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« Le rempart » Théâtre 2013 sur 21

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Le rempart

Une comédie de Joël Contival en deux actes + Épilogue

9 personnages. 1G+8FDistribution par ordre d’apparition :

Marguerite : La guide d’un château médiéval qui raconte les histoires à la manière d’une conteuse.

Ludivine : Une voyante vivant à la même époque moderne que la conteuse. Son pouvoir est de se rendre dans le passé médiéval du château.

Antoinette : L’intendante, camériste et conseillère de la reine. Elle s’occupe aussi de l’éducation des deux princesses et de l’organisation des fêtes.

Marinette : Le médecin royal, la reine de la saignée, toujours en voyage à la recherche d’herbes pour sa médecine et ses petits plats, car c’est aussi une excellente cuisinière.

Loreena : Le troubadour qui désespère de trouver des contrats, elle erre de château en château. Le problème est que sa musique est trop avant-gardiste…

Angelo Brancardi : Un philosophe étranger, au caractère double. Un personnage romantique et trouble.

Alix : La jeune princesse, toujours surbookée, ne vit que pour l’organisation de la communication du château. Elle veut tout régenter et combat pour la libération de la femme.

Hildegarde : La princesse ainée, sœur de Salomé. Elle s’occupe des pauvres pour bien se faire voir du peuple et espère secrètement devenir reine. Son humour est cynique et dévastateur.

Reine Guenièvre : La reine. Elle attend le roi qui est parti à la chasse depuis 10 ans...

L’histoire : Une guide historique d’un château médiéval aime transformer l’histoire véritable en un conte merveilleux, jusqu’au jour où la fiction dépassera la réalité. La rencontre de Ludivine la voyante avec une reine arrivant tout droit du XIIIe siècle fera tout basculer.

Lieu : Un rempart. Il peut être constitué par de simples praticables recouvert d’un tissu en imitant un mur de pierre en trompe l’œil. Il doit permettre aux personnages du devant de scène de s’asseoir. En fond de scène, un donjon (un simple paravent recouvert d’un tissu imitation pierre peut suffire), de chaque côté, les murs du château ou fond noir. Le public est voyeur, comme une loupe sur un détail du château. Au premier plan, l’action se passe à notre époque, derrière le rempart, nous sommes au XIIIe Siècle.



Le rempart

À la tombée de la nuit, une femme portant une longue robe de conteuse, une lanterne à la main vient s’asseoir au pied d’un rempart… Elle pose sa lanterne.La conteuse, Marguerite : Oyez ! Oyez braves gens ! Approchez-vous près de ces remparts et de ce donjon mystérieux ! Laissez-moi vous conter l’histoire extraordinaire de ce lieu ! Dans les temps lointains, la reine Guenièvre…Le public la verra apparaître derrière le rempart, s’arrêter et regarder à l’horizon……se languissait du retour du roi parti à la chasse depuis… 10 ans… Eh oui, impossible de trouver plus optimiste dans tout le royaume que la reine. Avant que le soleil ne disparaisse à l’horizon, elle venait tous les soirs sur le rempart délivrer le même message à son époux bien aimé…La lumière faiblit sur la conteuse et s’intensifie sur la reine…La reine Guenièvre : (Elle hurle.) J’ai demandé à ton garde préféré, de glisser la clé de la porte du petit pont levis sous le lion de pierre ! Lui seul connaît cette cachette ! Ne prends pas froid et essaye de ne pas rentrer trop tard, je vais me coucher mon amour, mon tout plein…La lumière s’éteint sur la reine et revient sur la conteuse…Marguerite : …dit la reine Guenièvre avant de disparaître dans le donjon… (Elle disparaît.) Le peuple l’adorait et personne à la cour n’osait lui dire la triste réalité… Jamais elle ne reverrait le roi… Bien trop occupé à trousser la gueuse dans les tavernes. Il serait tombé dans un traquenard orchestré par un mari jaloux… Difficile de connaître la vérité. C’est bien connu les conteuses sont des menteuses qui disent la vérité ! Je vous invite à continuer notre chemin… je vous rejoins… (Elle se lève, reprend sa lanterne, mais quelqu’un dans le noir l’appelle discrètement…)Ludivine : Eh ! Psssiit ! Ohé ?Marguerite : Qui va là ? (Elle prend sa lanterne pour mieux distinguer la silhouette qui s’approche.) Ah ! C’est toi Ludivine ! Tu as failli me faire peur ! J’ai cru que c’était le fantôme de la reine qui venait contredire mon histoire ! Arrivée de Ludivine, elle est dans tous ses états.Là, tu me déranges, je suis en pleine visite… (Ludivine trébuche…)Attention Ludivine ! Ce que tu peux être maladroite…Ludivine : (Elles s’embrassent.) Si tu savais ! Si tu savais !Marguerite : Je t’écoute !Ludivine : Si tu savais, si tu savais !Marguerite : Je compte sur toi pour me le dire !Ludivine : Tu n’as pas quelque chose à boire ?Marguerite : De l’hypocras !Ludivine : Donne !Marguerite lui tend une gourde attachée à sa ceinture, mais devant la grande soif de Ludivine elle la lui reprend d’autorité…Marguerite : Doucement ! Assieds-toi ! (Elle s’installe sur le rempart.) Détends-toi ! Attends deux secondes… (Elle hurle…). Sébastien ! Continue



la visite sans moi ! Désolée messieurs dames ! Je ne peux continuer la visite guidée avec vous, mais avec mon collègue Sébastien, vous êtes entre de bonnes mains ! Je vous souhaite une excellente journée et portez-vous bien ! (Elle fait un signe de la main pour dire au revoir.) Alors, Ludivine, qu’est-ce qui t’arrive ?Ludivine : Tu ne me croiras jamais !Marguerite : Tu commences à me fatiguer. Raconte !Ludivine : Tu vas me prendre pour une folle !Marguerite : C’est déjà fait ! Ra-conte !Ludivine : J’étais dans le donjon à tirer les cartes à une touriste …Marguerite : Quoi ? Il t’est interdit de faire de la voyance dans ce lieu ! Tu le sais pourtant ! Tu vas t’attirer de gros problèmes par l’office de tourisme !Ludivine : Trop tard, c’est déjà fait, je suis grillée… Oh là, là ! Si tu savais !Marguerite : Ludivine, cesse tous ces mystères ou je m’en vais !Ludivine : Alors voilà… j’ai vu le visage de la femme se décomposer, elle s’est mise à crier puis a quitté précipitamment le donjon. Je me lève en essayant de la rattraper ! C’est super entrainée une touriste japonaise ! Marguerite : Essaye de faire court…Ludivine : Sur le moment, j’ai mis ça sur le compte de mon tirage de cartes ! Peut-être avait-elle aussi des dons de voyance. Quand je reviens chercher mon jeu dans le donjon ! Le choc ! Je me retrouve nez à nez avec la reine Guenièvre !Marguerite : Comment peux-tu savoir que c’était elle ?Ludivine : J’ai souvent vu des photos…Marguerite : Bravo, les photos de cette époque sont plutôt rares…Ludivine : C’est ça, moque-toi ! Attends, c’est pas fini ! Elle me dit bonsoir, je lui rends la politesse, nous taillons la causette « tranquillou » et voilà qu’elle me demande si je n’aurais pas rencontré le roi !Marguerite : Peut-être une comédienne ou une copine costumée qui t’a fait une farce ! Surtout avec tes problèmes de vue…Ludivine : Je mettrais ma main au feu que j’avais en face de moi la reine Guenièvre en chair et en os ! Je balbutie que je n’ai jamais vu le roi… je n’ose pas lui dire que son seigneur n’est pas près de revenir au bercail…Marguerite : Avant de me rejoindre, tu n’aurais pas déjà abusé de l’hypocras, ton breuvage préféré ?Ludivine : Je savais bien que tu ne me croirais jamais… En tant que guide émérite, tu n’es pas sans connaître la légende du trône magique ?Marguerite : Tout ceux qui viennent visiter le donjon n’ont qu’une idée en tête, contempler ce trône royal qui aurait la particularité de voyager dans le temps… chimère… Je sais que tu t’intéresses beaucoup à cette histoire et que tu posséderais un magnifique grimoire sur ce thème.Ludivine : Exactement ! Alors, qui nous dit que ce trône n’aurait pas permis à la reine de nous rendre visite ? Hein ? Marguerite : Rentrons, j’ai entendu assez de bêtises pour la journée…Ludivine part devant, vexée… Elle trébuche…



