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Architecture, nature et culture Le bois : comment son origine naturelle peut-elle être exprimée dans les constructions européennes actuelles ? Laura Langlois Mémoire de master Décembre 2010 Directeurs de mémoire Jean-François Blassel Guillemette Morel-Journel Juliette Pommier Ecole d'architecture de la ville & des territoires à Marne-la-Vallée Document soumis au droit d'auteur

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Architecture, nature et cultureLe bois : comment son origine naturelle peut-elle être exprimée dans les constructions européennes actuelles ?

Laura Langlois

Mémoire de masterDécembre 2010

Directeurs de mémoireJean-François Blassel Guillemette Morel-JournelJuliette Pommier

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Inscrit dans le thème général de la relation entre architecture, nature et culture, ce mémoire traite de la question des matériaux naturels à travers un exemple, le bois., structure naturelle issue d’un organisme vivant, l’arbre.L’engouement pour le développement durable oriente aujourd’hui les discours et la recherche sur ces matériaux que l’on dit naturels. Pourtant, la chaine de transformation de la matière première s’est considérablement complexifiée depuis l’industrialisation des techniques de construction. Il est ainsi difficile de dissocier la part du naturel et de l’artificiel dans l’usage des matériaux.On se demande ainsi comment l’origine naturelle du bois peut-elle être exprimée dans les constructions européennes actuelles.

La question n’est pas tant de mesurer l’artificialité du matériau, mais plutôt d’évaluer sous quelle forme apparaît son origine naturelle, afin de déterminer quel sens attribuer au terme de matériau naturel.

Le mémoire est articulé autour de trois points de vue architecturaux dont les productions se situent à trois étapes de la chaîne de transformation du bois. Deux réalisations de l’agence Edward Cullinan Architects, qui utilisent un bois peu transformé (le bois rond et le bois encore vert) sont d’abord étudiées. Puis, à travers l’exemple de P. Zumthor est analysée l’expression des propriétés visibles et intrinsèques du bois scié et sec. Pour finir, il s’agit de comprendre la tendance actuelle de la construction bois, qui allie démarche environnementale et matière première naturelle de plus en plus transformée, dans des architectures de panneaux en bois (exemple de H. Kaufmann).

Pour l’analyse, la matérialité, indissociable de l’expression d’un matériau en architecture, est mise en relation avec la situation du bois dans la chaîne de transformation, et avec ses propriétés naturelles mises en avant. On verra ainsi que l’expression de l’origine naturelle du bois se fait par de multiples moyens, parfois voulus par l’architecte, et même dans le cas où la transformation du bois est importante. Elle passe par sa perception par les sens, peut se manifester concrètement, être évoquée métaphoriquement ou encore apparaître de façon conceptuelle.

Résumé

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Included in the general theme “architecture, nature and culture”, this study deals with the question of natural materials through the example of wood, natural structure coming from a living organism, the tree.The increasing interest for the sustainable development brings architectural research to these natural material. However, wood processing has grown and made more complex since the industrialization of construction technologies. Natural and artificial are difficult to separate from one another.

How the natural origin of wood can be expressed in the current European constructions? The question is not to estimate the artificial part but rather to figure out which characteristics of the natural origin are shown. The idea is to understand which meaning is given to the term « natural material ».

The study is based on three architectural points of view, where timber is used at different stages of the wood processing. Two buildings made by Edward Cullinan Architects are firstly analyzed. They use a very slightly manufactured wood : roundwood and green wood. Then, through the example of P. Zumthor, is studied the expression of the sawn-and-dried wood properties (visible and intrinsic). Finally, the current trend of the timber construction, which combines environmental issues and more and more manufactured raw materials, is mentionned with the wooden panels (example of H.Kaufmann).

For the analysis, the materiality (inseparable from the expression of a material in architecture) is related to the location of wood in the timber processing chain, and to the natural properties which are highlighted in the examples. The expression of the natural origin of wood is possible through multiple ways, wished sometimes by the architect. It can be perceived by the senses, concretely shown, metaphorically evoked or it can appear in a more conceptual way.

Abstract

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Laura Langlois

Mémoire de master Matières à penserDécembre 2010

Directeurs de mémoireJean-François Blassel Guillemette Morel-JournelJuliette Pommier

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Introduction 9

Avant-propos: la forêt, un milieu naturel? 15

1. Degré Un, bois rond et bois vert: la mise en œuvre comme dernière transformation

21

1.1 Le bois rond: matérialité évidente 23

Hooke Park, une architecture manifeste 23

Utiliser le naturel, accepter le non-maîtrisé 25

Exploitation des capacités structurelles du bois rond 27

Matérialité sensible et imaginaire 27

1.2 Le bois vert et les structures en «gridshell»: naturalité conceptuelle et matérielle 31

L'étape du sciage 31

Le Downland Gridshell, une conception interdisciplinaire pour une construction peu traditionnelle

31

Un matériau souple fondateur du projet 33

Une conception organique: optimisation de la matière et de la forme 35

Une mise en oeuvre en mouvement 39

Une forme tout en courbes 41

2. Degré Deux, le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

43

2.1 Révélation de propriétés intrinsèques à travers une matérialité sensible 45

2.1.1 Le jeu du bois, expression d'un phénomène naturel 45

2.1.2 Peter Zumthor et l’idée du mouvement du bois, le Corps Sonore 45

2.1.3 Peter Zumthor, la maison Gugalun 49

Réaction vis-à-vis de l’humidité 51

Capacité isolante 55

2.2 Matérialité visible: de la lisibilité authentique à l’artificiel 57

Du tronc à la planche 57

Structure interne et état de surface 59

Etude des propriétés mécaniques: de la matière première au matériau 61

3 Degré Trois, panneau et composites: du matériau au produit

65

3.1 Le bois lamellé-collé: dépassement de l’échelle naturelle du bois 67

3.2 Hermann Haufmann, la dimension écologique appliquée à l’utilisation de panneaux bois

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3.2.1 Matérialisation d’une technique naturelle d’efficacité 71

Technologie des panneaux à éléments orientés 71

Technologie composite 73

Multifonctionnalité 73

3.2.2 Dimension écologique 75

Capacité naturelle du bois à stocker le carbone 75

Cycle de vie 77

Le bois, nouveau produit? 78

Conclusion 81

Bibliographie 85

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Ce mémoire porte sur la relation entre architecture, nature et culture, et plus précisément sur la question des matériaux naturels.Ces matériaux renvoient en général aux premières constructions humaines, souvent caractérisées par une intervention minime de l’homme sur ce que la nature peut offrir. En Europe, l’usage de ceux-ci se raréfie au profit de l’acier et du béton dans les pays marqués par la révolution industrielle de la deuxième moitié du 19ème siècle, et particulièrement en France. Ils réapparaissent ensuite dans les années 1970, de manière isolée avec l’essor de mouvements écologiques.L’engouement pour le développement durable oriente aujourd’hui les discours et la recherche sur ces matériaux que l’on dit naturels. Pourtant, la chaine de transformation de la matière première s’est considérablement allongée et complexifiée depuis l’industrialisation des techniques de construction. Il est ainsi difficile de dissocier la part du naturel et de l’artificiel dans l’usage des matériaux.

La recherche se concentre ici sur le bois, qui a pour intérêt d’être à l’origine un véritable produit de la nature. L’homme n’intervient pas sur la fabrication de cette structure naturelle complexe qui permet le développement d’un organisme vivant, l’arbre.Cependant, son utilisation par l’homme semble l’éloigner de son état et de son rôle premiers. Comment l’origine naturelle du bois peut-elle être exprimée dans les constructions actuelles? L’étude tente de retracer le parcours du bois depuis l’arbre jusqu’au bâtiment, afin de chercher, dans l’épaisseur du processus de transformation, dans quelle mesure l’expression de l’origine du matériau dépend des degrés de transformation de la matière. Au premier abord, on peut en effet penser que plus un matériau est transformé, moins son origine est présente. Néanmoins, la question n’est pas tant de mesurer l’artificialité du matériau, mais plutôt d’évaluer sous quelle forme apparaît son origine naturelle. Quel sens peut-on ainsi attribuer au terme de matériau naturel?

La question des matériaux en architecture est très liée à celle de la matérialité.

Introduction

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Selon l’ouvrage Matérialité de M. Hegger, « la matérialité résulte des matériaux »1 L’architecture acquiert une réelle existence à travers la matière. Sa dimension matérielle la fait passer du projet à la réalité. Elle permet son usage : l’architecture devient habitable. Les matériaux lui confèrent ses qualités sensibles (effet, apparence, climat intérieur), répondent à des besoins (abri vis-à-vis des intempéries, confort) et permettent sa faisabilité constructive (propriétés mécaniques). L’expression de l’origine naturelle du matériau passe ainsi par la matérialité de l’architecture.Trois niveaux de signification sont donnés au mot matérialité dans cet ouvrage : une matérialité intrinsèque, issue de l’ensemble des aspects de la matière, une matérialité visible, qui fait référence à l’apparence d’un bâtiment et du rôle des matériaux dans la perception d’un espace, et une matérialité imaginaire, qui implique l’idée d’un usage du matériau pour ce qu’il peut évoquer ou symboliser2.

En ce qui concerne la notion de degrés de transformation, elle fait référence à l’existence d’une industrie du bois. La question qui se pose est alors la suivante: dans ce cadre industriel, le bois peut-il être envisagé comme une matière première, un matériau et un produit? On considère ici qu’un matériau est issu de la transformation d’une matière choisie spécifiquement pour ses propriétés et pour une construction précise. Un produit résulte également d’une action de l’homme sur la matière, mais il n’est pas entièrement défini par les caractéristiques de la ressource, contrairement au matériau. L’homme donne au produit une valeur ajoutée que n’a pas la matière première. Ainsi parler du bois en tant que matériau, c’est supposer qu’il possède encore en majeure partie des propriétés d’origines naturelles, et que ces propriétés sont exploitées. Le qualifier de produit oblige à regarder ce qui, parmi ses caractéristiques, lui vient de l’homme ou de la nature.

Le mémoire s’appuie sur un ensemble de bâtiments où le bois est au cœur de leur architecture, et ce dès la conception. Ce sont des bâtiments contemporains, réalisés ces quinze dernières années essentiellement en Angleterre, Allemagne, Suisse et Autriche. On peut en effet identifier deux grands foyers de développement de la construction en bois en Europe : un « croissant » germanophone (Suisse, Autriche, Allemagne) centré sur la région du Vorarlberg en Autriche, et un groupe constitué par les pays Scandinaves.L’interdisciplinarité caractérise ces mouvements, où chercheurs, ingénieurs, architectes, constructeurs et autres professionnel du bois sont associés. En témoignent par exemple les nombreux salons et conférences sur la construction en bois, comme par exemple le « Internationales Holzbau Forum » (forum annuel qui a lieu au sud de Munich et qui s’accompagne d’évènements ponctuels au cours de l’année un peu partout en Europe), dans lequel on retrouve aussi bien des constructeurs locaux que des professeurs universitaires venus de Munich, Vienne ou Helsinki.

1 Manfred Hegger, Matérialité, Birkhauser, Bâle, 2007, p5.2 HEGGER Manfred., Matérialité, Birkhauser, Bâle, 2007, 88p.

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L’analyse du corpus, qui se compose des documents présentant les projets et des discours des architectes, se fait par plusieurs questionnements.En premier lieu est ciblé le niveau de transformation du bois utilisé. La chaîne de transformation se caractérise par un certain nombre de degrés précisément définis, dont le principe est le suivant : à chaque « sortie » du bois de la chaîne (pour être utilisé dans la construction) est associée un degré de transformation.Ainsi le degré Zéro pourrait correspondre à un usage du bois tel qu’il est à l’origine, à l’intérieur de l’arbre encore vivant. Son application en architecture est quasi-inexistante aujourd’hui, sauf par exemple dans les habitats en hauteur du peuple Korowai (Irian Jaya, Indonésie).On distingue ensuite un degré Un, qui va du bois rond issu de la coupe, au bois vert qui vient juste d’être scié.Le degré Deux concerne les bois dits massifs, qui sortent de la scierie et du séchage, et qui sont encore des éléments unidimensionnels.Dans le degré Trois , le bois après sciage, déroulage, tranchage ou trituration, subit de nouvelles transformations comme le collage par exemple. Le bois dépasse alors l’échelle naturelle de l’arbre (bois-lamellé-collé) pour devenir un élément bi-dimensionnel à travers la gamme étendue de panneaux ou de produits composites. L’intervention de l’architecte est également localisée dans la chaîne de transformation.En parallèle sont repérées les caractéristiques naturelles qui entrent en jeu. De quelle nature parle-t-on?Enfin la matérialité de l’architecture est étudiée sous l’angle des trois définitions de M.Hegger. mises en relation avec la situation du bois dans la chaîne de transformation, et avec les propriétés naturelles du bois mises en avant.

Le mémoire est articulé autour de trois points de vue architecturaux dont les productions se situent à trois étapes de la chaîne de transformation du bois.Compte tenu de ce choix d’étude, on aurait pu retenir, pour appuyer le propos, des exemples d’utilisation en série des produits industriels du bois. Cependant, il s’est avéré plus intéressant de choisir un corpus de démarches plutôt isolées, mais centrées sur l’utilisation du bois pour ses caractéristiques naturelles.Il s’agit plus particulièrement des recherches de l’agence anglaise Edward Cullinan Architects sur l’utilisation du bois rond et vert, du travail sur le bois massif proche de l’artisanat du suisse Peter Zumthor, et finalement de l’exemple de Hermann Kaufmann avec les panneaux préfabriqués. Les approches de ces trois agences vis-à-vis du bois ne sont pas identiques, et peu représentatives des pratiques courantes. Elles ont pourtant un point commun, celui d’adopter une démarche exploratoire. Ce sont des architectures quasiment expérimentales. Elles sont le reflet d’une volonté d’utiliser le bois de façon innovante, en exploitant ses capacités naturelles malgré une association croissante avec la technologie au fur et à mesure que la chaîne de transformation s’allonge. L’origine naturelle du bois est ainsi exprimée de façon différente, ce qui permet notamment d’en appréhender toute la complexité.

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Foyers de développement de la construction en bois en EuropeLe pôle germanophone est centré sur le Vorarlberg, et sur les villes de Zurich, Munich et Lausanne. Il faut y ajouter le groupe des pays Scandinaves.

Localisation des bâtiments étudiés1. Résidence étudiante, Hooke Park, Cullinan Architects,1994.2. Downland Gridshell, Cullinan Architects, 2002.3. Pavillon Suisse, Hanovre, P.Zumthor, 2000.4. Maison Gugalun, Versam, P.Zumthor, 1994.5. Refuge d’Olperer, Finkenberg, H.Kaufmann, 2007. Eco

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Pays Finlande Autriche Norvège Suède Allemagne France Royaume-Uni

Conso.bois parhabitant

1,00m3/hab.

0,680m3/hab.

0,600m3/hab.

0,430m3/hab.

0,210m3/hab.

0,183m3/hab.

0,160m3/hab.

Proportion de constructions en bois dans le secteur des maisons individuelles en Europe (chiffres de 2002)Bien que les maisons individuelles ne soient pas le seul secteur d’utilisation du bois, ces chiffres montrent bien l’importance de ce matériau dans les pays scandinaves notamment.

Consommation de bois par habitant (chiffres de 2002)Là encore le bois est majoritairement utilisé en Scandinavie et au niveau du «croissant» germanophone.

1

2

Source: chiffres issus d’une enquête du Centre National pour le Développement du bois d’octobre 2003 sur le marché de la construction individuelle, citée dans le rapport d’étude Le bois dans la construction du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (www.cstb.fr)

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Avant-propos

La forêt, un milieu naturel?Les forêts d’Europe sont loin d’être des forêts primaires. Historiquement, elles ont été défrichées et reboisées, exploitées et protégées. L’action de l’homme sur ce milieu naturel est indissociable de son développement.

Reboisement artificielLa surface de la forêt française, par exemple, n’a pas cessé d’évoluer au cours du temps : de grandes périodes de défrichements (au Moyen-Age, quand le bois est le principal combustible et une matière première privilégiée pour la construction, au 16ème et 17ème siècle avec le début d’activités industrielles) alternent avec des périodes d’accalmie où la forêt regagne du terrain (guerres, épidémies).Entre le 18ème siècle et aujourd’hui, la surface boisée est passée de 9,4millions d’ha à 16millions d’ha environ1. Cette augmentation n’est pas due à un phénomène naturel mais à une politique volontariste de reboisement qui s’affirme au 19ème siècle.Deux éléments marquent particulièrement cette volonté : la loi sur la Restauration des Terrains en Montagne (1864-1882), et les plantations intensives de pins maritimes qui donnent naissance à la forêt des Landes de Gascogne. Avec ses 1millions d’ha, cette forêt est actuellement un des plus grands massifs d’Europe occidentale. Bien que le pin maritime soit présent à l’origine (200 000ha avant 1900), les plantations artificielles ont contribué à modifier le paysage à l’échelle du territoire.2

La forêt garde ainsi des traces de l’action de l’homme. La forêt des Landes se démarque notamment par un parcellaire d’arbres ayant le même âge et la même taille. Une biodiversité et un sol particulier caractérisent les forêts reboisées sur d’anciennes terres cultivées (certaines espèces champêtres sont présentes et des espèces forestières absentes, comme dans la forêt de Haye en Lorraine par exemple, qui n’existait pas à l’époque Gallo-romaine3).

