artcotedazur n°10

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Ernest Pignon-Ernest ARTS PLASTIQUES/// PATRIMOINE ////// GALERIES /////// MUSÉES ///////// PHOTOS //////// COLLECTIONS //// SUPPLÉMENT CULTUREL DES PETITES AFFICHES DES ALPES MARITIMES

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Artcotedazur Arts and Culture on the French Riviera. Theaters, Gallery, Exposition, Entertainment, Photos. The most beautiful aspect of the "Cote d'Azur". Design, Architect, Concerts, Music, Danse, and Opera.

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Page 1: ARTCOTEDAZUR N°10

Ernest Pignon-Ernest

ARTS PLASTIQUES///

PATRIMOINE//////

G A L E R I E S / / / / / / /

M U S É E S / / / / / / / / /

P H O T O S / / / / / / / /

COLLECTIONS////

SUPPLÉMENT CULTUREL DES PETITES AFFICHES DES ALPES MARITIMES

Page 2: ARTCOTEDAZUR N°10
Page 3: ARTCOTEDAZUR N°10

Art Côte d’AzurSupplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes Numéro 3490 Du 5 au 11 février 2010 Bimestriel

ISSN 1962- 3569

Place du Palais17 rue Alexandre Mari06300 NICE Ont collaboré à ce supplément culturel :

RédacteursAlain AmielRodolphe CosimiOlivier MarroFaustine Sappa

Direction ArtistiqueFrançois-Xavier Ciais

Création GraphiqueMaïa Beyrouti

Photographes Jean-Charles DusanterHugues Lagarde

Photo de CouvertureExtrait série Extases d'Ernest Pignon-Ernest©H. Lagarde

Contacter la Rédaction :Valérie NoriegaTél : 04 92 47 21 81Fax : 04 93 80 73 [email protected] Publicité :Anne AgullesTél : 04 93 80 72 [email protected]

Abonnement :Téléchargez le bulletin d'abonnement sur :www.ArtCotedAzur.frou contactez-nous par tél : 04 93 80 72 72

Art Côte d’Azur Art Côte d’Azur est imprimé par les Ets Ciais Imprimeurs/Créa-teurs « ImprimeurVert », sur un papier répondant aux normes FSC, PEFC et 100% recyclé.

La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, celles-ci n’engagent que leur auteur. Tous droits de reproduction et de traductions réservés pour tous supports et tous pays.

Dans la ville en effervescenceQui pue les vapeurs d’essenceSa majesté CarnavalRoi de la planète bleueA malAux cheveux.On va en voir des chars barbaresAvec des types déguisés en avatarsOn va en fracasser des têtes à coups de marteauOn va en exploser des bombes dans les caniveaux.Certains mettront le feu à la plagePour conjurer le mauvais sortOn se jettera des fleurs au visagePour oublier les sombres nuagesOn balancera des confettis d’orDans un ciel de porcelaine.Déguisés en psychopathesPour se tirer dans les pattesOn revêtira des masques à oxygèneEn pleurant comme des baleines.Les ours blancs qui trébuchentSur la banquise immaculée Ne sont pas en pelucheAu fin fond de l’AlaskaJuste à côté de chez nousIls crèveront comme des ratsLa gueule dans la boue.Avant la dernière rondeJe voudrais bordelQu’on me passe le sel Pour plus que la neige fonde.En attendant on va bien se marrerOn va bien en profiter.En priant pour que CopenhagueNe soit pas juste une blague.

Arnaud Duterque

Le Dernier Balphoto

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N’en déplaise à Céline, il faudrait avoir un masque sur les yeux pour ne pas voir combien New York offre d’énergie contagieuse. Environnement propice aux dernières parturitions artistiques de CharlElie Couture. Le char principal de cette cité, le Musée Guggenheim aborde

Kandinsky en nous élevant à la spiritualité, évocation réussie des vertiges magistraux du lieu.De New York à Paris, James Ensor en sera le lien, les masques de ce dernier nous feront revenir vers notre belle région, rayonnant d’un carnaval niçois tout en couleur, alors que nous venions tout juste de déposer nos déguisements de « jet setter » bien utiles pour un Midem Cannois vibrant planétairement.À l’heure d’une vente ravageant littéralement toutes les côtes et valeurs d’achat, pendant que la terre gronde sur un lointain ailleurs, il est à espérer que l’essentiel résistera ; l’Âme à nue, restera de toute évidence le vrai capital de l’humanité. Giacometti n’exprimait-il pas formidablement les souffrances humaines ?

Voilà « l’homme qui marche » inexorablement vers son destin, pourvu qu’il garde sa valeur. Il est donc confirmé que l’Art est valorisable, en créativité, en énergie, en réussite, et en bénéfice pour nos cités grâce à un tourisme culturel très profitable. De nouveaux lieux d’Arts et de Culture naissent ici et là, prouvant la richesse et la diversité des acteurs de grands talents présents dans notre région. Nos artistes locaux, souvent exilés restent nos meilleurs ambassadeurs.Cependant nous n’avons pas de plan à terme, ou de définition précise du « qui est responsable de quoi » dans nos instances culturelles gouvernantes.Alors, à l’aube d’une « Fête de la culture » pointant son dévolu sur notre région en 2013, Il est crucial que l’on mette un coup d’arrêt aux « Arlequins » de la culture qui, sans stratégie culturelle commune pourraient nous faire croire à l’Arlésienne d’une réussite artistique trop longtemps attendue. Ne nous voilons pas davantage la face, il nous faudra trouver un vrai Roi (ou Reine) qui ne brûlera pas avant 2013 dans cette mascarade. F-XC

BAS LES MASQUES.

Page 4: ARTCOTEDAZUR N°10

En Ville

© Folon

© J-Ch Dusanter

© H. Lagarde

6 HORS LES MuRS New York, Musée Guggenheim et Interview de Charlelie Couture Paris, Musée d'Orsay, James Ensor

12 CAGNES SuR MER La Maison des Artistes

14 GRASSE La Politique culturelle de la ville

16 CANNET ST PAuL DE VENCE CLANS Les Chapelles d’Artistes

20 VALLAuRIS Musée de la Céramique Magnelli

22 NICE Le Centre Universitaire Méditerranéen

24 GOLFE JuAN Musée Clément Massier

© J-Ch Dusanter

Page 5: ARTCOTEDAZUR N°10

La Vie des Arts

26 Villa Arson

INTERVIEW D’ ERIC MANGION

30 Ernest Pignon-Ernest

ARTISTE PLASTICIEN

34 Simone Dibo-Cohen Robert Roux

ESPACE D’EXPOSITION

36 Saga Métier Bernard Massini

COLLECTIONNEuR

38 Florent MATTEI

DÉTOuRNEMENTS PHOTOGRAPHIQuES

41 Monaco Modern Art

GALERIE

Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

© M. Lapouffe

© J-Ch Dusanter

© H. Lagarde

Page 6: ARTCOTEDAZUR N°10

6 H O R S L E S M u R S n e w y O R k

28 décembre 2009 – New York

Tu es connu en France avant tout

comme auteur, chanteur, compositeur

et musicien. On soupçonne moins que

tu es artiste plasticien. Pourtant ta

formation initiale a été celle de l’ecole

nationale Supérieure des Beaux-arts.

Comment raconterais-tu ton par-

cours de vie ?

Quand j’étais en troisième année des Beaux-

arts à Nancy, un de mes profs est venu inco-

gnito me voir jouer sur scène. Le lendemain,

il m’a dit : « Ton spectacle était super abou-

ti, aux Beaux-arts t’en fais plus que quatre

à toi tout seul… Mais comment fais-tu pour

mener tout cela de pair ? un jour, il faudra

que tu choisisses ! ». Les années ont passé.

Ce jour n’est jamais arrivé et j’ai continué à

mener en parallèle toutes mes activités avec

autant d’engagement.

Il serait trop long d’énumérer ton

palmarès impressionnant et les acti-

vités que tu mènes depuis le début.

Toutefois, qu’est-ce qui t’a marqué le

plus à travers les expériences que tu as

vécues dans l’Art ?

un ami (le peintre Richard Texier) m’a dit

un jour qu’on n’applaudit jamais un pein-

CharlElie, artiste contem-porain complet que l’on ne présente plus, a quitté en 2004 le continent euro-péen pour s’installer à Manhattan. un exil nécessaire pour un artiste atypique dont la seule religion est l’art. Rencontre à son atelier new-yorkais.

Interview réalisée par Rodolphe Cosimi

NEW YORKNEW YORKCharlElie CoutureUn artiste sans frontières

Time Square Workers. CharlElie Couture

© CharlElie Couture

Page 7: ARTCOTEDAZUR N°10

7n e w y O R k H O R S L E S M u R S

tre. C’est vrai, les plasticiens vivent dans

une sorte d’ascèse, dans laquelle il y a le

feu intérieur qui ressemble à l’enfer des

scrupules ou des forces de l’ego et la froi-

deur du monde qui l’entoure, un monde

d’analyses et de spéculations.

Aujourd’hui, tu résides à l’étranger

et tu navigues entre plusieurs média

artistiques. est-ce une façon d’explorer

davantage tes possibilités d’artiste,

d’humain ?

Tout à fait. L’homme vaut plus que sa seule

fonction sociale exclusive. Moi je continue

tout ce que j’ai commencé, il y a plus de

trente ans, avec entêtement et ténacité, ce

que Mario Salis a appelé le «multisme» qui

caractérise la recherche d’artistes plurimé-

dia. Cela dit, on peut dire aussi que je suis

devenu un spécialiste du multisme.

Ton départ de la France il y a six ans

pour new york n’est pas anodin. Pour-

quoi cet éloignement ?

C’était nécessaire. J’avais l’âme en vrac.

Un besoin vital de te retrouver toi-

même ?

Oui, j’avais besoin de me reconstruire sans

que les autres me disent comment me

comporter. New York est la ville idéale pour

cela. « New York, New born, né nu ».

ne serait-ce pas non plus une façon de

séparer la musique et la peinture ?

Peut-être aussi. À New York, je n’ai pas de

compte à rendre à mon passé. Ici, je ne suis

pas connu, les collectionneurs prennent

mon travail pour ce qu’il est, sans chercher

de références dans d’autres domaines.

Poésie, musique, art graphique. Cha-

cune de ces passions a-t-elle, selon toi,

des choses à raconter d’elle-même ou

au contraire chacune peut et doit entrer

en résonance avec une autre ?

Le geste de créer est toujours le même.

Créer signifie : faire naître du néant. Donc,

les créateurs prennent du plaisir à faire ap-

paraître l’invisible. Pour ce faire, ils agis-

sent avant de penser. Qu’on soit écrivain,

plasticien ou musicien, la démarche de

création est la même. Elle n’a rien à voir

avec le savoir-faire qui n’a pour effet que

d’élargir le champ de prospection.

Maintenant, au 19ème étage de ton

atelier new-yorkais, sur l’autre rive de

l’Atlantique, vois-tu l’art différemment ?

Je ne me pose plus la question de savoir si je

dois faire ci ou faire ça. Je ne subis plus les

contrecoups de jugements à l’emporte-piè-

ce et ce fameux « regard d‘autrui »… Take

it for what it is.

L’approche de l’art est-elle la même

qu’en europe ?

Ici, on dit qu’acheter une œuvre d’art, c’est

acheter un « beau » billet de loterie qu’on

accroche au mur. Cette relation n’existe

pas du tout en France où le commerce de

l’art et tous ses excès sont régulièrement

dénoncés. Je roule en vélo, mais je vis de

ce que je fais ici. En France, je ne pourrais

pas en vivre.

Dans tes œuvres, les sculptures sont

un point de départ d’une démarche liée

étroitement à ta vie personnelle.

Oui, on peut dire cela de tous les artistes.

N’en déplaise aux spiritualistes, on est ce

que l’on fait.

Que représentent ces assemblages de

bois si originaux disposés à la verticale ?

Chacune de ces sculptures a une histoire.

Assemblées, elles forment une ville. La ville

de ma REconstruction.

Quelle en est la source d’inspiration ?

L’origine doit remonter à mon enfance ? Ou

bien est-ce la ville elle-même qui s’immisce

entre mes mains ? Ou bien est-ce que cela

part de la mort de mon père ? Ou bien est-

ce une envie d’érection en bois ? Ou bien

est-ce l’idée que ces bois sombres ont en-

core le droit de vivre ? Ou bien, c’est tout

cela à la fois.

nombre de tes compositions en pein-

ture ont repris ensuite les motifs de tes

sculptures.

C’est ce que j’appelle le « deuxième degré

d’interprétation ».

L’expression par la peinture est-elle

aussi importante que celle par la sculp-

ture ? Que t’apporte-t-elle en plus ?

Ni plus ni moins. C’est une RE-lecture. La

peinture, c’est l’Ecrit. On peut la transpor-

ter plus facilement (rires)…

et puis, il y a les «Photo-grafs». Ces tira-

ges grands formats sur bâche, c’est iné-

dit dans le monde de la photographie.

Oui. C’est sur cela que je travaille

aujourd’hui. C’est à nouveau le RE, le

deuxième degré d’interprétation. Mais cet-

te fois sur le monde réel. Celui de l’image

« vraie ».

Tu es à l’origine de ce langage et de ce

développement artistique de l’image,

n’est-ce-pas ?

Je n’avais jamais vu dans aucune foire d’art

contemporain ou expo des travaux sembla-

bles avant de choisir de travailler comme je

le fais sur ce support de bâche en vinyle.

Que sont ces signes peints, sortes de

hiéroglyphes contemporains, que tu Funny Ghosts. CharlElie Couture

© CharlElie Couture

Page 8: ARTCOTEDAZUR N°10

H O R S L E S M u R S n e w y O R k8

viens apposer sur ces photographies ?

Oui, on peut résumer la technique à cela.

Une façon de revisiter le monde ? De le

changer peut-être ?

Revisiter… tout à fait. Le changer…non, je

me vois plutôt comme un révélateur.

Ces photographies donnent à voir des

prises de vues de rues ou d’architectu-

res de new york.

Je crois que les êtres sont à l’image du dé-

cor qu’ils se fabriquent.

Cette ville semble avoir réellement une

emprise sur ton travail et exerce une

fascination certaine (ton tout dernier

ouvrage « new york by Charlelie »

l’atteste). L’influence-t-elle vraiment ?

Parler de révélation, signifie que la chose

est déjà en nous.

Il y a une signature, une véritable

« patte » Charlelie dans toutes les

compositions peintes, sculptées ou

photo«grafées» que l’on trouve tant

dans ton atelier que dans tes exposi-

tions.

Disons que je crée selon certains rituels,

avec certains outils et des gestes codés.

Qu’est-ce qui nourrit au quotidien ta

création dans cette ville en ébullition et

Créations ci-dessous, de gauche à droite :

Installation

Target

© CharlElie Couture

Page 9: ARTCOTEDAZUR N°10

9n e w y O R k H O R S L E S M u R S

comment vient-elle se traduire dans tes

œuvres ?

On ne sait jamais par principe ce qui va

t’inspirer, puisque l’effet provient de la

surprise. Tout d’un coup une certaine

conjonction de circonstances fait qu’on se

trouve en face d’une évidence. Et on veut

la mettre en forme. Voilà. Comme il se

passe plein de choses ici, à NY, alors les

conjonctions sont nombreuses.

Dans ta « galaxie », celle que tu évo-

ques souvent, tu dis te sentir libre.

L’art, sous ses formes les plus diver-

ses, te permet-il de t’exprimer encore

plus librement, de te découvrir encore

davantage ?

L’art me permet d’expurger mes démons,

de libérer le génie de la lampe magique,

de faire danser les fées qui tournent en

moi, de laisser siffler la cocotte-minute, de

provoquer le diable, d’écouter le vent ou

de caresser la toile. L’art, c’est tout ça pour

moi. A la fois sensuel et existentiel.

Tu as un grand nombre d’expositions à

ton actif, penses-tu exposer à nouveau

en France très bientôt ?

Sûrement.

Peux-tu nous dévoiler quelques-uns de

tes projets ?

Je participerai à plusieurs expos de grou-

pes (dont une à Angers sur le street art,

une autre à Barbizon), je participerai à la

Biennale de la photo de Lyon en septembre,

une expo en Suisse, un autre à Kiev, il est

question d’une expo à Nancy, une autre à

Cagnes-sur-Mer l’année prochaine, etc.

Musée Guggenheim - new yorkSitué à l’est de Central Park et au nord du Metropolitan Museum of Art, à l’angle de la cinquième Avenue et de la 89ème Rue, le musée Solomon R. Guggenheim de New York ne cesse de fasciner. Et pour cause : ce musée, lieu incontournable de l’art moderne, compte une collection de près de 6 000 œuvres parmi lesquelles des œuvres majeures de grands maîtres comme Mondrian, Calder, Delaunay, Miró, Picasso, Kandinsky et bien d'autres artistes du XXème siècle…

De passage à New-York, l’amateur d’art ne peut en aucun cas omettre de faire une escale dans ce musée mondialement connu, souvent sur-nommé « tire-bouchon » de par son architecture en spirale surprenante et atypique.Au milieu des gratte-ciel gigantesques de la ville, cet édifice, dessiné par Frank Lloyd Wright, attire l’attention en premier lieu par sa forme hélicoïdale et son aspect futuriste qui contraste avec l’environnement tout proche de Central Park et des buildings qui le bordent.

