les caisses po-pulaires, à mettre en place despolitiques d'accès à l'égalité;

• fournir aux groupes de fem-mes des outils qui leur permet-tront de s'impliquer activementdans les dossiers économiqueset de pénétrer les lieux d'ap-prentissage du pouvoir;• continuer de réclamer unmeilleur financement des grou-pes de femmes;• offrir aux femmes et aux fillesdes occasions de démystifierl'économie, d'apprivoiserl'argent et les affaires (aumoyen de clubs d'inves-tissement ou de rencontres avecdes femmes et des groupes quiœuvrent dans la sphère écono-mique) et de planifier leur auto-nomie financière.

1. Le Devoir, «Lesfemmes sont toujours peuprésentes dans les hautes sphères des entre-prises», 30 juin 1992 (étude réalisée parl'Université du Québec à Montréal).

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LE MARCHE DU TRAVAIL AU FEMININ

A u cours des vingt dernières/ / années, le marché du trav ails'est radicalement transformé avecl'arrivée massive des femmes, sur-tout celles ayant des enfants.En 1991, 60 % des Canadiennesde 15 ans et plus faisaient partiede la main-d'œuvre rémunérée oucherchaient un emploi, com-parativement à 40 % en 1971. Lesfemmes représentaient 45 % de lapopulation active au Canada, unehausse par rapport à 35 % en197l1.Ce phénomène peut nous donnerl'impression que les femmes pro-gressent rapidement vers l'au-tonomie financière. En réalité, laplupart des travailleuses occupentdes emplois où la rémunération, lesavantages sociaux, le taux desyndicalisation et les possibilitésd'avancement sont moindres quepour les hommes. Bien que lesfemmes accèdent à des postes dedirection et aux professions libéra-les, plus de la moitié restent canton-nées dans «les ghettos rosés», soit letravail de bureau, la vente au détailet les services.

Les quatre professions les plus ré-pandues chez les femmes sont : se-crétaires et sténographes, vendeu-ses, teneuses de livres et caissières2.

En fait, sur plus de 500 possibilitésde carrière, la majorité des travailleu-ses se concentrent dans une ving-taine de métiers seulement3. Àl'opposé, les hommes sont répartisplus également sur le marché dutravail et ils sont plus nombreuxdans les catégories d'emplois à sa-laires élevés.

|̂ Les 12 professions les plus répandues chez les femmes, Canada, 1991

SecrétairesVendeuses

Teneuses de livres

InfirmièresPréposées/service des aliments

Commis de bureauProtesseures/niveau primaire

RéceptionnistesTravail spécialisé/soins des enfants

Concierges et employées du nettoyageChefs et cuisinières

TABLEAU 4 (

^^gg^^^^^^S^ ;••

SSSSSKSSSKsissBSSSSSSSSSSSJ :

^msi^^M iSSSï̂ JSS :

) 20 40 60 8

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0

Les trois plus importants groupesde professions chez les femmessont le travail de bureau, les servi-ces et la direction et l'admi-nistration. À eux seuls, ces grou-pes représentent 58 % de la popu-lation active féminine. Chez leshommes, ce sont les directeurs,gérants et administrateurs qui do-minent, suivis des travailleurs dubâtiment et des travailleurs spé-cialisés dans les services. Ensem-ble, ces groupes forment 35 % dela population active masculine4.Les revenus d'emploi sont impor-tants, non seulement parce qu'ilsdébouchent sur un pouvoir d'achat,mais aussi parce qu'ils rehaussent

l'estime de soi et le statut social.Cependant, le fait d'occuper unemploi à temps plein n'est pas gaged'autonomie financière pour les fem-mes, dont le revenu ne permet pastoujours d'échapper à la pauvreté.

L'infériorité économique des fem-mes sur le marché du travail est enpartie attribuable à la charge éduca-tive des enfants et aux tâches ména-gères qui bloquent leur désir de pro-gression dans l'entreprise. Les fem-mes sont désavantagées lorsqu'ellescessent de trav ailler pour élever leursenfants et lorsqu'elles prennent desemplois aux responsabilités et ho-raires moins contraignants.

Les 12 professions les plus répandues chez les hommes, Canada, 1991

VendeursConducteurs de camion

Directeursl/ventes et publicitéMécaniciens/véhicules auto.

CharpentiersExploitants agricoles

Concierges et employés /nettoyageDirecteurs généraux

Comptables et vérificateursChefs et cuisiniers

Programmeurs en in formatiqueSurveillants/vendeurs de marchandises

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TABLEAU 5 20

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40

I

60 80

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Plus de 30 % des travailleusesoccupent un emploi à temps par-tiel, comparativement à 12 % seu-lement chez les hommes5.

On ne devrait pas s'étonner que tantde femmes travaillent à temps par-tiel. D'une part, il devient de moinsen moins possible d'obtenir un em-ploi à plein temps, en raison du tauxde chômage élevé et de la tendance,dans les secteurs de la vente, dutravail de bureau et des services, àéliminer les postes permanents et àlimiter les avantages sociaux.D'autre part, le travail à temps par-tiel peut représenter pour certainesfemmes un compromis raisonnable,étant donné la difficulté de conciliertravail et responsabilités familiales,surtout en l'absence de collabora-tion du conjoint, du milieu de travailet de la société. Mais ces travailleu-ses sont nettement désavantagéespar ce choix: le travail à temps par-tiel n'est pas aussi bien rémunéréque le travail à temps plein, il com-porte moins d'avantages sociaux ettend à conférer un statut de subal-terne. Privées de sécurité d'emploi,les travailleuses à temps partiel sontsouvent exclues des conventionscollectives et des régimes de retraiteprivés.

Au chapitre du chômage, la situa-tion tend à changer quelque peu : aucours des dernières années, les fem-mes ont été plus souvent en chô-mage que les hommes car elles oc-cupent des emplois précaires et sontgénéralement les premières à perdreleur travail salarié lorsque l'em-ployeur réduit son personnel. Ce-pendant, la récession qui a débuté en1990 a eu pour effet de faire aug-menter davantage le taux de chô-mage des hommes que celui desfemmes; le même phénomène s'estd'ailleurs produit lors de la réces-

sion de 1981-1982. Le travail àtemps partiel ou sur une base tempo-raire des femmes masque par ailleursbeaucoup de chômage. De plus, leschômeuses sont désavantagées carles prestations d ' assurance-chômagequ'elles reçoivent sont en fonctionde leur faible revenu et les travailleu-ses à temps partiel n'y ont pas droit.

En 1992, le taux de chômage auCanada chez les femmes était enmoyenne de 10,4 %, compara-tivement à 12,0 % chez les hom-mes6.Les mises à pied massives dans lesecteur manufacturier ont durementtouché les travailleuses des indus-tries du vêtement, du textile et de latransformation d'aliments. En rai-son des fermetures d'usines, le tra-vail industriel accompli à la maisonest devenu un secteur en pleine crois-sance au Canada. Ce sont surtout lesimmigrantes, mères de jeunes en-fants, qui effectuent à domicile lacouture de vêtements et d'autres ar-ticles; leur rémunération à la pièceest souvent inférieure au salaire mi-nimum. D'autres travailleuses sontexploitées en exécutant du travailnon déclaré («au noir») dans lesindustries du textile, du vêtement etde la chaussure. Les travailleusesdomestiques, dont la plupart pro-viennent de pays en développement,ne jouissent que d'une faible protec-tion en matière de conditions detravail. Par ailleurs, le secteur desindustries de services (qui à lui seulfournissait, selon des données com-pilées en 1988, 84 % des emploisoccupés par des femmes7) a affichéle taux de croissance le plus élevédans les années 80 en créant princi-palement des emplois instables et àbas salaires.

La restructuration des entreprises,qui s'est produite au cours de la

dernière décennie, a eu pour effet deréduire le nombre d'emplois de bu-reau occupés par des femmes. Laréorganisation du travail des «colsblancs» est associée en partie àl'introduction des techniques infor-matiques. Ces techniques ont mo-difié le travail de bureau et créé unepolarisation dans le type de postesqui sont dorénavant soit plus spécia-lisés et axés sur la conception et lagestion, soit plus orientés vers laproduction monotone comme l'en-trée de données. Les employées debureau travaillant depuis des annéessur une base contractuelle, sans sé-curité d'emploi et sans les avanta-ges sociaux conférés au personnelpermanent, sont particulièrementpénalisées.En dépit des obstacles qu'elles yrencontrent, un nombre croissant defemmes choisissent de travailler dansdes secteurs traditionnellement ré-servés aux hommes. Emploi et Im-migration Canada définit comme«emplois non traditionnels» ceuxoù les femmes représentent moinsdu tiers de la main-d'œuvre. Cellesqui accèdent à des postes tra-ditionnellement réservés aux hom-mes doivent composer avec des com-portements «masculins» et constam-ment faire leurs preuves. Elles sontplus susceptibles d'être victimes deharcèlement sexuel du fait qu'ellessont peu nombreuses et isolées lesunes des autres.

L'accès des femmes aux professionslibérales et aux postes de directionest un phénomène relativement ré-cent. Il s'est produit des haussesmarquées dans certaines professionsqui demandent davantage de scola-rité, notamment dans les domainesde la gestion et des sciences. Parexemple, les professions d'opticienet de pharmacien comptent mainte-

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nantplus de femmes que d'hommes8.De 1986 à 1991, la proportion defemmes a progressé de 65 % chezles économistes, de 49 % chez lestravailleuses sociales, de 71 % chezles avocates et notaires. Le nom-bre des femmes a plus que doubléchez les architectes, les ingénieureset les urbanistes, bien qu'elles nereprésentent encore qu'un faiblepourcentage. Pendant cette mêmepériode, les hommes ont affichédes hausses spectaculaires dansplusieurs catégories d'emplois dehaute technologie9.

Le fait que davantage de femmesaccèdent à des chasses gardées mas-culines peut être considéré commeun progrès en soi, mais il n'en restepas moins que beaucoup de femmesaspirant à atteindre les échelons su-périeurs d'une organisation se heur-tent à un «plafond de verre». Enoutre, la structure de l'emploi a tel-lement changé au cours des derniè-res années que de nombreux postesde cadres sont disparus à tout ja-mais, ce qui signifie que la concur-rence pour les postes de gestion seraencore plus vive.

