a/r magazine numero 2

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Magazine voyageur www.ar-mag.fr TOKYO De l’aube à l’aube LES MALDIVES Les dessous chics des atolls NORMANDIE Percheron mon amour ODESSA Les jours heureux ALLER RETOUR sept.– oct. 2010 N°02 NOUVEAU ! PASSE À TON VOISIN: NOS BONS PLANS / WEEK-END: UN P’TIT TOUR DANS LA RUHR / À LA LOUPE: LE MARKETING DU SOUK / PARC NATIONAL: LES ÉCRINS / SÉNÉGAL: LES TOURISTES AU BOULOT / PÉTAOUCHNOK: EN PIROGUE À MADAGASCAR / TOURISTA: UROS, Ô DÉSESPOIR / LE GUIDE DU QUEUTARD: LA TRAVERSÉE DU MAGHREB EN STRING / MIAM-MIAM: MANGER À BUENOS AIRES / L’ENTRETIEN: FRANÇOIS SIMON DURABLE 20 pages pour partir autrement

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A/R Magazine voyageur, nouveau magazine de voyage créé en juin 2010 qui donne envie de voyager près de chez soi comme aux antipodes, qui s’intéresse aux destinations improbables, aux galères qui pimentent les voyages, un magazine qui accorde une place de choix au tourisme durable

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Page 1: A/R Magazine numero 2

Magazine voyageur www.ar-mag.fr

TOKYO De l’aube à l’aube

LES MALDIVESLes dessous chics des atolls

NORMANDIEPercheron mon amour

ODESSALes jours heureux

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sept. – oct. 2010

N°02

NOUVEAU !

PASSE À TON VOISIN : NOS BONS PLANS / WEEK-END : UN P’TIT TOUR DANS LA RUHR / À LA LOUPE : LE MARKETING DU SOUK / PARC NATIONAL : LES ÉCRINS / SÉNÉGAL : LES TOURISTES AU BOULOT / PÉTAOUCHNOK : EN PIROGUE À MADAGASCAR / TOURISTA : UROS, Ô DÉSESPOIR / LE GUIDE DU QUEUTARD : LA TRAVERSÉE DU MAGHREB EN STRING / MIAM-MIAM : MANGER À BUENOS AIRES / L’ENTRETIEN : FRANÇOIS SIMON

DURABLE20 pages pour partir autrement

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Page 3: A/R Magazine numero 2

A/R magazine voyageur1 rue du Plâtre — 75 004 [email protected] 87 83 22 56

Directeur de la publication— Michel Fonovich

Rédactrice en chef— Sandrine Mercier

Reporter— Christophe Migeon

Directeur artistique— Albéric d’Hardivilliers

Photojournaliste Durable— Stéphanie Thizy

Maquettiste— Elisabeth Canivet

Secrétaire de rédaction— Jeanne Antonin

Stagiaire— Antoine Houguemade

DiffusionMLP

Service des ventes(réservé aux professionnels)Vive la Presse09 61 47 78 49

ImprimeurAgir Graphic – Laval

PublicitéA/R PUBLICITÉ

[email protected] 87 83 22 56

B&H Ré[email protected] 12 98 51 05

Publication bimestriellePrix de vente : 5,50 !Vente numérique sur www.ar-mag.fr

Édité par les Éditions du PlâtreSAS au capital de 10 000 !Actionnaires : Michel Fonovich,Sandrine MercierSiège social : 1 rue du plâtre — 75 004 Paris

R.C.S Paris 523 032 381ISSN 2108-3347CPPAP en cours

© A/R magazine voyageurLa reproduction, même partielle,des articles et illustrations publiéesdans ce magazine est interdite.

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LES MALDIVESLes dessous chics des atolls

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ODESSALes jours heureux

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sept. – oct. 2010

N°02

NOUVEAU !

PASSE À TON VOISIN : NOS BONS PLANS / WEEK-END : UN P’TIT TOUR DANS LA RUHR / À LA LOUPE : LE MARKETING DU SOUK / PARC NATIONAL : LES ÉCRINS / SÉNÉGAL : LES TOURISTES AU BOULOT / PÉTAOUCHNOK : EN PIROGUE À MADAGASCAR / TOURISTA : UROS, Ô DÉSESPOIR / LE GUIDE DU QUEUTARD : LA TRAVERSÉE DU MAGHREB EN STRING / MIAM-MIAM : MANGER À BUENOS AIRES / L’ENTRETIEN : FRANÇOIS SIMON

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Image de couverture :Takeshi Miyamoto

N°02 / septembre — octobre 2010

A/R magazine voyageur — 3

DES VOYAGES AVEC DU GOÛT

C’était au déclin de l’été. Le soleil se levait à peine et déjà Tbilissi était loin derrière nous. La Lada Niva filait à bonne allure vers le nord, vers le Grand Caucase. L’aiguille du compteur frôlait les 70 km/h et chose incroyable, le moteur semblait tourner rond. Jusqu’à quand ? Quelques mésaventures mécaniques m’avaient appris à me méfier des véhicules géorgiens. Dans la Géorgie sortie dépenaillée de l’éclatement de l’URSS et de deux guerres civiles, rouler était un luxe et rouler jusqu’à bon port en échappant aux pannes, un miracle. Le 4 x 4 avalait maintenant une piste défoncée qui s’entortillait autour de la montagne. Au dernier hameau, un banquet nous attendait. Le moindre espace de la tablée recevait des victuailles. Quelques heures plus tard, là où il y avait eu des plats, une fillette dansait et tournoyait sur les notes d’un accordéon hystérique. Au retour, nous nous sommes arrêtés dans un autre hameau. Salomé, nous attendait dans son jardin. Sans avoir faim, on a tartiné de grandes tranches d’un pain tout rond avec du beurre qui sortait tout juste de la baratte. Le lait perlait encore. Dans la ruche, on a pris un rayon qui dégoulinait de miel pour napper nos tartines. C’était un jour simple et heureux. La Géorgie était à boire et à croquer. J’ai gardé intact le goût de ce voyage et je rejoins le critique gastronomique François Simon qui nous confie que la saveur est une des clés pour mieux comprendre un pays. Je vous laisse déguster ce numéro deux d’A/R qui compte au menu les goûts d’Odessa, de Tokyo, du Perche, de Buenos Aires…

L’ÉDITOSandrine Mercier—

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septembre — octobre 2010/ N°02