Il faut dire que le célèbre architecte américain a réalisé ici un complexe qui est certainement le plus original de l’histoire architecturale des mu-sées. Au-delà de cette construction qui rappelle étrangement une tour de Babel renversée, c’est avant tout un symbole de l’union des peuples qui s’inscrit à travers l’art et la culture.Ce musée, lui-même œuvre d’art, renferme en son sein une merveilleuse collection d’art abstrait, qui fut en 1937 offerte par Solomon Guggen-heim et plusieurs familles new-yorkaises.

C’est en gravissant, depuis la plateforme centrale du rez-de-chaussée, la rampe inclinée et spiralée évoluant autour d’un puits de lumière, que le visiteur accède aux œuvres et aux expositions temporaires proposées par le musée tout au long de l’année. Bien que les œuvres accrochées aux murs de formes concaves ne représentent que 3 % des 6 000 œu-vres que compte la collection, il s’agit toutefois, à chaque visite, d’un moment de découverte qui n’a pas d’égal.

Lieu d’exposition important de l’art avant-gardiste, le musée assure lui-même le spectacle et si, par définition, un musée est un cadre d’inter-prétation, le Guggenheim remplit ce rôle à merveille en dévoilant, dans ses espaces fluides et ses volumes généreux, des œuvres d’Edouard Manet, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh, Fernand Léger, Franck Stella, Amedeo Modigliani, Georges Seurat, Yves Klein, Georges Braque, Marc Chagall. une liste loin d’être exhaustive, bien sûr…

La dernière exposition de l’année révolue a rendu hommage à Wassily Kandinsky, artiste moderniste dont l’œuvre résonne étonnamment par ses tourbillons de couleurs et ses sonorités intérieures. Des œuvres qui semblent montrer la voie vers un royaume du spirituel au même titre que le musée engendre un rapport de dialectique entre la forme et la fonction.

L’inspiration est présente partout dans cet écrin qu’est le Guggenheim et appelle au vertige…

Solomon R. Guggenheim Museum 1071 Fifth Avenue (at 89th Street) New York, NY 10128-0173

Watertank. CharlElie Couture

© Rodolphe Cosimi

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Martine et les fumistes !

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Candidature Nice J.O. 2018,

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Page 11: ARTCOTEDAZUR N°10

James Ensor

(1861-1949)

De haut en bas, gauche à droite

La mort et les masques, 1897Huile sur toile, 78,5 x 100 cmLiège, musée d'Art moderne et contemporain © ADAGP, Paris 2009

Squelettes se disputant un hareng saur, 1891huile sur bois, 16 x 21,5 cmBruxelles, Musées royaux des Beaux Arts de Belgique © MRBAB, Bruxelles© ADAGP, Paris 2009

L'entrée du Christ à Bruxelles, 1898Eau-forte rehaussée à l'aquarelle sur papier vergé d'Arches, 24,8 x 35,5 cmCollection de thomas et Lore Firman Ostende, Kunstmuseum aan Zee© ADAGP, Paris 2009. Photo Daniël Kievith

Squelette peintre, 1895 ou 1896Huile sur bois, 37,7 x 46 cmMusée Royal des Beaux Arts, Anvers, Belgique© ADAGP, Paris 2009

ensor aux masques,1899Huile sur toile, 120 x 80cmKomaki, Japon, Menard Art Museum© Menard Art Museum, Aichi, Japon© ADAGP, Paris 2009

Il est difficile de situer Ensor dans son temps ou dans sa Belgique natale tant ce peintre a fait preuve d’originalité et d’iconoclastie.

les. Cinq années plus tard, en 1883, il rejoint les Ving-

tistes, un groupe de peintres belges d’avant garde

(Van Gogh exposera plusieurs fois avec eux).

Mais en 1889, une toile « L'Entrée du Christ à Bruxel-

les » est refusée au Salon organisé par ses amis des

Vingtistes et il est question de l'exclure du Cercle dont

il est pourtant l'un des membres fondateurs.

Même pour ce cercle d’avant-garde, cette œuvre était

jugée trop excessive. Blessé, déçu par les critiques de

ses amis, il retourne chez lui à Ostende dans la de-

meure familiale et se réfugie dans ses masques et ses

squelettes.

Ses toiles aux tons rouges exagérés, ses bleus s’exas-

pèrent. Il recherche les effets violents, surtout dans

les masques où les tons vifs dominent. « Ces masques

me plaisaient aussi parce qu'ils froissaient le public »

(1898). Comme Van Gogh et Edvard Munch, il est un

des pères d’un expressionnisme violent, radical.

Ces masques de carnaval« squelettisés », acides et vi-

rulents, grimaçants expriment le grotesque du monde,

les jeux hypocrites de la société bourgeoise, et il trou-

ve chez Jérôme Bosch ou Brueghel une source d’inspi-

ration inépuisable.

Ses autoportraits qui constituent une part importante

de son œuvre (pas moins de 112) le représentent dans

toutes les étapes de sa vie : du jeune homme fringuant

au vieillard grotesque, il se met en scène dans ses ta-

bleaux, devient un des personnages de cette société

qu’il dépeint avec violence.

Les objets de la boutique familiale : nacres translu-

cides, coquillages, bibelots, vases de Chine, qu’il a

conservés sont présents dans tous ses tableaux. un

univers clos à la mesure d’un homme qui a peu voyagé,

s’est très peu déplacé. Longtemps ignoré, il ne sera

reconnu qu’en 1917 et recevra tous les honneurs :

expositions internationales, visite royale, anoblisse-

ment, Légion d'honneur, jusqu’à sa mort en 1949.

Face à cette reconnaissance trop tard venue à son

goût, il abandonne la peinture et consacre les dernières

années de sa vie exclusivement à la musique.

« Je suis né à Ostende, le 13 avril 1860, un vendre-

di, jour de Vénus. Eh bien ! chers amis, Vénus, dès

l'aube de ma naissance, vint à moi souriante et nous

nous regardâmes longuement dans les yeux. Ah! les

beaux yeux pers et verts, les longs cheveux couleur

de sable. Vénus était blonde et belle, toute barbouillée

d'écume, elle fleurait bon la mer salée. Bien vite je la

peignis, car elle mordait mes pinceaux, bouffait mes

couleurs, convoitait mes coquilles peintes, elle courait

sur mes nacres, s'oubliait dans mes conques, salivait

sur mes brosses ».

James ensor - Musée d’OrsayExposition organisée par le Museum of Modern Art, New York, en collaboration avec le musée d'Orsay et la Réunion des Musées Nationaux, Paris.

Fils d’un ingénieur anglais alcoolique et d’une

mère qui tient une boutique de souvenirs, il

s’inscrit à 17 ans à l’Accadémie royale de Bruxel-

P A R I S H O R S L E S M u R S 11

M u s É e d ' O r s ay

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Page 12: ARTCOTEDAZUR N°10

Touchée par la grâce la ville où séjourna Renoir ? Pas vrai-

ment, on ne récolte que ce que l’on a semé. Et Cagnes-sur-

Mer, comme le rappelle Virginie Journiac, responsable des

musées, fut très tôt un Eldorado pour les créateurs. « La Société

des Artistes de Cagnes-sur-Mer a été créée en 1949 par la munici-

palité suite à l’inauguration d’un espace d‘art au Château Grimaldi

qui devint sous l’impulsion de Matisse et Bonnard, à l’origine de

l’uMAN, le premier Musée d’Art Moderne de la Côte. Quand celui-

ci est passé sous la coupe des Musées de France, l’Association des

artistes cagnois, longtemps présidée par Gaudet Père et fils, a été

relogée dans une dépendance du château qui n’était autre que le

domicile de son Conservateur Léonard André-Bonnet ». Et, depuis,

la gentilhommière en a vu défiler des artistes ! Notamment de

Michel Gaudet, artiste et collectionneur auquel le Château vient

de rendre hommage et qui témoigne : « Nous nous sommes tous

mis au travail pour faire vivre la Maison des Artistes. Ma tante

était présidente après Claire Charles-Géniaux. J’ai longtemps été

secrétaire général et j’organisais les expositions ».

Un lieu et une association qui font peau neuve

C’est un nouveau virage que semble prendre aujourd’hui cette de-

meure historique avec « pignon » sur la place du Château. L’expo-

sition qui vient de s’y dérouler autour de quatre artistes de moins

de trente ans sous le commissariat de Anne Séchet, élue cet été à

la présidence de l’association, aurait-elle donné un coup de jeune

à la Maison des Artistes ? « La mairie qui nous prête les murs est

Coup de jeune à la Maison des Artistes !Le Haut de Cagnes n’en finit pas de surprendre ! Après l’Espace Solidor dans notre précédent numéro, c’est au tour de La Maison des Artistes de faire parler d’elle avec une programmation 2010 peaufinée par sa nouvelle responsable : Anne Séchet.

Photos © J-Ch. Dusanter

Photos © J-Ch. Dusanter

De haut en bas et de gauche à droite :

Anne Séchet, nouvelle locataire de la Maison des artistes La Forêt de papiers roulés de Mathilde Fages Anne dans les bras du King Kong de Jonathan Cejudo une des installations mixtes (peintures, lustre et céramiques) signée Eun Yeoung Lee

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13C A G n e S - S U R - M e R E N V I L L E

ravie d’accueillir quelqu’un qui aille vers quelque chose de plus contempo-

rain. Elle nous a d’ailleurs aidés à rafraîchir l’espace ». Trois étages en pas

de vis comme l’antre d’un meunier : pas facile à mettre en scène ! un casse-

tête qui a pourtant inspiré Anne, artiste plasticienne professant à la Villa

Arson : « J’ai essayé de faire un accrochage différent, en synergie avec ce

lieu atypique. Nous avons dû bricoler avec peu de moyens mais les artistes

ont joué le jeu en tirant partie de cette singularité. Pour cette exposition, j’ai

voulu montrer du dessin qui se déploie, envahit l’espace et les volumes, et

peut se changer en installation comme la forêt de papier roulée de Mathilde

Fages ou les walls painting de l’artiste mexicain Baroyl Jimenez qui exposera

en mars dans une salle du Château ». Deux artistes auxquels se sont joints

Jonathan Cejudo (installé à Berlin) et Eun Yeoung Lee. un quatuor métissé

tant sur les inspirations et les disciplines abordées (peintures, gravures, sé-

rigraphies, céramiques, installations) que sur leur parcours. Les deux filles,

Mathilde Fages et Eun Yeoung Lee, sont encore élèves de la Villa Arson

tandis que les deux garçons sont des artistes confirmés venus d’horizons

différents. Cette mixité, Anne compte bien la reproduire lors de ses futures

invitations. « Aujourd’hui, l’association s’appelle MDA Cagnes (Maisons des

Artistes de Cagnes) pour plus de lisibilité. Elle regroupe les adhérents, une

cinquantaine d’artistes du cru. Deux types d’événements y sont proposés.

Deux salons-expositions annuels qui réunissent les travaux de ses membres

autour d’un thème, et des expositions mensuelles, que je souhaite étendre

à deux mois, où j’ai carte blanche pour présenter des plasticiens extramu-

ros. » Ainsi en témoigne avec brio « Draw me your dreams and your night-

mares » qui vient d’investir les lieux du 9 janvier au 8 février.

Le retour de l’enfant prodigue

Passionnée, Anne Séchet, toujours à l’écoute des créateurs émergents,

veillera à préserver son nouveau lieu du ronron en provoquant la surprise,

convoquant concerts ou performances pour ses vernissages, brisant les fron-

tières en mixant artistes majeurs et autodidactes. « En juin, j’organise une

confrontation entre les membres adhérents et des artistes venus d’ailleurs.

Puis, tout de suite après, nous accueillerons la Biennale de l’uMAN ». un

événement qui n’est pas pour déplaire à cette jeune femme qui n’est pas

ici en terre inconnue. Anne participa même à ce nouvel essor que connaît

la ville. « J’avais monté à la demande de la municipalité il y a trois ans un

parcours d’art contemporain dans le Haut de Cagnes qui m’avait permis

d’investir cette maison, la vitrine de l’espace Solidor, une salle du Château,

et son parvis avec une œuvre de Noël Dola ». une intervention qui préfaça

également le retour de l’artiste sur les lieux de son enfance. « Je suis née à la

Rochelle mais à l’âge de trois ans, je suis venue avec mes parents à Cagnes-

sur-Mer. Très tôt j’ai été imprégnée d’art grâce à l’école du Vieux Bourg qui

proposait aux élèves des ateliers ». Cette ville joua un rôle prépondérant

dans son parcours qui passe ensuite par la Villa Arson. Parallèlement, Anne

suit des cours de théâtre, mais finalement opte pour l’art contemporain et

se frotte à la peinture après avoir exploré les installations. Elle exposera

dans la vitrine du MAMAC et à la Chapelle des Pénitents Blancs de Vence, se

mettant en scène dans ses travaux qui fusionnent photo, sérigraphie et édi-

tion. « En fait, j’ai une vision très baroque. Pour moi, une chose n’existe pas

sans son opposé. Mes œuvres sont construites sur ce contraste ». un thème

que l’on retrouve dans sa première exposition libre à Cagnes qui n’est autre

qu’une ode à la frontière poreuse qui sépare le rêve des cauchemars.

Mais entre les rénovations que nécessite la bâtisse centenaire, les deux sa-

lons annuels, une exposition du centre culturel, l’accueil de l’uMAN, il ne

restera à Anne Séchet en 2010 que peu de temps pour se consacrer à ses

cartes blanches. Qu’importe, la Maison des Artistes est désormais entre les

mains d’une nouvelle locataire qui fourmille d’idées et d’ambitions. une

nouvelle filière cagnoise à suivre de près… OM

Photos © MDA Cagnes sur Mer

Photos © MDA Cagnes sur Mer

Ci-dessus :

Gravure de Jonathan Cejudo

Ci-contre et ci-dessous :

Jonathan Cejudo, concert live lors du vernissage de "Draw me your dreams and your nightmares"

Page 14: ARTCOTEDAZUR N°10

14 E N V I L L E g r a s s e

Jean-Pierre Leleux :La culture ne se résume pas à un Festival !

Comment se porte la culture à grasse ?

Je voudrais d’abord rappeler que Grasse,

quatrième ville du département approche

les 50 000 habitants et que malgré son

riche patrimoine économique et humain,

elle n’en demeure pas moins une ville

moyenne. Autant dire que notre politique

culturelle est dans le concert des villes de

cette taille assez exceptionnelle. C’est une

volonté car nous pensons intimement que

la culture fait partie de notre vocation sur

un plan géographique et historique.

Quels sont les choix que vous avez

privilégiés ?

Je me retrouve parfaitement dans les ter-

mes de notre nouveau Ministre de la Cultu-

re lorsqu’il évoque la culture comme « une

lutte contre l’intimidation sociale ». Ayant

constaté que certaines offres sont parfois

perçues par nos habitants « comme pas

pour eux », j’ai choisi de combattre cette

réticence qui pousse certains à s’exclure

socialement de cette manne. D’accord

pour la culture pour tous, mais plus encore

pour une culture accessible à chacun se-

lon ses moyens, son histoire, son niveau

social. Chacun doit pouvoir s’en nourrir à

l’aune de sa soif. Voilà, le fil conducteur

qui fait que toutes les actions entreprises

avec mon adjointe, Dominique Bourret,

font en sorte que des portes restent ouver-

tes afin de permettre aux grassois de faire

leur propre « marché » dans ce domaine.

grasse ne brille pas par un événement

phare, est-ce une corollaire ?

En effet, pour des raisons d’arbitrage bud-

gétaire notre politique est plus inscrite dans

la continuité que dans des coups. Il n’en de-

meure pas moins qu’il se passe chaque jour

quelque chose à Grasse. Elle se distingue

des autres par son objectif qui n’est pas tant

de faire rayonner la ville que d’y instaurer

une culture qui lui permette de s’épanouir

durablement, par son tissu humain. Car la

culture n’est pas un festival, elle fait partie

du quotidien. Cela explique notre politique

en milieu scolaire et la diversité de nos of-

fres au cœur du pays grassois.

…dont une programmation théâtrale

incontournable !

En 15 ans nous avons changé un espace de

congrès en un théâtre respecté en terme de

création et diffusion de spectacles vivants

dans et hors les murs. En partenariat avec

l’Etat, le Conseil Général, le Conseil Régio-

nal, la Communauté d’Agglomération et

la Ville, actionnaire principal, cette scène

conventionnée pour la danse et le cirque est

aujourd’hui un atout pour le département

fort de 120 représentations au taux de rem-

plissage de 93%, 32 000 spectateurs/an et

3200 abonnés. Je suis très fier d’avoir fait

prendre aux azuréens le chemin de ce haut

lieu de partage où chacun sait qu’il en repar-

tira plus riche qu’il y est entré.

