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ARTICLE ORIGINAL Le Wobbler Syndrome chez le cheval. Spondylomyélopathie cervicale ou «Mal de chien» Etude bibliographique Première partie ° B. PUJOL et °° D. MATHON °«La Bourdette», chemin des prés, Av. S. Allende, F-31120 Portet-sur-Garonne °°Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, Unité de Chirurgie / Anesthésie / Réanimation, 23 chemin des Capelles, F-31076 Toulouse Cedex SUMMARY Wobbler syndrome in horses cervical stenotic myelopathy. A review. By B. PUJOL and D. MATHON. Equine Wobbler Syndrome (WS) or Cervical Stenotic Myelopathy, is one of the mainly reported neurological disease in young horses. Pathological findings in WS include chronic spinal cord compression related to a steno- tic cervical vertebral canal, leading to degenerative myelopathy and clinical ataxia. Vertebral abnormalities and their location in the cervical column can be divided in two groups when the origin of the stenosis is considered : (i) dynamic and iterative stenosis associated with neck movement ; (ii) anato- mic and permanent stenosis unrelated to cervical motion. However, the functional anatomy and pathology of the cervical spinal cord lead to common clinical features, whatever the type of stenosis invol- ved. The whole authors agree about WS aetiology : many factors combine to bring about cervical vertebral abnormalities, like mechanical overload , high-rate skeletal growth, unbalanced diet programs, genetics, or copper dietary intake. The influence of each of these factors, although evident, must be further investigated. KEY-WORDS : Wobbler Syndrome - neurology - horse - ataxia - cervical vertebrae. RÉSUMÉ Le Wobbler Syndrome (WS), spondylomyélopathie cervicale ou «Mal de chien» est une des affections neurologiques les plus fréquentes du jeune cheval. Il est caractérisé par une sténose du canal vertébral cervical qui pro- voque une compression de la moelle épinière responsable de signes neuro- logiques d’ataxie. Les lésions du rachis ainsi que leur localisation dans la colonne cervica- le peuvent être regroupées en deux catégories selon le type de sténose consi- déré. En effet, il existe des sténoses dynamiques du canal vertébral, basées sur les mouvements de l’encolure et des sténoses anatomiques ou perma- nentes. Toutefois, la nature et l’organisation de la moelle épinière conduisent les lésions médullaires et la clinique qui en découle, à être indépendantes du type de compression. Il existe un consensus sur l’étiologie plurifactorielle du WS : contraintes mécaniques excessives, vitesse de croissance trop élevée, déséquilibres ali- mentaires, influence de l’hérédité ou de la teneur en cuivre de la ration. Pourtant, même s’il semble indéniable, le rôle de chacun de ces facteurs reste encore à préciser. MOTS-CLÉS : Wobbler Syndrome - neurologie - cheval - ataxie - vertèbre cervicale. Revue Méd. Vét., 2003, 154, 3, 211-224 Avant - propos Les deux articles constituant cette publication sont tirés d’une thèse de Doctorat Vétérinaire. Martial MANESSE, Maître de Conférences en Anatomie à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse avait contribué à cette thèse, avant de participer, avec toutes les qualités qu’on lui connaissait, à son jury de soutenance. Les auteurs souhaitent lui dédier ce travail.

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ARTICLE ORIGINAL

Le Wobbler Syndrome chez le cheval. Spondylomyélopathie cervicaleou «Mal de chien»Etude bibliographiquePremière partie

° B. PUJOL et °° D. MATHON

° «La Bourdette», chemin des prés, Av. S. Allende, F-31120 Portet-sur-Garonne°° Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, Unité de Chirurgie / Anesthésie / Réanimation, 23 chemin des Capelles, F-31076 Toulouse Cedex

SUMMARY

Wobbler syndrome in horses cervical stenotic myelopathy. A review. ByB. PUJOL and D. MATHON.

Equine Wobbler Syndrome (WS) or Cervical Stenotic Myelopathy, is oneof the mainly reported neurological disease in young horses. Pathologicalfindings in WS include chronic spinal cord compression related to a steno-tic cervical vertebral canal, leading to degenerative myelopathy and clinicalataxia.

Vertebral abnormalities and their location in the cervical column can bedivided in two groups when the origin of the stenosis is considered : (i)dynamic and iterative stenosis associated with neck movement ; (ii) anato-mic and permanent stenosis unrelated to cervical motion.

However, the functional anatomy and pathology of the cervical spinalcord lead to common clinical features, whatever the type of stenosis invol-ved.

The whole authors agree about WS aetiology : many factors combine tobring about cervical vertebral abnormalities, like mechanical overload ,high-rate skeletal growth, unbalanced diet programs, genetics, or copperdietary intake. The influence of each of these factors, although evident,must be further investigated.

KEY-WORDS : Wobbler Syndrome - neurology - horse -ataxia - cervical vertebrae.