1 www.onf.fr2 SARGOS Jacques, Histoire de la Forêt landaise, Editions L’horizon chimérique, Bordeaux, 1997,

480p.3 www.inra.fr

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1. Reboisement dans les Pyrénnées (Ariège) en 2005: ré-introduction d’espèces étrangèresDes résineux venant d’Amérique du Nord (sapin Douglas) ont été introduits dans cette rérion après la Seconde Guerre Mondiale. Ils sont aujourd’hui replantés en bande sous les hêtres d’origine. Source: ARTHUS-Bertrand Yann, Une France vue du ciel, Editions de La Martinière, Paris, 2005, 240p.

2. Répartition des feuillus et des résineux en France: importance de la forêt des Landes de GascogneLes plantations massives de pin maritime dans les Landes ont marqué le territoire en créant une forêt d’un million d’hectar.

Source: Carte de répartition des résineux et des feuillus en France, www.cndb.org

1

2

Forêt des Landes de GascognePlantations massives

Forêt de HayeTraces d’une ancienne exploitation agricole

Massif pyrénnéenReboisement avec des espèces d’Amérique du Nord

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Autres singularités: l’introduction d’espèces étrangères telles que le douglas d’Amérique du Nord, ou la plantation d’une seule essence. L’Autriche a ainsi organisé un reboisement massif d’épicéas au 19ème siècle, raison pour laquelle 80% des forêts autrichiennes sont aujourd’hui composées de conifères.1

Par ailleurs, on peut lire sur le site du Comité National pour le Développement du Bois que 80millions d’arbres sont chaque année plantés en France, soit 2,5 arbres par seconde!2

SylvicultureDes organismes publics et privés sont chargés non seulement de protéger mais aussi d’exploiter les forêts. La transformation du bois est inscrite dans un système industriel qui commence déjà avec l’exploitation de la forêt. La grande majorité des massifs forestiers d’Europe est en effet destinée à la production de bois (95% de la surface boisée française appartient aux forêts de production par exemple3). Cela explique également pourquoi les plantations sont aussi importantes. L’idée est de maintenir une forêt jeune et en croissance, afin d’avoir du bois exploitable d’une part, et de maintenir un puits de carbone naturel d’autre part.Par ailleurs, la sylviculture agit aussi directement sur les arbres, dans le but d’optimiser la performance du bois. Elle favorise la croissance en hauteur, pratique des éclaircies régulières pour une meilleure mise en lumière des sujets sélectionnés, élimine les sujets malades, peu dynamiques, réalise un élagage précoce pour diminuer l’impact des nœuds. Tout cela influe, dans une certaine mesure, sur les caractéristiques dites « naturelles » du bois (résistance, aspect entre autres).4

ImportationsEnfin, on met souvent en avant le fait que le bois est une ressource locale et donc durable. Cependant, il faut remarquer que le bois utilisé dans la construction ne provient pas toujours des forêts proches. Le Royaume-Uni, par exemple, importe 90% du bois qu’il consomme.5

En ce qui concerne la France, environ 30% du bois utilisé est importé. Il s’agit pour les trois-quart de bois d’Europe, dont les principaux fournisseurs sont la Finlande, la Suède et la Russie. Un quart sont des bois tropicaux d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie. Environ 2% du bois vient d’Amérique du Nord.6

1 GAUZIN-MULLER Dominique, L’architecture écologique du Vorarlberg: un modèle social, économique et culturel, Le Moniteur, Paris, 2009, 405p.

2 www.cndb.fr3 www.ifn.fr chiffres de la campagne d’inventaire 2005-20104 www.onf.fr5 www.europarl.europa.eu/workingpapers/forest/, d’après les chiffres de la Forestry Commision6 Chiffres de 2001, selon www.boisforet-info.com, site édité par le CNDB sous l’égide du Conseil

Supérieur de la Forêt et des Produits Forestiers

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L’Europe et ses forêtsL’Autriche, la Suède et surtout la Finlande sont les pays les plus boisés. La majorité des pays européens sont cependant boisés sur presque un tiers de leur superficie. Le bois peut donc constituer une ressource locale (à condition qu’elle soit exploitable). Cela ne veut pas dire pour autant que la construction bois est très développées dans tous ces pays.

Taux de boisement des pays européens

Source: chiffres issus du site www.europarl.europa.eu/workingpapers/, d’après une étude faite en 1995 pour le Parlement Européen

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Proportion de forêt de productionEntre 80% et 95% de la surface boisée des pays européens repérés ci-dessus est classée en tant que forêt de production. Le système industriel dans lequel est insérée la construction en bois commence déjà dans la forêt.

Source: chiffres issus du site www.europarl.europa.eu/workingpapers/, chiffres de 1996;Office fédéral de l’environnement (OFEV), Annuaire La forêt et le bois 2009, Connaissance de l’environnement n°0925, Editions de l’OFEV, Berne, 2009, 190p. pour la Suisse (chiffres de 2008)

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1. Degré Un, bois rond et bois vert: la mise en œuvre comme dernière transformation

Rares sont les bâtiments contemporains pensés par des architectes qui ont recours à un bois non transformé. Les constructions employant des tiges encore vertes, ou bien des troncs issus directement de la coupe en forêt, sont les premiers témoins d’un usage du bois proche de son état d’origine.L’architecture vernaculaire regorge en revanche d’exemples où le bois est peu manipulé. La cabane, par exemple, est portée par l’arbre encore vivant. Les habitats en hauteur du peuple indonésien Korowai sont construits à 10m du sol (parfois jusqu’à 35m) pour des raisons pratiques (attaques et crues) mais sont également le reflet des hiérarchies sociales et de croyances. Une vision particulière de la nature, liée à une culture, s’est créée avec le fait de vivre dans un arbre.1 L’imaginaire de la cabane véhicule de la même manière une certaine idée de la nature centrée sur la forêt.

Les constructions en rondins (cabanes posées au sol) se retrouvent dans l’architecture vernaculaire européenne centrale et orientale, ainsi qu’en Asie ou encore en Amérique du Nord sous le nom de « log cabin » (du fait de l’expérience et de la culture des colons scandinaves, allemands et russes entre autres). Elles utilisent le bois scié, mais l’idée est d’exploiter le plus possible une ressource naturelle locale. Les troncs d’arbre sont en effet simplement empilés et encastrés perpendiculairement les uns aux autres, avec un transport et un travail du bois limité. Dans ces édifices, l’arbre est encore très reconnaissable. Les espaces créés par ces cabanes sont à l’échelle de la nature et à l’échelle de l’homme: traditionnellement, les dimensions maximales des pièces dépendent de la taille des troncs, et de la capacité d’un petit groupe d’individus à construire un bâtiment avec des moyens techniques réduits. La hauteur des « log cabines » ne dépasse pas celle de 6 à 8 troncs empilés, par exemple.2

Peut-on aujourd’hui concevoir des édifices à base de rondins, ou d’arbres vivants? Deux bâtiments de l’agence anglaise Edward Cullinan Architects ont été retenus pour leur utilisation particulière du bois sous une forme peu transformée. Il s’agit

1 HENDERSON Paula, MORNEMENT Adam, Treehouses, Frances Luch Ltd, Londres, 2005, 176p.2 BAHAMON Alejandro, VICONS Soler Anna, Cabane, Editions L’Inédite, Paris, 2008, 143p.

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1. Habitats en hauteur du peuple Korowai (Irian Jaya, Indonésie)Vivre dans un arbre encore vivant pourrait correspondre à un «degré zéro» de transformation du bois.

Source: HENDERSON Paula, MORNEMENT Adam, Treehouses, Frances Luch Ltd, Londres, 2005, 176p.

2. Assemblage des «log cabin»Les cabanes en rondins (construction en bois massif ) sont simplement assemblées par entailles sur les poutres ou les madriers empilés. Le bois ne repose pas sur le sol pour éviter insectes et eau.

Source: Croquis d’après l’ouvrage de BAHAMON Alejandro, VICONS Soler Anna, Cabane, Editions

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23Bois rond et bois vert: la mise en oeuvre comme dernière transformation

tout d’abord d’une résidence étudiante en rondins réalisée à titre de prototype (Hooke Park, 1994). Ce bâtiment permet à l’agence d’expérimenter les constructions en bois rond, ainsi que les structures de type « gridshell », qu’elle reprend par la suite pour une halle de musée (Weald and Downland Gridshell, 2002) que l’on appellera par la suite le Downland Gridshell. Ce musée présente l’intérêt d’exploiter les propriétés du bois vert. Bien que l’origine naturelle ne soit pas immédiatement perceptible, les caractéristiques du bois mises en avant sont celles qu’il possède dans l’arbre encore vivant.Ces exemples restent marginaux dans la construction bois, mais témoignent d’une approche expérimentale dont le bois peut encore faire l’objet, malgré son image de matériau traditionnel et donc connu.

1.1 Le bois rond: matérialité évidente

Il est aujourd’hui difficile de parler de « rondins ». Dans la filière de la construction bois, ces troncs à peine coupés et écorcés sont en effet appelés « bois ronds », et ont deux destinations. Les bois de bonne qualité ayant un diamètre jugé suffisamment large peuvent servir en tant que bois d’œuvre. Ils sont emmenés dans les scieries. Les bois de moins bonne qualité, plus petits, et souvent issus des éclaircies régulières effectuées pour faire de la place aux arbres plus compétitifs, entrent dans la catégorie des bois d’industrie. Ils seront transformés en particules ou fibres après trituration. Ainsi, nulle trace de rondins à l’intérieur du schéma industriel: les troncs sont soit redécoupés en éléments normalisés dans les scierie, soit décomposés. Une construction à base de rondins ne se fait que par une volonté du maître d’œuvre ou du maître d’ouvrage.

Certains architectes ont cherché à exploiter le potentiel de ces bois ronds. La démarche de la fondation Parnham sur le petit campus de Hooke Park, Dorset, Grande-Bretagne, en est un exemple. Hooke Park a été aménagé dans les années 1980 pour accueillir un centre d’enseignement et de recherche sur les nouvelles façons d’utiliser le bois dans la construction et l’ameublement. Il appartient aujourd’hui à l’école d’architecture Architectural Association. Le campus, situé au cœur d’une forêt, se remarque par trois bâtiments majeurs représentatifs d’une démarche particulière. Ils utilisent en effet les bois ronds locaux (hêtre et épicéa) classés en tant que déchets forestiers.

L’enjeu est ici de composer avec ce que l’on appelle les « défauts » et les faiblesses du bois (nodosité, petites sections, éléments courbes). Comment construire avec des éléments dont on ne choisit ni la forme, ni la taille, ni la constitution?

Une architecture manifesteBien que les architectures du campus se servent d’un matériau naturel très peu transformé par l’homme, ce n’est pas la première particularité qui est mise en avant dans les discours de la maîtrise d’ouvrage.L’architecture est clairement envisagée comme un manifeste contre le

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Expression de l’origine naturelle du bois · Laura Langlois24

1. Le bois au Royaume-UniL’Ecosse produit la moitié du bois de construction du pays. Les rondins de Hooke Park proviennent de la forêt locale, mais le bois vert du Downland Gridshell vient de Normandie.Source: Chiffres du site www.europarl.europa.eu (d’après la Forestry Commission)

2. Le campus de Hooke Park au milieu des boisLa résidence étudiante est perdue dans la végétation. Il n’est pas difficile de relier le bois à son milieu d’origine.Source: Image aérienne GoogleEarth.

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25Bois rond et bois vert: la mise en oeuvre comme dernière transformation

« gaspillage » de l’industrie du bois, qui commence lors de la sélection des arbres dans la forêts. Le terme gaspillage concerne en fait seulement le bois d’œuvre, car ces bois ronds sont tout de même exploités dans la filière des panneaux de bois et de la pâte à papier. Selon J.Makepeace, le directeur de l’école, «La Grande-Bretagne importe 90% de son bois de charpente et cependant les déchets de bois, qui représentent la moitié des coupes du pays, sont rejetés en tant que matériau de construction. En utilisant cette ressource, on peut améliorer la qualité et la productivité des forêts britanniques et réduire d’autant les importations»3. Avoir recours au bois d’industrie rond est donc envisagé comme un geste écologique, mais surtout économique. Cela l’inscrit dans une volonté de développement durable qui ne s’arrête pas à l’environnement. Utiliser ce bois directement dans la construction, sans passer par la trituration, est aussi une façon de réduire les dépenses (économiques et énergétiques) liées à cette deuxième transformation du matériau.

Cette démarche fait également écho aux notions de cycle, de réutilisation de la matière et de valorisation des déchets qui se retrouvent dans les écosystèmes naturels.

Utiliser le naturel, accepter le non-maîtriséLa fondation se sert aussi des bâtiments pour faire avancer la recherche dans ce domaine. Paradoxalement, alors qu’il semble aisé de prendre le bois tel qu’il est dans la forêt pour construire, cette pratique n’est pas autorisée en Angleterre. Le rapport de l’homme vis-à-vis du bois est ainsi ambigu. En effet, en tant qu’élément naturel bien particulier, le bois offre des avantages pratiques et écologiques: il s’agit d’une structure déjà formée avec une certaine résistance mécanique, ainsi qu’une ressource locale et renouvelable. Mais le fait que cette structure soit naturelle est aussi un inconvénient: chaque bois est différent, sa constitution dépend des conditions dans lesquelles il s’est formé. L’homme ne maîtrise pas ce matériau (bien qu’il essaie avec la sylviculture) car il n’en est pas le premier constructeur. Or l’augmentation de la chaîne de transformation avec le temps tend à montrer que la volonté de contrôler ce matériau est primordiale.

Utiliser des bois que l’on a classés comme inaptes à la construction est d’un plus grand enjeu qu’il n’y paraît. L’idée, relativement simple, de prendre le bois directement de la forêt, a obligé le dernier projet du campus à s’inscrire dans le cadre d’une étude universitaire (université de Bath) sur la technologie du bois rond. Ce bâtiment n’a pu être réalisé qu’en bénéficiant d’un statut d’édifice expérimental, ce qui lui a aussi permis d’être subventionné par le département de l’Environnement et de l’Industrie.4

3 John Makepeace, «Edward Cullinan Architects, Westminster Lodge», Architectural design, n°1-2, janvier-février, 1997, p57.

4 «Edward Cullinan Architects, Westminster Lodge», Architectural design, n°1-2, janvier-février, 1997, pp56-59.

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1.Montage de la structure du réfectoire (1985)Les troncs à peine écorcés sont laissés apparents à l’intérieur du réfectoire.Source: HERZOG Thomas, NATTERER Julius, Construire en bois, Presses Polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2005, 375p.

3. Extérieur et intérieur de l’atelier (1989)La structure de l’atelier, conçue par Buro Happold avec F.Otto, est un grand «gridshell». L’agence Cullinan Architects reprend ce type de structure pour la couverture de la résidence étudiante, et plus tard pour le Downland Gridshell.Source: www.aaschool.ac.uk

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2. Bois en tension sur coupes transversalesDes rondins élancés ont été choisis pour servir de «tirants» entre des portique en A. Source: HERZOG Thomas, NATTERER Julius, Construire en bois, Presses Polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2005, 375p.

3. Façades nord et sud de la résidence (1994)Le bâtiment au plan symétrique en croix n’a pas d’orientation particulière. Les pilotis font écho aux arbres environnants.Source: STUNGO Naomi, La nouvelle architecture du bois, Editions du Seuil, Paris, 1999, 239p.