Les femmes ne représentaient en1990 que 6,7 % des cadres supé-rieurs dans 676 grandes entrepri-ses canadiennes. Soixante-troispour cent des grandes entreprisesne comptaient aucune femme dansles plus hauts échelons10. Par con-tre, de 1986 à 1991, le nombre defemmes dans les professions de ladirection et de l'administrations'est accru plus vite que le nombred'hommes, soit 55 % contre 18 %".Bien qu'elles soient toujours absen-tes ou en très petits nombres dans leshautes sphères, plusieurs femmesgestionnaires laissent leur marquedans les organisations où elles tra-

vaillent - et ce à tous les niveaux dela hiérarchie - en mettant de l'avantune nouvelle vision de la gestion.Par exemple, elles exercent le pou-voir en le partageant et tententd'humaniser les rapports sociauxtout en favorisant la productivité.Ces qualités sont de plus en plusrecherchées par les employeurs sou-cieux de recruter des gestionnairespolyvalents pour gérer une main-d'œuvre dont la diversité s'accroît.

QUELQUES PISTES

cU SOLUTIONS

Voici quelques moyens pour lesfemmes de setaillerunemeilleureplace dans le monde du travail :•revendiquer une politique deplein emploi;• assurer la formation et lerecyclage des femmes qui per-dront leur emploi à cause de larestructuration économique;• mettre sur pied un réseau natio-nal de services de garde;• exiger que la moitié des budgetsde Création d'emplois et de for-mation professionnelle soit réser-vée aux femmes;• informer les filles et les femmesquant aux secteurs d'emplois lesplus rémunérateurs et lés encou-rager aies choisir;• inciter les garçons et les hom-mes à s'orienter vers des secteursd'emplois traditionnellement fé-minins;• faire des emplois à temps partieldes emplois permanents qui of-frent, au prorata, le même salaireet les mêmes avantages sociauxque ceux conçus à l'intention dureste du personnel;

• considérer d'abord les em-ployées à temps partiel lors de1 'embauche pour dés postes atemps plein;• favoriser le partage d'un em-ploi à temps plein plutôt que désemplois à temps partiel pour lesfemmes qui veulent travaillerun nombre réduit d'heures;• inclure dans les lois sur lesnormes minimales de travail déscongés de maladie payés et descongés pour responsabilités fa-miliales;

• • • ' • ' mettre en œuvre dès politiquesefficaces de lutte contre leharcèlement sexuel et racial enmilieu de travail par le biais deslois sur le travail;• encourager la création de ré-seaux d'entraide pour les fem-mes occupant des postes de di-rection et oeuvrant dans des sec-teurs non traditionnels.

1. Statistique Canada, Activité (Recense-ment de 1991), 93-324, mars 1993.2. Statistique Canada, Profession (Recense-ment de 1991), 93-327, mars 1993.3. Direction générale de la condition fémi-nine de l'Ontario, La formation profession-nelle des femmes : un guide à l'intention desemployeurs, (non daté).4. Statistique Canada, Industrie et catégoriede travailleurs (Recensement de 1991), 93-326, mars 1993.5. Statistique Canada, Activité (Recense-ment de 1991), 93-324, mars 1993.6. Statistique Canada, Moyennes annuellesde la population active 1992, 71-220, fé-vrier 1993.7. Statistique Canada, Portrait statistiquedes femmes au Canada, 89-503, 1990.8. Statistique Canada, Profession (Recense-ment de 1991), 93-327, mars 1993.9.Ibid.10. Le Devoir, «Les femmes sont toujourspeu présentes dans les hautes sphères desentreprises», 30 juin 1992 (étude réaliséepar l'Université du Québec à Montréal).11. Statistique Canada, Industrie et catégo-rie de travailleurs (Recensement de 1991),93-326, mars 1993.

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LES SYNDICATS ET LES BESOINSPARTICULIERS DES TRAVAILLEUSES

I ' est parce qu'elles appartien-Lx' nent à un syndicat que de nom-breuses Canadiennes ont pu obtenirde meilleurs salaires et avantagessociaux ainsi qu'une plus grandesécurité d'emploi. Par l'entremisedes syndicats, les travailleuses peu-vent faire connaître officiellementleur mécontentement, si elles ne sontpas traitées de façon équitable. Eneffet, les procédures de griefs leurpermettent de se protéger contre uncongédiement injuste, de dénoncerle harcèlement sexuel ou de soule-ver des problèmes de santé et desécurité au travail.

30,3 % des travailleuses au Ca-nada sont membres d'un syndi-cat, comparativement à 38,6 %des travailleurs. Les femmes re-présentent 40,4 % de la main-d'œuvre syndiquée1.

Puisque les deux tiers des femmessur le marché du travail ne sont passyndiquées, leur seule protection estassurée par les lois sur les normesminimales du travail. Cependant,plusieurs employées, comme les tra-vailleuses domestiques et les ouvriè-res agricoles (qui sont majo-ritairement des immigrantes), sontexclues de cette protection de base.C'est surtout dans le secteur public,qui englobe l'éducation, la santé etl'administration publique, que letaux de syndicalisation féminine estle plus important. Bien que lasyndicalisation des femmes ait aug-menté rapidement au cours des an-nées 60 et 70, elle est actuellementstable ou en régression, en raison

des mises à pied massives dans cer-tains secteurs de l'économie, commecelui de la fabrication et de l'ad-ministration publique.

Parce que les femmes sont sous-représentées au sein des syndicats etde leur direction, elles jouent rare-ment un rôle de premier plan dans lanégociation collective, une chassegardée masculine. Néanmoins, dessyndiquées ont demandé et obtenu —avec l'appui de collègues masculinsqu'elles ont sensibilisés — que desrevendications intéressant surtoutlesfemmes, telles que les congés dematernité, l'équité salariale, les gar-deries en milieu de travail et la pro-tection contre le harcèlement sexuel,fassent partie des négociations col-lectives.

La présence accrue de femmes à latête d'organisations syndicales ris-que d'avoir un impact favorable surl'amélioration des conditions dessyndiquées, dans la mesure, bienentendu, où ces dirigeantes mettentde 1 ' avant les revendications de leursmembres féminines. La participa-tion des femmes au sein du mouve-ment syndical suscite d'ailleurs desdébats puisque certaines d'entre el-les tendent à remettre en question lesystème même de la négociationcollective qui repose sur l 'af-frontement. De fait, les valeurs fé-ministes sont davantage axées surl'attente d'un consensus que sur lemodèle conflictuel, qui caractériseprésentement les relations entreemployeurs et syndicats.

Les conventions collectives reflè-tent une conception traditionnellede la place des femmes et des hom-mes sur le marché du travail car lesinégalités salariales persistent entreles sexes. Les programmes d'accèsà l'égalité peuvent d'ailleurs bous-culer le principe de l'ancienneté,que les syndicats considèrent commeun droit acquis de haute lutte.L'ancienneté peut en effet être re-mise en cause par les mesures deredressement en faveur des femmessouvent désavantagées en raison deleurs responsabilités familialesauprès des enfants. Bref, les tra-vailleuses doivent continuer à lutterpour faire reconnaître la particula-rité de leurs besoins au sein dessyndicats.

QUELQUES PISTES

<te SOLUTIONS

Pour accroître le taux desyndicalisation des femmes etfaire en sorte que les organisa-tions syndicales soient ré-ceptives aux préoccupations etaux aspirations des travailleu-ses, voici quelques revendica-tions possibles :

• exiger des gouvernementsqu 'ils instaurent un climat favo-

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risant la syndicalisation afind'augmenter le nombre de tra-vailleuses et de travailleurs syn-diques;• apporter des changements auxlois régissant lesrëlàtions de tra-vail de manière à augmenter letaux de syndicalisation des tra-vailleuses et travailleurs faible-ment rémunérés dans les petitesentreprises de services (entre-prises eh franchise, chaînes demagasins de vente au détail, suc-cursales de banque);•imposer des sanctions aux em-ployeurs qui refusent d'entamerdes négociations Collectives sé-rieuses avec le syndicat de leurentreprise;• faire des conventions collecti-ves des instruments qui favori-sent l'égalité, peu importe lesexe, l'orientation sexuelle,l'origine ethnique ou raciale oule handicap des personnes pourqui l'on négocie;• informer les travailleuses deleurs droits;• réserver une pi ace centrale auxquestions qui préoccupent parti-culièrement les syndiquées dansles négociations collectives;• inviter les syndicats et les em-ployeurs à dépasser les vieuxmodèles de négociation et à ac-cepter davantage de porte-pa-role féminines aux tables de né-gociation.

1. Statistique Canada, Rapport annuel auministre des Approvisionnements et Servi-ces, en vertu de ta Loi sur les déclarationsdes personnes morales et des syndicats,1990, 71-202.

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L'EDUCATION ET LA FORMATION :PORTES D'ENTRÉE AUX EMPLOISDE QUALITÉ/ j e nos jours, nos gouverne-A_/ ments nous répètent sur tous

les tons que l'éducation et la forma-tion sont la clé de la prospérité et dela compétitivité et que le Canada abesoin d'une main-d'œuvre mieuxformée et plus spécialisée pour faireface aux défi s de l'avenir. Dans unesociété qui devient de plus en plusinformatisée et axée sur l'infor-mation, le retard à rattraper est con-sidérable. En effet, les industriescanadiennes dépensent beaucoupmoins que leurs concurrents inter-nationaux en matière de formationprofessionnelle. Un tiers des jeunesau Canada ne complètent pas leursétudes secondaires1 et plus d ' un cin-quième de la population canadienneest considérée analphabète2.

La formation constitue un outil es-senti el parce qu' elle permet aux fem-mes de faire bénéficier la société detous leurs talents, d'élargir leurschoix professionnels et mêmed'échapper à la pauvreté. Plusl'éducation etla formation des fem-mes sont solides, plus leurs chancesaugmentent de trouver un emploibien rémunéré et d'éviter le chô-mage. La formation et le perfec-tionnement deviennent une néces-sité car les femmes '-— tout commeles hommes — peuvent envisagerdeux, trois et même quatre carrièresdifférentes au cours de leur vie.

Un des domaines où la situation desfemmes s'est le plus améliorée aucours des vingt dernières années con-cerne l'éducation postsecondaire.

Plus de la moitié des personnesinscrites dans les collèges com-munautaires et les programmesuniversitaires de premier cyclesont maintenant des femmes3.