RÉSUMÉ

Le Wobbler Syndrome (WS), spondylomyélopathie cervicale ou «Mal dechien» est une des affections neurologiques les plus fréquentes du jeunecheval. Il est caractérisé par une sténose du canal vertébral cervical qui pro-voque une compression de la moelle épinière responsable de signes neuro-logiques d’ataxie.

Les lésions du rachis ainsi que leur localisation dans la colonne cervica-le peuvent être regroupées en deux catégories selon le type de sténose consi-déré. En effet, il existe des sténoses dynamiques du canal vertébral, baséessur les mouvements de l’encolure et des sténoses anatomiques ou perma-nentes.

Toutefois, la nature et l’organisation de la moelle épinière conduisent leslésions médullaires et la clinique qui en découle, à être indépendantes dutype de compression.

Il existe un consensus sur l’étiologie plurifactorielle du WS : contraintesmécaniques excessives, vitesse de croissance trop élevée, déséquilibres ali-mentaires, influence de l’hérédité ou de la teneur en cuivre de la ration.Pourtant, même s’il semble indéniable, le rôle de chacun de ces facteursreste encore à préciser.

MOTS-CLÉS : Wobbler Syndrome - neurologie - cheval -ataxie - vertèbre cervicale.

Revue Méd. Vét., 2003, 154, 3, 211-224

Avant - proposLes deux articles constituant cette publication sont tirés d’une thèse de Doctorat Vétérinaire.

Martial MANESSE, Maître de Conférences en Anatomie à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse avaitcontribué à cette thèse, avant de participer, avec toutes les qualités qu’on lui connaissait, à son jury de soutenance.

Les auteurs souhaitent lui dédier ce travail.

Le Wobbler Syndrome (WS), spondylomyélopathie cervi-cale ou «mal de chien» est une des affections neurologiquesles plus décrites du jeune cheval. Le malade type est un che-val de 6 mois à 5 ans, de grande taille pour son âge, et qui aeu une croissance rapide [3, 27, 31, 34].

Ce syndrome complexe est caractérisé par une sténose ducanal vertébral cervical qui provoque une compression de lamoelle épinière. Il existe deux grands types de compressions.

Les compressions dynamiques siègent au niveau des ver-tèbres cervicales moyennes de jeunes chevaux de 6 mois à 2 ans. Elles sont associées au mouvement. Lors de la flexionventrale de l’encolure, l’articulation intervertébrale va sesubluxer et provoquer une compression de la moelle épinière[27, 34].

On observe aussi des compressions statiques en région cer-vicale caudale (C5 à C7) chez des chevaux plus âgés (2 à 5ans). Les malformations osseuses, cartilagineuses ou liga-mentaires des vertèbres cervicales provoquent une sténoseanatomique permanente du canal vertébral, suffisante pourcomprimer la moelle épinière [37].

Même si elles ne résultent pas toutes du même mécanismed’action, ces compressions médullaires chroniques se tradui-sent toutes par les mêmes signes cliniques caractéristiquesd’ataxie surtout marqués sur les membres pelviens.

Cet article est le premier volet d’une synthèse bibliogra-phique en deux parties. Il aborde le WS par la description deslésions du rachis cervical et des hypothèses concernant lesmécanismes de compression médullaire. A l’aide de rappelsde neuroanatomie, il tente de rétablir le lien entre les lésionsmédullaires et leurs conséquences cliniques directes. Ilévoque enfin les hypothèses étiologiques du WS.

L’article suivant abordera l’aspect diagnostique et le traite-ment du WS.

I. Lésions du rachis cervicalRappels anatomiques : (figures 1, 2 et 3)

A) STÉNOSES DYNAMIQUESLes sténoses dynamiques du canal vertébral sont liées à un

certain nombre de lésions caractéristiques qui se cantonnenten majorité sur le rachis cervical moyen [27, 34].

Par contre, on ne sait pas trop si ces lésions sont respon-sables des subluxations des articulations intervertébrales ousi elles en sont la conséquence.

1. Déformation des épiphyses des corps vertébraux

Des mesures de radiographies des vertèbres cervicalesmoyennes de chevaux souffrant de WS ont révélé que la lon-gueur de la tête des vertèbres était régulièrement inférieure àla normale, et que leur hauteur était, par contre, régulière-ment supérieure à la normale [49]. Les épiphyses apparais-sent ainsi évasées. Ces aplatissements sont associés à la pré-

sence d’excroissances osseuses dorsales, les ski-jump, mal-formations provenant d’anomalies morphologiques desplaques de croissance des corps vertébraux [1, 27, 34, 54].

En effet, les cartilages de croissance n’ont pas un dévelop-pement rectiligne normal. On peut noter un certain degré decroissance dans le sens dorsoventral, ce qui réduit d’autant lacroissance en longueur de la tête de la vertèbre [49] (figures4 et 5).