Victime de son succès, le théâtre refuse

du monde…

Nous devons penser à un nouvel écrin avec

une capacité d’accueil optimale pour les

spectateurs et les troupes en résidence

comme la Compagnie Castafiore qui de-

puis 1997 y a réalisé 14 créations. Le lieu

© J-C

h D

usa

nte

r

En quelques décennies la cité des fleurs où le Jean-Baptiste Grenouille de Süskind fit ses gammes s’est mise au parfum de la culture du second millénaire. Un état des lieux mis en perspective avec son Sénateur Maire Jean-Pierre Leleux, un sujet sensible pour celui qui siège au Sénat à la Commission de la Culture, de la Communication et de la Jeunesse, dirige la Com-mission Cinéma de la Côte d’Azur et adoreprendre sa guitare pour chanter Brel ou Brassens.

Page 15: ARTCOTEDAZUR N°10

15

est défini, le programme établi, le financement

à hauteur de 25 ME en partie bouclé. Mais cela

suppose aussi une stratégie commune de coo-

pération avec Nice, Cannes ou Antibes. L’école

du cirque, la seule labélisée par l’État en PACA

implantée sur la commune de la Roquette est

également un des axes fort du spectacle vivant.

Avec l’Espace Altitude 500 nous avons voulu

sensibiliser la jeunesse autour d’une program-

mation de concerts, de salles de répétitions et

studios d’enregistrement.

Le Musée International de la Parfumerie

a fêté en octobre son premier anniver-

saire, qu’en est-il de ce côté là ?

Avant d’aborder ce sujet, rappelons que Gras-

se possède un fleuron patrimonial, le Musée

d’Art et d’Histoire de Provence, qui joue son

rôle avec la Villa Fragonard et le Musée Inter-

national de la Parfumerie. Ce dernier entiè-

rement rénové n’est qu’une partie de notre

programme « culturo-éco-touristique » avec

la Bastide du parfumeur à Mouans-Sartoux et

le futur Musée Industriel à la ZAC Roure, un

trépied baptisé « le Grand MIP ». Le Musée

a drainé en un an plus de 100 000 visites

autour d’expositions et colloques. Le dernier

consacré aux nouvelles tendances du secteur

a vu douze designers invités à concevoir des

flacons en deux exemplaires, l’un exposé

dans nos murs, l’autre vendu en novembre

à Drouot au profit de l’Association pour le

rayonnement du MIP.

L’art plastique n’est-il pas un peu en

retrait dans cet effort ?

C’est un sujet plus difficile et c’est vrai que

si nous ne sommes pas à la pointe en art

contemporain, notre symposium de sculp-

tures offre aux grassois sur l’Esplanade du

cours un combat entre l’artiste et la matière

et notamment le marbre de Carrare, ville ju-

melle et partenaire. Un événement unique

dont la prochaine édition verra se réunir un

jury d’exception autour de personnalités

comme Adrien Maeght ou Sacha Sosno.

La transmission culturelle semble, elle,

jouer à fond son rôle

Côté musique nous disposons d’un conser-

vatoire d’excellence qui draine plus de 500

élèves dans toutes les disciplines. Quant au

monde du livre, aujourd’hui au seuil d’une

ère aussi cruciale que celle de Gutenberg, il

rayonne dans nos murs grâce à nos bibliothè-

ques et médiathèques, mais aussi à la maison

de la poésie réunissant plusieurs dizaines de

milliers d’opuscules depuis 1920. Ces outils

de transmission pour le public et les écoles

devraient prochainement s’enrichir d’une bi-

bliothèque patrimoniale ainsi que d’une gran-

de médiathèque au cœur de ville. Mais que

sera le livre demain ? Nous y réfléchissons au

Sénat car ce nouveau partage patrimonial gé-

nère avec le numérique des enjeux clés pour

l’avenir du citoyen face à la culture.

Pour conclure je dirais que nous travaillons

à flux tendu dans le domaine culturel. C’est

une politique différente où la médiation sco-

laire comme auprès des publics demeure très

importante. Peut-être que cette stratégie par

nature moins spectaculaire nuit à notre com-

munication, mais elle nous permet d’œuvrer

en profondeur, ce qui, à mon avis donne tout

son sens au mot « culture » !

g r a s s e E N V I L L E

OM

Ci-dessous de gauche à droite :

Le Musée International de la Parfumerie coté jardin, Flacon figuratif de la prestigieuse collection du Musée, Bidons et percussions au symposium de sculptures.

Photos © Ville de Grasse

Ci-dessus : Grasse au fil des siècles

Photos © Ville de Grasse

Page 16: ARTCOTEDAZUR N°10

16

Quand les artistes décorent les chapelles ( part i )

Si l’art moderne et la religion n’ont pas toujours fait bon ménage, il existe quel-ques témoins d’une volonté mutuelle de s’entendre. Ces trésors, la Côte d’Azur peut se targuer d’en accueillir parmi les plus riches. C’est notamment le cas au Cannet, à Saint-Paul de Vence et à Clans, premières étapes d’une visite qui mérite d’être poursuivie.

T h é o T o b i a s s e a u C a n n e t

La Chapelle Saint-Sauveur marque

l'entrée du quartier des Ardissons,

au Cannet. La date de construction

de cet ancien clocher reste incon-

nue : au milieu du XVIIème siècle,

cette chapelle ne figure pas sur les

visites Pastorales. Depuis 1989,

sauvée d'une ruine probable, elle a

été restaurée. Il restait à lui trouver

une destination digne de son passé

historique et compatible avec sa

vocation spirituelle. Rendre vie à

cet édifice et lui écrire une histoire

a été la préoccupation principale

de Théo Tobiasse qui a ouvert ce

lieu à l'œcuménisme et a choisi

pour thème : « La vie est une fête »

pour illustrer ce renouveau tout en

respectant le passé. Dans l’authen-

ticité de son geste créateur, Théo

Tobiasse raconte avec vivacité et

poésie une histoire universelle,

pensée pour redonner à ce lieu une

atmosphère propice au recueille-

ment. L’artiste traduit ici la vie, la

fête en fusion, la nostalgie pro-

fonde, la spiritualité de l’âme. La

couleur entremêlée structure cette composition monumentale. Elle

se réfère aux tons chauds de la terre et au bleu infini du ciel. Le trait

triomphal et anxieux établit et sculpte des lignes de force où le plein

et la brisure s’accouplent. La calligraphie évoque l’univers de l’artiste.

Elle est utilisée comme une image poétique, elle complète les formes

et suscite les pensées. L’édifice se trouve magnifié par une mosaïque

qui en souligne l’entrée. L’attention se concentre sur le chœur qui

rayonne à partir d’une colombe, symbole de la paix.

Photos ci-dessus, de gauche à droite et haut en bas :

L'édifice de la chapelle Saint-Sauveur est magnifié par une mosaïque qui en souligne l'entrée.

Théo Tobiasse a choisi pour thème « La vie est une fête » pour décorer la chapelle Saint-Sauveur, au Cannet.

La colombe en col porte le message de la paix et de la spiritualité en mouvement.

L'emploi des couleurs allant du rouge orangé au bleu en passant par le blanc, définit les dimensions matérielles et temporelles et la quête de la spiritualité.

photos © Mairie du Cannet.

E N V I L L E C h a P e L L e s d ’ a r t I s t e s

Page 17: ARTCOTEDAZUR N°10

Un monde protégéL’œuvre se lit de droite à gauche : le panneau de droite exprime

la joie, le chœur est imprégné de spiritualité et le panneau de

gauche traduit la nostalgie. L’emploi des couleurs allant du rou-

ge orangé au bleu en passant par le blanc, définit les dimensions

matérielles et temporelles et la quête de la spiritualité. Le centre

du panneau de droite est marqué par deux mains monumentales

qui symbolisent la méditation. Autour d’elles s’organise un mon-

de protégé où la vie est racontée par la famille groupée, serrée

et unie : une coupe, image de la destinée humaine, s’élevant en

signe d’amitié et de partage ; la présence de femmes opulentes,

aux corps généreux, avec une allégorie de la nature. Elle prend

les traits d’une bergère qui veille sur une colombe blottie et sur

un univers pastoral.

Un village protégé et rassurant se trouve sur le chemin de la

famille. Un couple danse. La femme dans son étreinte s’élève,

leur communion exprime et appelle une sorte de fusion dans

un même mouvement esthétique, émotif, érotique, religieux ou

mystique. Comme un retour à l’Être Unique où l’harmonie du

ciel et de la terre est trouvée. Un élément de transport, des ins-

truments de musique, une végétation abondante, rappellent le

monde imaginaire et fantastique de Tobiasse.

Le chœur, foyer d’une intensité dynamique, est le lieu de l’éner-

gie la plus concentrée où les bleus sont saturés. Il rayonne de

l’intérieur vers l’extérieur. Il contient les références du bonheur

de vivre chères à Tobiasse : la colombe porteuse du rameau d’oli-

vier et de la lumière est entourée de deux anges. En vol, elle

porte le message de la paix et de la spiritualité en mouvement.

Elle est placée au point de la plus grande intensité, sur une ligne

de partage, au centre du chœur. Un homme à gauche et une

femme à droite volent l’un vers l’autre et sont tournés vers le

centre du chœur. Sous l’oiseau, les vagues représentent le dé-

luge qui purifie et régénère. Un instrument de musique évoque

des modulations, supposant une harmonie de l’âme et du corps.

Les rayons se projettent et vont éclairer deux pôles spirituels :

Jérusalem - à droite - et Saint-Paul de Vence - à gauche.

Vers la transcendanceLe centre du panneau de gauche, décalé, est un rayonnement de

lumière. Il répond à la méditation du panneau opposé. La nostal-

gie est ici partout présente. Après le déploiement, c’est le repli,

le départ et le retour sur soi. La colombe du chœur poursuit sa

route et on la retrouve, petit « oiseau de lumière » dans les rayons

projetés qui éclairent une famille en partance. Son parcours est

poussiéreux comme le sable du désert. La roue d’un véhicule

rappelle l’exil vécu par Tobiasse et se rapporte au monde en

devenir, à la création continue et donc au périssable. Les person-

nages se dirigent vers une femme accueillante aux bras levés.

Elle semble les guider vers une transcendance et les attire vers

le haut. Dans une fenêtre au dessus de sa main, on reconnaît

Bethsabée, épouse de David et mère de Salomon. On retrouve

ensuite des personnages d’une fête qui se termine. L’étreinte

d’un couple blotti qui finit sa danse. Une femme portant noncha-

lamment la lumière.

Théo Tobiasse ne pouvait pas trouver meilleur support que la

chapelle Saint-Sauveur pour donner libre cours à sa créativité et

travailler sur ses deux thèmes de prédilection : les femmes et la

Bible…

J e a n - M i c h e l F o l o n à S a i n t - Pa u l d e V e n c e

« Attacher mon nom à une chapelle de Saint-Paul sera une décla-

ration d’amour à tous ceux que j’ai aimés dans ce village. Parce

ce que c’est un lieu de vie. Or Picasso disait que l’art et la vie

ne font qu’un », disait Folon, décédé en 2005. La décoration de

la chapelle des Pénitents Blancs, datant du XVIIème siècle, est sa

dernière œuvre. En juin 2008, le projet s’est achevé au terme de

cinq années de collaboration entre l’artiste et maîtres artisans,

maîtres verrier, mosaïstes et peintres ayant donné corps à son

œuvre poétique. Avant tout aménagement artistique, la chapelle

nécessitait d’importants travaux de restauration : la réfection de

la toiture, des voûtes intérieures, du sol en galets blancs, l’instal-

lation de l’électricité et du chauffage. Les travaux de restauration

s’achèvent en juin 2006. Le projet de décoration imaginé par Fo-

lon repose sur le thème du don, choix totalement lié à la vocation

caritative de la confrérie des Pénitents Blancs qui, autrefois, occu-

pait la chapelle. Cette thématique est largement reprise dans la

symbolique employée par l’artiste : la main, particulièrement pré-

sente, et le cœur. Au décès de l’artiste, le projet de peintures ainsi Le projet de décoration imaginé par Folon repose sur le thème du don, largement repris dans la symbolique employée par l’artiste : la main est particulièrement présente. © Office de Tourisme de Saint-Paul. Photo : Fernandez.

C h a P e L L e s d ’ a r t I s t e s E N V I L L E 17

Page 18: ARTCOTEDAZUR N°10

18 E N V I L L E C h a P e L L e s

que les dessins prévus pour les vitraux et la mosaïque ont d’ores

et déjà été réalisés. Le plan d’ensemble et l’idée de la présence

des sculptures au sein de l’édifice font partie intégrante du projet.

En 2007, les cartons de l’artiste sont confiés à des artisans et

maîtres artisans coutumiers du travail et de la sensibilité de Folon

afin de terminer le projet.

« Comprendre le sens profond d'un lieu, c'est un vérita-ble bonheur »Une mosaïque de 106 m² orne le mur situé au fond de la chapelle

ainsi qu’une partie de la voûte et des murs latéraux entourant le

chœur. Sa réalisation est confiée à un atelier milanais sous la di-

rection de Matteo Berté, maître mosaïste. La technique utilisée est

celle dite « de Ravenne », les tesselles d’émaux, ors et argents sont

coupées à la main (à la dimension de référence de 1cm X 1cm) et

le travail est exécuté au positif sur un panneau de chaux dont le

séchage très lent permet d’effectuer des variations et affinements en

cours d’œuvre. La surface de la mosaïque est réalisée en relief puis-

que les tesselles sont placées en profondeur. Les différentes incli-

naisons permettent de réfléchir la lumière et de rendre ainsi l’œuvre

vive et vibrante. En moyenne, 10 000 tesselles ont été utilisées par

mètre carré.

La mosaïque a été réalisée en atelier par une équipe constituée d’une

dizaine d’artisans, puis assemblée à Saint-Paul. Quatre vitraux desti-

nés aux quatre ouvertures existantes dans la chapelle sont confiés

à Jacques et Bruno Loire, maîtres verrier à Chartres. Huit peintures à

l’huile de 4m X 2m sont confiées à Michel Lefebvre (atelier Le Soleil

d’Or à Monaco), habitué des peintures « grand format » de Jean-Mi-

chel Folon. Elles occupent les murs est et ouest de la chapelle sur

une surface d’environ 40 m². La sculpture « Qui ? » en bronze patiné

fait office d’autel. La sculpture « La Source » en marbre rose du Por-

tugal est réalisée par Franco Cervetti de Pietrasanta (Italie), elle fait

office de bénitier au centre de la chapelle.

« Créer quelque chose de spirituel, essayer de comprendre le sens

profond d'un lieu, c'est un véritable bonheur », disait aussi l’artiste.

Ci-contre de gauche à droite :

L’autel situé devant la mosaïque, dans la chapelle décorée par Folon. © Office de Tourisme de Saint-PaulPhoto : Fernandez

Une mosaïque de 106 m² orne le mur situé au fond de la chapelle ainsi qu’une partie de la voûte et des murs latéraux entourant le chœur. Sa réalisation a été confiée à un atelier milanais sous la direction de Matteo Berté, maître mosaïste. © Office de Tourisme de Saint-Paul

Quatre vitraux destinés aux quatre ouvertures existantes dans la chapelle ont été confiés à Jacques et Bruno Loire, maîtres verrier à Chartres.

© Office de Tourisme de Saint-Paul

Page 19: ARTCOTEDAZUR N°10

Pat r i c k M o y a à C l a n s

Dominant la vallée de la Tinée, le village de Clans

possède une collégiale du XIIème siècle et de nom-

breuses chapelles Renaissance. Une chapelle est

plus récente, du XVIIIème : la chapelle Saint Jean-

Baptiste, dont seul le plafond est classé. En 2003,

le maire du village James Dauphiné, décide de faire

peindre les murs par un artiste, et il choisit Patrick

Moya. Ce dernier va peindre des scènes complètes

qui se succèdent depuis l’autel jusqu’à la porte,

avec une progression symbolique du jour vers la

nuit, du ciel bleu clair vers le noir, du Bien vers le

Mal, de la vie vers la mort. Elles se répondent égale-

ment d’un mur à l’autre jusqu’à l’Enfer, qui encadre

la porte d’entrée, et représentent : l’enfance de Jean

et de Jésus, l’apparition de l’ange au père devenu

muet, Jean adolescent qui garde ses moutons, Jean

qui prêche dans le désert, Jean qui baptise le Christ,

Salomé dansant devant le roi Hérode, Jean derrière

les barreaux de sa prison, les bourreaux se prépa-

rant à lui couper la tête…

Entre Moya et les églises, c’est une longue histoire

d’amour. Lors de l’une de ses premières exposi-

tions à Nice sur le thème « Créature et créateur », en

1984, il transformait déjà la galerie en « cathédrale

du XIIIème siècle : au nord, l’ancien testament, à

l’est, le nouveau et à l’occident, le jugement der-

nier ».

