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Architecture et nature Dans quelle mesure, la création contemporaine de l’architecte chinois Wang Shu s’inspire-t-elle du Feng Shui et particulièrement de son éthique environnementale? Mélanie Morin Mémoire de master Janvier 2011 Directeurs de mémoire Jean-François Blassel Juliette Pommier Guillemette Morel-Journel Ecole d'architecture de la ville & des territoires. Document soumis au droit d'auteur

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Architecture et natureDans quelle mesure, la création contemporaine de l’architecte chinois Wang Shu s’inspire-t-elle du Feng Shui et particulièrement de son éthique environnementale?

Mélanie Morin

Mémoire de masterJanvier 2011

Directeurs de mémoireJean-François Blassel Juliette PommierGuillemette Morel-Journel

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Le mémoire s’inscrit dans le cadre du séminaire du master Matières à penser en 5ème année. Il se déroule à l’école de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée. Le thème général est intitulé «Architecture et nature». Il est abordé soit d’un point de vue culturel, soit technique, urbain, structurel, thématique, soit monographique. Le mémoire, présenté ci-après, traite du dialogue entre l’architecture et la nature du point de vue de l’architecte chinois, Wang Shu.

Je tiens à remercier nos directeurs de mémoire: Jean-François Blassel, Juliette Pommier et Guillemette Morel-Journel ainsi que les architectes Che Bing Chiu et Françoise Ged, pour la consultation d’ouvrages.

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La pratique du Feng Shui relève du lien établi par la population chinoise avec les éléments naturels tels que le vent lié à la montagne et l’eau. Elle se base sur l’analyse de sites afin de définir l’implantation de projets en relation avec l’environnement. Alors qu’elle remonte à plus de deux millénaires et s’est développée à partir de croyances, d’intuitions, d’observations et d’expérimentations, quelle peut être sa pertinence et donc son application dans la société contemporaine? Bien qu’apparaissant comme une tradition démodée, le Feng Shui fait l’objet d’un regain d’intérêt concernant son éthique environnementale. Ces pratiques actuelles, bien que difficiles à authentifier aussi bien en Asie que dans les pays occidentaux, sont bien souvent utilisées comme objets de marketing pro-écologique. Pourtant son regain d’intérêt tendait à montrer un enjeu plus important, principalement en Asie, qui est sa leçon morale humaine et environnementale pour les architectes contemporains. Wang Shu, architecte chinois et enseignant à Hangzhou, au Sud de Shanghaï conduit ses recherches architecturales sur des modèles anciens chinois tels que le Feng Shui, qu’il travaille dans ses projets. Il réinterroge ainsi la pertinence de leurs valeurs morales dans la conception architecturale contemporaine. Dans ses projets, Wang Shu se libère des théories traditionnelles et se concentre sur le dialogue entre l’architecture et le paysage, l’équilibre entre l’artificiel et le naturel, l’organisation spatiale, caractéristique d’un mode de vie et les matériaux locaux. Analysés sur ces quatre thèmes, les différents modes d’interprétation du Feng Shui par Wang Shu révèlent ses sources d’inspiration à l’innovation. De ce fait, sa connaissance des valeurs passées, issues de sa culture, qu’il exploite dans son architecture contemporaine pose la question de l’identité architecturale chinoise. Cette réflexion sur les modèles anciens oriente ainsi sa conception architecturale vers une dimension philosophique et poétique du rapport de l’homme et l’architecture à la nature alliée aux techniques contemporaines de construction.

Résumé

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Feng Shui corresponds to the relation between the Chinese civilization and natural elements such as wind linked to mountain and water. Its practices focus on the analysis of a site in order to define the position of a building in a landscape. As they developed more than two millennia years ago and came from superstitions, beliefs, contemplations and experiences, what its relevance and so its practice are nowadays? Although Feng Shui appears as an old-fashioned tradition, it takes an interest concerning its environmental ethic. But it seems difficult to authenticate its recent practices as in Asia as in the occidental countries because most of them are used for an ecological marketing.Nevertheless, the aim of the interest in Feng Shui, particularly in China, is more important. It is to bring about a human and environmental lesson for architects. Wang Shu, Chinese teacher and architect in Hangzhou, in the south of Shanghaï, works about ancient Chinese models such as Feng Shui that he applies in his projects. He studies the relevance of the moral values of Feng Shui in his design. In his projects, he works about the connection and the balance between architecture and landscape, the creation of a way of life linked to the nature and the local materials. Analysed towards these four themes, the different degrees of appropriation of Feng Shui by Wang Shu reveal his sources of inspiration for innovative architecture. Consequently, Wang Shu’s knowledge of cultural Chinese values that he uses to realize his contemporary architecture, questions the Chinese architectural identity. His study about ancient models orientateshis design towards a philosophical and poetic dimension of the relation between man and architecture and environment, combined with contemporary building techniques.

Résumé en anglais

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Mémoire de master Matières à penserJanvier 2011

Directeurs de mémoireJean-François Blassel Juliette PommierGuillemette Morel-Journel

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Introduction 3

1. La lecture et la révélation du site:La connaissance de la nature et la place de l’homme dans l’environnement selon les taoïstes

11

1.1 L’«observation du terrain», Wang Shu 11

1.2 Le «développement d’un point de vue», Wang Shu 15

1.3 La «recherche d’une implantation», Wang Shu 19

2. L’équilibre entre l’architecture et la natureL’architecture paysagère chinoise

23

2.1 L’ «architecture est paysage», Wang Shu 23

2.2 L’architecture «recrée un environnement», Wang Shu 31

3. L’organisation spatiale, caractéristique d’un mode de vie Le Feng Shui, porteur d’un art de vivre

41

3.1 L’habitat sur rue 41

3.2 L’habitat dans les tours 45

4. Les matériaux, révélateurs d’un lieu et d’une cultureL’architecture locale

51

4.1 Alliance de techniques de constructions traditionnelles et contemporaines 51

4.2 Révélation de la nature par les matériaux 55

Conclusion 61

Annexes sur le Feng Shui 67

Bibliographie 83

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Le dialogue entre l’architecture et la nature se construit à travers les liens que l’homme peut tisser avec eux. Il a été particulièrement mis en avant par la société traditionnelle chinoise avec la pratique du Feng Shui.Le développement du Feng Shui est lié à la culture traditionnelle paysagère chinoise et notamment à la peinture chinoise. Connu également sous le terme de géomancie en Occident, il prend en compte, dans ses principes urbains et architecturaux, l’environnement. Sa théorie consiste à analyser un site afin de définir l’implantation de bâtiments selon les critères énoncés dans la citation suivante: « sonder les dragons », c’est-à-dire les montagnes, « observer les roches», les collines, « diriger les eaux », symbole de richesse, « fixer le lieu faste », le site parfait pour un programme donné et des habitants précis.1

En Chine, la pratique du Feng Shui remonte à plus de deux millénaires. Elle a structuré le pays chinois du Sud vers le Nord par l’implantation et l’organisation des villages, villes et capitales. Les Occidentaux lui ont porté un intérêt esthétique dans les années 1860 et à partir des années 1960, un intérêt moral vis-à-vis de l’environnement. Cependant au XXIème siècle, la pratique chinoise du Feng Shui tend à disparaître sous le développement rapide du pays et de ses constructions. Apparaissant comme une tradition à laquelle les chinois tiennent peu d’intérêt mais dont ils ne veulent pas non plus se séparer,2 quelle est la pertinence des valeurs morales du Feng Shui et leurs applications dans la société contemporaine et particulièrement en Chine?

L’étude du dialogue entre l’architecture et la nature se fera à travers l’analyse de projets contemporains réalisés en Chine par l’architecte chinois Wang Shu, dont sa conception architecturale s’inspire du Feng Shui. De part ses études

1 Méthode du Feng Shui pour fixer le site d’une ville, (Cité de l’architecture et du patrimoine,

exposition intitulée Dans la ville chinoise, regards sur les mutations d’un empire, 2008).

2 Chunyan Zhang, Le fengshui contemporain, éthique de l’environnement et enseignement

d’architecture du paysage, 2010.

Introduction

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d’architecture suivies à Shanghaï, la création de son agence Amateur Architecture Studio à Hangzhou dans sa ville natale et ses réalisations architecturales dans cette province du Zhejiang, au Sud de la Chine où le développement du Feng Shui s’élabora, Wang Shu tend à mettre en avant la considération de l’environnement dans ses projets architecturaux depuis plus de vingt ans et en tant qu’architecte depuis une dizaine d’années. L’étude sera divisée en quatre parties, correspondantes aux thèmes traités dans les projets de Wang Shu. Ils interrogent sur la lecture et la révélation du site d’un projet, sur l’équilibre entre l’architecture et la nature, sur l’organisation spatiale, caractéristique d’un mode de vie et sur les matériaux locaux. Afin de créer un environnement humain3 en accord avec le lieu du projet, Wang Shu cherche son inspiration à l’innovation dans des modèles culturels. Dans quelle mesure, la création contemporaine de l’architecte chinois Wang Shu s’inspire-t-elle du Feng Shui et particulièrement de son éthique environnementale? Wang Shu déclara: « En fait, les peintures paysagères traditionnelles chinoises expriment une grande diversité de caractéristiques territoriales et géographiques, induites également par les principes du Feng Shui qu’elles respectent. » Il tire deux propos de cette observation: un sur le dialogue entre l’homme, la nature et l’architecture et un sur le passé et l’avenir.4 Ce qu’il tient à défendre dans les deux cas, c’est la mise en valeur des caractéristiques propres au lieu du projet.

Basée sur les quatre thèmes précédemment énoncés, l’étude porte sur l’analyse de cinq projets de Wang Shu d’échelles et de programmes différents. L’identité du lieu du projet influe sur la conception architecturale de Wang Shu dans le but de rechercher le dialogue entre l’architecture, le paysage et l’habitant. Les projets, choisis à analyser, sont implantés sur des sites chinois de configurations différentes. Le campus de l’école des Beaux-Arts à Hangzhou est un projet d’une vingtaine de bâtiments sur un site où les éléments naturels tels que la montagne et l’eau occupent une place centrale. Le musée de l’Histoire à Ningbo s’est implanté sur un site urbain en pleine évolution où la construction de tours gagne les terrains des maisons traditionnelles environnantes. Ces deux projets interviendront dans l’argumentation de deux thèmes de l’étude. Le projet de la rue Zhongshan à Hangzhou consiste en la rénovation de l’ancienne voie impériale. Le projet des tours d’habitation à cours verticales se confronte à la densité urbaine à l’entrée de la ville de Hangzhou. L’analyse du pavillon du village chinois de Tengtou, réalisé pour l’exposition universelle de Shanghaï 2010,intervient dans la dernière partie de l’étude comme support de la compréhension

3 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, De l’enseignement du paysage en architecture, éditions de La

Villette, Paris, 2009, p.251.

4 Zhenning Fang, “The outline of the hills”, Abitare, n°495, septembre 2009, pp.64-73. “In

fact, Chinese traditional landscape paintings demonstrate a great variety of territorial and

geographical features as well as their own perspectives on Feng Shui.”, Wang Shu.

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du travail expérimental de Wang Shu sur la matière, les matériaux ou leur absence, révélateurs de la culture chinoise.

La mise en parallèle des réflexions architecturales contemporaines et des valeurs morales du Feng Shui, par les quatre thèmes développés dans cette étude, soulève la question de la position de l’architecture entre innovation et tradition. Ces thèmes correspondent chronologiquement à différentes étapes du processus de conception architecturale. L’étude comporte donc quatre parties. Dans chacune d’entre elles, l’attitude de Wang Shu face aux principes anciens sera analysée à travers son discours et par l’étude de son travail architectural.

La première partie porte sur la lecture et la révélation du site du projet du campus de l’école des Beaux-Arts à Hangzhou. Elle se rapporte aux valeurs morales du Feng Shui, basées sur le taoïsme, à travers la connaissance de la nature et la considération de la place de l’homme dans l’environnement. Cette étude analysera les prémisses de l’implantation de bâtiments sur un site, suivies par Wang Shu. Il détermina trois étapes : « l’observation du terrain », « le développement d’un point de vue » et « la recherche d’une implantation ».

La deuxième partie soulève la réflexion sur l’équilibre entre l’architecture et la nature. Elle renvoie à l’architecture paysagère traditionnelle chinoise. Cette partie examinera le langage architectural des projets du campus à Hangzhou et du musée à Ningbo de Wang Shu dans son rapprochement au langage paysager. Dans le projet du campus, Wang Shu recherche une architecture qui soit paysage et dans le second son architecture recrée un paysage.5

La troisième partie analyse le mode de vie engendré par l’architecture de Wang Shu. Elle fait référence au Feng Shui comme porteur d’un art de vivre. D’une part, elle traite le projet de la rue Zhongshan à Hangzhou, établie sur l’ancienne voie impériale, témoin du mode de vie traditionnel chinois. D’autre part, elle étudie le projet des tours d’habitation à cours verticales communes, dans son attachement à l’architecture traditionnelle composée de cours.

La quatrième partie examine les matériaux employés dans les projets de Wang Shu. Elle fait ressurgir la réflexion sur l’architecture locale. L’alliance de techniques anciennes et contemporaines, caractéristiques du lieu du projet et de la culture chinoise, fera l’objet de l’analyse architecturale des projets du musée à Ningbo et du pavillon du village chinois de Tengtou .

Les critères d’analyses sont la forme architecturale, le parcours architectural et les sensations procurées aux visiteurs ou habitants. Les études des

5 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op. cit., éditions de La Villette, Paris, 2009, p.180.

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différents projets seront appuyées particulièrement par des plans et coupes urbaines et architecturales et des photographies rendant compte des sites, du travail architectural et des matériaux employés.

La synthèse de l’attitude de Wang Shu vis-à-vis des principes anciens du Feng Shui et le message incarné par son projet du pavillon du village de Tengtou à l’exposition universelle de Shanghaï permettront d’ouvrir le mémoire sur les influences possibles de l’éthique environnementale du Feng Shui sur l’architecture contemporaine à l’échelle mondiale.

