artcotedazur n°10
DESCRIPTION
Artcotedazur Arts and Culture on the French Riviera. Theaters, Gallery, Exposition, Entertainment, Photos. The most beautiful aspect of the "Cote d'Azur". Design, Architect, Concerts, Music, Danse, and Opera.TRANSCRIPT
Ernest Pignon-Ernest
ARTS PLASTIQUES///
PATRIMOINE//////
G A L E R I E S / / / / / / /
M U S É E S / / / / / / / / /
P H O T O S / / / / / / / /
COLLECTIONS////
SUPPLÉMENT CULTUREL DES PETITES AFFICHES DES ALPES MARITIMES
Art Côte d’AzurSupplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes Numéro 3490 Du 5 au 11 février 2010 Bimestriel
ISSN 1962- 3569
Place du Palais17 rue Alexandre Mari06300 NICE Ont collaboré à ce supplément culturel :
RédacteursAlain AmielRodolphe CosimiOlivier MarroFaustine Sappa
Direction ArtistiqueFrançois-Xavier Ciais
Création GraphiqueMaïa Beyrouti
Photographes Jean-Charles DusanterHugues Lagarde
Photo de CouvertureExtrait série Extases d'Ernest Pignon-Ernest©H. Lagarde
Contacter la Rédaction :Valérie NoriegaTél : 04 92 47 21 81Fax : 04 93 80 73 [email protected] Publicité :Anne AgullesTél : 04 93 80 72 [email protected]
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Art Côte d’Azur Art Côte d’Azur est imprimé par les Ets Ciais Imprimeurs/Créa-teurs « ImprimeurVert », sur un papier répondant aux normes FSC, PEFC et 100% recyclé.
La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, celles-ci n’engagent que leur auteur. Tous droits de reproduction et de traductions réservés pour tous supports et tous pays.
Dans la ville en effervescenceQui pue les vapeurs d’essenceSa majesté CarnavalRoi de la planète bleueA malAux cheveux.On va en voir des chars barbaresAvec des types déguisés en avatarsOn va en fracasser des têtes à coups de marteauOn va en exploser des bombes dans les caniveaux.Certains mettront le feu à la plagePour conjurer le mauvais sortOn se jettera des fleurs au visagePour oublier les sombres nuagesOn balancera des confettis d’orDans un ciel de porcelaine.Déguisés en psychopathesPour se tirer dans les pattesOn revêtira des masques à oxygèneEn pleurant comme des baleines.Les ours blancs qui trébuchentSur la banquise immaculée Ne sont pas en pelucheAu fin fond de l’AlaskaJuste à côté de chez nousIls crèveront comme des ratsLa gueule dans la boue.Avant la dernière rondeJe voudrais bordelQu’on me passe le sel Pour plus que la neige fonde.En attendant on va bien se marrerOn va bien en profiter.En priant pour que CopenhagueNe soit pas juste une blague.
Arnaud Duterque
Le Dernier Balphoto
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N’en déplaise à Céline, il faudrait avoir un masque sur les yeux pour ne pas voir combien New York offre d’énergie contagieuse. Environnement propice aux dernières parturitions artistiques de CharlElie Couture. Le char principal de cette cité, le Musée Guggenheim aborde
Kandinsky en nous élevant à la spiritualité, évocation réussie des vertiges magistraux du lieu.De New York à Paris, James Ensor en sera le lien, les masques de ce dernier nous feront revenir vers notre belle région, rayonnant d’un carnaval niçois tout en couleur, alors que nous venions tout juste de déposer nos déguisements de « jet setter » bien utiles pour un Midem Cannois vibrant planétairement.À l’heure d’une vente ravageant littéralement toutes les côtes et valeurs d’achat, pendant que la terre gronde sur un lointain ailleurs, il est à espérer que l’essentiel résistera ; l’Âme à nue, restera de toute évidence le vrai capital de l’humanité. Giacometti n’exprimait-il pas formidablement les souffrances humaines ?
Voilà « l’homme qui marche » inexorablement vers son destin, pourvu qu’il garde sa valeur. Il est donc confirmé que l’Art est valorisable, en créativité, en énergie, en réussite, et en bénéfice pour nos cités grâce à un tourisme culturel très profitable. De nouveaux lieux d’Arts et de Culture naissent ici et là, prouvant la richesse et la diversité des acteurs de grands talents présents dans notre région. Nos artistes locaux, souvent exilés restent nos meilleurs ambassadeurs.Cependant nous n’avons pas de plan à terme, ou de définition précise du « qui est responsable de quoi » dans nos instances culturelles gouvernantes.Alors, à l’aube d’une « Fête de la culture » pointant son dévolu sur notre région en 2013, Il est crucial que l’on mette un coup d’arrêt aux « Arlequins » de la culture qui, sans stratégie culturelle commune pourraient nous faire croire à l’Arlésienne d’une réussite artistique trop longtemps attendue. Ne nous voilons pas davantage la face, il nous faudra trouver un vrai Roi (ou Reine) qui ne brûlera pas avant 2013 dans cette mascarade. F-XC
BAS LES MASQUES.
En Ville
© Folon
© J-Ch Dusanter
© H. Lagarde
6 HORS LES MuRS New York, Musée Guggenheim et Interview de Charlelie Couture Paris, Musée d'Orsay, James Ensor
12 CAGNES SuR MER La Maison des Artistes
14 GRASSE La Politique culturelle de la ville
16 CANNET ST PAuL DE VENCE CLANS Les Chapelles d’Artistes
20 VALLAuRIS Musée de la Céramique Magnelli
22 NICE Le Centre Universitaire Méditerranéen
24 GOLFE JuAN Musée Clément Massier
© J-Ch Dusanter
La Vie des Arts
26 Villa Arson
INTERVIEW D’ ERIC MANGION
30 Ernest Pignon-Ernest
ARTISTE PLASTICIEN
34 Simone Dibo-Cohen Robert Roux
ESPACE D’EXPOSITION
36 Saga Métier Bernard Massini
COLLECTIONNEuR
38 Florent MATTEI
DÉTOuRNEMENTS PHOTOGRAPHIQuES
41 Monaco Modern Art
GALERIE
Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)
© M. Lapouffe
© J-Ch Dusanter
© H. Lagarde
6 H O R S L E S M u R S n e w y O R k
28 décembre 2009 – New York
Tu es connu en France avant tout
comme auteur, chanteur, compositeur
et musicien. On soupçonne moins que
tu es artiste plasticien. Pourtant ta
formation initiale a été celle de l’ecole
nationale Supérieure des Beaux-arts.
Comment raconterais-tu ton par-
cours de vie ?
Quand j’étais en troisième année des Beaux-
arts à Nancy, un de mes profs est venu inco-
gnito me voir jouer sur scène. Le lendemain,
il m’a dit : « Ton spectacle était super abou-
ti, aux Beaux-arts t’en fais plus que quatre
à toi tout seul… Mais comment fais-tu pour
mener tout cela de pair ? un jour, il faudra
que tu choisisses ! ». Les années ont passé.
Ce jour n’est jamais arrivé et j’ai continué à
mener en parallèle toutes mes activités avec
autant d’engagement.
Il serait trop long d’énumérer ton
palmarès impressionnant et les acti-
vités que tu mènes depuis le début.
Toutefois, qu’est-ce qui t’a marqué le
plus à travers les expériences que tu as
vécues dans l’Art ?
un ami (le peintre Richard Texier) m’a dit
un jour qu’on n’applaudit jamais un pein-
CharlElie, artiste contem-porain complet que l’on ne présente plus, a quitté en 2004 le continent euro-péen pour s’installer à Manhattan. un exil nécessaire pour un artiste atypique dont la seule religion est l’art. Rencontre à son atelier new-yorkais.
Interview réalisée par Rodolphe Cosimi
NEW YORKNEW YORKCharlElie CoutureUn artiste sans frontières
Time Square Workers. CharlElie Couture
© CharlElie Couture
7n e w y O R k H O R S L E S M u R S
tre. C’est vrai, les plasticiens vivent dans
une sorte d’ascèse, dans laquelle il y a le
feu intérieur qui ressemble à l’enfer des
scrupules ou des forces de l’ego et la froi-
deur du monde qui l’entoure, un monde
d’analyses et de spéculations.
Aujourd’hui, tu résides à l’étranger
et tu navigues entre plusieurs média
artistiques. est-ce une façon d’explorer
davantage tes possibilités d’artiste,
d’humain ?
Tout à fait. L’homme vaut plus que sa seule
fonction sociale exclusive. Moi je continue
tout ce que j’ai commencé, il y a plus de
trente ans, avec entêtement et ténacité, ce
que Mario Salis a appelé le «multisme» qui
caractérise la recherche d’artistes plurimé-
dia. Cela dit, on peut dire aussi que je suis
devenu un spécialiste du multisme.
Ton départ de la France il y a six ans
pour new york n’est pas anodin. Pour-
quoi cet éloignement ?
C’était nécessaire. J’avais l’âme en vrac.
Un besoin vital de te retrouver toi-
même ?
Oui, j’avais besoin de me reconstruire sans
que les autres me disent comment me
comporter. New York est la ville idéale pour
cela. « New York, New born, né nu ».
ne serait-ce pas non plus une façon de
séparer la musique et la peinture ?
Peut-être aussi. À New York, je n’ai pas de
compte à rendre à mon passé. Ici, je ne suis
pas connu, les collectionneurs prennent
mon travail pour ce qu’il est, sans chercher
de références dans d’autres domaines.
Poésie, musique, art graphique. Cha-
cune de ces passions a-t-elle, selon toi,
des choses à raconter d’elle-même ou
au contraire chacune peut et doit entrer
en résonance avec une autre ?
Le geste de créer est toujours le même.
Créer signifie : faire naître du néant. Donc,
les créateurs prennent du plaisir à faire ap-
paraître l’invisible. Pour ce faire, ils agis-
sent avant de penser. Qu’on soit écrivain,
plasticien ou musicien, la démarche de
création est la même. Elle n’a rien à voir
avec le savoir-faire qui n’a pour effet que
d’élargir le champ de prospection.
Maintenant, au 19ème étage de ton
atelier new-yorkais, sur l’autre rive de
l’Atlantique, vois-tu l’art différemment ?
Je ne me pose plus la question de savoir si je
dois faire ci ou faire ça. Je ne subis plus les
contrecoups de jugements à l’emporte-piè-
ce et ce fameux « regard d‘autrui »… Take
it for what it is.
L’approche de l’art est-elle la même
qu’en europe ?
Ici, on dit qu’acheter une œuvre d’art, c’est
acheter un « beau » billet de loterie qu’on
accroche au mur. Cette relation n’existe
pas du tout en France où le commerce de
l’art et tous ses excès sont régulièrement
dénoncés. Je roule en vélo, mais je vis de
ce que je fais ici. En France, je ne pourrais
pas en vivre.
Dans tes œuvres, les sculptures sont
un point de départ d’une démarche liée
étroitement à ta vie personnelle.
Oui, on peut dire cela de tous les artistes.
N’en déplaise aux spiritualistes, on est ce
que l’on fait.
Que représentent ces assemblages de
bois si originaux disposés à la verticale ?
Chacune de ces sculptures a une histoire.
Assemblées, elles forment une ville. La ville
de ma REconstruction.
Quelle en est la source d’inspiration ?
L’origine doit remonter à mon enfance ? Ou
bien est-ce la ville elle-même qui s’immisce
entre mes mains ? Ou bien est-ce que cela
part de la mort de mon père ? Ou bien est-
ce une envie d’érection en bois ? Ou bien
est-ce l’idée que ces bois sombres ont en-
core le droit de vivre ? Ou bien, c’est tout
cela à la fois.
nombre de tes compositions en pein-
ture ont repris ensuite les motifs de tes
sculptures.
C’est ce que j’appelle le « deuxième degré
d’interprétation ».
L’expression par la peinture est-elle
aussi importante que celle par la sculp-
ture ? Que t’apporte-t-elle en plus ?
Ni plus ni moins. C’est une RE-lecture. La
peinture, c’est l’Ecrit. On peut la transpor-
ter plus facilement (rires)…
et puis, il y a les «Photo-grafs». Ces tira-
ges grands formats sur bâche, c’est iné-
dit dans le monde de la photographie.
Oui. C’est sur cela que je travaille
aujourd’hui. C’est à nouveau le RE, le
deuxième degré d’interprétation. Mais cet-
te fois sur le monde réel. Celui de l’image
« vraie ».
Tu es à l’origine de ce langage et de ce
développement artistique de l’image,
n’est-ce-pas ?
Je n’avais jamais vu dans aucune foire d’art
contemporain ou expo des travaux sembla-
bles avant de choisir de travailler comme je
le fais sur ce support de bâche en vinyle.
Que sont ces signes peints, sortes de
hiéroglyphes contemporains, que tu Funny Ghosts. CharlElie Couture
© CharlElie Couture
H O R S L E S M u R S n e w y O R k8
viens apposer sur ces photographies ?
Oui, on peut résumer la technique à cela.
Une façon de revisiter le monde ? De le
changer peut-être ?
Revisiter… tout à fait. Le changer…non, je
me vois plutôt comme un révélateur.
Ces photographies donnent à voir des
prises de vues de rues ou d’architectu-
res de new york.
Je crois que les êtres sont à l’image du dé-
cor qu’ils se fabriquent.
Cette ville semble avoir réellement une
emprise sur ton travail et exerce une
fascination certaine (ton tout dernier
ouvrage « new york by Charlelie »
l’atteste). L’influence-t-elle vraiment ?
Parler de révélation, signifie que la chose
est déjà en nous.
Il y a une signature, une véritable
« patte » Charlelie dans toutes les
compositions peintes, sculptées ou
photo«grafées» que l’on trouve tant
dans ton atelier que dans tes exposi-
tions.
Disons que je crée selon certains rituels,
avec certains outils et des gestes codés.
Qu’est-ce qui nourrit au quotidien ta
création dans cette ville en ébullition et
Créations ci-dessous, de gauche à droite :
Installation
Target
© CharlElie Couture
9n e w y O R k H O R S L E S M u R S
comment vient-elle se traduire dans tes
œuvres ?
On ne sait jamais par principe ce qui va
t’inspirer, puisque l’effet provient de la
surprise. Tout d’un coup une certaine
conjonction de circonstances fait qu’on se
trouve en face d’une évidence. Et on veut
la mettre en forme. Voilà. Comme il se
passe plein de choses ici, à NY, alors les
conjonctions sont nombreuses.
Dans ta « galaxie », celle que tu évo-
ques souvent, tu dis te sentir libre.
L’art, sous ses formes les plus diver-
ses, te permet-il de t’exprimer encore
plus librement, de te découvrir encore
davantage ?
L’art me permet d’expurger mes démons,
de libérer le génie de la lampe magique,
de faire danser les fées qui tournent en
moi, de laisser siffler la cocotte-minute, de
provoquer le diable, d’écouter le vent ou
de caresser la toile. L’art, c’est tout ça pour
moi. A la fois sensuel et existentiel.
Tu as un grand nombre d’expositions à
ton actif, penses-tu exposer à nouveau
en France très bientôt ?
Sûrement.
Peux-tu nous dévoiler quelques-uns de
tes projets ?
Je participerai à plusieurs expos de grou-
pes (dont une à Angers sur le street art,
une autre à Barbizon), je participerai à la
Biennale de la photo de Lyon en septembre,
une expo en Suisse, un autre à Kiev, il est
question d’une expo à Nancy, une autre à
Cagnes-sur-Mer l’année prochaine, etc.
Musée Guggenheim - new yorkSitué à l’est de Central Park et au nord du Metropolitan Museum of Art, à l’angle de la cinquième Avenue et de la 89ème Rue, le musée Solomon R. Guggenheim de New York ne cesse de fasciner. Et pour cause : ce musée, lieu incontournable de l’art moderne, compte une collection de près de 6 000 œuvres parmi lesquelles des œuvres majeures de grands maîtres comme Mondrian, Calder, Delaunay, Miró, Picasso, Kandinsky et bien d'autres artistes du XXème siècle…
De passage à New-York, l’amateur d’art ne peut en aucun cas omettre de faire une escale dans ce musée mondialement connu, souvent sur-nommé « tire-bouchon » de par son architecture en spirale surprenante et atypique.Au milieu des gratte-ciel gigantesques de la ville, cet édifice, dessiné par Frank Lloyd Wright, attire l’attention en premier lieu par sa forme hélicoïdale et son aspect futuriste qui contraste avec l’environnement tout proche de Central Park et des buildings qui le bordent.