Le créateur rendu créatureAlors quand il raconte la vie de Saint Jean-Baptiste, Moya le fait en

respectant à la lettre l’histoire rapportée dans la Bible. Il reprend

également en partie l’iconographie traditionnelle, en y ajoutant

une touche personnelle, propre à son époque. La fresque de Moya

est figurative et de facture classique. Un art catholique, en som-

me, la religion incitant à la représentation de la figure humaine,

puisque le dieu des chrétiens s’est lui-même incarné en homme.

Une figure humaine qui, en l’occurrence dans la chapelle de Clans,

est un autoportrait de Moya, métamorphosé en Jean, à toutes les

étapes de sa vie. Car Moya souhaite depuis toujours « mettre l’ar-

tiste dans l’œuvre ». Ici, transformer le créateur en créature, c’est-

à-dire en modèle, n’est pas une démarche immodeste : l’artiste

ne veut pas faire concurrence au Dieu créateur, puisqu’il reste au

niveau de la créature…

Photos, de gauche à droite et haut en bas :

Détail de la fresque représentant la danse de Salomé devant le roi Hérode, en échange de la tête coupée de Jean.

Moya est en train de peindre l’ange Gabriel annonçant à Zacharie la venue de son fils Jean.

Saint-Sébastien, patron des archers, selon Moya.

L’arche de Moya, chargée d’animaux sym-boliques, comprend aussi un dromadaire, animal du désert s’il en est.

L’autel, avec Saint Jean-Baptiste au centre, Saint-Luc à droite et Saint-Sébastien à gauche.

Toutes photos © Florence Canarelli

C h a P e L L e s d ’ a r t I s t e s E N V I L L E 19

Fs

Page 20: ARTCOTEDAZUR N°10

Ce château de 1568 est l’un des rares édifices

de la renaissance en région, et l’un des rares

aussi à cumuler « les mandats ». Il est flanqué

de la Chapelle Picasso qui, sous la coupe des Musées

Nationaux de France, accueille des installations d’ar-

tistes internationaux. Son corps central dépendant,

lui, plus directement de la ville abrite depuis 1977 la

plus importante donation Magnelli faite par la veuve

du peintre ainsi que l’un des plus beaux fonds dédié

à la céramique vallaurienne. « Une collection qui se

partage en trois sections, explique Sandra Bénadretti,

Conservatrice : l’œuvre de Picasso qui découvrit ici ce

noble art, les précurseurs avec la dynastie Massier et,

enfin, des travaux contemporains primés aux bienna-

les initiées par la ville dès 1968 ».

et alev « creuse le vide »Guère étonnant qu’avec un tel héritage les salles du

rez-de-chaussée accueillent du 5 décembre au 1er

mars 2010 l’une des plus grandes céramistes actuel-

les : Alev Ebuzziya Siesbye. Une exposition conçue

comme un clin d’œil aux artistes modernes, Picasso,

Chagall, Matisse, tous venus un jour aux ateliers Ma-

doura de Vallauris. « C’est le seul espace du Musée

Magnelli ouvert aux invitations. Dans le cadre de la sai-

son de la Turquie en France, nous y avons installé une

soixantaine de pièces retraçant

l’univers de cette grande dame

de la céramique ». Originaire de

Turquie, Alev est passée par l’Al-

lemagne puis par la manufacture

royale de porcelaine de Copenha-

gue avant de s’installer à Paris en

1987. Sa singularité : une pratique

des origines méditerranéennes

et une éducation nordique. « Un

métissage qui confère rigueur et

sensualité à ses créations mono-

chromes ou ses couleurs, tels des

bleus cobalts renvoyant à la mer

du Bosphore et les lignes s’inspirant de la Grèce an-

tique », commente Sandra Bénadretti. Alev refuse les

motifs, à part quelques nuages mongols ou frises de

textiles d’Anatolie. Le raffinement s’exprime chez elle

par l’extrême finesse des lèvres de ses contenants et

leurs bases travaillées afin d’offrir une légèreté quasi

aérienne. « C’est un travail préparatoire savant, des

émaux à la cuisson, un combat entre elle et la matière.

L’installation fut très particulière. Tout avait été rangé

par vitrines dans son atelier. Quand les cartons sont

arrivés, la mise en scène était déjà faite. Alev est exi-

geante parce que la magie de ses pièces ne s’exprime

totalement qu’avec une scénographie étudiée, notam-

ment en termes de lumière comme d’architecture ».

L’exposition présente également une gamme de bols

blancs et noirs qui évoquent, eux, l’attirance de l’ar-

tiste pour la céramique chinoise époque Song, ainsi

qu’un florilège de ses commandes pour le design et

les arts de la table.

Le Musée Magnelli

dans tous ses états

Le château de Vallauris, ancien prieuré de l’Abbaye de Lérins, abrite trois musées en un : le Musée National Picasso "La Guerre et la Paix", le Musée Magnelli et le Musée de la céramique. Un lieu à facettes qui recèle plus d’un attraitpour l’amateur d’art.

C’est un travail préparatoire savant, des émaux à la cuisson, un combat entre elle et la matière

E N V I L L E V a L L a U r I s20

Page 21: ARTCOTEDAZUR N°10

M O N a C O E N V I L L E

La céramique des Massier à PicassoLes arts de la table, un thème présent à l’étage su-

périeur du Musée où la céramique vallaurienne a élu

domicile. À côté des pièces rustiques de potiers de

Vallauris, des ustensiles de cuisine ou « Terrailles »,

s’étend la collection Massier dès la fin du XIXème.

« Une famille de Vallauris qui œuvra dans ses ateliers

avec une centaine d’ouvriers », précise Sandra avant

de poursuivre, « les Massier ont défriché la céramique

artistique avec les bleus qui ont fait leur renom puis

Clément, le chimiste de la famille développa une tech-

nique ancienne orientale ». Le lustre métallique don-

na ainsi naissance à des pièces très contemporaines,

des faïences revêtues d’oxyde de platine qui rehaus-

sèrent les vases de reflets irisés qui séduiront la ri-

che clientèle cosmopolite fréquentant la Riviera au

tournant du XXème siècle. Les créations des années

cinquante figurent en bonne place (salle Madoura),

avec des œuvres de Jean Derval, Roger Capron,

Robert Picault… Mais « l’âge d’or » de Vallauris res-

plendit dans une autre pièce où les étonnantes créa-

tions de Pablo Picasso sont accompagnées de photos

d’André Villers. Avec ce fonds permanent et celui du

Musée Picasso d’Antibes, la Côte d’Azur détient le

plus gros butin céramiste du maître espagnol. Enfin,

une autre section abrite les créations contemporaines

réalisées à Vallauris par des designers en collabora-

tion avec des artisans locaux.

Au dernier niveau du Musée est retracé le parcours

d’un peintre aussi majeur qu’atypique. Alberto Ma-

gnelli qui, pendant la deuxième guerre mondiale,

se réfugia à Grasse où il résida de 1940 à 1970,

et a choisi les œuvres qui furent exposées dès la

création du musée, sa veuve ayant fait don d’un im-

portant fonds allant du début du siècle aux années

70. Une œuvre protéiforme qui va du figuratif vers

l’abstraction dont il fut un pionnier. « Dès 1914,

Magnelli était déjà d’avant-garde avec des lignes et

des aplats qui renvoient au constructivisme, cubis-

me, futurisme. Mais l’artiste autodidacte a suivi son

propre chemin, ses origines florentines le portant

d’emblée vers les peintres de la Renaissance italien-

ne. Une influence visible dans son traitement des

perspectives ». Après les exercices semi-figuratifs,

une salle présente son travail des années 30. « Suite

à sa visite dans les carrières de Carrare, il livra une

série de tableaux incluant des effets de matière

comme la peinture sur toiles goudronnées ». Cette

« période de pierre » préface la dernière de 1950 à

1970 où le peintre verse dans l’abstrait tel « le che-

min lumineux » où l’économie de moyen n’a d’égale

que le raffinement du style. Pour la présentation des

gravures de l’artiste, Sandra Bénadretti avoue s’être

inspirée de la muséographie des Musée Nationaux

lors de l’exposition « Blaise Cendrars ». « J’ai trouvé

aussi pertinent qu’original l’éclairage de Grégoire

Gardette, une lumière posée en douceur sur l’œuvre

qui offre au visiteur une lecture intimiste ». OM

21

Photos

Dessus de gauche à droite :

Sandra Bénadretti Pellard, rattrape au vol un bol d’Alev Ebuzziya Siesbye

2 vues du Musée Magnelli

Ci-contre, de gauche à droite :

Le bleu cobalt du Bosphore a inspiré les créations d’Alev Ebuzziya Siesbye

Vase en céramique de la période Vallaurienne de Picasso

Photos © J-Ch. Dusanter

Page 22: ARTCOTEDAZUR N°10

«Le Centre Universitaire Méditer-

ranéen est un organe de pen-

sée et de collaboration intellec-

tuelle ». Voici comment l’écrivain, poète et

philosophe Paul Valéry définissait le CUM à

sa création en 1933. « Aujourd’hui, il n’y a

rien à changer à cette définition qui énonce

l’essentiel et, en toute modestie, je la re-

prends à mon compte ! », renchérit Raoul

Mille, écrivain, Conseiller municipal de la Vil-

le de Nice subdélégué à la Culture, la Littéra-

ture, la Lutte contre l’illettrisme et l’Histoire.

Paul Valéry voulait pour Nice un lieu face à la

Méditerranée qui soit celui de l’humanisme intellectuel, dans tous les

domaines : historique, littéraire, sociopolitique et scientifique. « Mon

vœu pour le CUM est de continuer dans cette voie, en nous tournant

vers tous les côtés de la Méditerranée, souligne Raoul Mille. Depuis

deux ans, le CUM est redevenu ce qu’il était avant la guerre et juste

après. Bien sûr, il y a toujours eu de grandes conférences au CUM

mais, depuis quelque temps, l’esprit d’origine renait car la culture au

sens large est redevenue une priorité dans la politique de la Ville de

Nice ». Le renouveau du CUM, c’est aussi de donner la parole à des

personnes qui ne soient pas des conférenciers mais qui ont des cho-

ses à dire ! Et Raoul Mille de citer le recteur Max Sorre qui, en 1933,

énonçait ses exigences quant au but du CUM : « Il s’agit non d’ac-

cueillir des conférences passe-partout mais d’obtenir de l’homme le

plus qualifié qu’il traite le sujet qu’on désirera voir traiter ».

Passions littéraires Pendant les deux années écoulées sous la nouvelle municipalité,

trois temps forts, pour Raoul Mille, se sont particulièrement distin-

gués. Le premier fut « Passion Giono », en 2008, avec la présence

de sa fille Sylvie, de Michel Déon, de l’Académie française et de

Paul Constant. « Un très beau moment », précise l’écrivain. Le

deuxième fut « Passion Kessel », à l’automne dernier, avec notam-

ment la présence de Pierre Schoendoerffer, cinéaste et écrivain,

et la projection d’un documentaire réalisé avec Kessel montrant

l’Afghanistan dans les années 50. À chacun de ces événements,

l’amphithéâtre, qui a une capacité de 580 places assises, était

comble ou presque. Devant un tel succès, organiser chaque an-

née au mois de novembre un grand colloque littéraire qui puis-

se faire découvrir ou redécouvrir au grand public un auteur du

patrimoine culturel français est devenu l’un des objectifs de la

direction du CUM. En 2010, ce sera au tour de Françoise Sagan

d’être célébrée. « Pour ces cycles, nous essayons toujours d’aller

au-delà de simples conférences, en accueillant notamment des

témoins contemporains de l’auteur, et ce afin de rendre la mani-

festation plus vivante et d’attirer un public plus large », indique

Raoul Mille. Attirer un public plus large, c’est aussi l’objectif du

cycle « Les rencontres polémiques du CUM - Les médias en accu-

sation », proposé à un nouvel horaire, et animé par Denis Tillinac,

au c

entr

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ost

rum

Depuis plus de soixante-quinze ans, le Centre Universitaire Méditerranéen n’a eu de cesse d’accueillir de grands noms et d’organiser de grands événements réunissant les esprits les plus éclairés de chaque époque. Aujourd’hui, la municipalité affiche une volonté de renouveau, cherchant à renouer avec l’esprit méditerranéen d’origine.

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Page 23: ARTCOTEDAZUR N°10

M O N a C O E N V I L L E 23

qui accueille un journaliste représentatif

d'un secteur d'activité mis en situation

d'accusé dans cette mise en demeure ci-

toyenne visant à analyser la puissance du « 4è pouvoir ». Le CUM

a depuis toujours ouvert ses portes aux médias et à leurs évolu-

tions avec, notamment, dès 1939, la réunion de 125 rédacteurs

en chef venus des quatre coins du monde, qui allait conduire à la

création d’une Fédération internationale de la profession. « Les

médias sont le reflet de la société. Et s’il est important que le

CUM ne soit pas la remorque du temps et des modes, il ne doit

pas pour autant s’abstraire des mouvements de pensée contem-

porains », estime Raoul Mille.

La Méditerranée, « cette machine à faire de la civilisation »Autre souvenir important pour ce dernier : la programmation de

musique arabo-andalouse qui a clôturé la saison 2009. « Ces spec-

tacles ont symbolisé mieux que ne l’aurait fait une grande série

de conférences le lien que nous voulons continuer à tisser autour

de la Méditerranée, se félicite-t-il. Une belle expression du métis-

sage, sans les mots ». Un esprit illustré par la fresque « Allégorie

de la Méditerranée », de Bouchon, trônant dans l’amphithéâtre et

voulu dès l’origine par Paul Valéry, en poursuivant son rêve de

Méditerranée, « cette machine à faire de la civilisation ». Il écrivait :

« Ce sont les Méditerranéens qui ont fait les premiers pas certains

dans la voie de la précision des méthodes, dans la recherche de

la nécessité des phénomènes, par l’usage délibéré des puissances

de l’esprit, et qui ont changé le genre humain dans cette manière

d’aventure extraordinaire que nous vivons ». Pour le Maire de Nice

de l’époque, Jean Médecin, le CUM se devait d’être un organisme

d’enseignement supérieur, un institut de recherche scientifique et

le lieu de rencontre des esprits éminents venus du monde entier.

En choisissant comme administrateur Paul Valéry, il s’agissait de

« rehausser la renommée de Nice dans l’Europe entière ». Dans cet

esprit, l’ambition du CUM est claire : apparaître comme le centre

culturel international, le temple du savoir et des grands esprits

du siècle. Au moment où est créée l’Union pour la Méditerranée,

le CUM va pouvoir œuvrer pour que Nice réaffirme sa place de

grande métropole du Sud, riche d’un important capital historique,

humain, intellectuel et créatif, tourné à la fois vers l’Europe et le

continent africain.

150ème anniversaire du rattachement de Nice à la France

Durant le premier trimestre 2010, puis tout au long de l’année, le CUM propose des mani-festations en lien avec le rattachement de Nice à la France. Après « Nice et la Savoie votent pour la France », une deuxième conférence a été animée le 4 février par l’historien Pierre Gouirand, sur le thème « Les hôtels de Nice de 1840 à 1940 ». D’autres vont suivre :

24 février à 16h : Eglises médiévales du Var, l’église dans les campagnes - organisation et architecture : conférence de Yann Codou, Professeur de l’Université de Nice

4 mars à 16h : Berthe Morisot, son œuvre, sa découverte de Nice : conférence d’Eve Lepaon, Professeur à L’Ecole du Louvre,

24 mars à 16h : Belle époque, construction et architecture scolaire 1860-1914 : confé-rence de Véronique Thuin, Professeur d’histoire-géographie.

Contact :

CUM - 65, Promenade des Anglais - Nice

Tél. : 04 97 13 46 10 - www.cum-nice.org

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La fresque « Allégorie de la Méditerranée », de Bouchon, trône dans l’amphithéâtre du CUM.

Raoul Mille © H. Lagarde

Page 24: ARTCOTEDAZUR N°10

H é r i t i e r s M a s s i e r

La relève de la céramique vallaurienne À 24 ans à peine, Cédric Massier et sa compagne Céline Rogano font la fierté de la ville de Vallauris en reprenant le flambeau de la dynastie Massier. En 2009, différents lieux de la ville, comme le Musée Magnelli ou la chapelle de la Miséricorde, ont rendu hommage à cette famille à l’origine de la cérami-que artistique en exposant des œuvres de toutes les générations. Portrait de la dernière, qui a contribué à ce que le nom réapparaisse.