Bien que la plupart des étudiantesdemeurent cantonnées dans des sec-teurs traditionnels, les femmes ontréalisé des percées impressionnan-tes en médecine, en droit et en admi-nistration des affaires, alors qu'ellesrestent sous-représentées dans lesdomaines scientifiques et techni-ques. Plus portées que les hommesà étudier à temps partiel, elles seretrouvent dans une proportion in-férieure dans les programmes dedeuxième et troisième cycles. Dansla plupart des établissementspostsecondaires, les femmes demeu-rent fortement minoritaires au seindu corps professoral.

Même si la situation s'améliorechezles femmes plus jeunes, il n'en vapas de même pour la plupart desfemmes plus âgées qui n'ont pas eula chance d'étudier, voire des'alphabétiser, ou de bénéficier deformation en cours d'emploi.D'ailleurs, même si un niveau descolarité élevé assure un meilleurniveau de vie, il n'est pas aussimonnayable pour les femmes quepour les hommes. En d'autres mots,un accès égal aux études postse-condaires ne signifie pas automati-quement un revenu égal sur le mar-ché du travail.

En 1991, les femmes ayant huitannées d'études ou moins ga-

gnaient en moyenne 18,138 $, soit66,9 % du revenu des hommesayant une scolarité équivalente quieux gagnaient 27116$. Les diplô-mées d'université gagnaient pourleur part 40 537 $, c'est-à-dire71,7 % du revenu de leurs homo-logues masculins qui s'élevait à 56522 $. Les femmes plus jeunes(15-24 ans) gagnaient 86,4 % durevenu des hommes de leur âge,soit 19 381 $, comparativement à22 429 $4.

Les femmes qui veulent améliorerleur sort et entreprendre ou parfaireleur formation doivent affronter denombreux obstacles. Certains em-ployeurs font preuve de discrimina-tion en n'offrant aucune possibilitéde formation à des femmes qui tra-vaillent dans des secteurs tradition-nels ou à temps partiel. D'autres nereconnaissent pas ou sous-évaluent,sur le plan salarial, la formation ac-quise par leurs employées.

Le fardeau financier d'un retour auxétudes est de taille pour les travailleu-ses au foyer et celles dont la forma-tion n'est pas subventionnée parl'employeur. Parmi les autres obs-tacles, mentionnons le manqued'information sur les cours et lesprogrammes de formation, 1 ' absencede services de garde subventionnés,l'isolement géographique, le man-que de confiance en soi, les problè-mes d'accessibilité pour les femmeshandicapées, des horaires de coursqui entrent en conflit avec les res-ponsabilités familiales ainsi que le

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dédoublement des programmes fé-déraux et provinciaux. Les femmesâgées, les immigrantes, les femmeshandicapées, les agricultrices, lesassistées sociales de même que lesfemmes vivant dans les régions ru-rales ou éloignées sont particulière-ment désavantagées. Il en va demême pour celles dont la languematernelle ne correspond pas à lalangue de travail ou d'enseignement.Ceci est souvent le cas pour lesfemmes francophones en milieuminoritaire, qu'elles soient d'an-cienne souche ou immigrantes, quidoivent travailler ou étudier en an-glais.

La plupart des femmes qui entre-prennent une formation sont orien-tées vers des secteurs traditionnelscomme 1 ' éducation, l'administrationet les services, alors que les hommesse dispersent dans un plus grandnombre de champs professionnels.Une infime proportion de femmess'inscrivent à des programmesd'apprentissage en vue d'occuperdes métiers techniques qui sont gé-néralement mieux rémunérés.

Les fonds alloués aux programmesde formation subventionnés parEmploi et Immigration Canada envertu de la Loi sur l'assurance-chô-mage ont été réduits de façon subs-tantielle. Les critères d'admissibilitécomportent maintenant de sérieusesrestrictions caries programmes sontofferts presque exclusivement auxprestataires d'assurance-chômage,ce qui exclut les travailleuses à tempspartiel et les femmes qui ne sont pasdéjà sur le marché du travail. Parailleurs, les programmes de courtedurée vers lesquels les femmes sontorientées ne leur permettent pas des'intégrer véritablement au marchédu travail.

De plus en plus de femmes voientl'apprentissage continu comme unélément central dans leur vie et ellesenvisagent les périodes de chômagecomme des occasions d'investir dansleur propre formation. Celles qui serecyclent veulent toutefois savoircomment et vers quoi s'orienter.Elles demandent que la formationofferte ne se limite pas aux exigen-ces d'un emploi afin qu'elles puis-sent réutiliser leur savoir ailleurs.On remarque que, peu à peu, lesétablissements qui dispensentla for-mation se sensibilisent aux besoinsdes femmes, que ce soit en recon-naissant les acquis, en créant desstructures d'accueil qui facilitentleurinsertion ou en élaborant des pro-grammes ou des méthodes d'ap-prentissage correspondant à leursvaleurs et à leurs aspirations. Il estessentiel de reconnaître toutes lesréalités de la vie des femmes etd'accepter que leur travail et leurapprentissage ne se déroulent horscontexte pour elles. Par exemple, laviolence et la pauvreté que subis-sent les femmes et les filles peuventles empêcher de réussir leurs étudesou de trouver et de garder un emploistable.Les femmes ont toujours été excluesde l'élaboration des politiques enmatière de formation. Etant donnél'importance capitale de cette ques-tion, des groupes de femmes franco-phones se sont mobilisés lorsque legouvernement fédéral a créé la Com-mission canadienne de mise en va-leur de la main-d'œuvre. Le mêmephénomène s'est produit lors de1 ' établissement, par le gouvernementde l'Ontario, du Conseil ontarien deformationet d'adaptation delà main-d'œuvre. En devenant partiesprenantes dans la réforme des poli-tiques de formation et en interve-

nant sur la place publique, les fem-mes cherchent à faire respecter leprincipe d'équité au sein des politi-ques, des pratiques et des procédu-res, de manière à ce que les pro-grammes de formation accordentpriorité aux besoins des groupes lesplus défavorisés, y compris les fem-mes francophones vivant en milieuminoritaire.

QUELQUES PISTES

de SOLUTIONS

Afin que l'éducation et la forma-tion constituent des portesd'entrée à des emplois de qualité,il est nécessaire d'envisager lessolutions suivantes :

• appliquer le principe d'équité àl'éducation et à la formation;• rendre les programmes dé for-mation d'Emploi et ImmigrationCanada accessibles à toutes lesfemmes;• offrir des services d'appuicomme du counseling, des servi-ces de garde de qualité, des allo-cations de subsistance et de dé-placement;• instituer un milieu d'ap-prentissage dépourvu de toutharcèlement sexuel et racial etproposer des modèles d'ensei-gnement qui découragent lesexisme et le racisme;• pratiquer la reconnaissance desacquis;• re vendi quer la prestation de pro-grammes de formation en fran-çais pour servir la clientèle fran-cophone en milieu minoritaire;

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• rendre plus accessible l'infor-mation sur les programmes;• concevoir des programmes deformation qui développent lapolyvalence et l'autonomie despersonnes;• réserver une plus grande partdes prestations d'assurance-chô-mage au maintien du revenu destravailleuses et travailleurs sansemploi qui veulent se recycler;• prendre en considération lesdifférents styles d'apprentissagedes femmesjeursdifférences cul-turelles et toutes les réalités deleur vie de femmes ;•privilégierrenseignementàdis-tance pour atteindre lé plus grandnombre;• favoriser 1 ' accès à des program-mes spécialisés de longue duréequi permettent de s ' intégrer véri-tablement au marché du travail;• orienter la formation des jeunesfilles de sorte qu'elles se dirigentvers des secteurs d'emplois plusrémunérateurs et non tradition-nels;• inciter lés filles à étudier lesmatières que privilégient habi-tuellement les garçons, et inver-sement, de manière à éliminer laségrégation qui s'opère dans lesprogrammes d'études;• offrir des cours de formationlinguistique à toutes les immi-grantes dans la langue officiellede leur choix et déployer desefforts spéciaux pour atteindrecelles qui sont coincées dans desemplois peu rémunérés àcausede leur incapacité de communi-quer en français ou en anglais.

1. Statistique Canada, Enquête auprès dessortants, 1992.2. Creative Research Group Limited,Literacy in Canada. A Research Report.Prepared for Southam Group, 1987.3. Statistique Canada, Statistiques del'enseignement - estimations, 1992-93, 81-220, septembre 1992.4. Statistique Canada, Gains des hommes etdes femmes, 1991, 13-217, janvier 1993.

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L'EQUITE D'EMPLOI ETL'ÉQUITÉ SALARIALE COMMESTRATÉGIES ANTIDISCRIMINATOIRES/ 'équitéd'emploietl'équitésa-

l—i lariale constituent deux stra-tégies visant à redresser les inégali-tés qui existent dans le monde dutravail. Examinons d'abord l'équitéd'emploi. À l'instar des autochto-nes, des personnes handicapées etdes membres de minorités raciales,les femmes font face aune discrimi-nation persistante en milieu de tra-vail. Les membres de ces quatregroupes subissent un taux de chô-mage plus élevé, ils gagnent un re-venu inférieur, effectuent un travailpour lequel ils sont souvent sur-qualifiés et reçoivent moinsd'avancement que les autres mem-bres de la population. Au sein de lamain-d'œuvre féminine, la discri-mination frappe elle-même dif-féremment : les femmes handica-pées, autochtones, membres descommunautés ethniques, de mêmeque les lesbiennes, les femmes âgées,non syndiquées ou sous-scolariséessont davantage marginalisées sur lemarché du travail que le reste de lapopulation féminine.

Bien que des lois fédérales et pro-vinciales aient rendu la discrimina-tion illégale, elles n'ontpas entraînél'élimination des obstacles à l'em-ploi. Cette situation s'explique parle fait que la discrimination en mi-lieu de travail est principalement«systémique». Ainsi, les pratiquesde recrutement, d'embauché et depromotion, qui semblent neutres etne sont pas intentionnellement dis-criminatoires sont bien souvent à

l'origine de la discrimination. Lastructure des emplois, telle qu'elleexiste, plafonne par exemple beau-coup de travailleuses. Il est en effettrès difficile pour une secrétaired'accéder à une autre catégoried'emploi, même lorsqu'ellepossèdeles compétences et la formation né-cessaires. De fait, les femmes sontpiégées à deux niveaux : à l'ho-rizontal (on les retrouve cantonnéesdans quelques catégories d'emploi)et à la verticale (il leur est difficilede grimper dans la hiérarchie).