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La lecture et la révélation du site

La connaissance de la nature et la place de l’homme dans l’environnement selon les taoïstes

1.1 L’ « observation du terrain », Wang Shu

Bernard Lassus,6 plasticien, artiste, théoricien et paysagiste, prône un enseignement du paysage en architecture. L’analyse d’un site est prépondérante dans la conception architecturale. Il le défend en détaillant l’approche d’un site: « cette démarche consiste à dépasser l’ignorance première, en vue d’approcher le site dans sa singularité, son histoire, ses potentialités ». Il fait référence à la notion de lieu, d’espace et aussi de temps. L’imprégnation du site à différents moments, selon lui, permet à l’homme une lecture singulière du lieu et de ses éléments naturels. Bernard Lassus considère cette approche comme la « démarche du durable ». Amateur Architecture Studio réalisa, entre 2001 et 2007, le campus de l’école des Beaux-Arts à Hangzhou (au Sud de Shanghaï) sur un ancien site agricole. Il a été spécifiquement choisi par l’Académie des Beaux-Arts, un an auparavant, pour la construction du campus de son école. Il s’étend autour de la montagne Xiangshan et de laquelle il est séparé par la rivière Qiantang.

Wang Shu a défini dans son processus de conception architecturale contemporaine trois étapes afin d’établir l’implantation possible d’un projet: « l’observation du terrain », « le développement d’un point de vue » et « la recherche d’une implantation ». L’intérêt du site du projet pour Wang Shu recoupe les propos de Bernard Lassus. Wang Shu pense que c’est par l’étude et la connaissance de la nature que l’on peut préserver la singularité d’un site et donc concevoir une architecture qui se rapporte au lieu choisi. Il fait référence aux lettrés et aux artisans qui composaient le métier d’architecte en Chine quelques siècles auparavant. Selon lui, l’architecte d’aujourd’hui doit se comporter comme un lettré. Il doit donc par la connaissance de la nature et des cultures, pouvoir « réfléchir sur l’attitude de l’architecture en face de la nature: la nature est plus

6 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, De l’enseignement du paysage en architecture, éditions de La

Villette, Paris, 2009, p.252.

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Architecture et nature · Mélanie Morin12

1. Peinture « Shan Shui », Wang Hui, Dynastie des Qing (XVIIIème siècle).Escande Yolaine, op.cit., p.126.

2.Site du campus,Photographie prise depuis le site au NordDe Muynck Bert, « A small world », Domus, n°914, mai 2008, pp.56-65.

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3.Coupe du site, Longueur du site de 1190 mètres, représentation de la montagne Xiangshan et de la rivière Qiantang au pied de cette dernière..

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13La lecture et la révélation du site

importante que l’architecture », déclara-t-il.7

La première étape de conception, que Wang Shu nomme «l’observation du terrain»8, consiste à comprendre principalement la topographie d’un lieu en l’arpentant. L’observation du site, pour Wang Shu, est guidée par la manière qu’avaient les peintres traditionnels chinois de contempler un lieu. Le concept du Shan Shui en peinture chinoise, qui signifie littéralement « montagne et eau », dérive du Feng Shui « vent et eau ». Il a été développé à partir du IVème siècle ap. J.C. et plus particulièrement au Xème et XIème siècle ap. J.C.. La réflexion des deux concepts sur l’environnement est la même. Elle consiste à considérer l’environnement dans sa totalité. Cette notion sous-entend la connaissance de la philosophie taoïste, que les lettrés avaient et dont est issu le Feng Shui. Pour les chinois taoïstes, « chaque phénomène est lié à tous les autres suivant un ordre hiérarchique ».9 Et l’ensemble de toutes les espèces et phénomènes naturels forme un monde organique. L’homme faisant partie intégrante de cet ensemble, il devait accumuler un savoir sur la nature afin d’avoir une attitude responsable envers elle. Ce savoir s’acquière par la compréhension du tao et donc des lois de la nature exprimant l’unité de la diversité du monde naturel.10 Représentée dans la peinture chinoise, la nature est donnée à découvrir sans cesse. La peinture s’inspire de la montagne et également de l’eau et cherche à exprimer le mouvement continu de la nature. Le peintre s’imprègne du lieu afin d’exprimer l’unité de ce dernier dans son tableau. Celle-ci est transcrite par le paysage des montagnes et des eaux. Ces éléments sont liés au souffle ch’i. Il exprime, selon les taoïstes, l’énergie qui circule et qui lie l’homme à la nature. L’eau est créée par le souffle ch’i qui donna l’origine par son mouvement aux deux souffles Yin et Yang. Il se disperse grâce aux vents et est arrêté par l’eau. Et la montagne est créée par l’eau.11 (Figure 1)

L’environnement naturel du site, choisi pour le projet du campus, est composé de la montagne et de l’eau. La montagne Xiangshan s’étend sur 910 mètres à travers le site d’Est en Ouest. Elle a deux sommets dont les points culminants atteignent environ 500 mètres. Et elle s’étend du Nord au Sud sur 630 mètres. La montagne représente une superficie d’environ 530 000 mètres carrés soit presque les deux tiers de la superficie constructible du site d’environ 700 000 mètres carrés. Le site est traversé par la rivière Qiantang qui coule au pied de la montagne Xiangshan. Elle se sépare en deux bras au Nord.

7 Ibid., p.181.

8 Ibid., p.186.

9 Needham Joseph, La science chinoise et l’Occident, éditions Points Sciences, Paris, 1977, p.252.

10 Annexe 1: Le Feng Shui est issu du taoïsme.

11 Escande Yolaine, Montagnes et eaux - La culture du Shanshui, Hermann-éditeurs des sciences et des arts, Paris,

2005, p.88.

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15La lecture et la révélation du site

Selon Wang Shu, le site du campus a la qualité suivante: sa « géographie, principalement composée des montagnes, de l’eau et des plantes, forme une série d’unités ». (Figures 2 et 3) L’unité de la nature témoigne d’une morale, selon Wang Shu. Et l’architecture et l’urbanisme sont sensés intervenir dans ce sens, c’est-à-dire « correspondre aux lois de la nature ».12

1.2 Le « développement d’un point de vue », Wang Shu

La deuxième étape de la conception du projet de Wang Shu est « le développement d’un point de vue ». L’architecte progresse dans l’analyse du site en comprenant les liens qu’il peut tisser avec la nature dans le site. L’angle de vue représenté dans un tableau traditionnel chinois de paysage provient de son observation de la nature et d’un choix préférentiel de perspective. L’importance, attachée aux deux éléments que sont la montagne et l’eau, sont d’ordres philosophique et poétique pour Wang Shu. Les taoïstes allaient plus loin dans cette réflexion. Pour eux, la montagne et l’eau avaient des influences sur la vie de l’homme. L’eau, près d’une habitation, était associée au mouvement et à une vie heureuse et la montagne au repos et à une vie longue. L’association des deux qualifiait le site d’idéal pour le bien-être de l’homme, par l’équilibre du Yin et du Yang.13 Les taoïstes et les maîtres Feng Shui pensaient que la prospérité de l’homme était sous l’influence de phénomènes naturels. Selon Wang Shu, ces deux éléments « montagne et eau » inspirent à « la méditation ».14

Les éléments du site La vision de l’eau et de la montagne fait partie intégrante des points de vue choisis pour implanter les bâtiments du campus. Le site constructible comporte deux parties. Elles se situent autour de la montagne. Celle au Sud s’étend en moyenne à 393 mètres du pied de la montagne tandis qu’au Nord elle atteint les 266 mètres de profondeur sur 1190 mètres de longueur. Au Nord, le site constructible fait face à la montagne au Sud et est entouré par une autre montagne à l’Ouest. Il est caractéristique de la Chine du Sud. La chaîne de montagnes se termine près de Hangzhou, au Sud de Shanghaï. La rivière Qiantang n’est pas le seul élément eau du site. Un lac d’environ 140 mètres de longueur est situé sur le site constructible au Sud. Les bâtiments s’implanteront pour offrir aux usagers des perspectives, ciblées par l’architecte, sur les éléments eau et montagne. (Figures 4, 5 et 6) Wang Shu affirma que « l’architecture est un objet dont le secret tient dans la multiplicité des angles de vue ».15

12 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op. cit., p. 181.

13 Annexes 2 et 3: Le Feng Shui, les théories du Yin et du Yang et des Cinq Eléments.

14 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op. cit., p. 179.

15 Daniel Couvreur, entretien avec Wang Shu, exposition Europalia de travaux de jeunes architectes sur le thème

des traditions, Bruxelles, 2009.

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4 et 5. Angles de vue sur la montagne et l’eau4. Vue depuis la passerelle5. Vue depuis les bâtiments au NordIbid.

6. Localisation des angles de vuePlan du siteIbid.

7. « L’expert de Feng Shui sur le site » Clément Sophie, Clément Pierre, Yong-Hak Shin, Architecture du paysage en Extrême-Orient, école nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris, 1987, p.8 et p.10

8. « Etude sur le terrain par un expert de Feng Shui »

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17La lecture et la révélation du site

Le « développement d’un point de vue » Les relevés des éléments naturels, des espaces qu’ils induisent, de l’architecture environnante et sociologiques permettent d’identifier le lieu, d’analyser des points de vue et de définir l’échelle du campus sur le site. Ces relevés sur site établis par l’équipe d’Amateur Architecture Studio renvoient à l’attitude des maîtres de Feng Shui face à la nature. Ils arpentaient les terrains et établissaient de nombreux relevés basés sur leur connaissance de la nature, leur expérience et leur intuition. Deux écoles de Feng Shui se sont distinguées sous la dynastie des Song (XIIème siècle ap. J.C.): celle de la Forme et celle du Compas. L’école de la Forme se basait sur l’intuition et l’expérience des formes des éléments naturels et du paysage dans son ensemble pour analyser un site. Les maîtres de Feng Shui de l’école du Compas procédaient à l’aide d’une boussole nommée Luo Pan.16 Cette boussole était basée sur la représentation du cosmos (astrologie et numérologie). Les correspondances des phénomènes naturels et humains, basées sur la théorie des Cinq Eléments (eau, bois, terre, feu et métal) associée à celle du Yin et du Yang, étaient reportées sur cette dernière. Les reliefs des montagnes, par exemple, étaient également classifiés selon les Cinq Eléments.17 Ils établissaient des relevés sur site et à l’aide de la boussole, classaient les éléments naturels selon les deux théories. Cette classification était mise en relation avec l’appartenance à un ou plusieurs des Cinq Eléments, des futurs habitants du lieu (particulièrement le chef de famille). Si les caractéristiques du site concordaient avec celles des habitants et la fonction donnée à la construction, le site était déclaré idéal pour la construction. Et la forme et les caractéristiques architecturales étaient également établies par l’étude de la boussole. L’étude d’un lieu avec une boussole géomantique est toujours pratiquée en Chine.

Le maître de Feng Shui pouvait avoir une certaine latitude vis-à-vis de l’interprétation du site. Ce dernier pouvant regrouper plusieurs éléments naturels forts et correspondant aux habitants et au programme de la construction, le maître de Feng Shui pouvait en favoriser un plutôt qu’un autre selon son analyse de l’élément le plus favorable pour le bien-être des habitants. Bien que superstitieux de l’influence de la correspondance entre les éléments naturels et humains sur le destin des hommes, les maîtres de Feng Shui accordaient de l’importance à l’étude d’un site afin de rechercher les liens que l’homme pourrait établir avec le site dans lequel il vivrait. (Figures 7 et 8)

Wang Shu se détache des théories du Yin et du Yang et des Cinq Eléments. Il fait appel à son intuition, son expérience d’architecte sur le terrain et aux sens développés par l’homme pour identifier les points de vue sur les éléments naturels. Ils définissent plusieurs relations de l’homme au site. La peinture de Shan Shui caractérise trois perceptions du paysage. Le premier,

16 Annexe 4: Les deux écoles du Feng Shui

17 Annexe 2: Les principes du Feng Shui

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19La lecture et la révélation du site

nommé le « lointain haut », incite l’observateur a levé les yeux vers le point culminant de la montagne. Le second est le « lointain profond ou large ». Il est exprimé par une perspective de montagnes plus éloignées. Le troisième est le « lointain plat ». Il est suggéré par une vallée, un vide comblé par l’eau ou par les nuages. Le lien ciel-terre dans le tableau de Shan Shui est souvent représenté par une cascade ou des arbres. Le paysage du site du campus des Beaux-Arts pourrait être la source d’inspiration pour une représentation d’un tableau de Shan Shui. Ses caractéristiques sont la profondeur donnée par la chaîne de montagnes, le point haut de la montagne, sa pente chargée d’arcbres et le plat de l’eau. Le paysage est révélé par le regard de l’homme. Dans les peintures de Shan Shui, la présence humaine se fond dans le paysage. Elle peut être représentée par quelques personnes : pêcheurs, bûcherons, musiciens, peintres, lecteurs, voyageurs, personnes qui méditent ou par des habitations. Wang Shu tend donc à mettre en avant la dimension humaine de l’éthique environnementale du Feng Shui à travers l’inspiration de peintures de Shan Shui. Les sensations éprouvées par l’homme sur le terrain influencent l’implantation de l’architecture de Wang Shu.

1.3 La « recherche d’une implantation », Wang Shu

La troisième étape de conception architecturale est celle de la « recherche d’une implantation ». D’une part, le dialogue entre l’architecture et le paysage est caractéristique de leur distance. D’autre part, ce dialogue s’établit par l’orientation de l’architecture vis-à-vis des éléments naturels, en rapport avec les points de vue préférentiels, définis par l’architecte dans l’étape précédente. La rivière Qiantang délimite le pied de la montagne Xiangshan. Les bâtiments du campus se situent en moyenne à 80 mètres du premier bras de la rivière. Ils laissent place à un chemin piétonnier le long de celle-ci. Le lien de proximité avec les éléments naturels est favorisé pour les promeneurs. Ce choix architectural confirme la conviction de Wang Shu que le « paysage est présent dans le processus (architectural) faisant de la nature un élément de la construction du lieu de vie ».18 D’une part, la montagne et l’eau inspirent à la méditation comme le souligne Wang Shu. Dans la culture chinoise, ils sont symboles de calme et de sérénité. Les montagnes étaient considérées comme les habitations des immortels pour les taoïstes. Elles étaient associées à la bienveillance et l’eau à la force au Ier siècle av. J.C. 19 Les contacts physiques et visuels des usagers du campus avec la montagne et l’eau favoriseraient leur bien-être à travers les connotations chinoises anciennes qu’ils représentent pour la population et

18 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op.cit., p.184.