2. Laxité du ligament longitudinal dorsal

Lors de flexions ventrales de l’encolure, on peut observersur les vertèbres cervicales moyennes de jeunes chevaux, unelaxité du ligament longitudinal dorsal [40, 57] (figure 5).

3. Malformation des facettes articulaires

Il existe divers types de malformations. Certaines d’entreelles impliquent les facettes articulaires des vertèbres cervi-cales moyennes de jeunes chevaux, les malformations detype II selon la classification de ROONEY [42]. Il s’agit demalformations asymétriques avec ou sans excroissancesosseuses, ostéophytes périarticulaires, ou sclérose osseusesous-chondrale [34]. Elles sont responsables de malarticula-tions conduisant, lors de la flexion de l’encolure, à une sté-nose dynamique du canal vertébral [52] (figure 5).

4. Lésions cartilagineuses des facettes articulaires

Les anomalies du cartilage des facettes articulaires décritespar divers auteurs semblent toujours à quelque chose près serecouper [10, 27, 34, 40, 46, 57]. Par contre, l’origine exactede ces lésions n’étant pas identifiée, il est difficile de les bap-tiser de manière objective. Néanmoins, le terme d’ostéochon-drose semble régulièrement revenir pour ce qui est desfacettes articulaires des vertèbres cervicales moyennes dejeunes chevaux [10, 34, 57].

Des travaux ont montré qu’il y avait peu de corrélationsentre la gravité de ces lésions et la sévérité de la compressionmédullaire [27, 57]. On peut ainsi avoir de nombreuseslésions cartilagineuses sur des facettes articulaires de che-vaux ne présentant aucun signe d’ataxie [43, 57]. Et inverse-ment, on peut voir des compressions médullaires à desendroits où les facettes articulaires sont indemnes de toutelésion d’ostéochondrose [46].

Pourtant, en règle générale, lors de WS, la sévérité deslésions d’ostéochondrose est dans l’ensemble, et en particu-lier aux sites de compression, bien supérieure à la normale[46].

Les lésions des facettes articulaires des vertèbres cervi-cales caudales sont par contre qualifiées de DJD (affectionsarticulaires dégénératives) [11, 27, 40, 57] ou d’ostéoarthrose[41] (figures 5 et 6).

B) STÉNOSE ANATOMIQUE.De nombreuses lésions osseuses, cartilagineuses ou ligamen-taires contribuent à un certain degré de sténose anatomiquedu canal vertébral en région cervicale chez le poulain (figure10).

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FIGURE 1. — Cinquième vertèbre cervicale de cheval. Vue crâniale [2].

FIGURE 2. — Cinquième vertèbre cervicale de cheval. Vue caudale [2].

FIGURE 3. — Cinquième vertèbre cervicale de cheval. Vue latérale gauche [2].

1. Hypoplasie des pédicules vertébraux

Pour certains auteurs, la sténose anatomique serait liée à undéveloppement insuffisant des pédicules formant la base del’arc vertébral, en particulier aux orifices crâniaux et caudauxdu canal vertébral [36] (figure 7). D’autres auteurs invoquentplutôt l’ostéopétrose de la lame dorsale et des arcs vertébraux[27, 34, 47]. Le canal vertébral serait ainsi obstrué par unexcès d’os de densité augmentée [31].

Dans ces deux cas de figures, la sténose du canal vertébralest réputée affecter tout le rachis cervical.

2. Malformations des processus et des facettes articu-laires

Il existe une grande variété de malformations des processuset des facettes articulaires pouvant aller d’une simple diffé-rence d’angulation, jusqu’à la présence d’excroissancesosseuses marquées qui empiètent sur le foramen interverté-

bral [57]. Des malformations peuvent aussi se développeraxialement et conduire ainsi à une compression latérale de lamoelle épinière [54].

Elles peuvent survenir sur toute la longueur du rachis cer-vical [3], mais leur fréquence dépend de la localisation dansl’encolure (60 % en C3-C4, 14 % en C2-C3, 14 % en C4-C5,et 12 % en C5-C6 et C6-C7 réunies) [42] (figure 8).

Bien que la sévérité de ces anomalies ne soit pas forcémentcorrélée avec le site de compression médullaire, de nom-breux auteurs soulignent néanmoins leur importance [30, 49,54]. Certains en font même l’un des trois critères à rechercherdans le diagnostic radiologique du WS [35, 38].

3. Extension ventrale de la lame dorsale

Elle tend à aggraver la sténose du canal vertébral lors desflexions ventrales de l’encolure. Elle constitue alors un obs-tacle contre lequel la moelle épinière va être comprimée [27].

4. Le ski-jump

Ces excroissances dorsales des épiphyses des corps verté-braux proviendraient d’anomalies morphologiques de leurscartilages de croissance [1, 27, 34, 54].

Ces malformations sont localisées préférentiellement surles vertèbres cervicales moyennes de jeunes chevaux [34, 37,40]. Elles peuvent aussi siéger en région cervicale caudale(jusqu’à C7 [49]) mais c’est plus rare [57] (figure 9).