Marguerite : Ludivine ! Fais donc attention où tu mets les pieds ! Pour une voyante, tu ne vois vraiment pas grand-chose ! Quelle soupe à l’hypocras, celle là alors ! Ludivine, attends-moi !Elle disparaît à son tour…Noir puis lumière sur le rempart.La camériste apparaît suivie des deux princesses du royaume…Antoinette : (Parlant fort…) Venez sans bruit mes belles princesses ! Ne réveillons pas votre mère la reine ! (Elle hurle face au donjon…)Hildegarde : En hurlant de la sorte, m’étonnerait qu’elle dorme encore…Alix : Dépêchez-vous, Antoinette ! Je n’ai pas que cela à faire ! Je suis surbookée depuis ce matin !Hildegarde : Laisse notre camériste s’exprimer, veux-tu ?Alix : Je t’envie, Hildegarde ! (D’un ton ironique.) Toujours aussi calme ! Désolée si je n’ai pas ta sérénité ! Contrairement à toi, je prends très à cœur mon rôle de princesse ! Hildegarde : Si c’est pour bien te faire voir et gagner des points auprès de notre mère, c’est raté. Elle trouve que tu en fais trop…Alix : Ah oui ? C’est elle qui te l’a dit ?Hildegarde : Non, c’est le pape !Alix : Tout ceci est profondément injuste ! Je me bats pour de nobles causes ! (Elle monte sur le rempart.) La liberté féminine ! Grâce à moi, la ceinture de chasteté est abolie ! Nous ne sommes plus des femmes objets ! Les femmes de la cour peuvent exprimer librement leurs opinions…Hildegarde : Le silence les rendait intelligentes !Alix : Arrête ton cynisme ! Tu es aussi macho qu’un homme !Antoinette : Mes nobles princesses ! Cessez de vous chamailler ! (Elle parle toujours aussi fort…) Vous allez réveiller votre mère, la reine !Hildegarde : Il fallait nous donner rendez-vous à un autre endroit !Alix : Oui, pourquoi sur ce rempart ?Antoinette : Je voulais que de vos propres yeux, vous puissiez témoigner de quelque chose… Regardez ! Les deux princesses se penchent pour regarder dans le vide…Antoinette : Non, juste devant vous, sur le parapet !Alix : Il fait trop sombre, je ne vois rien…Hildegarde : Tu n’as qu’à te procurer ce petit objet constitué de deux verres en forme de lune…Alix : Prends-moi pour une idiote ! Je n’ai pas besoin de lunettes ! Que devrions-nous voir, Antoinette ?Antoinette : Ça ! (Elle prend des cartes de tarot.)Alix : Des cartes divinatoires ?Hildegarde : Je ne connais pas ce jeu, la matière est étonnante et quelles couleurs !Antoinette : Moi non plus… (Elle repose le jeu.) Je me demande bien qui a pu l’abandonner… J’ai peur que votre mère ait fait appel à un mage venu d’Orient, peut-être un sorcier ? Hildegarde : Un amant ?



Alix : Tu ne trouveras pas plus fidèle que mère !Antoinette : Ouvrez l’œil mes princesses ! Bonsoir…Antoinette sort…Alix : Qu’en penses-tu ?Hildegarde : (Elle observe les cartes.) Rien ! Si cela peut soulager notre mère… Alix : Sorcellerie ! Jamais il ne reviendra…Hildegarde : Hélas, pour une fois, je suis bien d’accord avec toi… Alix : J’ai une question… Si mère abandonne le pouvoir, en tant que sœur ainée, il te reviendra de droit. Accepteras-tu cette noble et lourde charge ?Hildegarde : Je te la laisse bien volontiers. Je préfère faire la fête avec les copines du bourg et profiter pleinement de ma liberté… rassurée ?Alix : Pour le royaume, je le suis… merci Hildegarde, tu le sais, j’ai toutes les qualités requises pour gouverner…Hildegarde : Tu as vraiment une haute estime de ta personne… impressionnant… Bien, allons-nous coucher… (Elle jette les cartes par-dessus le rempart…)Alix : Oh ! Tu n’as pas honte de jeter ces cartes ? Tu pourrais respecter dame nature !Hildegarde : Elles ne seront pas perdues pour tout le monde…Elles sortent…Noir. Chant du coq - Lumière.Ludivine passe au pied du rempart, trébuche, s’arrête.Ludivine : Trop de cailloux dans ce château ! Quelle idiote d’avoir laissé mon jeu de tarot dans le donjon ! Vite avant qu’il ferme… Oh !Elle découvre au sol son jeu de cartes qu’elle ramasse… Puis, elle porte son regard vers le haut des remparts…Mes, mes cartes ! Ça recommence ! Hier soir, je les oublie dans le donjon, et ce matin, je les retrouve au pied du rempart… Purée ! Serait-ce à cause d’un coup de vent ou d’une âme malveillante ?Elle s’enfuit comme elle est venue…Noir – Puis Lumière rempart.Arrivée du médecin royal, Marinette… Un panier à la main. Elle cueille quelques plantes qui poussent sur le rempart en fredonnant l’air de Carmen qui n’a absolument rien à voir avec notre histoire médiévale…Marinette : « L'amour est enfant de bohème. Il n'a jamais, jamais, connu de loi… » Oh ! Un ver luisant, c’est excellent avec de la graisse d’oie ! Un peu de laitue ! (Elle cueille une feuille.) Parfait pour ma potion ! J’adore le rempart du donjon, on y trouve de tout ! Et quelle vue !(On entend l’agonie d’un cochon…) Ah ? Les gardes vont avoir des problèmes… la reine refuse qu’on tue le cochon sur les remparts… le seul sang qui doit couler est celui de nos ennemis… (Elle continue de fredonner…) « Toréador, toréador… »Arrivée d’Angelo qui surprend Marinette…Angelo : Bonjour Maître Marinette ! Que faites-vous ?Marinette : Je chante un air que j’ai dans la tête depuis hier tout en préparant quelques potions pour ma médecine… vous voyez par exemple,