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27Bois rond et bois vert: la mise en oeuvre comme dernière transformation

Exploitation des capacités structurelles du bois rondLe premier bâtiment réalisé sur le campus est le réfectoire, en 1985. Il résulte de la collaboration des architectes de l’agence ABK (P.Ahrends, R.Burton, P.Koralek) et du bureau d’étude structurelle allemand Buro Happold Engineers en collaboration avec Frei Otto. La même équipe achève ensuite en 1989 le grand atelier de l’école. En intégrant dès la conception ingénieurs et architectes, l’idée est clairement d’explorer les capacités structurelles du bois rond. Le réfectoire est un exemple de structure en portiques stabilisés par des éléments tendus. La résistance à la traction élevée du bois rond est ici exploitée: des troncs très élancés sont choisis pour servir de» tirants» entre les portiques. Quant à l’atelier, il s’agit d’une structure en «gridshell», c’est-à-dire un réseau en grille formant une coque à double-courbure.5

Le dernier bâtiment en date, une petite résidence étudiante conçue par l’agence anglaise Edward Cullinan Architects avec Buro Happold Engineers, est terminée en 1997. Sorte «d’objet» posé sur pilotis, il se place dans la continuité du «gridshell» de l’atelier, puisque l’agence a recours à ce type de structure pour soutenir la couverture végétalisée de la résidence. Le bois rond est également utilisé en structure de type poteau-poutre. Cette «cabane» de 160m² environ rompt ainsi avec l’architecture vernaculaire des rondins empilés. Le bois n’est pas utilisé de façon massive, mais plutôt en ossature. Les assemblages relèvent par contre d’un travail artisanal proche des encastrements traditionnels. L’idée est donc de trouver un langage architectural qui se démarque des typologies anciennes, tout en cherchant à s’adapter au matériau comme le faisaient les premiers constructeurs en bois.Le plan est en forme de croix, avec huit chambres (deux dans chaque branche) et un espace commun au centre (cuisine et réunion). Un bardage en planches peintes en brun foncé recouvre les façades extérieures tandis qu’à l’intérieur un enduit clair a été posé entre les poteaux laissés apparents.

Matérialité sensible et imaginaireL’origine naturelle du matériau est tout d’abord visible: la section ronde rappelle évidemment le tronc. De plus, l’architecte a choisi de mettre en avant ses caractéristiques visuelles. On peut ainsi remarquer dans la représentation graphique (en particulier sur la coupe) l’ attention particulière accordée au dessin des irrégularités et de la nodosité des éléments en bois. De même, les poteaux sont laissés apparents à l’intérieur, et l’ouverture zénithale de l’espace commun éclaire directement les bois du «gridshell». Selon E.Manzini, la surface est l’endroit où se concentre le «signifié de l’objet»6, c’est-à-dire là où nous apparaissent ses qualités, qualités que l’on peut appréhender par nos sens de la vue et du toucher. La matérialité est ici sensible.

Un autre indice de l’origine naturelle du bois est la dimension des éléments. Leur

5 http://www.aaschool.ac.uk/AALIFE/HOOKEPARK/hooke.php6 Ezio Manzini, La matière de l’invention, Editions du Centre G.Pompidou, Paris, 1989, p183.

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1.Echelle du bâtiment et relation à l’extérieurLa longueur des rondins ne dépasse pas 3m du fait de l’utilisation de «déchets forestiers». Les poteaux et poutres sont laissés apparents à l’intérieur.La lumière zénithale et l’éclairage artificiel mettent en avant le «gridshell» de toiture, (également visible à l’intérieur) et ses éléments en bois écorcé.L’allège des fenêtres des chambres est assez basse pour que l’on ait toujours une vue sur la forêt, même assis.

Source: Fond de coupe issu de l’article «Edward Cullinan Architects, Westminster Lodge», Architectural design, n°1-2, janvier-février, 1997, pp56-59.

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2. Dessin des singularités naturelles du boisL’architecte a accordé un soin tout particulier à la représentation des caractéristiques visuelles des rondins comme on peut le voir sur ce détail de l’élévation.

Source: Elévation issue de l’article «Edward Cullinan Architects, Westminster Lodge», Architectural design, n°1-2, janvier-février, 1997, pp56-59.

3. Les pilotis, détail Le tronc est très reconnaissable. On peut remarquer les assemblages qui relèvent de l’artisanat.

Source: Photographie entière: STUNGO Naomi, La nouvelle architecture du bois, Editions du Seuil, Paris, 1999, 239p.

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taille est en effet petite, étant donné que ce sont des bois d’éclaircies: 3m de long maximum, avec un diamètre compris entre 7,5cm et 15cm.7 L’échelle du bâtiment est ainsi donnée par la dimension des petits arbres. Les chambres font 3m de large, les poteaux 3m de haut, et les pilotis entre 2m et 3m. Les pilotis sont en fait constitués de trois éléments en forme de V qui diminuent les portées des poutres soutenant le plancher. Leur portée ne dépasse pas 2m50.Seuls les éléments du «gridshell» de toiture ont été collés bout à bout avec une coupe en biseau pour obtenir des éléments plus longs.

La dimension imaginaire, celle qui fait le lien entre le matériau et son origine par une association d’idées, est aussi présente. Le langage architectural adopté rappelle celui de la cabane (petite taille, visibilité des bois ronds, situation en plein milieu des bois etc.), en quelque sorte symbole d’une construction en bois faite à partir d’éléments trouvés sur place. Ensuite, les percements en bandeau des fenêtres des chambres ont été avancés vers l’extérieur de 50cm. Avec la forme du plan, les chambres sont comme projetées vers la forêt, le milieu d’origine du bois, qui est donnée à voir depuis l’intérieur, comme pour forcer le lien entre l’arbre et la structure. La couverture végétalisée, tout en servant une image de «bâtiment vert et naturel» rappelle qu’un matériau de construction peut pousser naturellement.Finalement, l’origine naturelle du matériau est assez évidente, d’autant plus que l’architecte a choisi de la montrer.

La démarche générale révèle une posture particulière de l’homme vis-à-vis de la nature: une sorte de respect pour les formes naturelles avec leur singularités de croissance. La mise en oeuvre ne cherche pas à faire intervenir d’autres matériaux que le bois. En effet, l’assemblage des éléments en bois se fait par emboitement ou par empilement. Les extrémités des poutres sont taillées en pointe pour entrer dans des trous creusés dans le haut des pilotis. Des cales palient l’inclinaison des pilotis par rapport aux poutres horizontales. Les bois du «gridshell» ont été courbés sur site à l’aide de cordes et de lests.8

Cependant, l’architecture dans son ensemble entretient un rapport assez ambigu avec son site, la forêt. Avec le matériau, elle semble s’en rapprocher, mais les pilotis l’en écartent, le bardage sombre, plus présent visuellement que les ouvertures, l’isole. Il en résulte un bâtiment-objet assez étrange, qui semble être posé là sans orientation particulière.

7 Compte-rendu de la conférence de John Romer (Edward Cullinan Architects), donnée le 07/02/10 dans le cadre du concours « L’esquisse verte » organisée par l’ARENE et l’ADEME

8 www.edwardcullinanarchitects.com

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1. Assemblage des rondins de Hooke ParkLes rondins sont taillés et s’assemblent sans pièces métalliques intermédiaires. Les pilotis reposent sur des plots en béton pour être isolés du sol.

Source: Croquis fait d’après photographies in STUNGO Naomi, La nouvelle architecture du bois, Editions du Seuil, Paris, 1999, 239p.

2. Salle commune de la résidenceLumière zénithale et artificielle éclairent le «gridshell» de toiture. Les rondins sont visibles à l’intérieur.

Source: Photographies in STUNGO Naomi, La nouvelle architecture du bois, Editions du Seuil, Paris, 1999, 239p.

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1.2. Le bois vert et les structures en «gridshell»: naturalité conceptuelle et matérielle

La réalisation des «gridshell» de Hooke Park a fait appel à une propriété bien particulière du bois : sa flexibilité, quand celui-ci est encore vert. Les bois de construction sont rarement utilisés courbes, et pour cause, ils passent tous par l’étape du séchage afin d’acquérir une certaine rigidité. Or, le bois est naturellement assez résistant pour porter l’arbre, et son taux d’humidité, qui le rend plus ou moins souple, est un avantage pour résister au vent. Peu d’architectures ont exploité cette capacité à se courber qu’a le bois encore vert. Les principaux exemples sont les structures à double-courbure des «gridshell».L’agence Edward Cullinan Architects semble avoir pris Hooke Park comme terrain d’expérimentation pour l’étude de ces «gridshell». Dans la continuité de cette recherche, elle réalise entre 1996 et 2002 une structure de ce type d’une plus grande envergure pour le Weald & Downland Museum (Sussex, Angleterre). Contrairement aux «gridshell» de Hooke Park, le bois n’est pas utilisé plein et rond de 15cm de diamètre, mais est il est scié en éléments minces et élancés (section de 3,5cm par 5cm9).

L’étape du sciagePuisque le Downland Gridshell utilise des éléments sciés, analysons rapidement les conséquences du sciage sur le bois avant d’aborder la question du bois vert et ses caractéristiques. Il s’agit d’une première étape dans la transformation du bois. Celui-ci y perd sa section ronde pour une section choisie par l’homme et souvent normalisée. Les troncs écorcés arrivant à la scierie sont appelés les grumes. Chargées sur un rail, celles-ci passent à travers un portique détectant la présence de métal qui pourrait endommager les scies, puis sont découpées en billots de 4 à 6m. Un logiciel détecte ensuite le profil des billots et optimise la découpe en fonction des demandes. En fin de chaîne la qualité est contrôlée, et les planches ou autres éléments sont classés en fonction des défauts repérés (noeuds, fentes). L’homme prend une certaine distance avec le matériau puisque le sciage est mécanique. Cependant, en fonction de la taille des scieries, il est plus ou moins présent, que ce soit pour le contrôle des défauts ou les découpes particulières.10

Dans la réalisation du Downland «gridshell», les lattes de bois sont sciées, mais gardent encore toutes les propriétés intrinsèques de l’arbre quand elles arrivent sur le chantier du bâtiment.

Le Downland Gridshell, une conception interdisciplinaire pour une construction peu traditionnelleLe Weald and Downland Museum est un musée en plein air qui importe des habitations régionales historiques en bois et les remonte sur place pour les

9 « Downland Gridshell, Sussex, Royaume-Uni», L’architecture d’aujourd’hui, n°342, septembre-octobre, 2002, pp42-44.

10 D’après une visite de la scierie d’Abreschviller (France), septembre 2009.

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1. En scierie: dépôt des grumes sur le railLes troncs sont déposés sur un rail qui les amène vers les scies mécaniques. Le bois scié perd sa section ronde pour des dimensions normalisées choisies par l’homme.

Source: Photographie prise lors de la visite de la scierie d’Abreschviller (France), septembre 2009.

2. Situation du Downland Gridshellne ceinture d’arbres entoure le musée. On a ainsi une vue directe sur le milieu d’origine du bois.

Source: Image Google Earth

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33Bois rond et bois vert: la mise en oeuvre comme dernière transformation

présenter au public. Le programme du nouveau bâtiment est double: abriter archives et objets anciens, accueillir un atelier d’assemblage des maisons ainsi qu’un centre d’étude des charpentes en bois. Il est donc composé de deux parties, un sous-sol semi-enterré en béton pour le stockage, et un rez-de-chaussée réservé à l’atelier et aux cours.

Cet espace est en fait une grande halle longue de 60m et haute de 10m. Sa largeur varie entre 16m et 11m du fait de son plan aux bords non-rectilignes. Le bâtiment est situé à l’écart des maisons exposées, dans un milieu valloné et boisé.Comme à Hooke Park, le projet n’est pas l’oeuvre de la seule agence d’architecture. L’équipe des concepteurs était constituée, en plus des architectes, du directeur du musée pour l’expertise, du bureau d’étude Buro Happold Engineers, de la compagnie d’échafaudage allemande Peri, et des charpentiers de la Green Oak Carpentry Company11. Il s’agit donc d’une équipe où chaque discipline entretient un rapport différent avec le matériau. Les premiers étudient sa résistance mécanique, les derniers sa mise en oeuvre.Bien qu’étant situé dans une région relativement boisée, le bois utilisé a été importé depuis une scierie en Normandie. Les raisons avancées ont été le coût élevé du chêne britannique, et le fait que l’exploitation normande était plus proche que celles du pays de Galle ou d’Ecosse.12

Enfin, la volonté du musée était d’avoir un bâtiment qui s’intègre dans l’environnement, et se démarque des constructions traditionnelles qu’il abrite. La structure en «gridshell» était un moyen de ne pas reproduire les charpentes exposées.

L’analyse de ce projet fait apparaîte l’origine naturelle du bois de quatre façons: à travers le concept architectural et structurel, la mise en oeuvre et la forme. L’idée d’organique traverse ces quatre éléments.

Un matériau souple fondateur du projetL’interêt de ce bâtiment réside dans le fait que la conservation des caractéristiques du matériau vivant est fondamentale pour sa mise en forme.Le choix du bois s’est fait autour de l’idée que la structure devait s’intégrer dans la forêt environnante, et ce en lien avec le programme.Le «gridshell» a imposé l’usage du bois encore vert pour la mise en oeuvre. En effet, seul un bois très humide peut supporter la flexion de la mise en forme sans emmagaziner de contraintes permanentes.Une des questions qui s’est posée lors de la phase de conception a été celle de l’essence du bois. Pour former le «gridshell», le bois doit en effet être le plus souple possible pour la courbure, tout en étant resistant. Le chêne, bois léger ayant apparemment un taux d’humidité relative élevé garantissant sa flexibillité, a

11 « Downland Gridshell, Sussex, Royaume-Uni, L’architecture d’aujourd’hui, n°342, septembre-octobre, 2002, pp42-44.

12 « Downland Gridshell, Sussex, Royaume-Uni, L’architecture d’aujourd’hui, n°342, septembre-octobre, 2002, pp42-44.

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1.Le Downland Gridshell, vue extérieureLe revêtement ne laisse rien apercevoir de la structure en «gridshell». La forme toute en courbe peut être qualifiée d’organique.

Source: « Downland Gridshell, Sussex, Royaume-Uni, L’architecture d’aujourd’hui, n°342, septembre-octobre, 2002, pp42-44.

2. Le Downland Gridshell, vue intérieureLa structure est révélée quand on entre dans la halle du musée.

Source: Photographie sur le site www.edwardcullinanarchitects.com

3. La Multihalle de MannheimCe «gridshell» de 1975 a servi de référence au Downland Gridshell pour l’étude structurelle, la mise en oeuvre et l’utilisation du bois vert.

Source: Photographie sur le site www.fourthdoor.org/annular/wp-content/uploads/2009/03/photo33_33.jpg

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35Bois rond et bois vert: la mise en oeuvre comme dernière transformation

été choisi en conséquence.13

Le concept du projet est ainsi fondé sur la capacité totalement naturelle d’un matériau à permettre une forme. La nature sert le projet.

Une conception organique: optimisation de la matière et de la formeL’architecture de l’atelier du musée est étroitement liée à sa structure. Un «gridshell» est une surface à double-courbure formée à partir d’un treillis de lattes de bois boulonnées ensembles dans deux directions, et espacées régulièrement.14

A plat, le treillis a un degré de liberté. Des assemblages particuliers relient les tiges. Ils permettent un mouvement des lattes qui autorise la mise en forme et la double-courbure. La caractéristique du «gridshell» est d’être une forme particulièrement optimisée. Elle a la rigidité d’une coque, mais en tant que grille, met en oeuvre moins de matière et est plus légère qu’une surface continue. Sous son poids propre, la structure ne travaille pas en flexion.Seules les charges de vent et de neige amènent des moments de flexion, ce qui nécessite des liaisons diagonales entre les parallèlogrammes du treillis.

Dans sa conférence donnée en février 20072, J.Romer, architecte de l’agence E.Cullinan, cite explicitement la Multihalle de Mannheim comme référence. Il s’agit d’un grand «gridshell» conçu par l’agence de Frei Otto avec les architectes Mutschler&Partners en 1971-1975. Cette structure est également faite en bois vert (lattes de section carrée de 5cm de côté15).

F.Otto a mené des recherches sur des formes optimales et des configurations structurelles efficaces, notamment à partir de maquettes de chainettes inversées soumises à des charges gravitaires.La conception de la Multihalle s’appuie ainsi sur un modèle physique doublé d’un modèle informatique. Les maquettes sont en câbles ou en filet suspendu. Les courbures principales de la structure sont déterminées grâce à ces maquettes par mesures photogrammatiques. La forme est optimisée en faisant varier les conditions aux limites (c’est-à-dire la position des points d’extrémité de la grille).16

Concrètement, la Multihalle est en fait un double «grid-shell»: deux grilles de lattes croisées se superposent. Une seule grille n’est en effet pas assez résistante à la flexion. Les diagonales de contreventement assurent une rigidité dans le plan du treillis, mais la résistance à la flexion hors de son plan est uniquement assurée par les lattes. Leur hauteur est multipliée par deux avec le système de double

13 Compte-rendu de la conférence de John Romer (Edward Cullinan Architects), donnée le 07/02/10 dans le cadre du concours « L’esquisse verte » organisée par l’ARENE et l’ADEME

14 Institute for Lightweight Structures, IL13: Multihalle Mannheim, Editions de l’Institut des Structures Légères, Stuttgart,1976, p60.