Il faut dire que le célèbre architecte américain a réalisé ici un complexe qui est certainement le plus original de l’histoire architecturale des mu-sées. Au-delà de cette construction qui rappelle étrangement une tour de Babel renversée, c’est avant tout un symbole de l’union des peuples qui s’inscrit à travers l’art et la culture.Ce musée, lui-même œuvre d’art, renferme en son sein une merveilleuse collection d’art abstrait, qui fut en 1937 offerte par Solomon Guggen-heim et plusieurs familles new-yorkaises.
C’est en gravissant, depuis la plateforme centrale du rez-de-chaussée, la rampe inclinée et spiralée évoluant autour d’un puits de lumière, que le visiteur accède aux œuvres et aux expositions temporaires proposées par le musée tout au long de l’année. Bien que les œuvres accrochées aux murs de formes concaves ne représentent que 3 % des 6 000 œu-vres que compte la collection, il s’agit toutefois, à chaque visite, d’un moment de découverte qui n’a pas d’égal.
Lieu d’exposition important de l’art avant-gardiste, le musée assure lui-même le spectacle et si, par définition, un musée est un cadre d’inter-prétation, le Guggenheim remplit ce rôle à merveille en dévoilant, dans ses espaces fluides et ses volumes généreux, des œuvres d’Edouard Manet, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh, Fernand Léger, Franck Stella, Amedeo Modigliani, Georges Seurat, Yves Klein, Georges Braque, Marc Chagall. une liste loin d’être exhaustive, bien sûr…
La dernière exposition de l’année révolue a rendu hommage à Wassily Kandinsky, artiste moderniste dont l’œuvre résonne étonnamment par ses tourbillons de couleurs et ses sonorités intérieures. Des œuvres qui semblent montrer la voie vers un royaume du spirituel au même titre que le musée engendre un rapport de dialectique entre la forme et la fonction.
L’inspiration est présente partout dans cet écrin qu’est le Guggenheim et appelle au vertige…
Solomon R. Guggenheim Museum 1071 Fifth Avenue (at 89th Street) New York, NY 10128-0173
Watertank. CharlElie Couture
© Rodolphe Cosimi
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Un habitologue dans sa bulle
Martine et les fumistes !
Alain Derey
Rock au Conservatoire !
Candidature Nice J.O. 2018,
Le grand tremplin culturel ?
James Ensor
(1861-1949)
De haut en bas, gauche à droite
La mort et les masques, 1897Huile sur toile, 78,5 x 100 cmLiège, musée d'Art moderne et contemporain © ADAGP, Paris 2009
Squelettes se disputant un hareng saur, 1891huile sur bois, 16 x 21,5 cmBruxelles, Musées royaux des Beaux Arts de Belgique © MRBAB, Bruxelles© ADAGP, Paris 2009
L'entrée du Christ à Bruxelles, 1898Eau-forte rehaussée à l'aquarelle sur papier vergé d'Arches, 24,8 x 35,5 cmCollection de thomas et Lore Firman Ostende, Kunstmuseum aan Zee© ADAGP, Paris 2009. Photo Daniël Kievith
Squelette peintre, 1895 ou 1896Huile sur bois, 37,7 x 46 cmMusée Royal des Beaux Arts, Anvers, Belgique© ADAGP, Paris 2009
ensor aux masques,1899Huile sur toile, 120 x 80cmKomaki, Japon, Menard Art Museum© Menard Art Museum, Aichi, Japon© ADAGP, Paris 2009
Il est difficile de situer Ensor dans son temps ou dans sa Belgique natale tant ce peintre a fait preuve d’originalité et d’iconoclastie.
les. Cinq années plus tard, en 1883, il rejoint les Ving-
tistes, un groupe de peintres belges d’avant garde
(Van Gogh exposera plusieurs fois avec eux).
Mais en 1889, une toile « L'Entrée du Christ à Bruxel-
les » est refusée au Salon organisé par ses amis des
Vingtistes et il est question de l'exclure du Cercle dont
il est pourtant l'un des membres fondateurs.
Même pour ce cercle d’avant-garde, cette œuvre était
jugée trop excessive. Blessé, déçu par les critiques de
ses amis, il retourne chez lui à Ostende dans la de-
meure familiale et se réfugie dans ses masques et ses
squelettes.
Ses toiles aux tons rouges exagérés, ses bleus s’exas-
pèrent. Il recherche les effets violents, surtout dans
les masques où les tons vifs dominent. « Ces masques
me plaisaient aussi parce qu'ils froissaient le public »
(1898). Comme Van Gogh et Edvard Munch, il est un
des pères d’un expressionnisme violent, radical.
Ces masques de carnaval« squelettisés », acides et vi-
rulents, grimaçants expriment le grotesque du monde,
les jeux hypocrites de la société bourgeoise, et il trou-
ve chez Jérôme Bosch ou Brueghel une source d’inspi-
ration inépuisable.
Ses autoportraits qui constituent une part importante
de son œuvre (pas moins de 112) le représentent dans
toutes les étapes de sa vie : du jeune homme fringuant
au vieillard grotesque, il se met en scène dans ses ta-
bleaux, devient un des personnages de cette société
qu’il dépeint avec violence.
Les objets de la boutique familiale : nacres translu-
cides, coquillages, bibelots, vases de Chine, qu’il a
conservés sont présents dans tous ses tableaux. un
univers clos à la mesure d’un homme qui a peu voyagé,
s’est très peu déplacé. Longtemps ignoré, il ne sera
reconnu qu’en 1917 et recevra tous les honneurs :
expositions internationales, visite royale, anoblisse-
ment, Légion d'honneur, jusqu’à sa mort en 1949.
Face à cette reconnaissance trop tard venue à son
goût, il abandonne la peinture et consacre les dernières
années de sa vie exclusivement à la musique.
« Je suis né à Ostende, le 13 avril 1860, un vendre-
di, jour de Vénus. Eh bien ! chers amis, Vénus, dès
l'aube de ma naissance, vint à moi souriante et nous
nous regardâmes longuement dans les yeux. Ah! les
beaux yeux pers et verts, les longs cheveux couleur
de sable. Vénus était blonde et belle, toute barbouillée
d'écume, elle fleurait bon la mer salée. Bien vite je la
peignis, car elle mordait mes pinceaux, bouffait mes
couleurs, convoitait mes coquilles peintes, elle courait
sur mes nacres, s'oubliait dans mes conques, salivait
sur mes brosses ».
James ensor - Musée d’OrsayExposition organisée par le Museum of Modern Art, New York, en collaboration avec le musée d'Orsay et la Réunion des Musées Nationaux, Paris.
Fils d’un ingénieur anglais alcoolique et d’une
mère qui tient une boutique de souvenirs, il
s’inscrit à 17 ans à l’Accadémie royale de Bruxel-
P A R I S H O R S L E S M u R S 11
M u s É e d ' O r s ay
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Touchée par la grâce la ville où séjourna Renoir ? Pas vrai-
ment, on ne récolte que ce que l’on a semé. Et Cagnes-sur-
Mer, comme le rappelle Virginie Journiac, responsable des
musées, fut très tôt un Eldorado pour les créateurs. « La Société
des Artistes de Cagnes-sur-Mer a été créée en 1949 par la munici-
palité suite à l’inauguration d’un espace d‘art au Château Grimaldi
qui devint sous l’impulsion de Matisse et Bonnard, à l’origine de
l’uMAN, le premier Musée d’Art Moderne de la Côte. Quand celui-
ci est passé sous la coupe des Musées de France, l’Association des
artistes cagnois, longtemps présidée par Gaudet Père et fils, a été
relogée dans une dépendance du château qui n’était autre que le
domicile de son Conservateur Léonard André-Bonnet ». Et, depuis,
la gentilhommière en a vu défiler des artistes ! Notamment de
Michel Gaudet, artiste et collectionneur auquel le Château vient
de rendre hommage et qui témoigne : « Nous nous sommes tous
mis au travail pour faire vivre la Maison des Artistes. Ma tante
était présidente après Claire Charles-Géniaux. J’ai longtemps été
secrétaire général et j’organisais les expositions ».
Un lieu et une association qui font peau neuve
C’est un nouveau virage que semble prendre aujourd’hui cette de-
meure historique avec « pignon » sur la place du Château. L’expo-
sition qui vient de s’y dérouler autour de quatre artistes de moins
de trente ans sous le commissariat de Anne Séchet, élue cet été à
la présidence de l’association, aurait-elle donné un coup de jeune
à la Maison des Artistes ? « La mairie qui nous prête les murs est
Coup de jeune à la Maison des Artistes !Le Haut de Cagnes n’en finit pas de surprendre ! Après l’Espace Solidor dans notre précédent numéro, c’est au tour de La Maison des Artistes de faire parler d’elle avec une programmation 2010 peaufinée par sa nouvelle responsable : Anne Séchet.
Photos © J-Ch. Dusanter
Photos © J-Ch. Dusanter
De haut en bas et de gauche à droite :
Anne Séchet, nouvelle locataire de la Maison des artistes La Forêt de papiers roulés de Mathilde Fages Anne dans les bras du King Kong de Jonathan Cejudo une des installations mixtes (peintures, lustre et céramiques) signée Eun Yeoung Lee
13C A G n e S - S U R - M e R E N V I L L E
ravie d’accueillir quelqu’un qui aille vers quelque chose de plus contempo-
rain. Elle nous a d’ailleurs aidés à rafraîchir l’espace ». Trois étages en pas
de vis comme l’antre d’un meunier : pas facile à mettre en scène ! un casse-
tête qui a pourtant inspiré Anne, artiste plasticienne professant à la Villa
Arson : « J’ai essayé de faire un accrochage différent, en synergie avec ce
lieu atypique. Nous avons dû bricoler avec peu de moyens mais les artistes
ont joué le jeu en tirant partie de cette singularité. Pour cette exposition, j’ai
voulu montrer du dessin qui se déploie, envahit l’espace et les volumes, et
peut se changer en installation comme la forêt de papier roulée de Mathilde
Fages ou les walls painting de l’artiste mexicain Baroyl Jimenez qui exposera
en mars dans une salle du Château ». Deux artistes auxquels se sont joints
Jonathan Cejudo (installé à Berlin) et Eun Yeoung Lee. un quatuor métissé
tant sur les inspirations et les disciplines abordées (peintures, gravures, sé-
rigraphies, céramiques, installations) que sur leur parcours. Les deux filles,
Mathilde Fages et Eun Yeoung Lee, sont encore élèves de la Villa Arson
tandis que les deux garçons sont des artistes confirmés venus d’horizons
différents. Cette mixité, Anne compte bien la reproduire lors de ses futures
invitations. « Aujourd’hui, l’association s’appelle MDA Cagnes (Maisons des
Artistes de Cagnes) pour plus de lisibilité. Elle regroupe les adhérents, une
cinquantaine d’artistes du cru. Deux types d’événements y sont proposés.
Deux salons-expositions annuels qui réunissent les travaux de ses membres
autour d’un thème, et des expositions mensuelles, que je souhaite étendre
à deux mois, où j’ai carte blanche pour présenter des plasticiens extramu-
ros. » Ainsi en témoigne avec brio « Draw me your dreams and your night-
mares » qui vient d’investir les lieux du 9 janvier au 8 février.
Le retour de l’enfant prodigue
Passionnée, Anne Séchet, toujours à l’écoute des créateurs émergents,
veillera à préserver son nouveau lieu du ronron en provoquant la surprise,
convoquant concerts ou performances pour ses vernissages, brisant les fron-
tières en mixant artistes majeurs et autodidactes. « En juin, j’organise une
confrontation entre les membres adhérents et des artistes venus d’ailleurs.
Puis, tout de suite après, nous accueillerons la Biennale de l’uMAN ». un
événement qui n’est pas pour déplaire à cette jeune femme qui n’est pas
ici en terre inconnue. Anne participa même à ce nouvel essor que connaît
la ville. « J’avais monté à la demande de la municipalité il y a trois ans un
parcours d’art contemporain dans le Haut de Cagnes qui m’avait permis
d’investir cette maison, la vitrine de l’espace Solidor, une salle du Château,
et son parvis avec une œuvre de Noël Dola ». une intervention qui préfaça
également le retour de l’artiste sur les lieux de son enfance. « Je suis née à la
Rochelle mais à l’âge de trois ans, je suis venue avec mes parents à Cagnes-
sur-Mer. Très tôt j’ai été imprégnée d’art grâce à l’école du Vieux Bourg qui
proposait aux élèves des ateliers ». Cette ville joua un rôle prépondérant
dans son parcours qui passe ensuite par la Villa Arson. Parallèlement, Anne
suit des cours de théâtre, mais finalement opte pour l’art contemporain et
se frotte à la peinture après avoir exploré les installations. Elle exposera
dans la vitrine du MAMAC et à la Chapelle des Pénitents Blancs de Vence, se
mettant en scène dans ses travaux qui fusionnent photo, sérigraphie et édi-
tion. « En fait, j’ai une vision très baroque. Pour moi, une chose n’existe pas
sans son opposé. Mes œuvres sont construites sur ce contraste ». un thème
que l’on retrouve dans sa première exposition libre à Cagnes qui n’est autre
qu’une ode à la frontière poreuse qui sépare le rêve des cauchemars.
Mais entre les rénovations que nécessite la bâtisse centenaire, les deux sa-
lons annuels, une exposition du centre culturel, l’accueil de l’uMAN, il ne
restera à Anne Séchet en 2010 que peu de temps pour se consacrer à ses
cartes blanches. Qu’importe, la Maison des Artistes est désormais entre les
mains d’une nouvelle locataire qui fourmille d’idées et d’ambitions. une
nouvelle filière cagnoise à suivre de près… OM
Photos © MDA Cagnes sur Mer
Photos © MDA Cagnes sur Mer
Ci-dessus :
Gravure de Jonathan Cejudo
Ci-contre et ci-dessous :
Jonathan Cejudo, concert live lors du vernissage de "Draw me your dreams and your nightmares"
14 E N V I L L E g r a s s e
Jean-Pierre Leleux :La culture ne se résume pas à un Festival !
Comment se porte la culture à grasse ?
Je voudrais d’abord rappeler que Grasse,
quatrième ville du département approche
les 50 000 habitants et que malgré son
riche patrimoine économique et humain,
elle n’en demeure pas moins une ville
moyenne. Autant dire que notre politique
culturelle est dans le concert des villes de
cette taille assez exceptionnelle. C’est une
volonté car nous pensons intimement que
la culture fait partie de notre vocation sur
un plan géographique et historique.
Quels sont les choix que vous avez
privilégiés ?
Je me retrouve parfaitement dans les ter-
mes de notre nouveau Ministre de la Cultu-
re lorsqu’il évoque la culture comme « une
lutte contre l’intimidation sociale ». Ayant
constaté que certaines offres sont parfois
perçues par nos habitants « comme pas
pour eux », j’ai choisi de combattre cette
réticence qui pousse certains à s’exclure
socialement de cette manne. D’accord
pour la culture pour tous, mais plus encore
pour une culture accessible à chacun se-
lon ses moyens, son histoire, son niveau
social. Chacun doit pouvoir s’en nourrir à
l’aune de sa soif. Voilà, le fil conducteur
qui fait que toutes les actions entreprises
avec mon adjointe, Dominique Bourret,
font en sorte que des portes restent ouver-
tes afin de permettre aux grassois de faire
leur propre « marché » dans ce domaine.
grasse ne brille pas par un événement
phare, est-ce une corollaire ?
En effet, pour des raisons d’arbitrage bud-
gétaire notre politique est plus inscrite dans
la continuité que dans des coups. Il n’en de-
meure pas moins qu’il se passe chaque jour
quelque chose à Grasse. Elle se distingue
des autres par son objectif qui n’est pas tant
de faire rayonner la ville que d’y instaurer
une culture qui lui permette de s’épanouir
durablement, par son tissu humain. Car la
culture n’est pas un festival, elle fait partie
du quotidien. Cela explique notre politique
en milieu scolaire et la diversité de nos of-
fres au cœur du pays grassois.
…dont une programmation théâtrale
incontournable !
En 15 ans nous avons changé un espace de
congrès en un théâtre respecté en terme de
création et diffusion de spectacles vivants
dans et hors les murs. En partenariat avec
l’Etat, le Conseil Général, le Conseil Régio-
nal, la Communauté d’Agglomération et
la Ville, actionnaire principal, cette scène
conventionnée pour la danse et le cirque est
aujourd’hui un atout pour le département
fort de 120 représentations au taux de rem-
plissage de 93%, 32 000 spectateurs/an et
3200 abonnés. Je suis très fier d’avoir fait
prendre aux azuréens le chemin de ce haut
lieu de partage où chacun sait qu’il en repar-
tira plus riche qu’il y est entré.