cette salade, elle sera parfaite pour un bon somnifère ou comme tue l’amour ! Angelo : Tue l’amour ? Quelle drôle d’idée ! Qui peut bien vous demander cela ?Marinette : Des jeunes femmes… Eh oui, l’excuse de la migraine n’est pas toujours suffisante pour convaincre l’amant de feu, enfin… vous comprenez ? Là, vous avez un somnifère parfaitement naturel, 100% bio… Pour tout vous avouer, je prépare une tisane pour la reine… Avec l’absence du roi… vous comprenez toujours ?Angelo : Oui, oui… Avez-vous quelques potions aphrodisiaques ?Marinette : Vous plaisantez ? C’est ma spécialité ! J’utilise la mandragore ! Avez-vous remarqué que cette racine ressemble à un corps humain ? Regardez, j’en ai une ! (Elle sort de son panier une racine.) Quel corps, quelle sensualité ! (Elle la pose sur le rempart et la caresse.)Angelo : Oui, troublant en effet. La légende dit que c’est l’œuvre de Satan qui en créant l’ébauche d’un être humain a cherché à imiter Dieu…Marinette : Sornettes ! Balivernes ! Comment un homme de science tel que vous peut prononcer d’aussi grandes sottises ! La mandragore signifie la main de gloire ! Le tour de main du magicien ! Cherchez pas à comprendre. (Elle reprend sa racine.) Ses propriétés sont extrêmement bénéfiques ! Ça vous intéresse ?Angelo : Peut-être…Marinette : Vous, vous êtes amoureux !Angelo : Peut-être…Marinette : D’une de nos deux princesses ?Angelo : Peut-être…Marinette : Les deux ?Angelo : Oui !Marinette : Bon courage ! Pour attraper la princesse Alix, je vous souhaite bien du plaisir ! Il faudrait l’attacher pour espérer qu’elle vous accorde un regard, quant à la princesse Hildegarde, difficile de savoir ce qui peut l’émouvoir… Angelo : J’ai un petit faible pour Hildegarde, elle est très généreuse, donnant beaucoup de son temps pour aider les pauvres…Marinette : L’amour rend aveugle, mais j’ai rien dit… Angelo : Hélas, je ne suis pas de sang royal, je n’ai donc aucune chance… Vous, une adepte des saignées, si vous êtes capables de retirer du sang, seriez-vous capable de m’en transfuser ?Marinette : Un enfantillage… J’ai fait le tour de France pour parfaire mon art ! pourquoi cette question ?Angelo : Si vous faites une saignée à une personne de sang royal, vous pourriez ensuite me l’injecter ! Ainsi, mon sang deviendra bleu ?Marinette : Non seulement l’amour vous rend aveugle, mais en plus, il vous rend profondément stupide ! Allez donc vous coucher mon pauvre Angelo…Angelo : Je vous laisse, je compte sur vous pour la préparation… (Il regarde par la petite fenêtre du donjon.)



Marinette : Nous verrons… Eh bé ! Petit vicieux ! Vous n’avez pas honte de regarder dans la chambre de la reine !Angelo : Ce n’est pas du tout ce que j’avais à l’esprit… Bonne nuit…Il sort…Marinette : Il est bien gentil le damoiseau, mais nous n’avons pas parlé de monnaie sonnante et trébuchante… Oh ? Qui voilà ?Arrivée d’une femme jouant du fifre… Elle porte un gros sac. Elle cesse jouer, glisse son fifre à la ceinture et enlève son chapeau pour saluer Marinette.Loreena : Gente dame ! Je suis trobairitz !Marinette : Bien le bonjour ! Je ne connais pas cette maladie, quel sont les symptômes ?Loreena : (Elle rit de bon cœur.) Vous vous méprenez, je m’appelle Loreena ! Trobairitz est le féminin de troubadour !Marinette : Une femme troubadour, quelle drôle d’idée !Loreena : Je compose moi-même mes vers et ma musique. Je fais la tournée des châteaux et autres belles demeures seigneuriales ! J’ai eu ouï-dire que votre reine organise tous les dimanches une fête en l’honneur du roi qui tarde à rentrer ?Marinette : Vous êtes bien renseignée… Pour tarder, il tarde… 10 ans sans nouvelles de notre bon roi… Soit disant parti à la chasse… Hélas, je ne me fais plus d’illusion. Notre princesse Alix est très portée… sur la communication. Elle pense qu’en invitant les troubadours, ils iront ensuite porter la bonne parole et peut-être arrivera t’elle aux oreilles du roi, s’il est encore en vie… Si vous voulez chanter à notre banquet, il vous faut rencontrer dame Antoinette, notre camériste et directrice de casting. Tenez ! La voila ! Je vous laisse, je n’ai pas fini mon travail. Vous verrez, ici, les remparts paraissent infinis…Loreena : Merci gente dame ! Ils sont magnifiques ! J’aime le sentiment de protection qu’ils procurent… Marinette : Si vous vous sentez lasse, une bonne petite saignée vous fera le plus grand bien, (elle fouine dans son panier) j’ai tout ce qu’il vous faut, lavement ?Loreena : Euh… merci… on y pensera…Marinette : Prenez donc cette plante, mâchez-la ! Elle éclaircira votre gargamelle !Loreena : Merci ! (Elle l’avale et se met à tousser… Puis, pousse une vocalise horrible…) Ah oui ? Très efficace !Marinette : Ah tiens ? Eh bé ! J’ai bien fait de vous en donner ! Je vous laisse, des nuages noirs se profilent à l’horizon… Attendez mon départ avant de vous remettre à chanter… L’orage menace, on l’entend gronder… Marinette quitte les remparts rapidement…Loreena : Cette femme au demeurant fort sympathique n’a pas l’oreille musicale… (Elle reprend son fifre et joue un air…)Arrivée d’Antoinette…