15 Compte-rendu de la conférence de John Romer (Edward Cullinan Architects), donnée le 07/02/10

16 Institute for Lightweight Structures, IL13: Multihalle Mannheim, Editions de l’Institut des Structures Légères, Stuttgart,1976, 260p.

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1. Les tiges de bois vertTrès élancés, les éléments en bois encore humide peuvent se courber.Source: Photographie sur le site du musée www.wealddown.co.uk

3. Double grilleDeux treillis de bois se superposent.Source: Schéma L.L.

5. Mouvement des lattesLes connecteurs métalliques permettent le mouvement des lattes nécéssaire à la mise en forme.Source: Schéma L.L.

2. Tests de «gridshell»Plusieurs maquettes à grande échelle ont été réalisées pour tester les assemblages.Source: Photographie sur le site du musée www.wealddown.co.uk

4. Section de la structureL’inertie de la section est augmentée avec le double treillis. La section est ainsi plus résistante aux moments de flexionSource: Schéma L.L.

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Section 35x50

GHauteurtotale de la section

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37Bois rond et bois vert: la mise en oeuvre comme dernière transformation

grille, ce qui permet d’augmenter l’inertie de la section (augmentation du bras de levier et réduction du moment de flexion).Le contreventement est assuré par des câbles métalliques.On peut lire dans l’ouvrage de l’Institut des Structures Légères réservé à la Multihalle que les caractéristiques du bois vert ont été particulièrement étudiées:«Les propriétés structurelles du bois de construction dépendent de la direction des efforts en fonction de l’orientation des fibres. Elles varient également avec le taux d’humidité et le temps d’application de la charge.»17

Les propriétés naturelles du bois telles que sa microstructure, son comportement vis-à-vis de l’humidité ou du fluage sont prises en compte.Finalement après les études, la structure a été montée à plat au sol, puis soulevée pour atteindre 17m de haut au sommet.

Cette configuration qu’adopte «naturellement» la structure renvoie à de véritables dispositifs naturels d’économie de matière. Les structures construites par la nature tendent vers cette efficacité structurelle. Le bois par exemple, est une structure pleine de vides à l’échelle microscopique. La résistance mécanique est assurée par la membrane des cellules longilignes, dans laquelle est concentrée toute la matière en plusieurs couches. C’est ce qui rend le bois léger, par exemple.

La Multihalle de Mannheim a servi de référence pour le Downland Gridshell sur le principe structurel, l’usage du matériau, et sa mise en oeuvre. Il est interressant de constater que la filiation entre les projets se fait non seulement par référence, mais aussi par le biais des bureaux d’étude de structure. Ted Happold, avant de fonder Buro Happold Engineers, a en effet participé à la conception de la Multihalle de Mannheim au sein d’Arup. Puis Buro Happold Engineers a collaboré sur d’autres structures en «gridshell» avec F.Otto, notamment, on l’a vu, à Hooke Park où le bureau d’étude s’est ensuite associé à Edward Cullinan Architects pour les logements étudiants, et enfin pour le Downland Gridshell.

Comme à Mannheimn, des expériences à échelle un ont été réalisées pour tester la résistance en flexion,ou bien le type de connecteurs et de colles à utiliser. Le contreventement est assuré par des pannes en bois plus ou moins horizontales qui viennent trianguler la structure et supporter un bardage en bois.

S.Johnson, maître d’oeuvre au sein de l’agence Edward Cullinan, est cité dans un article de L’architecture d’aujourd’hui paru en 2002. Il présente l’enjeu du Downland Gridshell comme étant la recherche de «l’équilibre exact des tensions et de la courbure maximale des membres avant sa mise en place». 18

Atteindre cet équilibre entre la flexibilité et la traction naturelles du bois est une

17 « The structural properties of timber depend on the direction of the stress in relation to the fibres. They also vary with moisture content and with the duration of load »

Institute for Lightweight Structures, IL13: Multihalle Mannheim, Editions de l’Institut des Structures Légères, Stuttgart,1976, p70.

18 Steve Johnson, «Downland Gridshell, Sussex, Royaume-Uni», L’architecture d’aujourd’hui, n°342, septembre-octobre 2002, p42.

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1. La mise en forme du «gridshell»Une forêt d’échafaudages munis de vérins a été mise en place pour monter le treillis à plat à 7,50m de haut. Puis la structure a été descendue centimètre par centimètre pendant 7 semaines jusqu’à ce qu’elle prenne sa volumétrie finale.Le temps du chantier, le bâtiment s’est mis en mouvement.

2. Les échafaudages articulésIls ont rendu possible le passage du treillis plat à la double-courbure de la structure finale.

3. Assemblage par aboutageCette technique empruntée au bois-lamellé-collé et une colle spéciale ont permis de garder le taux d’humidité élevé du bois, et donc sa souplesse.

4. Connecteurs métalliquesLes lattes ont pu bouger lors de la mise en oeuvre.

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Source: Photographies sur le site du musée www.wealddown.co.uk

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39Bois rond et bois vert: la mise en oeuvre comme dernière transformation

façon de créer une structure optimisée dans laquelle le matériau travaille au maximum de ses capacités naturelles. Un logiciel d’analyse des matériaux a d’ailleurs été spécialement mis au point pour les simulations, afin de prendre en compte le comportement du bois vert.

Finalement, la stucture sera, comme à Mannheim, faite d’une double résille, avec 4 couches de lattes superposées, première du genre en Angleterre. Les double-courbures sont distribuées en trois vagues sur un plan rectangulaire. Son poids propre (7,5kg/m²)19 est très faible, en partie grâce au choix du chêne. Les conditions aux limites, déterminantes, concernent les bords sur lesquels est fixé le «gridshell», ici posés au sol: le plan est courbe, comme la coupe, pour permettre une configuration optimale. Pour S.Johnson, le «gridshell» s’inscrit dans une démarche écologique du fait de l’économie de matière (seulement 60 troncs ont été débités20) par rapport aux dimensions de la structure qu’il permet.

Une mise en oeuvre en mouvementLe concept prévu pour la réalisation du «gridshell» est l’inverse de celui de Mannheim. L’idée est de monter la résille à une hauteur de 7,50m puis d’utiliser la gravité pour que la structure retombe et prennent naturellement la forme voulue. En réalité, des échaufaudages ajustables ont été placés sous la grille et ont guidé sa descente, centimètre par centimètre, pendant sept semaines.21

Pour obtenir la longueur de lattes voulue, le bois importé a été découpé manuellement afin d’éliminer les sections défectueuses comportant des noeuds ou autres défauts. Puis les tiges ont été collées par machine pour former des lattes de 6m . La colle conçue pour le projet et l’assemblage par aboutage devaient préserver l’humidité du bois. Ensuite ces lattes ont été assemblées en éléments plus longs (jusqu’à 37m de long) avec cette fois un assemblage en biseau (expérimenté à Hooke Park).22On peut remarquer que cette technique se rapproche de celle du bois-lamellé-collé (collage et aboutage).

Par ailleurs, les connecteurs métalliques servant à relier les lattes de la double-résille ont été conçus spécialement pour permettre le mouvement des éléments pendant leur descente.Ainsi, toute la mise en oeuvre a été organisée de façon à préserver la caractéristique naturelle du matériau. Le temps de sa construction, le bâtiment a été en mouvement. Cela illustre également la notion naturelle de temporalité: le bois ne reste vert qu’un temps, il sèche et fige de cette façon l’architecture. La

19 Compte-rendu de la conférence de John Romer (Edward Cullinan Architects), donnée le 07/02/10.

20 «Downland Gridshell, Sussex, Royaume-Uni», L’architecture d’aujourd’hui, n°342, septembre-octobre 2002, pp42-44.

21 Compte-rendu de la conférence de John Romer (Edward Cullinan Architects), donnée le 07/02/10.

22 RAPPAPORT Nina, Support and resist, Structural engineers and design innovation, The Monacelli press, New-york, 2007, 232p.

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1.Courbe dans le plan et la coupeLa double-courbure se retrouve dans la coupe (où l’on remarque l’importance de la forêt) et en plan.

2. Invisibilité du «gridshell» depuis l’extérieur, invisibilité de la forêt depuis l’intérieur

3. Vue extérieureLe «ruban» de toiture ondulant renforce la courbe de la structure.

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Source: Dessins, fond de coupe transversale et photographie issus de l’article « Downland Gridshell at the Weald and Downland Open air museum », Architectural design, n°1, janvier-février, 2003, pp106-110.

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mise en oeuvre, étape temporaire, a profité de l’état lui aussi éphémère du bois vert.

Cependant, ne peut-on pas considérer le procédé de mise en oeuvre comme une dernière étape de transformation du matériau, faite in situ et pour le besoin d’une forme?

Une forme toute en courbesSi la mise en oeuvre est organique par la mise en mouvement du matériau, le bâtiment final reste figé dans une forme que l’on peut également qualifier d’organique.A Mannheim, l’idée était de créer un paysage de collines artificielles en écho aux collines environnantes. La Multihalle est aini une sorte de métaphore du paysage naturel.

Sur le Downland Gridshell, la courbe est omniprésente. On la retrouve en effet en trois dimensions à travers les trois coques, et en plan. Elle est accentuée par la disposition du bardage qui se chevauche et crée une ombre curviligne. Enfin un «ruban» ondulant coiffe le «gridshell» en toiture et permet de drainer les eaux de pluie. Bien que cela puisse évoquer la forêt, cette dernière n’a pas l’exclusivité de la métaphore.

Par ailleurs, le bâtiment n’offre des vues sur l’extérieurs que par deux grandes baies aux extrémités, distantes de 60m. La structure en «gridshell» n’est pas non plus visible depuis l’extérieur. De fait, la relation avec le milieu naturel du bois n’est pas évidente.

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2. Degré Deux, le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

Les constructions ayant recours au bois sec et scié sont très largement répandues. En Europe, les constructions traditionnelles dominantes sont d’ailleurs de deux types: en bois empilé ou à colombage (squelette en bois complété par un remplissage en pierre, terre de pisé, torchis ou bois)1 . L’empilement ne nécessite pas un sciage complet du tronc en planches. Dans les structures en rondin décrites précédemment, il peut être laissé rond, ou être simplement équarri aux angles. Il s’agit en tout cas d’une utilisation massive du bois, qui s’oppose aux structures en ossature ( colombages, charpentes, structures poteau-poutres, « gridshell »).Dans ces deux types de construction, les singularités naturelles du bois sont considérées comme des défauts. La microstructure orientée du bois conditionne par ailleurs son utilisation structurelle. Deux attitudes émergent alors : l’intégration des caractéristiques naturelles par une adaptation de l’architecture, ou la réduction maîtrisée de leur impact. Toute une matérialité sensible liée au bois apparaît également, de façon simultanée. En effet, son aspect visuel est très identifiable, et ses capacités thermiques et isolantes influent sur le confort intérieur.

Le propos s’appuie ici sur deux exemples de l’architecte suisse Peter Zumthor. Le Pavillon Suisse de l’Exposition Universelle (le Corps Sonore, Hanovre, 2000) tout d’abord, qui met en scène le mouvement du bois. Bâtiment d’accueil temporaire, les exigences liées à l’usage sont relativement faibles. L’architecte a ainsi pu se permettre d’expérimenter un concept particulier. Cette constructions est donc à prendre en tant que témoin d’une réflexion autour des propriétés naturelles du bois, et non comme représentant d’une démarche généralisable. Moins expérimentale, la maison Gugalun (Suisse, 1994), illustre concrètement comment les caractéristiques du bois peuvent être révélées par des dispositifs spécifiques. Cet exemple permet également d’aborder la question de l’ambiance particulière liée au bois.

1 KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, p16.

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1.Séchage du boisLe séchage permet de rigidifier le bois, et d’empêcher certaines attaques biologiques (insectes).

Source: photographie du site www.onf.fr

3. Les trois directions du bois La structure du bois est faite de cellules longilignes orientées le long du tronc. Cela rend les comportements mécanique et hygrométrique du bois anisotrope. Le retrait est par exemple plus important dans le sens transversal que tangentiel.

Source: Dessin issu de NATTERER Julius, SANDOZ Jean-Luc, REY Martial, Construction en bois: matériau, technologie et dimensionnement, 2004, 540p.

2. Troncs équarris Les troncs attendent d’être découpés en éléments plus petits.

Source: Photographie prise lors de la visite de la scierie d’Abreschviller (France), septembre 2009.

4.Fissuration sauvage et entaille de retrait Des marques visibles de la réaction du bois à l’humidité sont les fissures. Des entailles de retrait peuvent être faites artificiellement afin de contrôler la forme des fissures.

Source: Dessins issus de NATTERER Julius, SANDOZ Jean-Luc, REY Martial, Construction en bois: matériau, technologie et dimensionnement, 2004, 540p.

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Fissuration sauvage

Entaille de retrait

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2.1 Révélation de propriétés intrinsèques à travers une matérialité sensible

2.1.1. Le jeu du bois, expression d’un phénomène naturel

La structure naturellement poreuse du bois fait qu’il peut contenir de l’eau par absorption. Au moment de l’abattage, l’arbre peut même contenir plus d’eau que de bois. Cette eau se trouve de deux manières: en eau libre, quand elle remplit les vides cellulaires (bois vert) ou en eau liée, quand elle n’imprègne que les membranes des cellules. L’eau libre correspond à une humidité du bois supérieure à 30%. Elle s’évacue par évaporation, sans provoquer de déformation dans le bois (phase de « ressuyage »). Par contre, le départ ou l’arrivée de l’eau liée ( humidité inférieure à 30%) entraîne retrait et gonflement du bois. C’est ce que l’on appelle couramment le jeu du bois. Le retrait, anisotrope du fait de la microstructure orientée du bois, influe sur son aspect. Les contraintes qu’il génère peuvent en effet être sources de fissures.

Le séchage du bois a pour but de diminuer l’amplitude des retraits après sa mise en œuvre. Cette idée de figer le bois illustre bien la volonté d’un contrôle du produit naturel. Cependant, bien que le bois ne soit plus vert dans le bâtiment, il se comporte toujours comme une éponge. Il continue ainsi d’absorber l’eau présente dans l’air, ou à la rediffuser en fonction de la température et de l’humidité de l’air ambiant. Ses variations dimensionnelles sont moins décelables, mais cela influe sur le climat intérieur.

On peut citer deux dispositifs inventés par l’homme qui mettent en évidence les propriétés hygrométrique du bois. Le choix du mode de débit, qui rend compte de l’anisotropie du retrait. Les sections dites « avec coeur » par exemple, ne sont pas toujours admises car leur fissuration est maximale.2

L’homme peut aussi faire des entailles de retrait pour contrôler la forme des fissurations. Celles-ci restent en effet cachées dans le fond de l’entaille.

2.1.2. Peter Zumthor et l’idée du mouvement du bois, le Corps Sonore

Dans ses écrits, l’architecte suisse P.Zumthor fait souvent référence au phénomène de retrait. Ce dernier peut se faire sentir dans les premières années de la mise en œuvre du bois, et avoir des conséquences à l’échelle du bâtiment. Le séchage n’empêche pas complètement le bois de bouger. P.Zumthor, en référence à ce phénomène, imagine le mouvement du bois comme fondateur d’un concept architectural, comme on peut le lire dans son ouvrage Penser l’architecture :

« Comment construirais-tu une maison en bois? Me demande un jeune collègue. Il me vient immédiatement à l’esprit l’image dont découle ma réponse: un grand

2 NATTERER Julius, SANDOZ Jean-Luc, REY Martial, Construction en bois: matériau, technologie et dimensionnement, Presses polystechniques et universitaires romandes, 2004, 540p.

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1.Le Pavillon Suisse, fin du chantierCe bâtiment illustre clairement une des transformations du bois par l’homme, le séchage, tout en mettant en avant une caractéristique naturelle du bois, le retrait. Il se sert d’un phénomène temporaire pour un évenement tout aussi éphémère.

Source: Photographie sur www.maisonapart.com

3. Rétrécissement peu perceptible du murIl était prévu que les empilements de poutres rétrécissent de 23cm sous l’effet du retrait et du fluage. Sur une hauteur initiale de 9m, ce mouvement (fondateur du projet) a-t-il été vraiment perçu?

Source: Coupes dans ZUMTHOR Peter, Corps Sonore Suisse, Birkhäuser, Bâle, 2000, 296p.