19 Escande Yolaine, op.cit., pp.68-74.

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21La lecture et la révélation du site

surtout l’atmosphère propre au milieu montagneux. D’autre part, l’architecture permet à l’homme d’avoir un autre point de vue sur les éléments naturels. Wang Shu déclara que « pour lui, un bâtiment n’est pas important en tant qu’objet. C’est la relation entre le bâtiment et la nature qui l’intéresse plus ». Le bâtiment « offre des vues variées sur cette dernière [la montagne]. »20 L’homme n’est pas passif sur un site. Il construit et exerce des activités. Il est amené à modifier le site et doit chercher à l’enrichir, selon les taoïstes. Ils donnent une connotation spirituelle à l’intervention de l’homme sur un site.

Le dialogue recherché entre l’architecture, l’homme et la nature a été qualifié par Stephan Feuchtwang, écrivain et anthropologue. Sa réinterprétation du Feng Shui dans son discours se rapproche de celle de Wang Shu. S. Feuchtwang, dans son livre An anthropological analysis of chinese Geomancy, écrit en 2002, affirme que « Lorsqu’on se place à l’endroit convenable, orienté dans la bonne direction, que l’on accomplit l’action adéquate au moment favorable, se crée alors une synthèse entre l’efficience pratique et la rectitude rituelle. C’est ce que l’on nomme être en phase avec l’univers.» Wang Shu consacre trois étapes de sa conception architecturale sur treize à la lecture du site pour rechercher l’implantation de ses bâtiments qui le révèlera aux occupants. Elles sous-entendent l’importance accordée au dialogue entre l’architecture et la nature qui n’est pas purement matériel et technique. Il relève également d’une philosophie de vie liée au lieu dans lequel l’homme vit, aux espaces qu’il parcourt et au temps qui rythme sa vie et celle des éléments naturels. L’architecte recherche, comme le peintre de Shan Shui, un équilibre entre ses perceptions de l’unité de l’environnement et ses ressentis afin d’intervenir sur le site avec les connaissances nécessaires sur le paysage. Cet équilibre représentait le point de jonction entre le ciel et la terre pour les taoïstes.L’architecture est le filtre entre l’homme et la nature, elle s’implante à un endroit précis sur le site, elle oriente les vues de l’homme sur la nature, l’activité à l’intérieur est rythmée par la course du soleil. La correspondance de l’architecture aux lois de la nature, recherchée par Wang Shu, implique une organisation de la société et un comportement de l’homme en accord avec la nature également, d’où la recherche d’un dialogue entre l’architecture et la nature où l’homme en est l’acteur.

Le choix d’implantation de bâtiments, comme nous l’avons précédemment vu, peut relever des dimensions philosophique, poétique et spirituelle. Le style architectural soulève la question de l’équilibre entre l’architecture et la nature que nous traiterons dans la partie suivante.

20 « Local hero », Mark Magazine, entretien avec Wang Shu, n°19, avril-mai 2009, “To me, a building as an object isn’t

important. It’s the building’s relation to nature that most interests me.”[…] “each building enters into a different

dialogue with the mountain, offering various views of it”, Wang Shu.

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L’équilibre entre l’architecture et la nature

L’architecture paysagère chinoise

2.

La recherche du dialogue entre l’homme et la nature est-il une source de créativité architecturale pour Wang Shu? Il parle de la relation entre l’architecture et le paysage comme une expression de sa créativité architecturale. « L‘architecture est paysage » déclare-t-il pour son projet du campus à Hangzhou et l’architecture « recrée un environnement »21 pour son projet de musée à Ningbo. L’équilibre entre l’architecture et la nature, et donc entre l’artificiel et le naturel, sera étudié par l’analyse de ces deux projets.

2.1 « L’architecture est paysage », Wang Shu

Dans un site, où comme nous l’avons précédemment vu, les éléments naturels tels que la montagne et l’eau sont réunis, la nature en tant qu’unité est donc présente (référence au Shan Shui). L’implantation des bâtiments du campus de l’école des Beaux-Arts découle donc du fait que « l’architecture dans ce site estpaysage » selon Wang Shu. L’architecture est conçue comme un lieu de vie qui compose, avec les autres lieux de vie que sont les éléments naturels, l’unité du site. Cette attitude de Wang Shu s’inspire de l’architecture paysagère traditionnelle chinoise dont il « réévalue la valeur »22 par son traitement architectural, en particulier dans ce projet de plus de vingt bâtiments. Ces constructions comprennent une bibliothèque, un amphithéâtre, un gymnase, des bureaux, des salles de cours, etc. Il effectue des recherches pour réinterpréter ce système d’architecture paysagère afin de répondre également à la densité exigée par le projet du campus. Ces recherches portent sur les formes architecturales, leur ordonnancement avec le paysage et les autres bâtiments.

La règle que s’est donné Wang Shu pour le projet du campus est de dessiner quatre formes architecturales et de les répéter au moins deux fois. Elles se composent du carré, de la forme en U, du rectangle et des deux U joints.

21 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op.cit., p.180.

22 Ibid.

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9. Implantation des bâtiments liée aux courbes de la montagnePlan masse du campusDe Muynck Bert, op.cit., pp.56-65.

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25L’équilibre entre l’architecture et la nature

Ils intègrent en majorité une cour. La cour est intérieure pour les bâtiments carrés et rectangulaires, communicante pour les doubles bâtiments rectangulaires et ouverte pour les bâtiments en U. Le projet s’est effectué en deux phases. Celle au Nord fut réalisée de 2001 à 2004 et celle au Sud de 2004 à 2007. D’une part, l’orientation des bâtiments est majoritairement choisie pour dialoguer avec la montagne et la rivière. Les bâtiments en U ont leur cour face à la montagne. Les façades des bâtiments sont parallèles aux courbes de l’eau et donc aux courbes topographiques de la montagne. D’autre part, l’enchaînement des bâtiments diffère entre les deux phases de projet. L’unité des bâtiments et donc du paysage est marquée, dans la première phase de construction, par des passerelles reliant les bâtiments entre eux. Dans la deuxième phase, l’accent est mis sur la sensation de gravitation des bâtiments autour de la montagne. Les bâtiments en U s’enchaînent. (Figure 9 ) Ils n’ont pas la même proximité aux éléments naturels que leurs bâtiments voisins. Ils ont des écarts d’environ 20 mètres entre eux sur les 80 mètres qui les distancent de la rivière. Ces décalages introduisent un dynamisme dans l’enchaînement des bâtiments. Avec les différences d’orientations de chaque bâtiment, ces décalages offrent divers points de vue sur le site pour les piétons et les usagers des bâtiments. Wang Shu déclara qu’« il positionna les bâtiments [du campus] au pied de la montagne Xiangshan de manière à ce que chaque bâtiment soit en dialogue avec la montagne. »23 L’implantation des bâtiments permet un dialogue visuel avec la nature et est prolongé par la possibilité de le parcourir physiquement par le biais de quatre passerelles. Elles permettent de traverser la rivière et favorisent le parcours du site par les usagers. Elles connectent les chemins piétonniers le long de la voie pour les véhicules et les cyclistes à ceux de la montagne. Ce système architectural confère au site une unité à l’échelle urbaine, par d’une part la correspondance des orientations des bâtiments et des courbes topographiques, l’enchaînement de l’ensemble des bâtiments et d’autre part par le cheminement des piétons à travers le site. L’implantation des 22 bâtiments de programmes différents participant au fonctionnement du campus pour environ 5000 étudiants se traduit comme l’organisation spatiale d’une petite ville pour Wang Shu. Il stipule que pour ce projet, les maîtres d’ouvrage ont choisi « un territoire qui correspond aux lois de la nature, parmi les montagnes et les eaux naturelles » et que son devoir était « d’y construire des unités architecturales en conformité ».24

23 « Local hero », Mark Magazine, entretien avec Wang Shu, n°19, avril-mai 2009, “I positioned the buildings at the

foot of the Xiangshan (Elephant) Mountain in such a way that each building enters into a different dialogue with the

mountain”, Wang Shu..

24 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op.cit., pp.181-182.

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10. Accès à la montagne par les passerellesDeux passerelles au Nord reliées aux bâtimentsDeux passerelles au Sud accessibles depuis la voiede circulationIbid.

11. Dialogue entre architecture et paysagePromenades et connexionsCoupe perspective repérée sur le plan ci-dessusPhotographie Ibid.

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27L’équilibre entre l’architecture et la nature

L’analyse de l’équilibre entre l’artificiel et le naturel induit par les unitésarchitecturales, réalisées par Amateur Architecture Studio, se fera en plan et à l’aide de photographies principalement. Elle examinera les relations physiques avec la montagne, le choix des toitures, le système de cours ouvertes, les modes de distribution des bâtiments et le dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des bâtiments par le traitement des ouvertures.

Les quatre unités architecturales de base ont des hauteurs qui varient d’un étage à quatre étages. Les exceptions sont la tour de douze étages consacrée aux bureaux administratifs et aux studios d’art, la petite salle de sport rectangulaire à double hauteur et la galerie longitudinale à l’arrière. Cette dernière est donc connectée au site par l’implantation d’une passerelle qui permet à ses usagers d’atteindre la montagne. Les deux passerelles au Nord sont connectées directement aux bâtiments par l’intermédiaire de coursives au R+1. Au Sud, la densité des bâtiments étant plus importante, l’accès aux chemins piétonniers de la montagne s’effectue par la voie de circulation, située entre les bâtiments et la montagne. Les passerelles favorisent les promenades sur le site.(Figures 10 et 11)

La découpe des bâtiments dans le ciel est donnée à voir depuis la montagne, les coursives et les toitures terrasses. (Figures 12 et 13) Wang Shu a choisi de donner un dynamisme aux bâtiments longitudinaux par une toiture contemporaine inspirée des toitures traditionnelles. Les bâtiments en double U joints ont des toits à différentes pentes tandis que les autres toits sont plats. Le traitement de la toiture des bâtiments en double U est singulier. Le plancher du premier étage devient façade sur les côtés autres que les cours, puis devient toit. Ce système de toiture renforce l’ouverture des bâtiments sur les cours. (Figure 14)

Les bâtiments du campus sont inspirés des anciennes constructions chinoises à cours. « Ils sont les exemples d’une interprétation moderne de la pagode, du temple et du système de construction sur cour. », Wang Shu.25 Tandis que certaines cours sont traversantes, d’autres ont été conçues autour de filets d’eau réaménagés, comme le bâtiment au bord du lac. L’intégration de canaux dans le système architectural de cours favorise la lecture de l’architecture comme paysage. Ces cours s’étendent sur une profondeur moyenne de 70 mètres sur environ 30 mètres de large. Elles donnent à voir la montagne et la rivière à une plus grande surface linéaire de façade et sous différentes perspectives.

Les coursives favorisent les échanges dans les cours par la circulation des étudiants à l’extérieur et par la porosité du rez-de-chaussée qui permet un

25 « Local hero », Mark Magazine, entretien avec Wang Shu, n°19, avril-mai 2009, “I positioned the buildings at the

foot of the Xiangshan (Elephant) Mountain in such a way that each building enters into a different dialogue with the

mountain”, Wang Shu..

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12,13 et 14. Traitements des façades et destoitures témoignent d’un dialogue entre architecture et paysage12 et 13. Découpes des toitures des bâtiments dans le ciel vues depuis la montagne et les toitures terrasses14. Traitement de la toiture renforce l’orientationdes bâtiments et donc du regard sur la courIbid.

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15. Echo des coursives aux sentiers de la montagneIbid.

16. Ouvertures multiples sur courIbid.17. Localisation des vuesPlan masse du campusIbid.

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29L’équilibre entre l’architecture et la nature

flux d’autres étudiants. « Les passerelles courent sur les façades comme des sentiers pour que les gens puissent se promener dessus et multiplierles points de vue sur les montagnes alentours. » déclare Wang Shu.26

La distribution des salles de cours est marquée par les coursives en façade des bâtiments offrant la vue sur la montagne. Elles sont caractéristiques de la volonté de Wang Shu de donner une échelle humaine à ses bâtiments. En rampe ou en escaliers, elles sont détachées à environ 60 cm de la façade par des poutres en porte-à-faux aux niveaux supérieurs. Le garde-corps de chaque côté et sa couleur jaune orangée, due au tissage de bambous par rapport au blanc des façades, accentuent le détachement du parcours extérieur des coursives. Non horizontales, elles semblent rappeler la sinuosité des chemins que les habitants se frayent pour gravir la montagne. Au niveau inférieur, les coursives desservent le premier étage, depuis la voie de circulation sur le site, par des rampes successives et accolées à la façade. Elles semblent exprimer le chemin bas en face des bâtiments permettant de faire le tour de la montagne Xiangshan. (Figure 15) Les coursives interviennent en écho aux sentiers de la montagne. Cependant, elles semblent être en correspondance principalement avec les différentes percées non linéaires de la façade. Le parcours, induit par les coursives, est lié à la disposition des multiples fenêtres et des passages permettant d’accéder par la distribution extérieure aux salles de cours. L’équilibre entre l’artificiel et le naturel passe par les correspondances entre des sensations liées aux éléments naturels et celles ressenties lors du parcours architectural.

Les entrées ou les sorties des bâtiments sont caractérisées par de multiples portes tout au long de la façade. Elles favorisent l’ouverture sur l’extérieur à différents endroits du bâtiment et donc du site. Wang Shu fait part de son inspiration des jardins chinois : « La plupart de mes bâtiments se rapportent au jardin chinois : ils proposent diverses entrées, et il est difficile d’identifier une entrée principale. »27 (Figures 16 et 17)

Les points de vue sont de plus en plus cadrés par l’architecture lorsque l’étudiant passe des coursives aux salles de cours. Les façades des cours centrales intérieures accueillant des jardins plantés sont vitrées tandis que les façades sur la montagne sont percées par des rectangles ou carrés de diverses proportions. (Figure 18) Ces percées dépassent les deux mètres de largeur quand elles sont destinées à permettre le passage des salles de cours aux coursives. Les fenêtres longitudinales des façades perpendiculaires à la montagne sont en contraste avec celles des façades à coursives. Elles soulignent l’orientation du bâtiment vers la montagne. « L’architecture est paysage » à travers le dialogue visuel et spirituel entre l’architecture et le paysage. Pour Wang Shu, l’expression du lieu de

26 Daniel Couvreur, entretien avec Wang Shu, exposition Europalia de travaux de jeunes architectes sur le thème

des traditions, Bruxelles, 2009.