5. Lésions des membranes synoviales et des capsulesarticulaires des articulations intervertébrales dorsales

Les articulations intervertébrales dorsales des chevauxatteints de WS présentent fréquemment des anomalies telsl’épaississement fibreux de la partie médiale de la capsulearticulaire [34, 36], ou la présence de kystes ou bourses extra-synoviales, excroissances de la capsule articulaire tapisséespar une hernie de tissu synovial [54].

Ces lésions résulteraient de modifications dégénérativesdes articulations intervertébrales dorsales. En effet, ellesaccompagnent en général d’autres lésions «chroniques»comme les ostéophytes périarticulaires [40, 50].

6. Anomalies du ligament jaune

De nombreux auteurs rapportent la présence d’épaississe-ments de ces ligaments en région cervicale caudale [34, 37,55, 57].

Une étude histologique a décrit des proliférations fibrocar-tilagineuses et fibrovasculaires compatibles avec des déchi-rures ou des élongations liées à l’application de contraintesexcessives sur ce ligament [37].

Ce ligament a aussi la particularité de présenter parfois, des«extensions» latérales qui viennent se mêler à la structure descapsules des articulations synoviales ventrales [37].

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FIGURE 4. — Distorsion du cartilage de croissance des épiphyses crâniale etcaudale des corps vertébraux. h : hauteur de la tête de la vertèbre. l : lon-gueur du corps vertébral. h’ > h mais l’ < l

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FIGURE 5. — Lésions associées à une sténose dynamique du canal vertébral.

FIGURE 6. — Lésion d’ostéochondrose s’étendant à travers la surface articulaire d’une facette articulaire caudale de la cinquièmevertèbre cervicale d’un cheval [46].

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FIGURE 8. — Le processus articulaire gauche (A) est plus large que son homologue droit (B). La droite x représente l’axe anatomique de lavertèbre, elle porte la résultante des forces liées au mouvement des vertèbres lorsque les processus articulaires ont la même taille. Dansle cas présent, la résultante des forces, portée par la droite x’, est légèrement déportée du côté de la facette articulaire la plus grande. Lorsd’une flexion, la vertèbre se déplacera donc vers le haut et en direction de A [42].

FIGURE 7. — Hypoplasie des pédicules vertébraux.

II. Mécanismes de compressionde la moelle épinière

Dans le WS chez le cheval, deux événements peuventconduire à la compression de la moelle épinière:

- un décalage dans l’alignement de deux trous vertébrauxsuccessifs, consécutif au mouvement de l’encolure (flexionventrale). Il s’agit d’une sténose dynamique du canal verté-bral responsable d’une compression intermittente de lamoelle épinière.

- une diminution permanente du calibre du canal vertébral,indépendante de tout mouvement, (excès d’os, structureempiétant dans le canal vertébral...). Il s’agit alors d’une sté-nose anatomique du canal vertébral conduisant à une com-pression statique de la moelle épinière cervicale.

A) COMPRESSIONS DYNAMIQUES

Lors de flexions ventrales de l’encolure, la subluxation desarticulations intervertébrales ou spondylolysthésis, «déplace-ment» dorsal de la vertèbre caudale par rapport à celle qui laprécède, provoque une sténose transitoire plus ou moinsimportante du canal vertébral. Cette réduction de l’espacedisponible pour la moelle épinière entre des structures indé-formables conduit donc à une compression de celle-ci [34,55] (figure 11).

Les mécanismes conduisant à cette subluxation, sont parcontre, plus hypothétiques. La pathogénie de la subluxationn’a pas encore été totalement élucidée. La littérature secontente seulement de l’associer à la présence de certaineslésions rachidiennes sans réellement en préciser la séquenced’apparition. Rien ne permet encore d’affirmer que certainesd’entre elles ne sont pas des conséquences plutôt que descauses de ces subluxations. Il s’agit des malformations desépiphyses des corps vertébraux, des malformations desfacettes articulaires, de la laxité du ligament longitudinal dor-sal ou des lésions d’ostéochondrose des facettes articulairesdes vertèbres cervicales moyennes [43, 52, 57].

B) STÉNOSES ANATOMIQUES, COMPRESSIONS STA-TIQUES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

En empiétant dans le canal vertébral, de nombreuseslésions rachidiennes contribuent à une compression perma-nente de la moelle épinière. (figure 12)

Le «ski-jump», excroissance dorsale des épiphyses descorps vertébraux déborde dans le canal vertébral et réduitd’autant son calibre. Son rôle dans la compression médullaireest exacerbé en flexion de l’encolure par la subluxation del’articulation intervertébrale ventrale lors de sténose dyna-mique du canal vertébral [27, 34]. Sa présence sembleraitsystématiquement associée à une compression médullaire[34, 48].