Antoinette : Une trobairitz ! Formidable, nous étions justement à la recherche de quelques festivités supplémentaires ! Loreena : Bonjour gente dame, je me présente, Loreena, je chante et déclame des poèmes.Antoinette : Savez-vous jongler ?Loreena : Qu’avec les mots… Antoinette : Bien, jouez-moi quelque chose.Loreena : Maintenant ?Antoinette : Pardi ! Mais oui !Elle joue un air de sa flûte d’une manière endiablée, comme une rockeuse1…Antoinette : Merci… J’ai peur que votre musique écorche les oreilles délicates de notre reine, chantez-moi plutôt quelque chose…Elle chante « aussi bien » qu’Assurancetourix…Loreena : Qu’en pensez-vous ?Antoinette : (Elle prend un ton enjoué.) C’est une catastrophe ! Je vous engage quand même ! Je vous présenterai comme une folle ! Si vous pouvez faire rire notre reine, vous serez dignement récompensée, sinon, c’est les oubliettes ! Acceptez-vous ?Loreena : Travaillant trop par intermittence ces temps-ci, je prends le risque !Antoinette : Alors, suivez-moi… Je vous implore de ranger votre instrument et de ne plus chanter avant le repas de ce soir.Elles sortent… NOIR. Lumière. Retour de la conteuse…La conteuse, Marguerite : Oyez ! Oyez braves gens ! Approchez-vous de ces remparts ! Laissez-moi vous conter… Eh bé ? Où sont-ils passés ? C’est bien la première fois que je perds mes touristes !Retour de la voyante qui trébuche à nouveau…Ludivine : Désolée Marguerite ! J’ai fait fuir tout ton groupe ! Il se passe des choses extraordinaires !Marguerite : Tu commences à me fatiguer avec tes visions ! Non mais quel toupet ! Qu’as-tu bien dit pour les faire partir ?Ludivine : Que tu avais eu un accident en tombant d’un rempart, mais rien de grave… Que les cailloux sont trop glissants… (Elle glisse…)Marguerite : Bien fait ! Ludivine : J’ai relu mon grimoire ! Pas facile, facile, tout est codé, mais j’ai la certitude que ce donjon est magique ! Un passage spatio-temporel ! Marguerite : Tu m’inquiètes sérieusement…Ludivine : (Elle s’emporte.) Alors voilà… Madame Marguerite a des visions sur ce château ! Elle est persuadée qu’elle a des intuitions sur ce qui s’est réellement passé dans ces lieux ! Elle devient une magnifique conteuse et raconte des histoires fantastiques à un public émerveillé ! Tu fais tout pour convaincre ton auditoire que tout est réel ! Et maintenant que le merveilleux est là devant toi, tu refuses de l’admettre ? Marguerite : Tu mélanges tout ! Il est où ton merveilleux ?

1 Cela peut être dans l’esprit de Ian Anderson de Jethro Tull – En off.



Ludivine : Attention ! J’espère que tu as le cœur solide…Marguerite : J’ai surtout une sacrée patience !Ludivine : Tu feras moins la fière tout à l’heure ! Je suis venue avec une preuve ! (Elle se retourne.) Oh ma reine ! Vous pouvez venir !Rien ne se passe… Parlant fort.Reine Guenièvre ? Oh zut ! Elle est peut-être timide… ou dure de la feuille ?Marguerite : Ben voyons… Ne me refais jamais ce coup là ! Sinon, ne compte plus sur notre amitié… Elle sort…Ludivine : Marguerite ! Quelle mauvaise foi !Arrivée de l’autre côté de la reine Guenièvre…Ah ben quand même, il serait temps ! J’ai l’air de quoi, moi maintenant ?Guenièvre : Désolée, je m’étais égarée… c’est bien la première fois que je suis au pied de mes remparts, c’est magnifique ! Peut-être le parement un peu vétuste…Ludivine : Normal, ils ont plus de 800 ans… et payé avec nos impôts !Guenièvre : Plus de 800 ans ? Impossible… Faudra me restaurer tout ça !Ludivine : Ah c’est bien une réflexion de reine ça tiens ! Guenièvre : Eh votre conteuse ! Où est-elle ?Ludivine : Euh… elle n’a pas voulu croire que j’allais lui présenter la reine Guenièvre…Guenièvre : J’ai l’habitude… Je suis pourtant quelqu’un de très simple. (Elle regarde vers le public.) Oh pétard ! Quel est ce prodige ! Quelle étrange architecture ? Quels drôles de vêtements ! Oh ? De nouvelles armes de guerres ? (Elle montre du doigt.) Là-bas, qui roule à vive allure ? Des perrières ?Ludivine : Mais non ! On appelle cela un car à touristes. Guenièvre : « Karatouris » ? Des grecs ?Ludivine : En fait, c’est bien votre ville… mais en 2013…Guenièvre : 2013 ! Seriez-vous une voyante qui donne à voir ?Ludivine : Pardon ?Guenièvre : Pétard ! C’est de la sorcellerie ! Comment faites-vous cela ?Ludivine : Je n’en ai aucune idée ! Je suis comme vous, noble reine ! Je constate ! J’ai cru me projeter à votre époque, en fait, c’est vous qui êtes venue au XXIe siècle… À mon avis, vous vous êtes assise sur le trône du roi, bricolé quelque chose sans le faire exprès et vous avez déclenché la mise à feu de la machine à remonter le temps ! Guenièvre : Vous croyez ? Il m’arrive souvent de m’assoupir sur le trône de mon tout plein… mon dernier souvenir, euh… je ne me rappelle plus…Ludivine : Ne vous bilez pas et suivez-moi, je connais un petit raccourci qui nous évitera de mauvaises rencontres… Guenièvre : Excitant ! Je vous suis, quelle magicienne !Ludivine : La magicienne aurait besoin d’un bon GPS… Attention où vous marchez… (Elle manque de trébucher…)Elles sortent…Noir. Lumière…



Retour de la trobairitz… elle fait quelques vocalises… Elle est très vite rejointe par la princesse Hildegarde qui accourt rapidement.Hildegarde : On vous attaque ?Loreena : Pas du tout ?Hildegarde : Vous vous êtes fait mal ?Loreena : Mais non ? Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?Hildegarde : Ces cris atroces que vous poussiez !Loreena : Euh… j’étais en train de chanter…Hildegarde : Nan ?Loreena : Visiblement, vous n’appréciez guère mon art…Hildegarde : Vous êtes une trobairitz ?Loreena : Ne vous en déplaise…Hildegarde : Méfiez-vous ! Ici, les artistes sont récompensés ou jetés au cachot. Cela fonctionne à l’applaudimètre… à votre place, je prendrais mes clics, mon fifre, et mes claques et je partirais du château… je dis cela pour votre bien, et celui de mes oreilles… Loreena : J’ai été sélectionnée par votre camériste, je reste ! Elle est folle de mon art et me prédit une grande carrière…Hildegarde : Elle vous a fait un c.d.d. ?Loreena : Un cdd ?Hildegarde : Chant à durée déterminée, un c.d.i. est plus risqué pour vous… et pour nous ; chant à durée infinie…Loreena : À la première écoute, je reconnais que ma musique n’est pas facile, il faut du temps pour bien l’assimiler… Hildegarde : C’est le timbre de votre voix qui ne va pas ? Rechantez ?Elle pousse un son horrible… Hildegarde grimace et se bouche les oreilles.Loreena : Pourtant, on dit de moi que je suis bien timbrée ! Ne vous inquiétez pas, ce soir, j’en suis sûre, je vais faire un triomphe ! Merci pour vos encouragements…Elle s’en va…Hildegarde : Ou cette fille est folle, ou complètement inconsciente… Tant pis pour elle…Retour de sa sœur Alix, affolée !Alix : On égorge le cochon sur les remparts ou quoi ? Je l’avais pourtant bien interdit à nos gardes ! Ils vont avoir affaire à moi !Hildegarde : Tu n’y es pas ! Juste quelques vocalises de la nouvelle trobairitz, une timbrée qui manque de timbre… Une véritable calamité ! Tu en positionnes une centaine tout autour des remparts, tu n’as plus besoin d’archers ! Nos ennemis seront terrassés… Franchement Alix, crois-tu que ces fêtes en mémoire de notre père soient une bonne idée ?Alix : Elles font du bien à notre mère… même si je doute qu’il reviendra un jour… Hildegarde : Je suis rentrée dans la chambre de notre mère, elle n’y était pas, mais ce qui m’inquiète, c’est qu’elle a utilisée le Krono machin de père…Alix : Kronopost ?Hildegarde : Non, ce n’est pas çà…