27 « Local hero », Mark Magazine, entretien avec Wang Shu, n°19, avril-mai 2009, “Many of my buildings are similar

to the Chinese garden: they have many entrances, and it’s not clear where the main entrance is.” Wang Shu.

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18. Percées des bâtimentsIntériorité: lumière centrale zénithaleExtériorité: Vues sur le paysage par de multiplesfenêtresIbid.

19. Sombre et lumièreLumière ponctuelleIbid.

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31L’équilibre entre l’architecture et la nature

méditation d’un bâtiment en écho à celui de la montagne passe par l’équilibre entre le sombre et la lumière. Il s’inspire du traitement de la lumière dans l’architecture traditionnelle chinoise, de la combinaison du sombre et de la lumière. La volonté de créer de multiples fenêtres est spécifique aux bâtiments en double U, orientés Nord-Ouest et destinés aux salles de cours. (Figure 19) Les bâtiments à cours au Nord du site sont consacrés aux workshops. Leurs façades orientées Est-Ouest sont vitrées avec des pare-soleil permettant d’avoir assez de lumière naturelle pour les ateliers d’étudiants. Leurs façades orientées Sud face à la montagne sont en panneaux bois. Elles sont peu ajourées. L’équilibre entre l’artificiel et le naturel s’établit par un travail sur la lumière naturelle, réalisé par Wang Shu dans ces espaces.28 Il s’établit également par les différences de couleurs, dues à l’emploi de matériaux comme le bois, le bambou en contraste avec les teintes blanches et grises du béton.

L’objectif de Wang Shu, par cette réévaluation des valeurs du passé, est une recherche d’identité et de créativité architecturale propre à sa culture. L’équilibre entre l’artificiel et le naturel s’élabore par la conception de l’architecture comme partie de l’unité du paysage du site du campus. Il s’exprime par des relations visuelles entre eux, des échos entre les parcours architectural et montagnard, des espaces orientés sur cours, des traitements de la lumière liés à la méditation, caractéristique de la montagne. Wang Shu s’inspire de sa culture chinoise, de formes architecturales anciennes et paysagères pour créer une nouvelle architecture en dialogue avec le lieu qu’elle occupe et les gens qui y vivent. Dans un site privilégié, où la nature a subi peu de transformations, il a cherché à ancrer son architecture dans le paysage afin de créer l’unité du campus. Cependant, il semble incontournable d’étudier sa réflexion sur l’architecture et la nature dans un contexte plus urbain.

2.2 L’architecture « recrée un environnement », Wang Shu

Amateur Architecture Studio réalisa le projet du musée de l’Histoire à Ningbo, non loin de Hangzhou peu de temps après la construction du campus. Le site du projet contrairement au précédent n’a ni rivière ni montagne. Il se trouve entre le développement de la ville de Ningbo avec des tours au Nord et au Sud-Est visibles depuis le site, la rivière au Sud séparée du site par la route et une place plantée monumentale. Les maisons sur les terrains au Nord-Est ont été remplacées par des tours en construction. Au Nord, les démolitions sont en cours. Les alentours du site du projet sont en pleine évolution. La ville de Ningbo se densifie. Il est donc difficile d’identifier le lieu, ses habitants et son atmosphère à la construction du projet en 2008. Cependant le site du projet est important près de 10 000 mètres carrés pour un projet d’environ 6 000 mètres carrés au sol et la

28 Zhenning Fang, “The outline of the hills”, Abitare, n°495, septembre 2009, pp.64-73.

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20. Un site en pleine évolutionPhotographie aérienne du site - développementde la ville en arrière planFernandez- Galiano Luis, « Museo de Historia,Ningbo », AV Monografias, n°139,septembre-octobre 2009, pp.124-131.

22. Porosité intérieureDifférence de matérialité (pierres - plastiquetranslucide)Ibid.

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21. Caractère monumentaleRampe au Nord accès du niveau 1 au niveau 2Ibid.

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33L’équilibre entre l’architecture et la nature

place monumentale qui le borde libère les vues sur la ville. (Figure 20)

L’équilibre entre l’artificiel et le naturel dans la création architecturale est concevable pour Wang Shu, comme en témoigne le projet du campus où l’architecture peut devenir paysage. Mais qu’en est-il de rechercher du naturel dans l’artificiel quand le site ne comporte pas d’éléments naturels? Wang Shu va à l’encontre de l’imitation de la nature. Il recherche une forme de vérité de la nature dans sa conception architecturale. La forme architecturale du musée s’inspire du concept du Shan Shui et plus particulièrement de la manière de peindre un paysage. Certains artistes et artisans ne peignaient ou ne construisaient pas forcément directement sur un site empreint de nature. Ils s’inspiraient des lieux durant leurs visites, accumulaient des souvenirs de paysages et quand leur venaient l’envie ou quand on leur passait commande, ils réalisaient un de ses paysages. Leur retranscription n’était alors pas forcément juste en proportion (pour les montagnes par exemple). Mais du fait qu’ils le faisaient en pensant aux vraies selon Wang Shu c’est suffisant pour considérer que leurs œuvres étaient réelles.29 Wang Shu précise que « pour les chinois, les notions de subjectivité et d’objectivité ne font qu’un ».30

Le musée est un bâtiment de 24 mètres de haut, de forme rectangulaire. Il fut dessiné dans la pensée de peindre une montagne dans le paysage par la vérité qu’il retirait des œuvres picturales observées. L’artificiel trouve son écho dans le naturel par l’inspiration de paysages observés lors d’expériences antérieures. Le bâtiment est entouré d’un bassin d’eau et apparaît comme une forteresse dont le programme ne se laisse pas entrevoir depuis l’extérieur. La rampe en bois qui traverse le bâtiment peut être perçue comme « l’idée de gravir une montagne »31 et permet de cadrer des vues à différentes hauteurs et selon différentes orientations. Contrairement à la possibilité de « choisir un territoire qui correspond aux lois de la nature » comme pour le projet du campus, Wang Shu propose une alternative qui est de « recréer un environnement selon les lois de la nature, à partir d’un terrain plat et sans particularités et y placer ensuite les architectures ». Pour ce projet, Wang Shu recrée un environnement selon les lois de la nature à travers l’architecture elle-même et plus particulièrement par l’enceinte du musée et le bassin d’eau qui le borde. Pour Wang Shu, le travail de mémoire dont les artisans et les artistes faisaient preuve pour réaliser leurs œuvres et dont il s’inspire pour son projet de musée ne suggère pas un retour aux techniques et aux principes du passé mais la réinterprétation de leur mémoire. Wang Shu exprime que nous avons oublié la manière traditionnelle de construire les villes, la

29 Magrou Rafaël, « Etre amateur est très important », Entretien de Rafaël Magrou avec Wang Shu., L’architecture

d’aujourd’hui, n°375, décembre-janvier 2010, pp.53-92.

30 Ibid.

31 Fernandez- Galiano Luis, « Museo de Historia, Ningbo », AV Monografias, n°139, septembre-octobre 2009,

pp.124-131.

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23. Toiture accessiblePlan du niveau 2 et photographie Promenade à l’air libre et vues sur la villeIbid.

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24. Rampe au NordPlan du niveau 1 et photographie de la rampeCadrage d’une vue sur la villeIbid.

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25. Entrée Est-OuestPlan du rez-de-chausséeHall intérioriséIbid.

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35L’équilibre entre l’architecture et la nature

manière de faire de l’architecture en dialogue avec l’environnement. Dans la pensée chinoise, la création d’une nature artificielle est considérée comme une manière de comprendre la nature. 32 Wang Shu reprend cette idée.

L’étude du projet correspond à l’analyse de la montagne et de l’eau artificiels. Elle témoigne de l’équilibre entre artificiel et naturel. Wang Shu s’inspire de la nature pour créer son architecture. Elle se consacrera à l’analyse des accès au bâtiment, la porosité de la forme architecturale, les cadrages qu’ils favorisent et la manière dont l’eau intervient dans le projet. Pour Wang Shu, la complexité de son projet se découvre lorsqu’on l’approche, de loin le musée donne la sensation d’un bloc unique.

Le bâtiment est accessible au niveau du rez-de-chaussée. L’entrée communique d’Ouest en Est. Elle donne accès aux ascenseurs et escaliers transversaux et est éclairée par le patio central du musée. Cette entrée donne l’échelle humaine du bâtiment avec ses 4 mètres de hauteur et ses 20 mètres de largeur qui ne représente que les un sixième de la longueur de l’édifice. La rampe au Nord, au premier étage, propose l’accès au second par le toit. Elle est à l’air libre. Elle confère, de part sa largeur de 6 mètres atteignant 13 mètres sur une largeur de 52 mètres du bâtiment et d’autre part par la porosité qu’elle crée dans l’édifice, un caractère monumentale au bâtiment. (Figure 21) L’accès par la rampe ne crée pas la seule porosité du bâtiment. Le second étage du musée se décompose en cinq blocs créant deux ouvertures à l’Ouest, une à l’Est et une au Sud. D’une part, les blocs du deuxième étage de huit mètres de haut, auxquels font face les visiteurs durant leur visite ainsi que les patios, marquent continuellement l’échelle du bâtiment. D’autre part, les biais horizontaux et verticaux des murs donnent une singularité au parcours architectural à 16 mètres du sol. Le bâtiment apparaît comme une enceinte où toutes les vues sont intériorisées. Les ouvertures semblent minimes, vue la proportion du bâtiment. Deux patios sont traversés par des passerelles et confèrent la sensation d’intériorité car elles sont entourées des murs d’enceinte. L’enveloppe du bâtiment paraît massive et est rugueuse tandis qu’à l’intérieur les murs des patios rectangulaires sont translucides et lisses. Ces deux revêtements muraux jouent de leurs contrastes pour laisser entrevoir la porosité intérieure du bâtiment. (Figure 22)

La nature artificielle semble se suffire à elle-même. Cependant la porosité du bâtiment est destinée à permettre des vues sur la ville pour les visiteurs. Elles sont cadrées par les blocs du deuxième étage, une autre est accentuée par le vide de la rampe. Ces percées donnent l’impression d’être à l’écart du monde urbain par le silence que le programme du projet exige et par la distanciation du parcours architectural en hauteur et à l’air libre vis-à-vis de l’activité urbaine.(Figures 23 et 24)

32 Magrou Rafaël, op. cit., pp.53-92

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26. Entrée mise en scène par l’eauPlan du rez-de-chaussée et photographie de l’entréePorosité du bâtiment, accentuée par l’eauIbid.

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37L’équilibre entre l’architecture et la nature

Le musée de Ningbo est un objet architectural dont le travail sur sa forme et sa matière (revêtement « wapan »: empilement de pierres, briques, tuiles de formes différentes) ne se limite pas à la vue et au toucher qu’ils suscitent. Le dialogue avec l’extérieur s’effectue principalement quand le visiteur se promène sur le toit du musée à l’air libre. Le concept du Feng Shui (vent et eau) se distingue de celui du Shan Shui (montagne et eau). Le Feng Shui se rapporte à l’architecture tandis que le Shan Shui se rapporte à l’art pictural. Le Feng Shui est décrit par Guo Pu dans le livre des sépultures : « Si le souffle (qi) chevauche le vent, il se disperse, s’il rencontre l’eau, il s’arrête. Les anciens ne le laissaient pas se disperser s’il était amassé, et le contenaient s’il circulait : c’est pourquoi on appelle cela vent et eau (Feng Shui). La démarche du Feng Shui consiste en premier lieu à trouver l’eau, en second lieu à retenir le vent. » Le vent exprime la puissance de l’air à circuler le long des formes. Il était l’élément dont le mouvement était à contrôler contrairement à la montagne et à l’eau considérée comme insondable.33 La disposition des blocs du deuxième étage réduit les grands courants d’air. L’air s’engouffre entre eux et dans les interstices du parement « wapan ». Wang Shu fait référence à la circulation de l’air et au bruit sourd qu’il engendre. 34

Le bassin artificiel d’eau entoure partiellement le bâtiment. Il s’étend sur 15 mètres de large. Il met en scène l’entrée du rez-de-chaussée qui est entourée d’eau. L’eau pénètre le bâtiment transversalement. Elle ne semble pas être arrêtée par cet accès puisqu’elle va au-delà. Le bassin d’eau ainsi que la ligne donnée par le parement en pierres en bas du bâtiment favorise le rapport au sol du bâtiment. (Figures 25 et 26)

L’identification de la montagne et de l’eau, par l’étude du projet permet de se rapprocher sans doute de l’inspiration picturale que l’architecte a eue pour ce musée et de la dimension poétique du parcours architectural du visiteur.

Les deux projets étudiés dans cette partie relèvent d’une réflexion sur l’équilibre entre l’artificiel et le naturel par les architectes d’Amateur Architecture Studio, inspirée des considérations traditionnelles chinoises sur le rôle de la nature en architecture et la position de l’homme dans cet environnement. Wang Shu déclara :« Mon travail repose davantage sur la philosophie que sur l’usage de matériaux spécifiques. J’aimerais dessiner des villes qui fassent appel à ma mémoire, à la vérité que j’en retire. »35 La présence de l’eau et de l’interprétation d’une montagne sont essentielles car le but pour Wang Shu est que l’homme se sente bien dans son corps et son milieu grâce notamment à l’intelligibilité de la

33 Obringer Frédéric, L’art d’habiter la terre, éditions Philippe Picquier, Arles, 2001, p.130.

34 Fernandez- Galiano Luis, op.cit., pp.124-131.

35 De Muynck Bert, « A small world », Domus, n°914, mai 2008, pp.56-65.

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39L’équilibre entre l’architecture et la nature

tradition vivante au sein d’une architecture contemporaine.36

La relation des principes architecturaux de Wang Shu aux principes du Feng Shui est distanciée. Wang Shu s’attache aux dimensions poétique et culturelle données par le concept du Shan Shui. L’équilibre entre l’artificiel et le naturel est dans la puissance de l’architecture à pouvoir retranscrire un paysage naturel avec la même force d’intention que celle d’un peintre chinois exécutant son tableau de montagnes et d’eau.

L’équilibre entre l’artificiel et le naturel, issu d’inspirations culturelles, modifie la perception de l’homme sur le paysage. Il influe également sur les sensations autres que la vue éprouvées par l’homme au sein du bâtiment. Quels sont les enjeux des démarches, tenues par Wang Shu dans ses projets, sur le mode de vie des habitants?