De la même manière, l’extension ventrale des bords crânialou caudal de la lame dorsale constitue un obstacle contrelequel la moelle épinière peut être comprimée [27].

L’hypoplasie des pédicules vertébraux conduit à une réduc-tion pathologique du calibre du canal vertébral sur toute salongueur [36, 55]. Pour certains auteurs, ce pourrait être lefacteur le plus important dans la pathogénie du WS [31].

Des malformations des processus et facettes articulairespeuvent se présenter sous la forme d’excroissances osseusesfréquemment dirigées vers le canal vertébral. Elles contri-buent ainsi aux compressions latérales de la moelle épinière[54, 57]. De nombreux auteurs soulignent l’importance deces lésions dans la pathologie des compressions médullaires[27, 30, 43, 49, 54]. Certains en font même l’un des trois cri-tères à rechercher dans le diagnostic radiologique du WS [35,38]. Une étude lésionnelle montre qu’elles pourraient jouerun rôle significatif à l’étage cervical moyen [48, 49].Toutefois, en cervical caudal, on en trouve chez 50 % deschevaux sains [54]. Leur implication directe dans les com-pressions médullaires ne semblerait donc pas toujours si évi-dente [48, 49]. En effet, la sévérité des anomalies osseuses necorrespond pas forcément au site de compression [27, 29,46]. Elles seraient néanmoins un préalable nécessaire audéveloppement de kystes synoviaux, causes directes de com-pressions médullaires [54].

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FIGURE 9. — E : troisième vertèbre cervicale (C3), F : cinquième vertèbre cervicale (C5) : ostéopétrose de la partie dorsale de l’épi-physe et distorsion du cartilage de croissance [27].

Certaines lésions des tissus mous sont aussi impliquéesdans les compressions médullaires.

En région cervicale caudale, les capsules articulaireshypertrophiées des articulations intervertébrales dorsalesaccompagnées ou non de kystes synoviaux, font parfois pro-trusion dans le canal vertébral, ce qui comprime la partie dor-solatérale de la moelle épinière [54, 57].

«Coincé» par l’épaississement fibreux de la capsule articu-laire, le ligament jaune hypertrophié ou cicatriciel pourraitaussi jouer un rôle dans les compressions dorsales et dorsola-térales de la moelle épinière. Certains toutefois, nuancentl’importance que l’on doit y attacher en regard des modifica-tions morphologiques des processus articulaires [30].

III. Lésions de la moelle épi-nière, lien avec la clinique

La moelle épinière peut être comprimée de plusieursmanières et dans plusieurs directions. Pourtant, on a toujoursles même signes cliniques d’ataxie spinale surtout marquéssur les membres postérieurs.

La compréhension du lien entre l’anatomie pathologique etla clinique nécessite un rapide rappel anatomique.

L’ataxie spinale est un trouble moteur non paralytiquecaractérisé par une mauvaise coordination des membres.L’animal ne ressent ni les mouvements qu’il effectue, ni laposition exacte de ses membres [26]. C’est la conséquence delésions sur le système de proprioception. Il existe deux voiesde perception sensorielles. La première, consciente, le sys-tème lemniscal médial transmet, entre autres, des informa-tions concernant le toucher, la pression et la proprioceptionarticulaire au cortex cérébral . Il est constitué des faisceauxgraciles provenant des membres postérieurs et cunéiformes

pour les membres antérieurs. Ces faisceaux cheminent dansles cordons dorsaux de la moelle épinière. Le seconde voie,inconsciente, la voie spinocérebelleuse, renseigne le cerveletsur l’activité des muscles. Elle chemine dans les cordons laté-raux de la moelle épinière [20].

On pensait que les cordons dorsaux étaient les seuls res-ponsables de la proprioception. C’est bien plus complexe. Enfait, la grande majorité des fibres de proprioception quittentrapidement le faisceau gracile dans les premiers segmentslombaires. Elles font alors synapse avec les neurones dont lesaxones remontent dans le tractus spinocérébelleux dorsal. Laproprioception des membres postérieurs est donc préféren-tiellement véhiculée dans la partie externe des cordons laté-raux de la moelle épinière [20].

Chez les chevaux souffrant de WS, les lésions médullairessont surtout localisées à l’endroit de la compression, maiselles s’étendent aussi en amont et en aval de celle-ci avec uneintensité diminuant progressivement [7].

A l’endroit de la compression, (figure 13) les lésions sedéveloppent d’abord dans les parties externes des cordonslatéraux de la moelle épinière, dans les tractus spinocérébel-leux dorsaux et ventraux, ceux-là mêmes qui véhiculent laproprioception des membres postérieurs. Elles se propagentensuite plus en profondeur, en fonction de l’intensité de lacompression. Elles peuvent alors atteindre le tractus spinocé-rebelleux crânial qui véhicule la proprioception des membresantérieurs. L’ataxie se manifeste ainsi, d’abord sur lesmembres pelviens, et progresse ensuite aux membres thora-ciques avec l’aggravation de la compression. Si celle-ci esttrop intense, les structures profondes de la moelle épinièrepeuvent à leur tour être touchées (voies motrices descen-dantes) [3, 48]. Les cordons dorsaux de la moelle épinièresemblent par contre relativement épargnés sauf dans les casgraves où la totalité de la moelle est comprimée [11].