2. Détail sur le système de mise en tension des cablesUn appareillage de tirants en acier maintient les poutres les unes contre les autres et évite le déversement des murs. Ces tirants exercent une pression qui entraine un fluage du bois, le mouvement de celui-ci est donc forcé.

Source: Photographie sur www.maisonapart.com

9m 8,77

m

Début de l’Exposition Fin de l’Exposition

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bloc en bois massif, un volume dense de la masse biologique du bois veinée horizontalement, qu’on évide, avec des rainures sur toute la hauteur et des cavités très précisément creusées, et qui devient un bâtiment...” Et le fait que le corps d’une maison ainsi conçue, sous l’effet du gonflement et de la contraction du bois, changerait de volume, se mettrait en mouvement et perdrait au début sensiblement de sa hauteur, tout cela serait à considérer comme une qualité et à intégrer dans la réflexion de projet”. »3

Une application de ces propos peut se trouver, six ans plus tôt, non pas sur une maison, mais sur le pavillon temporaire de la Suisse de l’Exposition Universelle de Hanovre en 2000. Ce bâtiment est l’illustration du procédé de séchage, que l’architecte élève au rang d’icône de la culture nationale. Des planches sciées encore vertes sont disposées comme sur une aire de stockage du bois. Superposées, elles sont écartées les unes des autres par des lattes de bois qui permettent une circulation d’air. Ces empilements forment 99 murs de 9m de haut. Tout un appareillage de tirants en acier enserre ces murs afin de maintenir une pression constante entre les poutres, et éviter ainsi leur renversement. D’après l’ouvrage accompagnant le pavillon (Le Corps Sonore, écrit par P.Zumthor et ses collaborateurs), il était prévu que le bâtiment descende de 17cm en séchant. La pression des câbles métalliques entraîne également un fluage du bois : avec l’application d’une charge constante, sa déformation continue d’augmenter. Ce phénomène de rétrécissement forcé devait réduire la hauteur de 6cm. Au total, avec le retrait naturel et le fluage, l’édifice devait donc s’abaisser de 23cm sur les 9m d’origine! Le concept a ses limites: le mouvement de l’édifice a -t-il été vraiment perçu? Seule la présence des ressorts, et le réglage manuel régulier de la tension des câbles pouvaient indiquer que la structure diminuait de taille. L’origine naturelle du rétrécissement n’a sans doute pas été exprimée de manière évidente.

Cependant, on ne peut pas nier qu’une attention toute particulière ait été accordée à cette origine du bois, du moins d’après le discours qui a entouré le pavillon. Parmi la trentaine de mots évoquant le bois dans le lexique du Corps Sonore, une métaphore de la forêt est par exemple envisagée, à travers un cheminement labyrinthique (« Il n’y a pas de cheminement privilégié. On flâne à travers les passages et les cours, on cherche son chemin comme dans la forêt »4), des jeux de lumière (« tâches de soleil »5), et les senteurs du mélèze et du douglas fraichement coupés (« la masse biologique dégage une odeur »6).Il est intéressant de constater que les mots définis font référence aussi bien à l’ambiance, « l’atmosphère, engendrée par les expériences sensorielles »7, qu’à des données botaniques (à propose du mélèze par exemple: « famille des résineux

3 ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, Birkhäuser, Bâle, 2006, p56.4 ZUMTHOR Peter, Corps Sonore Suisse, Birkhäuser, Bâle, 2000, p154.5 Ibid., p154.6 Ibid., p160.7 Ibid., p8.

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L’expression de l’origine naturelle du bois · Laura Langlois48

1. Bois de production dans les régions de la SuisseLes Alpes ne produisent pas autant de bois que la région du Plateau en raison des difficultés d’exploitation des terrains montagneux. Cette région participe malgré tout à environ 15% des récoltes.Source: Chiffres issus de l’Annuaire La forêt et le bois 2009, Connaissance de l’environnement n°0925, Editions de l’OFEV, Berne, 2009, 190p.

2. Scieries autour de la maison GugalunCe sont surtout des scieries de petites tailles qui entourent la maison Gugalun. Cela explique peut-être le fait que P. Zumthor ait pu travailler le bois de façon quasi-artisanale, en concevant des pièces particulières uniquement prévues pour cette maison.Source: Carte issue de l’Annuaire La forêt et le bois 2009, Connaissance de l’environnement n°0925, Editions de l’OFEV, Berne, 2009, 190p.

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49Le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

(…) perd ses aiguilles en hiver »8) ainsi qu’à des renseignements techniques sur l’utilisation et la mise en œuvre du matériau ( « abattre le bois »9, « charpentiers »10, « scierie »11, « usiner »12) Quant à la définition du mot bois, elle ne sépare pas son utilisation d’un état transformé, liant sans distinction le tronc à la poutre:« Bois, le: évoque généralement l’arbre abattu: tronc, branche, poutre, planche, liteau, madrier, carrelet, latte, placage (…) Comme la pierre et la terre, le bois est une matière première élémentaire indissociable de la culture humaine. »13

Cette variété de domaines touchant le bois, ainsi que la définition du mot même, montrent bien le rapport qu’entretient P.Zumthor avec ce matériau: une connaissance assez poussée du matériau (origine, comportement, vieillissement etc) et de sa mise en œuvre, avec une dimension liée à l’expérience sensible que l’on a des espaces réalisés avec une perception très liée à la culture que l’on peut avoir du matériau.

Le pavillon Suisse peut être finalement envisagé comme une transition entre des bâtiments utilisant du bois vert comme le Downland Gridhsell, et ceux ayant recours au bois sec.Bien que le bois soit ici dans le même état que dans le premier exemple, c’est sa transformation qu’il met en avant plutôt que ses caractéristiques. L’architecture du Downland Gridshell et du pavillon Suisse s’opposent d’ailleurs : forme organique, légèreté et optimisation pour le premier, forme réglée et massivité peu économique en matière pour le second.

2.1.3. Peter Zumthor, la maison Gugalun

Le Pavillon Suisse a permis d’explorer l’application d’un concept basé sur une caractéristique naturelle du bois. Cela a été rendu possible grâce à son programme particulier, et son aspect éphémère. L’architecte a cependant eu recours au bois dans d’autres réalisations à vocation plus pérenne : plusieurs maisons particulières par exemple, dont la maison Gugalun, achevée en 1994. Située dans le village de Versam (canton des Grisons, Suisse) cette maison résulte de l’agrandissement d’une ferme datant de 1706. Une partie du bâtiment d’origine a été conservée, et une extension y a été ajoutée. La partie ancienne, en bois massif empilé, est un exemple d’habitat traditionnel de cette région des Alpes.L’architecture globale de la maison se caractérise par un jeu léger sur les contrastes (différences au niveau des teintes, du calepinage intérieur, et des détails constructifs), mais c’est l’unité qui semble la plus recherchée. Le toit a en effet été reconstruit, une couverture commune abrite l’habitation.

8 ZUMTHOR Peter, Corps Sonore Suisse, Birkhäuser, Bâle, 2000, p176.9 Ibid., p6.10 Ibid., p45.11 Ibid., p233.12 Ibid., p268.13 Ibid., p28.

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L’expression de l’origine naturelle du bois · Laura Langlois50

1. Situation de la maison Gugalun (Versam, Grisons)La maison est entourée d’un bosquet d’arbres. Le paysage alterne entre champs et bois. La nature est déjà très présente sur le site

Source: Image Google Earth

2. Façade sud-est: neuf et ancien côte-à-côteUne couverture nouvelle réunit la partie neuve (à droite) et la partie ancienne (à gauche). La rectitude des poutres horizontales de l’extension contraste avec la ligne penchée des madriers existants. Un tassement du sol est sûrement à l’origine de cette déformation. Source: Photographie dans l’article «Gugalun House», A+U, n°316, janvier, 1997, pp96-117.

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51Le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

L’architecte a surtout choisi d’utiliser le même matériau pour l’extension. Dans ces deux constructions, le bois est à la base des principes architecturaux et constructifs. Bien que ces principes diffèrent selon les deux époques, les caractéristiques du bois mises en avant sont les mêmes. Seule la façon dont elles sont exprimées varie.L’analyse des documents graphiques du projet est ici complétée par des citations extraites d’un texte de l’architecte intitulé Body of wood. Ce discours a été écrit en 2006 à l’occasion du Spirit of Nature Wood Architecture Award, qui récompense P.Zumthor pour ses maisons en bois notamment.

La maison Gugalun est complètement isolée sur un terrain pentu. Le terrain, très vallonné et boisé, se trouve à 1062m d’altitude. Le bâtiment fait face au nord-est. Situé au sommet d’une crête, il offre un point de vue sur le site naturel montagneux et les bois qui l’entourent, mettant en évidence la provenance de son matériau de construction, du moins pour sa partie ancienne (l’origine et l’essence du bois de l’extension sont inconnues). L’architecte a d’ailleurs décidé de garder le séjour existant qui fait face au paysage, et de construire l’extension à l’arrière de l’édifice, à moitié enterrée dans la pente.

Réaction vis-à-vis de l’humiditéLes deux parties du bâtiment parlent, chacune à leur manière, des propriétés hygrométriques naturelles du bois. Dans la partie ancienne tout d’abord, on peut remarquer les fissurations sauvages dues au retrait du bois. Cela se voit en façade le long des éléments en bois, et sur la section de ces derniers. L’assemblage particulier du mode constructif rend en effet visible les extrémités des poutres. Elles sont fendues « à coeur ouvert »: ce mode de débit permet d’exploiter au maximum le bois présent dans le tronc, mais il occasionne des fissures importantes.P. Zumthor est d’ailleurs conscient du retrait anisotrope du bois, plus conséquent dans le sens transversal que dans le sens longitudinal, comme en témoigne cette citation: « Le bois rétrécit et gonfle transversalement, mais reste tranquille longitudinalement (…) Les constructions doivent toujours autoriser le mouvement transversal du bois. »14

Cette architecture est bien basée sur une connaissance du matériau. Deux « règles » lui permettent de diminuer les effets du retrait du bois : « Au fil des années les poutres sèchent et les murs perdent de leur hauteur. Ainsi - et c’est une autre règle de base - tous les murs doivent reposer sur un même niveau horizontal, un horizon zéro pourrait-on dire. (…) Le phénomène de perte de hauteur quand les madriers sèchent conduit à une autre règle : le bois des murs ne peut pas être constructivement lié aux parties rigides du bâtiment. Les

14 « Wood shrinks and swells across the grain, but remains quiscent long the grain (…) the constructions must always allow movement of the wood across the grain. »

ZUMTHOR Peter, Zumthor: spirit of nature wood architecture Award 2006, Rakennustieto, Helsinki, 2006, p10.

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L’expression de l’origine naturelle du bois · Laura Langlois52

1. Plan du RDC de la maison GugalunL’extension a été placée à l’arrière de façon à conserver le séjour ancien face à la vallée. Un socle en béton isole le bois du sol humide et des insectes. Les murs en béton contenant les réseaux (l’eau pour cuisine et salle de bain), ainsi que ceux du conduit de cheminée et du séjour (mur creux qui conduit la chaleur) sont pensés à part car leur fonction n’autorise pas un mouvement du matériau. Les murs en bois de l’extension ne sont pas en bois massif comme la partie ancienne.Source: Plan dans l’article «Gugalun House», A+U, n°316, janvier, 1997, pp96-117.

2. Coupe longitudinale de la maison GugalunLa maison est semi-enterrée dans la colline.Le socle en béton sert de niveau horizontal pour éviter des tassements différentiels. Le plancher de la salle de bain qui contient les réseaux est en béton également. Les murs en bois semblent creux. Ils sont en fait remplis de 8cm d’isolant.Le débord de toiture protège la partie haute de la façade en bois des intempéries.

Source: Coupe dans l’article «Gugalun House», A+U, n°316, janvier, 1997, pp96-117.

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SÉJOUR EXISTANT

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NOUVEAU SÉJOUR

Mur diffusant la chaleur

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Socle en béton

CUISINE

S. DE BAINCHAMBRECHAMBRE

SÉJOUR EXISTANT

Socle en béton

Plancher avec réseaux

Mur en bois «creux» avec

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Mur de madriers empilés: bois massif

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Monolithe de béton

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53Le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

planchers en béton et les murs de la salle de bain et des toilettes forment donc des monolithes, accrochés au murs de bois adjacents à chaque niveau, de telle sorte que, si les murs en bois diminuent, les corps de béton intégrés descendent avec eux. »15

La première « règle », à savoir placer la structure en bois sur un sol horizontal, se base sur le fait que le terrain et les fondations ne sont pas immobiles. Dans la partie ancienne de la maison Gugalun, les éléments en bois ne sont plus tout à fait horizontaux sur la façade nord-ouest, du fait d’un tassement différentiel des fondations. P.Zumthor préconise une fondation plane qui ne permette pas de différence de niveau entre les deux extrémités des poutres. L’extension repose ainsi sur un socle en béton, comme on peut le voir sur la coupe. La structure des murs et des planchers en bois repose sur ce niveau de sol rendu artificiellement horizontal. L’idée est que la fondation ne vienne pas accentuer les déformations des éléments en bois qui, eux, varient de taille. Dans le principe, les murs en bois doivent pouvoir rétrécir de manière homogène, sans influer sur les fondations, et inversement, sans subir de contraintes de la part de ces dernières.

La deuxième « règle » impose de penser les éléments rigides du bâtiments séparément des éléments en bois. Dans la maison Gugalun, un élément particulier est fait en béton. Il s’agit d’un mur creux au rez-de-chaussée, qui devient à l’étage le mur de la salle de bain, ainsi que le conduit de cheminée. Il contient en fait les réseaux d’air chaud et la plomberie. Au rez-de-chaussée, il sert à diffuser la chaleur dans la pièce. Cet élément n’est pas structurellement rattaché à la structure en bois, car celle-ci ne bouge pas de la même façon. Là encore, le bois est laissé libre de ses mouvements: le lier au béton créerait des contraintes lors du retrait. Afin d’exprimer cette indépendance entre les deux éléments, le béton gris monochrome est laissé brut et lisse. De plus, des joints sont régulièrement disposés entre les élément en bois, et entre le bois et le socle.

Enfin des dispositifs de protection du bois visent à limiter son humidité. Les intempéries (pluie, neige) augmentent en effet la teneur en eau du bois, qui non seulement gonfle et se rétracte, mais devient de plus la cible d’attaques biologiques. On peut ainsi relever le débord de toiture, le socle qui dépasse du sol, et l’assemblage des éléments en bois sur la façade. Cette dernière est faite de la superposition de planches verticales et de planches horizontales qui dépassent du mur. L’ensemble a pour effet de prolonger visuellement les lignes horizontales de la partie ancienne (continuité), mais aussi

15 «as the years pass and the beams dry out, the walls lose height. Therefore -and this is another basic rules- all of the log walls must rest on the same horizontal level, on a zero horizon to speak. (...)The phenomenon of a loss in heights as the logs dry out has led another rule: the wood of the walls cannot be constructively linked to rigid parts of the building. Therefore, the concrete floors and walls of bathrooms and toilets form smooth monoliths, hung into adjoining walls of the wooden towers on each storey so that, if the wooden walls sink, the inserted concrete bodies sink along with them.»

ZUMTHOR Peter, Zumthor: spirit of nature wood architecture Award 2006, Rakennustieto, Helsinki, 2006, p10.

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Constitution de la façade, supposée en caissonsLes murs sont loin d’être en bois massif : poteaux tous les 70cm, caissons hauts de 300mm remplis d’isolant.Ce mode constructif par empilement précède celui du Pavillon Suisse. On comprend l’utilité d’avoir un socle horizontal pour maintenir la cohésion de l’empilement malgré le rétrécissement du bois.La planche horizontale en saillie à l’extérieur n’est pas continue à l’intérieur. Cependant le traitement de la jonction entre caissons à l’intérieur est tel qu’on peut croire à cette continuité.

«Corniche»avec goutte

Caisson300x700

Revêtement intérieurPanneau massif 3 plis

Bardage extérieur

Isolant

Source: Dessins L.L. , reconstitués d’après des détails issus de l’article «Gugalun House», A+U, n°316, janvier, 1997, pp96-117.

Pièce intermédiaire

Poteau

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55Le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

de jouer le rôle de corniche (une goutte est taillée dans chaque planche horizontale). Le socle en béton, qui se poursuit en soubassement dans la partie enterrée, évite aussi que le bois soit en contact avec le sol humide. Le bois dans son milieu naturel est protégé par l’écorce. Exposé dans le bâtiment, il doit être, dans une certaine mesure, coupé des aléas de son environnement.