Autrefois appelée «égalité des chan-ces» et «action positive», l'équitéd'emploi incite les employeurs àadopter des pratiques d'emploi et àoffrir des possibilités de formationet d'avancement qui favorisent defaçon égale les travailleuses et lestravailleurs. De plus, l'équitéd'emploi doit viser à ce que le mi-lieu de travail reflète la diversitéraciale et culturelle de l'ensemblede la population et à ce qu'il n'y aitplus de sous-représentation d'aucungroupe aux divers niveaux d'emploiet de rémunération.

Même si un certain nombre d'em-ployeurs ont adopté des program-mes d'équité d'emploi, les initiati-ves volontaires ne permettent pasd'éliminer adéquatement la discri-mination systémique en milieu detravail. C'est pour cette raison quel'équité d'emploi doit être obliga-toire. À la suite de pressions exer-cées par le mouvement féministe etles trois autres groupes cibles

(autochtones, personnes handica-pées et membres de minorités racia-les), les gouvernements fédéral etprovinciaux ont adopté des lois surl'équité d'emploi. Il est à noter queles francophones ne constituent pasun groupe cible, en dépit des reven-dications en ce sens.

La Loi sur l'équité en matièred'emploi, adoptée par le gouverne-ment fédéral en 1986, s'appliqueaux entreprises et sociétés d'Étatayant plus de 100 employées etemployés, régies par le gouverne-ment fédéral ou ayant des contratsavec l'Etat. La loi ne fait qu'exigerla présentation de rapports annuelset elle n'oblige pas les employeurs àfixer des objectifs numériques etdes échanciers fermes. Les résultatsà ce jour sont extrêmement dé-cevants.

En 1990, chez le personnel per-manent touché par la loi fédéralesur l'équité d'emploi, 41 % desfemmes et 84 % des hommes ga-gnaient plus de 27 500 $'.

Les seules femmes à bénéficier vé-ritablement des dispositions de cetteloi sont des femmes de race blanchequi ont accédé à des postes de direc-tion (aux échelons inférieurs sur-tout) et à quelques postes non tradi-tionnels. Les programmes d'équitéd'emploi n'atteindront pas leur buttant que les autres femmes conti-nueront à être confinées dans lescatégories d'emplois les moins bienrémunérés. En période de réces-

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sion, ces programmes sont plus né-cessaires que jamais, étant donné letaux élevé de familles mono-parentales pauvres et de familles quiont besoin de deux revenus poursurvivre.

Bien que de nombreux employeursconsidèrent l'équité d'emploicomme une tentative d'ingérencegouvernementale dans les affairesinternes des entreprises, d'autresestiment queles femmes etles autresgroupes cibles représentent un atout,une réserve inexploitée de talents etde compétences pour l'organisationqui les emploie. La mise en placed'un système de planification desressources humaines plus juste etplus efficace facilite le recrutementet donne accès à un bassin étendu depersonnes qualifiées.

Comme les programmes d'équitéd'emploi peuvent entraîner uneredéfinition des rapports entre hom-mes et femmes en milieu de travail,ils ont le potentiel de provoquer uneremise en cause et une modificationfondamentale du modèle patriarcald'organisation des entreprises.Ainsi, certains hommes constatentque la présence des femmes amé-liore le climat de travail et leur per-met d'exprimer des préoccupationsqu'ils n'osaient verbaliser jus-qu'alors, notamment en ce qui con-cerne l'harmonisation de leurs obli-gations familiales et de leurs res-ponsabilités professionnelles. Bienque l'équité d'emploi suscite de larésistance de la part de la directionqui craint les coûts financiers et so-ciaux associés au changement, elleprésage à plus long terme une révi-sion en profondeur des conditionsde travail et de l'organisation dutravail en général.

Une autre forme d'inégalité persisteen milieu de travail : les salaires. Enmoyenne, les salaires des travailleu-ses sont inférieurs de près du tiers àceux des hommes. Nombreuses sontles situations où les femmes et leshommes ayant un niveau de scola-rité identique ne gagnentpas le mêmerevenu.

Enl991,lerevenumoyendesfem-mes travaillant à temps plein toutel'année était de 69,6 % celui deshommes, soit un gain de 2,0 % parrapport à 1990. Les femmes occu-pant un emploi à temps plein ga-gnaient en moyenne 26 842 $,comparativement à 38 567 $ pourles hommes2.

Comment peut-on expliquer un telécart ? C'est qu'en général, lesemployeurs n'attachent pas autantde valeur aux emplois habituelle-ment réservés aux femmes qu ' à ceuxqu'exercent généralement les hom-mes. Le mythe selonlequell 'hommeest le seul soutien financier persiste,même si dans les faits, beaucoup defemmes sont chefs de famille. Deplus, les employeurs ont tendance àsous-évaluerles caractéristiques quel'on a traditionnellement associéesaux femmes, comme leur aptitudepour des tâches ressemblant au tra-vail domestique (cuisine, entretienménager, couture), à l'éducation desenfants ou au soin des personnes,des tâches qu'elles effectuent gra-tuitement et par amour à la maison.

Malgré que les femmes soient main-tenant plus nombreuses sur le mar-ché du travail et plus scolarisées,l'orientation professionnelle quereçoivent les femmes et les fillesfont qu' elles demeurent concentréesdans des emplois moins bien rému-nérés que ceux occupés majo-

ritairement par des hommes. L' écartsalarial existe non seulement àl'intérieur du même emploi, maisaussi entre emplois différents pour-tant considérés comme ayant unevaleur équivalente. C'est ainsiqu'une éducatrice des petits en gar-derie gagne moins qu'un gardien dezoo.

Bien que le rattrapage à effectuersoit énorme, il est encourageant deconstater que la présence des fem-mes dans la plupart des secteursd'activité et des professions ne cessed'augmenter. Certes, l'écart entreles salaires des femmes et des hom-mes diminue, mais encore trop len-tement pour que l'on puisse parlerd'égalité économique. Puisque lemarché du travail ne peut, à lui seul,redresser ces inégalités, des groupesde femmes et des syndicats repré-sentant les travailleuses ont reven-diqué l'équité salariale. C'est ainsique le gouvernement fédéral, suivide quelques gouvernements provin-ciaux, ont adopté des lois en ce sens.Ces lois garantissent que les em-plois féminins seront rémunéréséquitablement, mais la plupart nes'appliquent qu'au secteur public.

Par équité salariale, on entend leprincipe du «salaire égal pour untravail d'égale valeur» (et non pas leprincipe du «salaire égal pour untravail égal». Il s'agit donc de me-surer la valeur réelle du travail d'unecatégoried'emploisoùl'onretrouvesurtout des femmes et de la compa-rer à la valeur d'une catégoried'emplois où l'on retrouve ma-joritairement des hommes. Parexemple, si au sein d ' une entreprise,l'emploi de secrétaire est générale-ment occupé par des femmes, il peutêtre comparé à un emploi dans leservice de l'expédition, habituelle-

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ment occupé par des hommes. Cettecomparaison peut se faire selon qua-tre critères : les compétences,l'effort, les responsabilités et lesconditions de travail. Si un emploiqu ' exercent habituellement les fem-mes a à peu près la même valeurqu'un autre emploi généralementréservé aux hommes, les deux em-plois doivent être rémunérés égale-ment. Il est à noter qu'on ne peut,règle générale, comparer que desemplois de valeur comparable, etceci à l'intérieur d'une même entre-prise, ce qui peut constituer une con-trainte de taille.

Déjà, des femmes ont reçu desindemnisations se chiffrant à plu-sieurs millions de dollars, mais endépit des lois, les employées se trou-vant dans des catégories sous-rému-nérées doivent continuer à lutter pourfaire respecter leurs droits.L'Ontario, qui fait face à des diffi-cultés économiques, a reporté à plustard l'application de l'équité sala-riale dans le secteur parapublic, unemesure qui touche des centaines demilliers d'employées. Pour sa part,le gouvernement fédéral ne respectepas tous ses engagements etn' applique que très lentement et avecréticence l'équité salariale dans lafonction publique fédérale.

QUELQUES PISTES

de SOLUTIONS

L'égalité est encore loin d'êtreatteinte dans le mondé du tra-vail. C'est pourquoi certainesmesures s'imposent toujours.

En matière d'équité d'emploi :

• améliorer les lois en matièred'équité d'emploi et s'assurerqu'elles sont rigoureusement ap-pliquées en exigeant l'éla-bdrationd'objéctifs numériqueset d'échéanciers fermes pourl'embauche et la promotion desgroupes sous-représentés;• revendiquer des programmesd'équité d'emploi, là où ilsn'existent pas;• assurer l'atteinte des objectifsfixés ;• exercer des pressions pour quel'équité d'emploi devienne obli-gatoire dans le secteur privé;• étendre l'équité d'emploi ausystème de formation et d'adap-tation de la main-d'œuvre etl'intégrer dans les plans de dé-veloppement économique local ;• mettre sur pied une commis-sion d'équité en matière d'em-ploi, autonome par rapport augouvernement et investie dupouvoir d'ordonner la mise enœuvre du programme, d'imposerdes sanctions, de mener des exa-mens et études en milieu de tra-vail et de fournir des services deconsultation et d'éducation.

En matière d'équité salariale :

• faire preuve de vigilance faceaux employeurs qui se sont en-gagés à appliquer l'équité sala-riale;• réclamer des programmesd'équité salariale, là où ilsn' existent pas, notamment dansle secteur privé;• intégrer l'équité salariale etl'équité d'emploi aux lois surles normes minimales de travail

pour qu'en bénéficient aussi lesfemmes non syndiquées;• insérer dans 1 a loi sur l'égalitésâlariale des lignes directriceset des calendriers d'exécutionet charger une commission del'équité salariale de veiller àleur application et à leur res-pect;

1. Comité canadien d'action sur le statut dela femme, Nouveau regard sur la situationdes femmes au Canada, 1991.2. Statistique Canada, Gains des hommes etdes femmes, 1991, 13-217, janvier 1993.