L’exposition « Les Massier, côté cour, côté jardin », après

une première exposition qui leur était dédiée en 2000, fut

« l’occasion de pénétrer plus avant dans la démarche inno-

vante de ces céramistes qui ont enrichi l’histoire et le patrimoine

de Vallauris et participé avec talent à la renommée internationale

de la commune », comme l’explique Alain Gumiel, Maire de Vallau-

ris Golfe-Juan. Parmi les œuvres présentées, des pièces uniques de

Clément Massier (1844-1917), de son frère Delphin (1836-1907) et

de leur cousin Jérôme Massier Fils (1820-1909). Et, dans la chapelle de

la Miséricorde, une installation créée pour le lieu par Cédric Massier,

arrière arrière-petit-fils de Delphin, et sa compagne Céline : des

complets (vasques sur colonne) revisités de manière moderne. Au

total, onze pièces allant de un à quatre mètres de hauteur, repré-

sentant quelques 2 500 strates de terre. « Ces pièces sont le reflet

de notre volonté de travailler dans la continuité de l’œuvre de mes

ancêtres, après cent ans d’interruption de la céramique dans la fa-

mille, tout en nous démarquant et trouvant notre propre voie »,

commente Cédric Massier. Après être passés par l’école municipale

des Beaux Arts Céramique, Cédric et Céline ont repris l’atelier de

Roger et Jacotte Capron, qui jouxte presque la maison de Delphin

Massier. En juin 2007, l’atelier-galerie ouvrait ses portes au public.

Dans une démarche contemporaine, ils réalisent principalement

des pièces uniques, sculptées ou modelées à la main, en grès ou en

porcelaine, mais aussi en faïence ou en argile.

technique traditionnelle et moyens modernesIls élaborent des émaux à reflets métallisés, la « patte » des Mas-

sier, et travaillent la matière à travers le contraste des terres uti-

lisées et des émaux afin de diversifier l’aspect de la céramique et

créer la confusion avec d‘autres matériaux, comme le fer ou la

roche, voire le bois. « Les contrastes d’aspects bruts et d’irisations

de la matière sont obtenus par le biais de l’enfumage, précise Cé-

dric. Nous avons repris la technique familiale d’émaillage poly-

chrome, tout en l’adaptant aux moyens d’aujourd’hui ». La tech-

nique des lustres métalliques, développée par Clément Massier,

lui valut une médaille d'or à l'Exposition Universelle de Paris en

1889. D’origine hispano-mauresque, cette technique date en fait

du XVème siècle : il s’agissait de cuire trois fois les pièces en

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Page 25: ARTCOTEDAZUR N°10

atmosphère réductrice en feu de moufle (réduction de l’oxygène dans

le four). Cela permettait à la substance pâteuse à base d’oxydes métal-

liques recouvrant les pièces d’obtenir, après cuisson, des irisations aux

nuances variées. Aujourd’hui, et après de longs mois de recherche et

d’essais, les jeunes céramistes cuisent la terre une première fois dans

un four électrique puis la sortent du four à 1 000 °C, puis ensuite la re-

cuisent au bois. L’étape d’après : étouffer l’oxygène en plaçant les piè-

ces dans des bidons pour ainsi créer des couleurs originales. « Nous

avons en fait dérivé la technique originelle, en la mélangeant à

celle du raku, pour à la fois garder une identité de travail et

diversifier nos travaux », indique Céline.

Un nom lourd à porterToujours en quête de nouvelles idées, et fascinés par

le fameux « bleu Massier », Cédric et Céline tra-

vaillent également les nuances de turquoise. Leur

vase Evasion, blanc et turquoise, a d’ailleurs

remporté un prix au Salon International des

Artistes Contemporains de Saint-Tro-

pez en 2008. Preuve qu’en très peu de

temps, leur travail a été reconnu. « Au

début, le nom de Massier était un peu

lourd à porter, confie Cédric. On nous at-

tendait au tournant. Mais, très vite, nous

avons montré que tout en faisant honneur à

notre héritage familial, nous voulions aller vers

quelque chose de plus moderne et de plus design ».

Forts d’une clientèle haut de gamme qui leur est fidèle,

Cédric et Céline souhaitent maintenant s’exporter ailleurs en

France, et même en Europe, notamment en Allemagne et en Belgi-

que, deux pays friands de céramique. Les « petits Massier », comme

on les appelait à leurs débuts il y a trois ans, se sont désormais fait

deux prénoms.

généalogie de la céramique

A Vallauris, les Massier débutèrent la poterie avec Pierre Massier (1707-1748) dans des fabrications de terres cuites. Cette production prendra une autre direction avec Jacques Massier (1806-1871) qui amena cette poterie usuelle vers une céramique plus artistique. Il ajouta à sa production de nombreuses pièces décoratives (pièces d'extérieurs, cache-pots, vases) qui influenceront incontestablement ses enfants, Delphin et Clément. C'est ainsi qu'à la fin du XIXème siècle, la famille Massier connaîtra une renommée internationale avec Delphin, Clément et Jérôme Massier Fils, leur cousin. Avant-gardiste, leur démarche commer-ciale, à travers des catalogues publicitaires, proposent de nombreux modèles d'inspirations très différentes, avec des palettes de couleurs et des techniques d'émaillage variées (monochrome, polychrome, jaspé). Les couleurs turquoise font l'unanimité au sein d'une clientèle azuréenne. Par la suite, la poterie du Golfe Juan de Clément Massier sera di-rigée par ses filles puis sa petite-fille Elisabeth et son mari Henri Mauro reprendront la galerie jusqu'en 1984. Du côté de Delphin, la société Delphin Massier est exploitée par son premier fils Alfred Massier et ses associés jusqu'en 1911. Alors que son troisième fils Jean (associé à son deuxième frère Henri) crée sa propre entreprise et l'exploite jusqu'en 1912 (date de la fermeture définitive).

Contact

Céramique Massier Atelier-Galerie46 et 49 bis, av. Georges Clémenceau06220 Vallauriswww.ceramique-massier.com

V a L L a U r I s E N V I L L E 25

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Page 26: ARTCOTEDAZUR N°10

Comment s’est passée votre rencontre

avec l’art ?

En fait je me destinais à être journaliste.

Étant joueur de rugby quand j’ai intégré

une école de journalisme en 1987 à Mar-

seille, on m’imposa le journalisme sportif.

Cela ne me convenait pas et par provoca-

tion j’ai décidé de faire mon mémoire sur

l’art contemporain.

Un univers qui vous attirait déjà ?

Pas du tout, je ne le connaissais absolument

pas, mais j’avais envie de casser cette ima-

ge de rugbyman. J’avais 23 ans quand j’ai

commencé à m’intéresser à l’art contempo-

rain. Je me souviens avoir rencontré à Nice

Jacques Lepage, un critique d’art célèbre.

Ensuite, de 1989 à 1993 j’ai travaillé à la

Région comme chargé de mission aux arts

visuels, puis j’ai présenté le concours pour

être directeur du FRAC. Un poste que j’ai

occupé jusqu’en 2005.

Rugby et art contemporain. Pour

certains, vous deviez être l’homme du

grand écart ?

De 1993 à 97 j’étais directeur du FRAC et en

même temps j’évoluais en groupe B comme

troisième ligne dans l’équipe de la Seyne-

sur-Mer. Le lundi j’arrivais au FRAC avec des

cocards et des pansements mais personne

ne m’a jamais fait de réflexion, d’un côté

comme de l’autre… Il y a tout de même une

anecdote savoureuse. Au retour d’une troi-

sième mi-temps arrosée, un bon copain du

rugby me demande dans la voiture « au fait

qu’est-ce que tu fais comme boulot ? », je

lui réponds « je travaille dans la culture »

sans donner de détails et là, après un grand

et profond silence, il rétorque : « t’as raison

en ce moment, l’élevage ça marche bien ! »

(Rires)

Pourquoi avoir choisi la Villa Arson ?

J’ai toujours eu envie d’y travailler, c’est un

établissement qui a une âme mais c’est sur-

tout un lieu unique. C’est une école d’art,

un centre d’art, un lieu de résidence et une

médiathèque. Il est très rare d’avoir sous le

même toit autant de missions complémen-

taires qui permettent d’œuvrer sur tous les

fronts.

Justement, quelle est votre mission ?

Mettre en place les expositions bien sûr,

mais aussi m’occuper de tout ce qui gravite

autour, la stratégie des médiations pédago-

giques avec l’Education Nationale auprès

des publics. Je gère aussi la politique édi-

toriale, les résidences d’artistes et tout ce

qui touche à la création sur l’établissement,

œuvres en extérieur, aménagement etc.

Quelles furent vos priorités ?

L’ouverture était et reste mon premier ob-

jectif. Il y a eu pas mal de travaux depuis

2006. Des grandes portes vitrées ont été

mises en place dans l’entrée afin de décloi-

sonner, le centre d’art se devait d’être plus

ouvert, plus visible pour tous, à commencer

par les étudiants.

Et cela a marché, il semble que depuis

on assiste à un regain de visites ?

Nous sommes passés de 7 700 à 12 900

visiteurs de 2005 à 2008, soit 70 % d’aug-

mentation de fréquentation. Pour la qualité,

ce n’est pas à moi d’en juger mais mon

souci de faire rayonner le centre d’art, les

efforts structurels et les travaux entrepris

ont dû jouer dans ce sens.

Comment s’articule votre programma-

tion ?

Il y a deux types d’expositions : les expos

collectives et thématiques et les expos mo-

nographiques. Les premières ont un fil di-

recteur qui consiste à prendre des sujets

très balisés de l’histoire de l’art pour les

traiter non pas au travers de leurs éviden-

ces mais par le prisme de leurs paradoxes.

Ainsi, avec l’exposition « intouchable l’idéal

transparence » a-t-on pu traiter de la trans-

parence via la dystopie au lieu de l’uto-

pie qui marqua le XXème siècle. « Ne pas

jouer avec les choses mortes » permit de

découvrir la performance sans geste d’ar-

tistes, seulement avec des objets produits.

« Acclimatation » montra le paradoxe de

vouloir figer la nature alors qu’elle est en

Eric Mangion occupe à 45 ans le poste de directeur du Centre d’art de la Villa Arson. Cet ancien directeur du FRAC PACA a pris en main depuis 2006 la destinée de l’une des vitrines les plus importantes de l’art sur le territoire national, mais pas seulement. Car la Villa Arson est sur l’échiquier culturel niçois une pièce maîtresse. Une pièce qui se déplace selon la diagonale du fou ? Explications….

Eric Mangion l’ex rugbyman joue toujours l'ouverture

Page 27: ARTCOTEDAZUR N°10

perpétuelle mutation. Celle visible jusqu’au

30 mai, « Double Bind/Arrêtez d’essayer de

me comprendre », qui est une phrase de La-

can lancé à un étudiant qui le harcelait de

questions, parle de communication mais via

tous les accidents qu’il peut y avoir lors de la

transmission d’informations (malentendus,

hiatus, erreurs de traduction, etc.). toute

erreur peut aussi produire du sens ou, à dé-

faut, une œuvre d’art.

Ces dysfonctionnements ont-ils un

rapport avec ce que nous vivons actuel-

lement ?

Ma volonté première était de montrer aux

étudiants et aux publics comment on pou-

vait sortir des sujets éculés de l’histoire de

l’art en les abordant sous des angles nou-

veaux. Les expos monographiques procè-

dent du même esprit. Il s’agit d’inviter cette

fois plusieurs artistes à travailler sur un sujet

commun. Le collectif devient alors une som-

me d’individualités qui offrent des regards

différents.

Une manière de montrer la diversité de l’art ?

Le but est effectivement de pointer la poly-

sémie de l’art avec la complicité de commis-

saires différents. Je crois que l’art n’a pas un

sens unique. Aujourd’hui, même les formats

sont éclatés. Depuis la fin des années 70, il

n’y a plus de courants majeurs, c’est dérou-

tant mais excitant, il y a le pire et le meilleur.

On est dans une période post-moderne, un

mot barbare qui veut dire que c’est la fin des

grands récits, idéolo-

giques, politiques, reli-

gieux. La jeune généra-

tion est née avec ça…

tout reste à faire ?

Ou bien à épuiser, je

crois beaucoup à l’épui-

sement d’un cycle. La

période baroque après la Renaissance en fut

un autre. La surconsommation, l’hyper suc-

cès de la culture du spectacle font qu’il y a

beaucoup de choses. Une profusion qui prê-

te à confusion mais qui contraint le public à

être curieux et les créateurs à agir comme

des chercheurs. Dans un sens, c’est plutôt

positif.

Ce n’est pas toujours l’avis des critiques.

Les plus grosses critiques sur l’art contempo-

rain viennent des intellectuels, pas du grand

public. La progression

des fréquentations des

expos le prouve. Il y a

une curiosité parfois

assez naïve du grand

public mais que j’ap-

précie beaucoup. En

fait ce sont les intellec-

tuels, déboussolés par

la perte de référents qui campent sur leurs

positions.

L’art contemporain semble, lui, se nourrir

d’un nouveau public.

Absolument ! Et ce phénomène est aussi le

résultat d’un travail de fond fait par le ser-

vice public depuis 20 ans sur l’accueil, la

médiation culturelle, l’art dans les collèges,

etc. Un effort qui porte ses fruits depuis 5

ou 6 ans.

Les membres du cercle fermé de l’art ne

se sentent-t-il pas dépossédés d’un bien ?

Je renvoie dos à dos ceux qui disent que l’art

contemporain est incompréhensible et ceux

qui disent qu’il n’a pas besoin d’être com-

pris. Dans les deux cas il s’agit de personnes

qui ne veulent pas prendre le temps de réflé-

chir, les premiers par fainéantise, les autres

par prétention.

L’art contemporain propose d’ailleurs un

temps de gestation face au flux tendu

d’informations.

Il est très difficile d’avoir une compréhen-

sion immédiate de l’art et ce temps de recul,

de réflexion, ce temps différé de l’art est

salutaire. Pour moi, une exposition est un

acte de résistance, parce que c’est un de ces

derniers espaces qui est encore dans une ra-

dicalité, qui le préserve du tout-évident, de

la sur-communication. Je me méfie du spec-

taculaire. Une exposition, c’est comme une

lecture, ça se traverse à son rythme. On peut

y rester cinq minutes ou deux heures.

En 2011 vous participerez à un grand

événement azuréen fédérant plusieurs

lieux d’art emblématiques.

Oui, la Villa traitera de la performance. Un

sujet important que je fouille depuis plus de

deux ans. Dès mon arrivée à Nice, je me suis

demandé comment faire une expo identitaire

Vue de l’installation de John Armleder (galerie carrée) / Exposition A moitié

carré / A moitié fou (2007)Photo Jean Brasille

Arnaud MaguetLa Société du Spectacle (Backstage)2008 Bois, tubes fluos, papier aluminium, impression sur plexiglass, film autocollant et câble 160 cm x 95 cm Courtesy : La Blanchisserie galerie (Boulogne-Billancourt) Photo : Villa Arson / J. Brasille

Jean DupuyTable à imprimer, 1974 et anagramme, 1984 Périscope, miroir, collages.Photo : Villa Arson / J. BrasilleCourtesy : Galerie Sémiose (Paris)Photo Jean Brasille

Exposition tHE DIE IS CAStRyan Gander(galeries du patio et des cyprès)26 juin – 18 octobre 2009

Ryan GanderI don’t blame you, or, When we made love you used to cry and I love you like

the stars above and I’ll love you until I die, 2008 Courtesy of the artist, Burger Collection, Gallery Bob van Orsouw, Zürich, Annet Gelink

Gallery, Amsterdam and Lisson Gallery London. Photo : Villa Arson / J. Brasille

Ryan GanderA sheet of paper on which I was about to draw, as it slipped from my table and fell to the floor, 2008.Courtesy of the artist, de Bruin-Heijn Collection, Amsterdam and Annet Gelink Gallery, Amsterdam.

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Page 28: ARTCOTEDAZUR N°10

sans tomber dans le régionalisme. Des an-

nées 50 à aujourd’hui nous sommes dans

un territoire marqué par la performance,

largement plus que Paris. Cela commence

en 1951 avec le scandale des lettristes à

Cannes suite à la projection d’un film sans

images impliquant Cocteau, Rohmer et

Guy Débord puis se poursuit avec Arman,

Klein, Ben, jusqu’à nos jours avec des per-

sonnalités comme Arnaud Labelle Rojoux

ou Jean-Luc Verna. L’exposition fera l’objet

d’un gros catalogue dévoilant une somme

d’informations jusqu’alors inédites.

Et aujourd’hui, quels sont vos rapports

avec l’art contemporain à Nice ?

Il me semblait vital que la Villa collabore

avec ses voisins. C’est pourquoi nous

nous sommes engagés avec l’association

BOtOX(s). Avec peu de moyens, on a fait

beaucoup de choses. C’est quand même

plus agréable de travailler ensemble, cela

suscite le plaisir, l’envie. La ville ne profite

pas assez des richesses qu’elle a sous la

main. De notre côté, avec Alain Derey, nous

avons beaucoup œuvré pour cette ouver-

ture. Quand on organise des voyages de

presse, les journalistes sont systématique-

ment emmenés dans les autres lieux d’ex-

positions niçois. Depuis quelques mois,

nous hébergeons dans une salle de l’amphi-

théâtre qui a été rénovée, « l’éclat », une

association issue de la mission cinéma de

l’Espace magnan. C’est une structure auto-

nome avec laquelle nous collaborons. Dans

le cadre de notre prochaine exposition,

« l’éclat » propose sa programmation de

films. Jacques Rozier viendra y présenter

« Maine Océan », une comédie des années

70 basée sur les difficultés de communi-

cation d’un groupe de touristes étrangers

dans un train.