Alix : Le Kronodule ?Hildegarde : Oui ! C’est grave ?Alix : Cette machine à l’apparence d’un trône serait magique… Si nous voulons en savoir plus, il faut en parler à Angelo ; il travaillait dessus avec notre père… Hildegarde : Angelo, notre père l’aimait beaucoup… que penses-tu de lui ?Alix : Il a un certain charme. Je le trouve trop romantique à mon goût, il se dit philosophe. Tu comprends, j’ai besoin de quelqu’un qui a la tête sur les épaules… de plus, il n’est pas de sang royal… et toi, il te plait ?Hildegarde : Pas mon genre… (Elle se met à renifler…) C’est toi qui sens comme ça ?Alix : Comme ça quoi ?Hildegarde : Une odeur assez déplaisante de charcutaille ?Alix : Merci ! (Elle renifle…) l’odeur provient des douves… (Elles se penchent.) Notre peuple adore s’abandonner près de nos remparts… Nous devrions prévoir des latrines… (La lumière baisse légèrement.)Lumière au premier plan. Retour de la conteuse… elle chantonne l’air de Carmen et s’apprête à déguster un bon gros casse-croûte…Marguerite : L’heure de ma pause…Les deux princesses observent la conteuse…Hildegarde : Bon appétit !Marguerite : Merci !Alix : Qui êtes-vous ?Marguerite : Marguerite, la conteuse…Hildegarde : Conteuse de quel conté ?Marguerite : Conteuse du château !Alix : Vous racontez des histoires ?Marguerite : Macarelle ! Ben oui ! Quelle question !Alix : Vous êtes vous inscrite pour nos festoyances ?Marguerite : Tout à fait. Comme chaque année… J’appellerais plutôt cela des ripailles ! Quelle ambiance !Alix : (À sa sœur.) Tu l’avais déjà rencontrée ?Hildegarde : Son visage disgracieux ne me dit rien… et quelle drôle façon de s’exprimer… sûrement une étrangère…Marguerite : (Elle se lève et s’adresse aux deux princesses.) Si vous voulez du melsat, jambon de Lacaune, bouillette de Brassac, fricandeau, j’en ai pour un régiment ! Ah oui, je vois aussi deux belles andouilles !Alix : Non merci… je vous trouve bien familière avec nous…Hildegarde : Oui, quelle outrecuidance !Marguerite : Nous faisons le même métier…Hildegarde : Pardon ?Marguerite : Pardi ! Vous, comédiennes, moi conteuse ! Vos costumes sont magnifiques ! Vous jouez le rôle des deux intrigantes ?Alix & Hildegarde : Intrigantes ?Marguerite : Les deux princesses ! L’une ne pense qu’à piquer le trône de sa mère et l’autre joue la sainte nitouche en s’occupant des pauvres. Une



belle hypocrite. Elle quittera le royaume avec le trésor royal et Angelo, un drôle de personnage celui-là !Alix & Hildegarde : (Elles se regardent.) Quoi ?Marguerite : Eh bé ! Les filles ! Il faudrait peut-être se mettre au parfum de vos personnages et bosser un peu vos textes !Alix : Suffit ! Je suis la princesse Alix ! Et voici, ma sœur, Hildegarde !Hildegarde : Sœur ainée !Alix : Sœur ainée, Hildegarde !Hildegarde : Princesse Hildegarde !Alix : Ma sœur ainée, la princesse Hildegarde !Hildegarde : La belle princesse Hildegarde !Alix : C’est bon là !Marguerite : (Elle applaudit.) Pas mal, pas mal du tout… Sympa la petite touche humoristique. Bonne journée les filles et attention aux remparts, de ce côté, ils sont assez dangereux… Rendez-vous compte, des pierres qui ont plus de 800 ans ! Respect ! Elle part…Alix : Allons chercher les gardes ! Il faut faire enfermer cette folle !Hildegarde : Plus de 800 ans ? Ce château est pratiquement neuf ! Un siècle tout au plus… Pour Angelo, ce ne sont que balivernes…Elles sortent…Retour d’Antoinette sur les remparts…Antoinette : Mais où donc se trouve notre reine ?Arrivée de Marinette…Marinette : J’arrive ! La reine de la saignée est là ! Ah ! Antoinette ! Il y a longtemps que je ne vous en ai pas fait une belle ! (Elle sort son appareil à saignée.)Antoinette : Ce n’est franchement pas le moment ! Je me sens en parfaite santé. Hum… Depuis l’aube, j’organise la décoration de nos remparts ! Je souhaite y accrocher quelques gonfanons, étendards…Marinette : Surtout, dites bien à nos hommes de ne pas m’arracher mes salades et autres petites boutures…Antoinette : Vous ne pouvez pas vous faire votre propre jardin pour vos plantes médicinales ? Le château est assez grand !Marinette : Il n’y a pas mieux que nos remparts… Il y règne un micro climat exceptionnel ! Une alchimie entre la pierre, le vent, la rosée du matin…Antoinette : Cessez ce fatrouillage ! Dites ! Vous n’auriez pas vu notre reine ce matin ?Marinette : La reine Guegue ? Non… Antoinette : Un peu de respect, Marinette ! J’avais rendez-vous avec elle pour organiser notre fête.Marinette : L’autre jour, notre reine m’a posé un tas de questions sur le Kronodule du roi… j’ai bien peur qu’elle ne cherche à s’en servir…Antoinette : Vous croyez vraiment au pouvoir de cette machine ?Marinette : Notre roi était convaincu que le Kronodule était destiné à voyager à travers le temps !