4 — A/R magazine voyageur

VOYAGES À LA CARTE—Illustration :Guillaume Reynard

01 Odessa/UkraineMatthieu Raffard & Albéric d’Hardivilliers

Odessa, son escalier et ses plages où l’été venu, autochtones et vacanciers viennent chercher la douceur de vivre au bord de la mer Noire. Parfum de Russie, parfum de Méditerranée, parfum d’insouciance dans un décor improbable qui cultive l’art du délabrement et du bricolage. Albéric et Matthieu ont savouré le spectacle de la plage avec ses jeunes filles en fleur, ses jeunes hommes virils, ses dames grassouillettes et ses messieurs rondouillards.Partir / P.042

02 Tokyo/JaponTakeshi Miyamoto & Cécile Vérié

Takeshi a erré en compagnie de Cécile de l’aube à l’aube dans Tokyo, une jungle urbaine comme on dit qui pourtant a aussi des airs de campagne tranquille. Dans certains lieux, à certaines heures la capitale s’affiche comme une provin-ciale. À d’autres, elle se dévergonde avec entrain. Partir / P.072

03 Buenos Aires/ArgentineJean-François Mallet

Jean-François Mallet, Cuisinier-Photographe Voyageur. À la façon d’un chasseur de papillons, il attrape dans son filet photographique les saveurs des cuisines du monde. À Buenos Aires, il s’est forcément régalé avec de la viande grillée mais pas seulement. Pommes de terre soufflées et glace à la confiture de lait ont complété le tableau sur un air de tango Bazar / P.122

04 Perche/FranceChristophe Migeon

Piquons des deux et lâchons les brides, crinière au vent pour aller trotter dans les chemins creux d’un Perche rond comme une queue de pelle. Entre deux ruades dans les brancards, Christophe, 1.81 m au garrot, découvre les secousses de l’attelage à grande vitesse, retrace le parcours d’un cheval qui a fait la conquête de l’Amérique et que les Haras natio-naux tâchent désormais de faire mincir. Attention les pieds, le percheron fait son retour.Partir / P.032

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N°02

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N°02 / septembre — octobre 2010

05 MaldivesChristophe Migeon

Quand la croisière s’amuse à slalomer entre les îles confettis des Maldives, l’insubmersible Christophe se jette à l’eau dans le sillage des requins-baleines et en profite pour vérifier de quel côté les mantas se font la raie. Nul besoin de yellow submarine, les dhonis au museau pointu transformés en safari boats sèment leurs palanquées de plongeurs au beau milieu des passes...Partir / P.056

06 Ruhr/AllemagneSandrine David

Au moment de choisir un lieu de villégiature, rares sont ceux qui pensent spontanément à la Ruhr du moins de ce côté-ci du Rhin. Sandrine David (une fan de Nina Hagen) en fait partie ou du moins elle le prétend. En parcourant la région, elle a découvert des sites industriels reconvertis en monu-ments d’une beauté colossale. Il y a des héritages qui recè-lent des surprises..Partir / P.030

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septembre — octobre 2010/ N°02

8 — A/R magazine voyageur

REGARDSDE PHOTOGRAPHES—

Cyrille Weiner—

Cyrille Weiner s’intéresse aux usages et à l’appropriation des lieux. Ses réalisations questionnent le pouvoir fictionnel et poétique du document photographique. Né en 1976 et diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière, Cyrille Weiner est établi à Paris. Son travail a été publié par de nombreux magazines et exposé au Musée d’Art Contemporain de Lyon, aux Rencontres d’Arles et à la villa Noailles à Hyères…www.cyrilleweiner.com

« Presque Île », îlot du Rascas, Port-Cros

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N°02 / septembre — octobre 2010

A/R magazine voyageur — 9

Raphaël Dautigny—

Né en 1976, Raphaël vit et travaille à Paris où les habitués de Libération retrouvent souvent ses photos sur les pages « Portraits ». Son travail a souvent été exposé et est publié par de nombreux magazines dont Télérama, Air France et Beaux-Arts magazine. Surfeur et voyageur lui-même, Raphaël réalise depuis plusieurs années, à travers le monde, une série photographique qui l’a conduit de plage en plage. Esthétisme et grand large garantis. Exposition à la galerie Baudoin Lebon à Paris jusqu’au 13/09/2010.www.luce-photo.com/raphaeldautigny

Uluwatu, Bali

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12 — A/R magazine voyageur / CARNET

septembre — octobre 2010/ N°02

ACTUALITÉS DU VOYAGE

QUOI DE NEUFSUR LA PLANÈTE ?

ÇA VAUT BIENUN REMBRANDT,

UN PISSARO OU UN MATISSE

Francis StaubFondateur de la maison

de cocottes Staub

Acquéreur de l’intégrale des Guides rouges édités par Michelin au XXe siècle

pour 60 000,00 ! !

FICHES CONTRE LES ARNAQUES EN VACANCES

Élaborées par la DGCCRF, elles couvrent les déplacements,

l'hébergement, les loisirs, la restauration, la santé, les achats

et les voyages organisés. Où l'on apprend qu'un cafetier n'a pas le droit de refuser de changer

votre consommation si celle-ci n'est pas suffisamment fraîche ou

chaude. En revanche, il a le droit de refuser le verre d'eau « gratuit ».

www.dgccrf.bercy.gouv.fr

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GlampingLE REJETON DE GLAMOUR

ET CAMPINGÇa devait arriver. Le glamour a fini par céder aux avances rustiques du camping

pour donner naissance au glamping ou camping chic. À quoi bon planter sa tente ou garer sa caravane à Palavas-les-Flots ou Veules-les-Roses,

quand on peut glamper dans un lieu sublime et sauvage, au hasard la Namibie ou le Colorado. En plus de ça, le campement est très classieux et respectueux

de l'environnement. Un retour à la nature qui se fait en douceur loin des attroupements. Il faudrait être fou ou "pauvre" pour ne pas glamper

autour du monde comme en France.

TOURISTES IRRESPONSABLESAdoptée le 12 juillet 2010 au Parlement, la loi Kouchner scandalise : si l’État engage des frais pour venir au secours des Français « qui se sont délibérément exposés » dans des zones déconseillées par le Quai d’Orsay, ils devront rembourser. Les TO d’aventure plaident non coupables. « Ce sera la mort de la Mauritanie, du désert algérien… » annonce Gérard Guerrier, DG d'Allibert qui décide de maintenir ses voyages dans certaines zones.