36 Ibid.

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L’organisation spatiale, caractéristique d’un mode de vie

Le Feng Shui, porteur d’un art de vivre

3.

Les relations entre la nature et l’architecture influent sur le développement social de l’homme. Deux cas de figures présentés dans cette partie font face à la densité urbaine actuelle en Chine, à Hangzhou. De la rénovation d’une ancienne rue impériale au projet de barres et de tours accueillant 800 appartements sur un site urbanisé restreint, les situations apparaissent comme opposées. Le premier a comme site une voie impériale dont les traces du passé sont un parcellaire et des bâtiments insalubres. Le second est un site à l’entrée de la ville, à proximité d’une voie rapide et entouré de tours et de barres. Le choix architectural de Wang Shu, face à ses deux situations distinctes, fera l’objet de l’analyse du développement suivant.

3.1 L’habitat sur rue

La question de la position de l’architecture entre tradition et innovation se pose plus directement dans ce projet du fait que l’ancienne rue impériale témoigne de l’architecture traditionnelle chinoise. Elle était composée de quartiers à cours ouvertes, nommés « fang » en Chine. C’est un parcellaire, issu du concept du Feng Shui, réalisé lors de la construction de la ville. Ces quartiers donnaient sur une voie commerçante. Ils étaient insalubres avant le projet. Wang Shu travailla sur l’intégralité de la voie pour organiser le projet, c’est-à-dire sur ses 6 kilomètres. Il détermina trois parties dans le projet. Et il réalisa la première des trois parties, d’autres architectes sont intervenus sur ce projet. Il s’intéressa à celle qu’il nomma « déambulation ». Les autres parties étaient consacrées à la circulation lente et à la circulation mixte. Ce projet de la rue Zhongshan fut achevé en 2009. La réduction de l’ancienne voie de plus de 40 mètres de large à 12 mètres exigea un réaménagement tout au long de cette rue. Elle fut, pour Wang Shu, la scène pour favoriser le jeu de saynètes socio-urbaines.37 L’ancienne voie impériale était, pour lui, caractéristique d’un modèle de vie important pour les chinois. Il enquêta donc sur ces modèles

37 Magrou Rafaël, op.cit., pp.53-92.

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27. Aménagement de la ruePlan masse de la rue ZhongshanMagrou Rafaël, « Etre amateur est très important », L’architecture d’aujourd’hui, n°375, décembre-janvier 2010, pp.53-92.

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43L’organisation spatiale, caractéristique d’un mode de vie

anciens et tenta d’effectuer des recherches sociologiques.

Ce projet urbain était une manière pour Wang Shu de rétablir une relation entre l’architecture et la vie. D’après lui, « la vie est plus importante que l’architecture ».38 L’objectif était de s’imprégner d’un mode de vie et d’analyser sa relecture dans la société contemporaine pour révéler ce qui est nécessaire pour le bien-être des habitants.

Le vide de la rue, matérialisé par le plein des évènements architecturaux, est réservé aux cyclistes et aux piétons. La montagne Wushan se trouve à proximité de la rue Zhongshan, certains vides créés dans la rue permettent aux visiteurs d’être connecter visuellement à elle. Des points d’eau ont été installés le long du parcours architectural. La pensée de l’architecte va au-delà du simple contact avec la montagne et l’eau. Wang Shu recherche une permanence de repères culturels pour les habitants. Ils s’établissent en relation avec la rue, les habitants et l’architecture. Le travail sur le seuil des bâtiments et la réflexion sur les flux des habitants participent à la recherche d’un mode de vie, inspiré du mode de vie traditionnel. Les 12 mètres de large de la rue ont permis la plantation d’arbres. Les plantations ont été effectuées de chaque côté de la rue. Le mobilier urbain fut réalisé par un artiste contemporain. Les bâtiments environnants ont en moyenne 3 à 4 étages. Ils sont organisés sur un parcellaire d’environ 85 mètres de profondeur où des tours d’une dizaine d’étages se sont insérées.

Les bâtiments, réalisés par Amateur Architecture Studio, interviennent à différents endroits de la rue. Ils ont en moyenne deux à trois étages. De part la diversité des types architecturaux, des programmes, de la proximité et du dialogue qu’ils entretiennent avec la rue, ils ponctuent le parcours architectural. Wang Shu déclara que ce projet prenait « la forme d’un chapelet d’interventions».39 Il réalisa plus d’une vingtaine de bâtiments le long de la rue. Les formes architecturales sont toutes différentes même si plusieurs styles architecturaux sont répétés. L’articulation de l’architecture contemporaine et de la réinterprétation du modèle de vie traditionnel s’exprime par le dialogue des bâtiments avec la rue. Cette connexion se traduit par des vides et des pleins. (Figure 27) Les seuils des bâtiments ont des traitements différents le long du parcours. La référence à la hauteur des 7 mètres des anciens bâtiments est gardée par des avancées à double hauteur. Elles permettent l’expression de l’échelle humaine de la rue. La différence de topographie entre les deux côtés de la rue est soulignée par les marches d’accès aux bâtiments. Certains bâtiments investissent une partie de la rue, d’autres marquent l’alignement, souligné par les plantations,

38 Global Award for sustainable architecture, portrait de 5 architectes nominés, Cité de l’architecture et du patrimoine

et Seine Aval, 2007, (Audiovisuel).

39 Magrou Rafaël, op.cit., p.53-92.

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28 et 29. Seuils des bâtiments sur la rue28. musée de la Voie impérialeEquilibre de pleins et de videsIbid.

30. La rue comme un espace partagéEchelle humaine du lieuIbid.

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45L’organisation spatiale, caractéristique d’un mode de vie

tandis que d’autres sont en retrait. Ces derniers peuvent permettre jusqu’à doubler la largeur de la rue. Ils recréent des cours ouvertes sur la rue. D’autres vides entre les bâtiments laissent place à des jardins, principalement d’angle. (Figures 28 et 29)

Les bâtiments regroupent entre autres des logements, des commerces, un marché « antique » et le musée de la Voie impériale. Ce musée comprend la couverture de l’excavation de l’ancienne voie. Elle montre la position de Wang Shu de ne pas faire table rase de la culture chinoise traditionnelle. Les avancées des bâtiments de 4 à 7 mètres de haut sur la rue ainsi que la couverture créée par les arbres à feuilles persistantes favorisent le dialogue entre l’architecture et la rue. (Figure 30) La continuité du traitement du sol, sous les avancées et dans les cours, instaurent un dialogue entre le flux longitudinal des passants et le flux transversal des habitants et des touristes. Les matériaux locaux, tels que les briques grises de Suzhou, les tuiles et le bois utilisés donnent également l’identité du lieu. Les évènements architecturaux sont le moyen de rythmer le pas des passants par l’intérêt qu’ils peuvent susciter, par l’ambiance générale qui est créée. Les bâtiments sont singuliers mais s’insèrent dans un ensemble unitaire pour favoriser des échanges sociaux au sein du parcours architectural.

3.2 L’habitat dans les tours

L’analyse des tours, réalisées par Amateur Architecture Studio en 2007, porte également sur la réflexion du mode de vie engendré par ces constructions contemporaines. Elle soulève la question de l’habitat dans les tours où le rapport au ciel semble prépondérant au rapport au sol. Le projet des tours d’habitation à cours verticales à l’entrée de Hangzhou fut le moyen de confronter l’architecture de Wang Shu à une densité verticale. Le projet consista à créer 800 appartements. Wang Shu réalisa deux barres et quatre tours pour répondre à ce programme. Contrairement à l’identification de maisons traditionnelles chinoises en moyenne à R+1, l’identification de son logement dans une tour de 100 mètres de haut devient plus compliquée. L’inspiration des maisons traditionnelles chinoises fut tant bien même le moteur du projet de Wang Shu.40 Ces maisons traditionnelles ont été bâties autour de cours selon les principes du Feng Shui. Elles rappellent la notion de plein et de vide relative à la notion de Yin et de Yang. Elle a pour référence le livre clé du taoïsme écrit par Lao Tse au VIème siècle av. J.C.41 Dans le livre de la Voie et de la Vertu, il explique cette notion par l’architecture: « on perce des portes et des fenêtres pour créer une chambre: c’est par ces vides que c’est une chambre. Par conséquent ce qui est, sert à la possession, ce qui n’est pas, sert à œuvrer ». Selon le taoïsme, le vide

40 Ibid.

41 Larre Claude, Le livre de la Voie et de la Vertu, traduction du Dao De Jing de Lao Tse (VIème siècle av. J.C.),

(première édition Paris 1977), éditions Desclée de Brower, Paris, 2002, p.61.

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31. Superposition décalée des unités de logementsDes unités de logements régies par des pleins et des videsMagrou Rafaël,op.cit., pp.53-92.

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32 et 33. Jardins partagés à double hauteur32. Un jardin commun par unité de logements (façade de droite) et balcon à double hauteur (façade de gauche)33. Balcons privatisés à simple hauteur àdroite, à double hauteur à gauchewww.chinese-architects.com, site d’Amateur Architecture Studio

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47L’organisation spatiale, caractéristique d’un mode de vie

mène à la racine de toutes choses car il permet la circulation du ch’i (qi), notion définie dans la première partie.

La volonté de Wang Shu, dans ce projet, était de préserver le dialogue d’un logement d’une famille par rapport à l’environnement, comme cela était le cas dans les maisons traditionnelles chinoises. L’élément clé est donc la cour.

L’analyse se déroule en trois temps. Le premier explique l’identification des logements dans les tours. Le second étudie les cours des logements et le troisième examine le mode de vie que ces logements engendrent.

Pour Wang Shu, il était important que chaque famille puisse identifier son logement dans la tour depuis la ville. Le challenge de ce projet fut de concevoir des tours dont les façades exprimaient des vides et des pleins marquant les limites de chaque logement. L’unité du projet était leur superposition, sans créer une façade homogène. Les unités des logements cherchaient également à correspondre à la volumétrie d’une maison traditionnelle et à sa superficie. Les volumes créés sont de l’ordre de 6 mètres de haut et d’une superficie de 337.50 mètres carrés correspondant à la juxtaposition de logements pour 4 à 6 familles. Les unités sont composées d’un plancher qui devient façade puis toit. La superposition de ces unités répond à la règle d’inverser alternativement les façades. Une fois la façade, de la même matérialité que le plancher et la toiture, en parement blanc, est donnée à voir depuis l’extérieur et au dessus la façade en briques est visible. Leur superposition n’est pas une tour en forme de parallélépipède rectangle. Les unités sont décalées de la profondeur de l’enveloppe (plancher-façade-toiture) par rapport à celle en briques. Les enveloppes montrent la structure des logements et est unifié par le remplissage et la couleur blanche. Les vides créés dans cette enveloppe semblent plus prononcés que ceux de la façade en briques par l’ambivalence des couleurs. (Figure 31)

Chaque unité de logements possède des balcons privatisés. L’unité de logements en briques, dont la façade est la superposition en alternance d’unités en béton en briques, offre un balcon d’angle à double hauteur. Une troisième unité de logements est intégrée dans la superposition des logements. Cette unité correspond à des logements en duplex qui permettent de créer un retrait de leur façade par rapport aux deux autres unités de logements. Ce retrait fut consacré à l’insertion de jardins partagés en double hauteur sur les toits des autres logements. Ce système offre donc des cours communes tous les deux étages. Il favorise une articulation assez dynamique des logements par des vides : les cours. (Figures 32 et 33)

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Architecture et nature · Mélanie Morin48

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34. Organisation spatiale des 4 à 6logements par étagePlans du R+3, du R+4 et du R+5Ibid.

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35. Dialogue intérieur/extérieurArticulation des pleins et des videsIbid.

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49L’organisation spatiale, caractéristique d’un mode de vie

Ce type de logements comprenant des espaces communs régulièrement répartis dans la tour propose aux habitants la possibilité de créer des échanges entre voisins et de rétablir un dialogue entre eux et l’environnement. Ces cours sont accessibles directement depuis les logements de part et d’autres d’elles. Elles ont un accès depuis le palier pour les deux autres logements du même étage et les voisins des étages supérieurs et des étages inférieurs. Une tour est la superposition de 28 étages soient l’imbrication et la superposition de 14 unités de logements. Un étage comprend donc 4 à 6 logements de superficies différentes. (Figures 34 et 35)

Ces projets questionnent notre mode de vie actuel. Avec « l’ère du développement durable », les architectes expérimentent également d’autres concepts architecturaux. Le Feng Shui est réapparu sur la scène occidentale et orientale, notamment par ce biais-là. Les valeurs morales du Feng Shui, réinterprétées par Wang Shu, se confrontent au développement économique de la Chine. La complexité de la superposition des logements des tours à cours verticales qu’il a réalisé à Hangzhou témoigne du travail d’expérimentation que Wang Shu effectue afin de répondre aux valeurs morales liées à l’environnement et à l’être humain. Par exemple, pour ce projet, la fluctuation du marché entraîna la modification du projet. Les duplex ne finirent par représenter que 10% des logements réduisant donc les cours communes. Finalement, les logements eurent du mal à se remplir. Les premières années, les tours étaient habitées à 90%. Ces changements montrent la difficulté pour Wang Shu, d’imposer son architecture face aux demandes actuelles.Wang Shu déclara: « La géographie urbaine a déjà totalement changé et les modes de vie sont devenus artificiels et illusoires. Le système architectural paysager traditionnel ne peut, évidemment, faire face à ce genre de changement. Nous devons donc établir non seulement une version contemporaine du système traditionnel, mais aussi de nouvelles configurations pouvant faire face à de multiples cas de figure, ceci afin de reconstruire un habitat agréable à vivre. » 42

La culture chinoise est porteuse d’un art de vivre dont les valeurs morales ne doivent être oubliées. Cette connaissance peut permettre de réinterroger notre rapport à l’environnement. Le rapport des anciens à la matière et aux matériaux est aussi une source d’inspiration pour Wang Shu.

42 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op.cit., p.184.

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Les matériaux, révélateurs d’un lieu et d’une culture

L’architecture locale

4.