Capacité isolanteLa réaction du bois vis-à-vis de l’humidité est envisagée comme une contrainte qui exige certains dispositifs. A l’inverse, la capacité isolante du bois est une des raisons pour laquelle on choisit ce matériau. Sa porosité naturelle en fait un faible conducteur thermique: l’air reste enfermé dans les vides cellulaires. Dans une région alpine comme celle des Grisons, l’isolation des bâtiments est la préoccupation principale. La température moyenne à Versam en décembre 2010 varie par exemple entre -12°C le matin et -5°C l’après-midi1.Dans la partie ancienne de la maison Gugalun, la façade est entièrement faite de bois. L’empilement de madriers massifs n’est pas économique en matière mais il a l’avantage d’exploiter le caractère isolant du bois au maximum. L’épaisseur des poutres est de 20cm environ (pour une hauteur de 25 à 30cm, d’après la coupe et les plans).

En ce qui concerne le mode constructif de l’extension, on ne peut faire que des hypothèses à partir des détails publiés. Il semblerait que le mode constructif reprenne celui de l’existant, c’est-à-dire l’empilement. Cependant, ce ne sont pas des poutres massives qui sont superposés mais des caissons en bois creux, dont les revêtements intérieur et extérieur constituent l’enveloppe.En effet, des poteaux sont placés tous les 70cm en moyenne (selon le plan). Entre les poteaux sont empilés les caissons horizontaux hauts de 300cm environ. Un isolant rempli ces éléments que P.Zumthor appellent des « poutres creuses ». La constitution de la façade neuve est ainsi la suivante, de l’intérieur vers l’extérieur: 3cm de parement intérieur (planches-panneau 3 plis), seulement 8cm d’isolant, et 2cm de bardage extérieur (planches). La faible épaisseur d’isolant indique que le revêtement et le bardage en bois participent à l’isolation du mur.

Les petites dimensions des ouvertures sont par ailleurs la preuve que les déperditions thermiques doivent être limitées. P. Zumthor a ainsi hiérarchisé les dimensions en fonction de la localisation des percements : fenêtres en bandeau hautes de 20cm pour les pièces de service (couloirs), et cadres plus grands pour les chambres uniquement( fenêtre de 1m par 1m environ pour la chambre côté sud-est, et baie vitrée de 2m par 2,50m pour le rez-de-chaussée côté nord-ouest). Des volets coulissants en bois, placés à l’extérieur, sont également présents sur toute les fenêtres. Seulement 8% de la façade sud-est et 18% de la façade nord-ouest sont vitrées. Il en résulte une architecture relativement fermée où le bois est omniprésent.

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1.Détail de façade entre la partie ancienne et l’extensionLa continuité existant-extension est soigneusement exprimée. On peut remarquer les fissures sur les extrémités des madriers fendus «à coeur».

Source: Photographie dans l’article «Gugalun House», A+U, n°316, janvier, 1997, pp96-117.

3. Le monolithe de bétonStructurellement distincts, le béton et le bois se démarquent également visuellement selon une volonté de l’architecte.

Source: Photographie dans l’article «Peter Zumthor, Gugalun House», Domus, n°774, septembre, 1995, pp46-53.

2. Empilement de madriers pour la partie ancienne, assemblage par entailleLe mur a l’épaisseur du bois. Il n’y a ni isolant ni bardage extérieur.

Source: Dessin L.L. d’après photographie de l’article «Gugalun House», A+U, n°316, janvier, 1997, pp96-117.

4. Revêtement intérieurLa traitement des joints entre les caissons empilés fait croire à une continuité de la «corniche» à l’intérieur, l’effet souhaité étant de sentir le bois de part en part.

Source: Photographie dans l’article «Gugalun House», A+U, n°316, janvier, 1997, pp96-117.

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57Le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

En tant qu’enveloppe, le bois filtre les échanges entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. Il influe sur la température et l’humidité intérieure qu’il régule. Les dispositions naturelles du bois à réagir avec son environnement jouent donc un rôle dans l’ambiance d’un espace. Celle-ci est perçue à travers notre sens dit communément du toucher, à savoir les capteurs sensibles de notre peau. Les propriétés intrinsèques du bois sont ainsi révélées par sa matérialité sensible. Une autre matérialité est tout aussi importante quand on parle du bois et de la notion d’ambiance : le visible, avec tout ce qu’il peut comporter d’indices sur l’origine naturelle du bois, et toutes les dérives que l’on peut trouver autour des motifs visuels.

2.2. Matérialité visible: de la lisibilité authentique à l’artificiel

Du tronc à la plancheL’intérêt de la maison Gugalun réside bien sûr dans la mise en tension de deux systèmes constructifs différents que l’on cherche à unir, au moins dans l’apparence. Dans le bois scié, on reconnaît encore le tronc : la planche ou le madrier restent des éléments unidimensionnels limités par la croissance naturelle de l’arbre.

Dans la partie ancienne de la maison Gugalun, la longueur des murs correspond à celle des poutres empilées. Celles-ci font au maximum 7m sur le pignon, et 5m sur les façades. Les dimensions du mur, et donc des espaces intérieurs, dépendent de celles des troncs. La massivité des éléments indique par ailleurs que chaque poutre est issue d’un tronc, d’un arbre. Le fait que l’on voit à l’intérieur la même organisation des poutres qu’en façade (dans le couloir de l’entrée) révèle cette massivité. L’origine du bois est ici claire.

Dans l’extension apparaît également la volonté de montrer à l’intérieur une disposition des planches du mur identique à celle de l’extérieur. En effet, planches verticales et planches horizontales se superposent en façade. Ce même dessin est lisible sur les parois intérieures. L’intention est donc de faire croire que les planches horizontales protectrices traversent le mur, et que les planches verticales ont l’épaisseur du mur. Or le système constructif est tout autre, comme on peut le voir sur l’axonométrie. Tandis que l’ancienne construction est véritablement faite en bois massif, la structure de l’extension résulte de l’agencement d’éléments creux La disposition et la mise en oeuvre sont telles que l’illusion du bois massif est réussie. Pour P.Zumthor, cela permet de créer une ambiance caractéristique et unique liée au bois.

On retrouve ainsi dans ses écrits :« Il y a une sensation spéciale à vivre dans une pièce de poutres solides et liées, une pièce qui n’est pas simplement revêtue de bois mais faite de bois de part en

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1. L’alternance des saisons (cellules du mélèze)Les cernes, visibles à l’oeil nu, résultent en fait d’une densité plus élevée de cellules. Cela correspond à la période estivale, où les cellules grandissent moins qu’au printemps qui est la saison de reprise de la croissance.

2. Conséquences des conditions de croissance de l’arbreLes différents «dessins» naturels sont révélateurs des conditions de croissance de l’arbre. Ainsi le milieu, le climat, ou encore la densité de peuplement conditionnent la vitesse de croissance, ce qui se retrouve dans les proportions de cellules (ou des cernes à l’échelle macroscopique).

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Epicéa «Grain fin» dû à une croissance lente (climat, altitude, peuplement dense)

Epicéa «Grain grossier» dû à une croissance rapide

(plaine, climat doux, peuplement peu dense)

Cellules formées pendant l’été«Bois d’été»

«Cerne»

Cellules formées au printemps à la reprise de la croissance

«Bois de printemps»«Texture»

Source: Photographies dans BESSERT Jean, COLARDET Jean, Les bois commerciaux et leurs utilisations: Bois résineux, Editions H.Vial, Dourdan, 1988, 278p.

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59Le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

part ».16

On peut sans doute considérer qu’il fait référence en partie à l’ambiance sensible décrite précédemment. Cette citation explique par ailleurs le soin accordé aux détails pour faire paraître « massive » l’architecture de bois.

Structure interne et état de surfaceL’analyse de la maison Gugalun met en évidence une caractéristique du bois scié qui est l’exposition de l’intérieur du bois, vue rarement offerte naturellement. Cette vue est créée artificiellement, mais elle n’en délivre pas moins des informations sur l’origine naturelle du bois.Les singularités de croissance de l’arbre sont en effet inscrites dans le bois. Le départ d’une branche donne un nœud, les canaux résinifères sont également présents. Les cernes rendent particulièrement compte de la croissance et des conditions de vie de l’arbre. La création de nouvelles cellules se fait uniquement pendant le printemps et l’été (période de végétation active). Les cellules formées au printemps sont plus larges et moins denses que les cellules d’été, qui, plus resserrées, sont visibles à l’échelle macroscopique sous la forme des cernes d’accroissement. Le contraste entre le bois clair et les cernes plus foncées, ainsi que la largeur de chacune de ces parties, dépendent des conditions de croissance. Par exemple, un espacement important entre les cernes indique une croissance rapide, comme c’est le cas des arbres plantés pour la production de bois. Le degré d’homogénéité du bois, qui dépend de la largeur et de la régularité des cernes, influe sur sa qualité, ses propriétés mécaniques, sa tenue en scierie, sa mise en œuvre, et bien sûr sur son aspect visuel.17

Cependant, il est difficile de reconnaître précisément les conditions de vie de l’arbre dans une planche sciée, à moins d’être spécialisé en dendrologie (étude des arbres). C’est pourquoi ces dessins naturels sont souvent réduits à des motifs. Ils sont devenus des éléments fondamentaux de l’identité du bois. Ils permettent de reconnaître le matériau.

L’aspect visuel du bois exprime ainsi à la fois la naturalité du bois et sa transformation artificielle. L’état de surface résulte aussi du travail de l’homme. Les finitions jouent un grand rôle sur la perception du matériau. Lorsque le bois est raboté, poli ou vitrifié, sa surface est aplanie, les dessins naturels prennent le statut d’image. Ils peuvent même être réduits à des motifs superficiels, tant ils sont représentatifs de l’identité du bois. Dans le refuge Monte Rosa Hütte par exemple (projet de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich, Zermatt, 2009), des dessins (inventés) de cernes ont été gravés par découpe numérique sur la

16 « There is a special feel to living in a room of solid joined beams, a room that is not simply clad in wood but made of wood through and through »

ZUMTHOR Peter, Zumthor: spirit of nature wood architecture Award 2006, Rakennustieto, Helsinki, 2006, p10.

17 BESSERT Jean, COLARDET Jean, Les bois commerciaux et leurs utilisations: Bois résineux, Editions H.Vial, Dourdan, 1988, 278p.

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L’expression de l’origine naturelle du bois · Laura Langlois60

1. Motifs naturels sur la façade de la maison GugalunCernes d’accroissement, noeuds, effets particuliers du soleil et des intempéries sont autant de marques de l’origine naturelle du bois.

Source: Extraits de photographies de l’article «Gugalun House», A+U, n°316, janvier, 1997, pp96-117.

2. Fausses cernes gravées sur la charpente de la Monte Rosa HütteLe dessin naturel a pris le statut de motif décoratif artificiel. Cela montre bien à quel point l’identité du bois est liée à ces caractéristiques visuelles naturelles à l’origine.

Source: Photographie issue du site www.neuemonterosahuette.ch

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61Le bois scié et sec: un matériau aux propriétés naturelles expressives et exprimées

charpente en bois-lamellé-collé!18 Cet exemple évoque d’autres pratiques, peu nouvelles, comme le trompe-l’oeil ou l’utilisation de « faux-bois », quand, pour des raisons économiques ou d’entretien, on a cherché à remplacer le bois tout en gardant son apparence (lasures, effet du chêne sur de l’épicéa, apparition après la Seconde Guerre mondiale des feuilles adhésives en résine artificielle imitant même les veines du bois19). L’origine naturelle du bois peut-elle être exprimée uniquement par une surface reproductible?

2.3. Etude des propriétés mécaniques: de la matière première au matériau

Les contrastes de la maison Gugalun reflètent bien une tendance à vouloir ordonner et contrôler le matériau bois, bien que sa configuration soit en partie dépendante du comportement naturel de ce dernier. L’usage du bois en tant que matériau structurel, comme dans les charpentes, est également révélateur de cette attitude.

La multitude d’acteurs qui intervient entre la coupe de l’arbre et sa mise en œuvre ne peut que refléter une distance de l’homme par rapport à la nature. Traditionnellement, le bûcheron était autrefois charpentier, lui-même dessinateur du projet. La connaissance du matériau servait directement la construction. Très pragmatique d’un côté, elle pouvait aussi être liée à une vision très culturelle de la nature de l’autre . Au Vorarlberg par exemple, selon D. Gauzin-Müller, « les Anciens coupaient les arbres en fonction du calendrier lunaire, avec une préférence pour la lune descendante du Capricorne. »20

Par ailleurs A.Steurer, dans son ouvrage sur l’ingénierie du bois21, met bien en avant l’écart entre les théoriciens et les praticiens du matériau. Il décrit notamment les constructions en bois du 18ème siècle comme issues de l’intuition et de l’expérience des charpentiers. Les changements structurels montrent que les connaissances acquises sur une première réalisation sont employées dans la suivante pour l’optimiser. Or c’est à la même époque que se développent les premières théories sur la résistance des matériaux. Celles-ci sont bien souvent incomprises, et ne sont pas appliquées par les constructeurs. De plus, les singularités naturelles du bois creusent un écart entre la théorie et la pratique. Elles deviennent des défauts. Dans l’étude du bois structurel, les outils analytiques et les méthodes de calcul sont alors toujours accompagnés de tests, afin de déterminer de manière expérimentale le comportement et les points faibles des éléments de charpente. On peut citer, à titre d’exemple, les expériences de Ludwig von Tetmayer dans la

18 www.neuemonterosahuette.ch19 KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.20 GAUZIN-MULLER Dominique, L’architecture écologique du Vorarlberg: un modèle social,

économique et culturel, Le Moniteur, Paris, 2009, 405p.21 STEURER Anton, Developments in timber engineering, the Swiss constribution, Birkhauser, Bâle,

2006, 336p.

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Test de compression sur un tronc pour évaluer sa résistance au flambement (tests de L. von Tetmayer, 2ème moitié du 19ème siècle)Les singularités naturelles du bois faussent les calculs et obligent des tests expérimentaux.

Source: Photographie dans STEURER Anton, Developments in timber engineering, the Swiss constribution, Birkhauser, Bâle, 2006, 336p.

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deuxième moitié du 19ème siècle. Il s’agissait, pour la première fois, de tests à grandes échelles et non sur de petits échantillons, de la résistance au flambement du bois. L’idée était de prendre pleinement en compte les perturbations naturelles de bois, afin que les résultats soient plus directement utilisables en pratique.

Les tests expérimentaux témoignent d’un rapprochement avec la nature, mais c’est aussi à ce moment où l’on veut faire de la matière première naturelle un matériau, le matériau « bois » : connu et prévisible, généralisable, auquel on peut appliquer un modèle abstrait. En tant que matériau, les caractéristiques naturelles du bois sont exploitées, comme dans le cas des charpentes. Son utilisation se fait en effet en accord avec la microstructure de l’arbre. Sa constitution cellulaire longiligne lui confère une meilleure résistance dans le sens axial que transversal.

L’origine du naturelle du bois quand il est employé scié et sec est ainsi exprimée de trois façons. Tout d’abord son comportement vis-à-vis de son environnement en fait un matériau non figé : retrait et gonflement rappellent métaphoriquement un organisme vivant. Des configurations architecturales sont adaptées et révèlent ce comportement.Son origine est ensuite perceptible, non seulement par la vue sur les traces de croissance et autres témoins de son existence passée dans l’arbre, mais aussi par l’odorat et le toucher, dans le sens où l’on perçoit la température et l’humidité de l’air par la peau. L’origine naturelle du matériau est révélée par presque tous nos sens dans une construction en bois scié massif. Cependant la vue sur la structure interne, auparavant dissimulée derrière l’écorce, est créée artificiellement. Mettre en avant le dessin naturel du bois conduit également à en faire un motif, immédiatement identifiable, que l’on juge parfois suffisant pour reconnaître la naturalité du bois. Extraire ce dessin, en faire un motif esthétique détaché de tout contexte, est aussi une manière de prendre de la distance avec son origine. Enfin l’étude et la connaissance de cette structure conduisent à un usage plus adapté du matériau. Le comportement de la structure faite par l’homme reflète celui de la microstructure naturelle. Mais la recherche et l’expérimentation illustrent aussi le passage de la matière première au matériau. Le bois est en effet utilisé pour et en fonction de ses caractéristiques. Son comportement est normalisé, certaines de ses singularités naturelles sont écartées.

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3. Degré Trois, panneaux et composites : du matériau au produit

Au niveau de ce troisième degré de transformation, le bois est complètement inséré dans un système industriel. Il l’était déjà en partie à l’étape du sciage, qui permet un premier pas vers des éléments préfabriqués (fermes industrielles, par exemple). Cependant des architectes comme P. Zumthor maintiennent encore une approche plus artisanale où une transformation bien précise du bois n’est destinée qu’à un seul bâtiment.