Victime de son succès, le théâtre refuse
du monde…
Nous devons penser à un nouvel écrin avec
une capacité d’accueil optimale pour les
spectateurs et les troupes en résidence
comme la Compagnie Castafiore qui de-
puis 1997 y a réalisé 14 créations. Le lieu
© J-C
h D
usa
nte
r
En quelques décennies la cité des fleurs où le Jean-Baptiste Grenouille de Süskind fit ses gammes s’est mise au parfum de la culture du second millénaire. Un état des lieux mis en perspective avec son Sénateur Maire Jean-Pierre Leleux, un sujet sensible pour celui qui siège au Sénat à la Commission de la Culture, de la Communication et de la Jeunesse, dirige la Com-mission Cinéma de la Côte d’Azur et adoreprendre sa guitare pour chanter Brel ou Brassens.
15
est défini, le programme établi, le financement
à hauteur de 25 ME en partie bouclé. Mais cela
suppose aussi une stratégie commune de coo-
pération avec Nice, Cannes ou Antibes. L’école
du cirque, la seule labélisée par l’État en PACA
implantée sur la commune de la Roquette est
également un des axes fort du spectacle vivant.
Avec l’Espace Altitude 500 nous avons voulu
sensibiliser la jeunesse autour d’une program-
mation de concerts, de salles de répétitions et
studios d’enregistrement.
Le Musée International de la Parfumerie
a fêté en octobre son premier anniver-
saire, qu’en est-il de ce côté là ?
Avant d’aborder ce sujet, rappelons que Gras-
se possède un fleuron patrimonial, le Musée
d’Art et d’Histoire de Provence, qui joue son
rôle avec la Villa Fragonard et le Musée Inter-
national de la Parfumerie. Ce dernier entiè-
rement rénové n’est qu’une partie de notre
programme « culturo-éco-touristique » avec
la Bastide du parfumeur à Mouans-Sartoux et
le futur Musée Industriel à la ZAC Roure, un
trépied baptisé « le Grand MIP ». Le Musée
a drainé en un an plus de 100 000 visites
autour d’expositions et colloques. Le dernier
consacré aux nouvelles tendances du secteur
a vu douze designers invités à concevoir des
flacons en deux exemplaires, l’un exposé
dans nos murs, l’autre vendu en novembre
à Drouot au profit de l’Association pour le
rayonnement du MIP.
L’art plastique n’est-il pas un peu en
retrait dans cet effort ?
C’est un sujet plus difficile et c’est vrai que
si nous ne sommes pas à la pointe en art
contemporain, notre symposium de sculp-
tures offre aux grassois sur l’Esplanade du
cours un combat entre l’artiste et la matière
et notamment le marbre de Carrare, ville ju-
melle et partenaire. Un événement unique
dont la prochaine édition verra se réunir un
jury d’exception autour de personnalités
comme Adrien Maeght ou Sacha Sosno.
La transmission culturelle semble, elle,
jouer à fond son rôle
Côté musique nous disposons d’un conser-
vatoire d’excellence qui draine plus de 500
élèves dans toutes les disciplines. Quant au
monde du livre, aujourd’hui au seuil d’une
ère aussi cruciale que celle de Gutenberg, il
rayonne dans nos murs grâce à nos bibliothè-
ques et médiathèques, mais aussi à la maison
de la poésie réunissant plusieurs dizaines de
milliers d’opuscules depuis 1920. Ces outils
de transmission pour le public et les écoles
devraient prochainement s’enrichir d’une bi-
bliothèque patrimoniale ainsi que d’une gran-
de médiathèque au cœur de ville. Mais que
sera le livre demain ? Nous y réfléchissons au
Sénat car ce nouveau partage patrimonial gé-
nère avec le numérique des enjeux clés pour
l’avenir du citoyen face à la culture.
Pour conclure je dirais que nous travaillons
à flux tendu dans le domaine culturel. C’est
une politique différente où la médiation sco-
laire comme auprès des publics demeure très
importante. Peut-être que cette stratégie par
nature moins spectaculaire nuit à notre com-
munication, mais elle nous permet d’œuvrer
en profondeur, ce qui, à mon avis donne tout
son sens au mot « culture » !
g r a s s e E N V I L L E
OM
Ci-dessous de gauche à droite :
Le Musée International de la Parfumerie coté jardin, Flacon figuratif de la prestigieuse collection du Musée, Bidons et percussions au symposium de sculptures.
Photos © Ville de Grasse
Ci-dessus : Grasse au fil des siècles
Photos © Ville de Grasse
16
Quand les artistes décorent les chapelles ( part i )
Si l’art moderne et la religion n’ont pas toujours fait bon ménage, il existe quel-ques témoins d’une volonté mutuelle de s’entendre. Ces trésors, la Côte d’Azur peut se targuer d’en accueillir parmi les plus riches. C’est notamment le cas au Cannet, à Saint-Paul de Vence et à Clans, premières étapes d’une visite qui mérite d’être poursuivie.
T h é o T o b i a s s e a u C a n n e t
La Chapelle Saint-Sauveur marque
l'entrée du quartier des Ardissons,
au Cannet. La date de construction
de cet ancien clocher reste incon-
nue : au milieu du XVIIème siècle,
cette chapelle ne figure pas sur les
visites Pastorales. Depuis 1989,
sauvée d'une ruine probable, elle a
été restaurée. Il restait à lui trouver
une destination digne de son passé
historique et compatible avec sa
vocation spirituelle. Rendre vie à
cet édifice et lui écrire une histoire
a été la préoccupation principale
de Théo Tobiasse qui a ouvert ce
lieu à l'œcuménisme et a choisi
pour thème : « La vie est une fête »
pour illustrer ce renouveau tout en
respectant le passé. Dans l’authen-
ticité de son geste créateur, Théo
Tobiasse raconte avec vivacité et
poésie une histoire universelle,
pensée pour redonner à ce lieu une
atmosphère propice au recueille-
ment. L’artiste traduit ici la vie, la
fête en fusion, la nostalgie pro-
fonde, la spiritualité de l’âme. La
couleur entremêlée structure cette composition monumentale. Elle
se réfère aux tons chauds de la terre et au bleu infini du ciel. Le trait
triomphal et anxieux établit et sculpte des lignes de force où le plein
et la brisure s’accouplent. La calligraphie évoque l’univers de l’artiste.
Elle est utilisée comme une image poétique, elle complète les formes
et suscite les pensées. L’édifice se trouve magnifié par une mosaïque
qui en souligne l’entrée. L’attention se concentre sur le chœur qui
rayonne à partir d’une colombe, symbole de la paix.
Photos ci-dessus, de gauche à droite et haut en bas :
L'édifice de la chapelle Saint-Sauveur est magnifié par une mosaïque qui en souligne l'entrée.
Théo Tobiasse a choisi pour thème « La vie est une fête » pour décorer la chapelle Saint-Sauveur, au Cannet.
La colombe en col porte le message de la paix et de la spiritualité en mouvement.
L'emploi des couleurs allant du rouge orangé au bleu en passant par le blanc, définit les dimensions matérielles et temporelles et la quête de la spiritualité.
photos © Mairie du Cannet.
E N V I L L E C h a P e L L e s d ’ a r t I s t e s
Un monde protégéL’œuvre se lit de droite à gauche : le panneau de droite exprime
la joie, le chœur est imprégné de spiritualité et le panneau de
gauche traduit la nostalgie. L’emploi des couleurs allant du rou-
ge orangé au bleu en passant par le blanc, définit les dimensions
matérielles et temporelles et la quête de la spiritualité. Le centre
du panneau de droite est marqué par deux mains monumentales
qui symbolisent la méditation. Autour d’elles s’organise un mon-
de protégé où la vie est racontée par la famille groupée, serrée
et unie : une coupe, image de la destinée humaine, s’élevant en
signe d’amitié et de partage ; la présence de femmes opulentes,
aux corps généreux, avec une allégorie de la nature. Elle prend
les traits d’une bergère qui veille sur une colombe blottie et sur
un univers pastoral.
Un village protégé et rassurant se trouve sur le chemin de la
famille. Un couple danse. La femme dans son étreinte s’élève,
leur communion exprime et appelle une sorte de fusion dans
un même mouvement esthétique, émotif, érotique, religieux ou
mystique. Comme un retour à l’Être Unique où l’harmonie du
ciel et de la terre est trouvée. Un élément de transport, des ins-
truments de musique, une végétation abondante, rappellent le
monde imaginaire et fantastique de Tobiasse.
Le chœur, foyer d’une intensité dynamique, est le lieu de l’éner-
gie la plus concentrée où les bleus sont saturés. Il rayonne de
l’intérieur vers l’extérieur. Il contient les références du bonheur
de vivre chères à Tobiasse : la colombe porteuse du rameau d’oli-
vier et de la lumière est entourée de deux anges. En vol, elle
porte le message de la paix et de la spiritualité en mouvement.
Elle est placée au point de la plus grande intensité, sur une ligne
de partage, au centre du chœur. Un homme à gauche et une
femme à droite volent l’un vers l’autre et sont tournés vers le
centre du chœur. Sous l’oiseau, les vagues représentent le dé-
luge qui purifie et régénère. Un instrument de musique évoque
des modulations, supposant une harmonie de l’âme et du corps.
Les rayons se projettent et vont éclairer deux pôles spirituels :
Jérusalem - à droite - et Saint-Paul de Vence - à gauche.
Vers la transcendanceLe centre du panneau de gauche, décalé, est un rayonnement de
lumière. Il répond à la méditation du panneau opposé. La nostal-
gie est ici partout présente. Après le déploiement, c’est le repli,
le départ et le retour sur soi. La colombe du chœur poursuit sa
route et on la retrouve, petit « oiseau de lumière » dans les rayons
projetés qui éclairent une famille en partance. Son parcours est
poussiéreux comme le sable du désert. La roue d’un véhicule
rappelle l’exil vécu par Tobiasse et se rapporte au monde en
devenir, à la création continue et donc au périssable. Les person-
nages se dirigent vers une femme accueillante aux bras levés.
Elle semble les guider vers une transcendance et les attire vers
le haut. Dans une fenêtre au dessus de sa main, on reconnaît
Bethsabée, épouse de David et mère de Salomon. On retrouve
ensuite des personnages d’une fête qui se termine. L’étreinte
d’un couple blotti qui finit sa danse. Une femme portant noncha-
lamment la lumière.
Théo Tobiasse ne pouvait pas trouver meilleur support que la
chapelle Saint-Sauveur pour donner libre cours à sa créativité et
travailler sur ses deux thèmes de prédilection : les femmes et la
Bible…
J e a n - M i c h e l F o l o n à S a i n t - Pa u l d e V e n c e
« Attacher mon nom à une chapelle de Saint-Paul sera une décla-
ration d’amour à tous ceux que j’ai aimés dans ce village. Parce
ce que c’est un lieu de vie. Or Picasso disait que l’art et la vie
ne font qu’un », disait Folon, décédé en 2005. La décoration de
la chapelle des Pénitents Blancs, datant du XVIIème siècle, est sa
dernière œuvre. En juin 2008, le projet s’est achevé au terme de
cinq années de collaboration entre l’artiste et maîtres artisans,
maîtres verrier, mosaïstes et peintres ayant donné corps à son
œuvre poétique. Avant tout aménagement artistique, la chapelle
nécessitait d’importants travaux de restauration : la réfection de
la toiture, des voûtes intérieures, du sol en galets blancs, l’instal-
lation de l’électricité et du chauffage. Les travaux de restauration
s’achèvent en juin 2006. Le projet de décoration imaginé par Fo-
lon repose sur le thème du don, choix totalement lié à la vocation
caritative de la confrérie des Pénitents Blancs qui, autrefois, occu-
pait la chapelle. Cette thématique est largement reprise dans la
symbolique employée par l’artiste : la main, particulièrement pré-
sente, et le cœur. Au décès de l’artiste, le projet de peintures ainsi Le projet de décoration imaginé par Folon repose sur le thème du don, largement repris dans la symbolique employée par l’artiste : la main est particulièrement présente. © Office de Tourisme de Saint-Paul. Photo : Fernandez.
C h a P e L L e s d ’ a r t I s t e s E N V I L L E 17
18 E N V I L L E C h a P e L L e s
que les dessins prévus pour les vitraux et la mosaïque ont d’ores
et déjà été réalisés. Le plan d’ensemble et l’idée de la présence
des sculptures au sein de l’édifice font partie intégrante du projet.
En 2007, les cartons de l’artiste sont confiés à des artisans et
maîtres artisans coutumiers du travail et de la sensibilité de Folon
afin de terminer le projet.
« Comprendre le sens profond d'un lieu, c'est un vérita-ble bonheur »Une mosaïque de 106 m² orne le mur situé au fond de la chapelle
ainsi qu’une partie de la voûte et des murs latéraux entourant le
chœur. Sa réalisation est confiée à un atelier milanais sous la di-
rection de Matteo Berté, maître mosaïste. La technique utilisée est
celle dite « de Ravenne », les tesselles d’émaux, ors et argents sont
coupées à la main (à la dimension de référence de 1cm X 1cm) et
le travail est exécuté au positif sur un panneau de chaux dont le
séchage très lent permet d’effectuer des variations et affinements en
cours d’œuvre. La surface de la mosaïque est réalisée en relief puis-
que les tesselles sont placées en profondeur. Les différentes incli-
naisons permettent de réfléchir la lumière et de rendre ainsi l’œuvre
vive et vibrante. En moyenne, 10 000 tesselles ont été utilisées par
mètre carré.
La mosaïque a été réalisée en atelier par une équipe constituée d’une
dizaine d’artisans, puis assemblée à Saint-Paul. Quatre vitraux desti-
nés aux quatre ouvertures existantes dans la chapelle sont confiés
à Jacques et Bruno Loire, maîtres verrier à Chartres. Huit peintures à
l’huile de 4m X 2m sont confiées à Michel Lefebvre (atelier Le Soleil
d’Or à Monaco), habitué des peintures « grand format » de Jean-Mi-
chel Folon. Elles occupent les murs est et ouest de la chapelle sur
une surface d’environ 40 m². La sculpture « Qui ? » en bronze patiné
fait office d’autel. La sculpture « La Source » en marbre rose du Por-
tugal est réalisée par Franco Cervetti de Pietrasanta (Italie), elle fait
office de bénitier au centre de la chapelle.
« Créer quelque chose de spirituel, essayer de comprendre le sens
profond d'un lieu, c'est un véritable bonheur », disait aussi l’artiste.
Ci-contre de gauche à droite :
L’autel situé devant la mosaïque, dans la chapelle décorée par Folon. © Office de Tourisme de Saint-PaulPhoto : Fernandez
Une mosaïque de 106 m² orne le mur situé au fond de la chapelle ainsi qu’une partie de la voûte et des murs latéraux entourant le chœur. Sa réalisation a été confiée à un atelier milanais sous la direction de Matteo Berté, maître mosaïste. © Office de Tourisme de Saint-Paul
Quatre vitraux destinés aux quatre ouvertures existantes dans la chapelle ont été confiés à Jacques et Bruno Loire, maîtres verrier à Chartres.
© Office de Tourisme de Saint-Paul
Pat r i c k M o y a à C l a n s
Dominant la vallée de la Tinée, le village de Clans
possède une collégiale du XIIème siècle et de nom-
breuses chapelles Renaissance. Une chapelle est
plus récente, du XVIIIème : la chapelle Saint Jean-
Baptiste, dont seul le plafond est classé. En 2003,
le maire du village James Dauphiné, décide de faire
peindre les murs par un artiste, et il choisit Patrick
Moya. Ce dernier va peindre des scènes complètes
qui se succèdent depuis l’autel jusqu’à la porte,
avec une progression symbolique du jour vers la
nuit, du ciel bleu clair vers le noir, du Bien vers le
Mal, de la vie vers la mort. Elles se répondent égale-
ment d’un mur à l’autre jusqu’à l’Enfer, qui encadre
la porte d’entrée, et représentent : l’enfance de Jean
et de Jésus, l’apparition de l’ange au père devenu
muet, Jean adolescent qui garde ses moutons, Jean
qui prêche dans le désert, Jean qui baptise le Christ,
Salomé dansant devant le roi Hérode, Jean derrière
les barreaux de sa prison, les bourreaux se prépa-
rant à lui couper la tête…
Entre Moya et les églises, c’est une longue histoire
d’amour. Lors de l’une de ses premières exposi-
tions à Nice sur le thème « Créature et créateur », en
1984, il transformait déjà la galerie en « cathédrale
du XIIIème siècle : au nord, l’ancien testament, à
l’est, le nouveau et à l’occident, le jugement der-
nier ».
Le créateur rendu créatureAlors quand il raconte la vie de Saint Jean-Baptiste, Moya le fait en
respectant à la lettre l’histoire rapportée dans la Bible. Il reprend
également en partie l’iconographie traditionnelle, en y ajoutant
une touche personnelle, propre à son époque. La fresque de Moya
est figurative et de facture classique. Un art catholique, en som-
me, la religion incitant à la représentation de la figure humaine,
puisque le dieu des chrétiens s’est lui-même incarné en homme.