Comment fonctionnent aujourd’hui les

résidences d’artistes ?

Il y en a 6 par an, 6 bourses de 5 000 euros

qui permettent à des artistes de tous hori-

zons de venir travailler dans nos murs entre 2

et 4 mois. Là aussi j’ai essayé de faire bouger

les lignes. Soit je demande à des partenaires

en région de présenter des dossiers incluant

des projets en extérieur, soit je sélectionne

moi-même des artistes sous condition qu’ils

créent un lien avec l’extérieur. Nos résidents

actuels s’occupent ainsi de la médiation de

l’exposition en cours. Les résidences doivent

aussi participer au processus d’ouverture.

Quels sont vos passions, hormis l’art

contemporain ?

Je suis très attiré par la littérature et plus par-

ticulièrement par la poésie qui propose pour

s’exprimer en public des inventions qui tien-

nent du bricolage expérimental mais offre

une réelle alternative à la lecture tradition-

nelle qui n’attire plus grand monde. Nous

allons recevoir en résidence en fin d’année

Olivier Cadio, poète contemporain, auteur

d’un livre incontournable « Retour définitif

et durable de l’être aimé ». Prochain invité

d’honneur du Festival d’Avignon, il viendra

après cette 64ème édition à la Villa pour

préparer un album avec Rodolphe Burger,

chanteur compositeur du groupe rock « Kat

Onoma ». Sa poétique des mots qui se prê-

te à la musique actuelle, il l’a prouvé aussi

avec Alain Bashung, prend sa source dans

ses balades d’enfant alsacien au cœur de la

nature. Sorte de Robinson des temps mo-

dernes, Olivier pratique une langue inven-

tive jubilatoire et sensuelle qui réinvente

l’espace.

Vous semblez être un homme heureux,

des souhaits pour 2010 ?

Certes, comme bien des structures cultu-

relles, nous avons dû réduire un peu la voi-

lure en termes d’expositions. Mais cela me

permettra de me concentrer sur d’autres

chantiers, de faire plus de collaborations

notamment avec l’école. Nous travaillons

dans des territoires encore trop éloignés,

trop marqués sur un modèle des années 70.

Je trouve qu’il y a quelque chose à inventer

à la Villa Arson qui soit plus en phase avec

la triple identité du lieu. Les passerelles exis-

tent mais elles sont encore trop modestes à

mon goût.

Claire Fontaine (nov 2007 - mars 2008) Untitled one is no one 2007 Photo Villa Arson

Ne pas jouer avec des choses mortes29 février – 24 mai 2008

Paul McCarthySkinny Bear, 1992, technique mixtePropo (Fred Fkinstone), 1992Cibachrome, Collection privéePropo (Daddy’s Ketchup), 1992Cibachrome, Collection privéeCourtesy : Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Paris

Photo : Villa Arson / J. Brasille

Exposition Acclimatation31 octobre 2008 - 1er février 2009Prolongée du 20 février au 3 mai 2009

Trivial Abstract 20 février – 24 mai 2009

John M. Armleder, E hoi e, 2001Néon, papier Lumifol, ø 150 cm

Courtesy galerie Andrea Caratsch, Zürich

César, Compression métallique bleue, 1994 Compression de bidon métalliques bleus,

156 x 82 x 60 cm. Courtesy Fonds National d’Art Contemporain (dépôt à l’EAC, Mouans-Sartoux)

Photo : Villa Arson / J. Brasille

BPForêt noire, 2008Bois, huile de vidange, bitume, 20 éléments,210x150 cmCourtesy : Galerie Catherine Issert (Vence)

L A V I E D E S A R t S i N t E R V i E W28

OM

Page 29: ARTCOTEDAZUR N°10

CENTRE UNIVERSITAIRE MÉDITERRANÉEN65, PROMENADE DES ANGLAIS - NICE - 04 97 13 46 10WWW.CUM-NICE.ORG

Poésie et musique au CUMà 16 h du 8 mars au 15 mars Entrée gratuite

LUNDI 8 MARSJournée de la Femme : lecture en musique par Sophie Duez (comédienne) - De la lettre à la note

MARDI 9 MARSCocteau, l’ami des femmes - Spectacle (textes et musique)

MERCREDI 10 MARSAprès-midi poétique autour des femmes (classe d’art dramatique du Conservatoire Pierre Cochereau)

JEUDI 11 MARSShéhérazade et les mille et une nuits lecture de textes et accompagnement musical de tradition persane

VENDREDI 12 MARSMusique médiévale au temps de l’amour courtois

SAMEDI 13 MARSAprès-midi de découverte du SLAM

LUNDI 15 MARSRemise du prix “Alain Lefeuvre” à Kenzy Dib et lecture de poèmes

Page 30: ARTCOTEDAZUR N°10

30 L A V I E D E S A R t S A R t i s t E

De Naples à Alger, de l’apartheid à l’avortement, de Rimbaud à Genet…Ernest Pignon-Ernest n’a eu de cesse, depuis quarante ans, de questionner l’art, les hommes et leurs drames au travers de ses parcours dans les villes, entre éphémère et éternité. Né à Nice en 1942, l’artiste entretient des liens très forts avec la culture méditerra-néenne. Rencontre avec un homme qui conjugue exigence éthique et exigence artistique.

Interview réalisée par Faustine Sappa

sur quelles thématiques travaillez-vous

en ce moment ?

Je travaille actuellement, dans le cadre du

centenaire des Ballets Russes, avec Jean-

Christophe Maillot à la scénographie de

Daphnis et Chloé, ballet qui sera créé en

deux étapes : en avril nous proposerons une

espèce d'esquisse expérimentale dans la-

quelle nous envisageons un dialogue entre la

chorégraphie et des dessins qui se dévelop-

peraient en direct sur la musique ; la version

finale avec tout le corps de ballet est prévue

pour la fin de l'année.

Parallèlement, j'étudie Abraham. J'ai réalisé il

y a quelques mois un parcours « Mahmoud

Darwich » en Palestine et je souhaiterais

poursuivre en travaillant sur la ville d'Hébron,

chargée d'histoire essentielle aux trois mo-

nothéismes, aujourd'hui terrain de tensions

exacerbées. Par ailleurs, je prépare une expo-

sition rétrospective pour l'été à La Rochelle.

Ces jours-ci sort un DVD sur mes travaux,

« Parcours », réalisé par Patrick Chaput, an-

cien élève de la Villa Arson, et bientôt un livre

aux Editions Delpire dans la collection « Des

images et des mots ».

On dit souvent de

vous que vous êtes

à l’origine du mou-

vement du street art.

Quel a été au départ

le moteur de votre dé-

marche ? Etait-ce une

manière de dénoncer

l’art construit pour les

musées ? Le street art

est désormais entré

dans les musées et

les salles des ven-

tes, avec notamment

Bansky. Quel est votre

point de vue sur cette

évolution ?

On dirait qu'il a fallu un nom anglais pour

que ça existe ! En effet les quelques ouvra-

ges qui viennent de paraître sur le street

art repèrent mes premières interventions

comme à l'origine de ce mouvement. C'est

en 1966 que j'ai commencé à inscrire ces

images de personnages grandeur nature

dans des lieux réels. Non, il n'y avait pas

du tout l'idée d'une dénonciation de l'« art

fait pour les musées ». J'étais étranger

à tout ça. L'objet tableau me paraissait

insatisfaisant pour traiter les thèmes qui

me préoccupaient. Le désir et la nécessité

d'utiliser les lieux mêmes comme maté-

riau se sont imposés.

Pour ce qui est du passage au musée et au

marché, dès 1979, le Musée d'Art Moder-

ne de la Ville de Paris, l'ARC, a présenté

une exposition sur toutes les interventions

urbaines que j'avais réalisées jusque-là.

Pignon sur rue

Naples en 1990. © EPE-ADAGP

© H

. La

gar

de

Page 31: ARTCOTEDAZUR N°10

31A R t i s t E L A V I E D E S A R t S

On y présentait les photos in situ et les

dessins préparatoires, les études, tout

le processus. Que les choses soient

montrées dans un musée c'est, au fond,

le rôle de ces institutions, ce qui pose

question me semble-t-il, c'est plutôt cette

dérive d'œuvres faites directement pour

le musée, souvent à leur demande. Ce qui

aboutit, on le voit aujourd'hui, à un art of-

ficiel, un académisme « art contemporain »

et au clergé institutionnel qui le norme.

Quant aux ventes et au marché, ceci n'est

pas spécifique au street art, nous vivons

dans une société dont la logique même

est de tout transformer en marchandises.

Il est vrai que, concernant un art né de la

rue, la contradiction semble plus aigüe.

La vraie question, éthique au

fond, c'est que ces sollicita-

tions du marché n'intervien-

nent pas dans le contenu,

l'esprit des œuvres, le choix

des thèmes, qu'elles n'influent

pas sur la démarche. Il s'agit

de résister.

Une certaine reconnaissance

peut être facteur de liberté.

Vous savez, si j'ai pu mener

des projets à Soweto ou en

Palestine, qui n'ont vraiment

aucune logique économique,

c'est parce que l'audience de

certaines de mes interventions m'a donné

les moyens de prendre ces risques.

techniquement, comment procédez-

vous ? Pourquoi ne pas avoir choisi de

peindre directement sur les murs ?

Je choisis des lieux, des événements :

morceaux de réel dans lesquels je vais

inscrire un élément de fiction. toutes

mes interventions reposent sur cela :

la façon dont je réussis à inscrire cette

fiction dans le réel et l'interaction que

cela va provoquer.

C'est dire que les lieux sont mon ma-

tériau premier, j'en fais une approche

physique, je marche beaucoup, je vise à

en appréhender les qualités plastiques,

en comprendre l'espace, la lumière, à

repérer la matière des murs, leur couleur.

C'est-à-dire saisir tout ce qui se voit, et,

dans le même mouvement, j'entreprends

d'en saisir tout ce qui ne se voit pas ou

ne se voit plus : l'histoire, la mémoire

enfouie, tout le potentiel symbolique et

sémantique qui émane de ce lieu. C'est

nourri de tout cela que j'élabore mes

images, comme si elles étaient nées de

ce lieu et uniquement conçues pour s'y

inscrire.

techniquement, cela entraine des

contraintes très spécifiques. Il faut, par

exemple, que l'image n'apparaisse pas à

la surface comme une affiche : il faut que

son incorporation travaille le lieu plasti-

quement, en fasse un espace plastique et

simultanément le travaille au niveau de sa

symbolique, en perturbe l'appréhension,

en exacerbe la mémoire. Il n'y a qu'avec

le dessin que je peux conjuguer ces deux

nécessités : stigmatiser à la fois ce qui se

voit et ce qui ne se voit pas. Je n'ai donc

jamais envisagé de peindre directement

les murs. Je tiens à ce que m'offrent le

dessin et le papier : l'éphémère, la mort

annoncée de mes images est un élément

essentiel de ce que je propose, il me per-

met d'intégrer le facteur temps. Et puis le

dessin par nature n'est jamais naturaliste,

le noir et blanc, le rectangle de la feuille,

affirment le concept, la fiction, la dis-

tance, ce qui joue un rôle essentiel dans

cette contradiction que j'aiguise volontai-

rement entre « effet de réel » et « effet de

distance ».

Peut-on dire que vos œuvres ne vous

appartiennent pas, ou au moins aussi

peu que les supports sur lesquels vous

les réalisez ?

En effet, elles existent dans un temps et

un espace qui appartiennent à tous. Par

exemple, dans une de mes sérigraphies

L'exposition Extases dans la Chapelle Saint-Charles à Avignon en 2008. © EPE-ADAGP

Ramallah 2009, parcours Mahmoud Darwich. © EPE-ADAGP

Naples, Alla Zacca, en 1990. © EPE-ADAGP

Page 32: ARTCOTEDAZUR N°10

32 L A V I E D E S A R t S A R t i s t E

napolitaines qui s'inscrivait dans un par-

cours sur les représentations de la mort,

un homme portait un cadavre dont la

main trainait sur le sol. Dessin d'une main

fragile, imprimée sur un papier fragile. Je

n'ai collé ces sérigraphies que dans les

rues dont le sol est pavé d'énormes dalles

de lave noire. Je savais en réalisant ces

dessins que ces mètres carrés de pierre

seraient physiquement liés au dessin, et

qu'autant que ce que l'image représen-

tait, la proposition plastique serait dans

cette confrontation entre cette fragilité

et la force plastique et symbolique de

ces énormes dalles noires qui disent le

Vésuve et sa menace. J'ai collé ces images

durant les nuits du Jeudi et du Vendredi

Saints. Rencontrer une image de la mort

dans le contexte de Pâques -Passion et

Résurrection- intervient bien sûr dans la

façon dont elle est reçue. tout cela pour

dire en effet que ni le temps ni le lieu ne

peuvent s'approprier et qu'ils sont aussi

essentiels à mon œuvre que le dessin.

Pour vos œuvres de la série Extases

(sept portraits imaginés de grandes

mystiques chrétiennes), récemment

exposés au Forum Grimaldi de Monaco

et, en 2008, à la Chapelle saint-Char-

les d’Avignon, votre travail est très

différent. Pouvez-vous toutefois nous

expliquer en quoi ce rapport au corps

exprimé de façon si vivante le rappro-

che de vos interventions urbaines ?

Il y a en commun cet espèce de face-à-

face, de relation physique, sensuelle que

j'essaie de créer entre les images et celui

qui les découvre, cette façon de travailler

le comment de la rencontre. En commun

aussi que la proposition plastique n'est

pas seulement dans le dessin : sur les

murs des villes, la feuille est travaillée, je

le disais, par la texture des supports, cela

intervient beaucoup dans la lecture de

l'image, lui inflige des tensions, la fragili-

se. Pour « Extases », j'ai travaillé les feuilles

au point d'en faire un élément plastique,

sculptural, aussi important plastiquement

que le dessin même, en tension avec lui.

Comment est né ce projet ? Votre envie

était-elle de montrer ces mystiques

comme de grandes amoureuses, aux

corps à la sensualité exaltée ?

Dans les années 80, j'ai souhaité en-

treprendre un projet qui serait comme

une quête de ce qui fonde ma culture

méditerranéenne. Des lectures, puis la

musique, m'ont amené à choisir Naples.

Naples comme une espèce de Nice exa-

cerbée. Là-bas l'histoire ne s'efface pas,

s'y superposent mythologies grecque,

romaine, chrétienne. Pendant plusieurs

années, j'ai développé à travers cette

ville de nombreux parcours d'images qui

Il ne s'agit pas comme on peut l'imaginer d' « un artiste engagé » de faire passer un message explicite et direct, mais de s'en saisir comme une sollicitation à une recherche plastique et poétique.

Exposition des Cabines à Lyon en 1996. ©EPE-ADAGP

Page 33: ARTCOTEDAZUR N°10

33A R t i s t E L A V I E D E S A R t S

interrogeaient ces mythologies, ces cultes,

l'histoire, l'œuvre de Caravage... Pour

nourrir tout cela et pour pallier au manque

de culture religieuse, j'ai lu beaucoup...

d'abord les exercices spirituels de Loyola,

Saint Jean de la Croix, thérèse d'Avila. Et

c'est dans ce contexte que de l'interpréta-

tion - fausse, je l'ai su plus tard - d'un vers

de El Desdichado de Nerval est née l'idée

de ce dialogue libre avec les textes des

grandes mystiques chrétiennes. Pour moi

qui n'ai jamais dessiné que des corps, ce

thème s'est imposé comme une quête et

un défi et la perspective du plaisir que j'ai

à dessiner des femmes.

J'ai eu la chance, grâce à mes liens

d'amitié et de travail avec les Ballets de

Monte Carlo, de pouvoir mener ce projet

sur plusieurs années avec la danseuse

étoile Bernice Coppieters qui a été bien

plus qu'un modèle tant son implication,

son talent, son potentiel d'expression ont

été essentiels. Un peu schématiquement,

je dirais que j'ai tenté d'exprimer par le

dessin leur désir enflammé et inassouvi

d'épouse du Christ et par le travail sur les

feuilles mêmes, de traduire leur aspira-

tion à refuser ce corps, à le meurtrir, à se

désincarner.

Parmi les mystiques je n'ai choisi que

celles qui ont laissé des témoignages de

leurs extases dans leurs écrits ou ceux

de leur confesseur : Marie-Madeleine,

Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno,

Catherine de Sienne, thérèse d'Avila,

Marie de l’Incarnation et Madame Guyon.

Mes dessins sont nés de ce qu'elles ont dit

d'elles-mêmes, bien que l'essentiel, l'inef-

fable, elles l'aient dit avec leur corps.

Le choix des lieux pour exposer cette

œuvre revêt-il la même importance que

pour vos interventions urbaines ?

Oui, d'autant que cet ensemble, étant don-

né la mise en forme des feuilles, ne peut

se concevoir que dans l'espace. Il exige

un travail sur la lumière, un dialogue avec

l'architecture qui affirme la spiritualité

L’univers religieux est très présent dans

votre œuvre, de Naples à Extases, entre

autres. Quelle relation faites-vous entre

votre travail et la religion ?