Avec des procédés comme le tranchage, le déroulage ou la trituration, l’origine du bois, qui se retrouve en plaques fines, en lamelles, en fibres ou particules, devient moins lisible. Le collage lui procure une résistance qui dépasse ses capacités naturelles ou lui permet de pourvoir à plusieurs fonctions. E.Manzini disait, à propos des plastiques et composites dans les années 1980, que les matériaux actuels ont une « identité faible ou inexistante »1, du fait des multiples formes et caractéristiques que l’homme peut leur donner (la texture du bois est par exemple facilement imitable en matériaux composites comme les plaques en fibro-ciment). L’identité du bois passe-t-elle encore aujourd’hui par l’expression de son origine naturelle?Chaque étape de la transformation vise à rendre le bois plus homogène, isotrope, sans défauts. Toutes les caractéristiques naturelles qui limitent son utilisation dans la construction semblent vouloir être éliminées ou dépassées. Pourtant, la technologie actuelle ne nous éloigne pas pour autant de la nature. Elle nous permet même de connaître le bois jusqu’à l’échelle atomique. On pourrait également ajouter que le cadre du développement durable tend vers ce rapprochement. Quelle « nature » peut-on alors retrouver dans l’utilisation actuelle du bois?

Le propos s’appuie ici sur la vision de l’architecte autrichien Hermann Kaufmann, et un exemple de ses réalisations, le refuge d’Olperer (Alpes du Tyrol, 2007). Cette construction est moins marginale que les précédentes, du fait de son recours à un produit industriel préfabriqué: le panneau en bois. Le but de l’architecte est

1 Ezio Manzini, La matière de l’invention, Editions du Centre G.Pompidou, , Paris, 1989, p16.

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1. Pièce en lamellé-collé du PrometeoLa présence de l’homme rend compte de l’échelle de cette pièce en bois.

Source: Photographie dans BUCHANAN Peter, Renzo Piano Building Workshop, Vol.1, Editions Phaïdon, Paris, 1994, 240p.

3. Collage des lamelles, bois lamellé-colléLes lamelles encolées sont pressées les unes contre les autres pour dépasser dimensions et résistance naturelle.

Source: Photographie sur le site de l’entreprise Haas-weisrock www.haas-weisrock.fr

2. Panneaux acoustiques du PrometeoL’installation est pensée comme auditorium et caisse résonnance. Toute l’acoustique est réglée par des panneaux en bois stratifiés plus ou moins courbés.

Source: Photographie dans BUCHANAN Peter, Renzo Piano Building Workshop, Vol.1, Editions Phaïdon, Paris, 1994, 240p.

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également de rendre plus accessible la construction bois, en développant notamment des produits reproductibles. Cependant, cet exemple n’en est pas moins particulier. Il utilise en effet la technique du panneau contrecollé-croisé, afin de retrouver les caractéristiques du bois massif. Il permet par ailleurs d’illustrer la tendance actuelle de la construction bois qui allie démarche environnementale et matière première naturelle de plus en plus transformée.

3.1 Le bois-lamellé-collé : dépassement de l’échelle naturelle du bois

Avant de traiter la question des panneaux bois, il faut revenir à la première technique de collage : le bois lamellé-collé. Issu des bois massifs sciés, on peut le considérer comme un état intermédiaire entre l’utilisation directe du bois scié et ce qu’on appelle les produits dérivés du bois, les panneaux. La technique du bois-lamellé-collé apparaît dès les années 1910, mais son usage se répand à partir des années 1960 et 1970 grâce à des progrès réalisés dans les colles notamment.2 Elle illustre bien l’idée d’homogénéiser le matériau et de dépasser ses capacités naturelles. En effet, les singularités de croissances sont éliminées par coupe des parties défectueuses et le retrait diminué par un pré-séchage des planches ainsi que par un agencement particulier des lamelles. Celles-ci se déformant essentiellement dans les sens transversal et tangentiel, elles ne sont par orientées de la même façon les unes par rapport aux autres, de sorte que leurs déformations se bloquent mutuellement. Par ailleurs, ce procédé permet d’obtenir des éléments dont les dimensions et les formes n’ont rien à voir avec le tronc d’origine, de même qu’ils sont plus résistants mécaniquement. Il s’agit d’une transformation véritablement industrielle, que l’homme ne peut réaliser sans machines et où les étapes de fabrication sont nombreuses ( séchage, triage, aboutage, rabotage, encollage, serrage, taillage et finitions).

Par exemple, dans l’installation démontable de Renzo Piano Building Workshop, le Prometeo (Venise, Milan, 1984), des éléments préfabriqués en bois-lamellé-collé servent à la fois de poutre de planchers et de poteau. Il s’agit d’un espace surélevé qui sert en même temps de scène, d’auditorium et de caisse de résonance pour jouer l’opéra de L.Nono.3 Les poutres font 60cm de hauteur, ce qui montre le décalage d’échelle avec un élément en bois juste scié. Cet exemple permet aussi d’aborder la question acoustique, qui a été une des premières raisons d’utilisation du bois en panneau. La constitution naturelle du bois lui donne en effet une certaine capacité à absorber les sons. C’est pourquoi toute l’acoustique de cet auditorium est fondée sur des panneaux stratifiés en bois plus ou moins courbes. Néanmoins, le panneau acoustique n’est pas la seule utilisation du bois en

2 STEURER Anton, Developments in timber engineering, the Swiss constribution, Birkhauser, Bâle, 2006, 336p.

3 BUCHANAN Peter, Renzo Piano Building Workshop, Vol.1, Editions Phaïdon, Paris, 1994, 240p.

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2. Constitution microscopique du boisLes parois cellulaires du bois sont composées de plusieurs couches. Les microfbrilles ont une orientation différente dans chaque couche, ce qui rend leur comportement plus isotrope et donc plus résistant dans toutes les directions. C’est une technique similaire qui est à la base des panneaux à lamelles orientées (à une toute autre échelle).

Source: Schéma dans NATTERER Julius, SANDOZ Jean-Luc, REY Martial, Construction en bois: matériau, technologie et dimensionnement, 2004, 540p.

1. Test de compression sur du chêneOn remarque que la résistance est assurée par les parois des cellules. Quand l’une d’entre elles rompt, la structure du bois se décompose. Toute la résistance est ainsi concentrée dans les parois cellulaires.

Source: Photographie issue de la vidéo De l’arbre au bois, www.inra.fr/audiovisuel/films/environnement/

Paroi primaire

Paroi secondaire:- couche 3

angle des fibres: entre 60° et 80° (par rapport à l’axe longitudinal)

- couche 2angle des fibres entre 5° et 30°

- couche 3angle des fibres entre 60° et 90°

Paroi cellulaire:parois primaire + secondaire

Paroi cellulaire

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panneau, comme le montrent les réalisations de l’architecte H.Kaufmann.

3.2 Hermann Kaufmann, la dimension écologique appliquée à l’utilisation du bois sous forme de panneaux préfabriqués

L’architecte autrichien H.Kaufmann est issu d’une famille de charpentiers du Vorarlberg. Selon D.Gauzin-Müller4, le bois dans cette région tient une place centrale, non seulement à cause des forêts bien présentes et d’un usage traditionnel, mais aussi grâce à une volonté d’innovation dans la construction bois qui apparaît dès les années 1960 (mouvement des Baukünstler). Aujourd’hui la région s’inscrit dans une démarche de développement durable, où l’utilisation du bois dans le bâtiment est encouragée. L’idée est tout d’abord d’exploiter sa capacité à être renouvelable et à stocker du carbone dans le but de limiter l’effet de serre. Il s’agit ensuite de développer la filière industrielle du bois pour générer des emplois et stimuler l’économie, notamment dans les zones rurales. La sylviculture permet également un renouvellement constant des arbres, ce qui assure une protection contre les avalanches (les arbres âgés sont en effet moins résistants que les sujets jeunes). Le bois est ainsi au cœur d’enjeux environnementaux, sociaux et économiques.

L’ancrage du bois dans cette approche environnementale se base bien sûr sur son origine naturelle. Afin d’analyser la tendance actuelle qui met en avant cette origine, tout en ayant recours à un bois de plus en plus transformé, on concentre ici l’étude sur une des réalisations de H.Kaufmann, le refuge d’Olperer. L’intérêt du travail de cette agence réside dans son discours, clairement axé sur le développement durable, malgré un usage quasi-exclusif d’éléments industriels. H.Kaufmann a en effet collaboré avec l’ingénieur Konrad Merz pour développer une gamme de panneaux structurellement performants faits à partir de planches, plaques ou lamelles orientées (poutre à caisson, par exemple). L’innovation se trouve ici dans l’utilisation de panneaux très épais, ce qui fait dire à l’architecte qu’il s’agit d’une nouvelle architecture en bois massif, qui rompt avec la tradition.5

Dans la monographie de l’architecte6, on peut remarquer deux points de vue. Tout d’abord, l’utilisation du bois doit être optimisée Pour une performance énergétique ou mécanique donnée, les éléments de construction doivent avoir recours à un minimum de matière, et dépenser le moins d’énergie possible. Par ailleurs, le bois est inscrit dans une dimension écologique qui fait intervenir les notions de bilan carbone et de cycle de vie (ressource renouvelable, vieillissement, recyclage). Paradoxalement, ces deux points parlent plus de l’origine naturelle du bois que de sa transformation.

4 GAUZIN-MULLER Dominique, L’architecture écologique du Vorarlberg: un modèle social, économique et culturel, Le Moniteur, Paris, 2009, 405p.

5 KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.6 Ibid.

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2. Situation du refuge d’OlpererLe refuge offre une vue sur les forêts lointaines aux alentours. Le site est, très isolé, reste complètement naturel.

Source: Image Google Earth

1. Taux de boisement des régions d’AutricheEntre un tiers et la moitié de la superficie de chaque région autrichienne est boisé. Le bois peut donc être une ressource locale.

Source: chiffres issus du site www.europarl.europa.eu/workingpapers/, d’après une étude faite en 1995 pour le Parlement Européen

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3.2.1. Matérialisation d’une technique naturelle d’efficacité

Le refuge d’Olperer se situe à 2400m d’altitude dans le Tyrol (Alpes du Zillertal), région voisine du Vorarlberg. Il se compose d’un bâtiment principal de 250m², qui sert d’abri pour les randonneurs l’été, et d’une maison annexe de 48m² destinée à l’hébergement l’hiver. Tous deux sont entièrement en bois. Constitués de panneaux dits contrecollés-croisés, ils ne sont pas représentatifs du « genre » de la constructions en panneaux. Les panneaux contrecollés-croisés résultent en effet de la juxtaposition de planches et non de lamelles ou fibres, ce qui les rend plus épais et augmente leur capacité porteuse. Leur épaisseur peut ainsi varier entre 80m et 300mm. Une ossature structurelle est donc inutile selon K.Merz.7 Les planches sont collées entre elles en plusieurs couches (ou plis).Dans l’abri d’été, les panneaux sont faits de 5 couches de planches et font entre 126mm (façade) et 176Mm (toit) d’épaisseur totale.Il est intéressant de constater que la technologie des panneaux bois fait appel à des techniques d’optimisation de la matière. Certains systèmes naturels, dont celui de la structure du bois, ont recours à des techniques similaires d’efficacité. L’origine naturelle du bois sous forme de panneaux n’est pas évidente. Cependant, la conception de ces derniers fait écho à une intelligence de mise en œuvre que l’on retrouve dans la nature.

Technologie des panneaux faits à partir de planches, lamelles ou fibres orientéesLes panneaux sont constitués d’éléments en bois qui eux-mêmes s’éloignent plus ou moins de l’échelle naturelle du tronc. On peut en effet trouver des panneaux massifs faits de planches collées, comme dans le refuge d’Olperer, des agencements de lamelles, ou bien des fibres ou particules agglomérées. Ils illustrent clairement la volonté de rendre le bois moins « vivant ». Le travail sur l’orientation des lamelles diminue en effet l’anisotropie du retrait dans les panneaux. Le principe est le suivant: on donne à chaque lamelle une orientation propre. Elle se déforme ainsi dans une direction différente des lamelles voisines. Toutes les lamelles finissent par se bloquer mutuellement au sein du panneau. Cette technique a été inventée dans le but d’améliorer les performances du bois. Or cette idée d’optimisation de la matière se retrouve dans la nature, à l’échelle quasi-moléculaire du bois, comme constaté dans l’ouvrage Construction en bois de J.Natterer. En effet, la sève qui circule à travers le réseau de cellules du bois, et les phénomènes occasionnels comme le gel de printemps, exercent des pressions auxquelles doivent résister les parois cellulaires. Afin d’acquérir cette résistance, les membranes sont constituées de plusieurs parois, où l’on peut remarquer une structure fibreuse (cellulose et hémicellulose). Dans chaque couches de fibres, les microfibrilles ont une orientation propre qui varie selon les couches. Elles sont ainsi « judicieusement disposées avec une alternance croisée visant à réduire

7 KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.

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2. Vue sur la façade sud-ouest (entrée) du refugeRien ne laisse deviner la structure en panneaux bois sous cette allure de maison traditionnelle au bardage en tavaillons (volume compact, toit à deux pans)Toutes les ouvertures sont munies de volets en bois pour éviter les déperditions thermiques.

Source: image sur le site www.hermann-kaufmann.at

1. Courbes de niveaux du siteLe refuge est situé en altitude, sur le flanc d’une montagne. Les panneaux en bois préfabriqués ont été amenés depuis le lac en contrebas jusqu’au site de construction par hélicoptère, aucune route ne desservant le site.

Source: Carte dans KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.

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l’anisotropie de cette paroi »8. Et finalement « l’organisation en couches microscopiques est quelque peu similaire au concept de contreplaqué, réalisé en couches croisées. L’agencement est alors au domaine macroscopique et permet ainsi d’obtenir un comportement plan isotrope ».9

Technologie compositeLe bois, sous forme de lamelles, fibres ou particules est associé à un liant, la colle ou résine synthétique. Cela permet d’obtenir des panneaux mais aussi d’autres produits au profil extrudé. Là encore, cette structure composite faite d’un renfort (les fibres) et d’une matrice (la résine), se retrouve à l’échelle microscopique du bois. En effet, les parois cellulaires se composent de lignine et de microfibrilles de cellulose. La lignine joue le rôle de liant. Elle assure la cohésion transversale des fibres, mais n’a aucune rigidité dans ce sens. Les microfibrilles de cellulose sont une sorte d’armature. « Les parois cellulaires anatomiques sont donc déjà un matériau composite formé de deux polymères ». 10

C’est ce qui fait dire à E.Manzini que les « matériaux sont de plus en plus éloignés de la nature », mais que « la stratégie technique se rapproche des voies suivies par la nature » en créant des « solutions caractérisées par des matériaux complexes et composites ».11

MultifonctionnalitéL’utilisation de panneaux dans le refuge d’Olperer met en évidence une autre caractéristique que l’on retrouve dans la nature: la multifonctionnalité d’un élément, source d’économie de matière. En effet pour K.Merz, les panneaux sont « des éléments intégrés ou multifonctionnels qui portent, contreventent, forment des espaces et servent de revêtement fini tout à la fois »12. Ce cumul des fonctionnalités au sein d’un élément renvoie à l’efficacité économique de matière déjà présente dans le bois. Les cellules longilignes du bois assurent par exemple deux fonctions nécessaires à la vie de l’arbre: le transport et la résistance.L’eau et la sève, qui contient minéraux ou sucres, circulent des racines aux feuilles (et inversement) à travers ces canaux cellulaires. Le bois est également la structure porteuse du l’arbre, ce qui permet son développement horizontal et vertical.

Comment se traduit la multifonctionnalité des panneaux dans le refuge d’Olperer?Tout d’abord les panneaux constituent la structure du bâtiment. Ce sont des éléments plans perpendiculaires les uns aux autres qui assurent aussi le contreventement. On peut malgré tout remarquer une file de poteaux au rez-de-chaussée, où les panneaux sont transversaux, pour reprendre les charges des

8 Julius Natterer, Construction en bois: matériau, technologie et dimensionnement, Presses polystechniques et universitaires romandes, 2004, p27.

9 Ibid. p27.10 Ibid. p3211 Ezio Manzini, La matière de l’invention, Editions du Centre G.Pompidou, , Paris, 1989, p79.12 Otto Kapfinger, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, p16.

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2. Organisation de la structure en panneauxLes panneaux du RDC ne permettent pas de porter ceux de l’étage du fait de leur direction transversale, raison pour laquelle on trouve une file de poteaux en bois dans le sens longitudinal.Toiture est plancher sont faits de la même façon.Source: Axonométrie dans KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.

3. Composition d’un panneau en bois contrecollé-croisé: l’orientation des planches change à chaque coucheSource: Dessin L.L.