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HARMONISER LE TRAVAILET LA FAMILLE ET REPENSERL'ORGANISATION DU TRAVAIL

À /aintenant qu'elles sont inté-/1/7 grées massivement sur lemarché du travail, les femmes sou-haitent redéfinir le monde du travailet l'humaniser. D'une part, ellesdésirent mieux concilier leur vie pro-fessionnelleetfamiliale, d'autrepart,elles revendiquent de nouvelles fa-çons de structurer le travail et lesorganisations. Voyons d'abord lelien entre la vie professionnelle et lavie privée.

En 1961, 20 % seulement desfamilles avaient deux revenus.Aujourd'hui, dans plus de lamoitié desfoyers canadiens, lesdeux conjoints travaillent1.

De nos jours, peu de familles cana-1

diennes correspondent au «modèle»traditionnel de la famille nucléaireoù le père est le seul soutien finan-cier de la famille et la mère reste aufoyer avec les enfants.

Que ce soit par choix personnel oupar nécessité économique, 68 %des femmes ayant des enfants à lamaison travaillent à l'extérieurdu foyer2.

Parce que plus de la moitié des Ca-nadiennes font partie de la popula-tion active rémunérée, il existe unnombre décroissant de familles oùles adultes peuvent rester à la mai-son pour s'occuper des enfants oudes personnes âgées qui ont unesanté précaire. Néanmoins, on en-courage de plus en plus l'intégrationcommunautaire des personnes at-teintes d'un handicap, ainsi que

l'autonomie des personnes âgées.Or, cette tendance survient au mo-ment où il y a moins de femmes aufoyer qui pourraient donner des soinsà ces personnes et faire du bénévolatdans les services communautairescomplétantlesoutienfamilial. C'estainsi que de nombreuses femmes dela «génération sandwich» s'occu-pent à la fois de personnes âgées et

des jeunes, tout en travaillant àl'extérieur du foyer.

Quarante pour cent des person-nes de 30 ans et plus procurent dessoins à des parents âgés. Un nom-bre croissant de familles s'oc-cupent aussi d'une personne han-dicapée3.

Taux d'activité chez les femmesayant des enfantsà la maison, selonl'état matrimonial,Canada*, 1981,1986,1991

Ayantdes enfantsà la maison

Tous les étatsmatrimoniaux

Célibataire

Mariée dont leconjoint estabsent"

Mariée dont leconjoint estprésent***

Veuve

Divorcée

198119861991

198119861991

198119861991

198119861991

198119861991

198119861991

52,460,668,4

50,154,454,5

62,867,769,2

52,161,270,1

45,333,933,0

68,771,975,9

Tousles enfantsde moinsde 6 ans

50,061,767,2

45,351,547,3

60,864,763,1

49,462,169,0

53,157,556,5

64,868,568,0

Certainsenfants

de moinsde 6 ans

44,855,463,9

32,937,639,8

51,856,557,3

44,655,865,3

36,646,652,5

45,854,357,2

Tousles enfantsde 6 anset plus

54,961,469,8

61,162,767,2

65,570,673,4

55,062,171,6

35,133,432,5

71,473,778,2

* Comprend les femmes dans les ménages privés seulement.** Comprend les séparés ou les partenaires en union libre étant absents.*** Comprend les partenaires en union libre étant présents.

TABLEAU 6

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Les travailleuses des générationsplus jeunes peuvent s'attendre à pas-ser entre 34 et 37 ans sur le marchédu travail, une durée presque équi-valente à celle des hommes4. À titrede travailleuses et de membres d'unefamille, les femmes ont deux viesdifférentes. Les exigences de l'unechevauchent celles de l'autre et ildevient de plus en plus difficile decombiner avec les deux. Ce que laplupart des femmes désirent et valo-risent par-dessus tout, ce qu'ellescherchent à construire et à préser-ver, c'est l'équilibre entre la viepersonnelle ou familiale et la vieprofessionnelle. Or, cette harmonieest difficile à atteindre dans unmonde du travail conçu en fonctiond'une main-d' œuvre masculine donton prévoit qu' elle accordera la prio-rité absolue au travail, libérée qu'elledoit être de toute responsabilité do-mestique et familiale parce quec'est la conjointe qui, croit-on, s'enoccupe.

Le stress engendré par le déséquili-bre que vivent les travailleuses et lestravailleurs entre les exigences dutravail et le poids des responsabili-tés familiales se répercute sur lechiffre d'affaires. En effet, l'ab-sentéisme pour des raisons person-nelles ou familiales modifie les at-tentes au niveau de la productivité,de l'assiduité et du taux de roule-ment de la main-d'œuvre. Quel-ques employeurs, organismescommunautaires et syndicatsinnovateurs ont élaboré des politi-ques et bâti des programmes axéssur la famille afin que les travailleu-ses et travailleurs ayant des respon-sabilités familiales ne soient pas pé-nalisés sur le plan du traitement, dela sécurité d'emploi et des possibili-tés d'avancement. Les familles

monoparentales ont particulièrementbesoin de mesures leur offrant lesmêmes possibilités que celles aux-quelles ont accès les famillesbiparentales.

Étant donné le nombre croissant defamilles canadiennes dont les deuxconjoints travaillent, les services degarde d'enfants accessibles et dequalité supérieure assurés par l'Étatsont devenus une question écono-mique et sociale urgente. Une pro-messe en ce sens faite par le gouver-nement conservateur en 1984 estrestée lettre morte. Le nombre deplaces en garderies n'a pas suivi1 ' augmentation du nombre de mèressur le marché du travail et certainesfemmes ne peuvent pas se permettrede chercher ou d'accepter un em-ploi, faute de places subventionnéesen garderie.

Soixante-neuf pour cent des fem-mes mariées dont tous les enfantssont âgés de moins de six ans fontpartie de la main-d'œuvre rému-nérée5.Parce que les hommes partagentmaintenant davantage les responsa-bilités familiales, certains refusentun poste, une promotion ou unemutation qui les obligerait à consa-crer moins de temps à leur famille.Leur engagement familial contri-bue à changer les attitudes de lasociété face au travail, àlafamilleetau coût de la réussite profession-nelle. Les congés de «parentalité»payés pourraient devenir le prochaincheval de bataille afin de permettreà un plus grand nombre d'hommesde prendre congé à l'arrivée d'unenfant dans la famille, étant donnéque les congés de maternité payésne sont offerts qu'à une très faibleproportion de travailleuses au Ca-nada.

La tendance d'avoir des enfants plustard dans sa carrière aura imman-quablement des conséquences surl'organisation du travail. Beaucoupde parents, et surtout les nouvellesmères de 30 ans et plus, désirenttravailler des heures réduites, voya-ger moins fréquemment pour le tra-vail et apporter moins de travail à lamaison. Dans les milieux profes-sionnels particulièrement com-pétitifs et axés sur la productivité,de tels comportements risquentd'être mal acceptés, notamment dela part de celles qui envisagent degrimper dans la hiérarchie.

Parce que les femmes assument laplupart du temps la plus grosse partde responsabilité envers les enfants,elles sont de plus en plus motivées àexiger des changements orga-nisationnels. À mesure que les fem-mes formeront une masse critique àtous les niveaux dans les divers mi-lieux de travail, elles modifierontl'univers professionnel en fonctionde leurs responsabilités familiales.Les réunions seront par exemple deplus en plus difficiles à organiser ensoirée parce qu'elles imposerontleurs contraintes d'ordre familialdans le monde du travail. Cetteaffirmation de la différence pourraitsusciter de nouvelles alliances entreles femmes et les hommes : dans lamesure où ces derniers souhaitentun milieu de travail plus humain etrecherchent de nouveaux modèlesdans la définition de la famille, ils serallieront aux revendications de leurscompagnes.

Le réaménagement du temps de tra-vail peut constituer un moyen privi-légié d'atteindre un meilleur équili-bre entre le travail et la famille, lebénévolat, la formation continue etles loisirs. Par exemple, àl'intérieur

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du travail à temps plein, il existe dessolutions de rechange telles quel'horaire variable, la semaine de tra-vail comprimée et l'horaire saison-nier. Bien que le travail à tempspartiel comporte généralement desdésavantages marqués, certains pa-rents peuvent le préférer afin deconsacrer plus de temps à leur fa-mille, pendant quelques mois ouquelques années. La formule desemplois partagés permet à deux per-sonnes qui veulent travailler à mi-temps de partager un poste à tempsplein, avec les avantages d'un em-ploi régulier. Cette formule doitcependant être strictement volon-taire.

Les formules d'aménagement dutemps de travail risquent d'être pluspopulaires auprès des femmes quedes hommes, ce qui pourrait avoirpour effet de marginaliser davan-tage le travail féminin. C'est pour-quoi il est primordial de changer lesmentalités pour que l'éducation desenfants par l'un ou l'autre parentfasse partie des plans de carrièreprofessionnelle. Dans la mêmeveine, avec les développements tech-nologiques actuels, il devient de plusen plus facile de travailler à la mai-son. Il faudra que les parents dejeunes enfants qui travaillent à do-micile aient accès à des services degarde au même titre que ceux quisont sur les lieux de travail del'employeur.

En préconisant de nouvelles valeurssociales comme l'égalité et le par-tage, les femmes remettent en causela division traditionnelle du travail.Cette division se reflète dans la mul-titude de niveaux hiérarchiques, lacentralisation du pouvoir de déci-sion ou l'écart marqué entre concep-tion et exécution. Depuis une ving-

taine d'années, de nouvelles formesd'organisation du travail et de nou-veaux modes de gestion ont été misà l'essai en vue de rendre le milieude travail plus humain, plus démo-cratique et plus productif. Parcequ'elles visent à restructurer lesemplois et à favoriser l'autonomie,ces initiatives devraient, en prin-cipe, être compatibles avec les ob-jectifs des programmes d'équitéd'emploi. Cependant, elles n'ontqu'un impact limité puisque la dis-crimination systémique persiste dansl'organisation du travail. Bienqu'enrichissantes, ces formulesinnovatrices demeurent des expé-riences isolées et beaucoup d'entreelles sont axées sur l'augmentationde la productivité, au détriment de1 ' amélioration des conditions de tra-vail.