Je suis athée et matérialiste, mais je suis

né sur cette rive de la méditerranée, dans

cette période historique et je pense que

c'est une chance quand on est peintre

d'être né dans un contexte chrétien. Il

faut lire « Vie et mort de l'image » de Régis

Debray…

Enfant de chœur à 9 ans à Sospel, je n'ai

jamais oublié la Piéta de la Cathédrale

Saint-Michel. Je ne traite que de la vie des

humains, des drames qu'ils traversent, des

violences et des injustices qu'ils subissent,

de leur angoisse de la mort. C'est comme

une évidence, une nécessité profonde,

culturelle que je mène depuis des années

en dialogue avec la peinture religieuse, du

Gréco à Simone Martini, de Mantegna à

Caravage...

Sur ce terrain, Pasolini est une référence :

marxiste, il réalise « Médée » et « L'évangile

selon Saint Matthieu » et ne cache pas que

ses choix éthiques sont hérités des valeurs

chrétiennes. Je partage cette dialectique,

je sais que des Piéta chrétiennes ont eu

pour modèle Aphrodite portant le corps

d'Adonis.

Certains thèmes politiques et sociaux

vous tiennent à cœur, notamment dans

vos « Parcours », même si vous ne vous

revendiquez pas comme un artiste en-

gagé. Où situez-vous la nuance ?

Lorsque je choisis un thème à caractère

social ou politique c'est bien sûr parce

qu'il m'intéresse, que je souhaite l'appré-

hender, le comprendre mieux et que je

pense qu'il est assez riche pour me per-

mettre une recherche, une investigation

du sens et du sensible, de l'imaginaire,

des formes et de l'espace. Il ne s'agit pas

comme on peut l'imaginer d' « un artiste

engagé » de faire passer un message ex-

plicite et direct, mais de s'en saisir comme

une sollicitation à une recherche plastique

et poétique.

Quelques repères…

1972 Les Accidents du travail (Paris)

1972 Les Hommes bloqués (Paris)

1974 L’Homme et la Ville (Le Havre)

1975 Sur l’avortement (tours, Nice, Paris,

Avignon)

1975 Les Immigrés (Avignon)

1978-79 Rimbaud (Paris et Charleville)

1979 Les Expulsés

1984 Les Arborigènes (Jardin des Plantes,

Paris). Des statues vertes de chlo-

rophylle d'hommes et femmes nus,

juchés dans des arbres, composés

de micro-algues, de mousse de po-

lyuréthane, de végétation naturelle.

1988-95 Naples

1996 Derrière la vitre. Silhouettes peintes

dans des cabines téléphoniques

2002 Soweto-Warwick-Durban (Afrique du

Sud)

2003 Le Parcours Maurice Audin (Alger)

2009 Décoration monumentale de la

Cathédrale de Montauban, (vandali-

sée par des intégristes catholiques)

Pour en savoir plus

Extases, texte d’André VelterEditions Gallimard

Monographie Ernest Pignon-ErnestEditions bilingue français/anglais,

Bartschi-Salomon

Editions PARCOURS 1971-2009, film de Patrick Chaput et Laurence

Drummond

www.plaisirdimages.fr

Dessins préparatoires à la série Extases. © H. Lagarde

Page 34: ARTCOTEDAZUR N°10

Difficile de passer à côté de Simone Dibo-

Cohen sans la remarquer. Quel amateur

d’art niçois n’a jamais croisé lors d’un

vernissage cette femme aux cheveux corbeau

coiffés en brosse et vêtue de noir, de pied en cap,

une pythie, une sorcière de la Hammer film ? Non

car d’aucun l’auront rencontrée à la Galerie ART 7,

qu’elle dirigea de 1991 à 2004 avant d’intégrer

« Vision Future ». Un autre espace plus modeste en

taille mais tout aussi atypique. Car jusqu’en 2009,

Simone présenta dans ce qui est une clinique ul-

tramoderne où l’on soigne les yeux ces artistes qui offrent, eux, un

nouveau regard sur le monde. « Dès que j’ai quitté la Galerie ART 7,

j’ai vécu une série noire durant laquelle j’ai perdu des êtres chers. Le

Docteur Chobard, un ami, m’a sauvé de la déprime en me confiant

un espace d’art au rez-de-chaussée de son établissement ». Un es-

pace qui ne fonctionnera pas comme une galerie lambda puisqu’il

s’agira pour Simone d’y dévoiler la collection de ce chirurgien et

grand collectionneur ainsi que ses propres découvertes. « Le soir

des vernissages, les œuvres, comme le public, investissaient tous les

étages. Une véritable affection nous liait mais d’un commun accord

l’an dernier, lui, ayant besoin d’espace pour se développer, et moi

ayant retrouvé mon énergie, nous décidâmes de ne collaborer que

pour deux événements annuels ». C’est à l’occasion du dernier en

date autour de l’œuvre de l’artiste Robert Roux que Simone décidera

de reprendre son envol : « J’ai à nouveau beaucoup de projets, je ne

veux pas rester chez moi à regarder la télévision, je veux mourir sur

scène ». Une profession de foi qui colle à la peau de cette passionnée

de sang corse qui fut d’abord attirée par les tréteaux avant de choisir

l’aventure humaine de l’art contemporain.

Sous la sciure, les cimaisesPar l’entremise de l’artiste et ami Yves Hayat et de Robert Roux, Simo-

ne déniche fin 2009 un local sur le boulevard de la Madeleine. « Nous

avons fondé une association et avec l’aide de Jean-Jacques Chobard

intégré ce qui fut pendant un demi-siècle une menuiserie ». Un grand

coup de balai et ça repart ! Une fois l’entrepôt débarrassé de son

épais manteau de sciures, la Menuiserie nouvelle mouture est inau-

gurée le 19 décembre. « Ce baptême improvisé où une trentaine d’ar-

tistes à l’approche des fêtes fixèrent le prix de leurs œuvres à un pla-

fond de 500 euros, fut un gros succès malgré la météo déplorable ».

Un succès qui sonne le retour de cette férue d’art sans compromis.

« Nous ne comptons pas vivre de subventions, mais faire de la me-

nuiserie un lieu incontournable ouvert aux artistes, bouillonnant, ico-

noclaste dans l’esprit défricheur de ART 7 », explique Simone. Il est

vrai que depuis sa fermeture, ART 7 n’avait pas trouvé à Nice d’équi-

valence en termes de stratégie d’accrochage et de volume. Car durant

Simone Dibo-Cohen : Fondu au noir enchaîné

Elle fait partie de ces personnalités qui n’ont pas ménagé leur talent afin de promouvoir l’art contemporain et ses artistes émergents sur la Côte. Signe particulier : elle s’habille de noir, aime briser les cercles, n’en fait qu’à sa tête et rien que pour vos yeux en 2010.

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L A V I E D E S A R T S p o r t r a i t34

Page 35: ARTCOTEDAZUR N°10

son âge d’or, l’ex-galerie

des antiquaires sur la

Promenade disposait de

25 cabinets sur 1 200

m2, fédérant près de 30

créateurs au mois. Des

artistes qui ont répondu

présent à l’appel. « J’ai retrouvé ce climat qui m’a fait vibrer dans

ces 300 m2 avec verrière. Tout restera dans son jus, sauf les murs

que nous devons blanchir, pour en faire un espace de monstration

atypique mais aussi un lieu d’échanges avec son coin bar, des dîners

privés, et pourquoi pas des concerts ! » La prochaine expo qui aura

lieu en mars devrait surprendre. « Toutes les invitations ne seront

pas collectives, je souhaite également faire des monographies, j’ai

très envie d’exposer Ange Leccia, Riba, Reyboz, Hayat, Coville, Martin

Miguel, Pedinielli etc. Le choix se fera en fonction des propositions

en rapport avec l’identité du lieu ». Mais la Menuiserie qui ne devrait

être grande ouverte que lors des vernissages (au rythme d’un tous

les trois mois) et quelques jours par semaine n’occupera pas tout

l’agenda 2010 de Simone. Loin s’en faut…

De la Mairie du 17ème au Château de Cagnes « On dirait que tout ce que j’ai fait pendant 20 ans pour l’art me re-

vient aujourd’hui », commente Simone avant de dévoiler ses projets

en cours. Une série d’expos qui débutera le 16 février à Paris où elle

présentera à la Mairie du 17ème le travail de Robert Roux. Le 26

mars, direction Lyon où elle inaugurera avec Gérard Taride en même

temps que le lieu un nouveau cycle d’expositions à la clinique « Vision

future ». « Un espace de plain-pied plus grand que celui de Nice ».

En juin, retour au bercail pour un défi de taille. « Cet été je m’at-

tèle en tant que Présidente à redonner son lustre à l’UMAN*, une

manifestation initiée par Matisse et Bonnard ». Cette biennale 2010

ressuscitera à Cagnes, ville où l’événement prit racine. « Je voudrais

parvenir à faire tourner la Biennale dans tous les pays du bassin mé-

diterranéen, j’ai déjà eu des propositions du Maroc, de la Tunisie et

de la Corse, mais j’attends pour boucler d’avoir un circuit complet ».

La mairie de Cagnes-sur-Mer et Virginie Journiac, sa Conservatrice en

chef, s’apprêtent d’ores et déjà à accueillir, du Château à la Maison

des Artistes, une quarantaine de créateurs venus de Riviera, d’Espa-

gne, d’Italie, de Corse, d’Israël et du Maghreb. « Le vernissage aura

lieu le 26 juin… Je m’aperçois qu’il y a trois six dans toutes ces dates,

666, le chiffre du diable ! », s’étonne non sans ironie la dame en noir,

rajoutant aussitôt : « J’ai voulu une exposition de qualité, comme une

passerelle jetée entre les générations, les styles, les formes. Il y aura

des œuvres que l’on va aimer ou détester mais on n’en sortira pas

indemne ! »

*L'UMAM (Union Méditerranéenne pour l'Art Moderne). En février 1946 Matisse deviendra avec Pierre Bonnard co-président de cette association dont le but était de promouvoir l'art contemporain. Ainsi naitront à Cagnes sur mer le premier musée d’art contemporain dans le château des Grimaldi et à Nice la Galerie des Ponchettes au cœur d'un ancien arsenal.

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p o r t r a i t L A V I E D E S A R T S 35

Ci-dessus de gauche à droite :

Exposition collective inaugurale à la Menuiserie : portraits/masques de Yves Hayat, barreOmètre de Peter Larsen

Ci-contre :

Totems d’objets recyclés de Robert Roux

Photos © J-Ch. Dusanter

Page 36: ARTCOTEDAZUR N°10

36 L A V I E D E S A R T S C o l l e C t i o n n e u r

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usa

nte

r

Le cœur de sa collection, une

quinzaine d’artistes, 450

pièces dont une trentaine

exposées à son cabinet du Re-

gina. Les autres étant reparties

entre son domicile et les mu-

sées, car le Docteur Bernard

Massini prête beaucoup pour

les expositions. Mais qui est

vraiment cet homme que l’on

pourrait qualifier d’éminence

grise, tant il semble peser de

l’ombre de son poids sur la culture

de la ville ? Qui se cache derrière ce

regard bleu pâle, aussi vif que bien-

veillant ? Bernard Massini n’est arrivé

qu’à force de passion, de partage. Sa

force, il n’a de cesse de le répéter, il la

puise dans ses rencontres avec les ar-

tistes et dans son parcours. Un chemin

sinueux qui, lorsqu’on l’écoute, sem-

ble droit comme une autoroute. Pudeur,

peur du pathos ? Il l’avouera au détour de

la conversation : « je suis un hypersensible

qui a appris à contrôler ses émotions ». Et si

c’était la foi, celle qui s’exprime dans cette vi-

sion de la Divine Comédie signée Garouste ou

dans une crucifixion de Corpet installée dans

son bureau, qui guida ce petit-fils d’immigrés ita-

liens, de batteur d’orchestre à neurochirurgien, de

ses rêves d’enfant à ses rêves d’adulte ? C’est au

cœur de son cabinet de chirurgie à la fois cabinet de

curiosités chargé d’immenses toiles comme d’autant

de promesses que nous avons rencontré le Docteur

Bernard Massini.

De Bateco au regina« Il faut resituer les choses. On me voit collectionneur, grand

bourgeois mais en fait j’ai des origines modestes. Je suis

petit-fils d’immigrés italiens du coté de mon père et russe du

côté de ma mère ». Une mère employée d’usine, un père musicien

d’orchestre qui anime dans les années 50 les palaces et casinos. « J’ai

c o m -

m e n c é

moi-même, dès

15 ans, à vivre de la bat-

terie. Mon premier cachet, ce fut

pour un réveillon dans un pizzeria. »

Quand ses parents intègrent la mairie, la fa-

mille qui vivait dans un 26 m2 rue Pertinax emménage

à Nice Nord dans les HLM de Bateco. Mais la vraie embellie,

Bernard la connaîtra à 20 ans via Matisse, Picasso et… Emile

Marzet ? « J’enchaînais alors les cachets pour être autonome. Dans

une galerie rue de France, j’ai vu deux toiles de ce peintre menton-

Bernard Massini : Une Collection Émotion

Chirurgien et collectionneur d’art, le Docteur Bernard Massini n’est pas homme à se mettre en lumière et pourtant il œuvre pour rendre à Nice « Tout le bonheur que cette ville lui a donné ». Son cheval de bataille : faire du cabinet de chirurgie qu’il a créé au Régina un grand Centre d’art ouvert au public.

J’enchaînais alors les cachets pour être autonome. Dans une galerie rue de France, j’ai vu deux toiles de ce peintre mentonnais. J’ai acheté la première en payant sur 10 mois et la seconde 30 ans plus tard.

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37C o l l e C t i o n n e u r L A V I E D E S A R T S

nais. J’ai acheté la première en payant sur 10 mois et la seconde

30 ans plus tard ». Ces deux tableaux qui sont aujourd’hui dans

sa chambre sont les prémices d’une collection qu’il qualifie de

« collection émotion ». Mais tout reste à faire lorsqu’il entame ses

études de médecine à Nice. Des études qui l’amèneront à exercer

à Clermont-Ferrand puis durant six ans à l’hôpital neurologique

de Lyon. Quand on lui propose de pren-

dre la direction du service, il refuse, pré-

férant « passer sa vie à Nice». De retour

au bercail en 1988, il poursuit de concert

métier et passion. Lorsqu’un beau

jour, il a l’opportunité d’acheter au

Régina où il vit depuis plus de

12 ans, un local puis deux

autres. L’architecte et ami

Marc Barani refond

l’ensemble pour en

faire un espace

d’exposition

en même

temps qu’un cabi-

net médical.

une seconde famille de cœurCar entre-temps, le Docteur Bernard

Massini, tout en s’intéressant à l’envers

du décor, a accumulé les œuvres. Tou-

jours des toiles car son unique passion,

c’est la peinture figurative, « la seule ca-

pable de capter et de rendre la dimen-

sion humaine comme la spiritualité ».

Ses achats, il ne les fera pas chéquier en

main dans des salles de vente. L’homme se rapprochera des artis-

tes, devenant intime avec certains dont les toiles habillent les murs

du Régina : Djamel Tatah, « qui me reçoit lorsqu’il va à Paris », Pat

Andréa, « que je connais depuis 30 ans », Denis Castellas, parti pour

New York, « il me manque mais on s’appelle », Vincent Corpet, Sté-

phane Pencréac'h, Valérie Favre, Gérard Garouste, Alun Williams.

« L’amitié, dit-il, c’est comme l’amour, un événement qui s’inscrit

dans la durée, si la rencontre se fait. On ne peut rien brusquer ».

Laissant faire le hasard, il se constituera ainsi une autre famille de

cœur. « Ma collection c’est ma vie avec les artistes. Une vie pleine

avec leurs enfants et les miens. Chaque tableau est un choix, je n’ai

pas de fortune personnelle, pas de bateau, de maison à la campagne,

rien de tout ça ! ». Bernard Massini, mécène ? Il préfère ce rôle, lui qui

échoua à aider les artistes en ouvrant des

galeries à Lyon, Paris puis Nice. « C’était

d’une grande naïveté, je suis chirurgien,

pas marchand ». Pour autant, ce passion-

né n’a jamais renoncé à faire partager aux

Niçois le bonheur que lui apporte ces dé-

couvertes. C’est ainsi que le concept du

Régina naquit, c’est ainsi qu’il est devenu

Président des amis du MAMAC, nouant

une réelle amitié avec Gilbert Perlein, son

Conservateur en chef. Ce n’est donc pas

un hasard si vous voyez les artistes de sa

collection exposer à Nice comme Vincent

Corpet actuellement. « C’est le fruit d’une

complicité et d’une réflexion avec cet

homme extraordinaire qui est une chance

pour la ville ». Son engagement vient de

franchir un nouveau pas : « j’ai accepté à

la demande de Sophie Duez de participer

à la Commission de réflexion sur la res-

tructuration des Abattoirs. Je crois qu’il

y a aujourd’hui des individualités fortes

comme Michel Sajn, Muriel Marland-Mili-

tello, Marianne de « l’éclat » qui, si elles

œuvrent en synergie, peuvent faire bou-

ger la culture à Nice ».