Antoinette : Sorcellerie !Arrivée d’Angelo…Angelo : Gentes dames ! Vous m’avez l’air soucieuses ?Antoinette : Nous nous demandons où peut bien se trouver la reine ?Angelo : Tout le monde la cherche !Antoinette : Cela commence sérieusement à m’inquiéter… Ne le prenez pas mal, Angelo, mais pouvez-vous m’éclairer sur le rôle exact que vous avez dans ce château ? Car, hormis de tourner autour de nos princesses… Angelo : J’étudie la philosophie et les sciences… J’ai été invité par le roi pour l’aider à comprendre le fonctionnement du Kronodule.Antoinette : Ah tiens ? Nous parlions justement avec Marinette de cette étrange machine ? Comment est-elle arrivée là ?Angelo : À sa dernière croisade, le roi l’a reçu en cadeau d’un mage d’orient. Elle permettrait de changer d’époque…Antoinette : Ne serait-ce pas là un cadeau du diable ?Marinette : Arrêtez de voir le diable partout dès qu’il s’agit d’une chose que vous ignorez ! Le roi n’aurait-il pas réussi à s’en servir ? Peut-être que depuis 10 ans, notre pauvre monarque erre dans les limbes du temps ?Angelo : J’en ai bien peur…Antoinette : C’est affreux ce que vous dites là ! La reine a-t-elle conscience du pouvoir du Kronodule ?Angelo : Je ne le pense pas. Pour elle, ce n’est qu’un objet de décoration ! Il a tout l’air d’un trône. Son pouvoir résiderait dans la présence de deux boules de cristal présentes dans chaque accoudoir à manipuler d’une certaine manière. L’une pour partir vers le passé, et l’autre le futur… hélas, trois fois hélas, le roi a emporté son secret avec lui…Antoinette : Fadaises ! Faites-moi voir cette machine diabolique !Angelo : Suivez-moi gentes dames…Les deux femmes sortent avec Angelo…La reine revient avec la voyante, au pied des remparts…Guenièvre : J’ai mal aux pieds ! Il est où votre raccourci ? Nous revenons toujours au même endroit ! Je veux rentrer chez moi !Ludivine : Un peu de patience, noble reine ! J’ai un tout petit souci de vue… Guenièvre : Et ça se dit voyante ! Laissez-moi rire !Ludivine : Ah mais, sauf votre respect, j’ai un don ! Celui de lire l’avenir !Guenièvre : (Elle tend sa main…) Alors, dites-moi où se trouve le roi ?Ludivine : Maintenant ?Guenièvre : Maintenant !Ludivine : Où sont mes lunettes…Guenièvre : Sur votre nez !Ludivine : Oh ! Je suis assez tête en l’air… alors… (Elle lui malaxe la main…)Guenièvre : Pressons et arrêtez de me chatouiller !



Ludivine : (Elle s’installe sur le rempart pour papoter…) Ah vous êtes chatouilleuse, moi aussi ! Figurez-vous qu’un jour, j’étais pieds nus allongée mollement sur mon transat quand mon chat…Guenièvre : Suffit ! Lisez ! (Ludivine approche la main près de ses yeux)Ludivine : C’est un peu flou, vos lignes sont floues…Guenièvre : Mes lignes ne sont pas floues !Ludivine : Si vous le dites… Oh ! Le roi est vivant ! Je le vois !Guenièvre : Merveilleux ! Où est-il ?Ludivine : (Elle montre du doigt, la paume de la reine.) Ici ! Guenièvre : Dans le château ?Ludivine : Oui… (Elle renverse la main…) et non… Guenièvre : Soyez plus claire, sinon, je vous fais enfermer !Ludivine : D’accord ! Franchement pas sympa ! C’est un abus de pouvoir, mais ici, ma petite dame, vous n’êtes rien ! Je peux aussi vous abandonner là comme une vieille chaussette ! Guenièvre : Suffit ! Lisez !Ludivine : Je ne comprends pas… c’est bien son visage, mais il porte un costume de mon époque…Guenièvre : Vous n’allez pas recommencer avec vos mensonges ?Ludivine : (Vexée, elle se lève.) Ah ! Ce sont des mensonges ! Suivez-moi jusqu’au parking ! Quand vous verrez les cars de japonais ! Les vendeurs de gaufres, votre effigie peinte sur des mazagrans ringards, les scooters qui vous rasent les fesses, vous ferez moins la fière… (Elle lui prend le poignet.)Guenièvre : Ne me touchez pas !Ludivine : Faudrait savoir ! Vous voulez partir d’ici oui ou non ?Guenièvre : Oui ! Retrouvez au plus vite ce raccourci !Ludivine : Dernière tentative ! Après, j’abdique !Guenièvre : Vous vous prenez pour une reine maintenant ?Ludivine : Ouh qu’elle m’agace… On y va, on y va… vous avez de la chance de tomber sur moi… une autre n’aurait pas hésité à vous faire visiter la ville, et alors là, bonjour le choc ! Guenièvre : Je ne comprends rien à ce que vous me racontez ! Taisez-vous ! (Elle part devant…)Ludivine : Oui, on peut essayer par là… après, c’est deux fois à gauche et logiquement, une fois à droite… Attention aux cailloux ! (Elle trébuche). Ça devient lassant… Il y avait autant de cailloux à votre époque ?Les deux femmes sortent…Noir.Alix, Loreena et la camériste sont présentes, mais sans bouger, comme une fresque, la conteuse arrive, s’installe… Faible lumière…Marguerite : Oyé ! Oyé, braves gens ! Je vais vous conter l’histoire de la princesse Alix, très moderne pour son époque ! Une féministe très engagée ! Elle aura beaucoup d’influence sur les poètes et autres troubadours pour distiller son message : « l’égalité entre les sexes » ! Vaste programme… Noir.



Lumière sur les remparts. La camériste est en train d’ajuster le costume de la princesse… Antoinette : Princesse Alix, par pitié, cessez de bouger, je vais finir par vous piquer !Alix : Aïe ! Comme j’aimerais jeter ces robes, surcot et bliaud et m’habiller comme un homme, avec braies et chausses ! Regardez notre trobairitz ! Elle n’hésite pas à s’habiller comme un troubadour !Loreena : Je dois vous avouer noble princesse que c’est aussi par mesure de sécurité que je suis vêtue ainsi. Euh… vous m’avez fait venir pour quelle motif ?Alix : (Antoinette finit par piquer la princesse.) Aïe !Antoinette : Si vous croyez que c’est facile ! Vous êtes une boule de nerfs ! Toujours en mouvement ! Alix : Loreena, je souhaite que vous mettiez en musique mes poèmes !Antoinette : Mon Dieu… vos poèmes finiront par nous porter malheur…Alix : Pas de commentaires, Antoinette, merci ! (Elle grimpe sur le rempart.) Que cesse la mainmise de l’homme sur la femme… Halte à la domination masculine sous toutes ces formes ! Pour commencer, je souhaite que les femmes puissent accéder à des métiers d’hommes.Loreena : Par exemple ?Alix : Pourquoi nos gardes sont-ils tous des hommes ? Je connais des dames de la cour qui seraient de véritables chiennes de gardes ! Cela aurait de l’allure, non ? (Elle redescend.)Loreena : Franchement, la violence, la guerre, laissons cela aux hommes. Nous autres les femmes, nous incarnons la sagesse, nous portons la vie…Alix : Et restons les esclaves des hommes ! Non merci ! Bientôt, je serai reine, à la tête d’une armée ! Je proclamerai le service d’host pour les deux sexes ! Et puis, suffit ! Ne discutez pas mes ordres, sinon !Noir - sur le rempart, plus personne ne bouge… Lumière sur la conteuse…Marguerite : Sinon, c’était les oubliettes. La princesse Alix pouvait être très cruelle…Lumière à nouveau sur le rempart…Antoinette : Vous savez, princesse Alix que j’adore chanter !Alix : Hélas, oui…Antoinette : Ce que vous pouvez être cruelle !Marguerite : Qu’est-ce que je vous disais…Noir sur la conteuse.Antoinette : Laissez-moi vous chanter l’une de mes dernières compositions…Loreena : Avec plaisir !Antoinette : « J’attendrai le jour et la nuit, j’attendrai toujours ton retour ! J’attendrai… »Alix : Arrêtez le massacre ! Loreena : J’adore !Alix : Pour qui est cette chanson ?Antoinette : Mais pour votre mère ? Nous pourrions la chanter le soir sur les remparts ? Vos chiennes de garde pourraient faire les chœurs ?