4.1 Alliance de techniques de constructions traditionnelles et contemporaines

Le musée de l’Histoire à Ningbo, dont l’analyse de la forme architecturale fut précédemment exposée, est caractéristique de la réflexion sur les matériaux, portée par Wang Shu dans ses projets. Pour ce projet d’environ 20 000 mètres carrés, il a fait le choix d’allier une technique architecturale traditionnelle à une technique architecturale contemporaine. Wang Shu étudie les transpositions de techniques anciennes, il mit plus de dix ans à se réapproprier la technique du wapan afin de la réaliser dans ses projets, dont le musée de l’Histoire. Les techniques architecturales anciennes et provinciales étaient basées sur l’expérience, comme la technique du wapan mise en place dans la province du Zhejiang où les typhons sévissaient. Elle utilisait les matériaux récupérés après les dévastations des bâtiments par les typhons. Elle mêlait des pierres, des briques et des tuiles de formes et de couleurs différentes.

Carl Fingerhuth, écrivain et architecte,43 explique que le Feng Shui prône une « philosophie d’interaction d’expériences sensorielles avec les matériaux naturels, les végétaux, les animaux, les personnes, le vent et l’eau ». Le dialogue de l’architecture avec la nature, selon les principes du Feng Shui, s’établit par le choix de matériaux naturels, leurs textures et leurs couleurs. Il fait appel aux cinq sens de l’homme. Wang Shu déclara: « Ma démarche repose sur la question: Comment utiliser les techniques traditionnelles de construction pour créer une architecture contemporaine? »44 L’architecte doit se comporter donc comme un lettré et un artisan selon lui. Par un appel à redévelopper l’artisanat, il tient à montrer qu’à travers les matériaux et les techniques, l’architecte identifie son bâtiment à un lieu. Pour lui, le travail, qu’il

43 Fingerhuth Carl, Learning from China, the tao of the city, éditions Birkhaüser, Basel, 2004, p.174. Il a travaillé en

collaboration avec S. Calatrava et Herzog et De Meuron.

44 Magrou Rafaël, op.cit., pp.53-92.

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Architecture et nature · Mélanie Morin52

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36 et 37. Technique du wapan sur unestructure en béton arméDifférentes techniques de parement technique du wapan et coffrage en bambous du bétonFernandez- Galiano Luis, « Museo de Historia, Ningbo », AV Monografias, n°139,septembre-octobre 2009, pp.124-131.

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38 et 39.Façade hétérogèneDifférents matériaux, différentes textures etcouleursIbid.

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53Les matériaux: révélateurs d’un lieu et d’une culture

effectue dans la recherche et la réinterprétation de techniques anciennes par des techniques contemporaines, est nécessaire et a un rôle à jouer dans la société actuel. Sinon comme il l’affirme « Faute d’être utilisés, ces secrets (les secrets de la tradition architecturale de la Chine) disparaîtront, laissant mourir du même coup une architecture paysagère dont la valeur est reconnue dans le monde entier ».45

Pour le projet du musée, les matériaux utilisés pour le parement, élaboré selon la technique du wapan, sont issus des démolitions massives alentours. Les façades du musée sont majoritairement construites selon la réinterprétation de la technique du wapan. Un socle d’environ 1.80 mètre de haut est en pierre de parement sur une structure en béton armé. Puis vient la technique du wapan en parement sur la structure en béton armé. Et finalement les pans de murs en biais des blocs du deuxième étage sont en béton. La technique réinterprétée consiste en la superposition de pierres plates de couleurs non uniformes qui varient du blanc au noir, de briques rouges orangées et de tuiles rouges ou noires principalement. D’autres éléments singuliers peuvent être introduits dans la construction comme une tuile de faîtage ou une pierre plus grande. Le parement des façades est constitué en majorité de pierres au sein duquel, les tuiles et les briques viennent rompre son uniformité. Les tuiles n’étant pour la plupart pas plates, elles se superposent aux pierres en créant des interstices dans le mur. L’uniformité est également rompue visuellement par les différentes couleurs des matériaux. Le bâtiment a une structure en béton armé. Le mur se compose de deux couches de béton, une de béton armé de 15 centimètres d’épaisseur et l’autre de 6 centimètres de béton puis vient ensuite le parement selon la technique du wapan de 12 centimètres d’épaisseur. A des intervalles réguliers, une structure permet de construire le parement, elle est dissimulée entre le béton armé et le parement. (Figures 36 et 37)

Les pierres, briques et tuiles témoignent de leur utilisation passée. Le travail sur la matière en ressort. La réinterprétation de la technique du wapan consiste également à trouver les justes proportions de pierres, tuiles et briques en fonction de leurs teintes, formes et textures. Cela nécessite un travail en amont sur le placement des différents éléments mais aussi un travail de terrain pour les artisans et les architectes. Les artisans sont guidés par l’architecte dans leur travail d’expérimentation de la technique et apporte leur touche personnelle qui donne sens à l’intégralité de la façade. Les tuiles et les briques noires et rouges orangées sont principalement placées en haut des murs. Elles ne sont pas disposées par couches entières. Elles donnent l’impression de touches de couleurs parsemées dans un parement en pierres. (Figure 38)

La technique du wapan permet l’intelligibilité de la surface du bâtiment par les interstices créés entre les différents matériaux. La surface du bâtiment donne à être regarder et toucher lors du parcours architectural. La touchehumaine des artisans lors de la réalisation du bâtiment donne au musée une

45 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op.cit., p.185.

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40. «Intrusion de la nature dans le bâtiment», Wang ShuEsquisse de la forme architecturaleDe Muynck Bert, « A small world », Domus,n°914, mai 2008, pp.56-65.

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41 et 42.Pavillon du village chinois de TengtouInspiration d’une peinture Shan Shui de Chen Hongshou (XVIIème siècle)Ibid.

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55Les matériaux: révélateurs d’un lieu et d’une culture

dimension poétique. Pour Wang Shu, « parce qu’ils [les artisans et les constructeurs] ne pouvaient pas contrôler les formes des matériaux, la façade est un peu le fruit du hasard. » […] « Où l’on supposait avoir une façade totalement rectiligne, c’est un peu courbe. Donc le bâtiment apparaît plus comme une créature vivante que comme un bloc solide. »46

Les caractéristiques historiques, culturelles et locales des matériaux choisis, associées aux caractéristiques techniques actuelles justifient leur place dans la ville. Wang Shu précise que l’emploi de tels matériaux et d’un telle technique doivent être en logique avec les lieux de constructions et mesurés en fonction de l’ampleur du projet. C’est pourquoi il fait intervenir d’autres expérimentations de techniques dans ces projets, telles que le coffrage en bambous du béton en relation avec le lieu et l’unité qu’il veut lui donner. (Figure 39)

Par une réinterprétation contemporaine de techniques du passé, Wang Shu permet d’étendre la palette des techniques architecturales. Cette fusion technique et philosophique entre traditionnel et contemporain favorise le développement architectural selon une éthique environnementale. Au-delà du recyclage de matériaux, elle tend à préserver l’artisanat dans l’architecture, expression d’un lieu et d’une culture.

4.2 Révélation de la nature par les matériaux

Dans son processus de création, Wang Shu nomme ses deux dernières étapes « l’existence du paysage » et « la jouissance de l’architecture »47. Les matériaux sont caractéristiques de leur matière originelle et de leur transformation. Ils témoignent d’un temps et d’un lieu.Wang Shu et Lu Wenyu, représentants de l’agence d’architecture Amateur Architecture Studio, dans leur projet du pavillon du village chinois de Tengtou48 à l’exposition universelle de Shanghaï, ont créé un parcours architectural ouvert sur l’environnement extérieur. Le pavillon, un parallélépipède de 15 mètres sur 49 mètres bordé d’un bassin d’eau, comportait de multiples baies immenses de 4 à 6 mètres de haut et de 2 à 6 mètres de large. Elles laissaient entrevoir des cultures plantées aux étages. Les arbres en toiture étaient visibles par le patio central. L’architecture était le support d’une nature étagée qui était donnée à voir par le visiteur. (Figure 40)

Les architectes ont cherché à redonner une dimension poétique à l’architecture par l’inspiration d’une peinture de la montagne et de l’eau de Chen Hongshou, datant de la dynastie des Ming (XVIIème siècle).49 Wang Shu parle de

46 Alex Pasternack, entretien avec Wang Shu, Design & Architecture, New-York, juillet 2009.

47 Laffage Arnauld, Nussaume Yann, op.cit., p.186.

48 Tengtou, village chinois de la province du Zhejiang reconnu pour ses expérimentations écologiques.

49 De Muynck Bert, op.cit., pp.56-65.

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44 et 45. Ouvertures dans la façadeMessage, incarné par le pavillon, d’une volonté de dialogue entre l’homme et la natureIbid.

43. Un matériau par pan de murDifférents matériaux, textures et couleursIbid.

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57Les matériaux: révélateurs d’un lieu et d’une culture

leur réinterprétation de la peinture dans leur architecture comme d’une « intrusion de la nature dans l’habitation ». Il qualifie ce dialogue entre architecture et paysage de « très riche » et « capital » dans sa culture chinoise.50 (Figures 41 et 42) Wang Shu se détache très librement des principes du Feng Shui pour recréer une nature dans son architecture contemporaine afin d’exprimer l’unité des deux. L’architecture fusionne avec la nature en s’ouvrant sur elle, en la révélant. L’enceinte devient poreuse pour multiplier les points de vue sur cette nature recréée et l’environnement extérieur.

L’architecture contemporaine du pavillon du village de Tengtou procurait la sensation aux visiteurs d’être protégés dans une enceinte, revêtue de pierres et de briques principalement selon la technique du wapan. Le béton blanc soulignait les arêtes du pavillon et des ouvertures. Ces dernières étaient autant de portes ouvertes sur l’environnement extérieur et sur les jardins à l’intérieur du pavillon. Les cultures et les arbres plantés au sein du pavillon étaient riches de couleurs verdoyantes. Ils pouvaient être aperçus partiellement depuis l’entrée comme s’ils prenaient racines sur le pavillon. L’homme tenait la place de contemplateur du paysage et d’acteur traversant les lieux. Le vide, l’absence de matière permettait l’intelligibilité de l’intrusion de la nature par la vision du ciel, de la ville, des cultures, des arbres et de l’eau du bassin. La sensation procurée aux visiteurs d’être parfois sous terre et parfois dirigés vers le ciel était donnée par le dernier plancher de 1.5m d’épaisseur sur lequel ont été plantés des arbres et par l’ouverture zénithale. L’homme pouvait se sentir parfois à l’intérieur tout en étant à l’extérieur et vice versa.

La fusion entre l’architecture et la nature s’établissait à travers les couleurs et les textures également. Tantôt le béton précédemment coffré avec des petites sections de bambous laissait transparaître sa surface irrégulière, tantôt le coffrage restait perdu. La rugosité et la couleur des bambous donnaient à voir une autre matière ainsi que les murs dont le revêtement wapan était en briques, tuiles et pierres de formes et de couleurs différentes. Les percées propulsaient notre regard plus loin que sur le bâtiment lui-même. Chaque matériau correspondait à un plan orthogonal du pavillon. L’équilibre des couleurs, des formes et des découpes de murs semblait intuitif et expérimental. (Figure 43) Les percées différemment agencées et proportionnées offraient des points de vue sur les séquences du parcours architectural.

L’architecture contemporaine de Wang Shu et Lu Wenyu est porteuse du message de l’attachement que portaient les chinois taoïstes à la nature et de sa réinterprétation contemporaine. Elle est empreinte également d’une volonté d’organisation spatiale dans laquelle les limites sont franchissables, où le

50 Magrou Rafaël, op.cit., pp.53-92.

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59Les matériaux: révélateurs d’un lieu et d’une culture

cloisonnement ne marque pas un arrêt mais donne une perspective, entraînant le visiteur à découvrir ce qui se passe de l’autre côté du mur. L’homme n’est pas au centre de l’architecture, il la suit pour appréhender l’espace et la nature. (Figures 44 et 45) Les architectes recherchèrent à ce que le regard que portent les hommes sur la nature soit orienté par l’architecture de leur projet. Le message semble clair. Le parcours architectural a pour objectif de favoriser le dialogue entre l’homme et la nature.

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Wang Shu s’inspire des valeurs humaines et environnementales portées par sa culture chinoise. Il réinterprète le modèle ancien du Feng Shui en se détachant de ses théories pour s’attacher aux thèmes du dialogue de l’homme et de la nature, du rôle de l’architecture comme filtre pour porter le regard de l’homme vers la nature et l’environnement extérieur, de l’habitat agréable à vivre et de l’architecture locale sans omettre qu’ils font partie de l’unité d’un processus de création architecturale en lien avec la nature. Il semble difficile de parler d’une nouvelle version du Feng Shui, établie par Wang Shu car malgré son inspiration de l’éthique environnementale du Feng Shui, sa conception architecturale se détache très librement de la pratique ancienne de ce dernier. L’architecture contemporaine de Wang Shu n’incarne pas un modèle en soi. Wang Shu part du constat qu’en 20 ans, « 90% du paysage traditionnel chinois a disparu. »51 Il s’inscrit dans la démarche inverse c’est-à-dire de ne pas faire table rase de la culture. Sa réinterprétation des valeurs morales passées, qui sont, pour lui, fondamentales pour concevoir une architecture contemporaine en relation avec l’environnement et l’homme, est un travail d’expérimentation. Il est régi par Wang Shu et est lié aux différents niveaux d’interprétation qu’il accorde aux modèles anciens.

Deux niveaux de distanciation au modèle ancien du Feng Shui ressortent. Wang Shu se réfère dans son discours plus particulièrement au concept du Shan Shui qu’au Feng Shui. Par son attachement à la peinture chinoise, aux couleurs qu’elle transmet, aux sens qu’elle invoque et aux éléments « montagne et eau » qu’elle peint avec une liberté d’expression et de formes, il confère à sa conception architecturale une dimension poétique. Sa référence à l’architecture locale du Feng Shui va au-delà de l’économie d’énergie par l’emploi de matériaux locaux et de leur recyclage. Wang Shu seréapproprie, par exemple, la technique ancienne du wapan de manière

51 Alex Pasternack, entretien avec Wang Shu, Design & Architecture, New-York, juillet 2009.

Conclusion

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symbolique en réutilisant les matériaux issus des destructions actuelles des maisons traditionnelles. Le travail qu’il effectue s’insère dans une démarche contemporaine permettant de révéler sa culture à travers une tradition vivante.Wang Shu témoigne de ses intentions architecturales en déclarant: « Au cours de notre histoire récente alors que notre civilisation périclite soudainement, notre société a perdu toute notion de beauté et oublié les standards du passé. C’est pour cela que je m’engage dans des recherches sur ces modèles anciens et que je tente de les appliquer dans mes projets. »52

La position qu’il défend vis-à-vis de l’identité architecturale chinoise est loin d’être commune à tous les architectes, selon lui, c’est pourquoi, il répond à la question suivante:« Quelle est la finalité de votre travail? », posa Rafaël Magrou, journaliste lors d’un entretien avec Wang Shu à Hangzhou, « Un écho dans une vallée vide »53, Wang Shu. Et à l’époque où l’identité architecturale chinoise se perd dans l’architecture et l’urbanisme actuels, la recherche d’une inspiration des valeurs anciennes du Feng Shui peut être, comme nous l’avons vue à travers les projets de Wang Shu, le moteur d’une architecture novatrice chinoise favorisant le dialogue entre l’architecture, la nature et l’homme.