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FIGURE 10. — Lésions associées à une sténose anatomique du canal vertébral.

Lors de traumatisme aigu, les vaisseaux sanguins de la sub-stance grise sont les premières structures lésées (diversauteurs in [58]). Par contre, au cours des compressions chro-niques comme c’est le cas avec le WS, c’est la myéline quiest la composante médullaire la plus sensible. L’histologie dela moelle de ces chevaux Wobblers, révèle ainsi la présencede nombreuses fibres nerveuses démyélinisées ainsi que desdégénérescences diffuses au sein de la substance blanche descordons latéraux, ventraux et parfois dorsaux de la moelleépinière [60].

La répartition des fibres nerveuses dégénérées ou détruitesest sensiblement identique chez tous les chevaux, bien queselon le cas, la compression ne s’exerce pas forcément dans

la même direction. En effet, contrairement à d’autres régionsde la moelle épinière, les tractus spinocérébelleux dorsaux etventraux sont constitués de fibres nerveuses myélinisées degros diamètre, des fibres qui sont donc les plus sensibles à lacompression (Tarlov 72, Blight 83, in [58]). Quelle que soitla direction de la compression, ce sont donc elles qui sonttouchées les premières [58]. Cela explique pourquoi on a tou-jours les même signes cliniques d’ataxie, surtout marqués surles membres postérieurs. (figures 15 et 16)

En dehors de la zone de compression (figures 13 et 14), onpeut observer des images de dégénérescence des fibres ner-veuses depuis la moelle allongée (bulbe rachidien) jusqu’à lamoelle lombaire [3].

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FIGURE 11. — Mécanismes de compression dynamique de la moelle épinière.

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FIGURE 12. — Compression anatomique ou permanente de la moelle épinière.

FIGURE 13. — Coupe transversale de la moelle épinière d’un cheval souffrant de WS. Partie gauche de la coupe : organisation géné-rale de la moelle épinière [20]. Partie droite de la coupe : lésions présentes dans la zone de compression ainsi que crânialement àcelle-ci, lésions des tractus spinocerebelleux et à un degré moindre des cordons dorsaux [11, 48].

FIGURE 14. — Coupe transversale de la moelle épinière d’un cheval souffrant de WS. Partie gauche de la coupe : organisation géné-rale de la moelle épinière [20]. Partie droite de la coupe : lésions présentes caudalement à la zone de compression, dégénérescencedes cordons ventraux et de la partie profonde des cordons latéraux [11, 48].

cordon dorsal

tractus spinocervical

lésions en partie externedes cordons latéraux

tractus spino-cérébelleux- dorsal- crânial- ventral

cordon dorsal

tractus spinocervical lésions en partie externedes cordons latérauxtractus spino-

cérébelleux- dorsal- crânial- ventral

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FIGURE 16. — Même zone en microscopie électronique à transmission mais chez un cheval présentant une myélopathie cervicalecompressive en cet endroit depuis 6 mois. Présence de nombreux macrophages contenant des débris de myéline (tête de flèches).La flèche noire indique un macrophage étendant ses processus cytoplasmiques autour d’un axone démyélinisé (A). Cet axonepossède à cet endroit là une concentration d’organelles très élevée. On distingue de nombreux processus d’astrocytes, par contre,les fibres nerveuses normales ont totalement disparu. Echelle : barre = 2 µm [60].

FIGURE 15. — Microscopie électronique à transmission. Coupe de substance blanche de la moelle épinière, adjacente à la fissureventrale médiane. Quatrième segment médullaire d’un cheval normal. Les fibres nerveuses sont serrées les unes contre les autres.Peu de tissu glial. (P) représente l’espace périvasculaire. Echelle : barre = 3 µm [60].

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On pourra successivement observer des lésions des tractusspinocérebelleux dorsaux et ventraux dans la moelle allongée,les mêmes accompagnées d’atteintes plus légères des cordonsdorsaux juste crânialement à la zone de compression, deslésions primaires sur la totalité de la moelle en région de compression et des images de dégénérescence des cordonsventraux et de la partie profonde des cordons latéraux caudale-ment. L’extension caudale des dégénérescences est fonc-tion de la gravité de la compression initiale, mais dans la plu-part des cas, elle peut atteindre la moelle lombaire [11, 48].

L’observation de lésions sur toute la longueur de la moelleépinière montre qu’elles ne sont pas simplement dues à desperturbations vasculaires localisées liées à la seule compres-sion [56]. Ces lésions observées en dehors de la zone de com-pression résultent d’un processus pathologique précoce : ladégénérescence Wallérienne [60]. Il s’agit de modificationssubies par un axone myélinisé suite à une lésion focale gravesur sa partie distale [19].