Alix : Vous voulez qu’elles se jettent dans les douves ? J’en ai assez entendu ! Rentrons, j’ai froid !Noir rempart… Lumière sur la conteuse.Marguerite : Sa sœur ainée, la princesse Hildegarde paraissait beaucoup plus sympathique aux yeux de tous, plus diplomate, désintéressée du pouvoir. En fait, elle était animée d’un profond cynisme et d’une grande désinvolture à toute épreuve. Une seule chose lui importait : le bien être de sa mère. Elle souhaitait que la reine puisse oublier le roi dans les bras d’un jeune philosophe venu de l’étranger, Angelo ! Noir sur la conteuse, lumière sur les remparts… Nous découvrons Angelo et Hildegarde… Angelo : Divine princesse Hildegarde ! Quelle vision angélique ! (Il se prosterne à genoux.) Votre beauté illumine ces tristes remparts.Hildegarde : Angelo ! Quel flatteur… J’apprécie. Je vois que vous vous y connaissez bien en beauté féminine. Que pensez-vous de ma sœur ?Angelo : Elle n’arrive pas à votre royale cheville, princesse !Hildegarde : Nous sommes bien d’accord… Je vous vois souvent vous promener près de cette tour flanquante…Angelo : Le désir de provoquer une rencontre…Hildegarde : Je vous sens fébrile, je me trompe ?Angelo : Mon corps tremble de fièvre !Hildegarde : Vous souffrez ?Angelo : Terriblement ! Hélas, mon mal est profond !Hildegarde : Puis-je vous venir en aide ?Angelo : Assurément !Hildegarde : Quels sont les symptômes ?Angelo : Le cœur, princesse, le cœur ! Il saigne !Hildegarde : Avez-vous pensé à consulter maître Marinette ?Angelo : Oui, une potion est en cours, je l’attends ardemment !Hildegarde : Je connais bien ce mal qui vous ronge ! Il faut lui parler !Angelo : Je n’ose point ! Je ne suis pas de sang royal…Hildegarde : La belle affaire ! Voici mon conseil, lancez-vous !Angelo monte sur le parapet…Hildegarde : Que faites-vous malheureux ?Angelo : Je vous obéis, noble princesse, je me lance !Hildegarde : Quel manque de courage ! Voulez-vous que j’aide votre cœur à s’exprimer ?Angelo : J’ai… j’ai trop peur d’être rejeté…Hildegarde : Je pense qu’elle vous aime, alors cessez d’avoir peur !Angelo saute du rempart et se jette sur Hildegarde qui lui décoche une belle claque.Angelo : Je, je ne comprends pas ? Il m’avait semblé espérer ?Hildegarde : Malandrin ! Je pensais à ma mère ! Elle est trop fidèle au souvenir de mon père… il faut que cela cesse ! Je vous demande donc de la séduire ! De lui faire la cour !Angelo : La reine ? Mais euh…



Hildegarde : Oui, elle est vieille… la belle affaire ! C’est votre mission, si vous l’acceptez, vous n’aurez pas affaire à une ingrate. Vous qui vous intéressez tant au Kronodule, vous pourriez l’approchez sans peine et continuer vos recherches ! Alors ?Angelo : Cela mérite réflexion… Pour nous deux ? Puis-je espérer une chance de vous courtiser ? (Il veut lui prendre la main, par une tape énergique de la princesse, il n’insiste pas…)Hildegarde : Que nenni… Si vous refusez, vous quitterez le château ! (Elle quitte le rempart…)Angelo : (Tout en se frottant la joue…) Je l’ai dans la peau ! Quelle garce… grâce, quelle allure ! Finalement, l’idée est plaisante… allons voir la reine… Courage, Angelo ! C’est vraiment pour faire avancer la science ! (Il quitte à son tour le rempart…)Noir sur les remparts… Lumière sur la conteuse… qui voit arriver de son côté, son amie Ludivine et la reine ! Elle s’enveloppe dans son manteau pour ne pas être repérée et se colle contre le mur…Ludivine : Oh non ! Nous sommes encore au même point ! Je suis vraiment désolée ma reine ! La nuit ne va pas tarder à tomber, je peux vous proposer d’aller vous reposer chez moi… soyez indulgente, c’est un peu le bazar, mais vous ne devriez pas être trop dépaysée… ma déco, ma façon de vivre, c’est « total-médiévale » !Guenièvre : Je n’en peux plus ! Oh le joli trône !Ludivine : C’est le fauteuil de mon amie la conteuse, asseyez-vous ! Guenièvre : Merci ! Je suis comme vous, j’ai une très mauvaise vue ! (La conteuse est ravie… personne ne fait attention à elle.) Ce que vous m’avez appris me fait souffrir… alors, ma camériste, une femme en qui j’avais toute confiance était la maîtresse du roi !Ludivine : Oui… noble reine… à votre place, j’oublierais le roi ! Allez savoir ! Peut-être est-il arrivé à notre époque ! Affalé devant une télé à regarder un match de foot et sirotant une bière, quelle horreur !Guenièvre : J’ai beaucoup de mal à vous suivre… faites l’effort d’utiliser un vocabulaire proche de mon XIIIe siècle, merci ! Ah ! Comment ai-je pu voyager à travers le temps ? Vous croyez que c’est à cause du trône ? Comment la chose pourrait être possible ?Ludivine : Si je pouvais avoir le temps de consulter mon grimoire…Guenièvre : Je veux rentrer chez moi ! Tordre le cou d’Antoinette ! Serrer mes deux filles chéries dans mes bras ! Permettre à Angelo de travailler sur le Kronodule !Ludivine : Kronodule ?Guenièvre : Kronodule ! Le nom donné par le roi au trône ! je n’aurais jamais du y poser mes royales fesses ! Ludivine : Vous dites Kronodule ! Je possède un grimoire traitant de ce sujet ! C’est fantastique ! Plus d’hésitation ! Je vous emmène dans ma modeste demeure !Guenièvre : C’est loin ? Faites venir ma litière !Ludivine : Un taxi serait plus facile. Profitez-en car dans quelques siècles, vos privilèges seront abolis, bon, hélas, ça ne durera pas bien longtemps…