Une figure humaine qui, en l’occurrence dans la chapelle de Clans,
est un autoportrait de Moya, métamorphosé en Jean, à toutes les
étapes de sa vie. Car Moya souhaite depuis toujours « mettre l’ar-
tiste dans l’œuvre ». Ici, transformer le créateur en créature, c’est-
à-dire en modèle, n’est pas une démarche immodeste : l’artiste
ne veut pas faire concurrence au Dieu créateur, puisqu’il reste au
niveau de la créature…
Photos, de gauche à droite et haut en bas :
Détail de la fresque représentant la danse de Salomé devant le roi Hérode, en échange de la tête coupée de Jean.
Moya est en train de peindre l’ange Gabriel annonçant à Zacharie la venue de son fils Jean.
Saint-Sébastien, patron des archers, selon Moya.
L’arche de Moya, chargée d’animaux sym-boliques, comprend aussi un dromadaire, animal du désert s’il en est.
L’autel, avec Saint Jean-Baptiste au centre, Saint-Luc à droite et Saint-Sébastien à gauche.
Toutes photos © Florence Canarelli
C h a P e L L e s d ’ a r t I s t e s E N V I L L E 19
Fs
Ce château de 1568 est l’un des rares édifices
de la renaissance en région, et l’un des rares
aussi à cumuler « les mandats ». Il est flanqué
de la Chapelle Picasso qui, sous la coupe des Musées
Nationaux de France, accueille des installations d’ar-
tistes internationaux. Son corps central dépendant,
lui, plus directement de la ville abrite depuis 1977 la
plus importante donation Magnelli faite par la veuve
du peintre ainsi que l’un des plus beaux fonds dédié
à la céramique vallaurienne. « Une collection qui se
partage en trois sections, explique Sandra Bénadretti,
Conservatrice : l’œuvre de Picasso qui découvrit ici ce
noble art, les précurseurs avec la dynastie Massier et,
enfin, des travaux contemporains primés aux bienna-
les initiées par la ville dès 1968 ».
et alev « creuse le vide »Guère étonnant qu’avec un tel héritage les salles du
rez-de-chaussée accueillent du 5 décembre au 1er
mars 2010 l’une des plus grandes céramistes actuel-
les : Alev Ebuzziya Siesbye. Une exposition conçue
comme un clin d’œil aux artistes modernes, Picasso,
Chagall, Matisse, tous venus un jour aux ateliers Ma-
doura de Vallauris. « C’est le seul espace du Musée
Magnelli ouvert aux invitations. Dans le cadre de la sai-
son de la Turquie en France, nous y avons installé une
soixantaine de pièces retraçant
l’univers de cette grande dame
de la céramique ». Originaire de
Turquie, Alev est passée par l’Al-
lemagne puis par la manufacture
royale de porcelaine de Copenha-
gue avant de s’installer à Paris en
1987. Sa singularité : une pratique
des origines méditerranéennes
et une éducation nordique. « Un
métissage qui confère rigueur et
sensualité à ses créations mono-
chromes ou ses couleurs, tels des
bleus cobalts renvoyant à la mer
du Bosphore et les lignes s’inspirant de la Grèce an-
tique », commente Sandra Bénadretti. Alev refuse les
motifs, à part quelques nuages mongols ou frises de
textiles d’Anatolie. Le raffinement s’exprime chez elle
par l’extrême finesse des lèvres de ses contenants et
leurs bases travaillées afin d’offrir une légèreté quasi
aérienne. « C’est un travail préparatoire savant, des
émaux à la cuisson, un combat entre elle et la matière.
L’installation fut très particulière. Tout avait été rangé
par vitrines dans son atelier. Quand les cartons sont
arrivés, la mise en scène était déjà faite. Alev est exi-
geante parce que la magie de ses pièces ne s’exprime
totalement qu’avec une scénographie étudiée, notam-
ment en termes de lumière comme d’architecture ».
L’exposition présente également une gamme de bols
blancs et noirs qui évoquent, eux, l’attirance de l’ar-
tiste pour la céramique chinoise époque Song, ainsi
qu’un florilège de ses commandes pour le design et
les arts de la table.
Le Musée Magnelli
dans tous ses états
Le château de Vallauris, ancien prieuré de l’Abbaye de Lérins, abrite trois musées en un : le Musée National Picasso "La Guerre et la Paix", le Musée Magnelli et le Musée de la céramique. Un lieu à facettes qui recèle plus d’un attraitpour l’amateur d’art.
C’est un travail préparatoire savant, des émaux à la cuisson, un combat entre elle et la matière
E N V I L L E V a L L a U r I s20
M O N a C O E N V I L L E
La céramique des Massier à PicassoLes arts de la table, un thème présent à l’étage su-
périeur du Musée où la céramique vallaurienne a élu
domicile. À côté des pièces rustiques de potiers de
Vallauris, des ustensiles de cuisine ou « Terrailles »,
s’étend la collection Massier dès la fin du XIXème.
« Une famille de Vallauris qui œuvra dans ses ateliers
avec une centaine d’ouvriers », précise Sandra avant
de poursuivre, « les Massier ont défriché la céramique
artistique avec les bleus qui ont fait leur renom puis
Clément, le chimiste de la famille développa une tech-
nique ancienne orientale ». Le lustre métallique don-
na ainsi naissance à des pièces très contemporaines,
des faïences revêtues d’oxyde de platine qui rehaus-
sèrent les vases de reflets irisés qui séduiront la ri-
che clientèle cosmopolite fréquentant la Riviera au
tournant du XXème siècle. Les créations des années
cinquante figurent en bonne place (salle Madoura),
avec des œuvres de Jean Derval, Roger Capron,
Robert Picault… Mais « l’âge d’or » de Vallauris res-
plendit dans une autre pièce où les étonnantes créa-
tions de Pablo Picasso sont accompagnées de photos
d’André Villers. Avec ce fonds permanent et celui du
Musée Picasso d’Antibes, la Côte d’Azur détient le
plus gros butin céramiste du maître espagnol. Enfin,
une autre section abrite les créations contemporaines
réalisées à Vallauris par des designers en collabora-
tion avec des artisans locaux.
Au dernier niveau du Musée est retracé le parcours
d’un peintre aussi majeur qu’atypique. Alberto Ma-
gnelli qui, pendant la deuxième guerre mondiale,
se réfugia à Grasse où il résida de 1940 à 1970,
et a choisi les œuvres qui furent exposées dès la
création du musée, sa veuve ayant fait don d’un im-
portant fonds allant du début du siècle aux années
70. Une œuvre protéiforme qui va du figuratif vers
l’abstraction dont il fut un pionnier. « Dès 1914,
Magnelli était déjà d’avant-garde avec des lignes et
des aplats qui renvoient au constructivisme, cubis-
me, futurisme. Mais l’artiste autodidacte a suivi son
propre chemin, ses origines florentines le portant
d’emblée vers les peintres de la Renaissance italien-
ne. Une influence visible dans son traitement des
perspectives ». Après les exercices semi-figuratifs,
une salle présente son travail des années 30. « Suite
à sa visite dans les carrières de Carrare, il livra une
série de tableaux incluant des effets de matière
comme la peinture sur toiles goudronnées ». Cette
« période de pierre » préface la dernière de 1950 à
1970 où le peintre verse dans l’abstrait tel « le che-
min lumineux » où l’économie de moyen n’a d’égale
que le raffinement du style. Pour la présentation des
gravures de l’artiste, Sandra Bénadretti avoue s’être
inspirée de la muséographie des Musée Nationaux
lors de l’exposition « Blaise Cendrars ». « J’ai trouvé
aussi pertinent qu’original l’éclairage de Grégoire
Gardette, une lumière posée en douceur sur l’œuvre
qui offre au visiteur une lecture intimiste ». OM
21
Photos
Dessus de gauche à droite :
Sandra Bénadretti Pellard, rattrape au vol un bol d’Alev Ebuzziya Siesbye
2 vues du Musée Magnelli
Ci-contre, de gauche à droite :
Le bleu cobalt du Bosphore a inspiré les créations d’Alev Ebuzziya Siesbye
Vase en céramique de la période Vallaurienne de Picasso
Photos © J-Ch. Dusanter
«Le Centre Universitaire Méditer-
ranéen est un organe de pen-
sée et de collaboration intellec-
tuelle ». Voici comment l’écrivain, poète et
philosophe Paul Valéry définissait le CUM à
sa création en 1933. « Aujourd’hui, il n’y a
rien à changer à cette définition qui énonce
l’essentiel et, en toute modestie, je la re-
prends à mon compte ! », renchérit Raoul
Mille, écrivain, Conseiller municipal de la Vil-
le de Nice subdélégué à la Culture, la Littéra-
ture, la Lutte contre l’illettrisme et l’Histoire.
Paul Valéry voulait pour Nice un lieu face à la
Méditerranée qui soit celui de l’humanisme intellectuel, dans tous les
domaines : historique, littéraire, sociopolitique et scientifique. « Mon
vœu pour le CUM est de continuer dans cette voie, en nous tournant
vers tous les côtés de la Méditerranée, souligne Raoul Mille. Depuis
deux ans, le CUM est redevenu ce qu’il était avant la guerre et juste
après. Bien sûr, il y a toujours eu de grandes conférences au CUM
mais, depuis quelque temps, l’esprit d’origine renait car la culture au
sens large est redevenue une priorité dans la politique de la Ville de
Nice ». Le renouveau du CUM, c’est aussi de donner la parole à des
personnes qui ne soient pas des conférenciers mais qui ont des cho-
ses à dire ! Et Raoul Mille de citer le recteur Max Sorre qui, en 1933,
énonçait ses exigences quant au but du CUM : « Il s’agit non d’ac-
cueillir des conférences passe-partout mais d’obtenir de l’homme le
plus qualifié qu’il traite le sujet qu’on désirera voir traiter ».
Passions littéraires Pendant les deux années écoulées sous la nouvelle municipalité,
trois temps forts, pour Raoul Mille, se sont particulièrement distin-
gués. Le premier fut « Passion Giono », en 2008, avec la présence
de sa fille Sylvie, de Michel Déon, de l’Académie française et de
Paul Constant. « Un très beau moment », précise l’écrivain. Le
deuxième fut « Passion Kessel », à l’automne dernier, avec notam-
ment la présence de Pierre Schoendoerffer, cinéaste et écrivain,
et la projection d’un documentaire réalisé avec Kessel montrant
l’Afghanistan dans les années 50. À chacun de ces événements,
l’amphithéâtre, qui a une capacité de 580 places assises, était
comble ou presque. Devant un tel succès, organiser chaque an-
née au mois de novembre un grand colloque littéraire qui puis-
se faire découvrir ou redécouvrir au grand public un auteur du
patrimoine culturel français est devenu l’un des objectifs de la
direction du CUM. En 2010, ce sera au tour de Françoise Sagan
d’être célébrée. « Pour ces cycles, nous essayons toujours d’aller
au-delà de simples conférences, en accueillant notamment des
témoins contemporains de l’auteur, et ce afin de rendre la mani-
festation plus vivante et d’attirer un public plus large », indique
Raoul Mille. Attirer un public plus large, c’est aussi l’objectif du
cycle « Les rencontres polémiques du CUM - Les médias en accu-
sation », proposé à un nouvel horaire, et animé par Denis Tillinac,
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Depuis plus de soixante-quinze ans, le Centre Universitaire Méditerranéen n’a eu de cesse d’accueillir de grands noms et d’organiser de grands événements réunissant les esprits les plus éclairés de chaque époque. Aujourd’hui, la municipalité affiche une volonté de renouveau, cherchant à renouer avec l’esprit méditerranéen d’origine.
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Le C
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qui accueille un journaliste représentatif
d'un secteur d'activité mis en situation
d'accusé dans cette mise en demeure ci-
toyenne visant à analyser la puissance du « 4è pouvoir ». Le CUM
a depuis toujours ouvert ses portes aux médias et à leurs évolu-
tions avec, notamment, dès 1939, la réunion de 125 rédacteurs
en chef venus des quatre coins du monde, qui allait conduire à la
création d’une Fédération internationale de la profession. « Les
médias sont le reflet de la société. Et s’il est important que le
CUM ne soit pas la remorque du temps et des modes, il ne doit
pas pour autant s’abstraire des mouvements de pensée contem-
porains », estime Raoul Mille.
La Méditerranée, « cette machine à faire de la civilisation »Autre souvenir important pour ce dernier : la programmation de
musique arabo-andalouse qui a clôturé la saison 2009. « Ces spec-
tacles ont symbolisé mieux que ne l’aurait fait une grande série
de conférences le lien que nous voulons continuer à tisser autour
de la Méditerranée, se félicite-t-il. Une belle expression du métis-
sage, sans les mots ». Un esprit illustré par la fresque « Allégorie
de la Méditerranée », de Bouchon, trônant dans l’amphithéâtre et
voulu dès l’origine par Paul Valéry, en poursuivant son rêve de
Méditerranée, « cette machine à faire de la civilisation ». Il écrivait :
« Ce sont les Méditerranéens qui ont fait les premiers pas certains
dans la voie de la précision des méthodes, dans la recherche de
la nécessité des phénomènes, par l’usage délibéré des puissances
de l’esprit, et qui ont changé le genre humain dans cette manière
d’aventure extraordinaire que nous vivons ». Pour le Maire de Nice
de l’époque, Jean Médecin, le CUM se devait d’être un organisme
d’enseignement supérieur, un institut de recherche scientifique et
le lieu de rencontre des esprits éminents venus du monde entier.
En choisissant comme administrateur Paul Valéry, il s’agissait de
« rehausser la renommée de Nice dans l’Europe entière ». Dans cet
esprit, l’ambition du CUM est claire : apparaître comme le centre
culturel international, le temple du savoir et des grands esprits
du siècle. Au moment où est créée l’Union pour la Méditerranée,
le CUM va pouvoir œuvrer pour que Nice réaffirme sa place de
grande métropole du Sud, riche d’un important capital historique,
humain, intellectuel et créatif, tourné à la fois vers l’Europe et le
continent africain.
150ème anniversaire du rattachement de Nice à la France
Durant le premier trimestre 2010, puis tout au long de l’année, le CUM propose des mani-festations en lien avec le rattachement de Nice à la France. Après « Nice et la Savoie votent pour la France », une deuxième conférence a été animée le 4 février par l’historien Pierre Gouirand, sur le thème « Les hôtels de Nice de 1840 à 1940 ». D’autres vont suivre :
24 février à 16h : Eglises médiévales du Var, l’église dans les campagnes - organisation et architecture : conférence de Yann Codou, Professeur de l’Université de Nice
4 mars à 16h : Berthe Morisot, son œuvre, sa découverte de Nice : conférence d’Eve Lepaon, Professeur à L’Ecole du Louvre,
24 mars à 16h : Belle époque, construction et architecture scolaire 1860-1914 : confé-rence de Véronique Thuin, Professeur d’histoire-géographie.
Contact :
CUM - 65, Promenade des Anglais - Nice
Tél. : 04 97 13 46 10 - www.cum-nice.org
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La fresque « Allégorie de la Méditerranée », de Bouchon, trône dans l’amphithéâtre du CUM.
Raoul Mille © H. Lagarde
H é r i t i e r s M a s s i e r
La relève de la céramique vallaurienne À 24 ans à peine, Cédric Massier et sa compagne Céline Rogano font la fierté de la ville de Vallauris en reprenant le flambeau de la dynastie Massier. En 2009, différents lieux de la ville, comme le Musée Magnelli ou la chapelle de la Miséricorde, ont rendu hommage à cette famille à l’origine de la cérami-que artistique en exposant des œuvres de toutes les générations. Portrait de la dernière, qui a contribué à ce que le nom réapparaisse.
L’exposition « Les Massier, côté cour, côté jardin », après
une première exposition qui leur était dédiée en 2000, fut
« l’occasion de pénétrer plus avant dans la démarche inno-
vante de ces céramistes qui ont enrichi l’histoire et le patrimoine
de Vallauris et participé avec talent à la renommée internationale
de la commune », comme l’explique Alain Gumiel, Maire de Vallau-
ris Golfe-Juan. Parmi les œuvres présentées, des pièces uniques de
Clément Massier (1844-1917), de son frère Delphin (1836-1907) et
de leur cousin Jérôme Massier Fils (1820-1909). Et, dans la chapelle de
la Miséricorde, une installation créée pour le lieu par Cédric Massier,
arrière arrière-petit-fils de Delphin, et sa compagne Céline : des
complets (vasques sur colonne) revisités de manière moderne. Au
total, onze pièces allant de un à quatre mètres de hauteur, repré-
sentant quelques 2 500 strates de terre. « Ces pièces sont le reflet
de notre volonté de travailler dans la continuité de l’œuvre de mes
ancêtres, après cent ans d’interruption de la céramique dans la fa-
mille, tout en nous démarquant et trouvant notre propre voie »,
commente Cédric Massier. Après être passés par l’école municipale
des Beaux Arts Céramique, Cédric et Céline ont repris l’atelier de
Roger et Jacotte Capron, qui jouxte presque la maison de Delphin
Massier. En juin 2007, l’atelier-galerie ouvrait ses portes au public.