IV. EtiopathogénieIl existe un consensus sur le fait que le WS n’a pas une

cause unique, il aurait plutôt une étiologie plurifactorielle.Toutefois, le rôle direct de chacun des facteurs évoqués dansl’apparition des lésions rachidiennes responsables de la com-pression médullaire reste encore à préciser. On doit souventse contenter d’hypothèses [27, 32]

A) ORIGINE MÉCANIQUEPour certains auteurs les contraintes mécaniques exces-

sives exercées sur des vertèbres en croissance seraient laseule origine directe possible des lésions du rachis [36].

Elles pourraient résulter de traumatismes fonctionnels.

En effet, un poulain avec des masses musculaires très déve-loppées pour son âge produira à l’effort, des forces exces-sives. Celles-ci pourront entraîner des traumatismes sur sesplaques de croissance et éventuellement des anomalies d’os-sification [5, 27].

Les contraintes mécaniques excessives pourraient aussiprovenir d’interactions avec l’environnement. Sont ici impli-qués les traumatismes majeurs liés aux chutes du cheval puis-qu’il s’agit d’un animal qui a tendance à trébucher fréquem-ment, ou l’exercice physique trop intense générateur demicrotraumatismes à répétition [5, 52].

Ces contraintes pourraient résulter de l’application deforces d’intensité normale, mais en un point différent de l’en-droit où elles devraient physiologiquement s’appliquer. Eneffet, la subluxation des articulations intervertébrales créedes effets de leviers, ce qui majore les efforts exercés sur lerachis cervical [57].

Les contraintes mécaniques excessives pourraient ainsiêtre génératrices de lésions rachidiennes. Cette théorie méca-nique impute les retards de croissance des pédicules verté-braux aux forces de compression exercées lors d’hyper-flexions répétées et soutenues de l’encolure [36]. Les malfor-mations des épiphyses des corps vertébraux (ski-jump) résul-teraient de tensions exercées par l’anneau fibreux et le liga-

ment longitudinal dorsal, lors de ces même flexions ventralesde l’encolure [36]. En effet, le rétrécissement anatomique duforamen intervertébral s’effectue presque toujours dans lesens dorsoventral [32, 34, 57]. Les contraintes mécaniquestransmises aux parties crâniale ou caudale de l’arc vertébralpar l’intermédiaire du ligament jaune ou directement par lechevauchement des vertèbres pourraient, de la mêmemanière, être à l’origine de l’épaississement de la lame dor-sale (histologiquement qualifié d’ostéosclérose) [27, 28, 37].Elles seraient aussi responsables de l’hypertrophie du liga-ment jaune, du ligament longitudinal dorsal [28, 34, 36, 37,40, 50, 57], ou des lésions de la partie dorsale de l’anneaufibreux [54]. Les lésions dégénératives des facettes articu-laires pourraient aussi être une conséquence de cescontraintes excessives, soit par la complication de lésionsd’ostéochondrose préexistantes [34, 36, 37], soit directementcomme semblent le montrer les nombreux ostéophytes auxmarges des articulations [37]. En effet, ceux ci se dévelop-pent par ossification d’un fibrocartilage produit par actionrépétée de forces excessives sur la capsule articulaire [13].

B) AUTRES ORIGINES POSSIBLESLes études histologiques font apparaître une tendance de

ces chevaux à présenter des excès d’os de densité augmentée,ainsi qu’une tendance générale à la rétention de noyaux car-tilagineux [1, 27, 37]. Et ce, autant sur les vertèbres, qu’auxjonctions costo-chondrales où il n’y a pourtant aucunecontrainte mécanique exercée [27].

Ces anomalies résulteraient d’un problème plus général dedéveloppement et de maturation des cartilages, assimilable,pour une majorité d’auteurs, à une manifestation d’ostéo-chondrose. Les lésions histologiques d’ostéosclérose tradui-raient quant à elles une pathologie du remodelage osseux,l’os ayant une incapacité peut-être systémique à s’adapteraux forces qui lui sont appliquées.

1. Influence de la vitesse de croissance

De nombreux auteurs ont remarqué que le WS, (commel’ostéochondrose [47]) survenait surtout chez des poulains degrande taille et à croissance rapide [27, 28, 34, 39, 45].D’autres auteurs par contre, suspectent la vitesse de crois-sance d’être seulement liée à l’ostéochondrose parce que leslésions apparaissent pendant la période de croissance maxi-male du poulain [53]. A l’heure actuelle, l’implication de lavitesse de croissance et de la taille corporelle, même si ellessont fortement suspectées, n’ont toujours pas été démontréesdans la pathogénie de l’ostéochondrose [25], ni dans celle duWS, si tant est qu’il y ait une différence significative entre lesdeux.