EUROSPLEENLES VILLES

LES PLUS ENNUYEUSES DANS L'ORDRE D'APPARITION

SONT :

BIRMINGHAMZURICHGDANSK

Selon la communauté de voyageurs TripAdvisor

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14 — A/R magazine voyageur / CARNET

septembre — octobre 2010/ N°02

1 150 !

DES OBJETSUTILES & FUTILES

BRIC-À-BRAC

19,90 ! 1,25 !

UN COUTEAU QUI MARCHEBaladeo

Connaissez-vous la MUL ? La marche ultralégère. Ses adeptes randonnent avec l'équipement le plus léger possible. Dans leur chasse aux grammes superflus, ils vont jusqu'à couper les étiquettes de leurs vêtements avec si possible un couteau ultraléger. Celui-ci qui pèse seulement 34 g fait des envieux. Blotti dans une poche, il favorise la MUL sans la charger. N'est pas réservé aux seuls randonneurs.www.baladeo.fr

GRIFFE D'OURS EN PENDENTIFArtisanat/Russie

Une griffe d'ours à 1,25 ! autour du cou, c'est possible à condition d'aller la chercher à Abakan, la capitale de la République de Khakassie en Sibérie méridionale. Chaque plantigrade abattu pouvant fournir 20 colliers cela fixe le prix de l'animal hors sa peau et sa viande à 25 !. En langue locale, Abakan qui est aussi le nom d'une rivière signifie « sang d'ours ». On comprend mieux pourquoi. On peut faire un saut à Abakan en montant sur Vladivostok Air.

POUR ROULER EN DOUCEURe-Solex

Autant que la baguette, il incarne la France depuis 1946. Aujourd’hui électrique, il a hérité de son aïeul un caractère placide. Pleins gaz, il se propulse à 35 km/h et cela en toute discrétion. A cette vitesse, les passants ont le temps d'apprécier sa nouvelle silhouette signée Pininfarina. JacquesTati le chevauchait avec style, Ophélie et Paul-Henri Vanthournourt sont en train de boucler un tour du monde en l'abreuvant de super 98.www.esolex.frwww.avelosolex.com

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16 — A/R magazine voyageur / CARNET

septembre — octobre 2010/ N°02

4 ADRESSESDANS L’HEXAGONE

PASSE À TON VOISIN

04 – À tire d’aileMoustier Sainte-Marie (04)

Aux portes des gorges du Verdon, le village de Moustier Sainte-Marie cerné par la lavande et les oliviers lézarde au soleil la plus grande partie de l’année. On peut à partir de là choisir de découvrir le sublime canyon en randonnant ou en empruntant les étroites et sinueuses départementales qui en font le tour, mais pour le coup d’œil rien ne vaut un vol en parapente à condition bien sûr de ne pas craindre le vertige. Suspendu dans les airs, on voit ce que voient les vautours fauves qui depuis une dizaine d’années ont élu domicile dans le coin attirés par le panorama certainement.www.rocnvol.com

01–À DIEU PLAISEMénil-Gondouin (61))

Entre 1871 et 1921, un curé dénommé Victor Paysant s’employa à recouvrir les murs de son église de peintures, gravures et sculptures. Il pensait ainsi servir sa religion, mais il irritait sa hiérarchie qui à sa mort fit effacer les fresques et ôter les sculptures glanées lors de pèlerinages. Après restauration, l’église réapparaît depuis quelques années sous son habit de lumière.

02 – TomatothèqueMontlouis-sur-Loire (37)

Au château de la Bourdaisière, la princesse est une tomate. Pour elle, Louis-Albert de Broglie a créé le Conservatoire de la tomate. Plus de 630 variétés croissent dans un jardin à elles spécialement consacrées. De toutes les formes, de toutes les couleurs, de toutes les origines, elles ont leur festival le deuxième week-end de septembre. Les passionnés et les autres peuvent dormir au château transformé pour une part en hôtel.www.labourdaisiere.com

03 – Y a pas le feu au lacAnnecy (74)

Par 20 m de fond, il y fait même un peu frisquet. Surtout ne pas se laisser abuser par les 20°C du premier mètre en été. Il n’y en a plus que 7 ou 8 dès 25 m ! On trouve au pied du Roc de Chère vers Talloires quelques-uns des meilleurs sites de plongée : le jet de la Rose ou le tombant du petit Pertuis. La découverte de la faune et flore d’eau douce est toujours une surprise : brochets et écrevisses se laissent facilement approcher. Le club est ouvert de fin mars à début décembre...www.profilplongee.com

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CARNET / A/R magazine voyageur — 17

N°02 / septembre — octobre 2010

4 ADRESSESSUR LA PLANÈTE

04 – ZINZIN DE ZINSOUCotonou/ Bénin

Dans un immense espace blanc, la fondation Zinsou présente l’art contemporain africain dans toute sa vitalité avec des artistes tels que Romuald Hazoumé ou Tchip. Un havre de culture et de fraîcheur dans une capitale accablée par le bourdonnement des zems (petites motos taxis) et la chaleur étouffante. Les enfants y sont nombreux grâce à un bus culturel qui fait des ramassages parmi les écoles les plus défavorisées et les plus lointaines.www.fondationzinsounews.org

02 – VÉLO REPASCopenhague/ Danemark

Gagner son pain à la force de la pédale ! L’Hotel Crowne Plaza veut dépenser moins d’énergie alors il a des idées : faire pédaler ses clients sur un vélo d’appartement relié à un générateur qui produit de l’énergie. Et comme le vélo, ça ouvre l’appétit, à partir de 10 watts, le pédalage donne droit à un repas gratuit. Plutôt que de courir pour rien dans le parc Tivoli, voilà une activité sportive qui permet de réduire son empreinte écolo et de s’offrir du saumon gravlax avec une Tuborg.www.cpcopenhagen.dk.