Dans une démarche contemporaine, ils réalisent principalement
des pièces uniques, sculptées ou modelées à la main, en grès ou en
porcelaine, mais aussi en faïence ou en argile.
technique traditionnelle et moyens modernesIls élaborent des émaux à reflets métallisés, la « patte » des Mas-
sier, et travaillent la matière à travers le contraste des terres uti-
lisées et des émaux afin de diversifier l’aspect de la céramique et
créer la confusion avec d‘autres matériaux, comme le fer ou la
roche, voire le bois. « Les contrastes d’aspects bruts et d’irisations
de la matière sont obtenus par le biais de l’enfumage, précise Cé-
dric. Nous avons repris la technique familiale d’émaillage poly-
chrome, tout en l’adaptant aux moyens d’aujourd’hui ». La tech-
nique des lustres métalliques, développée par Clément Massier,
lui valut une médaille d'or à l'Exposition Universelle de Paris en
1889. D’origine hispano-mauresque, cette technique date en fait
du XVème siècle : il s’agissait de cuire trois fois les pièces en
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de
atmosphère réductrice en feu de moufle (réduction de l’oxygène dans
le four). Cela permettait à la substance pâteuse à base d’oxydes métal-
liques recouvrant les pièces d’obtenir, après cuisson, des irisations aux
nuances variées. Aujourd’hui, et après de longs mois de recherche et
d’essais, les jeunes céramistes cuisent la terre une première fois dans
un four électrique puis la sortent du four à 1 000 °C, puis ensuite la re-
cuisent au bois. L’étape d’après : étouffer l’oxygène en plaçant les piè-
ces dans des bidons pour ainsi créer des couleurs originales. « Nous
avons en fait dérivé la technique originelle, en la mélangeant à
celle du raku, pour à la fois garder une identité de travail et
diversifier nos travaux », indique Céline.
Un nom lourd à porterToujours en quête de nouvelles idées, et fascinés par
le fameux « bleu Massier », Cédric et Céline tra-
vaillent également les nuances de turquoise. Leur
vase Evasion, blanc et turquoise, a d’ailleurs
remporté un prix au Salon International des
Artistes Contemporains de Saint-Tro-
pez en 2008. Preuve qu’en très peu de
temps, leur travail a été reconnu. « Au
début, le nom de Massier était un peu
lourd à porter, confie Cédric. On nous at-
tendait au tournant. Mais, très vite, nous
avons montré que tout en faisant honneur à
notre héritage familial, nous voulions aller vers
quelque chose de plus moderne et de plus design ».
Forts d’une clientèle haut de gamme qui leur est fidèle,
Cédric et Céline souhaitent maintenant s’exporter ailleurs en
France, et même en Europe, notamment en Allemagne et en Belgi-
que, deux pays friands de céramique. Les « petits Massier », comme
on les appelait à leurs débuts il y a trois ans, se sont désormais fait
deux prénoms.
généalogie de la céramique
A Vallauris, les Massier débutèrent la poterie avec Pierre Massier (1707-1748) dans des fabrications de terres cuites. Cette production prendra une autre direction avec Jacques Massier (1806-1871) qui amena cette poterie usuelle vers une céramique plus artistique. Il ajouta à sa production de nombreuses pièces décoratives (pièces d'extérieurs, cache-pots, vases) qui influenceront incontestablement ses enfants, Delphin et Clément. C'est ainsi qu'à la fin du XIXème siècle, la famille Massier connaîtra une renommée internationale avec Delphin, Clément et Jérôme Massier Fils, leur cousin. Avant-gardiste, leur démarche commer-ciale, à travers des catalogues publicitaires, proposent de nombreux modèles d'inspirations très différentes, avec des palettes de couleurs et des techniques d'émaillage variées (monochrome, polychrome, jaspé). Les couleurs turquoise font l'unanimité au sein d'une clientèle azuréenne. Par la suite, la poterie du Golfe Juan de Clément Massier sera di-rigée par ses filles puis sa petite-fille Elisabeth et son mari Henri Mauro reprendront la galerie jusqu'en 1984. Du côté de Delphin, la société Delphin Massier est exploitée par son premier fils Alfred Massier et ses associés jusqu'en 1911. Alors que son troisième fils Jean (associé à son deuxième frère Henri) crée sa propre entreprise et l'exploite jusqu'en 1912 (date de la fermeture définitive).
Contact
Céramique Massier Atelier-Galerie46 et 49 bis, av. Georges Clémenceau06220 Vallauriswww.ceramique-massier.com
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de
Comment s’est passée votre rencontre
avec l’art ?
En fait je me destinais à être journaliste.
Étant joueur de rugby quand j’ai intégré
une école de journalisme en 1987 à Mar-
seille, on m’imposa le journalisme sportif.
Cela ne me convenait pas et par provoca-
tion j’ai décidé de faire mon mémoire sur
l’art contemporain.
Un univers qui vous attirait déjà ?
Pas du tout, je ne le connaissais absolument
pas, mais j’avais envie de casser cette ima-
ge de rugbyman. J’avais 23 ans quand j’ai
commencé à m’intéresser à l’art contempo-
rain. Je me souviens avoir rencontré à Nice
Jacques Lepage, un critique d’art célèbre.
Ensuite, de 1989 à 1993 j’ai travaillé à la
Région comme chargé de mission aux arts
visuels, puis j’ai présenté le concours pour
être directeur du FRAC. Un poste que j’ai
occupé jusqu’en 2005.
Rugby et art contemporain. Pour
certains, vous deviez être l’homme du
grand écart ?
De 1993 à 97 j’étais directeur du FRAC et en
même temps j’évoluais en groupe B comme
troisième ligne dans l’équipe de la Seyne-
sur-Mer. Le lundi j’arrivais au FRAC avec des
cocards et des pansements mais personne
ne m’a jamais fait de réflexion, d’un côté
comme de l’autre… Il y a tout de même une
anecdote savoureuse. Au retour d’une troi-
sième mi-temps arrosée, un bon copain du
rugby me demande dans la voiture « au fait
qu’est-ce que tu fais comme boulot ? », je
lui réponds « je travaille dans la culture »
sans donner de détails et là, après un grand
et profond silence, il rétorque : « t’as raison
en ce moment, l’élevage ça marche bien ! »
(Rires)
Pourquoi avoir choisi la Villa Arson ?
J’ai toujours eu envie d’y travailler, c’est un
établissement qui a une âme mais c’est sur-
tout un lieu unique. C’est une école d’art,
un centre d’art, un lieu de résidence et une
médiathèque. Il est très rare d’avoir sous le
même toit autant de missions complémen-
taires qui permettent d’œuvrer sur tous les
fronts.
Justement, quelle est votre mission ?
Mettre en place les expositions bien sûr,
mais aussi m’occuper de tout ce qui gravite
autour, la stratégie des médiations pédago-
giques avec l’Education Nationale auprès
des publics. Je gère aussi la politique édi-
toriale, les résidences d’artistes et tout ce
qui touche à la création sur l’établissement,
œuvres en extérieur, aménagement etc.
Quelles furent vos priorités ?
L’ouverture était et reste mon premier ob-
jectif. Il y a eu pas mal de travaux depuis
2006. Des grandes portes vitrées ont été
mises en place dans l’entrée afin de décloi-
sonner, le centre d’art se devait d’être plus
ouvert, plus visible pour tous, à commencer
par les étudiants.
Et cela a marché, il semble que depuis
on assiste à un regain de visites ?
Nous sommes passés de 7 700 à 12 900
visiteurs de 2005 à 2008, soit 70 % d’aug-
mentation de fréquentation. Pour la qualité,
ce n’est pas à moi d’en juger mais mon
souci de faire rayonner le centre d’art, les
efforts structurels et les travaux entrepris
ont dû jouer dans ce sens.
Comment s’articule votre programma-
tion ?
Il y a deux types d’expositions : les expos
collectives et thématiques et les expos mo-
nographiques. Les premières ont un fil di-
recteur qui consiste à prendre des sujets
très balisés de l’histoire de l’art pour les
traiter non pas au travers de leurs éviden-
ces mais par le prisme de leurs paradoxes.
Ainsi, avec l’exposition « intouchable l’idéal
transparence » a-t-on pu traiter de la trans-
parence via la dystopie au lieu de l’uto-
pie qui marqua le XXème siècle. « Ne pas
jouer avec les choses mortes » permit de
découvrir la performance sans geste d’ar-
tistes, seulement avec des objets produits.
« Acclimatation » montra le paradoxe de
vouloir figer la nature alors qu’elle est en
Eric Mangion occupe à 45 ans le poste de directeur du Centre d’art de la Villa Arson. Cet ancien directeur du FRAC PACA a pris en main depuis 2006 la destinée de l’une des vitrines les plus importantes de l’art sur le territoire national, mais pas seulement. Car la Villa Arson est sur l’échiquier culturel niçois une pièce maîtresse. Une pièce qui se déplace selon la diagonale du fou ? Explications….
Eric Mangion l’ex rugbyman joue toujours l'ouverture
perpétuelle mutation. Celle visible jusqu’au
30 mai, « Double Bind/Arrêtez d’essayer de
me comprendre », qui est une phrase de La-
can lancé à un étudiant qui le harcelait de
questions, parle de communication mais via
tous les accidents qu’il peut y avoir lors de la
transmission d’informations (malentendus,
hiatus, erreurs de traduction, etc.). toute
erreur peut aussi produire du sens ou, à dé-
faut, une œuvre d’art.
Ces dysfonctionnements ont-ils un
rapport avec ce que nous vivons actuel-
lement ?
Ma volonté première était de montrer aux
étudiants et aux publics comment on pou-
vait sortir des sujets éculés de l’histoire de
l’art en les abordant sous des angles nou-
veaux. Les expos monographiques procè-
dent du même esprit. Il s’agit d’inviter cette
fois plusieurs artistes à travailler sur un sujet
commun. Le collectif devient alors une som-
me d’individualités qui offrent des regards
différents.
Une manière de montrer la diversité de l’art ?
Le but est effectivement de pointer la poly-
sémie de l’art avec la complicité de commis-
saires différents. Je crois que l’art n’a pas un
sens unique. Aujourd’hui, même les formats
sont éclatés. Depuis la fin des années 70, il
n’y a plus de courants majeurs, c’est dérou-
tant mais excitant, il y a le pire et le meilleur.
On est dans une période post-moderne, un
mot barbare qui veut dire que c’est la fin des
grands récits, idéolo-
giques, politiques, reli-
gieux. La jeune généra-
tion est née avec ça…
tout reste à faire ?
Ou bien à épuiser, je
crois beaucoup à l’épui-
sement d’un cycle. La
période baroque après la Renaissance en fut
un autre. La surconsommation, l’hyper suc-
cès de la culture du spectacle font qu’il y a
beaucoup de choses. Une profusion qui prê-
te à confusion mais qui contraint le public à
être curieux et les créateurs à agir comme
des chercheurs. Dans un sens, c’est plutôt
positif.
Ce n’est pas toujours l’avis des critiques.
Les plus grosses critiques sur l’art contempo-
rain viennent des intellectuels, pas du grand
public. La progression
des fréquentations des
expos le prouve. Il y a
une curiosité parfois
assez naïve du grand
public mais que j’ap-
précie beaucoup. En
fait ce sont les intellec-
tuels, déboussolés par
la perte de référents qui campent sur leurs
positions.
L’art contemporain semble, lui, se nourrir
d’un nouveau public.
Absolument ! Et ce phénomène est aussi le
résultat d’un travail de fond fait par le ser-
vice public depuis 20 ans sur l’accueil, la
médiation culturelle, l’art dans les collèges,
etc. Un effort qui porte ses fruits depuis 5
ou 6 ans.
Les membres du cercle fermé de l’art ne
se sentent-t-il pas dépossédés d’un bien ?
Je renvoie dos à dos ceux qui disent que l’art
contemporain est incompréhensible et ceux
qui disent qu’il n’a pas besoin d’être com-
pris. Dans les deux cas il s’agit de personnes
qui ne veulent pas prendre le temps de réflé-
chir, les premiers par fainéantise, les autres
par prétention.
L’art contemporain propose d’ailleurs un
temps de gestation face au flux tendu
d’informations.
Il est très difficile d’avoir une compréhen-
sion immédiate de l’art et ce temps de recul,
de réflexion, ce temps différé de l’art est
salutaire. Pour moi, une exposition est un
acte de résistance, parce que c’est un de ces
derniers espaces qui est encore dans une ra-
dicalité, qui le préserve du tout-évident, de
la sur-communication. Je me méfie du spec-
taculaire. Une exposition, c’est comme une
lecture, ça se traverse à son rythme. On peut
y rester cinq minutes ou deux heures.
En 2011 vous participerez à un grand
événement azuréen fédérant plusieurs
lieux d’art emblématiques.
Oui, la Villa traitera de la performance. Un
sujet important que je fouille depuis plus de
deux ans. Dès mon arrivée à Nice, je me suis
demandé comment faire une expo identitaire
Vue de l’installation de John Armleder (galerie carrée) / Exposition A moitié
carré / A moitié fou (2007)Photo Jean Brasille
Arnaud MaguetLa Société du Spectacle (Backstage)2008 Bois, tubes fluos, papier aluminium, impression sur plexiglass, film autocollant et câble 160 cm x 95 cm Courtesy : La Blanchisserie galerie (Boulogne-Billancourt) Photo : Villa Arson / J. Brasille
Jean DupuyTable à imprimer, 1974 et anagramme, 1984 Périscope, miroir, collages.Photo : Villa Arson / J. BrasilleCourtesy : Galerie Sémiose (Paris)Photo Jean Brasille
Exposition tHE DIE IS CAStRyan Gander(galeries du patio et des cyprès)26 juin – 18 octobre 2009
Ryan GanderI don’t blame you, or, When we made love you used to cry and I love you like
the stars above and I’ll love you until I die, 2008 Courtesy of the artist, Burger Collection, Gallery Bob van Orsouw, Zürich, Annet Gelink
Gallery, Amsterdam and Lisson Gallery London. Photo : Villa Arson / J. Brasille
Ryan GanderA sheet of paper on which I was about to draw, as it slipped from my table and fell to the floor, 2008.Courtesy of the artist, de Bruin-Heijn Collection, Amsterdam and Annet Gelink Gallery, Amsterdam.
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sans tomber dans le régionalisme. Des an-
nées 50 à aujourd’hui nous sommes dans
un territoire marqué par la performance,
largement plus que Paris. Cela commence
en 1951 avec le scandale des lettristes à
Cannes suite à la projection d’un film sans
images impliquant Cocteau, Rohmer et
Guy Débord puis se poursuit avec Arman,
Klein, Ben, jusqu’à nos jours avec des per-
sonnalités comme Arnaud Labelle Rojoux
ou Jean-Luc Verna. L’exposition fera l’objet
d’un gros catalogue dévoilant une somme
d’informations jusqu’alors inédites.
Et aujourd’hui, quels sont vos rapports
avec l’art contemporain à Nice ?
Il me semblait vital que la Villa collabore
avec ses voisins. C’est pourquoi nous
nous sommes engagés avec l’association
BOtOX(s). Avec peu de moyens, on a fait
beaucoup de choses. C’est quand même
plus agréable de travailler ensemble, cela
suscite le plaisir, l’envie. La ville ne profite
pas assez des richesses qu’elle a sous la
main. De notre côté, avec Alain Derey, nous
avons beaucoup œuvré pour cette ouver-
ture. Quand on organise des voyages de
presse, les journalistes sont systématique-
ment emmenés dans les autres lieux d’ex-
positions niçois. Depuis quelques mois,
nous hébergeons dans une salle de l’amphi-
théâtre qui a été rénovée, « l’éclat », une
association issue de la mission cinéma de
l’Espace magnan. C’est une structure auto-
nome avec laquelle nous collaborons. Dans
le cadre de notre prochaine exposition,
« l’éclat » propose sa programmation de
films. Jacques Rozier viendra y présenter
« Maine Océan », une comédie des années
70 basée sur les difficultés de communi-
cation d’un groupe de touristes étrangers
dans un train.
Comment fonctionnent aujourd’hui les
résidences d’artistes ?