Nous ne sommes qu’à cinq minutes de chez moi ! Je n’ai pas de char. À cause de ma vue, je ne peux pas conduire, vous comprenez ? Guenièvre : Non…Ludivine : Je serais un danger public ! Vous comprenez mieux ?Guenièvre : Non…Ludivine : J’abandonne… Allez, donnez-moi votre auguste bras ! (Elle passe devant la conteuse et trébuche sur elle… mais elle ne la reconnaît pas…) Oh pardon… désolée… (La conteuse ne répond pas… Ludivine parle à voix basse…) Mal polie avec ça, on pourrait me répondre… pfuuu…La conteuse s’assoit complètement secouée par la scène…Marguerite : Incroyable ! Ludivine avait raison ! La reine Guenièvre s’est… s’est assise sur mon trône ! Elle se promène tranquillement dans notre ville… suivons-les ! (Elle sort.)Noir. Lumière sur les remparts.Arrivée d’Antoinette… elle hurle !Antoinette : Reine Guenièvre ! Mais où est-elle donc passée ? Reine Guenièvre ! Mon Dieu ! J’espère qu’elle n’a pas non plus disparu comme notre bon roi bien aimé ! Mon tendre amant… Antoinette ! Qu’est-ce qui te prends ! Es-tu donc folle ?Arrivée de la Trobairitz jouant du fifre…Loreena : L’avez-vous retrouvée ? Antoinette : Non point ! Je commence à être sérieusement inquiète ! Le château est fouillé de fond en comble.Loreena : Vous pensez qu’il a pu lui arriver malheur ?Antoinette : Taisez-vous oiseau de mauvais augure !Loreena : Il est bon que je sache à quoi m’en tenir pour le spectacle ? Antoinette : Vous croyez que c’est le moment ? Pour l’instant, le spectacle est annulé !Loreena : Quel dommage ! J’avais composé une magnifique musique sur un poème de la princesse Alix, il déchire ! Écoutez plutôt…Antoinette : Non ! J’ai dit non ! Ne chantez surtout pas malheureuse ! Ce n’est pas le moment de perturber le temps…Loreena : Vous savez encourager les artistes… Il est évident que je suis trop en avance sur mon temps… Mon heure viendra… Arrivée des deux princesses…Alix : C’est affreux (avec un sourire.) Notre mère a véritablement disparu !Hildegarde : Alix, c’est encore trop tôt pour le dire ! Alix : Dois-je commencer à prendre mes responsabilités de future souveraine ?Hildegarde et Antoinette : C’est encore trop tôt pour le faire !Hildegarde : Nous ne devons pas cesser nos recherches ! Arrivée d’Angelo…Angelo : La reine reste introuvable… J’ai une mauvaise appréhension…Hildegarde : Si vous m’aviez écoutée…Antoinette : Que voulez-vous dire ?Hildegarde : Rien, cela ne vous regarde pas…



Arrivée de Marinette en train de pleurnicher…Marinette : Regardez ! (Elle tient un morceau d’étoffe.) On a retrouvé un morceau de sa robe au pied des douves !Les deux sœurs se prennent dans les bras. Angelo veut rejoindre Hildegarde mais se fait rabrouer…Antoinette : Mon dieu ! Serait-elle donc sortie du château ?Loreena : Ou pire… tombée des douves… Soyez courageuses ! Ne supportant plus la disparation du roi, elle a peut être mis fin à ses jours pour le rejoindre ? Antoinette : Mais allez-vous vous taire ! Hildegarde : Vous êtes horrible !Loreena : La vie, la mort, nous ne faisons que passer… Pour les funérailles, j’ai un air qui pourrait faire l’affaire…Alix : Loreena, merci ! Et puis, si c’était le cas, nos soldats auraient retrouvé son corps… Les pauvres…Antoinette : Marinette, vous qui sentez bien les choses, qu’en pensez-vous ?Marinette : (Elle éternue.) J’avoue être un peu enrhumée ces temps-ci, Je passe mes journées sur les remparts et les courants d’air sont légion, figurez-vous…Antoinette : Au fait, Marinette, au fait !Marinette : J’ai le sentiment que notre reine est vivante, mais où ?Hildegarde : Nous vous faisons confiance, Marinette. Notre peuple est prévenu… Si elle s’est égarée, elle ne passera pas inaperçue ! Problème, la nuit tombe et avec ses problèmes de vue, elle ne peut que se perdre…Alix : Hildegarde, il serait-bon que je sois la reine par intérim en attendant le retour de mère, non ? Non ? NON ?Marinette, Hildegarde, Antoinette : C’est encore trop tôt, Alix !Alix : Bien, bien… ne vous fâchez pas !Tous (Ils se précipitent contre le rempart et se mettent à hurler.) : Reine Guenièvre ! Reine Guenièvre ! Reine Guenièvre !Noir.



Acte II

Nous retrouvons la conteuse apeurée. Elle arpente les remparts en présence de son amie Ludivine… Elle tient un joli grimoire dans les mains.Marguerite : Qu’avons-nous fait, mais qu’avons-nous fait ?Ludivine : Une grosse bêtise ! Nous n’aurions jamais du intégrer ces deux boules de cristal aux accoudoirs du trône du donjon !Marguerite : C’était trop tentant ! Et puis, ne te défile pas, nous étions d’accord pour tenter l’expérience. Regarde autour de toi ! Nous avons réussi un fabuleux saut dans le temps ! Nous sommes forcément au moyen-âge ! Regarde notre ville ! Un vrai décor de cinéma !Ludivine : Boudu ! Complètement fantastique mais un peu flippant… Attendons la reine et repartons aussi sec ! Je vais finir par regretter de t’avoir montré les gravures de mon grimoire…Marguerite : Bien au contraire ! (Elle le consulte) Grâce à elles, j’ai tout compris ! Le Kronodule du donjon était en fait adossé à un mur cachant une énorme horloge.Ludivine : Une machine à remonter le temps !Marguerite : Exactement ! Pour qu’elle puisse fonctionner, il ne manquait juste…Ludivine : Tes deux boules de cristal…Marguerite : Parfaitement ! Un héritage de mon grand-père… Je m’étais toujours demandé à quoi elles pouvaient bien servir !Ludivine : C’est fait ! Nous avons la réponse ! Marguerite : Tu avais le grimoire, j’avais les deux boules… Ton livre est en fait un magnifique mode d’emploi pour voyager à travers le temps ! As-tu suivi parfaitement mes instructions ? Ludivine : Niguedouille ! Évidemment, sinon, nous ne serions pas là à papoter au XIIIe siècle ma vieille ! …/… à suivre !Pour obtenir le texte complet, une simple demande par courriel.21 pages sur 38.

Joël Contival – juin 2013

Si vous comptez jouer cette pièce, d’avance merci, de bien vouloir la déclarer à la SACD et m’en informer.En cas d’enregistrement vidéo du spectacle, vous devez également m’avertir. (Un très court extrait peut être autorisé, genre bande annonce.)Merci de votre compréhension.

Plus d’infos sur mon site web :http://www.joel-contival.com/[email protected]


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avertissement - le proscenium · 2014-07-21 · « le rempart » théâtre 2013 page 2 sur 21 le...

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