01 – Du gros, du tarponIles Bijagos/Guinée-Bissau

Dans l’océan Atlantique, au large de la capitale, Bissau, les îles Bijagos baignent parmi les eaux les plus poissonneuses au monde. Avec sa gueule patibulaire, sa silhouette préhistorique, le tarpon vole la vedette à tous les autres poissons. Le pêcher n’est pas une mince affaire vu que le monstre oscille entre 70 et 120 kilos. Redoutable au combat, il l’est aussi dans l’assiette avec ses centaines d’arêtes. Pour ceux qui voudraient s’y frotter, Laurent Duris a ouvert un camp de pêche sur l’île de Kéré. Dans le même temps, il a créé deux écoles et un orphelinat.http://bijagos-kere.fr

03 – L’art qui pousseParco Sculture del Chianti/Italie

Au pays du chianti, le petit village de Pievasciata se distingue des autres en misant sur l’art contemporain. Sous une forêt de chênes, des sculptures créées par des artistes du monde entier ont pris racine. On les découvre en cheminant le long d’un sentier qui se faufile sous les frondaisons. Mais comme on est dans le Chianti, il y a aussi un bar à vin où pour accompagner un bon verre on déguste de merveilleuses charcuteries.www.chiantisculpturepark.it

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18 — A/R magazine voyageur / CARNET

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A/R : Y a-t-il des saveurs qui vous ont donné envie d’aller voir, d’aller sentir, d’aller manger sur place ?François Simon : Oui. Par exemple, j’ai lu des livres sur la Sicile où l’on parle de cette odeur de fleur d’oranger, cependant j‘y suis allé de nombreuses fois sans jamais la trouver. J’y suis retourné récemment, et là, enfin, elle est arrivée comme un océan de félicité. Ce n’était pas dans une ville. En Sicile, elle sent les pots d’échappement et peut être monstrueusement laide, mais à la campagne où il y a des panoramas et des bleus qui n’existent nulle part au monde. Et cette odeur de fleur d’oranger qui vous pénètre ; c’est le fil conducteur. À partir de là, on peut croire à une certaine innocence, à une candeur, on peut remonter le fil des choses. C’est comme si l’on tirait le fil d’un tapis : on tire un bout qui nous amène au bout du couloir et donc au bout du pays. Ce goût de fleur d’oranger est essentiel à la compréhension de la Sicile. La saveur est une des clés pour comprendre un pays, ou en tout cas pour mieux le comprendre.

Votre premier souvenir marquant d’un voyage ?C’est le départ. Dans le voyage, le départ c’est la chose la plus importante. J’ai tou-jours rêvé de partir de la ville de mon en-fance et ça n’a pas manqué. Le départ est essentiel, personnellement j’adore compos-ter les billets. J’adore les gens qui courent après un train. Si vous voyez un crétin sourire sur un quai de gare : c’est moi.

Votre premier voyage tout seul, sans vos parents ?Je m’en souviens très très bien, c’est lorsque j’ai pu nouer les lacets de mes chaussures. Ça voulait dire que je pouvais quitter la maison. Ça a été mon premier voyage. Je suis sorti dans la rue avec mes chaussures dans une ville comme il en existe partout en France avec des trottoirs, des rues à traverser, de grosses voitures, de grosses maisons, de grosses portes.

Un livre qui vous a mis sur la route ?Nicolas Bouvier bien sûr, éternellement.

L’ENTRETIEN

Ce n’est pas simplement un écrivain de voyage. Souvent dans les librairies ces écri-vains sont rangés sur une étagère où il n’y a personne du reste, alors qu’ils devraient être sur les belles étagères. Bouvier, c’est magnifique. Avec lui on a envie de voyager, parce qu’il voyage très bien. Il se jette à l’eau. J'aime sa façon de voir, sa façon d’ai-mer les gens, d’observer, de se faire oublier, de se perdre. J’ai beaucoup appris avec lui.

Dans un pays inconnu, comment choisissez-vous votre restaurant ?J’essaie de mélanger l’innocence à la connaissance. Avant de partir, j’essaie d’avoir de vraies bonnes adresses qui ne sont pas touristiques. Sinon ça n’a aucun intérêt. On rencontre des gens avec le Guide du Routard et c’est une catastrophe, non pas que ce soit un mauvais guide, mais cela veut dire qu’on se retrouve dans un lieu commun qui a perdu toute sa fraîcheur. C’était une bonne adresse puisqu’il y a de bons enquêteurs, je le reconnais, mais c’est devenu un endroit avec des gens en short portant autour de la taille une ceinture banane qu’ils protègent comme si elle recelait les clés du Vatican. Quand ces lieux-là sont estampillés, vous savez qu’il y a un point de fixation et qu’il vaut mieux aller ailleurs où il n’y aura per-sonne. Donc, soit je pars à l’aventure, soit je suis des conseils. En plus, vous savez comme moi que les Français à l’étranger se tiennent très mal : ils parlent sous eux et c’est horrible.

Ils se tiennent mal à table ?Si ce n’était qu’à table. Ils ont l’impression que personne ne les écoute, donc on a le droit à une vision obscène du monde, des gens. Ça tourne toujours autour des prix, de la tronche des gens… Ils se laissent aller : « ça sent mauvais, je m’ennuie, j’ai faim ! ». Autant éviter.

Où allez-vous manger alors ?Je pars à l’aventure. Je gratte, je regarde. Au fil du temps, moi qui ne suis pas telle-ment un accumulateur de connaissances, j’arrive à sentir un endroit sur une bonne humeur du personnel. C’est quelque chose de très révélateur. Ça veut dire que cette personne est peut-être heureuse dans sa vie, en tout cas ça veut dire qu’elle est contente d’être là, qu’elle est bien considérée et pas trop mal payée, ça veut

GRANDS CHEFS, CACHEZ VOS TOQUES, VOICI FRANÇOIS SIMON. AU FIL DE SA PLUME AUSSI AIGUISÉE QU’UN

COUTEAU, IL NE RECHIGNE PAS À DÉCOUPER QUELQUES FAUSSES RÉPUTATIONS. S’IL NE DÉVOILE PAS SON VISAGE, ON LE RECONNAÎT AISÉMENT À SA VERVE RÉJOUISSANTE, QU'IL ÉCRIVE DANS LE FIGARO OU QU'IL SIGNE UN LIVRE.

IL A PARCOURU LE MONDE DE TABLE EN TABLE.

FRANÇOIS

« LE GOÛT DU VOYAGE »

Propos recueillis par :Michel Fonovich

Photos :Takeshi Miyamoto

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LE DÉPART EST ESSENTIEL, J’ADORE COMPOSTER LES BILLETS. J’ADORE LES GENS QUI COURENT APRÈS UN TRAIN. SI VOUS VOYEZ UN CRÉTIN

SOURIRE SUR UN QUAI DE GARE :C’EST MOI.