2. Alimentation

Bien que cela ne permette pas d’expliquer l’apparition deWS chez des poulains normalement nourris, la suralimenta-tion visant à obtenir une croissance rapide des poulains a sou-vent été citée dans les étiologies supposées du WS [16].Ainsi, un diagnostic précoce de WS suivi de programmes derestriction alimentaire sévère permettrait de réduire significa-

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tivement l’incidence de cette affection [9]. D’après certainesétudes, une suralimentation en énergie et protéines (150%des normes du NRC) ne semblerait pas suffisante pour pro-voquer l’apparition de lésions d’ostéochondrose [12, 23].Toutefois, d’autres auteurs ont réussi à induire des lésionsressemblant à de l’ostéochondrose avec une alimentation à130 % des normes du NRC [33] en énergie et protéines [14,23, 44, 47].

Une autre étude a même montré, en expérimentant 3régimes alimentaires différents (normes NRC [33] en énergieet protéines, 129 % NRC en énergie, et 126 % NRC en pro-téines [32]) que seule une augmentation de l’énergie de laration avait une influence sur l’incidence de l’ostéochondrose[44].

L’ostéochondrose est caractérisée par une anomalie du pro-cessus d’ossification endochondrale. Or la croissance et ledéveloppement du cartilage sont contrôlés par de nombreuxfacteurs endocrines (divers auteurs in [15]) (insuline, hor-mones de croissance, hormones thyroïdiennes) dont la sécré-tion est directement influencée par l’alimentation [14]. Uneétude a mis en évidence chez le cheval des variations deconcentrations sériques de diverses hormones entre deux ali-mentations différentes : 80 et 160 % des normes NRC enénergie et protéines [14].

Il semble donc que cette suralimentation glucidique soitune des origines de ce problème de développement et dematuration des cartilages via un mécanisme complexe àmédiation endocrinienne [14].

3. Influence de l’apport alimentaire en cuivre

Les carences en cuivre ont aussi souvent été citées dans lesétiologies possibles des problèmes de développement et dematuration des cartilages [21].

Les carences en cuivre peuvent être induites par une surali-mentation en énergie et protéines. La ration se trouve désé-quilibrée, elle ne contient pas assez de minéraux pour assu-mer cette «extracroissance» [24].

Toutefois, pour parler de carence en cuivre, il fautconnaître le statut métabolique de cet oligoélément. Or chezle cheval, c’est loin d’être le cas [8]. De plus, nous devonsremarquer qu’il existe de très nombreux facteurs pouvantinterférer avec le métabolisme du cuivre (âge, interactionsCu / Zn, Cu / hormones, variations en fonction des races,influence de l’inflammation , le problème du Fer...) [8].

Toujours est-il qu’une alimentation carencée en cuivresemble provoquer une fragilité du tissu conjonctif (présencedu collagène immature, non réticulé). Le cuivre est en effet lecofacteur de la lysyl oxydase, une métalloenzyme respon-sable de la formation des liens intermoléculaires (cross lin-king) conférant la stabilité au collagène [6, 22].

4. Hérédité

On s’est longtemps posé la question de savoir si le WS étaithéréditaire. En effet, certaines lignées semblent génétique-ment prédisposées à produire des poulains présentant à uncertain âge des signes avant-coureurs de WS [9].

En 1985 une étude a montré qu’en faisant reproduire entreeux des Wobblers chirurgicalement stabilisés, cela n’aug-mentait pas le risque que le produit soit Wobbler lui même.Par contre on constate une augmentation significative de laprobabilité d’apparition d’affections telles l’ostéochondroseou les contractures tendineuses... [51].

Le caractère Wobbler ne semble donc pas suivre un modèlehéréditaire simple [9]. Par contre, qu’en est-il des divers fac-teurs qui sont susceptibles de faire partie de son étiologie ?Bien que l’héritabilité et le mode de transmission de l’ostéo-chondrose soient encore inconnus, la majorité des auteurssouligne l’importance de la génétique dans l’apparition decette affection [4, 12, 15, 17, 18].

ConclusionLe WS est une affection neurologique particulièrement

complexe du jeune cheval. Il a fait l’objet de très nombreusespublications qui ont permis de mieux cerner certains de sesaspects. La pathogénie de la compression médullaire basée,soit sur l’instabilité, soit sur l’action traumatique directe desnéoformations osseuses, cartilagineuses ou ligamentaires surla moelle épinière, a été mise en évidence par l’examennécropsique. Par contre, des incertitudes persistent quant auxmécanismes d’apparition de ces lésions rachidiennes : actionde forces mécaniques excessives ou anomalies de formationdes tissus osseux ou cartilagineux ? Pour la plupart desauteurs, il s’agirait d’une combinaison des deux. Les auteurss’accordent enfin pour souligner l’étiologie plurifactoriellede cette affection. Toutefois, de nombreuses questions restentencore en suspens, et l’on doit malheureusement parfois, secontenter encore d’hypothèses.

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