Tout être humain a besoin de seréaliser, de s'exprimer et d'affirmerson autonomie. Or, la plupart de nosmilieux de travail sont rigides etcontraires à l'épanouissement. Ilspeuvent toutefois être modifiés. Àl'instar des hommes, les femmestravaillent mieux lorsqu'elles ontun mot à dire sur le choix de leurespace physique, de leurs horaires,sur l'organisation des tâches et lesfaçons d'améliorer l'efficacité et leservice. En plus de souhaiter unmeilleur contrôle de leur travail, el-les recherchent de nouvelles possi-bilités d'apprendre et de devenir po-lyvalentes. Ces améliorations pro-curent satisfaction et fierté et favori-sent un bon rendement.

Le stress au travail est l'un des plusgrands risques pour la santé des fem-mes. Des recherches ont montréque les travailleuses qui vivent leplus de stress sont celles qui occu-pent des postes dans lesquels elles

subissent de grandes contraintes sansexercer de contrôle6. Le stress peutaussi provenir d'un emploi mono-tone et mal rémunéré, dont le rythmeest dicté par la machine. Il peut semanifester si l'on fait l'objet d'unesurveillance étroite ou de har-cèlement sexuel ou si l'on est ti-raillée entre ses responsabilités pro-fessionnelles et familiales. Parailleurs, l'implantation répandue denouvelles technologies a occasionnéde profonds changements qui n'ontpas toujours contribué à l'amé-lioration de la qualité de vie au tra-vail. Le double travail accompli parles femmes à la maison et à leuremploi rémunéré engendre un stressparticulier, encore plus prononcéchez les chefs de familles mono-parentales.

Les conditions de travail des fem-mes œuvrant dans les «ghettos ro-sés» (le travail de bureau, la vente,les services) peuvent être néfastespour la santé. La plupart de cesfemmes sont obligées de travaillerdans des postures contraignantes,assises ou debout pendant de lon-gues périodes, sans pouvoir se dé-placer. La nature de leurs tâchesexige souvent qu 'elles répondent auxbesoins des autres. Il est possible derepenser l'organisation du travail defaçon à améliorer le sort de ces tra-vailleuses.

Nul doute que la présence accruedes femmes sur le marché du travailentraînera une redéfinition des rè-gles du jeu au sein des organisa-tions. Ce mouvement irréversibleaura sans doute des conséquencesimportantes, tant sur la cultureorganisationnelle, la structure desemplois, les conditions de travail, lecontenu des tâches que sur la répar-tition des salaires.

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QUELQUES PISTES

de SOLUTIONS

L'harmonisation dès responsa-bilités professionnelles et fami-liales exige des programmes, desservices, des lois, ainsi qu'unchangement d'attitude. À cettefin:

• mettre en place un réseau com-plet de services de garde Subven-tionnés à horaires flexibles (ycompris des garderies de dépan-nage, des haltes-garderies, desservices de garde après lès heu-res d'école) et inciter les em-ployeurs à offrir à leur personneldes services de garde;• mettre à la disposition du per-sonnel dé l'information sur lesservices à l'intention des enfantset des personnes âgées;• repenser l'architecture etl'aménagement des projetsd'habitation dé manière à élargirle réseau dé collaboratrices et deCollaborateurs (personnes âgées,célibataires) qui pourraient ap-puyer les parents dans leur tâched'éducation;• rendre plus accessibles les con-gés parentaux et les congésd'urgence rémunérés pour pren-dre soin des personnes à charge,notamment par 1 ' entrerai se deslois sur les normes minimales detravail;• adopter des horaires de travailsouples pour encourager le par-tage entre les deux parents dessoins donnés aux enfants et destravaux ménagers;

• assouplir les heures d'ouverturedes services publics pour les ren-dre plus accessibles aux parentsqui travaillent à l'extérieur duf o y e r ; . • . . . . ; , . ; . . . , , • . . ; , • ' • • • : . - • ' : • : • & • . • • :

• instituer une «journée des en-fants» au travail.

Pour rendre nos milieux dé tra-vail plus humains et plus produc-tifs, plusieurs mesures peuventêtre envisagées :

• mettre en œuvre des program-mes d'amélioration du milieu dutravail qui favorisent la partici-pation du personnel aux déci-sions qui les affectent et larestructuration des emplois envue d'encourager l'autonomie,l'apprentissageetlapoly valence;• intégrer les principes d'équitéd'emploi dans les nouvelles for-mes d'organisation du travail dem anière à utiliser le plein poten-tiel de la main-d'œuvre fémininedéjà en place;• n'introduire des changementsmajeurs en milieu de travailqu'avec le consentement et laparticipation des personnes vi-sées;• rechercher l'appui des hommesqui sont disposés à repenserl'organisation du travail pourmieux concilier responsabilitésprofessionnelles et familiales;• s'assurer le respect des normesde santé et de sécurité au travail.

1. Statistique Canada, Activité des femmesselon la présence d'enfants (Recensementde 1991), 93-325, mars 1993.2. Direction générale de la condition fémi-nine de l'Ontario, Le Travail et la famille.Un équilibre délicat, 1991.3. Ibid.4. Ibid.5. Statistique Canada, Activité des femmesselon la présence d'enfants (Recensementde 1991), 93-325, mars 1993.6. Conseil consultatif canadien sur la situa-tion de la femme, Le travail des femmes ellestress, 1989.

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FAIRE RECONNAITRELE TRAVAIL INVISIBLE ET GRATUIT

f j u'entend-onpar «travail i n -\£\^ visible» des femmes? Ils'agit des multiples tâches nécessai-res à la vie quotidienne (comme letravail ménager et le soin des en-fants) qui profitent à la famille et àl'ensemble de la société et que lesfemmes effectuent gratuitement, àtemps plein ou en plus d'un travailrémunéré. Le travail invisible in-clut également le travail bénévole etcommunautaire des femmes.

Autrefois, les femmes s'engageaientdans une vie complète de travail aufoyer en se mariant et en ayant unefamille. De nos jours, la plupart desfemmes travaillent à l'extérieur dufoyer avant d'avoir des enfants, ar-rêtent ensuite pendant quelques moisou quelques années pour prendresoin de leurs enfants en bas âge, puisretournent sur le marché du travail.Il s'ensuit donc qu'un très grandnombre de femmes seront des tra-vailleuses au foyer à une certainepériode de leur vie. Bien que lestravailleuses au foyer jouissent d'unecertaine autonomie, il leur est diffi-cile d'en profiter pleinement, car lesheures de travail sont longues et lestâches répétitives. Les mères aufoyer sont souvent isolées des autresadultes.

Dans de nombreux ménages, c'estla femme qui abandonne ses ambi-tions de carrière et qui renonce doncà un revenu plus élevé, lorsque sesaspirations sont incompatibles avecses responsabilités familiales. Lefait que la femme s'occupe du tra-vail ménager peut permettre à

l'homme d'obtenir une meilleureformation professionnelle, un sa-laire plus élevé, des loisirs accrus -bref, une meilleure qualité de vie.La conjointe peut ainsi contribuer àaméliorer le revenu familial et lacapacité d'épargne de son compa-gnon ou sa productivité au travail.Autant d'avantages qui risquent ce-pendant de ne profiter vraimentqu'au mari en cas de rupture.

En effet, la sécurité économique dela travailleuse au foyer est intime-ment liée à la présence d'un con-joint, à son bon vouloir et à la rela-tion affective qui les unit. Pareillesécurité est fragile, car elle peutaisément être compromise par ledivorce, la séparation ou le veu-vage. Comme la répartition desrevenus et des actifs familiaux est laplupart du temps très inégale pen-dant la durée de l'union, toute disso-lution de cette union peut entraînerdes conséquences économiques gra-ves pour la femme et parfois pourles enfants. Puisqu'une Canadiennesur dix est victime de violence con-jugale, nombreuses sont celles quine peuvent quitter le foyer faute deréserves financières suffisantes pourrefaire leur vie.

Celles qui n'ont pas de conjoint ouqui n'en ont plus doivent compter,pour leur subsistance, soit sur lapension alimentaire dont le montantpeut être faible et les paiements irré-guliers, soit sur l'aide sociale, soitsur les prestations de conjointe sur-vivante ou sur la pension devieillesse, selon le cas. L'État — et

donc les contribuables — est engrande partie responsable de la sé-curité de revenu de ces femmes.

Du fait de la sous-évaluation dutravail ménager et des soins appor-tés aux enfants — deux fonctionsessentielles sur le plan socialqu'exercent bénévolement (paramour) les femmes —, nombred'emplois occupés en majorité parles femmes (p.ex. infirmière, coutu-rière, cuisinière) qui en sont le pro-longement, subissent le même sortet sont par conséquent sous-payes.

Pour les travailleuses au foyer, lafaçon la plus sûre de s'assurer unecertaine sécurité économique à laretraite est de se joindre au marchédu travail. Cependant, leur intégra-tion ou leur réinsertion dans ce mar-ché est difficile car l'expérience dutravail domestique n'est pas recon-nue par les employeurs, et encoretrès peu à l'intérieur du systèmed'éducation.

Malgré que le travail au foyer nonrémunéré constitue l'activité la plusproductive au monde, il est sansimportance pour les économistes.Fait gratuitement, il n'a aucune va-leur marchande et la plupart despays, y compris le Canada, ne lecomptabilisent pas dans le produitintérieur brut, un système jugésexiste et inexact qui ne tient compteque du travail rémunéré. Sa valeuréconomique est pourtant incontes-table.

La valeur du travail domestiqueau Canada était estimée en 1986 à

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200 milliards de dollars, soit aumoins un tiers du produit inté-rieur brut, c'est-à-dire la valeurtotale de tous les biens et servicesproduits au pays1.Le jour où le travail des femmes serareconnu officiellement comme unepartie vitale de la production écono-mique du pays, tant les familles queles employeurs le valoriseront da-vantage. On a tendance à oublierque les travailleuses au foyer four-nissent une vaste gamme de biens etde services qui profitent à leur fa-mille et à leur milieu. Plusieursexploitent de petites entreprises àdomicile, sont collaboratrices dansl'entreprise ou la ferme familiale,échangent avec d'autres travailleu-ses au foyer des biens et des serviceset font du bénévolat. Malgré tout,les travailleuses au foyer sont tou-jours considérées par StatistiqueCanada comme faisant partie de la«population inactive».