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LE PERCHEPercheron mon amour

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PARTIR / A/R magazine voyageur — 33

N°02 / septembre — octobre 2010

Textes et photos Christophe Migeon

Si bien peu de gens savent situer le Perche sur une carte, presque tout le monde connaît l’enfant du pays, un bon gros au cul rebondi. Quasiment éradiqué par les tracteurs et les moissonneuses-batteuses, le percheron fait un retour en force dans les campagnes pour les loisirs, mais retrouve aussi du travail en ville.

h, une promenade en voiture à cheval dans la campagne normande ! Les sabots crépitent sur le bitume de la route qui file entre les prés vert amande du bocage, le soleil batifole à travers la ramure des

vieux hêtres dans le secret des chemins creux... Mais arrêtons là cette aimable romance bocagère, car les deux chevaux sont des percherons et la carriole, une voiture de marathon. Voici quelques années que la famille Lebègue propose des sorties découvertes d’attelage sportif au cœur du Perche, pays de vertes vallées et de gras pâturages sillonnés de haies vives. L’attelage grande vitesse est à la balade à cheval ce que le VTT de descente est au cyclotourisme. Un pré fleuri de pâquerettes et semé de quelques saules au tronc noueux, offre tout de suite l’occasion de serrer des fesses et de se cramponner à son siège au

point de s’en blanchir les jointures. La voiture lancée à 25 ou 30 km/h virevolte entre les arbres dans un barouf de tous les diables. Les mottes de terre volent, les branches fouettent les joues. Les forces centri-fuges centrifugent, et les forces centripètes... font ce qu’elles peuvent. À ce rythme d’enfer, les chevaux ne tardent guère à fumer comme du linge sortant d’une lessiveuse. Les deux croupes pommelées d’un orage de petits nuages gris pâle se balancent, formidables, charnues et rebondies, entre leurs sangles de cuir. Impressionnantes enflures «botéromorphiques» évo-quant à l’amateur de peinture les galbes copieux des Odalisques d’Ingres ou des Baigneuses de Courbet. Quel bestiau que le percheron ! Voyons un peu ce que nous raconte la Société Hippique Percheronne de France qui gère, avec les Haras nationaux, les stan-dards de la race : « une taille moyenne d’1.68 m, robe grise ou noire, l’œil vif et sorti, les naseaux évasés, les jambes fortes, les genoux larges et carrés, les fesses descendues »... autant de caractéristiques qui pour-raient aussi bien s’appliquer à ma concierge. Mais tout risque de confusion s’évanouit avec les précisions sui-vantes : poids entre 500 et 1 200 kg, crins abondants, hanches longues, ganache effacée et pâturons clairs. Oui, ce descendant de chevaux arabes, récupérés selon la légende dans la débandade de la bataille de Poitiers puis engraissés et fortifiés par la générosité des prairies normandes, est décidément un cheval à part, aussi massif que la vie même.

A

PercheronLe Perche / Normandie

mon amour

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ODESSALes jours heureux

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PARTIR / A/R magazine voyageur — 43

N°02 / septembre — octobre 2010

OdessaLes jours heureuxOdessa & Kuyalnik / Ukraine

O-DE-SSA. Trois syllabes comme trois notes de musique. Au bord de la mer Noire, la ville somnole sous le soleil de l'été. Les plages ne sont pas loin. Elles aimantent les Odessites comme les estivants venus pour s'amuser, s'oublier, se délasser ou se soigner. O-DE-SSA. Comme une prière pour couler des jours heureux le temps des vacances. Odessa. Et dire que je n'y avais jamais pensé.

TextesAlbéric d’HardivilliersPhotos :Matthieu Raffard

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Istanbul

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Istanbul

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MALDIVESLes dessous chics

des atolls

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PARTIR / A/R magazine voyageur — 57

N°02 / septembre — octobre 2010

En équilibre sur l’équateur, l’archipel des Maldives somnole au ras de l’Océan Indien. Sous la surface, la vie bouillonne et tourbillonne

autour des récifs coralliens surpeuplés. Pour une visite des lieux, la croisière plongée s'impose.

Maldives

Textes & photos :Christophe Migeon

Les dessous chics des atollsLes Maldives / République des Maldives

Page 24: A/R Magazine numero 2

62 — A/R magazine voyageur / PARTIR

septembre — octobre 2010/ N°02

Maldives

à des raz-de-marée réguliers. Vagues et tempêtes gri-gnotent inlassablement les côtes, passent par-dessus les digues, disloquent les routes, abattent les mai-sons et contaminent les maigres réserves d’eau douce. Suite au tsunami de 2004, 20 îles sur les 200 habitées ont dû être évacuées. L’État fait son possible pour res-taurer les protections naturelles comme les barrières récifales ou les mangroves, mais les progrès sont trop lents. Et les modèles climatiques ne se veulent pas trop rassurants : certains prédisent que les îles seront inhabitables dès 2030 !

Une partie des revenus du tourisme est réinvestie dans un fond souverain destiné à acheter des terres à l’étranger en vue d’une relocalisation complète de la population. Dans le carré de l’Haryana, le sujet de la montée des eaux est sujet de grande polémique au sein de l’équipage qui achève son déjeuner. Le capi-taine, à l’instar des représentants de la classe aisée, envisage d’acheter un lopin de terre en Inde ou au Sri Lanka, tandis que les marins refusent simplement d’admettre une possible montée des eaux. « Je fais confiance à Dieu. Si ça coule, je coule avec ! » déclare Ahmed en lissant ses cheveux noirs et lustrés comme des ailes de corbeau. Son principal souci demeure ses trois enfants et leur capacité à décrocher un bon travail. Aux Maldives, où la langue locale, le dhiveli, ne conjugue que le présent de l’indicatif, le futur reste figure d’abstraction.

Les 10 plongeurs allongés sur des transats à l’avant du bateau ont d’autres préoccupations : cet

après-midi, il y aura-t-il du requin au menu de la plongée ? Ce matin, le décalage horaire a été rincé à grande eau avec une plongée de réadaptation sur l’épave du Kuda Giri. Coulée en 1998 par les clubs locaux sur un fond de sable, elle est déjà entièrement enveloppée d’une gangue de coraux, d’éponges et d’alcyonaires, véritable aimant pour la petite faune bigarrée et virevoltante de l’Océan Indien. Une bien agréable mise en bouche, mais qui a mis les plongeurs en appétit. Sébastien, le divemaster, est reconnaissable comme tout moniteur de plongée à sa longue crinière décolorée.