Une ville qui devrait hériter sous deux ans d’un nouveau Centre d’art

où Bernard Massini souhaite ardemment faire dialoguer les artistes

de sa collection avec des artistes historiques. « Quand je passais à

20 ans devant le Régina, j’étais fasciné par le fait que Matisse y ait

travaillé. J’aimerais que l’histoire se prolonge. Pouvoir abriter une

collection ici fut important pour moi. Aujourd’hui, il est enfin temps

de rendre ce lieu aux Niçois ».

Bernard Massini : Une Collection Émotion

Bernard Massini par Cédric Tanguy, Bacon, Friedrich & Velazquez, 2004. (120 x 160 cm)

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Ci-dessus : Le deuxième étage de la galerie/cabinet du Régina dessiné par l'architecte Marc Barani

Page de gauche : Bernard Massini s’amuse à piéger notre photographe devant une toile de Ronan Barrot (Le décors/2001) Photos © J-Ch Dusanter

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38 L A V I E D E S A R T S a r t i S t e

La cagoule blanche, 2006 Techniques : tricot laine, 40 X 50 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Série « The world is perfect » 2001 sans titre, 136 x 110 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Sur Florent Mattei on en sait un peu

plus. D’origine corse, du côté pater-

nel, l’artiste a grandi entre Nice et Pa-

ris. Fan de cinéma, il décide dès 14 ans de

se faire les dents sur la photo puis partira

pour la capitale où il décrochera une maîtri-

se en sciences techniques de la photogra-

phie. En revenant à Nice, il intègre, grâce

à son équivalence la Villa Arson une 4ème

année. Nouveau départ, diplôme en poche,

cette fois pour Marseille où on lui propose

une résidence à la Friche de la Belle de Mai.

En rejoignant la galerie Frank Elbaz à Paris

il réalisera sa première exposition et pré-

sentera son travail à « Paris Photo ». Il y

restera huit ans tout en gardant le contact

avec Nice. « J’ai commencé à travailler avec

Bertrand Baraudou en 1997 à l’époque où

il avait monté son site Web, la galerie Es-

pace à vendre rue Smolett n’existant pas

encore ». De retour à Nice, il y a deux ans,

il rejoint les artistes résidents de la galerie

montante, un gang de trublions ou sévit

Thierry Lagalla, connu lui aussi pour évo-

luer comme un chien dans le jeu de quilles

de l’art contemporain.

Hold up à la banque d’imagesToucher le plus grand nombre, c’est le cré-

do de l’artiste qui a choisi la photographie

comme médium. Florent regrettera tout de

même de ne pas avoir suivi de cours d’his-

toire de l’art car la peinture l’intéresse aussi.

Alors entre deux « investigations en cham-

bre » il comble la lacune. Ainsi ses coloriages

améliorés : « Cet exercice hors série est né

du désir de faire un vrai travail d’atelier qui

me permettait de m’immerger totalement

dans une œuvre. Un peu comme une grand-

mère qui fait du tricot devant sa cheminée ».

Ainsi s’attèlera-t-il à reproduire aux feutres

de couleurs et en grands formats des pein-

tures classiques et quelques œuvres plus li-

cencieuses (« J’aime la peinture »). Un travail

durant lequel il peut réfléchir à ses prochai-

nes estocades. Car c’est avec son objectif

que Florent injecte du sens là où il sent que

la faille peut devenir abîme. Sa cible : les co-

des que nous adoptons trop hâtivement et

qu’il piège en y introduisant ce petit grain

de sable qui fait tout dérailler. Et pour ce

hold up artistique, quoi de mieux qu’une

banque d’images. Ce nid où prolifèrent les

clichés dont la publicité se repaît. « C’est un

regard que je connais bien pour avoir réa-

lisé, à des fins alimentaires, des catalogues

de pub pour la grande distribution ». Alors

dans sa série « Les Incontrôlables », la blon-

de de rêve au sourire Hollywoodien finit avec

un bout de salade collé entre les dents. Le

jeune cadre dynamique en costard/attaché-

case/smart phone à qui tout sourit s’apprête

Florent Mattei Monsieur tout le monde

Florent Mattei s’engage sur tous les fronts avec ce sens du burlesque qui n’est pas vraiment au menu du cénacle de l’art contemporain. Son travail basé sur la photo explore l’univers du citoyen lambda. Mais au fait, qui est cet illustre inconnu que tout le monde semble connaître ?

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39a r t i S t e L A V I E D E S A R T S

Ci-contre, de gauche à droite :

Série J'aime la peinture, 2005

Nue sur canapé (d'après le livre de François Bouchez, « L'Odalisque blonde » 1752) - technique : feutres sur papier, 144 x 164 cm, Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Le maladeAutoportraits (D'après des lithographies érotique) technique : feutres sur papier, 50 x 65 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Les anges ne savent pas voler 2007, 120 x 160 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Série Libertas, 2010 - sans titre, 76 x 100 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

lui à mettre le pied droit dans une déjection

canine etc… « La photo faisant 1,60 m, on

voit d’abord une image séduisante. Ce n’est

qu’en deuxième lecture qu’on découvre le

détail qui la condamne au ridicule ». Dans

une autre série qui fera l’objet de son pre-

mier accrochage à Paris, « The Word is per-

fect », il ira plus loin. « Les images glamours

publicitaires sont faites pour que l’on s’iden-

tifie aux sujets alors je me suis dit, je vais me

mettre à leur place. » Et au lieu de faire un

collage, il réalise un véritable shooting avec

casting, styliste et maquilleuse. « Sauf que le

bellâtre qui mesure d’habitude 1,85 m c’était

moi avec mes 1,70 m de physique très com-

mun et que le mannequin féminin me dépas-

sait d’une tête. Au final on se demande si

c’est moi qui suis ridicule ou le monde qui

m’entoure ». Ce premier travail de détourne-

ment où il se met en scène lui ouvrira une

porte. « Je l’ai fait au départ pour des raisons

pratiques, aujourd’hui je continue, c’est une

thérapie. Et puis j’ai le physique idéal, celui

de monsieur tout le monde ».

« M’as-tu-vu en cagoule… »Ce diktat de la perfection, déployé par no-

tre grammaire visuelle mais détourné de

son but, désamorcé par le rire, a le pouvoir

d’inciter le quidam à la réflexion. Florent

Mattei ferait-il œuvre de résistance ? Et que

veulent dire ces cagoules qui fleurissent ça

et là dans ses travaux ? « J’aime ce côté de

l’identité cachée, qui fait que n’importe qui

peut ressembler tout à coup à tout le monde.

Elle est apparue dans mon travail après le 11

septembre avec la parano qui nous touchait

tous, surtout dès qu’on voyait un barbu avec

un gros sac dans un aéroport ». Florent se

servira de l’accessoire pour une photo pré-

sentée à l'Espace à Vendre où toute sa famille

pose en passe-montagne, enfant compris,

devant l’objectif. Puis il y eut la cagoule

blanche sur un fond blanc où tout disparaît,

même l’accessoire. Aujourd’hui l’artiste per-

siste et signe avec une série de portraits où

il revêt tour à tour ces cagoules qui, de par

le monde, sont autant de signes d’insoumis-

sion. Pas très politiquement correct ce défilé

de mode ? « La cagoule, c’est un signifiant

éminemment populaire d’opposition. Dans

« Nobody », une série de 40 autoportraits,

je portais 40 chapeaux, de la chapka au bob

Ricard. Des accessoires qui finissent par pa-

rasiter l’identité, la réduire. Cette fois je suis

allé plus loin en masquant le visage. L’identi-

té même cachée reste forte, les yeux restant

toujours visibles ».

Prémices d’une révolution en marche ou

pas ? Florent Mattei a, quoiqu’il en soit, déjà

commencé la sienne en visant non sans ju-

bilation le talon d’Achille de nos sociétés de

consommation. En désamorçant son pathos

par le burlesque. En convoquant l’absurde

à toutes fins utiles. Un travail qui fait de lui

un ovni dans le monde de l’art contempo-

rain, mais qui redonne du baume au cœur

et du grain à moudre à… monsieur tout le

monde !

Florent Mattei a investi avec « Libertas » depuis le 5 février le Show room de L’atelier Soardi pour l’exposition « Maîtres et Valets ».

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Page 40: ARTCOTEDAZUR N°10

7ème Edition du Salon d’ART accessible à TOUS

6 au 15 mars 2010 – de 10h à 19hPendant la Foire de Nice

2ème étage Palais des Expositions

80 EXPOSANTS

10 GALERIES D’ART

9 NATIONALITES

Tous les jours : 1 jour un auteur 11h00 - 14h00dédicace et lecture de livres d’un écrivain niçois en partenariat avec les Editions Gilletta.

Tous à la Photo : exposition de 10 photographesniçois reconnus, sélectionnés par ART COTE D’AZUR

www.nicexpo.org04 92 00 20 80

renseignements : www.tous-a-lart.com

Page 41: ARTCOTEDAZUR N°10

41G a l e r i e L A V I E D E S A R T S

7ème Edition du Salon d’ART accessible à TOUS

6 au 15 mars 2010 – de 10h à 19hPendant la Foire de Nice

2ème étage Palais des Expositions

80 EXPOSANTS

10 GALERIES D’ART

9 NATIONALITES

Tous les jours : 1 jour un auteur 11h00 - 14h00dédicace et lecture de livres d’un écrivain niçois en partenariat avec les Editions Gilletta.

Tous à la Photo : exposition de 10 photographesniçois reconnus, sélectionnés par ART COTE D’AZUR

www.nicexpo.org04 92 00 20 80

renseignements : www.tous-a-lart.com

«En fait les murs appartiennent

à l’artiste Philippe Pastor qui a

intégré le lieu il y a huit ans. A

cette époque, c’était son atelier. Il s’en sert

aujourd’hui de QG, comprenant des bu-

reaux, des pièces de stockage et deux salles

où nous accrochons les œuvres d’artistes

avec lesquels il partage une certaine idée de

l’art », explique Marion Blandin, en charge

depuis deux ans de Monaco Modern Art.

philippe pastor : naturellement !Philippe Pastor qui a exposé ses œuvres dans

de nombreux espaces publics et privés tels

que la Modern Art Gallery de Miami (2003)

et le siège des Nations Unies de New York

(2008) a représenté la Principauté de Mo-

naco à la Biennale de Venise 2009. Né à Mo-

naco en 1961, il est également connu pour

son implication dans la sauvegarde de la

planète. En témoigne sa série sur les cœurs,

qui sommeillent ici entre deux expositions,

tout comme deux grandes toiles « Les qua-

tre saisons ». Ces toiles peintes puis livrées

aux intempéries, « au temps qu’il fait », afin

d’instaurer un dialogue entre l’homme et

la nature, furent présentées à la Biennale

de Venise. Avec « le ciel regarde la terre »,

une autre série de peintures en techniques

mixtes exprimant le délabrement quasi pro-

grammé de la nature, les travaux récents de

Philippe Pastor pointent l’impact de l’homme

sur l’environnement. « Ces séries qui offrent

une sorte de pendant en termes d’art plasti-

que à l’engagement de Y. Artus Bertrand est

un « work in progress » qu’il débuta en 2003

par « Les arbres brulés », explique Marion.

Ces sculptures totems furent créées à partir

des troncs calcinés de la forêt de la Garde

Freinet dans le Var, dévastée par un incendie

puis vendues au profit de l’association « Art

et environnement » initiée par P. Pastor. Car

la vente de ces œuvres lui permet, en par-

tenariat avec d’autres organisations reliant

l’humain, le social et l’environnemental, de

soutenir des programmes telle que la refo-

restation du Kenya. Mais l’artiste dont le tra-

vail tend vers l’abstraction a abordé durant

sa carrière bien d’autres thèmes, la femme,

les taureaux, les généraux etc. Et au fil de

ses rencontres, il aime aussi promouvoir

les talents émergents ou complices. Cer-

tains sont invités à la galerie monégasque,

d’autres partagent avec lui les expositions

auxquelles il est convié de par le monde.

De Bill Wyman à Marcelline lapouffe L’espace galerie fonctionne ainsi selon l’hu-

meur et les disponibilités de chacun. Pas

de calendrier, ou de vernissages imposés,

mais deux vitrines ouvertes aux découvertes

de Philippe et aux travaux des artistes rési-

dents. Ici ont déjà été exposés des créateurs

aussi différents que Louis Canes, connu en-

tre autre pour sa participation en 1970 au

mouvement Support-Surface. Bill Wyman,

l’ex-bassiste des Rolling Stones, y dévoila en

2008 des photos inédites de sa vie avec le

groupe et quelques portraits de celui qui fut

Monaco Modern Art Ceci n’est pas une galerie !Étrange, cette galerie ouverte de plain-pied sur l’avenue Princesse Grace, en face du Forum Grimaldi. Atypique parce qu’elle tient plus d’un grand appartement que d’un White cube taillé pour l’accrochage. Mais où sommes-nous vraiment, Marion ?

Philippe Pastor. Photo Didier Gicquel Arbres Brulés Route des Plages

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Page 42: ARTCOTEDAZUR N°10

42 L A V I E D E S A R T S G a l e r i e

son voisin et ami à Vence : Marc Chagall.

Stefano Bombardieri, artiste italien (vivant à

Brescia) installa ses sculptures mettant en

scène un étrange bestiaire (rhinocéros, ba-

leine), sorte d’acte 2 de l’Arte Povera. « De

façon plus régulière, nous suivons le travail

de Manuella Ferré qui n’est autre que la fille

de Léo Ferré. Une jeune femme enjouée

née en 1978 à Monaco comme son illustre

père mais qui accouche d’œuvres très som-

bres telle sa série de sculptures consacrées

à la lapidation ». Elle façonna ainsi en 2003

le buste Saphya représentant une femme

avec des clous dans la bouche en réaction à

la tragédie que vécut une nigérienne violée

puis condamnée à être lapidée pour adul-

tère et finalement graciée sous la pression

internationale. C’est un tout autre travail

qu’accueille actuellement l’une des vitri-

nes de la galerie. En passant sur le front de

mer, les monégasques peuvent assister à un

étrange spectacle où des squelettes décom-

plexés s’en donnent à cœur joie. Une sorte

de « Crypt Show version Bling Bling » revu

par une artiste qui s’est sobrement baptisée

« Marcelline Lapouffe ». Marcelline, c’est

Madam X ! On ne sait rien d’elle, si ce n’est

qu’elle a 26 ans, qu’elle vit dans le sud (à

Monaco ?), est autodidacte et aime les osse-

ments et tout ce qui brille. Ainsi sa première

pièce « Luxure » présentant un squelette

customisé en perles de Swarosvki « collées

à la main » en compagnie d’un cochon rose

très glamour, côtoie un de ses (nos) congé-

nères chevauchant lui un cyclo, le virus du

Sida sur l’épaule. Cet univers qui flirte avec

le « mauvais goût dandy » de Bruno Pelassy

ou de Cédric Tanguy convoque le pop art, le

trash et le néo-gothique, le tout passé à la

moulinette et grillé au second degré. « Tou-

tes les pièces réalisées en technique mixte

sont d’abord chinées puis montées à la main.

Sur le même modèle, Marcelline s’est aussi

attaquée à d’autres parties de l’anatomie :

crânes, cœurs, cerveaux, etc… mais aussi à

des revolvers, appareils photos, jouets, avec

le désir de représenter le morbide, le kitsch,

le « tabou » sous un autre jour comme un

pied-de-nez, un clin d’œil à la vie ».

« L’essentiel de notre travail consiste à ac-

compagner nos artistes, à organiser des ex-

positions ou événements hors cadre. Nous

préférons aller vers le public plutôt que de

l’attendre », explique Marion. Une stratégie

qui fonctionne. Marcelline Lapouffe qui a

exposé en 2009 à Saint-Tropez, San Marino

puis à Paris, vient d’installer un showroom

à Londres aux côtés de Philippe Pastor. Sa

pièce « Luxure » part bientôt dans un musée

en Grèce alors qu’avec Monaco Modern Art

elle s’apprête à éditer son premier catalo-

gue. Quant à Philippe Pastor il prépare ac-

tivement ses showrooms de Miami, Moscou

ainsi qu’un autre plus proche de son QG,

puisqu’il est l’un des prestigieux invités du

salon ART MONACO’10 qui se tiendra du

29 avril au 2 mai au Grimaldi Forum.

Stefano Bombardieri, Barriera invisibile

Stefano BombardieriIl peso del Tempo Sospeso

Stefano BombardieriEsercizi di tecnica giapponese

A gauche : Marcelline lapouffe, mom’s heart, 2009, Technique mixte

Ci-dessus : Marcelline lapouffe, Le silence qui tue. Il n’y a rien de pire que les gens qui n’ont rien à dire; ça vous tue comme un putain de silencieux

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