Les femmes accomplissent 68 %de toutes les heures de travail do-mestique non rémunéré2.La responsabilité des enfants de-meure encore, malgré l'apparitionde tendances nouvelles, d'abord etavant tout l'affaire des femmes. Lepartage des tâches domestiques estloin d'être égal entre les hommes etles femmes, dans toutes les couchesde la société. De nombreuses mèrestravaillent à l'extérieur du foyer etfont une double journée. De plus,les femmes s'occupent du bien-êtrephysique et psychique des membresde leur famille, parfois au détrimentde leur propre bien-être. Lorsqueles couples partagent également laresponsabilité du travail domesti-que, l'éducation des enfants et lessoins aux personnes âgées ayant desbesoins spéciaux, ils élargissent la

gamme des choix réels accessiblesaux deux sexes.Certaines femmes ont encore de ladifficulté à partager et à déléguer lestâches ménagères à leur conjoint ouà leurs enfants. Parce qu'elles veu-lent tout faire elles-mêmes et le fairebien (le syndrome de la super-femme), elles sontplus susceptiblesde souffrir d'épuisement et de de-voir sacrifier sommeil et loisirs poursatisfaire leurs propres attentes. Ac-tuellement, en raison du taux dechômage élevé chez les hommes,dans un nombre croissant de ména-ges, c'est la femme qui assume lerôle de soutien financier de la fa-mille. Cette nouvelle réalité devraitamener les couples à redéfinir lepartage des tâches ménagères et desresponsabilités familiales, de sortequ'un nouvel équilibre puisse êtreatteint dans la division du travail.

Quant au bénévolat, il a, selon uneétude du gouvernement fédéral, unevaleur économique équivalant à 12milliards de dollars par année3. Lesfemmes de tous les milieux et detous les âges s'impliquent bénévo-lement et militent dans des causesvisant à améliorer le bien-être de lasociété. Elles sont plus susceptiblesque les hommes (30 % contre 24 %respectivement) à faire du béné-volat4. Comme le travail au foyer, letravail bénévole des femmes de-meure largement invisible et gagne-rait donc à être reconnu à sa justevaleur.

QUELQUES PISTES

de SOLUTIONS

Depuis une trentaine d'années,des groupes de femmes au Ca-

nada, comme ailleurs dans lemonde, luttent pour que les gou-vernements reconnaissent offi-ciel-lement la valeur du travailinvisible des femmes. Voici lesprincipales revendications dansce dossier :

• sensibiliser les femmes, demême que l'opinion publique, àl'apport économique et socialdes travailleuses au foyer et fairereconnaître le travail domesti-que et bénévole comme une ex-périence valable;• comptabiliser le travail au foyerdans les statistiques de la pro-duction nationale;•imposer un meilleur partage dela richesse familiale;• revendiquer un traitement fis-cal équitable qui traite les tra-vailleuses au foyer comme descitoyennes à part entière;• accorder aux travailleuses aufoyer des avantages sociauxsemblables à ceux dont jouis-sent lès autres travailleuses ettravailleurs; y compris une pro-tection àla retraite;• faciliter l'accès à des program-mes de recyclage favorisant laréinsertion des personnes aufoyer sur le marché du travail;• initier les garçons au travailménager et aux soins à apporteraux enfants, tant à la maisonqu'à l'école.

1. «Putting a Value on Housework», TheOttawa Citizen, 28 juin 1992.2. Ibid.3. Secrétariat d'État, Les aspects économi-ques du bénévolat au Canada, 1990.4. Statistique Canada, Donner sans comp-ter : les bénévoles au Canada, 71-602,1989.

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UNE NECESSITE ABSOLUE :ÉCHAPPER À LA PAUVRETÉ

f \ n le sait, les femmes sontC/ maintenant plus scolarisées,plus de la moitié des Canadiennesont un revenu provenant d'un em-ploi, plusieurs font des affaires. Onpourrait donc croire qu'elles ont at-teint l'autonomie financière. Or, cen'est pas le cas puisque le nombre etla proportion de femmes pauvrescontinuent d'augmenter au Canada.

ville de 500 000 habitants ou plus etde 20192 $, si elle habitait en milieurural1. Même si des différences exis-tent quant à la définition de la pau-vreté, on peut dire qu'est pauvrecelle ou celui qui n' a pas assezd'argent pour satisfaire ses besoinsfondamentaux et vivre convenable-ment.

80

70

60

50

40

30

20

10

0

TAUX DE PAUVRETÉ SELON LE GENRE DE FAMILLE, 1990

60,6 %

47,1 %

33,3%

27,2 %

9,6

Mères Femmes Femmes Hommes Hommes Couples Couples Couplesseules seules seules seuls seuls avec âgés sans

âgées de âgées de âgés âgés de enfants de 65 ans enfants65 ans et moins de de 65 ans moins de et plus

plus 65 ans et plus 65 ans

TABLEAU 7

Le seuil de pauvreté est calculé an-nuellement d'après la taille de lacommunauté (urbaine ou rurale) etla grandeur de la famille. Par exem-ple, le seuil de pauvreté établi parStatistique Canada pour une famillede quatre personnes était en 1991 de29 661 $ si elle résidait dans une

Entre 1971 et 1986, le nombre defemmes vivant en-dessous du seuilde la pauvreté a progressé de110 %, comparativement à 24 %pour les hommes2.

Cette tendance économique bou-leversante explique pourquoi on

parle de «féminisation de la pau-vreté». Ce sont les mères seules etleurs enfants, suivies des femmesâgées seules, puis des femmes céli-bataires, séparées ou divorcées demoins de 65 ans, qui sont les plussusceptibles d'être pauvres3. Onremarque également que les nou-veaux pauvres comptent une pro-portion importante de jeunes fem-mes et de mères âgées de 16 à 24ans. De nombreuses femmes qui nefont pas partie de la main-d'œuvresalariée n'ont aucun revenu. Ainsi,la pauvreté des femmes les main-tient dans un état de dépendance àl'égard de leur conjoint, de leur ex-conj oint, de leur famille ou de 1 ' État.

Au Canada, une famille sur cinqest monoparentale. Quatre-vingtdeux pour cent des familles àparents uniques sont dirigées pardes femmes. Soixante et un pourcent des mères seules sont pau-vres, comparativement à 10 %des couples avec enfants4.

Comme la santé mentale est étroi-tement liée à la situation socio-éco-nomique d'une personne, l'insuf-fisance de revenus constitue une im-portante source d'angoisse, de stresset de dépression chez les femmes. Ilest connu depuis longtemps que lespersonnes économiquement faiblesont plus de problèmes de santé etmeurent prématurément. De nom-breuses familles démunies n'ont pasles moyens de vivre dans un loge-ment adéquat, de bien s'alimenter,d'avoir des loisirs. De telles condi-tions peuvent engendrer des priva-

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tions constantes etil devientalors difficile pour unefemme défavorisée d'ac-quérir de nouvelles compé-tences pour trouver et gar-der un bon emploi. Cettesituation a également desrépercussions sur ses en-fants dont l'apprentissage à1 ' école peut être entravé parla faim. Certaines person-nes sont d'avis que la pau-vreté constitue une formede violence.

Au Canada, plus d'unmillion d'enfants — soitun sur six — vit dans lapauvreté5.

TAUX DE PAUVRETÉ SELON L'ÂGE ET LE SEXE, 1990

24%

TABLEAU 8Le phénomène de la pauvreté desfemmes s'explique en grande partiepar le fait qu'elles assurent gratuite-ment l'essentiel de la responsabilitédes travaux ménagers et du soin desenfants ou de personnes âgées ouhandicapées. Ces responsabilitésdiminuent leurs chances de trouverdu travail et réduit aussi, si elles ontun emploi, le nombre d'heures detravail qu'elles pourront y consa-crer. Le statut matrimonial peutaussi avoir d'importantes répercus-sions sur le revenu.

En 1991, les femmes célibataires(jamais mariées ) travaillant àplein temps toute l'année ga-gnaient 91,1 % du revenu de leurshomologues masculins, com-parativement à 64,9 % pour lesfemmes mariées6.

Même si l'emploi à temps plein toutel'année demeure le meilleur moyend'échapper à la pauvreté, le faitd'avoir du travail ne garantit pasnécessairement un revenu convena-ble. Bien des travailleuses à temps

plein ne parviennent pas à tirer deleur emploi des revenus leur per-mettant de vivre et de faire vivre leurfamille. Le problème subsiste sou-vent même lorsque la famille compteplus d'une personne salariée. C'estqu'en tant qu'institution, le marchédu travail traite les femmes de façonprofondément injuste. En effet, laplupart gagnent des salaires moinsélevés que les hommes, se retrou-vent dans des emplois instables etsont victimes de ségrégation profes-sionnelle et de discrimination.

RÉPARTITION DES FAMILLES PAUVRES ET DES PERSONNES SEULES PAUVRES

Mèresseules

255 000

Couplesde 65 ans et plus

61 000

Couplesavec enfants285000

Femmesde 65 ans

et plus330 000

Autres146 000

Couplessans enfants

127000Hommes

de moins de 65 ans353 000

Hommes de 65 ans et plus78000

Femmes demoins de 65 ans361 000

Familles pauvres Personnes seules pauvres

TABLEAU 9

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C'est dans le secteur des servicesque le plus d'emplois ont été créésdurant la dernière décennie, maisces postes temporaires ou à tempspartiel, occupés largement par desfemmes, sont souvent rémunérés ausalaire minimum. Or, il est impos-sible qu' une personne échappeà la pauvreté lorsqu'elle estpayée au salaire minimum.Dans la même veine, l'infla-tion des années 80 a eu deseffets dévastateurs sur les fai-bles revenus des femmes, carleur pouvoir d'achat s'en esttrouvé amoindri.

60

50

40

30

20

10

0

Depuis 1975, la valeur réelledu salaire minimum a chutédans une proportion allantde 20 % à 30 % presquepartout au Canada7.

Les gouvernements veulent deplus en plus amener les assis-tées sociales aptes à l'emploià intégrer le marché du tra-vail. Il n'y aucun doute quel'aide sociale renforce la dé-pendance des femmes et les main-tient dans la pauvreté. Par contre, laplupart des emplois auxquels lesassistées sociales pourraient avoiraccès sont si mal rémunérés qu'ilsne peuvent garantir l'autonomie fi-nancière, faute de rapporter suffi-sammentpourpouvoirpayerlagardedes enfants, les frais de transport etles autres nécessités de la vie cou-rante. En fait, ces femmes risque-raient de se retrouver dans une situa-tion financière pire en travaillantque si elles dépendent de l'aide so-ciale.