Il y en a 6 par an, 6 bourses de 5 000 euros
qui permettent à des artistes de tous hori-
zons de venir travailler dans nos murs entre 2
et 4 mois. Là aussi j’ai essayé de faire bouger
les lignes. Soit je demande à des partenaires
en région de présenter des dossiers incluant
des projets en extérieur, soit je sélectionne
moi-même des artistes sous condition qu’ils
créent un lien avec l’extérieur. Nos résidents
actuels s’occupent ainsi de la médiation de
l’exposition en cours. Les résidences doivent
aussi participer au processus d’ouverture.
Quels sont vos passions, hormis l’art
contemporain ?
Je suis très attiré par la littérature et plus par-
ticulièrement par la poésie qui propose pour
s’exprimer en public des inventions qui tien-
nent du bricolage expérimental mais offre
une réelle alternative à la lecture tradition-
nelle qui n’attire plus grand monde. Nous
allons recevoir en résidence en fin d’année
Olivier Cadio, poète contemporain, auteur
d’un livre incontournable « Retour définitif
et durable de l’être aimé ». Prochain invité
d’honneur du Festival d’Avignon, il viendra
après cette 64ème édition à la Villa pour
préparer un album avec Rodolphe Burger,
chanteur compositeur du groupe rock « Kat
Onoma ». Sa poétique des mots qui se prê-
te à la musique actuelle, il l’a prouvé aussi
avec Alain Bashung, prend sa source dans
ses balades d’enfant alsacien au cœur de la
nature. Sorte de Robinson des temps mo-
dernes, Olivier pratique une langue inven-
tive jubilatoire et sensuelle qui réinvente
l’espace.
Vous semblez être un homme heureux,
des souhaits pour 2010 ?
Certes, comme bien des structures cultu-
relles, nous avons dû réduire un peu la voi-
lure en termes d’expositions. Mais cela me
permettra de me concentrer sur d’autres
chantiers, de faire plus de collaborations
notamment avec l’école. Nous travaillons
dans des territoires encore trop éloignés,
trop marqués sur un modèle des années 70.
Je trouve qu’il y a quelque chose à inventer
à la Villa Arson qui soit plus en phase avec
la triple identité du lieu. Les passerelles exis-
tent mais elles sont encore trop modestes à
mon goût.
Claire Fontaine (nov 2007 - mars 2008) Untitled one is no one 2007 Photo Villa Arson
Ne pas jouer avec des choses mortes29 février – 24 mai 2008
Paul McCarthySkinny Bear, 1992, technique mixtePropo (Fred Fkinstone), 1992Cibachrome, Collection privéePropo (Daddy’s Ketchup), 1992Cibachrome, Collection privéeCourtesy : Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Paris
Photo : Villa Arson / J. Brasille
Exposition Acclimatation31 octobre 2008 - 1er février 2009Prolongée du 20 février au 3 mai 2009
Trivial Abstract 20 février – 24 mai 2009
John M. Armleder, E hoi e, 2001Néon, papier Lumifol, ø 150 cm
Courtesy galerie Andrea Caratsch, Zürich
César, Compression métallique bleue, 1994 Compression de bidon métalliques bleus,
156 x 82 x 60 cm. Courtesy Fonds National d’Art Contemporain (dépôt à l’EAC, Mouans-Sartoux)
Photo : Villa Arson / J. Brasille
BPForêt noire, 2008Bois, huile de vidange, bitume, 20 éléments,210x150 cmCourtesy : Galerie Catherine Issert (Vence)
L A V I E D E S A R t S i N t E R V i E W28
OM
CENTRE UNIVERSITAIRE MÉDITERRANÉEN65, PROMENADE DES ANGLAIS - NICE - 04 97 13 46 10WWW.CUM-NICE.ORG
Poésie et musique au CUMà 16 h du 8 mars au 15 mars Entrée gratuite
LUNDI 8 MARSJournée de la Femme : lecture en musique par Sophie Duez (comédienne) - De la lettre à la note
MARDI 9 MARSCocteau, l’ami des femmes - Spectacle (textes et musique)
MERCREDI 10 MARSAprès-midi poétique autour des femmes (classe d’art dramatique du Conservatoire Pierre Cochereau)
JEUDI 11 MARSShéhérazade et les mille et une nuits lecture de textes et accompagnement musical de tradition persane
VENDREDI 12 MARSMusique médiévale au temps de l’amour courtois
SAMEDI 13 MARSAprès-midi de découverte du SLAM
LUNDI 15 MARSRemise du prix “Alain Lefeuvre” à Kenzy Dib et lecture de poèmes
30 L A V I E D E S A R t S A R t i s t E
De Naples à Alger, de l’apartheid à l’avortement, de Rimbaud à Genet…Ernest Pignon-Ernest n’a eu de cesse, depuis quarante ans, de questionner l’art, les hommes et leurs drames au travers de ses parcours dans les villes, entre éphémère et éternité. Né à Nice en 1942, l’artiste entretient des liens très forts avec la culture méditerra-néenne. Rencontre avec un homme qui conjugue exigence éthique et exigence artistique.
Interview réalisée par Faustine Sappa
sur quelles thématiques travaillez-vous
en ce moment ?
Je travaille actuellement, dans le cadre du
centenaire des Ballets Russes, avec Jean-
Christophe Maillot à la scénographie de
Daphnis et Chloé, ballet qui sera créé en
deux étapes : en avril nous proposerons une
espèce d'esquisse expérimentale dans la-
quelle nous envisageons un dialogue entre la
chorégraphie et des dessins qui se dévelop-
peraient en direct sur la musique ; la version
finale avec tout le corps de ballet est prévue
pour la fin de l'année.
Parallèlement, j'étudie Abraham. J'ai réalisé il
y a quelques mois un parcours « Mahmoud
Darwich » en Palestine et je souhaiterais
poursuivre en travaillant sur la ville d'Hébron,
chargée d'histoire essentielle aux trois mo-
nothéismes, aujourd'hui terrain de tensions
exacerbées. Par ailleurs, je prépare une expo-
sition rétrospective pour l'été à La Rochelle.
Ces jours-ci sort un DVD sur mes travaux,
« Parcours », réalisé par Patrick Chaput, an-
cien élève de la Villa Arson, et bientôt un livre
aux Editions Delpire dans la collection « Des
images et des mots ».
On dit souvent de
vous que vous êtes
à l’origine du mou-
vement du street art.
Quel a été au départ
le moteur de votre dé-
marche ? Etait-ce une
manière de dénoncer
l’art construit pour les
musées ? Le street art
est désormais entré
dans les musées et
les salles des ven-
tes, avec notamment
Bansky. Quel est votre
point de vue sur cette
évolution ?
On dirait qu'il a fallu un nom anglais pour
que ça existe ! En effet les quelques ouvra-
ges qui viennent de paraître sur le street
art repèrent mes premières interventions
comme à l'origine de ce mouvement. C'est
en 1966 que j'ai commencé à inscrire ces
images de personnages grandeur nature
dans des lieux réels. Non, il n'y avait pas
du tout l'idée d'une dénonciation de l'« art
fait pour les musées ». J'étais étranger
à tout ça. L'objet tableau me paraissait
insatisfaisant pour traiter les thèmes qui
me préoccupaient. Le désir et la nécessité
d'utiliser les lieux mêmes comme maté-
riau se sont imposés.
Pour ce qui est du passage au musée et au
marché, dès 1979, le Musée d'Art Moder-
ne de la Ville de Paris, l'ARC, a présenté
une exposition sur toutes les interventions
urbaines que j'avais réalisées jusque-là.
Pignon sur rue
Naples en 1990. © EPE-ADAGP
© H
. La
gar
de
31A R t i s t E L A V I E D E S A R t S
On y présentait les photos in situ et les
dessins préparatoires, les études, tout
le processus. Que les choses soient
montrées dans un musée c'est, au fond,
le rôle de ces institutions, ce qui pose
question me semble-t-il, c'est plutôt cette
dérive d'œuvres faites directement pour
le musée, souvent à leur demande. Ce qui
aboutit, on le voit aujourd'hui, à un art of-
ficiel, un académisme « art contemporain »
et au clergé institutionnel qui le norme.
Quant aux ventes et au marché, ceci n'est
pas spécifique au street art, nous vivons
dans une société dont la logique même
est de tout transformer en marchandises.
Il est vrai que, concernant un art né de la
rue, la contradiction semble plus aigüe.
La vraie question, éthique au
fond, c'est que ces sollicita-
tions du marché n'intervien-
nent pas dans le contenu,
l'esprit des œuvres, le choix
des thèmes, qu'elles n'influent
pas sur la démarche. Il s'agit
de résister.
Une certaine reconnaissance
peut être facteur de liberté.
Vous savez, si j'ai pu mener
des projets à Soweto ou en
Palestine, qui n'ont vraiment
aucune logique économique,
c'est parce que l'audience de
certaines de mes interventions m'a donné
les moyens de prendre ces risques.
techniquement, comment procédez-
vous ? Pourquoi ne pas avoir choisi de
peindre directement sur les murs ?
Je choisis des lieux, des événements :
morceaux de réel dans lesquels je vais
inscrire un élément de fiction. toutes
mes interventions reposent sur cela :
la façon dont je réussis à inscrire cette
fiction dans le réel et l'interaction que
cela va provoquer.
C'est dire que les lieux sont mon ma-
tériau premier, j'en fais une approche
physique, je marche beaucoup, je vise à
en appréhender les qualités plastiques,
en comprendre l'espace, la lumière, à
repérer la matière des murs, leur couleur.
C'est-à-dire saisir tout ce qui se voit, et,
dans le même mouvement, j'entreprends
d'en saisir tout ce qui ne se voit pas ou
ne se voit plus : l'histoire, la mémoire
enfouie, tout le potentiel symbolique et
sémantique qui émane de ce lieu. C'est
nourri de tout cela que j'élabore mes
images, comme si elles étaient nées de
ce lieu et uniquement conçues pour s'y
inscrire.
techniquement, cela entraine des
contraintes très spécifiques. Il faut, par
exemple, que l'image n'apparaisse pas à
la surface comme une affiche : il faut que
son incorporation travaille le lieu plasti-
quement, en fasse un espace plastique et
simultanément le travaille au niveau de sa
symbolique, en perturbe l'appréhension,
en exacerbe la mémoire. Il n'y a qu'avec
le dessin que je peux conjuguer ces deux
nécessités : stigmatiser à la fois ce qui se
voit et ce qui ne se voit pas. Je n'ai donc
jamais envisagé de peindre directement
les murs. Je tiens à ce que m'offrent le
dessin et le papier : l'éphémère, la mort
annoncée de mes images est un élément
essentiel de ce que je propose, il me per-
met d'intégrer le facteur temps. Et puis le
dessin par nature n'est jamais naturaliste,
le noir et blanc, le rectangle de la feuille,
affirment le concept, la fiction, la dis-
tance, ce qui joue un rôle essentiel dans
cette contradiction que j'aiguise volontai-
rement entre « effet de réel » et « effet de
distance ».
Peut-on dire que vos œuvres ne vous
appartiennent pas, ou au moins aussi
peu que les supports sur lesquels vous
les réalisez ?
En effet, elles existent dans un temps et
un espace qui appartiennent à tous. Par
exemple, dans une de mes sérigraphies
L'exposition Extases dans la Chapelle Saint-Charles à Avignon en 2008. © EPE-ADAGP
Ramallah 2009, parcours Mahmoud Darwich. © EPE-ADAGP
Naples, Alla Zacca, en 1990. © EPE-ADAGP
32 L A V I E D E S A R t S A R t i s t E
napolitaines qui s'inscrivait dans un par-
cours sur les représentations de la mort,
un homme portait un cadavre dont la
main trainait sur le sol. Dessin d'une main
fragile, imprimée sur un papier fragile. Je
n'ai collé ces sérigraphies que dans les
rues dont le sol est pavé d'énormes dalles
de lave noire. Je savais en réalisant ces
dessins que ces mètres carrés de pierre
seraient physiquement liés au dessin, et
qu'autant que ce que l'image représen-
tait, la proposition plastique serait dans
cette confrontation entre cette fragilité
et la force plastique et symbolique de
ces énormes dalles noires qui disent le
Vésuve et sa menace. J'ai collé ces images
durant les nuits du Jeudi et du Vendredi
Saints. Rencontrer une image de la mort
dans le contexte de Pâques -Passion et
Résurrection- intervient bien sûr dans la
façon dont elle est reçue. tout cela pour
dire en effet que ni le temps ni le lieu ne
peuvent s'approprier et qu'ils sont aussi
essentiels à mon œuvre que le dessin.
Pour vos œuvres de la série Extases
(sept portraits imaginés de grandes
mystiques chrétiennes), récemment
exposés au Forum Grimaldi de Monaco
et, en 2008, à la Chapelle saint-Char-
les d’Avignon, votre travail est très
différent. Pouvez-vous toutefois nous
expliquer en quoi ce rapport au corps
exprimé de façon si vivante le rappro-
che de vos interventions urbaines ?
Il y a en commun cet espèce de face-à-
face, de relation physique, sensuelle que
j'essaie de créer entre les images et celui
qui les découvre, cette façon de travailler
le comment de la rencontre. En commun
aussi que la proposition plastique n'est
pas seulement dans le dessin : sur les
murs des villes, la feuille est travaillée, je
le disais, par la texture des supports, cela
intervient beaucoup dans la lecture de
l'image, lui inflige des tensions, la fragili-
se. Pour « Extases », j'ai travaillé les feuilles
au point d'en faire un élément plastique,
sculptural, aussi important plastiquement
que le dessin même, en tension avec lui.
Comment est né ce projet ? Votre envie
était-elle de montrer ces mystiques
comme de grandes amoureuses, aux
corps à la sensualité exaltée ?
Dans les années 80, j'ai souhaité en-
treprendre un projet qui serait comme
une quête de ce qui fonde ma culture
méditerranéenne. Des lectures, puis la
musique, m'ont amené à choisir Naples.
Naples comme une espèce de Nice exa-
cerbée. Là-bas l'histoire ne s'efface pas,
s'y superposent mythologies grecque,
romaine, chrétienne. Pendant plusieurs
années, j'ai développé à travers cette
ville de nombreux parcours d'images qui
Il ne s'agit pas comme on peut l'imaginer d' « un artiste engagé » de faire passer un message explicite et direct, mais de s'en saisir comme une sollicitation à une recherche plastique et poétique.
Exposition des Cabines à Lyon en 1996. ©EPE-ADAGP
33A R t i s t E L A V I E D E S A R t S
interrogeaient ces mythologies, ces cultes,
l'histoire, l'œuvre de Caravage... Pour
nourrir tout cela et pour pallier au manque
de culture religieuse, j'ai lu beaucoup...
d'abord les exercices spirituels de Loyola,
Saint Jean de la Croix, thérèse d'Avila. Et
c'est dans ce contexte que de l'interpréta-
tion - fausse, je l'ai su plus tard - d'un vers
de El Desdichado de Nerval est née l'idée
de ce dialogue libre avec les textes des
grandes mystiques chrétiennes. Pour moi
qui n'ai jamais dessiné que des corps, ce
thème s'est imposé comme une quête et
un défi et la perspective du plaisir que j'ai
à dessiner des femmes.
J'ai eu la chance, grâce à mes liens
d'amitié et de travail avec les Ballets de
Monte Carlo, de pouvoir mener ce projet
sur plusieurs années avec la danseuse
étoile Bernice Coppieters qui a été bien
plus qu'un modèle tant son implication,
son talent, son potentiel d'expression ont
été essentiels. Un peu schématiquement,
je dirais que j'ai tenté d'exprimer par le
dessin leur désir enflammé et inassouvi
d'épouse du Christ et par le travail sur les
feuilles mêmes, de traduire leur aspira-
tion à refuser ce corps, à le meurtrir, à se
désincarner.
Parmi les mystiques je n'ai choisi que
celles qui ont laissé des témoignages de
leurs extases dans leurs écrits ou ceux
de leur confesseur : Marie-Madeleine,
Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno,
Catherine de Sienne, thérèse d'Avila,
Marie de l’Incarnation et Madame Guyon.
Mes dessins sont nés de ce qu'elles ont dit
d'elles-mêmes, bien que l'essentiel, l'inef-
fable, elles l'aient dit avec leur corps.
Le choix des lieux pour exposer cette
œuvre revêt-il la même importance que
pour vos interventions urbaines ?
Oui, d'autant que cet ensemble, étant don-
né la mise en forme des feuilles, ne peut
se concevoir que dans l'espace. Il exige
un travail sur la lumière, un dialogue avec
l'architecture qui affirme la spiritualité
L’univers religieux est très présent dans
votre œuvre, de Naples à Extases, entre
autres. Quelle relation faites-vous entre
votre travail et la religion ?