Avec le calme et la pondération d’un général conduisant une réunion d’état-major, il commence son briefing en rappelant les particularités de la plongée à venir. « Guraidhoo corner est une passe. Comme dans toutes les passes, il y a du jus. Le courant devrait être rentrant. La mise à l’eau est primordiale. Vous devrez sauter au signal donné et descendre immédiatement afin de ne pas vous faire embarquer. On s’installera sur le fond à 30 m et on attendra les requins. Au bout d’une vingtaine de minutes, je vous ferai signe de lâcher prise et de commencer la remontée dans le courant. » Encore tout émoustillé par ces promesses, chacun embarque sur le diving dhoni, ce petit bateau traditionnel trans-formé en quartier général de l’activité plongée. À la fois remise de matériel, espace de gonflage des bou-teilles loin des fragiles tympans des touristes, c’est aussi un moyen de transport rapide et manoeuvrant.

IncorrigibleAmphiprion nigripes surpris encore à faire le clown dans son anémone.

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La vie en roseAlcyonaires bien installés sur l'épave du Kuda Geri.

ON RECONNAÎT LE ROUQUIN AUX CHEVEUX DU PÈRE ET LE REQUIN AUX DENTS DE LA MÈRE.

Pierre Desproges

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TOKYO De l’aube à l’aubeTokyo / Japon

Textes Cécile VériéPhotosTakeshi Miyamoto

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Un jour se lève et puis s'en va. Déambulation dans la plus belle des villes moches. Tantôt provinciale, tantôt déjantée. Vivre Tokyo 24h/24h et tomber... d'épuisement!

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TOKYODe l'aube à l'aube

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uartier d’Harajuku. Le soleil se lève à peine quand je passe sous le grand torii qui précède le sanctuaire Meiji blotti au coeur d’une invraisemblable forêt qui défie tout autour d’elle le béton. Au-delà

de ce portail débute le monde sacré. J’oublie de saluer en inclinant légèrement mon buste comme le veut la tradition shintô. Promis, je me rattrape au retour. Personne sur mon chemin excepté la foule des arbres. Un souffle d’air caresse mon visage. Sensation de fraîcheur vite évanouie. Derrière les lourdes portes en bois du sanctuaire, un prêtre en costume blanc balaie déjà une cour dont la propreté me semble irré-prochable. Je me dis qu’il m’en faudrait un comme ça à la maison. Une demi-heure par semaine suffirait amplement pour briquer mon deux-pièces avec jar-din pas très zen. Au préposé du juyosho surpris de voir une cliente de si bonne heure, j’achète une omamori ou amulette que je fourre au fond de mon sac. C’est ma copine Emiko qui m’a conseillé cette démarche. Chaque fois qu’elle a eu besoin d’aide, elle est venue ici acheter une amulette. Sans trop y croire, je fais comme elle. Sait-on jamais ? Comme dit la dame du Loto, 100 % des gagnants ont tenté leur chance. Je ressors en oubliant de saluer.

Aux puces, une poupée de boisRendez-vous dans le quartier de Monzennaka-cho à proximité du sanctuaire Tomioka, où se tient un marché d’antiquités très réputé, le deuxième plus grand du Japon. À vélo, c’est quarante minutes. De préférence, je roule sur les trottoirs pour éviter de me frotter aux taxis foldingues. Dans la foule, je repère vite Kenishi Nishi qui se promène vêtu d’un kimono entre les étals, cherchant la pièce rare qui manque à sa collection d’abura-e. La peinture à l’huile, c’est son dada et c’était son métier en tant que galeriste. Le bonhomme a 92 ans et quand il me confie que, « tout ce qui touche à l’art lui donne de l’énergie », je le crois volontiers. Il n’a jamais vu de près une crème anti-vieillissement et s’en porte très bien. De l’art en crème et en tube, voilà l’avenir pour Pfizer et compagnie. Kenishi me refile quelques tuyaux pour dénicher des poupées traditionnelles en bois, en particulier les kokeshi, ces poupées avec une grosse tête et un corps

cylindrique. La kokeshi ressemble à la matriochka sauf qu’elle n’est pas russe, que sa taille n’a pas la même ampleur, question de régime alimentaire, et qu’elle ne s’emboîte pas avec ses semblables. Comme la matriochka, elle plait aux touristes.

Déjà dix heures ; j’enfourche mon vélo. Dans mon sac, l’amulette a reçu la compagnie d’une kokeshi d’un certain âge. En longeant la rivière Sumida jusqu’au quartier Kiyozumi Shirakawa j’aperçois la Sky Tree, la future tour de télécommunication, qui une fois achevée mesurera plus de 600 m et prendra le relais de la Tokyo Tower, célèbre copie rouge et blanche de notre Tour Eiffel. Au 5e étage d’un entrepôt désaf-fecté, qui côtoie de petites usines encore en activité, il y a la galerie d’art contemporain Taka Ishii où se retrouvent des peintres, sculpteurs et photographes, japonais et étrangers parmi les meilleurs. Le célèbre Nobuyoshi Araki, un jeune homme de 70 ans qui expose prétend que « la photographie commence jus-tement à 70 ans et que s’il ne vit pas jusqu’à 100 ans, il sera incapable de faire des photos ». Je me demande s’il connaît l’ancêtre du marché et s’il y a un âge pour aimer Tokyo. Je me demande aussi s’il n’a jamais fait le cliché d’une kokeshi dans une pose suggestive. Il en serait capable.

Un déshabillé à NakameguroAprès un frugal déjeuner, je me retrouve au milieu de livres anciens, d’estampes et de cartes du Japon qui s’entassent jusqu’au plafond dans la boutique Ohya-Shobo à Kanda. C’est le repère historique des bouquinistes et des universitaires. Depuis 128 ans, la famille Koketsu vend des ouvrages de collection sur les sciences, l’art de vivre japonais, le maniement des armes, et de nombreuses estampes (Ukiyo-e). Kimio Koketsu, le patron, lit le quotidien Asahi Shimbun qui titre « l’i-pad débarque avec fracas à Tokyo ». Ça n’a pas l’air de l’inquiéter. « Internet est un outil de communication très utile, mais c’est dans les livres que l’on peut apprendre à connaître la réalité des choses ». Je repars sans rien de nouveau à mettre dans ma musette. Il faut réagir. Une escale à Nakameguro, le quartier des stylistes branchés est l’occasion d’in-verser la tendance. Un petit déshabillé s’avère une proie facile. Pour célébrer cet achat, je m’accorde un

J’OUBLIE DE SALUER EN INCLINANT LÉGÈREMENT MON BUSTE COMME LE VEUT LA TRADITION SHINTÔ.

PROMIS, JE ME RATTRAPE AU RETOUR

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Les touristes au boulot

Texte et photos :Christophe Migeon

Passage à l'acte

Le tourisme solidaire : tout le monde en parle, mais le concept reste encore bien nébuleux, le plus souvent confondu avec le tourisme responsable ou humanitaire.Exemple concret d’un séjour dans le nord du Sénégal, pour une nouvelle approchedu voyage, impliquante et positive.