1. Coupe sur la façade du refugeLe mur et les planchers sont uniquement en bois. Les panneaux sont structure, contreventement, cloisonnement, revêtement intérieur, isolant.

Source: Coupe dans KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.

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panneaux du premier étage qui sont placés longitudinalement. Il n’y a cependant ni charpente ni structure de plancher. Ce dernier est uniquement composé de panneaux longs de 10m et large de 1m. De même, la toiture est faite de panneaux posés les uns à côté des autres.Les panneaux servent ensuite de cloisonnement entre les pièces (salle commune et service au RDC, chambres à l’étage). Les percements sont toute hauteur, les murs longitudinaux sont alternativement complètement pleins ou complètement vitrés. La surface des panneaux est également le revêtement intérieur des murs, plafonds et planchers. Le bois, ni traité ni verni, est visuellement omniprésent. Quelques traces de l’origine du matériau transparaissent: des noeuds, des veines, et surtout la couleur claire. Les réseaux sont intégrés dans les panneaux. La maison d’hiver intègre en plus un isolant dans ses murs préfabriqués. Enfin on se sert de l’épaisseur des panneaux et des propriétés naturelles du bois pour isoler le refuge d’été. En effet, n’étant ouvert que pendant la saison « chaude », ce bâtiment n’a pas d’isolant. Néanmoins, le climat et l’altitude ne garantissent pas des températures extérieures confortables, même en été. Par exemple, les températures moyennes hautes à Saalfelden (Autriche, alt. 3000m) sont de 3°C (avec un record à 12°C), et à Abriach (Autriche, alt.2000m) de 8°C pour les mois d’été.13 Par ailleurs, le bois ayant une faible inertie thermique, le bâtiment ne conserve pas longtemps la chaleur du soleil malgré son orientation qui expose les grandes façades à l’ouest et à l’est. C’est pourquoi un chauffage a été prévu, mais « l’installation technique est réduite au minimum ».14 Les couloirs et les chambres ne sont pas chauffées par exemple. Il faut donc compter sur la capacité isolante du bois.

3.3. Dimension écologique

Capacité naturelle du bois à stocker le carboneAu mot « durabilité », l’équipe d’H.Kaufmann fait correspondre ceci: « L’argument le plus fort et le plus important pour l’utilisation du bois dans la construction est le fait qu’il s’agisse d’un matériau créé par l’énergie solaire, qui extrait du CO2 de l’atmosphère et l’emmagasine. Bien utilisé, il s’élimine bien, est même recyclable. » 15

Avec la notion de stockage de carbone, c’est encore à la constitution même du bois que l’on fait appel, mais ici à l’échelle moléculaire. Par la photosynthèse, opération qui se fait, entre autres, grâce à l’énergie lumineuse du soleil, le carbone présent dans l’atmosphère sous forme de CO2 est absorbé pour produire des sucres qui serviront à la croissance de l’arbre, et plus particulièrement à la fabrication de la matière « bois ». Celle-ci devient elle-même un « réservoir de

13 Données sur le site www.weatherbase.com14 Otto Kapfinger, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, p29.15 Ibid., p11;

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1. Montage des panneaux du plancher d’étageL’hélicoptère sert aussi de grue pour monter la structure. Les panneaux du plancher de l’étage sont larges de 1m mais longs de 10,6m ou 14m. Ces dimensions ne seraient pas possibles avec du bois non-collé ou sans panneaux.

Source: Photographie issue du site www.hermann-kaufmann.at

2. Effet du soleil sur le boisLe vieillissement du bois est accepté par H.Kaufmann, qui refuse les traitements chimiques de protection. Le bois prend ainsi une couleur grise au fil du temps sous l’action des rayons UV du soleil, qui détruit les cellules superficielles.

Source: Photographie dans KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.

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carbone » de par sa constitution moléculaire. Dans un cycle naturel, ce carbone est relâché dans l’atmosphère, par la respiration de l’arbre d’une part, et par la décomposition finale du bois d’autre part. Le bilan carbone de l’arbre est ainsi quasi-nul. L’essentiel du carbone absorbé pendant la croissance de l’arbre est restitué en fin de vie. Le reste est transféré au sol par les branches tombées et par la décomposition du système racinaire, ce qui constitue les puits naturels de carbone. L’exploitation de cette caractéristique naturelle du bois se fait dans le but de diminuer le taux trop élevé de CO2 présent dans l’atmosphère. Le principe est que dans un bâtiment en bois, le carbone est extrait temporairement du cycle. Son relâchement dans l’atmosphère est retardé le temps de la vie du bâtiment.Le fait que cette capacité naturelle concerne l’échelle moléculaire permet de retrouver l’origine naturelle du bois même quand celui-ci se trouve sous la forme la plus éloignée de la nature c’est-à-dire en particules, en panneaux, dissimulé par des peintures etc. Cela renvoie à une matérialité intrinsèque qui n’est pas perceptible.

Cycle de vieLa notion de cycle imprègne la vision architecturale de H.Kaufmann. Le bâtiment est en effet pensé selon un cycle de vie, démarche qui fait écho aux cycles naturels: boucle des écosystèmes, prise en compte de la fin de vie du bâtiment comme s’il s’agissait d’un organisme vivant, par exemple.

Il s’agit avant tout d’une matière première. En tant que ressource naturellement renouvelable, elle ne peut être épuisée en théorie, surtout si l’exploitation des forêts est contrôlée (rôle de la sylviculture, plantations régulières). Cependant, l’équipe d’H.Kaufmann insiste sur le fait que l’utilisation du bois est durable seulement s’il s’agit d’un matériau local16. Le transport du bois de la forêt au site de construction doit être pris en compte.En ce qui concerne le refuge d’Olperer, les panneaux sont en épicéa: choix logique, étant donné que 80% de la surface boisée de l’Autriche est constituée de conifères.17

Tous les panneaux ont été préfabriqués en atelier (entreprise Sohm-Holzbau, Vorarlberg). Ils ont ensuite été transportés de l’usine au barrage du lac Schlegeisspeicher en camion, puis montés en hélicoptère (913 vols en trois jours). L’hélicoptère a été choisi car aucune route ne permet d’acheminer les éléments de construction du lac au refuge. L’ancien bâtiment avait été construit avec les pierres des alentours. La préfabrication en bois présente l’avantage de ne pas produire de déchets sur le site, et ne demande pas d’eau pour la mise en œuvre (chantier sec). Un inconvénient du principe des panneaux est la présence de colle, élément

16 KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.17 GAUZIN-MULLER Dominique, L’architecture écologique du Vorarlberg: un modèle social,

économique et culturel, Le Moniteur, Paris, 2009, 405p.

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artificiel qui peut avoir un impact sur l’environnement (déchet de fabrication, dégagements de gaz nocifs notamment lors de l’incinération du bois-lamellé-collé). Aujourd’hui, de nouvelles façons d’assembler les planches en panneau sans utilisation de colle apparaissent (par clouage ou tourillonage, par exemple18)

Après la construction, qui se voulait rapide compte tenu de l’altitude, le temps de vie du bâtiment est également pensé. L’idée est de faire un édifice peu énergivore, et autonome du fait de sa situation isolée. Des dispositifs techniques permettent d’assurer cette autonomie (poêle de masse en faïence, complément de chauffage assuré par les excédents thermiques du système d’assainissement de l’eau, lui-même alimenté par du photovoltaïque, entre autres19). Des volets en bois accompagnent également chaque ouverture, et des ouvrants placés à chaque extrémité du couloir d’étage autorisent une ventilation naturelle.

Le plus intéressant réside dans l’acceptation du vieillissement naturel du bois.B.Tschofen, dans la monographie sur H.Kaufmann, dénonce en effet la confusion entre « durable » et « indéfectibilité » : « Nous soumettons alors cette matière première première à des traitements tels que nous rendons toute durabilité caduque »20.

Le bâtiment n’est pas pensé pour être éternel. La transformation du bois ne doit pas empêcher ce vieillissement. La façade est ainsi revêtue de tavaillons (petites planches fendues se recouvrant comme des tuiles) pour protéger les panneaux. Ce bardage en bois n’est pas traité. L’altération chimique due aux rayons ultraviolets du soleil, qui cause un changement de couleur du bois avec le temps, est acceptée.Enfin l’idée est de recycler les éléments constitutifs du bâtiment. Le bois des panneaux peut être redécoupé en fibres ou particules pour fabriquer d’autres panneaux, ou bien alimenter les filières de la papeterie ou du bois de chauffage.

Le bois, nouveau produit?Le bois, sous forme de panneaux ou d’élément composites, devient clairement un produit. Les transformations permettent en effet de dépasser les capacités naturelles du tronc. Sa forme même peut ressembler à d’autres matériaux (briques « Stecko » ou poutres en I reconstituées, par exemple). Elle est modifiée par l’homme dans le but de remplir des fonctions nouvelles (contreventement, assemblage), d’augmenter des capacités naturelles (structurelles notamment) ou de s’affranchir des défauts qui nuisent à un usage performant. La préfabrication en série met à distance, par définition, le bois de l’idée de singularité naturelle. On peut également remarquer que le lieu de la transformation s’éloigne d’autant plus du lieu de mise en œuvre que le bois est

18 GAUZIN-MULLER Dominique, L’architecture écologique du Vorarlberg: un modèle social, économique et culturel, Le Moniteur, Paris, 2009, 405p.

19 KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag, Vienne, 2009, 255p.20 Bernard Tschofen in KAPFINGER Otto, Hermann Kaufmann Wood Works, Springer-Verlag,

Vienne, 2009, p222.

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transformé. Tout est pratiquement réalisé en atelier. Une tendance de la construction en panneaux bois est celle de la préfabrication totale. La matière de l’architecture est quasi-unique, le bois en surface et dans son épaisseur. Par contre, certaines architectures reprennent un langage traditionnel, comme c’est le cas pour le refuge d’Olperer.

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Bien que le terme « naturel » puisse être employé pour qualifier le bois, il ne faut pas oublier que la transformation l’éloigne de son état d’origine, comme on a pu le constater à travers l’analyse de la chaîne de transformation.La volonté de faire entrer le matériau dans une grille (de calcul ou de découpe), afin de pouvoir l’utiliser plus aisément, plus rapidement et à moindre coût, va à l’encontre de l’idée de singularité naturelle. Avec les produits dérivés du bois, l’idée est de créer un nouveau matériau, issu d’une « matière bois » recomposée, homogène et sans défauts. Ce matériau est adapté par l’homme à l’architecture et non l’inverse. C’est en ce sens que l’on peut le qualifier de produit. Cela est d’autant plus vrai que si le bois est choisi uniquement pour sa capacité à stocker le carbone, seule la « matière bois » a d’importance. Dans ce cas extrême, toutes les autres caractéristiques du bois n’ont pas d’intérêt, et il peut aussi bien être dissimulé que prendre n’importe quelle forme.

En outre, le sciage expose la partie interne du bois. Cette situation n’est pas naturelle, comme le montre la nécessité de le protéger. De plus, l’idée du bois est souvent réduite au dessin particulier qui résulte de cette découpe. C’est le cas à travers les plastiques imitant la texture du bois, par exemple. Par l’abstraction d’un motif naturel (dont le sens a été perdu au passage), l’identité du bois est représentée par un matériau artificiel.

D’une manière générale, on peut considérer que la distance entre le le bois et son état d’origine augmente avec sa transformation, ce qui implique une épaisseur de la notion d’artificiel. Dans tous les cas, on ne peut pas parler du bois en tant que matériau sans avoir conscience de la de l’action de l’homme sur la matière d’origine.

Cependant, on a pu voir que même sous la forme de panneau ou de produit composite, l’origine naturelle du bois peut être exprimée. On a ainsi pu identifier cinq caractères naturels qui transparaissent sous diverses formes.

L’aspect visuel tout d’abord, qui rend assez évidente l’identité naturelle du bois.

Conclusion

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L’expression de cette matérialité visible se fait par le choix du mode de débit et du traitement de surface, par la volonté de laisser apparent le bois, ou par la perception des espaces qui sont de taille limitée.

Puis vient l’évocation du milieu d’origine, la forêt : des dispositifs au niveau des ouvertures du bâtiment permettent de créer un lien visuel avec un paysage boisé. On peut aussi avoir recours à des formes perçues comme organiques. L’expression relève ici de l’ordre de l’imaginaire et de la métaphore.

Les multiples propriétés intrinsèques du bois, qui résultent de sa microstructure naturelle, sont également évoquées. Il s’agit de ses capacités acoustiques et isolantes, de son odeur, de son comportement vis-à-vis de l’humidité, de sa résistance mécanique face aux efforts axiaux ainsi que sa disposition naturelle à stocker le carbone. Leur expression se fait par l’expérience sensible du bâtiment, par des dispositifs spécifiques, par l’omniprésence et l’épaisseur du matériau, ou par le discours et les connaissances qui encadrent l’utilisation du bois.

La dimension temporelle apparaît ensuite, avec le séchage du bois, l’idée de cycle de vie et le vieillissement naturel. Elle se manifeste visuellement, ou au contraire conceptuellement. La mise en œuvre, phase éphémère, illustre également cette dimension temporelle dans le cas particulier du Downland Gridshell: courbé le temps du chantier, le bois donne l’impression d’être figé dans une forme qu’il aurait pris en poussant.

Enfin une dernière caractéristique est mise en évidence quand l’utilisation du bois se fait dans une posture d’imitation de sa structures naturelle. En effet, la nature « construit » ses structures en suivant une règle d’économie. La multifonctionnalité d’un élément, ainsi que les structures composites sont présentes dans la nature.

L’expression de l’origine naturelle du bois passe ainsi par sa perception par les sens. Elle peut se manifester concrètement, être évoquée métaphoriquement ou de façon conceptuelle.Employer les termes de « matériau naturel » a donc du sens, mais seulement si l’on précise quelles sont les caractéristiques naturelles mises en jeu. Par ailleurs, l’expression des caractéristiques naturelles du bois malgré sa transformation montre bien qu’une utilisation du bois en tant que matériau n’en fait pas un élément totalement artificiel.

Cependant les exemples retenus, assez marginaux, ont aussi leurs limites. Peut-on retrouver dans les bâtiments plus représentatifs d’une construction bois industrielle toutes les caractéristiques citées précédemment? Les édifices analysés sont en effet souvent situés dans des lieux où la relation avec la forêt est immédiate. Qu’en serait-il en milieu urbain? Par ailleurs, il s’agit de commandes privées. L’architecte dispose donc de moyens suffisants pour se

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permettre d’expérimenter l’utilisation du bois. La construction du Downland Gridshell et de la maison Gugalun ont de plus été longues et fastidieuses, sûrement coûteuses.

Néanmoins, l’intérêt réside plus dans le fait de montrer que le bois reste un matériau d’origine naturelle malgré son insertion dans un système industriel. L’architecte joue un rôle dans l’expression ou non de ces caractéristiques. Les constructions en bois actuelles ne sont pas nécessairement issues de produits industriels pris tels quels. Le choix du matériau peut même être à la base d’un concept architectural. Le fait que l’utilisation du bois rond se fasse à titre expérimental est révélateur : le bois et ses caractéristiques naturelles sont encore l’objet de recherches qui peuvent être sources d’innovation dans la construction.Dans un souci d’économie d’énergie, l’utilisation d’un matériau naturel peu transformé est particulièrement intéressante. Comment intégrer ces matériaux dans l’architecture? Sous quelle forme, à quelle échelle, autres que celles de la « cabane » de Hooke Park, peut-on utiliser le bois rond, par exemple? A l’extrême inverse, exploiter jusqu’aux particules de bois est également une façon de faire des économies, de matière cette fois. Avec les panneaux et les produits dérivés du bois, la grume est optimisée, le bois paraît sous une forme nouvelle. Le refuge d’Olperer, imite une construction traditionnelle en apparence, sans avoir recours au mode constructif correspondant. Il ne met pas en avant la nouveauté de sa structure. L’exemple du refuge du Mont Rose par contre, s’inspire des panneaux pour prendre la forme d’un « crystal de roche », comme on le surnomme. Quelle architecture peut découler des innovations autour du bois?

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Ouvrages

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Bibliographie

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TPFE Etudiants

GROTTE Doniphan, De l’optimisation à la forme, Mémoire de TPFE, sous la dir. de BLASSEL Jean-François, Paris: EA Ville et des Territoires , 2008.

Sites internet

www.aaschool.ac.ukwww.boisforet-info.comwww.cstb.frwww.edwardcullinanarchitects.comwww.europarl.europa.eu/workingpapers/forest/www.hermann-kaufmann.atwww.inra.frwww.neuemonterosahuette.chwww.onf.frwww.wealddown.co.ukwww.weatherbase.comEco

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