Je suis athée et matérialiste, mais je suis
né sur cette rive de la méditerranée, dans
cette période historique et je pense que
c'est une chance quand on est peintre
d'être né dans un contexte chrétien. Il
faut lire « Vie et mort de l'image » de Régis
Debray…
Enfant de chœur à 9 ans à Sospel, je n'ai
jamais oublié la Piéta de la Cathédrale
Saint-Michel. Je ne traite que de la vie des
humains, des drames qu'ils traversent, des
violences et des injustices qu'ils subissent,
de leur angoisse de la mort. C'est comme
une évidence, une nécessité profonde,
culturelle que je mène depuis des années
en dialogue avec la peinture religieuse, du
Gréco à Simone Martini, de Mantegna à
Caravage...
Sur ce terrain, Pasolini est une référence :
marxiste, il réalise « Médée » et « L'évangile
selon Saint Matthieu » et ne cache pas que
ses choix éthiques sont hérités des valeurs
chrétiennes. Je partage cette dialectique,
je sais que des Piéta chrétiennes ont eu
pour modèle Aphrodite portant le corps
d'Adonis.
Certains thèmes politiques et sociaux
vous tiennent à cœur, notamment dans
vos « Parcours », même si vous ne vous
revendiquez pas comme un artiste en-
gagé. Où situez-vous la nuance ?
Lorsque je choisis un thème à caractère
social ou politique c'est bien sûr parce
qu'il m'intéresse, que je souhaite l'appré-
hender, le comprendre mieux et que je
pense qu'il est assez riche pour me per-
mettre une recherche, une investigation
du sens et du sensible, de l'imaginaire,
des formes et de l'espace. Il ne s'agit pas
comme on peut l'imaginer d' « un artiste
engagé » de faire passer un message ex-
plicite et direct, mais de s'en saisir comme
une sollicitation à une recherche plastique
et poétique.
Quelques repères…
1972 Les Accidents du travail (Paris)
1972 Les Hommes bloqués (Paris)
1974 L’Homme et la Ville (Le Havre)
1975 Sur l’avortement (tours, Nice, Paris,
Avignon)
1975 Les Immigrés (Avignon)
1978-79 Rimbaud (Paris et Charleville)
1979 Les Expulsés
1984 Les Arborigènes (Jardin des Plantes,
Paris). Des statues vertes de chlo-
rophylle d'hommes et femmes nus,
juchés dans des arbres, composés
de micro-algues, de mousse de po-
lyuréthane, de végétation naturelle.
1988-95 Naples
1996 Derrière la vitre. Silhouettes peintes
dans des cabines téléphoniques
2002 Soweto-Warwick-Durban (Afrique du
Sud)
2003 Le Parcours Maurice Audin (Alger)
2009 Décoration monumentale de la
Cathédrale de Montauban, (vandali-
sée par des intégristes catholiques)
Pour en savoir plus
Extases, texte d’André VelterEditions Gallimard
Monographie Ernest Pignon-ErnestEditions bilingue français/anglais,
Bartschi-Salomon
Editions PARCOURS 1971-2009, film de Patrick Chaput et Laurence
Drummond
www.plaisirdimages.fr
Dessins préparatoires à la série Extases. © H. Lagarde
Difficile de passer à côté de Simone Dibo-
Cohen sans la remarquer. Quel amateur
d’art niçois n’a jamais croisé lors d’un
vernissage cette femme aux cheveux corbeau
coiffés en brosse et vêtue de noir, de pied en cap,
une pythie, une sorcière de la Hammer film ? Non
car d’aucun l’auront rencontrée à la Galerie ART 7,
qu’elle dirigea de 1991 à 2004 avant d’intégrer
« Vision Future ». Un autre espace plus modeste en
taille mais tout aussi atypique. Car jusqu’en 2009,
Simone présenta dans ce qui est une clinique ul-
tramoderne où l’on soigne les yeux ces artistes qui offrent, eux, un
nouveau regard sur le monde. « Dès que j’ai quitté la Galerie ART 7,
j’ai vécu une série noire durant laquelle j’ai perdu des êtres chers. Le
Docteur Chobard, un ami, m’a sauvé de la déprime en me confiant
un espace d’art au rez-de-chaussée de son établissement ». Un es-
pace qui ne fonctionnera pas comme une galerie lambda puisqu’il
s’agira pour Simone d’y dévoiler la collection de ce chirurgien et
grand collectionneur ainsi que ses propres découvertes. « Le soir
des vernissages, les œuvres, comme le public, investissaient tous les
étages. Une véritable affection nous liait mais d’un commun accord
l’an dernier, lui, ayant besoin d’espace pour se développer, et moi
ayant retrouvé mon énergie, nous décidâmes de ne collaborer que
pour deux événements annuels ». C’est à l’occasion du dernier en
date autour de l’œuvre de l’artiste Robert Roux que Simone décidera
de reprendre son envol : « J’ai à nouveau beaucoup de projets, je ne
veux pas rester chez moi à regarder la télévision, je veux mourir sur
scène ». Une profession de foi qui colle à la peau de cette passionnée
de sang corse qui fut d’abord attirée par les tréteaux avant de choisir
l’aventure humaine de l’art contemporain.
Sous la sciure, les cimaisesPar l’entremise de l’artiste et ami Yves Hayat et de Robert Roux, Simo-
ne déniche fin 2009 un local sur le boulevard de la Madeleine. « Nous
avons fondé une association et avec l’aide de Jean-Jacques Chobard
intégré ce qui fut pendant un demi-siècle une menuiserie ». Un grand
coup de balai et ça repart ! Une fois l’entrepôt débarrassé de son
épais manteau de sciures, la Menuiserie nouvelle mouture est inau-
gurée le 19 décembre. « Ce baptême improvisé où une trentaine d’ar-
tistes à l’approche des fêtes fixèrent le prix de leurs œuvres à un pla-
fond de 500 euros, fut un gros succès malgré la météo déplorable ».
Un succès qui sonne le retour de cette férue d’art sans compromis.
« Nous ne comptons pas vivre de subventions, mais faire de la me-
nuiserie un lieu incontournable ouvert aux artistes, bouillonnant, ico-
noclaste dans l’esprit défricheur de ART 7 », explique Simone. Il est
vrai que depuis sa fermeture, ART 7 n’avait pas trouvé à Nice d’équi-
valence en termes de stratégie d’accrochage et de volume. Car durant
Simone Dibo-Cohen : Fondu au noir enchaîné
Elle fait partie de ces personnalités qui n’ont pas ménagé leur talent afin de promouvoir l’art contemporain et ses artistes émergents sur la Côte. Signe particulier : elle s’habille de noir, aime briser les cercles, n’en fait qu’à sa tête et rien que pour vos yeux en 2010.
© J-C
h D
usa
nte
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L A V I E D E S A R T S p o r t r a i t34
son âge d’or, l’ex-galerie
des antiquaires sur la
Promenade disposait de
25 cabinets sur 1 200
m2, fédérant près de 30
créateurs au mois. Des
artistes qui ont répondu
présent à l’appel. « J’ai retrouvé ce climat qui m’a fait vibrer dans
ces 300 m2 avec verrière. Tout restera dans son jus, sauf les murs
que nous devons blanchir, pour en faire un espace de monstration
atypique mais aussi un lieu d’échanges avec son coin bar, des dîners
privés, et pourquoi pas des concerts ! » La prochaine expo qui aura
lieu en mars devrait surprendre. « Toutes les invitations ne seront
pas collectives, je souhaite également faire des monographies, j’ai
très envie d’exposer Ange Leccia, Riba, Reyboz, Hayat, Coville, Martin
Miguel, Pedinielli etc. Le choix se fera en fonction des propositions
en rapport avec l’identité du lieu ». Mais la Menuiserie qui ne devrait
être grande ouverte que lors des vernissages (au rythme d’un tous
les trois mois) et quelques jours par semaine n’occupera pas tout
l’agenda 2010 de Simone. Loin s’en faut…
De la Mairie du 17ème au Château de Cagnes « On dirait que tout ce que j’ai fait pendant 20 ans pour l’art me re-
vient aujourd’hui », commente Simone avant de dévoiler ses projets
en cours. Une série d’expos qui débutera le 16 février à Paris où elle
présentera à la Mairie du 17ème le travail de Robert Roux. Le 26
mars, direction Lyon où elle inaugurera avec Gérard Taride en même
temps que le lieu un nouveau cycle d’expositions à la clinique « Vision
future ». « Un espace de plain-pied plus grand que celui de Nice ».
En juin, retour au bercail pour un défi de taille. « Cet été je m’at-
tèle en tant que Présidente à redonner son lustre à l’UMAN*, une
manifestation initiée par Matisse et Bonnard ». Cette biennale 2010
ressuscitera à Cagnes, ville où l’événement prit racine. « Je voudrais
parvenir à faire tourner la Biennale dans tous les pays du bassin mé-
diterranéen, j’ai déjà eu des propositions du Maroc, de la Tunisie et
de la Corse, mais j’attends pour boucler d’avoir un circuit complet ».
La mairie de Cagnes-sur-Mer et Virginie Journiac, sa Conservatrice en
chef, s’apprêtent d’ores et déjà à accueillir, du Château à la Maison
des Artistes, une quarantaine de créateurs venus de Riviera, d’Espa-
gne, d’Italie, de Corse, d’Israël et du Maghreb. « Le vernissage aura
lieu le 26 juin… Je m’aperçois qu’il y a trois six dans toutes ces dates,
666, le chiffre du diable ! », s’étonne non sans ironie la dame en noir,
rajoutant aussitôt : « J’ai voulu une exposition de qualité, comme une
passerelle jetée entre les générations, les styles, les formes. Il y aura
des œuvres que l’on va aimer ou détester mais on n’en sortira pas
indemne ! »
*L'UMAM (Union Méditerranéenne pour l'Art Moderne). En février 1946 Matisse deviendra avec Pierre Bonnard co-président de cette association dont le but était de promouvoir l'art contemporain. Ainsi naitront à Cagnes sur mer le premier musée d’art contemporain dans le château des Grimaldi et à Nice la Galerie des Ponchettes au cœur d'un ancien arsenal.
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© J-C
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p o r t r a i t L A V I E D E S A R T S 35
Ci-dessus de gauche à droite :
Exposition collective inaugurale à la Menuiserie : portraits/masques de Yves Hayat, barreOmètre de Peter Larsen
Ci-contre :
Totems d’objets recyclés de Robert Roux
Photos © J-Ch. Dusanter
36 L A V I E D E S A R T S C o l l e C t i o n n e u r
© J-C
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usa
nte
r
Le cœur de sa collection, une
quinzaine d’artistes, 450
pièces dont une trentaine
exposées à son cabinet du Re-
gina. Les autres étant reparties
entre son domicile et les mu-
sées, car le Docteur Bernard
Massini prête beaucoup pour
les expositions. Mais qui est
vraiment cet homme que l’on
pourrait qualifier d’éminence
grise, tant il semble peser de
l’ombre de son poids sur la culture
de la ville ? Qui se cache derrière ce
regard bleu pâle, aussi vif que bien-
veillant ? Bernard Massini n’est arrivé
qu’à force de passion, de partage. Sa
force, il n’a de cesse de le répéter, il la
puise dans ses rencontres avec les ar-
tistes et dans son parcours. Un chemin
sinueux qui, lorsqu’on l’écoute, sem-
ble droit comme une autoroute. Pudeur,
peur du pathos ? Il l’avouera au détour de
la conversation : « je suis un hypersensible
qui a appris à contrôler ses émotions ». Et si
c’était la foi, celle qui s’exprime dans cette vi-
sion de la Divine Comédie signée Garouste ou
dans une crucifixion de Corpet installée dans
son bureau, qui guida ce petit-fils d’immigrés ita-
liens, de batteur d’orchestre à neurochirurgien, de
ses rêves d’enfant à ses rêves d’adulte ? C’est au
cœur de son cabinet de chirurgie à la fois cabinet de
curiosités chargé d’immenses toiles comme d’autant
de promesses que nous avons rencontré le Docteur
Bernard Massini.
De Bateco au regina« Il faut resituer les choses. On me voit collectionneur, grand
bourgeois mais en fait j’ai des origines modestes. Je suis
petit-fils d’immigrés italiens du coté de mon père et russe du
côté de ma mère ». Une mère employée d’usine, un père musicien
d’orchestre qui anime dans les années 50 les palaces et casinos. « J’ai
c o m -
m e n c é
moi-même, dès
15 ans, à vivre de la bat-
terie. Mon premier cachet, ce fut
pour un réveillon dans un pizzeria. »
Quand ses parents intègrent la mairie, la fa-
mille qui vivait dans un 26 m2 rue Pertinax emménage
à Nice Nord dans les HLM de Bateco. Mais la vraie embellie,
Bernard la connaîtra à 20 ans via Matisse, Picasso et… Emile
Marzet ? « J’enchaînais alors les cachets pour être autonome. Dans
une galerie rue de France, j’ai vu deux toiles de ce peintre menton-
Bernard Massini : Une Collection Émotion
Chirurgien et collectionneur d’art, le Docteur Bernard Massini n’est pas homme à se mettre en lumière et pourtant il œuvre pour rendre à Nice « Tout le bonheur que cette ville lui a donné ». Son cheval de bataille : faire du cabinet de chirurgie qu’il a créé au Régina un grand Centre d’art ouvert au public.
J’enchaînais alors les cachets pour être autonome. Dans une galerie rue de France, j’ai vu deux toiles de ce peintre mentonnais. J’ai acheté la première en payant sur 10 mois et la seconde 30 ans plus tard.
37C o l l e C t i o n n e u r L A V I E D E S A R T S
nais. J’ai acheté la première en payant sur 10 mois et la seconde
30 ans plus tard ». Ces deux tableaux qui sont aujourd’hui dans
sa chambre sont les prémices d’une collection qu’il qualifie de
« collection émotion ». Mais tout reste à faire lorsqu’il entame ses
études de médecine à Nice. Des études qui l’amèneront à exercer
à Clermont-Ferrand puis durant six ans à l’hôpital neurologique
de Lyon. Quand on lui propose de pren-
dre la direction du service, il refuse, pré-
férant « passer sa vie à Nice». De retour
au bercail en 1988, il poursuit de concert
métier et passion. Lorsqu’un beau
jour, il a l’opportunité d’acheter au
Régina où il vit depuis plus de
12 ans, un local puis deux
autres. L’architecte et ami
Marc Barani refond
l’ensemble pour en
faire un espace
d’exposition
en même
temps qu’un cabi-
net médical.
une seconde famille de cœurCar entre-temps, le Docteur Bernard
Massini, tout en s’intéressant à l’envers
du décor, a accumulé les œuvres. Tou-
jours des toiles car son unique passion,
c’est la peinture figurative, « la seule ca-
pable de capter et de rendre la dimen-
sion humaine comme la spiritualité ».
Ses achats, il ne les fera pas chéquier en
main dans des salles de vente. L’homme se rapprochera des artis-
tes, devenant intime avec certains dont les toiles habillent les murs
du Régina : Djamel Tatah, « qui me reçoit lorsqu’il va à Paris », Pat
Andréa, « que je connais depuis 30 ans », Denis Castellas, parti pour
New York, « il me manque mais on s’appelle », Vincent Corpet, Sté-
phane Pencréac'h, Valérie Favre, Gérard Garouste, Alun Williams.
« L’amitié, dit-il, c’est comme l’amour, un événement qui s’inscrit
dans la durée, si la rencontre se fait. On ne peut rien brusquer ».
Laissant faire le hasard, il se constituera ainsi une autre famille de
cœur. « Ma collection c’est ma vie avec les artistes. Une vie pleine
avec leurs enfants et les miens. Chaque tableau est un choix, je n’ai
pas de fortune personnelle, pas de bateau, de maison à la campagne,
rien de tout ça ! ». Bernard Massini, mécène ? Il préfère ce rôle, lui qui
échoua à aider les artistes en ouvrant des
galeries à Lyon, Paris puis Nice. « C’était
d’une grande naïveté, je suis chirurgien,
pas marchand ». Pour autant, ce passion-
né n’a jamais renoncé à faire partager aux
Niçois le bonheur que lui apporte ces dé-
couvertes. C’est ainsi que le concept du
Régina naquit, c’est ainsi qu’il est devenu
Président des amis du MAMAC, nouant
une réelle amitié avec Gilbert Perlein, son
Conservateur en chef. Ce n’est donc pas
un hasard si vous voyez les artistes de sa
collection exposer à Nice comme Vincent
Corpet actuellement. « C’est le fruit d’une
complicité et d’une réflexion avec cet
homme extraordinaire qui est une chance
pour la ville ». Son engagement vient de
franchir un nouveau pas : « j’ai accepté à
la demande de Sophie Duez de participer
à la Commission de réflexion sur la res-
tructuration des Abattoirs. Je crois qu’il
y a aujourd’hui des individualités fortes
comme Michel Sajn, Muriel Marland-Mili-
tello, Marianne de « l’éclat » qui, si elles
œuvrent en synergie, peuvent faire bou-
ger la culture à Nice ».