Il n’est pas toujours facile d’être un touriste. Il faut porter un short, une casquette, faire des photos qui ennuient tout le monde. La journée se dilue en visites stériles et s’achève souvent sur un vague sentiment de vacuité voire d’inu-tilité au monde. Du coup, depuis quelques années, certains voyageurs ont envie de se remonter les manches et de mouiller leur che-mise pour s’investir véritablement dans la vie des populations locales. Histoire aussi peut-être d’estom per un certain sentiment de culpabilité. Sous les bougainvilliers de son petit hôtel daka-rois, Denis Tirat, responsable de l’association Cauris, souligne qu’un voyage solidaire ne peut se faire que s’il y a partage financier mais aussi culturel. Voilà 20 ans que lui et sa femme Chantal organisent des chantiers de jeunes en soutien aux écoles du pays. Depuis 3 ans, ils ont su élaborer en collaboration avec l'agence Point-Afrique de nouvelles formules de séjour, de 8 jours en moyenne, permettant à des « tou-ristes » de s’impliquer dans la résolution de petits problèmes soulevés par les enseignants comme l’érection d’une clôture, l’installation d’une conduite d’eau ou de panneaux solaires, ou encore le rafraîchissement des peintures.

MAURITANIE

OCÉANATLANTIQUE

NORD GAMBIE

SÉNÉGAL

Dakar

Podor

GUINÉE

GUINÉE-BISSEAU

MALI

Un réseau d’animateurs sillonne la campagne pour sélectionner les projets en fonction de l’urgence de la situation et la dynamique du village. « Les groupes font 4 ou 5 personnes maximum. Ils sont nourris et logés chez l’habi-tant qui touche en dédommagement 6 500 FCFA (10 !) par jour et par personne. On compte 50 000 FCFA (80 !) par personne pour le finan-

cement des travaux. Au final, comme il y a peu d’hôtel et de restaurant, le coût du séjour n’est pas plus cher qu’un circuit touristique. »

Alain, jeune retraité de la SNCF et Liza, sa fille de 17 ans, débarquent tout juste de Marseille pour vivre l’aventure solidaire. Découverte de la mission la veille du départ : réfection des peintures de l’école d’un petit vil-

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PÉTAOUCHNOKMais qu’allait-elle faire dans cette galère ?

En pirogue sur la TsiribihinaMadagascar—Pour rejoindre les Tsingy de Behmara, véritables cathédrales de calcaire, on peut au départ d’Antananarivo prendre l’avion. J’ai préféré risquer la piste et laisser filer les jours et les heures en descendant le fleuve Tsiribihina. Quatre jours au fil de l’eau sur une pirogue avec une poule.

Texte et image :Christelle Bittner

Avant d’arriver à Madagascar, j’avais calculé mon itinéraire, tracer des traits sur des cartes inconnues. Peine perdue. Je ne connaissais pas encore la Tsiribihina qui allait m’imposer son rythme à sa manière de fleuve impassible qui fait le voyage jusqu’à la mer depuis l’éternité.Pour rejoindre le point d’embarquement au village de Miandrivazo, il faut à partir de la capitale enquiller de longues heures de route et de pistes. Plaines rouges et dénudées à perte de vue. Herbes rases soufflées par le vent. Quelquefois, une charrette tirée par un zébu apparaît sur le chemin puis disparaît on ne sait pas trop où. La route est un songe brûlant.

Sous le soleil les hommes chancèlent, les minutes agonisent. Et dire qu’au bout du chemin, des guides m’attendent. Le lendemain, aux premiers rayons, on me présente les deux hommes qui m’accom-pagneront : Olivier cumule les fonctions de pagayeur, guide et cuisinier. Il est placé à l’avant de la pirogue. À l’arrière, Justin est chargé de barrer. Lorsque les eaux sont basses, avec une longue perche, il prend la relève de son frère. Il y a une passagère inattendue : une poule qui je l’espère n’a rien prévu d’important pour demain ou les autres jours. Sans avoir lu son horos-cope, je lui prédis une fin prochaine.

Une bonne poussée détache l’esquif de la rive. Quelques coups de pagaie et il se glisse dans le cours tranquille du fleuve.

Ensuite il sera questions d’heures et de jours dont j’ai perdu le fil. L’aube et

sa fraîcheur nous accompagnent pour les plus belles heures de la journée, celles où les lémuriens taquinent les arbres, où les caméléons se devinent entre deux roseaux, où les pélicans s’envolent majestueux et les martins-pêcheurs promènent leurs coiffes ébouriffées au raz de l’eau. Ici se dresse une falaise où reposent sagement, têtes alignées vers le bas, une armée de chauve-souris. Là on fait escale près d’une cascade qui se jette dans un lagon cristallin. Un mirage au milieu du périple monotone.

Pour se distraire, on se salue, dix à vingt fois par jour. C’est le cours de mal-gache. « Salama » pour « bonjour ». « Salama tsara » pour « ça va bien ». « Misaotra bet-saka » pour « merci beaucoup ». « Veloma » pour « au revoir ». Les après-midi, mes paupières s’alourdissent tandis que la pagaie toujours creuse le fleuve.

Et, soudain, surgis de nulle part des cris : « vazaha », « vazaha »… Vazaha comme le nom qu’on donne ici aux Blancs. Le long de la rive, des gamins en shorts colorés, curieux et crâneurs courent, se jettent à l’eau. Ils nous rappellent que, hors du fleuve qui s’écoule, la vie bat, désor-donnée. Celle de la poule ne tient plus qu’à un fil. Ce soir au bivouac, elle doit ren-contrer une cocotte, non pas une cousine gallinacée avec qui caqueter, mais plutôt l’ustensile de cuisine avec qui mijoter.

Le lendemain, sur un gros bateau à moteur, des chasseurs tirent les canards en riant. Notre pirogue file, silencieuse et

dédaigneuse. Olivier plonge la main dans l’eau et dépose à mes pieds l’une des bêtes encore chaudes en précisant : « C’est très bon avec du gingembre, des tomates et des oignons. » Du canard au menu pour ce soir. Ce n’était pas prévu, mais ça chan-gera de la poule.