Les valeurs morales du Feng Shui donnent une dimension à la nature moins technique que celle qui peut apparaître dans l’architecture contemporaine écologique. Elles portent une réflexion sur le bien-être que peut procurer le contact entre l’homme et la nature en plus des apports énergétiques qu’elle permet. Elles confèrent également une dimension locale au projet. L’équilibre entre les notions humaines et environnementales et la notion énergétique semble pouvoir trouver sa réponse dans l’association de la connaissance de principes anciens tels que le Feng Shui et des techniques matérielles et énergétiques contemporaines.

A l’échelle mondiale, la question posée porte également plus sur la pertinence de l’éthique environnementale du Feng Shui que sur les réappropriations de ses pratiques anciennes par une culture étrangère et à une époque différente. Deux auteurs, tels que le géographe et orientaliste Augustin Berque et l’historien Frédéric Obringer,54 déclarent que les principes anciens du Feng Shui détiennent une leçon morale environnementale qui n’est pas hors du contexte contemporain et pourrait servir de guide à l’architecture contemporaine par la dimension humaine et environnementale qu’elle possède.

52 Magrou Rafaël, op.cit., pp.53-92.

53 Ibid.

54 Obringer Frédéric, « Le fengshui, ou la recherche d’un dragon très humain, Penser et vivre la

nature – aspects éthiques et culturels » (207), Diogène, juillet – septembre 2004, pp.72-82.

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Augustin Berque précise que: « Toutes les sociétés traditionnelles ont au contraire eu la capacité d’articuler en un cosmos leur représentation de la nature et leurs règles morales. Nous autres modernes avons perdu cette capacité à partir du moment où pour nous, les choses sont devenues des objets moralement neutres, ontologiquement distincts des sujets moraux que nous sommes. »55

La connaissance des valeurs traditionnelles de notre société ainsi que celles d’autres sociétés telles que le Feng Shui, associée aux compétences actuelles, dans une juste mesure, doit inspirer notre conception architecturale. Il ne faut pas perdre de vue qu’elle est le gage d’une création architecturale contemporaine, révélatrice du milieu dans lequel le projet s’insère et intégratrice de l’homme au cœur de ce dialogue entre architecture et nature.

55 Berque Augustin, « Ce qui fonde l’éthique environnementale, Penser et vivre la nature –

aspects éthiques et culturels » (207), Diogène, juillet – septembre 2004, pp.20–27.

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Annexe 1:Le Feng Shui est issu du taoïsme; de la considération taoïste de la nature et de la théorie du Yin et du Yang

La caractérisation du monde naturelLa tradition chinoise qui théorisa et concrétisa ses observations de la nature en un art de vivre, le Feng Shui, en Chine centrale et du Sud principalement est issue de la religion taoïste. Le taoïsme élabora une identification du monde naturel. L’attachement des chinois à la nature différent de celui des occidentaux a été énoncé dans des écrits tels que Le livre de la Voie et de la Vertu, du Dao De Jing de Lao Tse au VIème siècle av. J.C. Cet attachement à la nature est dû à la culture chinoise qui contrairement à la culture occidentale a porté un regard plus organique que rationnel sur la nature. Pour les chinois taoïstes « chaque phénomène est lié à tous les autres suivant un ordre hiérarchique ».1 Et l’ensemble de toutes les espèces et phénomènes naturels forme un monde organique. L’homme faisant partie intégrante de cet ensemble alors comme J. Needham le stipule1 « Les taoïstes avaient, en quelque sorte, le pressentiment que tant que l’humanité n’en saurait pas davantage sur la nature, il ne serait même pas possible d’organiser correctement la société humaine. »

La composition du monde naturel fut définie par les taoïstes à travers des théories, basées sur leur expérimentation et leur intuition du fonctionnement de la nature. La considération taoïste de la nature organique est portée par la signification du mot tao. Tao signifie voie en chinois, prononcé dao. Le tao comporte les lois de la nature qui sont à l’origine des formes, des distinctions des éléments de la nature. Il exprime l’unité de la diversité du monde naturel. Le Yin et le Yang sont les notions qui permettent de caractériser les éléments de la nature. Par exemple, selon le texte taoïste intitulé Le mystère de la fleur d’or, le Ciel et la Terre ne formait qu’un. L’Un fut divisé, celui qui reçut le yang-ch’i c’est-à-dire la Terre s’éleva. Il était clair, illuminé tandis que l’autre reçut le ying-ch’i, la Terre sombra. Elle était lourde et obscure. L’équilibre Yin/Yang est nécessaire pour atteindre une harmonie naturelle selon les taoïstes. Le Ji Ni Zi1 du IVème siècle déclara : « Chaque phénomène naturel en tant que produit du Yin et du Yang, a sa composition et ses mouvements fixés en rapport avec les autres choses dans le filet des relations avec la nature.»

Le TaoLe philosophe Alan Watts parle de quatre axiomes concernant la compréhension du tao: « les principes d’opposition, de cycles, d’attention et d’unité entre l’homme et la nature ». Il décrit le tao comme « n’ayant pas de définition littérale,ce n’est ni une idée, ni un concept. Le tao est une voie, un flot, une signification ou un processus de la nature. La personne qui vit selon le tao comprend l’opposition

1 Needham Joseph, La science chinoise et l’Occident, éditions Points Sciences, Paris, 1977, p.229.

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et l’union que forment le Yin et le Yang, le principe du féminin et du masculin, il connaît la sagesse d’agir sans violence, il suit la ‘Watercourse way’ parce que toutes les choses qui composent la vie suivent un mouvement fluide. Sans déclin, il n’y a pas de croissance, sans mort, la vie n’existe pas et sans douleur, il n’y a pas de joie. »2 L’harmonie naturelle, évoquée précédemment, comprend l’harmonie entre l’homme et le tao. L’homme doit donc trouver dans son environnement, dans sa vie un équilibre Yin et Yang.

Les influences du Feng Shui et du Tao pour la science chinoiseOutre la définition philosophique du tao, la théorie du Yin et du Yang n’est pas restée utile qu’à l’échelle de la religion taoïste. La connaissance chinoise de la nature a longtemps favorisé le développement de la science chinoise. Et la volonté d’une avancée scientifique leur a permis d’étudier l’univers de manière plus précise. Il est donc essentiel d’exposer les fondements d’une civilisation empreinte de l’observation de la nature et de l’homme. D’une part, les taoïstes ont cherché à comprendre le mystère de l’homme au sein de l’univers. Leur pensée organique de la nature peut être à la base de la connaissance scientifique de la cause des marées dès l’époque des San Guo et l’utilisation des boussoles par les géomanciens a favorisé l’étude de la déclinaison magnétique entre autres car pour les chinois, l’action à distance était concevable.3 Pour les chinois, le développement de la science impliquait le classement des phénomènes naturels. Les premiers catalogues astronomiques, de maladies humaines ou animales sur terre furent réalisés en Chine. L’observation et la classification dont firent preuve les chinois ont un intérêt réel pour les astronomes contemporains. Ils utilisent le système équatorial chinois pour mesurer la position d’une étoile dans le ciel.4 Les facteurs qui ont joué un rôle dans l’avancée de la science et la technologie au Moyen- Age sont philosophiques et théologiques comme nous l’avons vu précédemment mais également économiques et sociaux. L’ancienne société chinoise prônant un principe d’intervention minimale wu-wei5 sur la nature encouragea l’étude coopérative de la nature et de l’Univers et la publication d’encyclopédies.

2 Fingerhuth Carl, Learning from china, 2004 p.81, « Tao: The Watercourse Way defines four

axioms: the principle of polarity ; the principle of cyclicity ; the principle of mindfulness ; and

the principle of unity between man and nature », « Tao cannot be defined in words and is

not an idea or concept. Thus the tao is the course, the flow, the drift, or the process of nature.

The person who lives in tao understands the polarity and the inner unity of yin and yang, the

feminine and the masculine principle, he knows the wisdom of acting without violence, he

follows the ‘watercourse way », because everything in life is fluid. Without decay, there is no

growth, without death no life and without pain no joy. », Watts Alan, écrivain.

3 Needham Joseph, op.cit., pp.9-55.

4 Needham Joseph , op.cit., p.30.

5 Le terme wu-wei signifiait qu’il fallait laisser les choses à elles-mêmes et donc permettre à la

nature de suivre son cours. Needham Joseph, op. cit., p.148.

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Le déclin de la science chinoiseCependant l’influence des observations et des intuitions des taoïstes et des géomanciens fut limitée car l’écart se creusa entre l’avancée littéraire et scientifique de l’école confucéenne ouverte sur la société et le retrait des taoïstes à l’écart de la société pour expérimenter et suivre leurs intuitions sur le tao. Se méfiant donc de la raison et de la logique, d’autres recherches des taoïstes apparaissant comme issues du mysticisme ne furent pas suivies. La pensée chinoise du monde, qui favorisa certains progrès scientifiques à l’époque de la Chine ancienne et médiévale comme nous l’avons vu précédemment, pourrait cependant être à l’origine du développement de la science moderne en Occident et non en Orient à la Renaissance. En Occident, la conception des lois de la nature fut prise au sérieux à la Renaissance selon laquelle les phénomènes naturels non humains obéissent à un législateur divin. Pour les chinois, le concept de lois s’assimilait pour eux à la tyrannie politicienne. Cette conception des lois de la nature par les occidentaux permit de développer une théorie d’une loi universelle immanente au monde et qui enveloppe la nature non humaine tout autant que l’homme. Elles donnèrent lieu aux statistiques et aux formulations des lois scientifiques. Des facteurs sociaux, économiques, culturels et géographiques ont joué également le rôle de frein pour sortir la science chinoise de la Chine médiévale.

Les influences du Feng Shui dans la société chinoiseLa philosophie de vie des taoïstes resta cependant très répandue durant les dynasties Yuan et Ming (1260-1644), elle s’accompagnait de cultes voués à la nature tels que le culte des divinités des phénomènes naturels du Ciel, des divinités des phénomènes terrestres et des divinités des êtres humains. L’implantation des temples dédiés à ces cultes était régie par le Feng Shui; les temples de la terre et des ancêtres se situaient sur l’axe Est-Ouest de la ville, suivant la course du soleil. Les chinois accordaient un intérêt particulier aux esprits libérés de leur corps qui devaient passer de la Terre au Ciel. C’est pourquoi de longs siècles durant la pratique du Feng Shui se limita à l’implantation des tombes des ancêtres. Elle favorisait le bon destin, sous leur propre habitation, des descendants de la personne enterrée c’est-à-dire leur bonne santé, leur richesse et leur bonheur. Cela exprimait un respect des morts et un respect de la nature à travers l’architecture.

Annexe 1

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Architecture et nature · Mélanie Morin72

1. Classification des phénomènes naturels et humains selon les Cinq Eléments

2. Cycles des Cinq Eléments

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Annexe 2:Les principes du Feng shui sont régis par une pensée holistique des 5 Eléments.

Le Yin et le Yang et les 5 ElémentsLes taoïstes ont établi des symboliques entre la nature et les formes géométriques et les couleurs en référence au cosmos. Ils ont à partir du Yin et du Yang défini et classé les éléments qui nous entourent. La pensée chinoise taoïste fut à la source de la dialectique chinoise. Dans la deuxième moitié du VIIIème siècle av. J.C., les taoïstes ont regroupé dans le Livre des transformations Yi Jing, les hexagrammes issus de leur vision organique du monde. Le Yin - - et le Yang --- sont à la base de ces formulations exprimant le vide et le plein et leur unité. Le premier hexagramme est celui du Ciel perçut en tant que créateur et exprimant le plein. Le Ciel est symbolisé par le bleu. Le second hexagramme, la Terre a une connotation réceptive. Elle est symbolisée par le jaune. Le Yin (négatif ) et le Yang (positif ) correspondent au vide et au solide, à l’eau et à la colline (Vème siècle av. J.-C.). Le Yang est représenté par le feu et se décline avec le Sud, la chaleur, l’altitude, l’action, l’activité, l’homme, le noir, la décision, le léger, le rigide et la respiration. Le Yin est représenté par l’eau et se décline avec le Nord, le froid, la profondeur, l’écoute, le repos, la femme, le blanc, l’hésitation, la densité, le souple et l’étanchéité entre autres. Le Feng Shui rassemble des lois et des principes qui définissent les forces vitales s’exprimant sur un lieu, nécessaires pour l’évaluation d’un site par un maître Feng Shui.Le système des 5 Eléments: le métal, le bois, l’eau, le feu et la terre, permit la classification des éléments naturels et humains en fonction des cycles naturels. Ils ont été définis au Vème siècle av. J.C. par la correspondance métaphorique avec les cinq planètes: Vénus, Jupiter, Mercure, Mars et Saturne. Ces cinq éléments sont associés aux orientations par rapport au soleil, aux planètes, aux sens, aux couleurs et aux saisons, aux formes architecturales, aux montagnes taoïstes, au temps, aux cours d’eau et à la direction du vent. (Figure 1)

Les principes du Feng shui sont régis par une pensée holistique des 5 Eléments. Il existe deux cycles; celui de destruction et celui de génération. Le premier consiste au fait que le métal détruit le bois (il le coupe). Le bois détruit la terre (puise ses ressources), la terre – l’eau (absorbe), l’eau – le feu (en l’éteignant) et le feu - le métal (il fond). Le second considère que le bois permet de faire du feu, le feu - la terre (les cendres la nourrissent), la terre - le métal (production), le métal - l’eau (liquéfaction), l’eau-le bois (croissance). (Figure 2)

Ces correspondances sont les outils architecturaux des maîtres Feng Shui basés sur une étude du cosmos (des planètes en particulier) pour analyser un site. Leur vision de l’univers se rattachait au fait que tout ce qui existe était lié aux Cinq Eléments. Le système des cinq Eléments a été associé à l’ambivalence du Yin et du Yang pour classifier les éléments naturels et établir des correspondances entre les phénomènes naturels et humains.