La multiplication des séparations etdes divorces a été fort coûteuse pourles conjointes et conjoints et notam-ment pour les femmes ayant la charge

des enfants. Dans 85 % des cas deséparation et de divorce, les mèresse voient confier la garde des en-fants; les pensions alimentaires deleur conjoint, quand elles sont ver-sées, ne suffisent pas à combler lesbesoins de la famille.

La plupart des Canadiennes peu-vent s'attendre à passer leur vieil-lesse dans la pauvreté, en partie parcequ'elles vivent plus longtemps queles hommes et qu'elles ont plus dechances de vivre leurs dernières an-

Taux de pauvreté selon l'âge, 1990

52,6 %

43,6 %

Moins de25 ans

65 anset plus

Chefs de famille Personnes seules

TABLEAU 10

À la suite d'un divorce ou d'uneséparation, les revenus des fem-mes diminuent en moyenne de39 %, alors que ceux des hommesaugmentent de 7 %*.

Par ailleurs, les mesures fiscales vi-sant à aider les parents ne représen-tent qu'une fraction des coûts réelsde l'éducation des enfants. De façongénérale, les cas de pauvreté chez lamajorité des mères seules sont tem-poraires et se produisent surtoutaprès une séparation ou un divorce.Par contre, les filles-mères peu sco-larisées qui ont du mal à trouver dutravail et des services de garde ris-quent de dépendre de l'aide socialeplus longtemps.

nées seules. Plus elles sont âgées,plus leur pauvreté s'accentue.

Quarante-cinq pour cent des fem-mes seules ayant entre 70 et 74 ansvivent dans la pauvreté. Ce pour-centage passe à 57 % entre 75 et79 ans et à 75 % après 80 ans9.

C'est que les programmes de sécu-rité du revenu des gouvernementsne suffisent simplement pas. Lesfemmes âgées ont moins de chancesque les hommes de bénéficier d'unrégime de pension lié à l'emploi oudu Régime de pensions du Canada,car n'ayant été que peu ou pas dutout sur le marché du travail durantleur vie active, elles n'ont pu accu-muler de rentes ou d'épargnes pour

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leur troisième âge. Rares sont cellesqui ont accès au régime de pensionde leur époux.

Bien que la pauvreté chez les per-sonnes âgées ait diminué de façonsignificative au cours des années 80parce que les gouvernements ontmis en place des mesures pour leurgarantir un revenu minimum, lapar-tie n'est pas gagnée d'avance pourles générations futures. Les tendan-ces économiques et politiques ac-tuelles laissent entrevoir que, l'âgede 1 a retraite venu, les aînées et aînésdevront compter surtout sur leurspropres moyens plutôt que sur lesgouvernements pour combler leursbesoins financiers. Les femmes ris-quent alors d'être les grandes per-dantes.

Quant au système fiscal, il perpétuela pauvreté en exerçant une discri-mination systémique à l'égard desfemmes. En effet, de nombreusesfemmes sont pénalisées sur le plande l'impôt sur le revenu en raison dela non-reconnaissance de leur tra-vail ménager et de la sous-évalua-tion de leur travail rémunéré. Parexemple, les règles actuelles pré-voyant un crédit de marié et le trans-fert des crédits de conjoint non uti-lisés ne contribuent pas à l'auto-nomie de la femme et ne reconnais-sent pas la valeur du travail qu'elleaccomplit gratuitement au foyer.

QUELQUES PISTES

de SOLUTIONS

Pour éliminer la pauvreté, plu-sieurs mesures s'imposent. Ence qui concerne le monde dutravail :

« favoriser l'indépendance éco-nomique des femmes en créantdes emplois rémunérés conve-nablement et en assurant un re-venu suffisant à la retraite;• améliorer les revenus grâce àl'équité salariale et à l'équité enmatière d'emploi, notammentdans le secteur privé;• obliger lés entreprises et orga-nismes obtenant des contrats desgouvernements à verser à leursemployées et employés un sa-laire équitable;• hausser le salaire minimum;• élargir l'accès aux program-mes de formation professiôn-

; * adopter une politique de pleinemploi; :• favoriser la sy ridicalisation dela mMri-d' œuvre faiblement ré-munérée;• mettre en place un réseau na-tional de services de garde quiréponde aux besoins des famillescanadiennes.

En ce qui concerne 1 a sécurité durevenu :

• modifier le système fiscal demanière qu'il traite les femmescomme des individus plutôt quecomme des personnes à charge;•procéder aune réformedel' aidesociale en offrant aux assistéessociales une aide substantiellepour chercher un emploi (fraisde gardé, dé transport payés,etc.);• améliorer les avantagés liés aufait d' avoir des enfants à chargeen augmentant et en indexant lescrédits d'impôt pour enfants;

• augmenter les suppléments derevenu versés aux mères seules;• rendre obligatoire le verse-ment des pensions alimentaireset des ordonnances d'entretienet les rendre non imposablespour les personnes qui les reçoi-vent;• mettre en place un revenu mi-nimum annuel garanti qui sesituerait au-dessus du seuil delàpauvreté.

1. Conseil national du bien-être social, Pro-fil de lapauvreté, 1980 à 1990, 1992.2. Gunderson, Morley, Muszynski, Léon,Vivre ou survivre ? Les femmes, le travail etla pauvreté, Conseil consultatif canadiensur la situation de la femme, 1990.3. Conseil national du bien-être social, Pro-fil de lapauvreté, 1980 à 1990, 1992.4. «La récession impitoyable pour les fa-milles monoparentales», L'Express, éditiondu 22 décembre 1992 au 11 janvier 1993.5. Conseil national du bien-être social, Pro-fil de lapauvreté, 1980 à 1990, 1992.6. Statistique Canada, Gains des hommes etdes femmes, 1991, 13-217, janvier 1993.7. Gunderson, Morley, Muszynski, Léon,Vivre ou survivre ? Les femmes, le travail etla pauvreté, Conseil consultatif canadiensur la situation de la femme, 1990.8. Conseil économique du Canada, Les nou-veaux visages de lapauvreté. La sécurité durevenu des familles canadiennes, Ottawa,1992.9. Harder, Sandra, Service de recherche,Bibliothèque du Parlement, Les femmes auCanada, situation économique et autresquestions d'actualité, 1991.

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CONCLUSION

/

l est indéniable que la situa-tion économique des femmes

s'est nettement améliorée au coursdes dernières décennies. Les fem-mes sont maintenant plus instruites,davantage présentes dans des postesde direction et dans les professionslibérales et mieux réparties qu'au-trefois dans un plus grand nombrede catégories professionnelles. Unnombre croissant de femmes se lan-cent en affaires et créent des em-plois. Un autre fait encourageantest la diminution de l'écart salarialentre les sexes.

Mais en dépit des lois et des politi-ques favorisant l'égalité, il resteencore beaucoup de chemin à par-courir avant que les femmes jouis-sent des mêmes droits et privilègesque les hommes. Les statistiquesprésentées dans ce recueil économi-que révèlent que les femmes n'ontpas encore accès aux mêmes possi-bilités d'amélioration de leur bien-être économique et social que ceux-ci, en particulier les femmes franco-phones vivant en milieu minoritairequi demeurent fortement défavori-sées, que ce soit au chapitre du tauxde participation à l'emploi, du re-venu ou de la scolarité.

Nous avons vu que la plupart desfemmes veulent obtenir par néces-sité, un emploi permanent à tempsplein et qu'elles investissent beau-coup d'elles-mêmes dans leur tra-vail, même si elles demeurent can-tonnées, pour la plupart, dans desemplois monotones, sans avenir quisontmal payésetpeuvalorisés. Afin

que les femmes puissent accéder àl'autonomie financière, il est vitalque leur travail leur procure un re-venu suffisant, car la proportion desfemmes pauvres au Canada demeuretrop élevée.

L'égalité d'accès ne doit pas êtreconsidérée comme un traitement defaveur, maisplutôtcommeunmoyende réparer les injustices commises àl'égard des femes. Les programmesd'équité d'emploi seront nécessai-res tant que les femmes resterontdisproportionnellement confinéesdans des ghettos d'emplois mal ré-munérés. Le syndicalisme consti-tue une autre stratégie pour assureraux travailleuses de meilleurs salai-res et des conditions de travail satis-faisantes. Quant à l'éducation étalaformation, elles demeurent sans con-tredit la clé des emplois de qualité etun des meilleurs antidotes contre lechômage.

Pour que la contribution économi-que des femmes soit appréciée à sajuste mesure, il faut également re-connaître l'importance et la valeurdu travail ménager et du soin desenfants et des personnes âgées,autant de tâches effectuées gratuite-ment et non comptabilisées dans leséconomies nationales. La participa-tion massive des mères de jeunesenfants au marché du travail amè-nera les couples et les familles àdéfinir de nouveaux rapports pluségalitairesetobligerales employeursà mettre en œuvre des moyensinnovateurs pour mieux concilier letravail et la vie privée. Une condi-

tion essentielle à l'égalité économi-que des femmes est d'ailleurs lamise sur pied d'un réseau de servi-ces de garde accessibles et de bonnequalité.

Larécessionde 1990, combinée avecles politiques de restructuration éco-nomique mises de l'avant par laplupart des gouvernements au Ca-nada, ont durement touché les fem-mes, que ce soit du point de vue leleur revenu réel, de leurs conditionsde travail our de leurs possibilitésd'accès à l'emploi. Bien qu'unepetite minorité de femmes — sur-tout parmi les plus jeunes — voientleur situation s'améliorer, la majo-rité restent au même point ourégressent sur le plan économique.La féminisation de la pauvreté n'estpas un terme abstrait pour des cen-taines de milliers de femmes quivivent dans des conditions matériel-les précaires.

Les femmes peuvent jouer un rôlevital et dynamisant dans l'économielocale, régionale et nationale. Ellesont de multiples talents et compé-tences à offrir et représentent despartenaires valables dans la réalisa-tion de projets de développementéconomique. L'intégration écono-mique des femmes exige des chan-gements appréciables, tant au ni-veau des individus, de la famille, dumilieu de travail que des institu-tions, mais le jeu en vaut la chan-delle si nous voulons construire auCanada une société qui soit plusharmonieuse, plus juste et plus hu-manitaire.

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