Une ville qui devrait hériter sous deux ans d’un nouveau Centre d’art
où Bernard Massini souhaite ardemment faire dialoguer les artistes
de sa collection avec des artistes historiques. « Quand je passais à
20 ans devant le Régina, j’étais fasciné par le fait que Matisse y ait
travaillé. J’aimerais que l’histoire se prolonge. Pouvoir abriter une
collection ici fut important pour moi. Aujourd’hui, il est enfin temps
de rendre ce lieu aux Niçois ».
Bernard Massini : Une Collection Émotion
Bernard Massini par Cédric Tanguy, Bacon, Friedrich & Velazquez, 2004. (120 x 160 cm)
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Ci-dessus : Le deuxième étage de la galerie/cabinet du Régina dessiné par l'architecte Marc Barani
Page de gauche : Bernard Massini s’amuse à piéger notre photographe devant une toile de Ronan Barrot (Le décors/2001) Photos © J-Ch Dusanter
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La cagoule blanche, 2006 Techniques : tricot laine, 40 X 50 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)
Série « The world is perfect » 2001 sans titre, 136 x 110 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)
Sur Florent Mattei on en sait un peu
plus. D’origine corse, du côté pater-
nel, l’artiste a grandi entre Nice et Pa-
ris. Fan de cinéma, il décide dès 14 ans de
se faire les dents sur la photo puis partira
pour la capitale où il décrochera une maîtri-
se en sciences techniques de la photogra-
phie. En revenant à Nice, il intègre, grâce
à son équivalence la Villa Arson une 4ème
année. Nouveau départ, diplôme en poche,
cette fois pour Marseille où on lui propose
une résidence à la Friche de la Belle de Mai.
En rejoignant la galerie Frank Elbaz à Paris
il réalisera sa première exposition et pré-
sentera son travail à « Paris Photo ». Il y
restera huit ans tout en gardant le contact
avec Nice. « J’ai commencé à travailler avec
Bertrand Baraudou en 1997 à l’époque où
il avait monté son site Web, la galerie Es-
pace à vendre rue Smolett n’existant pas
encore ». De retour à Nice, il y a deux ans,
il rejoint les artistes résidents de la galerie
montante, un gang de trublions ou sévit
Thierry Lagalla, connu lui aussi pour évo-
luer comme un chien dans le jeu de quilles
de l’art contemporain.
Hold up à la banque d’imagesToucher le plus grand nombre, c’est le cré-
do de l’artiste qui a choisi la photographie
comme médium. Florent regrettera tout de
même de ne pas avoir suivi de cours d’his-
toire de l’art car la peinture l’intéresse aussi.
Alors entre deux « investigations en cham-
bre » il comble la lacune. Ainsi ses coloriages
améliorés : « Cet exercice hors série est né
du désir de faire un vrai travail d’atelier qui
me permettait de m’immerger totalement
dans une œuvre. Un peu comme une grand-
mère qui fait du tricot devant sa cheminée ».
Ainsi s’attèlera-t-il à reproduire aux feutres
de couleurs et en grands formats des pein-
tures classiques et quelques œuvres plus li-
cencieuses (« J’aime la peinture »). Un travail
durant lequel il peut réfléchir à ses prochai-
nes estocades. Car c’est avec son objectif
que Florent injecte du sens là où il sent que
la faille peut devenir abîme. Sa cible : les co-
des que nous adoptons trop hâtivement et
qu’il piège en y introduisant ce petit grain
de sable qui fait tout dérailler. Et pour ce
hold up artistique, quoi de mieux qu’une
banque d’images. Ce nid où prolifèrent les
clichés dont la publicité se repaît. « C’est un
regard que je connais bien pour avoir réa-
lisé, à des fins alimentaires, des catalogues
de pub pour la grande distribution ». Alors
dans sa série « Les Incontrôlables », la blon-
de de rêve au sourire Hollywoodien finit avec
un bout de salade collé entre les dents. Le
jeune cadre dynamique en costard/attaché-
case/smart phone à qui tout sourit s’apprête
Florent Mattei Monsieur tout le monde
Florent Mattei s’engage sur tous les fronts avec ce sens du burlesque qui n’est pas vraiment au menu du cénacle de l’art contemporain. Son travail basé sur la photo explore l’univers du citoyen lambda. Mais au fait, qui est cet illustre inconnu que tout le monde semble connaître ?
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Ci-contre, de gauche à droite :
Série J'aime la peinture, 2005
Nue sur canapé (d'après le livre de François Bouchez, « L'Odalisque blonde » 1752) - technique : feutres sur papier, 144 x 164 cm, Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)
Le maladeAutoportraits (D'après des lithographies érotique) technique : feutres sur papier, 50 x 65 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)
Les anges ne savent pas voler 2007, 120 x 160 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)
Série Libertas, 2010 - sans titre, 76 x 100 cmCourtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)
lui à mettre le pied droit dans une déjection
canine etc… « La photo faisant 1,60 m, on
voit d’abord une image séduisante. Ce n’est
qu’en deuxième lecture qu’on découvre le
détail qui la condamne au ridicule ». Dans
une autre série qui fera l’objet de son pre-
mier accrochage à Paris, « The Word is per-
fect », il ira plus loin. « Les images glamours
publicitaires sont faites pour que l’on s’iden-
tifie aux sujets alors je me suis dit, je vais me
mettre à leur place. » Et au lieu de faire un
collage, il réalise un véritable shooting avec
casting, styliste et maquilleuse. « Sauf que le
bellâtre qui mesure d’habitude 1,85 m c’était
moi avec mes 1,70 m de physique très com-
mun et que le mannequin féminin me dépas-
sait d’une tête. Au final on se demande si
c’est moi qui suis ridicule ou le monde qui
m’entoure ». Ce premier travail de détourne-
ment où il se met en scène lui ouvrira une
porte. « Je l’ai fait au départ pour des raisons
pratiques, aujourd’hui je continue, c’est une
thérapie. Et puis j’ai le physique idéal, celui
de monsieur tout le monde ».
« M’as-tu-vu en cagoule… »Ce diktat de la perfection, déployé par no-
tre grammaire visuelle mais détourné de
son but, désamorcé par le rire, a le pouvoir
d’inciter le quidam à la réflexion. Florent
Mattei ferait-il œuvre de résistance ? Et que
veulent dire ces cagoules qui fleurissent ça
et là dans ses travaux ? « J’aime ce côté de
l’identité cachée, qui fait que n’importe qui
peut ressembler tout à coup à tout le monde.
Elle est apparue dans mon travail après le 11
septembre avec la parano qui nous touchait
tous, surtout dès qu’on voyait un barbu avec
un gros sac dans un aéroport ». Florent se
servira de l’accessoire pour une photo pré-
sentée à l'Espace à Vendre où toute sa famille
pose en passe-montagne, enfant compris,
devant l’objectif. Puis il y eut la cagoule
blanche sur un fond blanc où tout disparaît,
même l’accessoire. Aujourd’hui l’artiste per-
siste et signe avec une série de portraits où
il revêt tour à tour ces cagoules qui, de par
le monde, sont autant de signes d’insoumis-
sion. Pas très politiquement correct ce défilé
de mode ? « La cagoule, c’est un signifiant
éminemment populaire d’opposition. Dans
« Nobody », une série de 40 autoportraits,
je portais 40 chapeaux, de la chapka au bob
Ricard. Des accessoires qui finissent par pa-
rasiter l’identité, la réduire. Cette fois je suis
allé plus loin en masquant le visage. L’identi-
té même cachée reste forte, les yeux restant
toujours visibles ».
Prémices d’une révolution en marche ou
pas ? Florent Mattei a, quoiqu’il en soit, déjà
commencé la sienne en visant non sans ju-
bilation le talon d’Achille de nos sociétés de
consommation. En désamorçant son pathos
par le burlesque. En convoquant l’absurde
à toutes fins utiles. Un travail qui fait de lui
un ovni dans le monde de l’art contempo-
rain, mais qui redonne du baume au cœur
et du grain à moudre à… monsieur tout le
monde !
Florent Mattei a investi avec « Libertas » depuis le 5 février le Show room de L’atelier Soardi pour l’exposition « Maîtres et Valets ».
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7ème Edition du Salon d’ART accessible à TOUS
6 au 15 mars 2010 – de 10h à 19hPendant la Foire de Nice
2ème étage Palais des Expositions
80 EXPOSANTS
10 GALERIES D’ART
9 NATIONALITES
Tous les jours : 1 jour un auteur 11h00 - 14h00dédicace et lecture de livres d’un écrivain niçois en partenariat avec les Editions Gilletta.
Tous à la Photo : exposition de 10 photographesniçois reconnus, sélectionnés par ART COTE D’AZUR
www.nicexpo.org04 92 00 20 80
renseignements : www.tous-a-lart.com
41G a l e r i e L A V I E D E S A R T S
7ème Edition du Salon d’ART accessible à TOUS
6 au 15 mars 2010 – de 10h à 19hPendant la Foire de Nice
2ème étage Palais des Expositions
80 EXPOSANTS
10 GALERIES D’ART
9 NATIONALITES
Tous les jours : 1 jour un auteur 11h00 - 14h00dédicace et lecture de livres d’un écrivain niçois en partenariat avec les Editions Gilletta.
Tous à la Photo : exposition de 10 photographesniçois reconnus, sélectionnés par ART COTE D’AZUR
www.nicexpo.org04 92 00 20 80
renseignements : www.tous-a-lart.com
«En fait les murs appartiennent
à l’artiste Philippe Pastor qui a
intégré le lieu il y a huit ans. A
cette époque, c’était son atelier. Il s’en sert
aujourd’hui de QG, comprenant des bu-
reaux, des pièces de stockage et deux salles
où nous accrochons les œuvres d’artistes
avec lesquels il partage une certaine idée de
l’art », explique Marion Blandin, en charge
depuis deux ans de Monaco Modern Art.
philippe pastor : naturellement !Philippe Pastor qui a exposé ses œuvres dans
de nombreux espaces publics et privés tels
que la Modern Art Gallery de Miami (2003)
et le siège des Nations Unies de New York
(2008) a représenté la Principauté de Mo-
naco à la Biennale de Venise 2009. Né à Mo-
naco en 1961, il est également connu pour
son implication dans la sauvegarde de la
planète. En témoigne sa série sur les cœurs,
qui sommeillent ici entre deux expositions,
tout comme deux grandes toiles « Les qua-
tre saisons ». Ces toiles peintes puis livrées
aux intempéries, « au temps qu’il fait », afin
d’instaurer un dialogue entre l’homme et
la nature, furent présentées à la Biennale
de Venise. Avec « le ciel regarde la terre »,
une autre série de peintures en techniques
mixtes exprimant le délabrement quasi pro-
grammé de la nature, les travaux récents de
Philippe Pastor pointent l’impact de l’homme
sur l’environnement. « Ces séries qui offrent
une sorte de pendant en termes d’art plasti-
que à l’engagement de Y. Artus Bertrand est
un « work in progress » qu’il débuta en 2003
par « Les arbres brulés », explique Marion.
Ces sculptures totems furent créées à partir
des troncs calcinés de la forêt de la Garde
Freinet dans le Var, dévastée par un incendie
puis vendues au profit de l’association « Art
et environnement » initiée par P. Pastor. Car
la vente de ces œuvres lui permet, en par-
tenariat avec d’autres organisations reliant
l’humain, le social et l’environnemental, de
soutenir des programmes telle que la refo-
restation du Kenya. Mais l’artiste dont le tra-
vail tend vers l’abstraction a abordé durant
sa carrière bien d’autres thèmes, la femme,
les taureaux, les généraux etc. Et au fil de
ses rencontres, il aime aussi promouvoir
les talents émergents ou complices. Cer-
tains sont invités à la galerie monégasque,
d’autres partagent avec lui les expositions
auxquelles il est convié de par le monde.
De Bill Wyman à Marcelline lapouffe L’espace galerie fonctionne ainsi selon l’hu-
meur et les disponibilités de chacun. Pas
de calendrier, ou de vernissages imposés,
mais deux vitrines ouvertes aux découvertes
de Philippe et aux travaux des artistes rési-
dents. Ici ont déjà été exposés des créateurs
aussi différents que Louis Canes, connu en-
tre autre pour sa participation en 1970 au
mouvement Support-Surface. Bill Wyman,
l’ex-bassiste des Rolling Stones, y dévoila en
2008 des photos inédites de sa vie avec le
groupe et quelques portraits de celui qui fut
Monaco Modern Art Ceci n’est pas une galerie !Étrange, cette galerie ouverte de plain-pied sur l’avenue Princesse Grace, en face du Forum Grimaldi. Atypique parce qu’elle tient plus d’un grand appartement que d’un White cube taillé pour l’accrochage. Mais où sommes-nous vraiment, Marion ?
Philippe Pastor. Photo Didier Gicquel Arbres Brulés Route des Plages
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son voisin et ami à Vence : Marc Chagall.
Stefano Bombardieri, artiste italien (vivant à
Brescia) installa ses sculptures mettant en
scène un étrange bestiaire (rhinocéros, ba-
leine), sorte d’acte 2 de l’Arte Povera. « De
façon plus régulière, nous suivons le travail
de Manuella Ferré qui n’est autre que la fille
de Léo Ferré. Une jeune femme enjouée
née en 1978 à Monaco comme son illustre
père mais qui accouche d’œuvres très som-
bres telle sa série de sculptures consacrées
à la lapidation ». Elle façonna ainsi en 2003
le buste Saphya représentant une femme
avec des clous dans la bouche en réaction à
la tragédie que vécut une nigérienne violée
puis condamnée à être lapidée pour adul-
tère et finalement graciée sous la pression
internationale. C’est un tout autre travail
qu’accueille actuellement l’une des vitri-
nes de la galerie. En passant sur le front de
mer, les monégasques peuvent assister à un
étrange spectacle où des squelettes décom-
plexés s’en donnent à cœur joie. Une sorte
de « Crypt Show version Bling Bling » revu
par une artiste qui s’est sobrement baptisée
« Marcelline Lapouffe ». Marcelline, c’est
Madam X ! On ne sait rien d’elle, si ce n’est
qu’elle a 26 ans, qu’elle vit dans le sud (à
Monaco ?), est autodidacte et aime les osse-
ments et tout ce qui brille. Ainsi sa première
pièce « Luxure » présentant un squelette
customisé en perles de Swarosvki « collées
à la main » en compagnie d’un cochon rose
très glamour, côtoie un de ses (nos) congé-
nères chevauchant lui un cyclo, le virus du
Sida sur l’épaule. Cet univers qui flirte avec
le « mauvais goût dandy » de Bruno Pelassy
ou de Cédric Tanguy convoque le pop art, le
trash et le néo-gothique, le tout passé à la
moulinette et grillé au second degré. « Tou-
tes les pièces réalisées en technique mixte
sont d’abord chinées puis montées à la main.
Sur le même modèle, Marcelline s’est aussi
attaquée à d’autres parties de l’anatomie :
crânes, cœurs, cerveaux, etc… mais aussi à
des revolvers, appareils photos, jouets, avec
le désir de représenter le morbide, le kitsch,
le « tabou » sous un autre jour comme un
pied-de-nez, un clin d’œil à la vie ».
« L’essentiel de notre travail consiste à ac-
compagner nos artistes, à organiser des ex-
positions ou événements hors cadre. Nous
préférons aller vers le public plutôt que de
l’attendre », explique Marion. Une stratégie
qui fonctionne. Marcelline Lapouffe qui a
exposé en 2009 à Saint-Tropez, San Marino
puis à Paris, vient d’installer un showroom
à Londres aux côtés de Philippe Pastor. Sa
pièce « Luxure » part bientôt dans un musée
en Grèce alors qu’avec Monaco Modern Art
elle s’apprête à éditer son premier catalo-
gue. Quant à Philippe Pastor il prépare ac-
tivement ses showrooms de Miami, Moscou
ainsi qu’un autre plus proche de son QG,
puisqu’il est l’un des prestigieux invités du
salon ART MONACO’10 qui se tiendra du
29 avril au 2 mai au Grimaldi Forum.
Stefano Bombardieri, Barriera invisibile
Stefano BombardieriIl peso del Tempo Sospeso
Stefano BombardieriEsercizi di tecnica giapponese
A gauche : Marcelline lapouffe, mom’s heart, 2009, Technique mixte
Ci-dessus : Marcelline lapouffe, Le silence qui tue. Il n’y a rien de pire que les gens qui n’ont rien à dire; ça vous tue comme un putain de silencieux
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