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Annexe 3:Le Feng Shui: les influences de la nature sur l’homme

Les liens entre l’homme et la natureLe Feng Shui considère un lien fort entre la nature, l’homme et l’architecture. L’homme de part ses actes envers la nature influencerait son destin. L’architecture est considérée comme une intervention sur la nature. Les actes humains ont besoin d’être réfléchis, en relation avec les théories établies à l’époque afin de préserver et respecter le système naturel. L’attention portée aux phénomènes naturels permet à l’homme d’agir au bon moment et au bon endroit. Le suivi des mouvements du Yin et du Yang correspondants à chaque action humaine permet à l’homme de s’accorder avec la nature, c’est-à-dire avec les saisons, les mouvements cycliques du soleil, de la lune, des étoiles et des planètes). Prendre conscience des phénomènes naturels afin de vivre en harmonie avec la nature et pouvoir anticiper les éventuels phénomènes naturels néfastes pour l’homme. Le rapport à la nature qu’entretiennent et développent les taoïstes est empreint des croyances traditionnelles populaires centrées sur la symbiose du rythme saisonnier de la nature et donc de l’agriculture avec celui de l’homme en société. Le taoïsme stipule une interaction entre la prospérité de l’homme et la nature.

Le poids de la pensée taoïste dans la société chinoiseA ce sujet, une discussion entre le roi de Yue et Ji Ni un maître taoïste écrite probablement par un homme politique de l’Etat de Yue du Sud explicite les sujets d’observation de la nature et la cohérence des variations naturelles avec le déroulement de la vie humaine. Le maître insiste sur la notion de temps, l’ambivalence du Yin et du Yang et la nécessité de leur équilibre parallèlement à celui retrouvé dans la nature. Dans la partie Nei Jing (fin IVème siècle avant J.C.) imprégnée d’une tradition naturaliste du Sud de la Chine, se trouve le passage suivant.6 Le roi de Yue dit : « Puisque vous discutez des affaires humaines de manière si brillante, et que vous témoignez de tant de prudence avant d’agir, vous pourrez sans doute me dire si les phénomènes naturels ont une signification défavorable ou propice (pour l’homme) ? »Ji Ni: « Ils ont certainement ces deux significations. C’est le Yin et le Yang, présents dans toutes choses, qui leur donne tout leur ji-gang (c’est-à-dire leurs mélanges fixés, et leurs mouvements en rapport avec d’autres choses, dans le tissu des relations avec la nature). La chance et la malchance dépendent des mouvements cycliques du soleil, de la lune, des étoiles et des planètes, des alternances répétées de destruction et de création (dans les saisons de l’année). Car (le qi des éléments) le Métal, le Bois, l’Eau, le Feu et la Terre dominent alternativement (se succédant àlong terme), et (l’influence de) la lune, dans son mouvement de croissance et de décroissance, est sur eux particulièrement forte (à des époques qui reviennentavec régularité). Tous ces changements ne sont que des (fluctuations) dans la

6 Needham Joseph , op.cit., p.230.

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régularité essentiellement cyclique (du Yin et du Yang dans le grand Tao), qui n’a pas de maître (ou de gouvernant que l’on pourrait, par exemple implorer). Si nous le suivons, nous acquerrons la prospérité, si nous nous y opposons, nous tomberons dans l’infortune. Ainsi le sage (maître) peut prédire nettement (la venue d’) une destruction et donc se préparer à la contrebalancer, car, profitant du temps que prend ce développement exubérant, il peut éviter d’être atteint par les coups de l’adversité. Toutes les affaires doivent donc être traitées suivant les mouvements du Yin et du Yang, tels qu’ils se manifestent dans les quatre saisons. Si ces principes ne sont pas soigneusement observés, les affaires humaines connaîtront le désordre. La vie du peuple est une chose trop importante pour nous laisser guider par des modèles qui nous détournent de l’action sage. Si vous voulez essayer de changer la régularité (du Grand Tao) et les nombres (par lesquels le monde est construit), vous ne ferez que favoriser des actes contre nature, que tomber dans la pauvreté et abréger votre vie. Ainsi le sage (maître) rejette les tentations auxquelles succombe le petit peuple, et il agit tranquillement comme il lui convient, espérant influencer ceux qui ne sont pas éclairés. Mais la plus grande partie des gens courent après la richesse et les honneurs, absolument ignorants de la balance (du Yin et du Yang qui déterminera leur destin). »« Très bien », dit le roi. » Cet extrait montre l’importance accordée au respect des théories taoïstes dans la société chinoise. Elles prônent une philosophie de vie basée sur la relation établie entre l’homme et la nature. Ce passage répertoriant donc les liens existants entre l’homme et la nature selon les taoïstes interroge sur notre relation à la nature. Malgré la croyance en l’influence de la nature sur l’homme en particulier sur sa prospérité, la société chinoise donne une leçon sur la puissance dégagée par les chinois pour connaître la nature et donner à l’homme sa place en son sein et le guider dans une conduite sage envers la nature.

Les rituels liés au feng ShuiDepuis la dynastie des Ming (1368-1644), le Feng Shui s’est répandu comme les principes d’implantation et de construction d’un habitat, d’aménagement d’un jardin, de composition d’une ville, d’un village. Le Feng Shui est perçu par la population chinoise comme le moyen d’agir, d’influencer le destin d’une famille tant au point de la santé que de la fortune de cette famille, par le biais d’amulettes, de l’implantation de la maison (orientation et environnement) et de sa construction. Le temps et les rites sont primordiaux durant les phases de chantier de la construction. Une attention particulière était donnée au rythme des saisons. Des rites se déroulaient au moment de la mise en place des colonnes et des poutres, de la décision de la pente du toit, des fondations, de la pose des briques, de la couverture, du faîtage, de la pose du revêtement de sol, des cloisons, de la pose des portes, de l’installation de la cuisine, de la grange, de l’étable, du parc à cochons et des toilettes. Les fondations avaient lieu à une date où les forces naturelles étaient propices à un bon présage et favoriseraient le bien-être de ses occupants et donc un rite était prévu.

Annexe 3

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Architecture et nature · Mélanie Morin

3. Trigrammes du ciel, de la terre, de lamontagne, de l’eau et du ventcompilation de signes dans le livre des Transformations, Yi-Jing, datant de la deuxièmemoitié du VIIIème siècle av. J.C.

Le ciel, représenté par le plein

La terre, représentée comme réceptif

La montagne, représentée comme l’immobilisation

L’eau, représentée comme insondable

Le vent, représenté comme l’enracinement

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Annexe 4:Les variantes du Feng Shui

Le Feng Shui/le Shan ShuiLe Feng Shui est apparu en Chine du Sud avant de se répandre en Chine du Nord. En Chine du Sud le relief est plus important qu’en Chine du Nord caractérisé par ses plaines et ses plateaux. Le relief de la Chine du Sud à l’Ouest est caractéristique des alpes de Sseu-tch’ouan de 6000m et à l’Est par des montagnes plus basses. Le développement du Feng Shui est lié à la peinture chinoise. Le concept du Shan Shui est apparu en peinture bien plus tard que le Feng Shui au X et XIème siècle ap. J.C. La peinture s’inspire de la montagne et également de l’eau et cherche à exprimer le mouvement continu de la nature. La montagne au Nord d’un site d’implantation protège le site des vents du Nord. Huit éléments tels que le ciel, la terre, la montagne, l’eau et le vent ont été symbolisés par des trigrammes composés de traits signifiants le Yin et le Yang. Les combinaisons de deux trigrammes ont composé 64 hexagrammes symbolisant des états humains et naturels. Le trigramme de la montagne exprime l’immobilisation et la tranquillité. L’eau coule à l’Est et exprime l’endurance. Le trigramme de l’eau exprime l’impénétrabilité. L’équilibre du site est analysé par la montagne, élément Yang et l’eau, élément Yin. (Figure 3)

Les deux écoles du Feng ShuiDeux écoles de Feng Shui se sont formées: celle du Compas (calculs astrologiques et numérologiques) et celle de la Forme (signification des formes du terrain et symboles). L’école de la Forme se basait sur l’intuition et l’expérience des formes des éléments naturels et du paysage dans son ensemble pour analyser un site. Les maîtres Feng Shui de l’école du Compas ont établi un classement des reliefs des montagnes selon les Cinq Eléments. Les montagnes au relief pointu était associé au feu, les plus arrondies au bois, les plateaux en hauteur à la terre, les larges et arrondies au métal et les irrégulières à l’eau. Cette école se servait de la boussole géomantique Luo Pan pour identifier le lieu idéal et prendre en compte les cycles des 5 Eléments et déterminer la forme architecturale de la construction. Cette boussole était basée sur la représentation du cosmos (représentation de la constellation de la grande Ourse) et où étaient reportées les correspondances des phénomènes naturels et humains.

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Annexe 5:Evolution du Feng Shui du XIXème siècle à nos jours

L’intérêt pour le Feng Shui a changé durant les siècles derniers. Jusqu’en 1880, la pratique du Feng Shui est régie par le pouvoir politique. Comme le rapporte la gazette de Pékin du 28 juillet 1880, une sanction impériale sera donnée si l’ouverture des mines ne s’effectue pas avec le discernement de maîtres Feng Shui.6 Les enjeux sont importants pour les chinois, le Feng Shui favorise la santé, une carrière dans le service civil et l’harmonie domestique. A la fin du XIXe siècle, le Feng Shui prend de l’importance en Occident alors qu’en Orient le développement technologique prend le dessus. La construction de chemins de fer, de pôles télégraphiques et l’exploitation de mines sont primordiales pour l’avancée économique et sociale du pays. Tandis que le Feng Shui apparaît comme la curiosité à la mode dans les années 1860, des livres à ce sujet voient le jour en Occident. Avec une connotation romantique ou poétique, les écrits d’admiration de la beauté du paysage chinois fleurissent. Les Occidentaux s’intéressent à la culture chinoise, pour mieux connaître le Feng Shui et mettent en avant les propriétés esthétiques qu’ils tirent de ces principes. Depuis l’abdication de la dynastie Qing (1911) et sous le gouvernement de Mao (1949), le Feng Shui est perçu comme une superstition plutôt que comme une science chinoise comme cela l’était quelques décennies auparavant. Puis à partir des années 60/70, le Feng Shui refait surface dans la littérature occidentale comme l’intermédiaire possible pour favoriser le lien entre l’homme et la nature. Le lien entre le psyche et le paysage est analysé dans les écrits d’Andrew March (géographe anglais).7

L’avènement du Feng Shui en Occident laissa cours aux réflexions de l’écrivain E.N. Anderson (anthropologue) dans les années 70 8 sur la requalification du mode de vie contemporain d’un point de vue culturel et écologique. Dans ses écrits, Anderson sous-entend que la civilisation moderne va à sa perte et que les traditions chinoises offrent la clé qui lui permettrait de survivre, de se développer et de préserver son environnement en dépit de la forte densité urbaine chinoise. Cependant l’appropriation du Feng Shui par la civilisation actuelle, si elle veut dépasser la connotation esthétique retenue par les Occidentaux au XIXème siècle, nécessite une connaissance du Feng Shui et une prise de distance et de reconsidération de ces principes anciens. (Figure 4)

6 Feuchtwang Stephan, An anthropological analysis of chinese Geomancy, White Lotus, Bangkok, 2002 (2ème

édition), p.82.

7 Bruun Ole, Fengshui in China, geomantic divination between state orthodoxy and popular religions, éditions de

l’université d’Hawaï, Honolulu, 2003, p.105: Andrew March, An appreciation of chinese geomancy, Journal of Asian

studies1968.

8 Ibid., p.237.

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Needham Joseph, La science chinoise et l’Occident, éditions Points Sciences, Paris, 1977, p.252.

Needham Joseph, Science et civilisation en Chine – une introduction, traduit de l’anglais par F. Obringer (première édition 1978) éditions Philippe Picquier, Arles, 1995, p.359.

Nussaume Yann, Mosiniak Michelle, Construire en Chine, éditions du Moniteur, Paris, 2005, p.202.

Obringer Frédéric, L’art d’habiter la terre, éditions Philippe Picquier, Arles, 2001, p.130.

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De Muynck Bert, « A small world », Domus, n°914, mai 2008, pp.56-65.

Fernandez- Galiano Luis, « Museo de Historia, Ningbo », AV Monografias, n°139,septembre-octobre 2009, pp.124-131.

Magrou Rafaël, « Etre amateur est très important », L’architecture d’aujourd’hui, n°375, décembre-janvier 2010, pp.53-92.

Magrou Rafaël, « Rapiéçage », Ecologik, n°9, juin – juillet 2009, pp.64-73.

Obringer Frédéric, « Le fengshui, ou la recherche d’un dragon très humain, Penser et vivre la nature – aspects éthiques et culturels » (207), Diogène, juilletseptembre 2004, pp.72-82.

Webb Michaël, « Emerging Chinese firms », The Plan, n°33, avril 2009, pp.19-26.

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Thèses:

Clément Sophie, Clément Pierre, Yong-Hak Shin, Architecture du paysage en Extrême Orient, école nationale supérieure des beaux-Arts, Paris, 1987.

Chunyan Zhang, Le fengshui contemporain, éthique de l’environnement etenseignement d’architecture du paysage, école des hautes études sociales, sous la direction d’Augustin Berque, Paris, janvier 2010.

Exposition:

Chine, célébration de la terre, du 7 mai au 19 septembre,Espace Fondation EDF, 6 rue Récamier – 75007 Paris

Audiovisuel:

Global Award for sustainable architecture, portrait de 5 architectes nominés, Cité de l’architecture et du patrimoine et Seine Aval, 2007.

Entretiens, échanges:

Chiu Che Bing (architecte et enseignant),

Françoise Ged (architecte, sinologue et directrice de l’Observatoire de l’architecture de la Chine contemporaine à la Cité de l’architecture et dupatrimoine),

Stéphanie Gelbart (spécialiste du fengshui dynamique, CHEMA en France).

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