Le dernier matin, à l’arrivée au petit village de Antsiraraka la charrette à zébus attend mes bagages, mes jambes se remettent en mouvement, lentement je sors de ma torpeur. Justin, lui, repart pour remonter le cours du fleuve jusqu’à son village à l’aide de sa perche. Seul. Ça lui prendra plus d’une semaine. Moi, il me reste encore quelques heures de 4x4 et une traversée en bac pour atteindre le but du voyage, les Tsingy de Behmara.

Allez-y si…Vous aimez la vie au grand air, vous n’avez pas peur des silence s qui s’étirent entre deux conversations, vous adorez scruter à la jumelle les environs pendant des heures.

Évitez si…Vous êtes plutôt Relais & Châteaux, vous ne savez pas rester en place, vous gardez un mauvais souvenir du film « Délivrance »

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LHASSA EN SOLITAIREÉlodie Bernard—Elle rêvait de Lhassa et du Tibet, l’étrange pays de là-haut. Une obsession à la David-Néel, comme une envie de se faire soi-même une idée de se qui se trame derrière les crocs ennuagés des Himalayas, et puis aussi l’envie de botter les fesses aux interdits dans une ville à la trop longue tradition en la matière.

HEUREUX QUI COMME…… Élodie Bernard a fait un beau voyage

Texte et photo :Christophe Migeon

Il y a d’abord en mars 2008 l’embrase-ment d’une ville à l’approche de la flamme olympique, un coup de chalumeau qui va embraser les foules tibétaines, pas exacte-ment comme l’escomptaient les autorités de Pékin. Dans le sillage de l’anniversaire de la rébellion tibétaine du 10 mars 1959, des rassemblements menés par des laïcs dérapent et virent à l’émeute contre les non-Tibétains et leurs biens. Il flotte alors au-dessus du Potala comme un parfum insurrection ou pire encore, d’unité poli-tique. La répression fait 20 morts selon les Chinois, 223 selon les Tibétains. Les corps ont été laissés plusieurs jours dans les rues, ceux qui vont les chercher sont abattus sur place. L’accès à la « République autonome du Tibet » est alors verrouillé,

interdit aux voyageurs individuels. « Je voulais être aux côtés des Tibétains pour l’ouverture des JO. », raconte tout simple-ment Élodie, qui malgré son jeune âge (24 ans en 2008) s’est déjà bien frottée au voyage au long cours. À partir de 1995, elle découvre l’Inde, le Pakistan puis le Népal et l’Himalaya en compagnie de son père. Des pérégrinations asiatiques qui lui laissent le goût prononcé de la géopolitique au point d’en faire le centre d’intérêt de ses études, et cet impérieux besoin de sortir de sa chambre et d’al-ler se frotter à l’ailleurs. Le voyage donc, seule, forcément seule. « C’est indispen-sable pour rencontrer les gens » Après une cinquantaine d’heures passées dans un bus, plongeant sous une couverture à chaque contrôle de la police, elle parvient enfin à Lhassa. Regards étonnés, sourires entendus, clins d’œil complices, observa-tions soupçonneuses, la jeune étrangère ne manque pas d’attirer l’attention. Dans les tavernes enfumées, Élodie brode quelques amorces de conversation avec ses bribes de tibétain avant d’enchaîner en anglais. Dans une ville où les Chinois sont d’ores et déjà majoritaires, elle écoute, elle enquête, démêle les fils du quotidien, observe la coexistence teintée d’indiffé-rence glaciale des deux communautés, découvre une résistance discrète, mais aussi obstinée que le vent des hauts pla-teaux. « Par exemple, les Tibétains n’ont toujours pas adopté les nouveaux noms de rue chinois, tout comme ils ne prendront jamais un taxi conduit par un Han. Des amis bien informés avertissent des pro-chaines fouilles... C’est grâce à leur espace spirituel qu’ils ont encore la force de rele-ver la tête. » Élodie se faufile en anguille occidentale dans les méandres d’une capi-tale paranoïaque, où le voisin est peut-être un espion à la solde de la police ou peut simplement moucharder un beau jour de

peur d’être à son tour accusé de n’avoir rien dit. D’ailleurs un matin, la police déboule dans la chambre d’Élodie, avec à la clé une expulsion en bonne et due forme vers Pékin. Le souvenir du voyage laisse l’amertume d’un fond de thé au beurre de yak. « En l’absence complète de démo-cratie, je suis assez pessimiste quant aux chances de survie de la culture tibétaine. Les Chinois exercent un déni complet de toute expression identitaire. On ne peut hélas rien faire de l’extérieur, il faut que la pression s’exerce de l’intérieur ! » Les beaux voyages sont parfois cruels.

Bio expresss

1984 : Naissance 2007 : Magistère de relations internationales à la Sorbonne1998 :Premier voyage dans l’Himalaya2008 :Premier voyage au Tibet2010 :Sortie de « le vol du paon mène à Lhassa » chez GallimardProjet de roman et de voyage dans la corne de l’Afrique

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Argentine

BUENOSAIRES

MIAM-MIAMGoûts & saveursde Buenos Aires Textes & images:

Jean-François Mallet

À regarder dans son assiette, on ne croirait pas que Buenos Aires est un port. Il n'est pas né le Porteño qui s'étranglera avec une arête de poisson. Sa ville, elle regarde la pampa qui nourrit grassement le bétail appelé un jour à finir sur la parrilla (gril). En chaque Argentin sommeille un rôtisseur.

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01. Page précédenteEn France, les pommes soufflées sont l'apanage des grands chefs. Elles ne fréquentent que les grands restaurants. Ici, elles sont populaires et s'entendent très bien avec la viande

02. Le mate, boisson nationaleInfusion à siroter avec une pipette partout, à toute heure

03. Pour emporter, empenadasChaussons farcis (au choix: boeuf, poulet, jambon ...)

04. L'art de la grillade05. Inoubliable glace

à la confiture de lait

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CARNETTISTECoup d'œil, coups de crayon et de pinceau

JULIETTEVIVIERSur les traces de Henry de Monfreid—

Après des études à l’ENSAD, Juliette est partie plusieurs mois à bord d’un boutre sur les pas de Henry de Monfreid dans le cadre du projet « Nizwa dans les secrets de la mer Rouge » À Oman, à Djibouti, au Yémen et au Soudan, un équipage d'occidentaux à bord de ce bateau « archaïque » ne passait pas inaperçu. Les aquarelles ont été réalisées dans des conditions extrêmes : une chaleur suffocante et le mal de mer, car le bateau roulait beaucoup. Chaque mouillage offrait un répit pour peindre ces régions désertiques.www.juliettevivier.com

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